I hope you still feel small when you stand beside the ocean, whenever one door closes I hope one more opens. Promise me that you'll give faith a fighting chance, and when you get the choice to sit it out or dance, I hope you dance. ☆☆☆
Hassan se sentait un peu coupable du regain d'attention dont Fatima faisait preuve à son égard, ayant bien compris le stratagème dont elle faisait état, comme pour essayer de compenser le fait de ne l'avoir pas vu dériver pendant les semaines et les mois qui avaient précédé. Comme si elle se persuadait que c'était de ne pas manger à sa faim qui l'avait poussé à tenter de commettre l'irréparable, et qu'elle parviendrait à l'empêcher de recommencer en le gavant de loukoums et de tcharek à la moindre occasion. Et lui se laissait faire sans broncher parce qu'il savait qu'elle prenait sur elle, que par dessus la peur bleue qu'il leur avait infligé à tous il y avait aussi un peu de reproche, parce que ce qu'il avait fait n'était pas qu'un affront à sa propre vie et à l'attachement qu'on lui portait, c'était aussi un affront à leurs croyances. Alors il ne mouftait plus et se tenait à carreaux, et si cela passait aussi par le fait d'accepter le dernier tcharak malgré les protestations de son désormais appétit de moineau, alors il le faisait sans discuter. Il avait poliment refusé pourtant lorsqu'elle lui avait proposé de rester pour le repas, prétextant - sans mentir - avoir quelques recherches à faire à la bibliothèque de l'université, mais les gratifiant elle et son mari de remerciements quant à l'aide qu'ils lui avaient fourni pour l'aider à déchiffrer quelques documents obtenus aux archives de ABC. Des documents que son arabe approximatif et encore en apprentissage ne lui avait pas permis de comprendre dans leur intégralité, et qui faisaient un peu plus de sens désormais, malgré les subtilités que l'arabe algérien qui était le leur n'avait pas permis de rendre entièrement limpides.
Pas pressé pour autant, il avait ignoré le passage du bus à proximité et remonté la rue à pieds. Il connaissait Logan City comme sa poche, les rues, les raccourcis, et le chemin le plus court jusqu'à l'université cela va sans dire, il l'avait suffisamment pratiqué. S'il avait voulu il aurait même pu bifurquer à gauche plutôt qu'à droite, et alors il se serait retrouvé dans la rue que son frère et lui avaient parcouru en long, en large et en travers avec leurs vélos, jusqu'à la maison avec la boite aux lettres bleue où il avait passé les quinze premières années de sa vie. Réajustant la bandoulière de sa besace sur son épaule, il s'apprêtait à traverser pour changer de trottoir lorsqu'une voiture avait déboulé à toute berzingue au coin de la rue et l'avait forcé à reculer au dernier moment et à manquer de peu perdre l'équilibre afin d'éviter la collision. Interloqué, il n'avait même pas eu le temps de réagir et était resté immobile quelques secondes, jusqu'à ce qu'on couinement ne le sorte de sa rêverie et ne le ramène sur terre. Balayant la route du regard il avait intercepté la silhouette boitillante d'un chien qui trainait la patte en tentant de remonter sur le trottoir. Et son cœur bien sûr s'était écroulé comme un château de cartes, parce que si Hassan faisait déjà profiter les animaux de sa bienveillance habituelle depuis toujours, la chose était encore plus vraie depuis qu'il possédait lui-même un chien auquel il avait eu le loisir de s'attacher. Et de s'y attacher même encore plus qu'il ne l'aurait pensé, s'il était tout à fait honnête. « Eh bah mon beau, t'es tout seul ? » Pas de maître à l'horizon en tout cas, et pas de collier non plus pouvait-il constater maintenant qu'il s'était suffisamment approché. Tendant la main avec précaution pour ne pas lui faire peur, il avait laissé l'animal approcher, sur trois pattes et dans un équilibre un peu précaire « Viens-là, viens. » Posant un genou à terre il s'était mis à sa hauteur et avait passé une main rassurante sur son encolure, jetant un œil soucieux à sa patte arrière sans oser y toucher. « Il ne t'a pas raté, cet abruti. » Regardant à nouveau autour de lui comme s'il espérait voir le propriétaire de l'animal surgir de derrière un buisson, il avait caressé le sommet de son crâne avec son autre main « Et si on allait faire soigner ça, qu'est-ce que tu en dis ? » Il y avait un vétérinaire à dix minutes à pieds de là, ça aussi Hassan le savait à force d'avoir écumé le quartier.
Les dix minutes s'étaient cela dit transformées en une petite demi-heure, l'animal avançant à un rythme plus que réduit, et Hassan ne préférant pas se risquer à le porter sans être certain de la manière dont il pourrait réagir. C'était un gabarit un peu similaire à celui qu'aurait Spike d'ici un mois ou deux, lorsqu'il aurait définitivement atteint sa taille adulte ; Du genre labrador ou Golden, bien que le brun ait toujours eu un peu de mal à différencier les deux. Arrivés à destination homme et animal avaient été accueillis par la secrétaire qui, estimant la situation, avait accepté de faire passer la bête entre deux rendez-vous et prévenu le vétérinaire. A peine ce dernier avait-il vérifié la puce et confirmé à Hassan que l'animal avait bel et bien un propriétaire il lui avait proposé de partir, en lui assurant que Ben - puisque c'était son nom semblait-il - était entre de bonnes mains et que même s'il allait lui faire passer une radio par mesure de sécurité il y avait probablement plus de peur que de mal. Un peu dubitatif, pourtant, Hassan avait secoué la tête « Est-ce que ça vous embête, si j'attends que son propriétaire arrive ? Je serais plus rassuré en sachant que quelqu'un est bien venu le chercher. » Pas qu'il n'ait pas confiance, mais il n'arrivait pas à se résoudre à laisser l'animal tout seul ici, aussi qualifié le vétérinaire soit-il. « Vous pouvez patienter à côté si vous le souhaitez, oui. Ma secrétaire va s'occuper d'appeler le propriétaire pendant que nous lui faisons passer sa radio. » Et Hassan, donc, ne s'était pas fait prier et était allé s'installer sur l'une des chaises libres de la salle d'attente, sa besace posée sur ses genoux, et avec pratiquement le même air soucieux que s'il s'était agi de son propre chien, en fin de compte.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Depuis que Joanne était revenue de son séjour chez sa grand-mère, qui habitait un petit village non loin de Perth. Elle souriait beaucoup plus, ses idées noires la rongeaient moins. Tout allait globalement mieux dans sa vie de couple, même sa vie tout court. Elle appelait encore régulièrement sa grand-mère, elle y était toujours autant attachée. Cette denrière se montrait particulièrement enthousiaste pour le mariage, ayant grandement approuvé le choix de robe de sa petite-fille. "Tu vas faire fondre Jamie, là-dedans". lui avait-elle dit. Sa grand-mère avait encore les idées bien en place, Joanne l'adorait plus que tout. Daniel, son fils, était plus que ravi que sa mère soit de retour, après deux semaines d'absence. Dire qu'il avait six mois, dur de le réaliser. Il apprenait de jour en jour. Même Milo, le plus petit des chiens, semblait commencer à comprendre qu'il fallait y aller mollo avec les bébés. Installé sur le tapis de jeu par terre, il avait enfin l'occasion d'approcher d'un peu plus près son petit maître. Joanne restait à côté, les surveiller d'un oeil attentif. Daniel portait sa main sur le chien, et Milo se laissait faire, sans soucis, touchant parfois le bout de son nez avec son museau humide. Cela faisait loucher le petit, qui finissait par s'esclaffer de ce contact. Il voulait lui donner ses peluches mas elle l'en empêchait à chaque fois, finissant par le convaincre qu'il ne pouvait lui donner que les jouets pour chien. Le téléphone fixe retentit soudainement. Reprenant le petit dans ses bras pour éviter tout incident pendant le coup de fil, elle prit Daniel dans ses bras pour décrocher. "Mr. Keynes ?" "Non, je suis Joanne Prescott, sa fiancée." "Très bien. Je vous appelle pour vous dire que votre chien, Ben, est à la clinique vétérinaire. Il a été renversé par une voiture et un monsieur a eu la gentillesse de le ramener chez nous. Le vétérinaire va passer une radio au chien pour voir si la patte n'est pas cassée." Joanne remercia chaleureusement la secrétaire de l'en avoir informée et lui annonça qu'elle arriverait le plus vite possible. Elle ne savait même pas comment Ben avait pu filer de la maison, c'était plutôt Milo qui avait tendance à fuir un petit peu. Elle ferma la porte de la baie vitrée pour qu'il ne s'échappe, et s'en alla s'habiller rapidement - et Daniel par la même occasion. En quelques minutes, elle arrivait à la clinique vétérinaire. Joanne n'avait même pas pris le temps de prendre le cosy ou quoi que ce soit quand elle était partie, et elle portait donc Daniel avec ses bras. "Je suis Joanne Prescott, vous m'aviez appelé il y a vingt minutes..." "Ah oui ! Miss Prescott. Je vous en prie, installez-vous, le vétérinaire s'occupe encore de Ben." "Merci encore." répondit la belle blonde, reconnaissante. Lorsqu'elle se retourna pour s'asseoir, elle ne s'attendait certainement pas à voir Hassan installé. Cela faisait des mois et des mois qu'ils ne s'étaient plus, son ex-mari préférant rester loin d'elle le temps de se reconstruire. Joanne n'avait même pas encore passé son premier trimestre de grossesse à ce moment là. Là, elle réalisa à quel point le temps passait vite. "Bonjour, Hassan." finit-elle par lui dire doucement, avec un sourire sincère. Elle s'installa sur l'une des chaises de la petite salle d'attente, non loin du beau brun. "Tu vas bien ?" C'était certainement l'occasion d'avoir un peu de ses nouvelles, qui sait lorsqu'ils se reverront. Il n'était franchement pas compliqué de deviner que le bébé qu'elle tenait était le sien : Daniel avait exactement les mêmes yeux que sa mère, et la couleur de cheveux que son père. "Qu'est-ce qui t'amène ici, dis moi ?" Elle se souvenait qu'il avait un chien, peut-être que le sien était aussi mal en point, ou juste une petite visite de routine. Le bébé avait les yeux rivés sur Hassan. Il n'avait pas franchement peur des inconnus, mais il devinait rapidement par le ton employé par ses parents s'il devait se méfier ou non de son interlocuteur. Sentant sa mère sereine, il lui fit le plus beau des sourires. Certainement sa manière de dire bonjour.
Hassan était comme la grande majorité de personnes qui n'avaient jamais eu d'animaux de leur vie et qui du jour au lendemain s'étaient retrouvées à devoir s'occuper d'une boule de poils. Au début il avait plissé le nez d'un air dubitatif, faisant même promettre à Qasim que puisque cette brillante idée venait de lui, c'était à lui qu'il donnerait l'animal si les choses devaient ne pas coller entre eux. Et puis finalement il n'avait fallu que quelques jours pour qu'Hassan se laisse attendrir, et quelques semaines pour qu'il ne soit plus envisageable pour lui de se séparer de son chien. Ce n'était pas comme un poisson rouge ou un hamster, qui s'intéressait vaguement à vous lorsqu'arrivait l'heure du repas et qui le reste du temps vaquait à ses ennuyeuses occupations ; Un chien c'était une présence fidèle et affectueuse, elle vous accueillait le soir avec bonheur, vous protégeait de la solitude et venait réclamer l'affection que vous étiez disposé à lui donner. Et lorsque l'on connaissait bien Hassan on le savait suffisamment affectueux pour que Spike ait droit à autant si ce n'est plus de caresses que ce dont il avait besoin. C'était Spike qui lui avait tenu compagnie lorsqu'Hassan avait du se confronter les premières semaines à la solitude de sa nouvelle vie, lui qui n'avait auparavant jamais vécu seul. C'était Spike encore qui était venu le tirer du lit certains matins où la dépression l'empêchait de se lever et lui donnait l'impression d'être couché dans un étau. C'était Spike aussi qui, aujourd'hui, l'obligeait à se forcer à mettre le nez dehors au moins deux fois par jour et à ainsi ne pas se laisser à nouveau bouffer par les idées noires, qui ne demandaient qu'à reprendre leur place dans son esprit. Et pour toutes ces raisons le brun vivrait probablement mal le fait qu'un fou furieux manque renverser son chien, raison pour laquelle il n'était pas parevenu à se résoudre à laisser Ben ici tout seul sans être certain que l'animal était bien récupéré par quelqu'un.
Et puis ce n'était pas comme s'il avait absolument besoin d'être ailleurs de toute façon, il avait certes prétexté un passage à la bibliothèque universitaire pour décliner le repas des Khadji, mais pour autant les livres de la bibliothèque ne risquaient pas de s'envoler s'il remettait cela à plus tard dans la journée ou même au lendemain. Avec les examens de fin de semestre qui accaparaient les élèves Hassan avait tellement de temps libre qu'il ne savait pas quoi en faire ... une pas si bonne chose, d'ailleurs. « Je suis Joanne Prescott, vous m'aviez appelé il y a vingt minutes ... » Le nom autant que la voix qu'il aurait reconnue entre mille lui avaient fait relever la tête vers le bureau de la secrétaire. Il ne savait pas ce qui l'avait atteint en premier, la présence de son ex-femme, le bébé qu'elle tenait dans les bras ou le fait qu'il soit fait mention de Ben. Reste qu'Hassan s'était comme enfoncé sur sa chaise en priant presque pour ne pas se faire remarquer. Le chien avait retrouvé son maitre, ou plutôt sa maitresse, c'était tout ce qui comptait. Avant qu'il ait eu le temps de décider s'il restait où s'il partait pourtant le regard de Joanne et le sien s'étaient croisés, et il s'était ravisé ; Il ne tenait pas à ce qu'elle le voit fuir délibérément. A ce qu'elle l'associe définitivement à la solution de fuite qui semblait pourtant prévaloir dès qu'il était question d'elle. « Bonjour, Hassan. » Au sourire sincère qui avait accompagné sa phrase, le brun avait répondu par un sourire plus léger, hésitant, mais non moins sincère lui aussi. Parce que ce n'était pas tant elle que la personne qu'il tendait à devenir en sa présence, qui lui déplaisait. « Tu vas bien ? » Question piège, mais facilement éludable puisqu'elle avait rajouté « Qu'est-ce qui t'amène ici, dis moi ? » presque aussitôt. Ne sachant plus où donner de la tête entre sa question, le bébé et ses propres états-d'âme il avait bafouillé un instant avant de reprendre de manière plus audible « Eh bien, je ... je ne savais pas que Ben était ton chien. » Ce qui en soit ne répondait pas du tout à la question qu'elle venait de poser, l'obligeant à reprendre « La voiture qui l'a bousculé a littéralement failli me rouler dessus. » Il avait levé légèrement les yeux au ciel et soupiré avec résignation « Et je ne voulais pas repartir d'ici sans être sûr que quelqu'un venait bien le chercher ... ça a l'air un peu stupide, dit comme ça. » Du moins il lui semblait que cela faisait moins sens, à voix haute. « C'est juste que si ça avait été mon chien j'aurai bien voulu qu'on en fasse autant. » Et d'ailleurs cette mésaventure venait de rajouter un nouveau critère à l'éventuelle recherche de logement d'Hassan : un jardin, oui, mais un jardin fermé et où Spike n'aurait pas le loisir d'aller trainer sur la route.
Interrompus par la voix de l'autre vétérinaire qui appelait le client suivant, ils s'étaient retrouvés seuls dans la salle d'attente après le départ de la jeune femme assise en face d'eux et qui gardait à ses pieds une caisse de laquelle s'échappait quelques miaulements. La suivant du regard un instant, Hassan avait reposé les yeux presque machinalement sur le bébé qui, depuis les bras de sa mère, l'observait avec curiosité. Hassan avait toujours eu un bon feeling avec les enfants, une sorte de facilité inexplicable que son frère avait été le premier à lui envier lorsqu'il était devenu jeune papa. Le brun ne les voyait plus du même oeil maintenant, bien sûr, sans l'avoir totalement accepté il commençait malgré tout à se faire à l'idée qu'il n'aurait sans doute jamais d'enfants lui-même - compliqué, avait dit le cancérologue - mais il n'était pas à ce point consumé par l'amertume pour répercuter sa frustration sur les enfants d'autrui. « Comment est-ce qu'il s'appelle ? » Pas besoin de demander garçon ou fille, les vêtements parlaient d'eux-même. Ce n'était pas la première question qui lui était venue en tête, bien sûr, car certains traits du bambin ne laissaient guère de doute quant au fait que Joanne en était la mère, mais c'était la seule qu'il se sente en droit de poser. Il aurait pu demander si elle était déjà enceinte la dernière fois qu'ils s'étaient vus, ou hasarder sur le fait que ce soit l'une des raisons pour lesquelles elle avait décidé de lui parler de cet enfant qu'elle avait perdu peu après leur divorce, en dépit du fait que lui n'avait pas forcément envie de savoir (et avec le recul, il aurait effectivement préféré ne jamais savoir). Mais il n'avait pas envie de verser à nouveau du sel sur leurs plaies à tous les deux, et au fond cela n'avait plus grande importance. « Il ressemble aux photos de toi bébé que tes parents nous avaient montré. » Esquissant un léger sourire, il avait laissé la main tendue du bambin attraper son index, puis finalement le bracelet en cuir que Yasmine lui avait offert il y a quelques années et qui ne quittait - presque - jamais son poignet.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne se demandait toujours comment le hasard pouvait créer certaines choses, induire des événements les plus improbables les uns que les autres. Revoir une personne un jour et à un endroit où l'on s'y attend le moins. A leur dernière rencontre, Hassan désirait prendre du recul, s'éloigner d'elle dans l'espoir de pouvoir aller de l'avant, redémarrer sa vie en bonne et due forme. Ce n'était pas facile de revoir des personnes à qui l'on était très attaché dans le passé. Quelque part, ça le retenait en arrière. Joanne ne lui en voulait pas vraiment, elle avait tout simplement respecté son choix. A croire que l'univers voulait rattraper les choses pour qu'ils se retrouvent là, chez le vétérinaire. Cela n'empêchait pas la jeune femme d'être heureuse de le voir, de savoir qu'il allait bien; du moins, en apparence. Elle commençait leur conversation de la manière la plus simple qui soit, mais elle remarqua que la surprise de la voir, et surtout, de la voir porter un bébé, le perturba énormément. Si bien qu'il peinait à ouvrir la bouche pour énoncer le moindre mot, et que lorsque ce fut le cas, il bafouilla avant de parvenir à articuler une phrase. "C'est le chien de Jamie." précisa-t-elle doucement. "Mais il n'a pas l'air de se plaindre de la seule présence féminine de la maison." Au contraire, Ben s'était énormément calmé depuis que Joanne était dans les parages. A croire que sa présence l'apaisait aussi, tout comme son maître. Hassan racontait alors qu'il avait manqué de peu la voiture qui était rentré dans Ben. "Tu n'as rien, j'espère ?" lui demanda-t-elle, subitement inquiète. Hassan était un homme qui avait beaucoup de conscience, et de savoir-vivre. Cela ne la surprit même pas qu'il voulait s'assurer que le golden retriever allait bien retrouver son maître. "Ca n'a rien de stupide à mes yeux, au contraire." lui assura-t-elle. Son bébé était subjugé par Hassan, il l'observait silencieusement avec ses grands yeux bleus, lui offrant même des sourires de temps en temps. "D'habitude, ce n'est pas Ben qui a tendance à être aussi imprudent. Nous avons un deuxième petit chien qui est beaucoup trop téméraire et qui a plus tendance à s'enfuir. Il a réussi à creuser un trou en dessous du grillage." Elle haussa les épaules. Les aléas avec les animaux de compagnie se dit-elle. "Peut-être qu'il a du voir un chat, ou quelque chose qui l'a trop intrigué." supposa-t-elle. Elle ne voyait pas d'autres raisons pour lesquelles Ben se serait aventuré si loin de chez elle. Le brun finit par porter son attention sur le bébé, demandant son prénom. "Il s'appelle Daniel." lui répondit-elle avec un sourire. "Daniel ?" Le bébé réagissait toujours en entendant son prénom, ce qui ne le rendait plus qu'adorable. "Tu vois ? Le monsieur là, il s'appelle Hassan. Maman le connaît bien." Elle le lui montra du doigt. Il semblait important pour la jeune femme de converser avec son bébé. C'était certainement le meilleur moyen pour ce dernier d'élaborer son vocabulaire. Immédiatement, il fit un sourire des plus larges à Hassan, acceptant volontiers de serrer entre ses petits doigts son index. Le brun lui avoua qu'il trouvait que Daniel lui ressemblait beaucoup, que cela lui rappelait des clichés d'elle bébé. "Tu trouves ?" demanda-t-elle avec un large sourire. "J'ai un peu de mal à me rendre compte de ce genre de choses." reconnut-elle. "Parfois, il y a des jours où je réalise à quel point il grandit vite, à quel point il évolue." C'était certainement ce qu'il y avait de plus impressionnant, à voir comment Daniel gagnait en dextérité, en force et en équilibre. A quel point il parvenait à reconnaître les visage, ou lorsqu'il avait compris qu'il pouvait énoncer des syllabes en utilisant sa bouche et sa langue. Daniel s'intéressa ensuite au bracelet que portait Hassan, regardant le bout de cuir d'un air impressionné. "Tu fais attention, Daniel, d'accord ? Ca peut être très fragile parfois, et je pense qu'Hassan y tient beaucoup." Bien sûr, ses petits doigts ne pouvaient pas encore abîmer grand chose. "S'il y a bien deux choses qui ne viennent pas de moi, c'est bien sa couleur de cheveux et son sommeil de plomb." Deux traits tirés directement du père. Joanne n'avait jamais été une grosse dormeuse. "J'ai du renoncer à mon poste au musée." finit-elle par dire, refusant qu'un silence s'installe entre eux. "J'avais un peu l'espoir de reprendre à temps partiel, parce que Jamie et moi refusions de confier Daniel à une nounou pour des journées entières, alors que nous pouvons nous permettre que je reste à la maison. Mais ça ne convenait pas, j'ai du démissionner." Elle lui sourit. Sur le coup, c'était très dur pour la jeune femme, elle qui adorait tant ce métier et le musée dans lequel elle se rendait quotidiennement. "Maman à temps plein, c'est plutôt chouette comme métier, aussi."
L'arrivée de Joanne dans son champ de vision lui avait donné envie de disparaître sous terre avant qu'elle ne puisse le remarquer, mais pas pour les raisons que l'on pourrait croire. Ce n'était pas qu'il n'avait pas tant qu'il n'avait pas envie de la voir - contre toute attente - mais plutôt qu'il n'avait pas envie qu'elle le voit. Elle visiblement épanouie et ayant trouvé sans mal la nouvelle direction à donner à sa vie, encore plus flagrante que précédemment avec ce bébé qu'elle tenait dans les bras, et lui indéfiniment englué dans la mélasse d'une existence à laquelle il peinait à trouver un nouveau sens. Mais Joanne l'avait vu et il n'avait pas eu d'autre choix que de tenter de faire bonne figure, ravalant les stigmates d'une dépression qu'il n'avait eu aucun mal à cacher à ses plus proches pendant des mois, et se contentant du sourire un peu éteint mais non moins sincère qui représentait son état d'esprit habituel de ces derniers mois. « C'est le chien de Jamie. Mais il n'a pas l'air de se plaindre de la seule présence féminine de la maison. » Ses lèvres s'étaient pincées avec une pointe d'amusement « Il faudrait être difficile pour s'en plaindre. » Joanne n'avait jamais été quelqu'un de difficile à vivre, et il doutait qu'elle ait pu changer à ce niveau-là en l'espace de deux ans et demi. Répondant à la question de savoir ce qu'il faisait là, Hassan n'avait pu cacher la pointe d'agacement liée à l'évocation du chauffard qui avait manqué les renverser le chien et lui. « Tu n'as rien, j'espère ? » Il avait secoué la tête pour assurer que non, et fort heureusement avait-on presque envie de dire puisqu'il avait déjà largement eu son compte en terme de dégâts routiers quelques semaines plus tôt.
Reste que s'il s'était senti totalement légitime à vouloir rester pour s'assurer que quelqu'un venait bien récupérer Ben, la chose lui paraissait empreinte de nettement moins de logique maintenant qu'il devait la justifier à haute voix « Ça n'a rien de stupide à mes yeux, au contraire. » Alors elle possédait sans doute un peu plus de bon sens que le vétérinaire qui, lui, l'avait regardé d'un drôle d'air lorsqu'il avait demandé à rester « D'habitude, ce n'est pas Ben qui a tendance à être aussi imprudent. Nous avons un deuxième petit chien qui est beaucoup trop téméraire et qui a plus tendance à s'enfuir. Il a réussi à creuser un trou en dessous du grillage. Peut-être qu'il a du voir un chat, ou quelque chose qui l'a trop intrigué. » Sans doute, et probablement aussi qu'il ne s'était pas aventuré aussi loin de chez lui qu'Hassan ne l'avait pensé au départ. « J'espère que le mien ne suivra pas le même chemin si je déménage ... je n'ai pas envie de devoir le garder enfermé toute la journée, il est déjà un peu à l'étroit dans mon appartement actuel. » Appartement qui convenait jusque là parce que l'animal était encore un chiot, mais désormais il n'avait plus grand-chose du chiot et Hassan voyait bien qu'il tournait plus en rond qu'avant. Autre raison pour laquelle il devenait urgent qu'il prenne une décision quant à ce qu'il comptait faire et où il comptait aller. Interrompu par l'intervention du second vétérinaire, Hassan avait posé les yeux sur le bébé qui gazouillait dans les bras de Joanne, posant finalement la seule question qu'il se sentait en droit de poser « Il s'appelle Daniel. » British au possible, évidemment, n'avait-il pas pu s'empêcher de remarquer. « Daniel ? Tu vois ? Le monsieur là, il s'appelle Hassan. Maman le connaît bien. » Comme s'il comprenait le bambin avait tendu sa petite main vers le brun, Hassan croyant y reconnaître un air de ressemblance avec les photos de Joanne au même âge que les parents de la jeune femme avaient ressorti lors d'un de leurs séjours à Perth. « Tu trouves ? J'ai un peu de mal à me rendre compte de ce genre de choses. Parfois, il y a des jours où je réalise à quel point il grandit vite, à quel point il évolue. » Il avait esquissé un léger sourire, son regard repassant de la blonde au bébé « La petite de Qasim tenait à peine sur ses jambes la dernière fois que tu les as vus, maintenant son frère et elle courent partout, de vraies terreurs. » Tout le portrait de leur père au même âge, avaient d'ailleurs assuré les parents Khadji.
Gazouillant toujours le bambin avait fini par lâcher le doigt d'Hassan sans pour autant cesser son exploration, ses petites mains s'agrippant ensuite au bracelet que le brun avait autour du poignet. « Tu fais attention, Daniel, d'accord ? Ça peut être très fragile parfois, et je pense qu'Hassan y tient beaucoup. » Oh ça, Hassan y tenait oui, le bracelet avait une certaine valeur sentimentale, mais il y avait peu de chances que les petites mains du bébé ne suffisent à l'esquinter. « Ça ne craint rien, c'est du solide. » Et puis le fermoir était d'autant plus solide qu'il était pratiquement neuf, Hassan l'avait abîmé en déménageant des cartons avec Kenneth ... Mais ça, il comptait bien faire en sorte que Yasmine ne le découvre jamais. « S'il y a bien deux choses qui ne viennent pas de moi, c'est bien sa couleur de cheveux et son sommeil de plomb. » Un bébé avec un sommeil de plomb ? Ce n'était pas courant. Malheureusement pour tous les jeunes parents qui finissaient par marcher sur leurs propres cernes. « Mais il doit bien y avoir certaines choses qu'il tient de toi, en dehors de cet air espiègle. » Que la blonde avait nettement perdu en grandissant, soit, mais que bébé Joanne possédait en tout cas en son temps. Son poignet finalement libéré tandis que l'enfant s'intéressait désormais au collier que portait Joanne autour du cou, Hassan s'était appuyé contre le dossier de sa chaise. Il se sentait moins gauche, moins méfiant que lors de ses précédentes discussions avec la jeune femme, et malgré tout il ne savait pas s'il pourrait un jour y avoir à nouveau un semblant de normalité entre elle et lui. « J'ai du renoncer à mon poste au musée. » Il avait affiché un regard surpris. Il se savait à quel point cet emploi était important pour elle, et il se souvenait d'à quel point elle était fière lorsqu'elle l'avait obtenu. Et d'à quel point il avait été fier d'elle, aussi. « J'avais un peu l'espoir de reprendre à temps partiel, parce que Jamie et moi refusions de confier Daniel à une nounou pour des journées entières, alors que nous pouvons nous permettre que je reste à la maison. Mais ça ne convenait pas, j'ai du démissionner. » C'était une bêtise de leur part, assurément, et en même temps Hassan n'était pas complètement étonné. Au musée certains profitaient parfois un peu trop de sa gentillesse exacerbée. « Peut-être que tu pourras y retrouver une place lorsqu'il sera un peu plus grand ? Tu te plaisais tellement là-bas. » avait-il hasardé tout en reposant un instant les yeux sur le bébé. « Maman à temps plein, c'est plutôt chouette comme métier, aussi. » Il était un peu dubitatif, sans doute parce qu'il trouvait dommage qu'elle n'ait plus d'occupation qui ne soit qu'à elle, qu'elle ne partage avec personne d'autre, mais il s'était bien gardé de le dire. « Si ça te convient alors c'est tout ce qui compte. » avait-il alors simplement murmuré, et au fond il ne s'en étonnait pas non plus car Joanne avait toujours fait les choses de cette manière, en se jetant corps et âme en une seule chose à la fois.
Mais la conversation au final l'avait renvoyé à ses propres incertitudes professionnelles, et surtout aux choix qu'il devait toujours faire mais sans être encore parvenu à s'y résoudre, tiraillé entre une curiosité professionnelle qui l'avait toujours caractérisé et des sacrifices qu'il ne se sentait pas forcément prêt à faire. « On m'a proposé un poste de professeur à l'université de Téhéran. » avait-il soufflé presque avec hésitation « C'est une proposition qu'on m'avait déjà faite à l'époque où on ... où on était tous les deux, mais j'avais refusé directement sans t'en parler parce que c'était hors de question. Cette fois-ci je ne sais pas ... » Il n'aurait jamais demandé à Joanne de le suivre, tant parce qu'il ne l'aurait pas confrontée à un tel sacrifice - quitter son pays, son emploi, ses amis - que parce que la place d'une femme occidentale n'était probablement pas dans un pays tel que l'Iran. Mais pour lui il avait conscience que c'était une opportunité unique, doublée d'une occasion de redécouvrir son pays d'origine avec des yeux d'adulte, plutôt qu'avec les yeux de l'adolescent à peine majeur qu'il était la dernière fois qu'il y avait séjourné. « Mais j'ai signé un contrat pour la chaine ABC et je commence à peine à y trouver mes marques. » Marquant une pause, il avait dégluti avec gêne en se rappelant que c'était à ABC qu'il avait croisé la route du dénommé Jamie. Mais il se rappelait distinctement lui avoir dit que mentionner leur conversation n'était pas utile, et il osait croire que l'homme avait agi en conséquence. « Et on ne peut pas dire que Qasim et Yasmine aient été emballés quand j'en ai parlé. » Chose qu'il ne leur reprochait pas, dans un sens, bien qu'il sache pertinemment que l'un et l'autre craignaient surtout qu'il profite d'être loin pour faire une nouvelle bêtise. Qu'Hassan promette qu'il ne recommencerait pas n'y changerait rien.
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Ce fut un véritable soulagement que de savoir qu'Hassan n'avait rien. Après tout, il y avait bien plus de personnes imprudentes sur la route que l'on pouvait le penser. Il y en avait quelques uns qui ne se souciaient guère de la vie d'un animal, ou même de celui d'un humain. Il suffisait d'avoir quelques grammes d'alcool en trop, ou être sous l'emprise de la drogue, pour tout prendre avec légèreté et insouciance. Heureusement qu'Hassan n'avait rien, se dit-elle. Cela l'aurait mis en colère, ne serait-ce que pour une petite dermabrasion ou autre égratignure. Elle était touchée qu'il existait encore des personnes comme son ex-mari qui avait autant d'attachement à un animal, de s'assurer que ce chien avait bien un maître qui s'inquiétait de son absence. Ca n'avait rien de stupide, aux yeux de Joanne. Son ex-mari espérait que son propre chien ne se risque pas à s'enfuir de chez lui. "Il a tendance à être fuyard ?" lui demanda-t-elle, intéressée. "Si ce n'est pas le cas, et si ton nouveau chez-toi dispose d'un jardin clôturé, tu ne devrais pas avoir de soucis." lui dit-elle. "Chez nous, ils ont libre accès à l'extérieur, on laisse toujours la baie vitrée ouverte, sauf si le temps est désastreux. Dans ce cas-là, le plus petit attend patiemment devant la vitre, assis, droit comme un pic, jusqu'à ce que l'accès lui soit à nouveau ouvert, et Ben préfère s'allonger dans son panier ou rester auprès de Daniel pour veiller sur lui." Le golden retriever était particulièrement protecteur avec son petit maître, toujours très délicat et patient avec lui. Joanne était heureuse de savoir que son fils n'était pas allergique aux poils d'animaux, sinon ça aurait été particulièrement problématique. Hassan lui demanda d'ailleurs son nom, s'intéressant de plus près à ce petit garçon ayant les yeux de sa mère. "Pour le moment, il tient bien assis, je verrais bien ce que ça donne une fois qu'il aura compris comment il faut faire pour marcher à quatre pattes." dit-elle en riant. Elle avait hâte de le voir capable de se déplacer tout seul. "Je le vois déjà vouloir courir derrière les chiens, il les adore." Il s'esclaffait toujours lorsqu'il les avait dans son champ de vision. Le petit était focalisé sur le bracelet d'Hassan, complètement absorbé par ce fil de cuir. On lui assura que c'était particulièrement solide. "Ca ne t'empêche pas de faire attention Daniel, d'accord ?" lui dit-elle calmement en lui caressant ses petits et doux cheveux bruns. "Un air espiègle ?" répéta-t-elle en riant. "Eh bien... Jamie dit être particulièrement content de savoir qu'il a le tempérament calme de sa mère. Il dit qu'il était infernal quand il était petit et avait vraiment peur que Daniel soit de la même trempe." raconta-t-elle. "Mais c'est un bébé particulièrement calme. Il ne râle que lorsqu'il a de bonnes raisons." Les petits doigts du bébé s'intéressèrent ensuite au long collier que portait sa mère. Un cadeau de Gabriella, qu'elle lui avait offert au début de sa grossesse. Le bruit que faisait le grelot qu'il y avait à l'intérieur le passionnait toujours, Joanne l'avait régulièrement sur elle. Pendant ce temps, elle lui avoua qu'elle avait du renoncer à son poste de conservatrice. Elle haussa les épaules à la suggestion du beau brun. "Je ne sais pas, pour le moment. J'avoue que je ne me sens pas particulièrement prête à confier Daniel des journées entières à quelqu'un. Et c'est particulièrement contre les principes de Jamie, qu'un enfant passe plus de temps avec quelqu'un d'autre qu'avec ses propres parents."Ce qui en soit, était tout à fait compréhensible. "Et nous aimerions essayer d'avoir d'autres enfants aussi." Et Joanne ne voulait pas trop attendre, surtout que ses chances de concevoir étaient grandement amoindries. "Et j'ai une autre occupation, que je peux gérer à la maison. Jamie m'a mise à la tête d'une fondation située en Angleterre, qui a pour but de venir en aide aux familles en difficulté. Des jeunes ayant eu des soucis avec l'alcool, la drogue, des idées suicidaires... Mais aussi des familles se trouvant dans des impasses financières ou en incapacité d'aider un de leurs membres. Le champ est très large e ta déjà permis à beaucoup de se reconstruire. Je suis en train de tout réhabiliter parce que tout n'était pas très net, mais c'est particulièrement passionnant." Jamie n'avait jamais douté des capacités de la jeune femme pour ce poste, surtout pour une telle cause. Elle avait des valeurs familiales bien ancrées, lui permettant d'avoir une approche différente sur le sujet. Hassan partagea également ses projets professionnels, Joanne l'écoutait avec attention. Elle se dit qu'il était particulièrement doué en matière de secrets, il venait de lui dévoiler quelque chose qui s'était passé alors qu'ils étaient encore mariés. "Tu veux vraiment aller en Iran ?" lui demanda-t-elle, voyant bien qu'il hésitait. "Tu hésites parce que tu voudrais commencer une toute nouvelle vie là-bas ?" Ce qui était compréhensible, dans le fond. Retourner à ses origines, et repartir d'un meilleur pied. Joanne se demandait si elle était vraiment si toxique que ça pour lui. Elle baissa les yeux. Elle était surprise que Jamie ne lui avait pas dit qu'Hassan s'était aussi mis à travailler pour ABC. "Ca doit être intéressant." lui dit-elle en toute sincérité. "Qu'est-ce que tu y fais exactement ? Jamie ne m'avait pas dit que tu y étais aussi." Son fiancé préférait éviter les sujets qui l'irritaient. Hassan en était un. "Pourquoi cela ?" Quelques secondes plus tard, le vétérinaire apparaît, informant la jeune femme que Ben avait la patte cassée, et qu'il fallait la plâtrer. La jeune femme donna son accord avant que le professionnel ne reparte pour éxecuter son soin.
Hassan n'avait jamais détesté les animaux, au contraire, il pouvait sans mal trouver un chien mignon dans la rue, ou filer un reste de sandwich au chat qui lorgnerait dessus, mais il ne s'était jamais considéré comme assez attaché à eux pour en posséder un lui-même. Il avait accueilli la suggestion de Qasim d'en prendre un avec beaucoup de réticences et en prenant bien soin de lui faire promettre de récupérer l'animal le cas échéant, parce qu'en réalité il n'y croyait pas vraiment ... et une fois encore il ne pouvait que constater comme son frère avait visé juste, une fois encore. Comme s'il le connaissait mieux qu'Hassan ne se connaissait lui-même, ce qui était probablement le cas. Et désormais le regard d'Hassan sur les animaux de compagnie avait changé, il s'était laissé happé comme les autres, et là où avait il se serait contenté de déposer l'animal chez le vétérinaire et de tourner les talons, maintenant il ne se voyait pas s'en aller sans être certain que l'animal s'en tirerait à bon compte. Et que dire du fait que le bien-être de son propre chien faisait partie des critères principaux dans le choix possible de son futur logement ? « Il a tendance à être fuyard ? Si ce n'est pas le cas, et si ton nouveau chez-toi dispose d'un jardin clôturé, tu ne devrais pas avoir de soucis. » Hassan avait penché la tête d'un air un peu dubitatif ; Ce n'était pas tant les tendances du chien que ce à quoi il avait été habitué jusqu'à présent. « C'est surtout qu'il n'a pas l'habitude de voir du monde, ou d'être dehors autrement qu'en laisse. Il est encore jeune, mais ... jusqu'à présent je n'avais pas vraiment la santé suffisante pour lui donner autant d'occasions de se dépenser que j'aurai du le faire. » Tant santé physique que psychologique, parce que quand mettre le nez dehors était déjà un calvaire en soit faire le tour du pâté de maisons deux fois par jour était le maximum qu'on puisse fournir. « Chez nous, ils ont libre accès à l'extérieur, on laisse toujours la baie vitrée ouverte, sauf si le temps est désastreux. Dans ce cas-là, le plus petit attend patiemment devant la vitre, assis, droit comme un pic, jusqu'à ce que l'accès lui soit à nouveau ouvert, et Ben préfère s'allonger dans son panier ou rester auprès de Daniel pour veiller sur lui. » Il s'était contenté d'un sourire en guise de réponse. Il doutait cependant franchement que Spike soit du genre à attendre sagement devant la baie vitrée s'il voulait sortir ... Le berger allemand savait redoubler d'ingéniosité lorsqu'il souhaitait sortir, et avait pris l'habitude de venir déposer sa laisse aux pieds de son maître. Il avait aussi appris à ouvrir les portes si elles n'étaient pas verrouillées.
Ne pouvant pas ignorer éternellement l'éléphant dans la pièce, Hassan avait fini par questionner sur le petit homme qui gazouillait sur les genoux de sa mère et qui, au demeurant, lui adressait à lui un regard gentiment curieux. Physiquement ils n'auraient pas pu être plus différents, les cheveux châtains de l'un et noirs corbeau de l'autre, la peau claire d'un côté et basanée de l'autre, mais Hassan voyait dans les yeux du bambin la même lueur d'éveil et d'espièglerie que dans ceux de son neveu jadis. « Pour le moment, il tient bien assis, je verrais bien ce que ça donne une fois qu'il aura compris comment il faut faire pour marcher à quatre pattes. Je le vois déjà vouloir courir derrière les chiens, il les adore. » Comprenant visiblement qu'il était question de lui, les yeux du bébé passaient de l'un à l'autre avec curiosité, son attention bientôt happée par les breloques qui tintaient sur le bracelet d'Hassan. Qui en avait vu d'autres. « Ça ne t'empêche pas de faire attention Daniel, d'accord ? » L'enfant avait de toute façon bien vite trouvé un autre intérêt dans le collier de sa mère, tandis que celle-ci reprenait avec amusement « Un air espiègle ? Eh bien... Jamie dit être particulièrement content de savoir qu'il a le tempérament calme de sa mère. Il dit qu'il était infernal quand il était petit et avait vraiment peur que Daniel soit de la même trempe. Mais c'est un bébé particulièrement calme. Il ne râle que lorsqu'il a de bonnes raisons. » Comme tous les bébés ceci dit, ils râlaient rarement sans raison, certaines étaient simplement plus faciles à identifier que d'autres. « Tu vois, il y a bien d'autres choses qu'il tient de toi. » Esquissant un sourire, il avait marqué une pause, pensif, avant d'oser ajouter « J'ai toujours su que le rôle de mère t'irait à merveille. » Il y avait probablement une pointe de tristesse, dans le ton de sa voix, mais pas d'amertume en revanche. Plus maintenant.
Hassan avait en revanche été particulièrement surpris d'apprendre que Joanne avait quitté son emploi au musée, elle qui en était si fière et s'y investissait avec tellement de dévouement. Le rôle de mère et de femme active ne s'était pas cumulé de la façon dont elle l'aurait souhaité semble-t-il, mais là où Hassan avait hasardé sur le fait que cela puisse n'être que temporaire, la blonde avait nuancé, plus incertaine « Je ne sais pas, pour le moment. J'avoue que je ne me sens pas particulièrement prête à confier Daniel des journées entières à quelqu'un. Et c'est particulièrement contre les principes de Jamie, qu'un enfant passe plus de temps avec quelqu'un d'autre qu'avec ses propres parents. » À l'évidence le Jamie en question semblait ignorer un peu que pour le commun des mortels, s'arrêter de travailler était un luxe que la volonté ne suffisait pas à permettre. « Et nous aimerions essayer d'avoir d'autres enfants aussi. Et j'ai une autre occupation, que je peux gérer à la maison. Jamie m'a mise à la tête d'une fondation située en Angleterre, qui a pour but de venir en aide aux familles en difficulté. Des jeunes ayant eu des soucis avec l'alcool, la drogue, des idées suicidaires ... Mais aussi des familles se trouvant dans des impasses financières ou en incapacité d'aider un de leurs membres. Le champ est très large et a déjà permis à beaucoup de se reconstruire. Je suis en train de tout réhabiliter parce que tout n'était pas très net, mais c'est particulièrement passionnant. » Il avait écouté avec attention, une attention pas entièrement extérieure et désintéressée peut-être mais non moins sincère malgré tout. Il était rassuré de voir que Joanne avait malgré tout de quoi s'occuper et n'était pas reléguée par la volonté de son nouvel homme au simple statut de femme au foyer. « C'est une cause louable, dommage qu'il n'existe pas d'équivalent par ici ... Mais tu en parles avec autant de conviction que ton ancien boulot, alors cette fondation est entre de bonnes mains, ça ne fait aucun doute. » Et puis Joanne avait par nature cette tendance, qu'Hassan partageait lui aussi, à faire passer le bien-être des autres en priorité. Parfois même au détriment de leur bien-être personnel, ce qui en faisait un défaut autant qu'une qualité. « Est-ce que ça veut dire que vous allez vous installer là-bas ? En Angleterre. » Il ne saurait dire pourquoi, mais l'idée que Joanne quitte Brisbane pour vivre à des milliers de kilomètres lui faisait un léger pincement au coeur. Elle semblait tellement attachée à Brsibane, peut-être même encore plus que lui, ce qui n'était pas peu dire.
Et pourtant, quitter Brisbane était une option qui faisait également partie du tableau pour lui actuellement, sans qu'il ne sache trop comment l'appréhender et comment prioriser les éléments qui devaient lui permettre de prendre une décision à ce sujet. Il y a quelques années la question ne s'était pas posée, Hassan n'aurait jamais accepté en sachant que Joanne ne trouverait jamais sa place là-bas ... c'était une chose que de s'estimer capable de faire avec les us et coutumes iraniennes, mais c'en était une autre de les imposer à autrui, encore plus lorsqu'elles entravaient les libertés. « Tu veux vraiment aller en Iran ? » Au moins une partie de lui en avait envie, oui. Mais tout n'était pas aussi simple. « Tu hésites parce que tu voudrais commencer une toute nouvelle vie là-bas ? » Commencer une nouvelle vie, cela so nait tellement bien dit ainsi. Un peu moins quand on ne savait déjà pas mettre de l'ordre dans sa vie actuelle, tant la situation était chaotique « Oh, non, je ne serais pas capable de vivre définitivement là-bas ... je ne pense pas. Tu me connais, australien jusqu'à la moelle, en dépit du nom. Et puis ma famille est ici. » Qasim, les Khadji, ses neveux ... il ne pourrait jamais les abandonner définitivement. « Mais professionnellement, ça reste une opportunité. » Et la possibilité de rajouter un atout non-négligeable à son CV ... rien n'arrivait jamais sans sacrifice, dirons-nous. Tout comme le fait de travailler pour ABC était une opportunité, qu'il avait saisi non sans quelques réticences mais qui se révélait au fil des semaines avoir été une décision intelligente. « Ça doit être intéressant. Qu'est-ce que tu y fais exactement ? Jamie ne m'avait pas dit que tu y étais aussi. » Interdit, Hassan avait chassé l'air coupable qui risquait de s'afficher sur son visage en haussant vaguement les épaules « C'est une grosse boîte, je doute que qui que ce soit chez eux soit en mesure de croiser tout le monde, moi le premier. » Il n'avait pas poussé le vice jusqu'à jouer les faux surpris, espérant simplement noyer le poisson. Pour dire vrai il ne tenait pas spécialement à être l'objet d'une conversation entre Joanne et son nouvel homme ... il y aurait forcément le mauvais rôle, pensait-il. « J'ai été recruté comme consultant pour leur chaîne de télévision. Je ne m'y sens pas autant dans mon élément que dans l'enseignement, mais ce n'est pas inintéressant. » L'enseignement restait une vocation, et sa collaboration avec ABC un à-côté enrichissant, qui lui plaisait mais qu'il n'hésiterait pas à interrompre si cela devait nuir au temps qu'il avait à consacrer à ses élèves.
Ils avaient été interrompus par le vétérinaire qui avait reçu Hassan un peu plus tôt, informant que l'animal avait besoin d'être plâtré. Bien qu'emprunt d'un léger rictus d'agacement, la partie de lui qui parvenait à être autre-chose que d'une gentillesse maladive s'autorisant presque à espérer que le conducteur de la voiture s'était mangé un pylône ou une glissière de sécurité, le brun avait adressé un signe de tête au vétérinaire qui avait disparu à nouveau. Pensif, il lui avait fallu quelques secondes pour reprendre le fil de la xoncersation et se souvenir à quoi Joanne faisait référence lorsqu'elle lui avait demandé « Pourquoi cela ? » Quelle vérité donner à une telle question ? Certainement pas celle qui était le noeud du problème. Son frère et Yasmine avaient simplement peur qu'il fasse une bêtise, et plus assez confiance en lui pour qu'assurer le contraire suffise à les convaincre. « Je crois qu'ils sont simplement inquiets pour moi. » C'était une vérité aussi, dans un sens. « Ça n'a pas été simple pour eux, ces deux dernières années ... je suis à l'origine d'un certain nombre de cheveux blancs de mon frère, à mon avis. » C'était même une certitude. Qasim s'était presque rendu malade lui aussi, à trop prendre sur lui concernant la maladie d'Hassan. « Et ils en ont tellement bavé quand j'étais malade eux aussi ... je crois qu'ils s'imaginent que je ne suis pas conscient de ce qu'ils ont enduré pour moi. Alors que c'est tout le contraire. » Hassan en avait conscience, peut-être même trop. Il avait pu épargner Joanne mais pas eu la volonté suffisante pour épargner ce qu'il considérait comme étant tous des membres de sa famille. Il ne cherchait pas à les fuir, mais simplement à les délester d'un fardeau qu'ils continuaient de porter alors qu'il n'y avait plus lieu. Ils avaient déjà porté sa leucémie à bout de bras, il ne voulait pas leur laisser maintenant porter le spectre de sa dépression, comme ils le faisaient actuellement. « Et maintenant c'est toi que j'embête. » avait-il finalement réalisé, l'air penaud. « Excuse-moi. » Il s'était simplement laissé happer par le souvenir de la facilité avec laquelle il parvenait à se confier à elle, avant.
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Hassan était encore limité dans tout ce qu'il pouvait faire, apparemment. Son chien, encore jeune, n'était pas habitué à voir du monde, ni à se promener en toute liberté. Ces informations permirent à Joanne de deviner que son ex-mari était encore loin d'être remis de son cancer, bien qu'il soit considéré en rémission. Elle supposa que toutes ces chimiothérapies et ces défilés incessants d'examens étaient aussi particulièrement extenuant sur le long terme. Mais elle se doutait qu'avoir chien lui permettait de mettre le nez dehors, justement, de puiser dans cette nouvelle présence canine pour se ressourcer lui-même. Les psychologues n'arrêteront jamais de lister tous les effets bénéfiques lorsqu'il s'agit d'avoir un animal de compagnie. Les sujets valsèrent, l'un après l'autre, mais Daniel restait bien le sujet central. Lorsqu'ils étaient mariés, Hassan et Joanne avaient déjà parlé d'enfants, ensemble, sans avoir quelque chose de concret. Elle vint à se demander si ce n'était pas mieux ainsi, tout en sachant ce qu'il s'était passé par la suite. Il trouvait que le rôle de mère lui allait à merveille, comme si elle était née pour ce rôle. Elle devina son sourire triste. Si tout avait été normal, dans leur vie, s'il n'y avait pas eu de soucis de santé pour qui que ce soit, ce serait lui, qui serait père. Elle savait qu'Hassan aurait été parfait en tant que paternel, mais elle ne se voyait pas lui retourner le compliment. Parce que peut-être qu'il ne sera jamais père, avec tout ce qu'il a eu. Elle n'en savait rien, et ne voulait pas se lancer sur ce terrain plus que glissant. Alors elle préférait parler de ses activités, pour quelle cause elle consacrait son temps. Hassan avouait qu'il était dommage qu'il n'y ait pas de fondation similaire. Elle allait être loin d'oublier cette remarque, puisqu'elle en fera part plus tard à son employé, Ewan, afin de se pencher sur cette possibilité. Etendre la fondation jusqu'en Australie, le pays natal de la belle blonde. Ca avait son sens. Forcément, Hassan se demanda si elle comptait déménager de l'autre côté du globe. "Non, ce n'est pas prévu." lui répondit-elle. "Je ne me vois pas quitter l'Australie et Jamie n'aimerait pas revenir là-bas... Trop de mauvais souvenirs. Mais j'arrive à gérer d'ici, malgré le décalage horaire. C'était un peu compliqué au début, mais nous avons trouvé un bon rythme." lui assura-t-elle en lui souriant franchement. Joanne lui retourna rapidement la question, vu les quelques révélations qu'il venait de lui faire. Lui non plus, ne semblait pas vouloir quitter Brisbane, ce qui faisait sourire Joanne. "Donc tu l'envisages tout de même, mais ce ne serait pas définitif, tu ne resterais pas là-bas." conclut-elle. Ils parlaient ensuite du poste qu'il occupait à la radio, ce qui avait surpris Joanne. Hassan était plus du côté de la télévision, c'était peut-être pour ça que Jamie ne lui en avait pas parlé. Elle savait qu'il préférait avant tout son travail dans l'enseignement. Et, spontanément, il se confia à Joanne, comme le bon vieux temps, dirait-on. Malgré tout, il avait toute son attention. Daniel restait subjuguée par le collier de sa mère, avec le bruit que faisait le grelot. "Non tu ne m'embêtes pas." lui assura-t-elle lorsqu'il se rendait compte qu'il avait pris le monopole de leur conversation. "Laisse leur le temps." lui conseilla-t-elle. "C'est normal qu'ils se fassent du soucis pour toi, peut-être même qu'ils cherchent encore à te couver. Mais tu es guéri, et tu es en train de te reconstruire, Hassan. Il faut qu'ils s'en rendent compte, qu'ils te donnent une chance d'avancer par toi-même. Je pense qu'ils savent que tu leur sois reconnaissants, mais ils doivent apprendre à lâcher prise. A te faire confiance pour que tu finisses par te faire confiance." Qu'il retrouve une certaine indépendance en quelque sorte. Mettre une patte dans un plâtre prenait beaucoup moins de temps que Joanne ne l'aurait pu penser. Ben finit par réapparaître, boîtant, l'air triste qui pouvait déchirer n'importe quel coeur. "Oh, Ben..." dit-elle en le regardant d'un air désolé. Celui-ci se coucha sur les pieds de Joanne, la patte étant trop douloureuse pour s'y appuyer. Joanne le caressa tendrement, Daniel reconnut le chien puisqu'il esquissa un large sourire en le voyant. Le vétérinaire lui tendit une boîte de cachets, de quoi soulager sa douleur, puis demandé à sa secrétaire de s'occuper de la paperasse et du paiement. Mais elle restait assise pour le moment, histoire de ne pas trop précipiter le golden retriever. "Jamie va être furax de voir Ben avec un plâtre." finit-elle par dire. "Triste, certes, mais furax envers le conducteur." La soirée à venir n'allait pas être de tout repos.
Joanne avait donc plus troqué son métier contre un autre que véritablement arrêté de travailler, et sans doute toujours avec cette exclusivité dans son investissement qui l'empêchait souvent de livrer plusieurs batailles à la fois, de peur de ne pas accorder suffisamment d'énergie à l'une au détriment de l'autre. Il serait alors logique d'imaginer que la jeune femme ait décidé de se rapprocher du lieu de sa nouvelle occupation, bien qu'Hassan - dont la nature plus que casanière n'était plus à prouver - ait du mal à s'imaginer Joanne ailleurs qu'à Brisbane. Même depuis leur divorce, il s'était certes forcément imaginé tout un tas de choses la concernant, mais jamais véritablement le fait qu'elle ait pu quitter la ville pour s'installer ailleurs ne lui avait traversé l'esprit. Mais Hassan ne connaissait plus que l'ancienne Joanne, il n'avait aucune idée de ce qui faisait la vie et les décisions de la nouvelle, et sans le vouloir elle ne manquait pas dans ses mots et dans son attitude de le lui rappeler. « Non, ce n'est pas prévu. » avait-elle pourtant répondu, avec une certaine assurance « Je ne me vois pas quitter l'Australie et Jamie n'aimerait pas revenir là-bas ... Trop de mauvais souvenirs. Mais j'arrive à gérer d'ici, malgré le décalage horaire. C'était un peu compliqué au début, mais nous avons trouvé un bon rythme. » Il avait acquiescé sans faire d'autre commentaire, mais confiant finalement que pour lui aussi l'option d'une expatriation se posait, une expatriation qui le laissait perplexe et lui causait bien du souci pour l'instant, tant les pour et les contre s'emmêlaient comme pour l'empêcher de prendre une décision ferme et définitive. « Donc tu l'envisages tout de même, mais ce ne serait pas définitif, tu ne resterais pas là-bas. » Secouant la tête à la négative, parce que de cela il étai absolument certain, Hassan avait malgré tout précisé « Pas dans un futur proche, non. » A long terme il ne pouvait pas dire, la vie était pleine d'imprévus, il était bien placé pour le savoir, son dernier imprévu s'était appelé leucémie. « Et pas tant que la situation politique sera ce qu'elle est, là-bas. » C'était contre ses principes, et ce n'était probablement pas non plus ce que ses parents auraient souhaité. « Pour le reste je ne sais pas ... On ne peut jamais savoir de quoi l'avenir sera fait. » Ni pour soi-même, ni pour ses proches ... Ces presque trois dernières années avaient au moins appris à Hassan à se montrer plus prudent concernant le futur.
Mais pour ce qui était de cette proposition d'emploi temporaire en revanche, il n'avait toujours rien décidé, tiraillé entre bien des arguments à charge et à décharge, l'inquiétude latente de ses proches à son sujet en étant l'un des principaux. A lui avoir fait la morale avec autant de vigueur au moment de sa tentative de suicide, Qasim et Yasmine avaient obtenu de lui l'effet inverse : il questionnait et remettait en cause toutes ses décisions. « Non tu ne m'embêtes pas. » avait assuré la blonde tandis qu'il réalisait s'épancher un peu trop. Comme s'il oubliait, inconsciemment, que si elle avait été à une époque celle à qui il aurait confié ses doutes il n'en avait aujourd'hui plus le droit. « Laisse leur le temps. C'est normal qu'ils se fassent du soucis pour toi, peut-être même qu'ils cherchent encore à te couver. Mais tu es guéri, et tu es en train de te reconstruire, Hassan. Il faut qu'ils s'en rendent compte, qu'ils te donnent une chance d'avancer par toi-même. Je pense qu'ils savent que tu leur sois reconnaissants, mais ils doivent apprendre à lâcher prise. A te faire confiance pour que tu finisses par te faire confiance. » Il n'avait rien répondu, se contentant de laisser ses yeux glisser à nouveau sur le bébé d'un air pensif. Pour qu'elle comprenne réellement la situation et le manque de confiance qui animait les proches d'Hassan il aurait fallu que ce dernier lui avoue son geste désespéré, et c'était absolument hors de question. Des raisons de réaliser qu'elle avait sa revanche et qu'il était le seul véritable perdant de l'histoire elle en avait déjà des tas, il n'avait pas envie de lui en donner d'autres ... Question d'orgueil, probablement, pour se protéger du bonheur qu'elle lui avait jeté à la figure lors de leurs précédentes rencontres probablement sans le vouloir, mais sans grand tact malgré tout. « Je ne sais même pas comment ils réagiraient s'ils savaient que je t'ai revue. » avait-il finalement avoué, l'air pensif. Ils n'avaient pourtant pas approuvé la décision d'Hassan de demander le divorce, ils l'avaient respecté mais ils ne l'avaient pas approuvée. Et pourtant maintenant ils réagiraient mal, probablement en en tirant la conclusion hâtive que d'avoir revu son ex-femme avait penché dans la balance lorsqu'Hassan s'était trouvé au volant de sa voiture ce soir-là ... Toujours dans ce besoin d'essayer de trouver un sens ou une explication au geste du brun, quant en réalité il n'y avait pas de réponse claire à ce sujet.
La réapparition du vétérinaire, ainsi que de Ben, les avait interrompu à nouveau. Penaud, l'animal était venu se coucher sur le carrelage aux pieds de Joanne, Hassan écoutant les paroles du vétérinaire d'un air distrait tout en se baissant pour laisser ses doigts glisser sur le pelage de l'animal « Jamie va être furax de voir Ben avec un plâtre. » avait finalement commenté la jeune femme, lorsqu'ils s'étaient à nouveau retrouvés tous les deux. « Triste, certes, mais furax envers le conducteur. » Compréhensible, Hassan ne serait probablement pas dans un autre état s'il s'était agi de Spike, mais malheureusement il y avait fort peu de chances que le conducteur de la voiture n'en voit la couleur. « Je pense qu'il sera surtout soulagé de voir Ben en un seul morceau. » avait d'ailleurs fait remarquer Hassan en souriant faiblement. C'était encore le principal, et si un plâtre ce n'était jamais drôle ce ne serait bientôt plus qu'un mauvais souvenir « Tu vas réussir à te débrouiller avec les deux à la fois, ou tu as besoin que je te raccompagne ? Tu es venue à pieds ? » Tenir un chien en laisse en ayant un bébé dans les bras n'était pas forcément l'idée la plus sécurisante qui soit, mais si elle était venue en voiture la question ne se posait pas.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
C'était étrange que Joanne ressente une sorte de soulagement que son ex-mari ne va pas quitter le pays. Pas dans un futur proche, du moins. Son pays d'origine n'était pas particulièrement sûr, comme il venait de le faire. Mais il marqait une nouvelle fois sa réticence à se projeter. Son expérience de vie avait rendu impossible de considérer son avenir, d'avoir des projets à long terme. Ca ne devait pas être évident pour lui, de ne pas avoir d'objectifs sur lesquels se fixer, afin de pouvoir avancer. Il vivait un peu au jour le jour, dans un brouillard épais où le destin et le hasard se baladaient aléatoirement. "Quoi que tu décides, je sais que tu feras le bon choix." lui dit-elle, sachant de quoi elle parlait. Elle ne pensait pas toujours que c'était la meilleure solution, mais lorsqu'Hassan argumentait, elle comprenait mieux sa manière de penser, de fonctionner. La seule décision qui la dépassait encore un peu était de l'avoir mis sur le banc de touche en voulant divorcer avec elle. Mais le sujet était encore à éviter. Hassan finit par avouer qu'il n'avait pas parlé de ses proches des multiples rencontres depuis le divorce. Des moments difficiles pour les deux, l'un devait accepter qu'elle avait pu avancer de sa vie, l'autre avait du apprendre les véritables raisons de leur divorce. Elle baissa les yeux à son tour, s'en voulant un peu de le mettre dans une situation inconfortable. "Je suppose qu'ils finiront bien par l'apprendre." dit-elle en haussant les épaules. "J'espère qu'ils ne te causeront pas trop d'ennui avec ça." Joanne ne savait pas ce que les proches pensaient d'elle désormais. Jamie allait être très en colère en voyant Ben avec une patte cassée. Hassan voyait les choses sous un autre angle; ça la fit sourire. "Il saura que les choses auraient pu être bien pires, mais il sera en colère quand même, je t'assure." lui répondit-elle en riant tout en réajustant les vêtements de Daniel. Hassan proposa son aide à la belle blonde, craignant qu'elle ne soit venue à pied. Le voyage aurait été très compliqué jusqu'à la maison, mais elle avait prit la voiture pour venir jusqu'à la clinique vétérinaire. "Non c'est bon, je suis venue en voiture, ça devrait aller." lui assura-t-elle avec un franc sourire. Hassan l'accompagna tout de même jusqu'au véhicule de la jeune femme, avec le pauvre Ben qui boîtait. Joanne installa Daniel dans le siège pour bébé. Une fois que tout le monde était en voiture, elle ne savait pas vraiment quoi dire au beau brun. Des simples au revoirs auraient été extrêmement gênant, peut-être même insuffisants. Elle s'approcha de lui. "Merci encore, Hassan." lui dit-elle. Nerveuse, elle jouait un peu avec ses doigts, comme elle le faisait quand elle n'était pas vraiment à l'aise. Un peu comme leur première rapprochement, ou leur premier rendez-vous. Joanne le prit ensuite dans ses bras, ne sachant pas vraiment comme montrer autrement sa reconnaissance. Mais il y avait aussi de l'affection. "Prends soin de toi, surtout. D'accord ?" dit-elle en relâchant son étreinte. "Si jamais tu as besoin de parler, ou n'importe, tu sais que tu peux compter sur moi." Déjà qu'il ne semblait pas vouloir tout raconter aux personnes qui lui étaient le plus proche. "Ca m'a fait plaisir de te revoir, vraiment. De savoir que tu ailles bien."Joanne avait l'impression qu'il sortait la tête hors de l'eau, mais après elle ne savait pas ce qui s'était passé depuis leur dernière rencontre. Peut-être qu'il s'était trouvé une nouvelle moitié. "A moins que tu ne préfères que l'on s'évite encore." Le ton beaucoup plus timide, Joanne s'était soudainement rappelée qu'il avait demandé à ce qu'ils restent éloignés loin de l'autre. "Mais sache que si tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux compter sur moi." conclut-elle avec avec un sourire. Joanne ne savait pas quoi dire de plus. Parler d'autre chose n'aurait peut-être pas de sens, ça aurait fait bien trop bizarre, certainement. Elle se demandait comme d'autres ex-mariés parvenaient à rester ami ou en contact avec leur ex, comme si de rien n'était. Elle s'efforçait de faire les choses bien, mais elle ne savait pas vraiment sur quel pied danser par rapport à Hassan. Peut-être parce qu'elle ne savait pas exactement où lui en était.