Lifetime piling up (ft. Nicholas)

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Lifetime piling up

Quinn Callahan & Nicholas Hurley

Samedi 21 Mars 2020.

La soirée est douce et belle pour un début de saison automnale. Je prends une courte pause sur le toit-terrasse des lieux, accoudée à la rambarde et verre d'eau fraîche en main. La pression finit par redescendre à mesure que mon regard se concentre sur les alentours. Il se promène sur la lune et suit le cheminement des étoiles dans un ciel entièrement dégagé. Il erre de fenêtre en baie vitrée, essayant de deviner ce que dissimulent les ombres derrière les rideaux tirés. Il suit le trajet des phares blancs et rouges en contrebas, alors que les conducteurs se pressent pour rentrer chez eux ou rejoindre leurs proches à l'occasion d'un repas, d'une activité. Car après tout, nous sommes en plein week-end. « Il est presque vingt heures. Les premiers invités ne devraient pas tarder. » Charlie, ma co-gérante et amie, vient de me rejoindre dehors. Nos yeux se croisent. Les siens sont confiants, presque sereins. Elle pose une main réconfortante sur mon épaule. « Ne stresse pas, Quinn. Je suis certaine que tout se passera bien. » J'aimerais partager son ressenti. Mais le montant des fonds à lever ce soir est plus élevé que jamais. Si nous échouons à atteindre notre objectif, le procès entier pourra être remis en cause. Ocean Life n'est qu'une ONG. Elle ne peut pas se permettre les services d'un brillant avocat. Du moins, pas sans l'aide financière de généreux donateurs. J'ai moi-même avancé une partie de l'argent, seulement cela commence à devenir compliqué et si nous voulons aller de l'avant, il faut que cette situation soit vite résolue. « Allons-y. » Charlie et moi échangeons un sourire et retournons à l'intérieur, nous tenant prêtes à jouer les hôtesses d'accueil.

Une bonne heure plus tard, la réception bat son plein et la pression se fait plus légère sur mes épaules. Mon discours a été parfaitement bien accueilli et a inspiré des applaudissements nourris. J'espère que le montant total des chèques reflétera ces chaleureuses félicitations. Désormais, je serre des mains au gré de mes rencontres, remerciant tous ceux qui ont pris la peine de se déplacer. Certains souhaitent avoir davantage d'informations sur le procès, d'autres se demandent si je n'ai pas peur de dresser ma petite fondation contre un géant de l'industrie soutenu par les lobbies. Je réponds à tous avec le maximum de franchise, bien sûr dans la limite de ce qu'il m'est possible de divulguer, l'affaire étant en cours. Je réussis à me dégager un moment et rejoins le chef de la sécurité, en poste près de l'entrée du bar. « Tout se passe bien de votre côté ? » « RAS, Ms. Callahan. » « Bien, merci. » J'ai confiance. L'équipe a été composée par Jan, patron de la WLS et ami. Je n'ai aucune inquiétude concernant la protection des lieux et de ses occupants ce soir. Je suis même persuadée que Jan passera lui-même nous voir d'ici peu. J'ai hâte de partager une coupe avec lui pour échanger les dernières nouvelles.

Dans cette attente, je fais mon travail et me dirige vers le bar, cette fois. Le proprio du Sixteen Antlers était une connaissance avant que ma fondation ne voie le jour. En découvrant son existence, étant lui-même un défenseur des océans, il a souhaité se proposer comme lieu d'accueil de tous mes galas et autres soirées, et à un budget défiant toute concurrence (surtout pour un endroit aussi réputé et prisé). J'ai bien évidemment accepté avec plaisir. C'est un vrai bonheur de pouvoir accueillir tous mes invités dans un tel établissement, avec une vue aussi imprenable sur la ville. Ce soir, nous sommes entre les mains expertes du chef de salle, un grand baraqué fan de tatouages. « Ca va, Quinn ? Tout le monde est content ? » « C'est parfait, merci ! Et pour vous ? » Je demande, faisant référence à tous les employés qui travailleront d'arrache-pied sous ses ordres, jusque tard dans la nuit (ou tôt le matin en fonction du point de vue). « T'en fais pas pour nous. On suit bien le rythme ! » Il m'adresse l'un de ses clins d’œil dont il a le secret et retourne en cuisine après avoir laissé passer une serveuse, plateau de petits fours chauds en main. Bien. Je suis donc officiellement tranquillisée de ce côté-là aussi.

Toutes mes cases mentales urgentes étant cochées, je peux enfin me diriger vers celle qui mérite ma reconnaissance la plus profonde. Je la repère installée à une table avec son petit-fils. Sourire lumineux aux lèvres, je me dirige vers eux en priant pour que personne ne m'arrête en chemin. « Hey, Nicky ! Contente que tu sois là ! » Je le serre brièvement dans mes bras et me tourne vers sa grand-mère. « Esmée… Merci. Du fond du cœur. Votre aide pour la mise en place cet après-midi a été indispensable. » Malgré son âge avancé, Esmée et l'une de nos plus ferventes bénévoles et ce, depuis de nombreuses années. « Vous avez tout ce qu'il vous faut ? » Je l'interroge, souhaitant m'assurer qu'il ne lui manque rien, avant de me tourner vers Nicholas. « Alors, quelles sont les nouvelles ? Si mes souvenirs sont bons, ça doit faire au moins trois ou quatre mois qu'on ne s'est pas vus, toi et moi. » Bien sûr, je ne compte pas les signes de la main lorsque que nous nous étions croisés devant sa maison et celle de mes grands-parents. J'attrape deux verres de champagne au passage et lui en tend un. « Il faut qu'on rattrape ça ! » Je m'exclame, parfaitement consciente qu'Esmée ne perdrait pas une miette de cet échange…

@Nicholas Hurley :l:

Spoiler:

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Qu’on se le dise, Esmée Hurley a une vie bien plus remplie que la tienne. Bien plus, son grand âge ne l’empêche pas de vivre sa vie et de faire ce qui lui tient à cœur. Et ce même si tu souhaiterais que ton aînée en fasse un peu moins et qu’elle suive les conseils de son médecin à la lettre. Ce n’est pas vraiment le genre d’Esmée, qui fait ce qu’elle veut quand elle veut le faire et qui ne se laisse pas limiter par son propre physique et les faiblesses de ce dernier. Dans un sens, tu ne peux qu’admirer les efforts de ta grand-mère et parfois, tu te demandes d’où elle tire toute cette force, ce n’est pas quelque chose que tu possèdes toi… Non, tu n’es pas du genre à gravir des montagnes ou en faire plus pour quelque chose que tu aimes tout simplement, tu te contentes de vivre et tu te laisses porter la plupart du temps.
Comme ce soir, la soirée est importante pour Esmée et la seule raison pour laquelle tu autorises ce petit écart, c’est parce qu’il s’agit tout d’abord d’une très bonne cause. Il faudrait être un monstre pour ne pas vouloir donner de son temps et un peu d’argent à Ocean Life, tu te sens suffisamment coupable à chaque fois que tu oublies de recycler et que tu dois acheter une bouteille d’eau en plastique alors… et en plus pour vous, la cause est un peu plus personnelle, vous connaissez la fondatrice de l’organisation, Quinn, et il te semble que cela fait depuis une éternité que ta route n’a pas croisé celle de la blonde. Et non, ce n’est pas un oubli de ta part, tu as juste été occupé. Avec Esmée, avec ton groupe, Février et Mars sont de très grosses périodes pour les mariages romantiques et pompeux à souhait… il y a une légère pause maintenant, avant qu’arrive le mois de Mai et les souhaits de tout ceux qui veulent se marier pendant les plus longs mois de l’année.
Donc même toi tu es content de sortir ce soir, et tu te débrouilles plutôt bien avec ton nœud de cravate, arborant un costume bleu marine pour l’occasion -histoire de ne pas dénoter avec l’atmosphère- et tu aides Esmée à terminer de se préparer, elle aussi ayant sortie une de ces plus belles robes pour l’occasion. « Regarde-nous, il faudrait qu’on fasse plus souvent. » commente Esmée alors que tu l’aides à enfiler ses chaussures. Oui, elle a sans doute raison, mais elle connait également ton aversion pour les endroits peuplés et autres fonctions de ce genre. Un peu ironique quand on connait ton métier, c’est certain. Esmée n’argumente pas trop tandis que tu lui rappelles qu’elle doit utiliser son fauteuil roulant ce soir, et c’est déjà une bonne chose en soit. Elle ressort souvent gagnante de vos échanges et tu n’es pas vraiment en mesure de lui refuser quoi que ce soit, il s’agit tout de même de la personne qui t’a élevée. Lui dire non est bien paradoxal au final.
Mais vous vous en sortez sans accroc et tu finis par installer Esmée à l’arrière de ton van et toi au volant. Conduire est une épreuve pour toi et c’est bien pour cela que tu évites les rues bondées, quitte à rallonger votre itinéraire de quelques minutes de plus. Mais cela se passe sans encombre et tu es bien content de pouvoir arrêter le moteur, prêt à guider Esmée vers la soirée. Il y a déjà du monde et tu essayes de repérer Quinn, mais cela se fait très naturellement quand elle doit se lancer dans un discours pour sa propre organisation. Et tu ne peux t’empêcher de la trouver extrêmement adulte et en contrôle en fait, il est certain que tu ne pourrais pas faire son métier et parler d’un sujet aussi sérieux et sensible devant autant de monde.
Esmée et toi vous vous joignez aux applaudissements et tu as juste le temps de t’assurer que les boissons devant vous sont bien non-alcoolisées, un autre aspect non-négociable de la soirée, que déjà Quinn vous rejoint. Tu lui offres un sourire et laisses Esmée prendre la parole dans un premier temps : « C’est parfait, il y a beaucoup plus de monde que prévu ! Tu devrais atteindre ton objectif financier sans trop de difficultés. » As-tu la moindre idée du sujet de conversation entre les deux femmes ? Non, absolument pas, mais cela ne t’empêche pas de te joindre à la conversation toi aussi. « Pas de soucis, merci de nous avoir invité. Tu connais Esmée, ce n’est pas vraiment son genre de dire non ! » Tu as un léger sourire sur le visage en disant cela, sourire qui est adressé à Esmée, qui feint l’innocence la seconde suivante. Tu refuses poliment la coupe de champagne que Quinn te tend, tu ne tiens pas à l’alcool et ensuite, tu es celui qui est en charge de vous ramener chez vous par la suite. « Ça remonte à si loin que ça ? » demandes-tu alors qu’elle te fait remarquer que vous ne vous voyez plus aussi souvent que cela. Tu n’avais pas réalisé que c’était sans doute trois ou quatre mois, tu t’en veux un peu, te mords la lèvre inférieure pour souligner ton embarras, trop désolé pour remarquer qu’Esmée suit l’échange d’une oreille attentive.
Tu sais déjà ce qu’elle pense de Quinn, tu sais également qu’elle aurait aimé vous voir ensemble, comme Esmée te l’a déjà fait remarquer, vous êtes dans la même tranche d'âge et Quinn est une fille bien. Tu le sais, sauf que les choses ne fonctionnent pas ainsi et qu’ensuite, tu n’es pas du tout prêt à être de nouveau en couple. Du tout. « Oh tu sais la routine, je me ballade un peu partout dans le Queensland pour des mariages ces temps-ci, donc je vis à moitié sur Brisbane et à moitié sur la route. » Tu n’aimes pas vraiment ramener 15 possible girlfriends sur le tapis et pourtant, c’est le groupe de musique qui occupe tout ton temps libre et ce depuis des années maintenant… en dehors de ça … rien d’autre, tu ne vas décidemment pas lui raconter les visites d’Esmée chez son généraliste ou le fait que tu as acheté un nouveau violon. « Ne te sens pas obligée de nous tenir compagnie Quinn, je sais que cette soirée est très importante pour toi. Enfin, Esmée a essayé de m’expliquer, je n’ai pas tout compris mais … oui, je suis certain que tu as bien mieux à faire que de trainer avec ce bon vieux Nicholas. »

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Je suis heureuse de pouvoir enfin remercier Esmée comme il se doit et surtout, comme elle le mérite. Elle est la plus âgée de tous nos bénévoles mais assez paradoxalement, personne (pas même moi) ne sait motiver les troupes aussi bien qu'elle. Son énergie semble inépuisable. Cette après-midi, elle a été d'une aide indispensable. Et même lorsqu'il lui fallait s'asseoir quelques instants pour reprendre un peu de forces, elle continuait à donner son avis par-ci, une ou deux directives par-là, afin que chaque personne présente donne son maximum et prépare la meilleure des soirées. J'ai beau être la fondatrice et responsable de la fondation, tout le monde connaît, respecte et écoute Esmée. Pour ma part, je la laisse faire, me contentant d'esquisser quelques sourires en coin quand je l'entends menacer (gentiment mais fermement) ceux qui traînent la patte et nous mettent en retard. Je serais bien stupide de ne pas profiter de cette sagesse et de ce temps précieux qu'elle accepte de m'offrir et d'offrir à notre cause, sans aucune contrepartie. « C’est parfait, il y a beaucoup plus de monde que prévu ! Tu devrais atteindre ton objectif financier sans trop de difficultés. » J'acquiesce tout en posant une main sur son épaule, reconnaissante. « Merci encore, Esmée. Demain, je vous appellerai pour vous informer du montant. Et s'il arrive à couvrir nos frais estimés, alors nous aurons une première victoire à fêter ensemble. » En espérant qu'elle soit suivie par une seconde que nous espérons tous avec davantage de véhémence : celle du procès.

Je me tourne vers Nicholas qui s'empresse de me remercier pour l'invitation, non sans préciser que sa grand-mère n'aurait pas accepté un refus. Mes lèvres s'étirent avec malice mais ma réponse n'en reste pas moins sérieuse. « C'est la moindre des choses. Nous n'en serions pas là sans Esmée, sans les bénévoles. C'est normal qu'ils puissent participer à la soirée qu'ils ont mis tant de cœur à mettre en place. D'ailleurs, c'est plutôt à moi de les remercier. Rencontrer les donateurs et répondre à leurs questions peut être aussi éreintant (sinon plus) que de les préparatifs ! Moi, c'est mon rôle, mais eux, ils ne comptent pas leur temps. J'ai beaucoup de chance. » Raison pour laquelle chacun a eu droit à un petit mot à la fin de mon discours, ayant entraîné la réaction attendue : des applaudissements nourris. Ceux qu'ils ont largement gagnés. J'attrape une coupe de champagne que je tends à Nicholas avant de réaliser qu'il a sans doute prévu de ramener sa grand-mère tout à l'heure, comme l'indique son refus poli… et le verre certainement rempli d'un soft quelconque, posé sur la table où les Hurley sont installés. Je vais tellement dans tous les sens depuis des heures que je n'avais même pas remarqué. Je repose donc la flûte intouchée sur le premier plateau passant à ma portée. « Oui, aussi long que ça… » Je confirme avec une moue coupable. « Entre mon boulot au CMS et cette histoire de poursuites judiciaires, j'avoue avoir un peu la tête sous l'eau. » Je sais qu'il ne m'en tiendra pas rigueur, exerçant lui aussi un métier prenant.

D'ailleurs, il me confirme avoir eu un planning chargé avec son groupe, à effectuer des allers retour entre Brisbane et les différents lieux des mariages pour lesquels on les a sollicités. « Je suis contente d'entendre que les affaires marchent bien pour toi. » J'ai beau ne pas avoir besoin des services de Nicky, je lui ai demandé de me faire écouter quelques-unes de leurs reprises ainsi que de leurs chansons originales. Je ne suis pas une professionnelle de la musique mais une chose est sûre : j'aime beaucoup ce qu'ils font. Leur réputation est, à mon sens, amplement justifiée. Avant que je ne puisse rebondir, mon ancien voisin, dans sa timidité légendaire, me précise que je ne suis pas obligée de rester ici pour discuter avec lui. « Arrête, j'ai fait le tour de la salle avant de venir te voir pour être sûre qu'on ne soit pas interrompus. Et Charlie est parfaitement capable de se débrouiller seule. J'avais hâte qu'on se donne des nouvelles, même si Esmée me tient quand même assez au courant. » Je précise, jetant un coup d’œil complice en direction de l'intéressée. Cette dernière est un peu plus silencieuse que d'habitude, pour une fois. Elle ne saute pas sur chaque occasion qui se présente pour nous rapprocher, pour sous-entendre que son petit-fils et moi irions bien ensemble. Elle sait que je suis en couple, maintenant. Son amie de toujours, ma grand-mère, l'avait tenue au courant. Mais Esmée avait-elle donné l'information à Nicky ? Les connaissant, elle et sa ténacité, je suis presque certaine que non. D'autant que je ne dois pas être leur sujet de conversation principal (fort heureusement).

Je pars donc du principe que mon ami ne sait rien. Loin de moi l'envie de piétiner le cœur de la vieille dame, seulement comme nous échangeons les derniers événements de nos existences respectives, je me vois mal retenir une information aussi importante. « Oh, et j'aime autant te prévenir qu'il va neiger à Noël. » J'ai manifestement piqué sa curiosité : qu'est-ce qui pourrait bien provoquer une chute de flocons en plein été ? « Je suis en couple depuis un peu plus de trois mois. Et devine quoi ? Ça se passe super bien. » Nicholas connaît pourtant mon amour du célibat. Un célibat que j'avais choisi voilà bien des années, et dans lequel je m'épanouissais totalement. « Ouais… Moi aussi ça m'a fait un choc. » Je plaisante en remarquant l'expression stupéfaite du musicien. « Et encore… Si je te disais qui il est je suis sûre que t'en reviendrais pas. Mais c'est une conversation pour un autre moment. » Un moment plus tranquille. Nicholas sait ce qui m'est arrivé lorsque j'étais enfant. Nous nous sommes connus très jeunes, avant de nous retrouver alors qu'il n'était qu'un adolescent et moi une jeune étudiante de dix-sept ans. Ce qui fait donc de lui l'un de mes plus vieux amis. Et sur ce sujet bien précis, je suis certaine que ma réalité dépasse de loin tous les scénarios des films romantiques qu'il aime tant…

@Nicholas Hurley :l:

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Peut-être qu’Esmée avait raison et que sortir de votre demeure te fera le plus grand bien. Parler à des adultes d’autre chose que la prochaine chanson qu’ils veulent entendre, ou parler à des gens de ton âge qui ne sont pas des amis et les fréquentations d’Esmée… Oui, vivre un peu et te rappeler que tu n’es pas juste un musicien ou le chauffeur personnel d’Esmée Hurley. Parfois, tu l’oublies, et tu es content de l’oublier et de te cacher derrière tes instruments pour une heure ou deux. Il faut dire que la réalité est plutôt ennuyeuse et qu’il y a quelque chose de particulièrement beau et de magique dans un mariage et ses coulisses. C’est excitant, très stressant et très prenant, mais tu as parfaitement conscience qu’il ne s’agit pas du quotidien de beaucoup et tu n’es pas particulièrement envieux. Tu te dis tout simplement que c’est autre chose. Et tu sais pertinemment que tu ne pourrais pas faire ce que Quinn fait, avoir ce niveau de responsabilité. Et plus que tout, elle est engagée, elle croit en quelque chose qui n’est pas sa propre personne et son propre monde et ça tu le respectes.
Plus jeune, Esmée était toute aussi engagée et avait autant la bougeotte que la blonde et elle t’a fait les récits des nombreuses protestations auxquelles elle s’est rendue, les rallies qu’elle a organisés et le nombre de fois où elle s’est retrouvée derrière les barreaux à cause de ses excès de zèle. Oui, avant que tu ne débarques dans sa vie, Esmée essayait de sauver le monde, et tu as toujours été admiratif, une partie de toi se demandant si elle regrettait tout cela et si cette vie ne lui manquait pas. Maintenant, elle arrive à joindre les deux bouts, mais il est certain qu’en décidant d’être ta tutrice légale et de te prendre sous son aile, sa vie a complètement changé. Donc oui, tu es reconnaissant envers Quinn, de la laisser participer et de ne pas se laisser arrêter par son âge, elle a encore plus de compliments pour ton aïeule et tu souris bêtement, tentant de rouler un peu des yeux face à la jeune femme. "Ne dis pas à ça à Esmée s’il te plaît, sinon, elle va vraiment prendre la grosse tête… Et je vais en entendre parler pendant des semaines et des semaines." Ton regard croise ensuite celui d’Esmée et tu la mets presque au défi de te contredire. "Quoi ? C’est vrai et on le sait très bien tous les deux, merci." Tu as un léger rire pour l’autre Hurley avant de te concentrer de nouveau sur Quinn, qui t’indique que oui, elle peut bien passer du temps en ta compagnie et qu’elle n’a pas encore des affaires pressantes à régler.
"Et okay, okay, mais si tu t’ennuies ou que tu ressens l’envie de bailler dans les cinq prochaines minutes, tu ne pourras pas dire que je ne t’ai pas prévenue hein." Car c’est bien elle la star de cette soirée et tu ne veux pas vraiment qu’elle l’oublie en trainant à tes côtés. Surtout que tu n’es pas la personne la plus douée pour faire la conversation, on te l’a déjà reproché, même Dahlia t’a déjà indiqué qu’il te fallait des cours pour réapprendre à parler aux gens qui ne sont pas musiciens. Tu écoutes cependant Quinn, pas du tout surpris que la conversation dérive sur vos vies sentimentales respectives, quelque chose qui revient assez souvent. Quinn te surprend en revanche par la bonne nouvelle et tu espères qu’Esmée a bien entendu cette partie de la conversation, car elle ne pourra plus te répéter que Quinn est quelqu’un de bien et que tu devrais l’inviter à diner un de ces jours. "Félicitations ? Pourquoi je n’apprends cela que maintenant ? Il va me falloir plus de détail, un nom et un prénom, à quoi il ressemble, une photo et comment vous vous êtes rencontrés... Est-ce que c’était le coup de foudre ou alors au début tu ne pouvais pas le supporter jusqu’à ce qu’il fasse LE geste qui change tout … ?"
Les questions fusent et arrivent très rapidement, et là soudainement, tu es intéressé. Il faut dire que te perdre dans les relations des autres est ce que tu fais de mieux et reste ton activité favorite. Tu es même payé pour le faire, combien de fois as-tu posé des questions toutes aussi personnelles à des clients tandis que Dahlia à côté de toi te prie de rester professionnel du regard et de ne pas trop dériver. Mais tu n’y peux rien, tu aimes l’amour sous toutes ses formes, et encore plus quand il se dessine sous tes yeux. "Et… au cas où tu te poserais la question, non, je ne sors pas beaucoup et ma vie amoureuse… c’est le néant depuis… Depuis quelques mois." Plus que quelques mois, d’ailleurs, tu es célibataire depuis un an et trois mois désormais, car oui, ta rupture fracassante avec Anton remonte à aussi loin que cela. Toi qui pensais que tu n’arriverais pas à passer ce cap sans t’effondrer… Comme quoi tu avais tort. Le temps a fini par passer par là et loin d’oublier l’autre homme, tu réalises encore plus à quel point tout ceci, c’était une belle erreur.
Tu ne laisses pas cela ruiner ton apparente bonne humeur, non, comme à ton habitude, tu chasses ton ex de ton esprit, car ce n’est ni le lieu, ni le moment pour y repenser. "Bref, je veux tout savoir, absolument tout."

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Autour de nous, la soirée bat son plein. La musique offre une atmosphère cosy sans toutefois perturber les nombreuses conversations qui s'entremêlent. Les donateurs échangent entre eux ou avec les bénévoles. Les voix sont claires, les sourires embellissent les visages. Les verres continuent de se remplir, et le large buffet est régulièrement réapprovisionné de petits fours et autres canapés délicieux. Je crois que tout le monde est heureux de se trouver ici ce soir et moi, je ne me lasse pas de contempler les fruits de nos efforts communs. Sans ma précieuse équipe, leur dévouement, leur énergie, cette levée de fonds n'aurait pas pu avoir lieu. Face à Nicholas, je ne manque pas de leur rendre les compliments qu'ils méritent, avec un (petit) extra pour Esmée, notre doyenne mais aussi et surtout, notre moteur. Son petit-fils n'est pas en reste pour lui glisser une remarque taquine. Elle est de bonne guerre, et on embête que ceux qu'on aime, non ? Fidèle à lui-même, Nicky veut être certain que nos retrouvailles ne m'empêchent pas de répondre à d'éventuelles autres obligations. J'ai tôt fait de le rassurer qu'au contraire, le revoir me fait extrêmement plaisir - un moment que j'attendais avec impatience. « Et okay, okay, mais si tu t’ennuies ou que tu ressens l’envie de bailler dans les cinq prochaines minutes, tu ne pourras pas dire que je ne t’ai pas prévenue hein. » « Si je baille dans les cinq prochaines minutes, ce ne sera qu'une énième tentative de mon corps pour me rappeler que je le malmène beaucoup trop ces derniers temps… » Des avertissements que j'ai choisi d'ignorer, ne pouvant me permettre de ralentir la cadence.

Nicholas et moi évoquons un court instant nos vies (trépidantes) de musicien et d'océanographe, mais comme toujours, nous dévions finalement sur un sujet plus personnel. Sauf que cette fois, j'ai une véritable nouvelle à partager avec lui : la célibattante convaincue que j'étais n'est plus. Elle est tombée sous le charme d'un homme, et pas n'importe lequel. Agréablement surpris, Nicky me félicite avant de me noyer de questions et d'y aller de sa propre hypothèse. J'éclate de rire puis prends rapidement un air des plus mystérieux, mon regard plongé dans le sien. « Et si je te disais que c'est encore plus romantique que ça ? » J'ai piqué sa curiosité, ça ne fait aucun doute. Nicky n'est cependant pas intrusif et il a compris que le lieu n'était pas idéal pour entrer dans ces détails-là. A la place, il anticipe (avec brio) ce que je m'apprêtais à lui demander, confirmant que pour sa part, il est encore bel et bien célibataire. Le quelques mois me fait tiquer. J'avais le souvenir que sa dernière séparation remontait à plus que cela, au moins un an, je crois. Je peux me tromper, à moins qu'il n'y ait eu quelqu'un d'autre depuis ? Je m'apprête à éclaircir ce point à lorsque Leah, l'une de mes plus jeunes bénévoles, arrive à notre hauteur. Sa mère l'accompagne. « On peut vous voler Esmée une seconde ? » Sans doute tient-elle à ce que sa maman rencontre cette dame pour laquelle elle voue une une profonde admiration. Lors des réunions, des préparatifs ou des divers événements, il n'est pas rare de voir Leah graviter autour de Mrs Hurley. Pour le plus grand bonheur de cette dernière, qui profite de cette oreille attentive afin de raconter ses anecdotes les plus marquantes.

Je me tourne vers Nicky. Autant saisir cette opportunité. « Qu'est-ce que tu dirais de prendre un peu l'air ? » Ensemble, verre à la main, nous quittons la salle et rejoignons la vaste terrasse. Même la nuit, la vue est toujours aussi belle. Bien qu'il ne fasse pas froid, la petite brise fraîche en a dissuadé plus d'un de sortir : nous sommes donc pratiquement seuls. Je m'accoude à la rambarde, laissant mon regard se perdre parmi les lumières de la ville. « Comment ça va vraiment ? » Mes yeux se plantent à nouveau dans les siens. Je sais que devant Esmée, il a tendance à se retenir un peu parfois, ne voulant pas l'inquiéter plus que nécessaire. « Tu avais rencontré quelqu'un d'autre ? Après Anton, je veux dire ? » Je l'interroge de nouveau. Ce n'est pas de la curiosité, au contraire. Nicholas est quelqu'un qui prend les choses à cœur. Il est facilement touché par ce(ux) qui l'entourent. Je préfère m'assurer que tout va réellement bien pour lui en ce moment, sans aucune ombre ou aucun nuage pour gâcher son quotidien. Je me permets d'ajouter, malicieuse. « Si tu veux que je te parle d'Elie - tu vois, je te prouve ma bonne foi, t'as déjà son prénom - il faut que tu te jettes un peu à l'eau aussi. Donnant donnant, non ? » J'appuie mes mots d'un petit coup d'épaule amical, espérant que Nicky finisse par s'ouvrir.

@Nicholas Hurley :l:

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Avant même l’existence de 15 possible girlfriends, tu aimais te perdre dans les récits des autres. Que ce soit les histoires d’Esmée, ou avec un bon roman posé sur tes genoux ou alors planté devant le petit écran, ou plongé dans le noir d’une salle de cinéma… La vie des autres parait toujours meilleure, toujours un peu plus excitante et tu peux regarder les décisions et les conséquences se dessiner et se dérouler sous tes yeux, sans vraiment y prendre part et sans exposer ton cœur. Cela a toujours été la chose la plus difficile à faire pour toi, car oui, tu es probablement un peu trop sensible, peut-être que tourner la page est plus difficile pour toi que pour certains. Alors, vivre par procuration, c’est sans doute pathétique pour la plupart, mais pour toi ? Pour toi, c’est une nécessité, un absolu pour que tu puisses te tenir sur tes deux pieds et pour que tu puisses continuer à vivre. Et dans ce domaine, les histoires d’amour sont tes préférées, car tu ne vois pas meilleur que cela. Trouver quelqu’un, qui vous comprend sans la moindre parole, sans jamais juger et sans poser de questions ? C’est un compromis parfait, et ces histoires-là, elles font naître un véritable sourire sur ton visage à chaque fois et ce, peu importe si tu les as déjà entendues ou pas.
Alors oui, tu es avide d’en savoir un peu plus sur la vie sentimentale de Quinn, parce qu’il est beaucoup plus simple d’oublier qui tu es et où tu te trouves, mais aussi et avant tout parce que vous êtes amis. Avant qu’elle ne se perde dans les détails, une autre bénévole vous accoste et demande toute l’attention d’Esmée, qui accepte, après tout, elle n’est pas là pour te tenir compagnie ce soir, mais bien l’inverse. Tu adresses un sourire sincère et poli à la nouvelle venue et ajoutes un : "Oui, bien sûr… fais-moi signe si tu as besoin de quoi que ce soit, okay ?" en direction d’Esmée. Esmée qui sait à quel point tu t’inquiètes et qui s’empresse d’acquiescer avant de s’éloigner et d’accaparer d’autres conversations. Chose qu’elle va adorer, tu en es plus que certain. "Je suis donc tout à toi pour le reste de la soirée." Que tu annonces, à la fois contenté et effrayé par cette idée, reportant toute ton attention sur Quinn. Qui suggère que vous vous éloignez un peu de la foule et tu n’émets aucune objection, la suivant sans y penser, t’accoudant toi aussi à la rambarde du balcon, observant la vue qui se dessine sous vos yeux.
L’atmosphère est paisible, assez pour que tu arrêtes de t’inquiéter pour Esmée l’espace de quelques secondes et quand ton regard croise celui de la blonde, tu es surpris par sa prochaine question. Elle insiste sur le dernier mot et tu détournes le regard, tu préfères fixer la semelle de tes chaussures puis un point dans la distance. Tu as envie de lâcher un soupir quand le prénom de ton ex est mentionné, tu aimerais vraiment qu’on cesse de te poser la question et qu’on arrête de penser que oui, c'est lui qui t’a brisé. C’est toi qui as rompu, pas vrai ? C’est toi qui devrais te tenir un peu plus droit parce que tu as pris la bonne décision. En te séparant de lui, en quittant un environnement toxique. Non, ta vie amoureuse n’est pas aussi polie que tu le voudrais, elle n’est pas parfaite non plus et tu es bien loin d’avoir la bague au doigt. Ce n’est pas une tragédie pour autant et il serait grand temps que tout le monde autour de toi l’accepte. "Je… Je vais bien." lâches-tu après une légère pause. Car c’est la vérité, tu vas bien, les mois les plus difficiles sont passés et tu ne crains plus de croiser Anton dans les rues de Brisbane, tu t’es fait à l’idée que cette partie-là de ta vie eh bien… elle est terminée tout simplement. "Vraiment. Le groupe me tient occupé, entre organiser les répétitions, les rendez-vous avec les mariés, les essayages, ce genre de chose, quand on signe pour une cérémonie, je n’ai plus vraiment le temps de penser à autre chose, et ça me va."
Contrairement à certains, tu fais ce que tu aimes, tous les jours, la musique est ta passion de toujours et tu peux en vivre, sans vraiment te soucier des lendemains ou d’une prochaine fois. Il y aura toujours des mariages et toujours quelqu’un pour décider que ton groupe et toi, vous pouvez parfaire une cérémonie. Tu te vois jouer de la guitare devant des couples pendant des années, et cela te va. Tu as un maigre sourire sur le visage, te redressant un peu, pas certain que Quinn soit satisfaite par ta réponse, tu ne vois pas quoi ajouter de plus. "Et puis, avouons-le, toi tu as des bonnes nouvelles à annoncer pas moi." Que tu marmonnes à demi-voix, car c’est la stricte vérité, sauf que tu n’as toujours pas répondu à sa question au final.
"Non, personne après Anton et… ouais ça fait presque un an maintenant. Un an et demi ? Qui compte ? Certainement pas moi." Le temps passe, les blessures guérissent et si tu n’es pas certain d’avoir récupéré toutes les parties de ton cœur, tu as appris à fonctionner, à vivre et à respirer avec tout ce qui te reste. Et c’est ça le plus important pour toi. "Mais c’est par choix je t’assure, le célibat, c’est ce qu’il me faut en ce moment, je peux me concentrer sur le plus important." Et tu n’es pas prêt à te relancer dans tout ça : les premiers regards, les flirts à la fois innocents et gênants, l’échange de numéro de téléphone, un premier rendez-vous encore plus intimidant et plein de pression… Non, rien que d’y penser, tu en as le tournis, alors tu préfères ne pas te concentrer là-dessus. "Donc ce Elie, je peux en savoir plus maintenant ?"

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Je ne veux surtout pas me montrer insistante, voire carrément envahissante, mais je connais Nicholas. Il ne se confie pas aisément. Il a besoin d'un petit coup de pouce, même face aux amis dont il se sent proche. Ce n'est plus un secret pour moi. Je sais également que parfois, il reste sur ses réserves afin de ne pas inquiéter Esmée outre mesure. Il est donc naturel que ma question ressorte alors que nous partageons un moment en tête-à-tête sur la terrasse du bar : comment va-t-il vraiment ? Sans grand-mère à préserver (elle est sans doute en train de raconter sa jeunesse avec fougue à des interlocutrices réceptives), et sans autres paires d'oreilles à proximité directe, le musicien a toutes les raisons de s'ouvrir. D'une voix posée, sûre de lui, il insiste sur le fait qu'il va bien. Son planning professionnel chargé ne lui laisse pas beaucoup de temps libre, et c'est un rythme qui le satisfait. Occuper son esprit l'empêche de le laisser vagabonder sur les terrains les plus dangereux. J'acquiesce, compréhensive. Comment pourrait-il en être autrement quand, quelques mois plus tôt, il m'a fallu user du même subterfuge pour m'éviter de sombrer dans un gouffre sans fond ? A l'instar de Nicky, le travail est mon échappatoire. Ma façon de prendre le temps dont j'ai besoin dès que les obstacles de la vie sont trop un peu trop compliqués à gérer.

Mon regard sonde le sien. Je sens qu'il dit vrai. Que ce n'est pas juste une manière de passer à un autre sujet. « Tant mieux. C'est tout ce qui compte. » Je conclus, sourire aux lèvres, définitivement rassurée à son propos. Nicky me rappelle à demi-mots que c'est moi, la porteuse de bonnes nouvelles, avant de me préciser qu'en ce qui le concerne, le dossier Anton est définitivement fermé. Et s'il l'est pour lui, alors il l'est également à mes yeux. Il ajoute que son célibat actuel est un choix, qu'il préfère focaliser son énergie sur autre chose que sa vie amoureuse, en tous les cas jusqu'à nouvel ordre. « En parlant du plus important, il faut que tu passes à la maison. J'aimerais écouter ce que vous avez fait avec le groupe dernièrement. » Reprises ou chansons originales, leur talent m'est toujours agréable à entendre. « Et ça te permettrait aussi de rencontrer Elie. » Il n'en faut pas plus à Nicky pour me rappeler qu'il attend les détails promis. J'attrape mon portable dans la poche arrière de mon Jeans et quelques secondes plus tard, affiche la photo de nous deux faite au mois de Janvier dernier. Le jour où, poussés par nos sentiments respectifs, Elie et moi nous sommes finalement ouverts l'un à l'autre.

« Il est américain. C'est un ancien SEAL installé à Brisbane depuis quelques années. Aujourd'hui il gère son entreprise de sécurité privée. Il a une fille de presque vingt ans qui vit ici aussi. » Je range le téléphone, plonge mes iris dans ceux de Nicky et lui adresse un sourire en coin. « Mais c'est pas tellement ça que tu veux savoir, je me trompe ? » Non. Ce qui l'intéresse c'est surtout les circonstances de notre rencontre. Parce que je lui ai juré qu'il n'en reviendrait pas. « Quand je t'ai raconté mon enlèvement, tu te souviens de ce que j'ai dit sur la façon dont j'ai été sauvée ? » J'imagine que c'est le cas. Difficile d'oublier que je ne dois mon salut qu'à un préadolescent m'ayant repérée à travers la minuscule fenêtre du sous-sol où j'étais enfermée. Enchaînée, pour être précise. « Ce fameux garçon… C'est lui, Nicky. » En parler, revenir à cet instant où nos regards se sont croisés pour la première fois, me remplit d'une émotion que j'ai du mal à contenir. « Trente ans plus tard, le voilà qui sonne à ma porte. Il a utilisé ses contacts chez les SEALs afin d'obtenir mon identité. Pour savoir ce que j'étais devenue. Et le hasard a voulu qu'on habite tous les deux la même ville… » Je secoue la tête comme si je n'y croyais pas moi-même. En vérité, raconter cette histoire à haute voix me donne l'impression de parler du scénario improbable d'un film romantique. « On s'est côtoyés quelques mois, on a appris à se connaître… » La suite, il la devine aisément. « Et voilà comment une scientifique chevronnée telle que moi a fini par croire au Destin. » Je conclus dans un souffle. Un trait d'humour… sur fond de vérité, même si j'ai encore beaucoup, beaucoup de mal à l'admettre.

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Ton célibat est complètement voulu, oui. Une chose qui peut être difficile à croire quand on connait ta profession ou même lorsqu’on te connait vraiment. Les personnes de ton cercle d’amis le plus proches savent que tu es un véritable romantique dans l’âme et que pour toi, être en couple, les démonstrations d’affections et tout ce qui tourne autour de chérir l’être aimé, c’est sacré. Et si monter un groupe de musique, c’est autant ton idée que celle de Dahlia, se produire exclusivement à des mariages, c’est ton initiative. Car tu ne conçois pas de jour plus heureux dans la vie d’un couple que celui ci. Se marier, décider de passer le reste de sa vie ensemble… c’est une étape tellement cruciale pour toi. Tu es vieux jeu, tu aimes penser que personnellement, tu ne sauteras le pas qu’une seule et unique fois et que cela sera avec la bonne personne. Bonne personne qui n’a pas encore croisé ta route pour le moment et même si on te la présentait là tout de suite, tu ne serais sûrement pas très réceptif. Ta dernière relation t’a rendu un brin méfiant et tu restes sur tes gardes, décidément pas prêt à donner ton cœur au premier venu ou à la première venue, oh que non, tu seras encore plus exigeant et sélectif la prochaine fois que tu te retrouveras dans cette situation. Sauf que tu n’y es pas encore et tu n’es pas encore prêt.
Aussi, tu es content que tes mots suffisent, que les explications suffisent et que la blonde n’insiste pas trop. Tout le monde ne se montre pas aussi tolérant sur ce sujet-là et pour certains, ton célibat est une belle erreur que tu vas regretter… enfin, c’est ce que certains disent. Mais tout ça, ce n’est que du bruit au final, personne ne peut te forcer à faire quoi que ce soit. Pour le moment, tu te concentres sur ta musique, et c’est la seule chose qui compte à tes yeux. C’est donc pour cela qu’il est très important que Quinn vous voit jouer, surtout avec les nouveaux musiciens qui vous ont rejoint. "Alors, déjà pour 15 possible girlfriends, le mieux serait que tu viennes à une de nos répétitions, si c’est juste moi avec ma guitare, ça ne rendra pas du tout justice à tout le groupe… du tout." Tu fais cette admission le plus humblement du monde et parce qu’il s’agit d’une vérité. Tu sais peut-être jouer de plus de trois instruments, et plutôt bien, mais te retrouver seul sur scène et être entouré des membres de ton groupe ? Ce n’est tout simplement pas pareil, pour avoir expérimenté les deux, tu sais largement ce que tu préfères. "Donc je te renverrai l’adresse de notre salle de répétition et tu pourras passer quand tu veux, on a toujours besoin d’avis critique." Tu ponctues ta phrase par un léger sourire, à la fois impatient et nerveux de l’avoir de nouveau dans ton public, deux sentiments contraires mais qui réussissent tout de même à cohabiter, l’espace de quelques secondes.
Juste avant que tu n’écoutes le récit de Quinn, un vrai sourire sur les lèvres, ne la lâchant pas du regard alors qu’elle te relève l’identité de sa moitié. Et en parlant d’une histoire parfaite… si ce n’était pas sa vie à elle, cette histoire aurait eu sa place entre des pages ou sur le petit écran, surtout quand on connait le parcours de la blonde et quel trauma elle a eu dans son enfance. Plus jeune, quand Esmée faisait en sorte que tu vois Quinn comme une camarade de jeu, tu avais dû mal à comprendre ses silences à elle, tu étais juste content qu’ils soient là, de parfaits reflets de tes propres silences à toi. Elle revient de loin, c’est certain. "Attends, tu as une histoire digne d’un véritable film et tu me poses des questions sur ma vie amoureuse… pfff, on aurait dû commencer par la tienne." Pourquoi perdre du temps à parler de tes déceptions et ton absence de partenaire ? Vraiment, autant rentrez dans le vif du sujet. "C’est LE destin, je sais, c’est complètement cliché, mais dès fois c’est bien d’accepter les clichés, surtout quand tu es aussi heureuse." Tu hoches frénétiquement la tête, certain de tes dires pour le coup, les clichés sont un peu ton domaine d’expertise alors… "Bon maintenant, il va falloir que tu me rappelles quelles sont tes chansons préférées, histoire que je prépare le groupe…" Car oui, quand tes amis sont concernés, tu es plutôt direct. "Oh oui, on joue à ton mariage, je ne te laisse pas tellement le choix en fait."

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Bien évidemment, Quinn ne se considère pas comme une pro de la musique, ni une connaisseuse. Pas autant que Jack. Pas autant que Nicholas ici présent. Mais elle en écoute beaucoup, à tout moment de la journée. Dans la salle de bains quand elle se prépare le matin. Quand elle fait son sport. Quand elle cuisine. Mêmes ses trajets en voiture, aussi courts soient-ils, ne sont jamais silencieux. Elle s'est abonnée à une application sur son téléphone qui lui a demandé ses préférences afin de lui faire découvrir d'autres chansons et musiques dans un style similaire et jusque-là, la blondinette doit bien avouer qu'elle en est hautement satisfaite.
En somme, ce bel art tient une place particulière dans son coeur, même s'il n'est que second dans son palmarès personnel (rien ne pourra jamais détrôner la littérature et surtout, les nombreux romans qu'elle dévore dès qu'elle en a l'opportunité).
Alors quand bien même elle ne sait jouer d'aucun instrument, quand bien même sa propre voix sous la douche lui fait peur, elle écoute tellement de sons tous différents chaque nouveau jour, qu'elle se sent capable de donner un réel avis à son ami. Elle acquiesce donc à son invitation. « Avec plaisir. Je te tiens au courant, et je passe vous voir très vite. J'ai hâte d'entendre ça ! » Un sourire à la fois impatient et chaleureux illumine son visage. Elle connaît Nicky. Elle sait la confiance qu'il lui accorde, en tant qu'amis de longue date, et elle ne le décevrait pour rien au monde : l'objectivité avant tout, quoi qu'il arrive. C'est ce qu'il attend de sa part. Et de toutes les manières, l'océanographe n'est pas du genre à encenser par pure politesse. Un comportement qu'elle abhorre lorsqu'elle-même est en demande d'un avis ou d'un conseil. Et comme le dit si bien la règle d'or : ne faîtes pas aux autres ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fasse…

Quinn évoque un éventuel passage en salle de répétitions avec Elie afin que le co-fondateur du groupe puisse faire sa connaissance. Naturellement, la discussion change aussitôt de sujet : elle a fait la promesse d'une histoire incroyable à Nicky et là encore, elle compte la tenir. Ses bras appuyés contre la rambarde, ses yeux effectuant des allers-retours entre son interlocuteur et le magnifique point de vue du Sixteen Antlers, elle se lance dans son récit.
Quand elle se tait enfin, son regard retrouve celui d'un Nicky déstabilisé. Il s'attendait sûrement à tout sauf à ça. Quinn échappe un rire alors qu'il lui reproche avec humour avoir évoqué sa vie amoureuse à lui avant la sienne, mille fois plus captivante.
Il lui confirme qu'il s'agit bien du Destin, cette notion qui, avant, arrachait à Quinn un rictus moqueur, voire dédaigneux. Et auquel elle croit dur comme fer, désormais. Comment expliquer de telles retrouvailles, sinon ? Ou que leur relation ait pris un tel chemin ?
« Je me suis longtemps demandé pourquoi j'avais survécu. Maintenant, il… il m'arrive parfois de penser que si Elie m'a sauvée ce jour-là, ce n'était pas pour que je puisse vivre ma vie. C'était… pour qu'on puisse vivre la nôtre. Ensemble. » Elle hausse les épaules, secoue la tête. Elle n'arrive pas à croire que c'est elle qui prononce de tels mots. « C'est cliché, oui. Beaucoup trop pour moi. » Elle plonge ses iris dans ceux de Nicholas et ajoute. « Mais tu as raison. Pourquoi devrais-je m'en soucier ? Je suis heureuse avec lui et c'est ce qui compte, au fond. »
Manifestement, son bonheur est visible, indiscutable, puisque la seconde suivante, Nicholas ne lui laisse aucune alternative : le jour de son mariage, c'est 15 possible girlfriends qui se chargeront de la musique. « Wow, ne t'emballe pas trop ! Que je sois en couple est déjà un immense pas pour moi - et tu le sais - alors qu'on me passe la bague au doigt… » Et pourtant. Avec Elie, c'est comme si cette idée lui était soudain plus douce, plus réalisable. S'il venait à faire sa demande, dans quelques mois, que dirait-elle ?
Se sachant sur un terrain plutôt glissant, Quinn préfère mener ses pensées ailleurs et répond d'un ton résolument léger. « En tous les cas ça tombe bien, parce que si jamais, je ne comptais pas te donner le choix non plus. »

Elle se retourne un instant pour observer l'intérieur à travers les baies vitrées, illuminé de mille feux. Les conversations vont bon train, les verres sont remplis, tout le monde semble profiter au maximum de la soirée. Quinn repère rapidement Esmée, en compagnie de Leah, et de sa maman. La vieille dame est en plein récit : son regard pétille de malice, et son public l'écoute avec une attention des plus évidentes. Un fin sourire étire les lèvres de la blondinette et elle s'exprime finalement, presque dans un souffle. « Merci, Nicky. » Elle porte son attention sur lui. Il est perplexe. « Merci d'accompagner ta grand-mère à chaque fois. De lui permettre d'être là, de nous aider, d'inspirer tous les jeunes qui la côtoient. Elle a une forte personnalité mais je suis persuadée que sans toi à ses côtés, elle ne se donnerait pas autant de mal. » Son petit-fils est son moteur. Quinn n'a jamais douté de ce fait et c'est devenu encore plus limpide depuis que les deux femmes se connaissent mieux. Esmée se bat pour Nicky, avant de se battre pour la génération qu'il représente et toutes les suivantes. « Je ne crois pas t'avoir jamais remercié. Il était temps que je change ça. » Elle lui adresse un nouveau sourire, plein de reconnaissance cette fois, avant de prendre un air plus malicieux. « Tu crois qu'elle m'en voudra longtemps d'avoir brisé ses espoirs de nous voir un jour ensemble ? » Ah, si elle avait gagné un dollar à chaque sous-entendu d'Esmée vis-à-vis de Nicky, elle n'aurait pas eu besoin de cette soirée pour régler les honoraires de son avocat…

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Tu sais très bien qu’en apparence, la vie de Quinn et même la tienne, ont l’air facile. En apparence seulement. Car on t’a déjà accusé d’être un peu trop sensible et de ne pas avoir de véritables raisons d’être aussi sensible ou d’avoir l’impression de porter le poids du monde sur tes frêles épaules. La réponse ne se trouve pas dans la vie que tu mènes maintenant, mais bien dans ton passé, les années avant Esmée, celles avec ta mère, celles dont tu ne parles que très rarement et qui elles aussi ont su laisser leurs marques. Un bon lot de souvenirs traumatisants et tout un tas de choses que tu ne pourras jamais avouer à qui que ce soit et qui pourtant, explique pourquoi tu as de grandes difficultés à te tenir droit, même maintenant. Et tu sais très bien que de son côté, Quinn pourrait tenir le même genre de discours, et ce, même si tu estimes qu’elle se débrouille bien mieux que toi maintenant. Tu ne sais pas quoi, c’est sans doute les responsabilités et le fait qu’elle se soucie de quelque chose de beaucoup plus grand qu’elle, tout ça, ça la rend un peu plus adulte. Alors oui, tu n’es pas là pour la juger mais bien pour la soutenir et ce sans rien demander en retour parce que c’est ce que font les amis et c’est ce que vous êtes.
Accompagner Esmée à ce genre d’évènements ne te dérange pas tant que cela, ni entendre la blonde parler de sa vie amoureuse. Beaucoup aurait pu la juger et dire qu’elle essaye de voir des signes partout et qu’il s’agit juste d’une drôle de coïncidence qu’elle connaisse déjà Ellie… mais définitivement pas toi. Tu vis pour ce genre de faits divers et savoir que quelqu’un de ton entourage proche peu avoir une fin parfaite, digne d’un film qui aurait été scripté et filmé avec des dizaines de caméras, cela te convient parfaitement. "Ne pas m’emballer ? Tu sais à qui tu parles au moins ? Bien sûr que je vais m’emballer, et oui, tout ce qui compte, c’est que tu sois heureuse, peu importe si c’est complètement cliché ou autre…" Tu parles d’expérience, l’avis des autres n’entre pas vraiment en jeu quand il s’agit d’être complètement heureux. Surtout heureux en couple. Alors oui, ton expérience est plus négative que celle de Quinn et si tu as complètement ignoré les défauts et l’infidélité d’Anton pendant un petit moment, c’est parce que tu t’es cru heureux tout simplement. Et qu’à tes yeux, cela valait beaucoup, rentrer dans un mur notamment et que tu t’es même brûlé les ailes au passage. La question est juste de savoir si tu as des regrets ou pas ? Tu en as quelques-uns, mais c’était à refaire, tu es quasiment certain que tu n’hésiterais pas une seule seconde.
"Personne ne peut se mettre à ta place ou te dicter ce que tu es censée ressentir alors… profite-en… vraiment." Tu fais de ton mieux pour rassurer Quinn, à ta façon, avec un léger sourire sur les lèvres, et tu suis son regard à elle lorsqu’il se pose sur Esmée. Qui est en plein milieu d’une conversation et qui ne semble pas manquer d’énergie elle. Tu te demandes si tu feras pareil à son âge et si tu auras encore la force pour faire les choses qui te tiennent à cœur. "Hey, t’as pas besoin de me remercier, si tu dois dire merci à quelqu’un c’est Esmée. Sans elle, je serais bien incapable de me tenir droit ou d’avoir une conversation avec qui que ce soit…" Et tu n’es pas en train d’exagérer ou d’envoyer des fleurs à ta grand-mère, juste parce que tu peux le faire, loin de là, tu es sincère, elle s’occupe de toi et tu t’occupes d’elle, c’est l’accord tacite que vous avez passé il y a des années, au moment où elle est devenue ta tutrice légale. Ou celle qui se charge de ta vie amoureuse, enfin du moins elle essaye, elle a essayé avec Dahlia, elle a essayé avec Quinn, Esmée est plus douée pour repérer tes amies que de futures Mrs Hurley. "Je pense qu’elle a compris depuis longtemps que toi et moi on serait juste des amis, elle insiste juste, elle ne veut pas me voir finir tout seul. Elle s'est mariée avec l’amour de sa vie, qui nous a certes quitté il y a longtemps mais… elle veut la même chose pour moi, c’est normal, non ?"
Tu n’as jamais connu ton grand-père, tu ne le connais que grâce aux récits d’Esmée et les différentes photos qui jonchent la demeure dans laquelle vous vivez. Mais d’après ce que tu as pu comprendre et la façon qu’à ta grand-mère de le décrire, c’était l’homme de sa vie. "Moi je dis, ça arrivera quand ça arrivera et en attendant, je l’aide du mieux que je peux. Donc tout le monde y trouve son compte au final." Un compromis qui te va très bien pour le moment et tu n’as pas l’impression de manquer quoi que ce soit, contrairement à ce que certaines personnes pensent. "Bon ça veut aussi dire qu’Esmée a plus de vie sociale que moi, mais, j’essaye d’y remédier, ce qui veut dire, qu’il faut qu’on se voit un peu plus souvent toi et moi. Et si jamais tu veux me présenter ce fameux Ellie, je suis pour moi…" Tu lances l’idée, surprise par ta propre initiative.

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Les événements se sont succédés si vite, l'année dernière. Avec une telle force et une telle empreinte émotionnelle que Quinn s'est longtemps demandé si elle devait avoir confiance en ses sentiments naissants pour Elie. Dans le domaine professionnel, la contre-expertise falsifiée de Jasper et Caelan lui avait déjà donné quelques sueurs froides, mais ce n'était rien comparé à ce qui l'attendait encore. L'accident causant la mort de son frère et sa belle-soeur, son statut de tutrice vis-à-vis de sa nièce qui, finalement et après une poignée de mois en Australie, avait choisi de retourner aux Etats-Unis, chez les parents Callahan. Quinn avait eu beaucoup de mal à ne pas se laisser anéantir par cet échec, quand bien même elle n'en est pas réellement responsable (comme ses amis proches le lui avaient maintes fois rappelé).
Alors, quand Elie avait débarqué dans sa vie un doux matin de novembre en affirmant être ce jeune garçon dont elle n'avait jamais oublié les traits, l'océanographe s'était raccrochée à lui comme si sa vie en dépendait. Parce qu'il était son salut, une nouvelle fois. Le seul rayon de lumière dans la pièce obscure de son quotidien. Peu à peu, elle était tombée sous son charme. Et elle avait dû se battre contre des doutes terribles et insidieux : et si elle n'était pas vraiment amoureuse d'Elie ? Si c'était parce qu'elle voulait qu'il la sauve encore, comme trente ans plus tôt ? Parce qu'elle l'idéalisait, quelque part ? Après tout, ne l'avait-il pas arrachée des griffes acérées d'un monstre ? Empêchée de subir un sort aussi épouvantable que funeste ? Et si… Et si ce qu'elle ressentait n'était pas réel ?
Aujourd'hui encore, et même si elle commence à se sentir mieux vis-à-vis de tout ça, Quinn ne peut pas non plus affirmer être totalement sereine. Parfois, la nuit, cette angoisse revient en force pour l'étreindre, beaucoup plus fort que les bras pourtant si réconfortants d'Elie. Elle la chasse, du mieux que possible, consciente qu'il faudra du temps avant qu'elle ne disparaisse.
Mais les mots de Nicky lui font du bien. Il n'a même aucune idée de leur portée. Il a raison, au fond. Tant qu'elle est heureuse, tant qu'Elie est heureux, tant qu'ils sont heureux ensemble, c'est tout ce qui importe. « J'y compte bien. » Conclut Quinn, un sourire sincère et reconnaissant gravé sur ses lèvres.

Elle se retourne, cale son dos contre la rambarde et observe l'intérieur de la salle. La soirée est une réussite, mais sans son équipe et sans Esmée, qui a été un véritable moteur tout au long des préparations, rien ne serait aussi parfait. Elle réalise n'avoir jamais pris le temps de remercier son ami d'être aussi présent, aussi disponible, permettant ainsi à sa grand-mère de s'impliquer dans la fondation autant qu'elle le souhaite. Nicky insiste : il n'y est pour rien. Lui-même ne serait pas là non plus, sans Esmée. Ils prennent soin l'un de l'autre. Ils ont là l'un pour l'autre. C'est de cette manière qu'ils ont toujours fonctionné, aussi loin que Quinn s'en souvienne depuis le moment où Nicholas et elle se sont retrouvés, plus d'une décennie plus tôt. Elle admire leur lien. La puissance de ce dernier. Leur complicité. « En fait, elle m'a expressément demandé de ne plus la remercier. » Avoue Quinn dans une grimace mi-amusée, mi-contrite. « Il paraît que je le faisais trop souvent. » Car Esmée est comme ça. Elle donne parce qu'elle le veut. Pas pour recevoir en retour.
Avec humour, Quinn demande à Nicky si Esmée lui en voudra longtemps, d'avoir brisé ses espoirs de les mettre en couple tous les deux. Même si dans le fond, Mrs Hurley devait bien savoir qu'il ne se passerait rien. Ou ce serait déjà fait. « Bien sûr que c'est normal. Et d'autant plus pour quelqu'un qui a tant vu, tant partagé avec sa moitié, main dans la main. Tu sais, pour le peu qu'elle m'a dit de ton grand-père et de ce qu'ils ont vécu ensemble… Je serais la plus heureuse si je pouvais avoir ne serait-ce qu'une infime partie de ça avec Elie. »

Mais Nicky a raison. Il ne peut tout de même pas laisser son infatigable grand-mère avoir plus de vie sociale que lui, n'est-ce pas ? Quinn éclate de rire, remettant une mèche de cheveux rebelle à l'abri derrière son oreille. La brise persistante commence à la faire frissonner. « On va faire un deal, toi et moi. Je passerai te voir à l'une de vos répétitions, et on trouvera une date pour que tu viennes déjeuner à la maison et rencontrer Elie. » Son expression se fait finalement un peu plus malicieuse, et elle ajoute. « J'inviterais bien Esmée, mais ça augmenterait son score de vie sociale en même temps que le tien… Et elle n'en a pas besoin, il me semble. »
Ses yeux rieurs reprennent un peu de leur sérieux. Les bras serrés contre la poitrine, Quinn décide d'abandonner la terrasse et sa vue à couper le souffle. Et puis, aussi agréable soit ce moment en tête-à-tête avec son ami, elle sait qu'elle ne peut pas se permettre d'abandonner tous les autres trop longtemps non plus. « On retourne voir la Reine de la soirée ? » Demande-t-elle à Nicky, le regard posé sur une Esmée plus énergique que jamais à travers l'immense baie à galandage.

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