Hannah avait tout fait pour lui rendre les choses plus que faciles à vivre quand on y pensait. Elle savait que revoir Jamie, de près ou de loin, serait quelque chose qui allait arriver. Brisbane n'était pas une ville si grande que cela et il n'était pas rare qu'ils soient tous les deux invités aux mêmes évenements, elle le savait, il le savait, alors autant faire en sorte que tout se passe dans une entende des plus cordiales. La brune n'avait plus aucun sentiment négatif en ce qui concernait le brun, elle avait fait son deuil en quelques sortes, avait chéri ce qu'ils avaient partagé, savait bien dans le fond que personne ne pouvait leur retirer cela et elle l'avait enterré quelque part, au bord de la plage où elle et Lawrence s'étaient terrés pendant quelques semaines. Histoire de passer à autre chose, car aimer un homme qui était sur le point d'être marié était le genre de bêtise qu'elle ne pouvait tout simplement plus faire, qu'elle ne voulait plus faire. Hannah savait qu'une partie d'elle aimerait toujours Jamie, comme une partie d'elle aimerait toujours Lawrence en somme, mais cela ne devait pas forcément signifier une fin heureuse dans tous les cas et ça elle l'avait accepté. Elle était donc rentrée à Brisbane, probablement plus sereine que jamais, prête à passer à autre chose. Les allers-retours entre sa demeure et le théâtre étaient devenus de plus en plus fréquents, surtout avec la nouvelle production qui se préparait et son agenda lui avait rappelé ce photoshoot auquel elle avait accepté de participer. Pour quelques pages dans l'édition du GQ Australie sur les dix personnalités les plus influentes du moment en Australie; si Hannah avait été contente et dans le fond plus que fière d'être contactée pour le photoshoot il y a des mois en arrière, il y a quelques jours de cela alors qu'on lui avait annoncé les personnalités choisies et montré l'emploi du temps elle n'avait pas pu s'empêcher de froncer les sourcils. Elle et Jamie étaient censés aller au maquillage en même temps et probablement faire quelques photos ensemble, et encore une fois, Hannah n'y voyait pas d'inconvénient, mais les choses étaient bien différentes d'il y a quelques mois en arrière et elle voulait éviter de mettre le feu au poudre. Son opinion de Joanne n'avait absolument pas changé, mais elle savait qu'un cliché d'elle et Jamie et qui plus est dans un magazine à portée nationale pourrait être mal interprété. Alors autant se charger de ce problème le plus rapidement possible. Un simple coup de fil avait été suffisant et Hannah avait expliqué qu'elle pouvait venir quelques heures en avant, chose qui arrangerait tout le monde. Elle ne risquerait pas de croiser Jamie, il n'y aurait pas de pause ou de moments gênants et ils ne seraient même pas obligés de se voir et encore moins de se parler. Confortée dans son idée que son plan était absolument parfait, Hannah commença enfin à se détendre dans la voiture qui avait été envoyée pour elle. Elle consulta rapidement ses e-mails de son portable avant de l'éteindre et de profiter de la vue qui s'étalait devant elle. La brune était toujours aussi séduite par tout ce qu'avait à offrir Brisbane et c'était bien pour cette raison qu'elle n'avait pas encore quitté l'Australie. Hannah prit une photo de l'entrée du vignoble, elle aimait beaucoup l'idée que la séance photo se passe ici, dans un endroit qui de loin ne faisait absolument Australien mais qui pour autant était cent pour cent authentique.
Impossible de penser à ses problèmes avec une vue pareille c'était certain. Et puis Hannah aimait bien jouer les mannequin, il y avait quelque chose de particulièrement satisfaisait dans le fait d'avoir tout le monde aux petits soins pour vous, et ce, encore plus que d'habitude. Les choses se passèrent de la même façon, la brune connaissait bien la danse après tout et après avoir rapidement salué le photographe et lui avoir demandé ce qu'il avait prévu pour les prochaines heures à suivre - tous les photographes aimaient se sentir un minimum en contrôle après tout - Hannah fut dirigée vers les mains expertes de la maquilleuse et de la styliste. L'idée du jour semblait être de mettre en valeur la fine taille d'Hannah et sa peau laiteuse, peu typique des gens d'ici, Hannah eut un rire quand on le lui fit remarquer et elle se contenta d'observer sa transformation face au miroir installé en pleine air. Au final, ses lèvres avait été maquillées avec un rouge foncé et ses yeux soulignés par un épais far à paupières gris , pour faire ressortir ses yeux, ses cheveux se baladaient au grès du vent tout comme la jupe en tulle noire et blanche qu'elle portait au dessus d'un débardeur bleu foncé. Hannah mit plusieurs minutes à se rendre compte que le photographe lui parlait au final, trop occupée à observer la vue, elle se reprit bien vite et se prêta au jeu de l'objectif, alternant les expressions. Tantôt sérieuse, tantôt souriante, tantôt rêveuse. Elle eut un hochement de tête pour le photographe qui lui demanda s'il pouvait bouger et elle se retrouva à abandonner ses talons pour bondir sur place littéralement, au plus grand bonheur du photographe qui éclata de rire. "Je pense que ce sont les meilleures photos qu'on a faite pour le moment... peut-être qu'on peut faire une pause pour..." Hannah suivit le regard du photographe au même moment, ce dernier cherchant sûrement son assistante, mais son regard se posa sur quelqu'un du sexe opposé et beaucoup plus grand. "Monsieur Keynes, je vois que vous avez réussi à vous libérer... non, je ne pense pas que vous avez besoin de maquillage, vous pouvez garder vos vêtements pour cette session, ça pourra faire des clichés intéressant avec Miss Siede." Hannah eut à peine le temps d'échanger un regard avec Jamie qu'elle se retrouva à ses côtés, sous l'oeil presque punitif des caméras et de la dizaine de professionnels présents. La brune poussa un soupir et se passa une main dans les cheveux. "Eh bien... je suppose que ça serait le bon moment pour sourire, non ?"
Le deuil n'était pas fait pour tout le monde. Dieu sait qu'il n'est pas facile pour moi d'abandonner. Je ne me serais jamais soucié d'avoir l'air misérable en continuant de courir après Hannah et son amitié -ou son amour, je ne sais plus si son amitié a un jour existé. J'aurais continué, quitte à l'étouffer, jusqu'à ce que ce soit elle qui baisse les bras et accepte que je continue de faire partie de sa vie. J'ai laissé tomber pour elle. Parce que c'était ce qu'elle voulait, et parce qu'après ce que je lui avais fait, la comédienne avait le droit d'être libre. Elle le méritait. Je ne pouvais pas l'empêcher de tourner la page et passer à autre chose, je savais qu'elle le ferait très bien au bout de quelques semaines. C'était ce dont elle avait besoin, et pour une fois, mon égoïsme a été mise au placard pour lui laisser le droit d'aller de l'avant après ce coup qui lui a été porté. Pour ma part, blessé dans mon orgueil, j'ai décidé de m'appliquer des œillères et d'ignorer tout ce qui pouvait être en rapport avec la brune. Sa vie, son théâtre, son sourire lors des événements où nous sommes tous deux conviés, ses photos où on la voit au bras de Lawrence Blake. Du moins, je me suis répété assez de fois que je m'en fichais et me suis assez cogné la tête contre le mur pour que je parvienne à me le rentrer dans le crâne et m'en persuader. Plus vexant encore qu'une femme qui ne veut plus de vous, c'est une femme qui parvient très bien à se passer de vous. Alors je ne voulais plus entendre parler de la Siede. Après tout, elle m'a libéré, je suis libre désormais, moi aussi, non ? Pendant un moment, cela est devenu presque facile de ne pas penser à elle. J'avais bien des affaires à régler de mon côté et qui m’accaparaient tant et si bien que je n'avais plus d'espace dans mon esprit à lui accorder -sauf lorsque je me rend sur le balcon de la radio pour fumer de bon matin mon unique cigarette de la journée, et que je me souviens de qui je tiens cette mauvaise habitude aujourd'hui trop ancrée. Il a encore fallu éviter à mon couple de tomber en ruines après que Joanne ait appris ce que je ressentais pour la comédienne qu'elle déteste tant. Il a fallu sauver la jeune femme de la dépression dans laquelle elle s'enfonçait jour après jour. C'est toujours lorsque le chapitre se ferme que la vie se plaît à nous rappeler qu'une page qui se tourne ne signe pas la fin du récit. Et ce rappel prend la forme d'une ligne dans mon agenda ; shooting pour QG. On ne peut pas dire que je ne sois pas honoré. Qui cracherait sur une place dans le classement des dix personnalités d'influence de cette année ? Ô grand jamais je n'aurais songé être choisi, et à vrai dire, je m'étais fait à l'idée que le seul média dans lequel apparaîtrait en dehors de la radio seront les magazines de la presse à scandale. Mais un tableau n'est jamais parfait, et celui-ci est entaché par la présence d'Hannah. Sûrement ce sont-ils amusés puis félicités de nous mettre tous deux sur les mêmes créneaux horaires. Le plus contrariant reste cette joie que j'ai ressenti en lisant son nom sur le papier et en me disant que je tiens peut-être une occasion en or de renouer avec la comédienne dans un cadre propice. Faible petit homme qui ne sait pas se passer d'une des deux femmes de sa vie. Pourtant, l'idée de la revoir me rend particulièrement nerveux sur tout le chemin menant à travers les vignobles en bordure de Brisbane. Je ne suis ni très concentré sur la route, ni sur le paysage, trop absorbé par un micmac de pensées. Et encore, je ne me demande même pas comment Joanne réagirait devant de nouveaux clichés de sa rivale et moi. J'ai bien trop d'autres choses en tête, comme la manière de réagir une fois face à elle. Je gare la voiture avec les autres, un peu en contrebas de la colline débordante de vignes. Je suis à pied un chemin rocailleux jusqu'au petit plateau où tout le matériel a été installé et où l'équipe du photographe s'active. Je ne les vois plus une fois que mon regard s'est posé sur Hannah qui tournoie dans le champ, et ce sourire qui illumine son joli visage. Je sursaute lorsqu'on m'interpelle tant j'étais absorbé par le spectacle. J'approche alors du photographe pour le saluer, et, salon ses instructions, n'ayant visiblement pas besoin de préparation spéciale, m'approche d'Hannah. « Je n'aurai aucun problème pour ça. » je lui réponds en haussant les épaules. « Je suis heureux de te voir. » Et je pourrais aisément sourire pour cela. D'ailleurs, je ne doute pas que ce soit déjà un peu le cas. « A moins que tu ne penses qu'il serait plus amusant de leur donner le strict opposé de ce qu'ils veulent en leur faisant photographier deux de leurs lauréats qui tirent des mines de six pieds de long et se font la guerre. » Cela ne serait pas mal non plus, de nous moquer de ces gens qui tiennent absolument à nous faire poser ensemble pour faire jaser encore un peu plus. Connaissant les journalistes et les communicants, ils sauront tout aussi bien rebondir sur ce genre de clichés et écrire en fonction quelques punch lines bien salées. Mais je crois que dans un cas comme dans l'autre, nous sommes déjà les dindons de la farce, et il n'y a pas de stratégie qui vaille mieux qu'une autre. « Mais tu es bonne actrice, tu ne devrais pas avoir trop de mal à faire comme si tu es ravie de me voir pour les photos. » Parce qu'il y a bien une raison pour laquelle elle a fait avancer sa séance, n'est-ce pas ? M'éviter comme la peste.
Hannah s’attendait vraiment à ressentir quelque chose de spécial en revoyant vraiment Jamie. Elle ne comptait définitivement pas toutes les fois où ils s’étaient croisés sans vraiment trop se voir, un banc de personnes trop riches et trop ennuyeuses qui les séparait, ou alors des photographes. Ça ne comptait tout simplement pas pour la brune. Et pourtant rien, rien ne vint, son coeur ne se serra pas, elle ne ressentit pas ce besoin quasi désespéré de fuir, celui qui l’avait habitée tout juste après sa confession sur le pont. Non. Dans un sens, Hannah en fut contente, elle se serait détestée si elle avait encore été l’esclave de ses sentiments pour lui, ça n’était pas le cas, peut-être que cesser de se voiler la face avait aidé, peut-être que laisser les mains d'un autre homme remplacer celles de Jamie y avait contribué. Peu importe, Hannah était presque sereine, pas du tout honteuse et sans aucun moyen de fuir la vérité, oui, elle aimait Jamie, une partie d’elle le ferait toujours, c’était indéniable, mais ce n’était pas forcément cette partie là qui devait la définir. Elle eut un léger sourire pour le grand brun, presque triste dans le fond avant de déclarer. "Contrairement à ce que tu sembles penser Keynes, je suis contente de te voir… D’une certaine façon, tu m’as manqué." Leur échange surtout, Hannah avait beau ignorer la plupart des personnes qu’on lui présentait, avec une aisance naturelle soit dit en passant, ignorer Jamie nécessitait un effort supplémentaire de sa part et c’était presque usant, fatiguant. Plus que le contact physique et les étreintes trop brusques qu’ils avaient souvent échangé dans sa chambre à coucher, Hannah s’ennuyait de lui, elle n’avait plus personne à faire rire en soirée avec ses piques et ses phrases pleine de double sens. Plus personne qui pouvait vraiment comprendre ses références artistiques et surtout, plus personne devant qui laisser tomber le masque. Il y avait bien Rosalie, mais ce n’était pas pareil, Hannah avait pour elle une affection particulière, comme pour une poupée de porcelaine qu’elle voulait protéger du monde, c’était comme ça, elle ne pouvait pas vraiment l’expliquer. Pour Jamie c’était différent, plus que son amant ou l’homme qu’elle aimait, c’était son meilleur ami qui lui manquait. Mais comme pour la plupart des choses qui manquait à Hannah, la brune avait appris à s’en passer. "Mais nous n’avons pas besoin d’une autre confession de ma part, n’est-ce pas ?" Peut-être que c’était déplacé de lui rappeler leur dernière conversation, elle s’en fichait, ils avaient tous les deux accepté que leur petite bulle ne serait jamais réelle et qu'il était temps de se rappeler où était leur place.
Hannah prit une profonde inspiration, laissant même les commentaires glisser sur elle, elle n'avait pas envie de se disputer avec Jamie, vraiment et plus ils passaient du temps à discuter entre eux et plus ils perdaient du temps. Hannah pouvait sentir tous les regards braqués sur eux, comme cela aurait eu dû l’être et pourtant, c’était trop… trop accusateur pour être innocent. "Quoi qu’il en soit, peu importe Joanne ou le reste de ta vie d’ailleurs, j’espère juste que Daniel va bien et ce sera tout ce que je dirai sur le sujet. Et tu n’as pas besoin d’avoir de mes nouvelles, hmm ? Parfait, ça sera juste le boulot, ni plus, ni moins." Elle eut un coup de tête pour le photographe et se plaça de nouveau devant l’objectif. "Alors donnons leur exactement ce qu’ils sont venus voir. Ni plus ni moins." Ce fut les derniers mots qu’Hannah eu pour lui avant qu’une bonne demi-heure ne s’écoule, la brune préférant se concentrer sur les instructions du photographe plutôt qu’autre chose. Il lui fallut cinq bonnes minutes de plus pour se détendre et excédée, se trouvant presque ridicule, elle finit par attraper un des bras de Jamie pour le passer autour de sa taille, voilà, c’était ça que tout le monde voulait voir alors pourquoi faire semblant ? Ses vautours auraient leur couverture et elle, elle aurait la paix pour quelques jours de plus. Le pire dans tout ça, c’était qu’Hannah se disait que si les circonstances avaient été meilleures, ils auraient pu rire et que les clichés n’auraient pas eu l’air aussi … peu naturels ? C’était surement le mot qu’Hannah cherchait, ça ne lui ressemblait pas du tout de se laisser distraire de la sorte et elle roula une nouvelle fois des yeux en voyant le photographe murmurer quelque chose à son assistante, les deux penchés au dessus de l’appareil photo. "Je crois que j'ai mérité une pause... peut-être que vous pouvez prendre quelques clichés de Jamie seul en attendant ?" Cette espèce de tension qui régnait dans l’air environnant commençait à lui donner mal à la tête, et plus qu’autre chose, ça l’énervait vraiment, elle fut suffisamment patiente pour attendre l'accord du photographe et elle finit par s’éloigner sans un regard pour Jamie, cherchant son sac. Hannah ne s’éloigna que de quelques mètres avant de se laisser tomber dans l’herbe et d’allumer une cigarette. Peut-être que noircir ses poumons l’aiderait à se détendre et se dire que toute cette situation était normale, même la vue ne réussissait plus à l’apaiser et elle se maudit intérieurement. Si se tenir trop près de Jamie cinq minutes ruinait des semaines et des semaines d'effort, alors elle ne comprenait plus rien. "Hannah reprends toi mon dieu. " murmura t-elle la cigarette au bord des lèvres.
Un rictus passe furtivement au coin de mes lèvres. Je lui ai manqué. Elle semble moins contente de me voir qu'elle ne veut me le faire croire, mais ce mot là était vrai, et cela suffit à me satisfaire. Je secoue négativement la tête avec un petit rire glissé dans un souffle lorsqu'elle évoque la dernière fois que nous nous sommes vus. Cela me semble remonter à des années, c'est étrange. Bien sûr, il fallait qu'elle en parle. C'est un souvenir assez précieux pour moi, mais je n'en dis rien. Je ne veux pas qu'elle pense que je suis fier de lui avoir arraché quelques larmes et une telle confession. Je reste muet, je vois bien que malgré son aise apparente, Hannah ne veut pas vraiment parler et instaurer de retrouvailles. Nous sommes là pour le travail, plus ou moins, alors nous resterons dans ce cadre bien délimité. « Je suis très mauvais pour ce genre de cirque, je te préviens. » Prendre des poses, avoir l'air naturel, mais pas trop, tout ça, ça n'est pas vraiment fait pour moi. Je suis plaqué derrière un micro, c'est bien que je ne suis pas mannequin. Les rares photos de moi réussies lorsque l'on me met devant un objectif sont celles où je ne sais pas que je suis photographié, quand je crois à une pause et que je n'ai plus à être aussi nerveux. Avec Hannah en prime, je suis loin d'être à mon aise. Je vois bien qu'elle est agacée, qu'elle ne souhaite pas être là, et que pour une fois, jouer ce jeu ne la satisfait pas du tout. Le photographe non plus d'ailleurs. La comédienne coupe court à la séance à deux pour s'exiler plus loin. Pendant ce temps, j'ai droit à un brin de maquillage, et quelques instructions supplémentaires de la part de l'assistante. Je reste ensuite seul à poser pendant une dizaine de minutes. Debout, assis, qu'importe ; je fais ce qu'on me dit sans réfléchir, au moins, cela semble plaire un peu plus. Je suis libéré le temps que l'on nous choisisse une nouvelle tenue sur le présentoir. Vu le ratage complet du premier essai, ils comptent bien multiplier les clichés pour être certains d'en avoir une exploitable. J'attrape mon étui à cigarettes dans ma sacoche, vérifie rapidement si je ne suis pas rappelé au travail en urgence ou si la troisième guerre mondiale n'a pas été déclarée dans mes mails. Puis j'approche d'Hannah et m'assois à côté d'elle en me fichant bien de sa permission. « Je te l'avais dit. » dis-je à propos du shooting. Pendant un petit moment de silence, nous nous contentons d'observer la vue. Je mentirais si je disais que malgré la tension dans l'air, ce panorama a quelque chose de plus charmant en sa présence. « Je… J'ai vu, à propos de Blake. » dis-je en baissant les yeux. Il n'y a pas besoin de plus pour qu'elle comprenne tout ce que j'entends par là. J'ai suivi l'affaire dès le premier cliché dans le premier magazine, pestant et rageant qu'on puisse prendre ma place si vite, si facilement. Comme si j'avais le droit de revenir à ma vie comme si de rien n'était, mais pas Hannah. Elle est marquée, elle est à moi. Ce n'est pas le genre de choses sur lequel on peut me résonner. J'ai mes possessions, et même hors de ma vie, hors de ma vie, Hanah en fait partie. J'ai été jaloux, et triste. Elle me manquait un peu plus en étant au bras d'un autre. « Je sais que tu ne veux ni l'entendre, ni l'admettre, mais nous avons besoin l'un de l'autre. » Parce que ce que j'ai vu sur ces clichés, et ce que je vois en ce moment de la comédienne, c'est une Hannah qui s'enfonce encore plus dans ses prétentions que lorsque je l'ai rencontrée. Elle se mure un peu plus et épaissit cette façade qu'elle montre au monde pour feindre et se persuader du parfait bonheur de l'indépendance et de la célébrité. Ce n'est que de la solitude et un moyen désespéré d'y remédier sans risquer de se créer des attaches. Planer au dessus des autres comme un albatros. Cela peut paraître présomptueux d'avancer une telle chose. Dire qu'elle a besoin de moi et assumer que j'ai besoin d'elle. Mais je ne pense pas qu'elle aurait l'audace nécessaire, en retour, de dire le contraire. Je ne compte pas m'expliquer, je la laisse avec cette phrase qui n'est autre que la vérité. « Nous sommes les deux facettes d'une même pièce. Nous serons plus heureux si nous l'acceptons tout de suite plutôt que de rester bloqués dans un moment qui n'est plus. Il a été, c'est tout ce qui importe, et maintenant il fait partie de nous. Je ne veux ni le nier, ni le fuir, je sais que ça ne mène à rien. » Je sors de ma poche l'étui à cigarette. Le métal est élégamment ciselé. Quitte à trimballer ces cancerettes avec moi, autant le faire bien. J'en porte une à mes lèvres et l'allume, puis savoure comme à chaque fois cette première longue bouffée. Joanne me tuerait si elle voyait ça, mais pour le moment, elle pense que j'ai arrêté depuis longtemps. Le fait est que je n'ai pas envie d'arrêter. « J'ai gardé cette mauvaise habitude de toi. » dis-je en indiquant la cigarette. « Il y a un moment où j'aurais pu arrêter, mais la cigarette me rappelle à chaque fois ces moments où on fumait à la fenêtre de ta chambre, la nuit, et on refaisait le monde pendant des heures. » Après l'amour, bien sûr, mais je n'ai pas besoin de le préciser. Elle a aussi le souvenir de ces instants, parce qu'elle n'oubliera pas de si tôt ce qu'elle y a fait avec le premier homme qu'elle a laissé y entrer -même si elle doit penser qu'elle ne l'aurait pas du désormais. Peut-être que ce souvenir est comme cette cigarette ; elle consume, empoisonne, mais elle est aussi délicieuse et réconfortante. Elle se loge en moi petit à petit, puis le moment disparaît, il n'en reste que les effluves sur la peau. « Tu sais ce qui me manque dans ce souvenir à chaque fois que j'y repense ? Ce n'est pas l'avant, ni l'après. C'est le moment précis. Et à ce moment-là, j'étais à une fenêtre, fumant une cigarette, avec ma meilleure amie. » Pas mon amante, pas celle qui m'arrache des sentiments que je ne comprends, rien d'aussi compliqué. C'était juste elle et moi, notre complicité, notre monde. « Je veux qu'elle revienne. »
Hannah avait senti la présence de Jamie bien avant que le brun ne vienne s'asseoir à ses côtés. Elle en était à ce point-là et elle ne tourna pas immédiatement la tête, trop concentrée sur la vue, sur sa cigarette, prêtant attention à tout mais pas à lui. Pourtant, elle savait mieux que quiconque à quel point la présence de cet homme-là pouvait être etouffante, et elle ne pouvait pas juste tourner la tête et prétendre qu'il n'était pas là. Elle eut pour lui un regard noir alors qu'il lui parlait de Lawrence. Vraiment ? Avait-elle envie d'articuler, elle mourrait d'envie de lui en coller une et de se lever, pour mettre le plus de distance entre eux. Mais Hannah pouvait dire en quelques secondes, rien qu'en fixant le brun, que ça lui avait fait du mal de la voir au bras d'un autre, beaucoup d'ailleurs. Bien sûr, que ce serait Jamie s'il n'était pas possessif et jaloux ? Absolument rien. Elle aurait pu être vicieuse, lui faire remarquer qu'il n'avait que recouvrir les marques de Lawrence avec les siennes car ça avait été lui le premier et pas Jamie, mais à quoi bon? Ce n'était pas une compétition et elle n'obtiendrait rien du tout en énervant Jamie. Elle était fatiguée, trop pour se battre, trop pour jouer à quoi que ce soit, ou même se soumettre à l'oeil inquisiteur d'un appareil photo, alors que d'ordinaire c'était une de ses activités favorites. Non, Hannah préféra demeurer pensive, fixant Jamie, tout dans sa posture lui demandant ce qu'il fichait là. Pourquoi elle ? Pourquoi eux ? Pourquoi est-ce qu'il ne pouvait pas la laisser tranquille tout simplement ? Elle lui avait demandé de lui rendre sa paix et sa liberté, ce n'était pas pour qu'il vienne de nouveau l'enchainer. Pourquoi ? Oh mais parce qu'il avait besoin d'elle... Parce qu'ils avaient joué et qu'ils en étaient là à présent, incapable de fonctionner quand l'un n'était pas dans la vie de l'autre. Hannah aurait pu rire face à l'ironie, à la vérité de la chose, mais elle choisit d'écraser sa cigarette pour respirer un grand grand coup. "Elle était là, elle t'a regardé partir je te le rappelle..." répondit finalement la brune. Le sens de sa phrase était clair, il y avait des choses qu'elle pouvait pardonner mais pas ça, pas la façon dont il s'était remis avec sa fiancée. Apparemment son amie ne méritait pas d'explication concrète et son amante avait été congédiée d'un simple claquement de doigts. Hannah lui en avait voulu, plus qu'elle ne s'en était cru capable, mais elle avait également compris que c'était quelque chose qui lui resterait toujours en travers de la gorge. "Et ne blâme pas pour ton addiction soudaine à la cigarette Keynes, quoi que... vois le côté positif des choses, quand tu seras en train de mourir d'un cancer, tu auras quelqu'un pour te tenir compagnie ..." L'humour noir lui allait bien au teint, Hannah en était certaine, son sourire hypocrite ne dura que quelques secondes, seulement pour être remplacé par quelque chose de plus vrai.
La vérité était qu'elle était incapable de lui en vouloir complètement, pas entièrement, il l'avait marquée c'était certain, il y avait une Hannah qui serait toujours à lui. "Ça serait le simple si tu me détestais Jay, vraiment, on pourrait tous les deux passer à autre chose. Mais non, tu t'obstines, encore et toujours, peu importe les conséquences." Ça c'était une autre vérité qu'il ne voulait pas entendre, elle se chargerait de la lui rappeler, de lui rappeler qu'il faisait une erreur monumentale en voulant être dans sa vie à elle mais soit. "Peut-être que c'est pour ça que je t'aime autant." conclut tout simplement Hannah. Elle qui avait eu tant de mal à l'admettre et à le dire... ça semblait être risible de dire les mots maintenant, et pourtant, elle venait de le faire. Hannah ne voulait pas se battre, elle ne voulait plus le faire et sans vraiment lui demander son avis elle s'empara du bras gauche de Jamie pour le passer autour de sa taille à elle. Elle laissa sa tete reposer sur l'épaule du brun et lâcha un autre soupir. "Il n'y a rien à dire à propos de Lawrence tu sais... s'il a été capable de m'aimer un jour, je ne pense pas qu'il soit en mesure de le refaire. C'est tout moi ça, faire fuir tous les hommes de ma vie, mais je te rassure je le vis très bien." Elle savait qu'il s'était inquiété, après tout, Hannah n'était pas la personne qui avait un rythme de vie sain, mais elle ne mentait pas pour le coup. Elle allait bien, elle avait accepté la rancoeur de Lawrence, le fait que Jamie ne serait jamais à elle et elle continuait d'avancer. "Mais tu m'as pardonné, on s'est pardonnés, pourquoi je ne sais pas, peut-être pour se retrouver là. Si tu récupères ta meilleure amie, ça va encore faire des vagues et tu le sais aussi bien que moi. Il y aura encore les rumeurs et tout ce qui va avec... peut-être que c'est avec toi j'aurais dû fuir pendant trois semaines." Hannah ferma les yeux et resta blottie contre Jamie, là où tout n'avait pas vraiment des allures de réalité et où elle pouvait tout oublier.
La honte, c’est ce qui résume le mieux ce que je ressens lorsque je songe à tout ce qu’il s’est passé. La manière dont j’ai abandonné Hannah est bien mon unique regret dans toute cette histoire. Disparaître quelques jours, revenir fiancé, et être incapable de fournir la moindre explication ou excuse valable à celle qui m’a porté pendant des semaines. « Je sais. » Mon regard est bas. Elle a le droit de me blâmer pendant bien des années, cette ardoise ne s’effacera pas de sitôt. La comédienne s’était dévouée corps et âme, je n’ai pas su l’apprécier à sa juste valeur. J’espère pouvoir me rattraper un jour, me racheter, me montrer digne de tout ce qu’elle m’a donné et qu’elle me donne encore. Contrairement à ce que les apparences tendent à montrer, la jeune femme a bien de l’affection à donner, énormément, et elle ne compte pas lorsqu’elle donne. C’est tout ou rien, et peut-être se porterait-elle mieux aujourd’hui si elle ne m’avait rien donné. Sauf qu’elle n’a pas choisi cette option. Désormais, il y a comme une dépendance. La cigarette, les souvenirs, elle. Tout ce que je ne veux pas quitter, quand bien même cela soit toxique. « Je ne pourrais pas rêver meilleure compagnie pour rire de nos crânes chauves. » je lui réponds avec un doux sourire. Je sais que si cela devait m’arriver, Hannah serait là. Et si elle finissait reliée à des perfusions dans une lugubre chambre d’hôpital, je serai là aussi. Quelque chose d’indélébile s’est écrit sur les pages de notre histoire. Certes, tout serait plus simple si je détestais celle dont la simple existence semble menacer mon mariage à venir, et si elle ne voulait pas du monstre que je suis dans sa vie. Mais nous ne semblons pas taillés pour les histoires simples. L’amour n’est pas simple. Alors que Hannah passe mon bras autour de sa taille et se blottit contre moi, je souris, satisfait. Voilà une bataille de gagnée, conclue par quelques mots d’amour. Je serre un peu plus la comédienne contre moi et dépose un baiser au sommet de son crâne. « Mais ils finissent par revenir. On se passe difficilement de toi, Siede. » Moi, Lawrence. S’ils ont eu un passif, c’est ce qui les a rattrapés lorsque je suis parti. J’aime pense qu’il ne m’a pas chassé pour autant, et ma place est demeurée intacte. Je récupère ce trône comme si je ne l’avais jamais quitté. Être un homme dans la vie d’Hannah est facile, imposer son nom dans sa vie mérite une ovation, et être celui qui la fait plier, une couronne. « Peut-être que fuir n’est pas la solution. » Cela ne semble pas avoir réussi à qui que ce soit. Le naturel revient toujours au galop, la vie nous rattrape. On ne peut jamais courir assez loin. « Je me fiche des rumeurs. Nous, nous savons. » Nous savons ce qui a été, et ce qui est. Hannah est un peu à moi, et je suis un peu à elle. Nous sommes surtout des enfants terribles. Quelqu’un s’éclaircit la gorge derrière nous ; nos regards tombent sur le photographe qui, après avoir volé quelques clichés de cet instant avec discrétion, espère réussir des clichés plus officiels pour cette séance. « Mr Keynes, Miss Siede, nous pouvons reprendre ? » J’acquiesce d’un signe de tête, me lève, et aide Hannah à se remettre sur ses deux jambes. « Nous vous avons préparé d’autres tenues, vous pouvez vous changer là. » L’homme indique la caravane qui contient le dressing, du matériel photo, et un simple paravent pour nous séparer pendant que nous nous changeons, par principe. J’enfile rapidement la chemise et le pantalon qui m’ont été fournis, sans cravate, sans fioriture. L’assistante s’occupe de retrousser mes manches et ouvrir le premier bouton de la chemise. Bucolique jusqu’au bout. J’aime particulièrement les bottines au cuir brun que j’ai aux pieds. Une fois prêt, je me glisse de l’autre côté du paravent, du côté de Hannah, qui termine d’enfiler une robe vaporeuse –du genre de celles dont j’ai toujours trouvé qu’elles lui vont le mieux. « Monsie… » L’assistante tente de me faire barrage. Je ris doucement et l’écarte du chemin. « Allons, j’ai déjà vu tout ça dans le détail. » Et bien plus qu’un simple dos dénudé. Avec application, je ferme les boutons qui scellent la robe derrière puis passe la fine ceinture autour de sa taille. « Et voilà. Cette fois, je pense que nous pouvons leur donner ce qu’ils veulent. » Le photographe nous fait d’abord poser près d’une barrière en bois qui borde le vignoble. Quelques larges rondins sur lesquels nous pouvons grimper, nous asseoir, ou juste faire les enfants et se prendre pour les rois du monde, debout, surplombant toute la vallée de raisins sous le soleil. J’en saute en faisant le pitre –puisque c’est ce que je fais de mieux pour ne pas avoir l’air complètement coincé. Pour en faire descendre Hannah, je l’invite à passer ses bras autour de mon cou et me laisser la porter en mariée jusqu’à ce que ses pieds touchent le sol rocailleux. Dans une partie plus dégagée du vignoble, nous avons de l’espace pour bouger. Nous marchons, main dans la main, puis j’attire la comédienne vers moi, la fait tourner sur elle-même et la réceptionne dans mes bras. Mon regard reste constamment plongé dans le sien, un sourire complice sur les lèvres.
Peut-être qu’il était temps de tourner la page, d’oublier ce qui remontait à des mois et cesser d’être en colère. Hannah n’avait pas une once de colère en elle, elle n’était plus capable d’en donner et au final, être loin de Jamie et prétendre qu’il n’existait tout simplement pas lui demandait une trop grande concentration. Il était désormais impossible pour la brune de le chasser de sa vie, il était devenu trop indispensable et savoir que le sentiment réciproque était suffisant. Dans ses bras, Hannah avait vraiment l’intention que le reste du monde n’existait pas, pas besoin de se justifier, d’expliquer ce lien entre eux, cette connexion qui dans le fond les dépassait bien et qu’ils avaient choisi d’accepter. L’actrice fut d’autant plus rassurée par les mots suivants de Jamie, qui eurent au moins l’effet de faire naitre un vrai sourire sur son visage. "C’est bien mieux comme ça." Comme ça, tout paraissait simple, eux seuls savaient vraiment, eux seuls comprenaient, au diable le reste du monde pas vrai ? Hannah n’était pas dupe pour autant, savait qu’ils ne pouvaient pas vivre éternellement dans leur petite bulle, elle aurait adoré pourtant, c’était facile d’oublier le reste avec lui mais… qu’est-ce qu’ils y pouvaient pas vrai ? Il y aurait toujours des questions, toujours quelqu’un pour dire qu’ils formaient le couple parfait. Ça n’avait pas la moindre importance au final. Hannah se retourna, presque ennuyée au final, quand ils furent interrompus et elle leva les yeux vers Jamie, pour savoir s’ils pouvaient gagner quelques minutes de plus et accepta la main qu’il lui tendait. "Retour à la réalité pas vrai ?" dit la brune dans un autre sourire. Ils étaient là pour une bonne raison et encore quelques heures devant les objectifs semblait de rigueur, ça ne dérangeait pas Hannah, mais désormais que la paix était de nouveau instaurée entre elle et Jamie, elle avait l’impression qu’ils avaient perdu des années, presque une décennie sans se parler. Ou alors Hannah voyait et ressentait les choses de cette façon car personne n’avait vraiment été digne de son attention ces derniers temps et meme avec Lawrence, chaque discussion n’avait été qu’une dispute et une joute verbale incessante. Elle n’avait pas pu vraiment baisser sa garde sans guise de représailles, ce n’était pas comme ça avec Jamie et encore heureux, pas besoin de jeu, pas besoin de faire semblant, elle avait arrêté depuis longtemps avec lui et c’était une des raisons qui l’avait rendu si important à ses yeux. Hannah se prêta néanmoins au jeu et se laissa guider jusqu’à la tenue suivante et remercia le ciel que la styliste ait plus ou moins compris son style, quand on était aussi fine qu’elle, on ne pouvait malheureusement pas se permettre de tout porter. La brune venait juste d’enfiler le dessus de sa robe quand elle sentit les mains du brun dans son dos, elle tourna légèrement la tête pour lui jeter un regard qui se voulait outré.
"Tu vas finir par choquer plus d’une personne si tu continues comme ça Keynes… et ce meme si tu as déjà vu tout ce qu’il y avait à voir, et puis tu es censé être un gentleman, non ? " le taquina Hannah. Elle eut pour l’assistante un regard désolé avant de suivre Jamie. Le nouveau set était tout aussi simple et authentique que le précédent, une chose assez rare au final, et Hannah abandonna rapidement ses chaussures pour grimper sur un rondin de bois, enfin plus grande que Jamie. "C’est important pour ton bien Keynes. Si, si." déclara t-elle en laissant reposer son coude sur l’épaule du brun. C’était à croire qu’il n’y avait plus de photographe, ou plus vraiment de Monsieur Keynes ou Miss Siede ou de grands magazines ou de listes stupides ou de personnalités influentes, juste Jamie et Hannah. Hannah qui avait toujours des expressions maitrisées, souriait et elle sourit davantage en montrant à Jamie, qu’elle pouvait être encore plus grande que lui en se mettant sur la pointe des pieds. Le photographe lui rappela où elle se trouvait encore une fois et elle laissa volontiers Jamie la porter, trop contente d’être dans ses bras pour protester ou dire quoi que ce soit. Elle attendait l’après coup, que la séance photo termine qu’elle se lasse, mais l’instant durait encore, heureusement et une fois sa main dans celle de Jamie, son inquiétude finit disparaitre, encore plus en voyant le brun faire le pitre. "Qui a dit que les photoshoot devaient forcément être compliqué, hmm? J’arrive meme à oublier le photographe." dit-elle avant de tirer Jamie encore plus à l’écart, assez près du photographe pour qu’il puisse prendre des photos mais suffisamment loin pour que Jamie soit le seul à l’entendre. "Et toi comment ça va ? Et je pose vraiment la question là Jamie, je ne parle pas de ta petite famille ou d’ABC, ou de ton mariage en préparation… mais de toi, comment tu vas ? " Hannah posait la question parce qu’elle connaissait Jamie, elle savait qu’il faisait passer tout le monde avant lui et veillait sur tous, au point de s’oublier lui-meme, c’était peut-être pour ça qu’il était aussi possessif il avait besoin d’avoir le contrôle sur tout le monde pour se sentir complet. "Et interdiction de mentir Keynes. "
Ce n'est toujours pas après cette séance photo que je me sentirai plus doué pour prendre la pose, au contraire. Je suis bien idiot et penaud à côté de Hannah qui a l'habitude de tout ceci. Moi, je suis doué pour faire l'idiot devant un appareil photo, ou au mieux essayer de l'oublier et jouer avec la jeune femme comme s'il n'y a que nous deux. « Hm, quel photographe ? Je ne vois personne. » je rétorque alors avec un petit rire. Je préfère nous croire seuls, cela m'ôte un peu de nervosité et me rend de mon naturel. Les photos n'en seront que plus réussies. Plus tard pendant la séance, subitement bien sérieuse, Hannah me demande comment je vais -mais pas comme on demande quel temps il a fait hier, non. Je reste muet un instant. Difficile de répondre. Je ne suis qu'une soupe d'émotions en ébullition. Je suis tout et rien à la fois. « Je ne sais pas. » je finis par dire. Je ris nerveusement. « Sans mentir, je ne sais pas. Je ne me pose pas la question. » Parce que la réponse n'est jamais claire, ou jamais plaisante. « Mais si ma réponse spontanée n'est pas de dire que je vais mal, c'est que je vais bien, non ? » j'ajoute avec un sourire et un haussement d'épaules. Après tout, est-ce que j'ai matière à me plaindre ? Absolument pas. Sûrement pas. Peut-être pas. « Allons, Siede, ne commences pas déjà à essayer de me protéger. Profite de l'instant. » Il reste quelques clichés à faire, le photographe ne semble pas encore repus. « Et après, nous irons goûter le fruit de ces vignes dans la maison du vin en bas de la colline, je suis passé devant en arrivant. Il sera peut-être tôt pour ça, mais tant pis. Alors nous pourrons parler. » Mais ici, ce n'est pas l'endroit ni le moment. Pendant une dizaine de minutes encore, nous jouons le jeu du mieux que nous pouvons. Puis Hannah fait quelques photos seule, et moi aussi, pour conclure la séance. Nous sommes invités à aller reprendre nos propre habits dans la caravane, puis nous serons libérés. Ce n'est pas de la curiosité qui me pousse à frayer un chemin pour mon regard à travers le paravent qui me sépare de Hannah, mais c'est tout comme ; je ne peux rien contre ça, je veux juste voir ce qu'il y a de l'autre côté. Ce n'est encore que son dos nu, mais c'est assez. Un peu songeur, l'observation de la chue de ses reins m'absorbe jusqu'à ce que la comédienne se retourne ; alors je sursaute et me redresse en priant pour qu'elle ne m'ait pas vu. Je termine de boutonner ma chemise, la rentre dans mon pantalon et ferme ma ceinture. Puis je soupire, pensant que, n'empêche, la séance photo m'a fatigué. En sortant de la caravane, je tiens la porte à Hannah jusqu'à ce que ses pieds touchent la terre. « Merci beaucoup à vous deux pour votre participation. Nous avons quelques excellents clichés, vous rendez très bien en photo tous les deux. Je plains la personne qui devra choisir celle qui apparaîtra dans le magazine. » Je me contente de sourire sans rien dire, laissant ce rictus libre d'interprétation, puis je salue le photographe. Je prend la comédienne par le bras et l'attire vers ma voiture. Elle s'installe sur le siège passager de l'Aston Martin, puis nous partons dévaler la colline jusqu'au gîte qui se trouve en contrebas, là où la famille de vignerons propose la dégustation de leurs produits. C'est un peu cliché, mais nous sommes installés à l'extérieur, à côté de la porte, sur deux chaises hautes autour d'un grand tonneau. « J'ai arrêté le traitement qui régulait mon humeur depuis un an, il y a quelques semaines. Alors ''comment je vais'' est une notion un peu compliquée en ce moment. Mais j'en avais assez de me sentir… pris en otage. » Une sensation étrange que j'ai bien du mal à expliquer sans passer pour un fou, mais c'est ça, c'est l'impression d'être pris au piège dans son corps, d'assister à sa propre vie, et de vivre les émotions de loin. Ca, c'est terminé. Désormais, je passe quasiment tous les jours par l'intégralité de la palette des émotions humaines aux couleurs bien trop saturées, et je passe de grandes euphories à l'angoisse en un claquement de doigts, sans parler de la colère. Un volcan a été étouffé pendant des mois, maintenant je m'efforce de ne pas le laisser exploser trop violemment. « Je préfère être ainsi. Ce n'est pas simple, ni pour moi, ni pour Joanne, ni pour personne. Mais je me dis que je suis comme ça, point c'est tout, et que j'ai gagné le droit d'être moi-même, quitte à être absolument imparfait. » Hannah sait quel parcours cela a été pour moi avant de pouvoir vivre pour moi. Accepter de prendre ce traitement était une erreur que je répare désormais. « A toi, Siede. En dehors de ton travail, de tes conquêtes… comment tu vas ? » Elle a bien sûr l'interdiction de mentir, cela va sans dire.
"Hmm." fut la seule réponse qu’offrit Hannah, son regard toujours posé sur Jamie. Elle n’allait pas lui faire part de tout ce qui se passait dans sa tête, il avait sûrement raison, ce n’était ni le lieu ni le moment mais… la brune ne pouvait pas s’empêcher justement, de toujours le surprotéger, d’être forte pour deux, pour eux deux, quitte à s’autodétruire un peu en même temps. Hannah l’avait déjà fait pour lui et si c’était à refaire, elle le ferait sans absolument aucune hésitation. Chaque homme avait besoin de quelque chose de différent dans le fond et ça l’actrice l’avait compris depuis très longtemps. Lawrence avait eu besoin d’une muse, quelqu’un pour poser une main sur son épaule et pour le guider dans les moments les plus difficiles et c’était ce qu’elle avait été. Pour Jamie, il fallait quelque chose d’autre, quelqu’un d’un peu plus ferme et surtout quelqu’un qui pouvait lui tenir tête, lui montrer quand il avait tort et surtout lui faire comprendre que le monde n’allait pas s’écrouler s’il baissait sa garde. Est-ce qu’il avait intégré cela depuis qu’ils se connaissaient, Hannah ne savait pas vraiment, les choses avaient été si compliquées dernièrement, plus le temps de rien, plus le temps pour être amis même. S’ils avaient été seuls, Hannah l’aurait sûrement traité d’idiot, avant de le prendre dans ses bras, un geste contradictoire certes, mais elle en avait souvent en présence de Jamie, il n’y avait pas d’autres moyens de lui faire comprendre ce qu’elle ressentait. Cependant, Hannah n’en fit rien, elle garda ses sentiments au placard pendant quelques instants et se concentra sur le photographe. Sur les derniers clichés, sa main ne quitta pas celle de Jamie, peut-être car c’était tout ce qu’elle pouvait faire pour lui montrer qu’elle se souciait vraiment de lui, elle ne le savait pas, elle lui lâcha seulement la main quand elle fut obligée de prendre quelques photos toute seule. Et là encore, elle avait parfaitement conscience de là où se trouvait Jamie, son regard dérivant encore vers le grand brun. L’actrice profita presque de cet instant pour jouer avec la caméra et faire le point dans sa tête, elle n’allait pas prétendre qu’elle ne se souciait pas de ce qui lui arrivait, bien sûr que oui, il y avait des choses qu’elle était prête à faire pour Jamie que personne d’autre ne pourrait lui demander. Non, personne. Hannah se dit également, au moment de la toute dernière photo, qu’il n’y avait aucun moyen d’y échapper, elle l’aimait, l’aimerait probablement toujours et que tenter de changer cette vérité là ne résoudrait pas ses problèmes. Peut-être que le dernier clic parvint à capturer un vrai sourire et peut-être une expression un peu plus vraie et un peu plus personnelle, aucun moyen de le savoir avant la sortie du magazine, n’est-ce pas ? Hannah eut un soupir, définitivement ailleurs, avant de pouvoir retourner se changer, il fallait avouer que cette robe était affreusement ridicule et elle fut bien contente de pouvoir l’enlever pour passer la sienne. La rapidité avec laquelle elle changea de vêtements indiquait bien que la brune avait des années de mannequinat derrière elle, et, sans fermer complètement sa robe, elle se retourna pour attraper un élastique pour ses cheveux dans son sac et presque comme quelque chose de familier, Hannah surprit le regard de Jamie. Cela ne dura que quelques secondes tout au plus mais l’actrice était bien certaine de l’avoir aperçu, juste là, et cette fois-ci, il n’était définitivement pas là pour la séance photo ou juste pour voir sa meilleure amie. Jamie tu es irrécupérable, se dit Hannah avant de terminer de s’habiller. Elle rangea l’incident dans un coin de sa tête, à quoi bon faire semblant, ils avaient été amants, peut-être que le désir restait, peut-être qu’elle lisait un peu trop dans un simple coup d’oeil.
Quoi qu’il en soit, Hannah conserva son regard sur Jamie alors qu’on les saluait une dernière fois. C’était comme avant, quand ils venaient juste de se rencontrer, que tout était léger, sauf que cette fois-ci elle savait comment il fonctionnait et quel goût avait ses lèvres. Hannah apprécia le silence confortable jusqu’à ce qu’ils soient assis, son regard indiquant clairement que Jamie n’avait plus aucun moyen de ne pas répondre à sa question désormais. Sans pouvoir s’en empêcher, Hannah finit par lui prendre les deux mains, elle le laissa finir de parler néanmoins, les questions au bord des lèvres. Pourtant elles étaient nombreuses mais Hannah ressentit tout d’abord un sentiment de fierté pour lui, elle la première avait vu les colères noires qui pouvaient envahir le brun, et elle pensait définitivement que c’était plus sain s’il les expérimentait une par une. C’était bien pour ça qu’Hannah avait choisi son métier, se défouler de manière ponctuelle était beaucoup moins dangereux pour son entourage. "Tu sais ce qu’on dit, si c’est facile c’est que ça n’en vaut vraiment pas la peine." conclut simplement la brune en resserrant les mains de Jamie. " Du moment que c’est ta décision, bonne ou mauvaise, ça te convient alors c’est ça le plus important. Et personne ne peut te reprocher d’être toi-meme, encore une fois, si ça ne plait pas aux autres, qu’ils aillent au diable. " Le ton d’Hannah était catégorique, elle pensait vraiment ce qu’elle disait, de la sorte, Jamie allait enfin voir qui étaient ceux qui tenaient vraiment à lui et ceux qui se contentaient de faire semblant. En ce qui la concernait, elle ne s’était jamais leurrée, elle savait que les gens étaient imparfaits, et que lorsqu’on disait aimer quelqu'un on devait accepter le bon, comment le mauvais. Hannah quitta le regard de Jamie pendant quelques secondes, elle appréciait qu’il prenne de ses nouvelles, mais elle ne savait pas vraiment comment le faire sans le blâmer pour sa déprime. "Je vais bien, enfin je crois, ça a été le bordel, avec tout ce qui s’est passé entre toi et moi, et Lawrence, mais je crois que je vais faire une croix sur les hommes pendant un petit moment… Un long moment d'ailleurs et me concentrer uniquement sur mon travail." La brune haussa simplement les épaules, honnête encore une fois. " C’est ce que je fais en ce moment, j’enchaine les répétitions et les rendez vous, rien de très intéressant. Mais ça me va très bien… je me fais poursuivre par la presse de temps à autre, ce n’est pas vraiment ça qui compte, ce sont juste des photos, juste de l’encre à faire couler, je ne le prends personnellement, ça n’a jamais été le cas." Elle faisait référence aux dernières magazines dont Lawrence et elle étaient les vedettes, il n’avait pas pu y échapper." Tout ce que je sais c’est que pour le moment je ne ressens pas le besoin de jouer outre mesure, en dehors de la scène je veux dire je suis…. Juste Hannah."
Ce n’est qu’un contact innocent, pourtant, il suffit que Hannah prenne mes mains dans les siennes pour que ce toucher en rappelle d’autres. Des réminiscences qui auront besoin d’un peu plus de temps pour s’envoler, et surtout, de plusieurs couches d’autres souvenirs pour les enterrer et les oublier. Quoi que, non, ils ne seront jamais oubliés. Mais à cet instant, ils font partie de nos derniers souvenirs ensemble, les plus vifs, et reviennent forcément aisément en mémoire. Cela ne signifie pas que j’ai envie d’elle. C’est un sentiment particulièrement étrange. Je sais que c’est du passé, je sais que ça ne reviendra pas. C’était un bon moment, et j’ai pour ces images une affection nostalgique. Je crois que nous resterons tactiles l’un envers l’autre suite à cela. Quoi qu’il en soit, mes mains protégées par les siennes, je me sens en confiance. Je n’ai jamais douté du fait que je peux absolument tout dire à Hannah. J’aime me confier à elle d’ailleurs. Elle fait partie des vrais amis, de ce qui vous disent quand vous avez merdé, ou qui vous encouragent quand vous en avez besoin. Elle ne fait pas preuve de complaisance pour faire plaisir. Je ne peux compter que sur elle pour me tenir tête quand je fonce droit dans le mur. Mais visiblement, même si elle doit désapprouver certaines des conséquences de cette décision, les crises de colère, la violence, elle me soutient dans le fond ; j’ai le droit d’être moi-même, et ceux que cela déplaira, personne ne les retiendra. « C’est exactement ça. » J’espère, un jour, ne plus me sentir coupable d’être qui je suis. J’espère être capable de me regarder dans un miroir, et ne pas avoir peur de ce que j’y vois. « Merci. Je savais que tu comprendrais. » dis-je avec un sourire reconnaissant. « Nous allons visiter la famille de Joanne le mois prochain, je ne pense pas qu’ils auront ton ouverture d’esprit par rapport à cette décision. Ils ne sont pas très fans de cette facette de ma personnalité depuis qu’elle a mené à un petit incident entre Joanne et moi au début de notre relation. » Je parle du soir où, dans une de ces rages noires, alors que la jeune femme voulait s’éloigner de moi, je l’ai jetée au sol afin qu’elle ne m’échappe pas. Je ne sais pas si je l’ai déjà raconté à Hannah, ce n’est pas un épisode dont je suis fier. Mais il a eu plusieurs avantages par la suite. « Ils auront peur que je m’en prenne à elle encore une fois. » Peut-être auront-ils cette crainte avec raison. Peut-être que je suis redevenu dangereux pour elle, pour moi-même, pour tout mon entourage. Pourtant, Dieu sait que je ne veux pas faire le moindre mal. Que ce soit pour Joanne ou même Hannah, je ne pourrais pas vivre avec un nouvel acte de violence de ce genre sur la conscience. Je ferai en sorte que cela ne se produise pas. A mon tour, je prends des nouvelles de la comédienne. Je m’attends bien entendu à en prendre pour mon grade, même entre les lignes, mais Hannah se fait bien plus douce que je ne l’aurais pensé, même si elle admet que je fais partie des raisons qui la poussent à s’éloigner de la gent masculine pendant un temps. Je ne le prends pas mal. Cette histoire a mis le bordel, comme elle dit, dans la vie de toutes les personnes concernées. C’est en partie de ma faute, me vexer ne serait qu’une manière de ne pas l’assumer. Alors que ma part de tort est on ne peut plus claire. Je dois ravaler ma curiosité, un brin malsaine, qui me pousserait à poser mille questions à propos de Lawrence si je ne me taisais pas. J’aimerais savoir depuis quand ils se connaissent, où est-ce qu’ils se sont rencontrés, pourquoi lui pour prendre ma place, qu’est-ce qui a cloché, s’il l’a blessée, et si oui, comment, et si je dois lui régler son compte. Je ne dis rien, je laisse Hannah poursuivre. Parce qu’il est clair que cette histoire ne l’a pas non plus laissée indifférente, si elle souhaite autant évincer le sujet, et que je ne ferais que retourner le couteau dans la plaie tout en crachant ma jalousie au passage –et cela ne serait bon ni pour elle, ni pour moi. La comédienne a visiblement besoin de se recentrer. Elle met son travail au sommet de ses priorités, le temps de panser ses blessures, de remettre sa vie à plat. Je ne la comprends que trop bien, c’est ainsi que je fonctionne aussi lorsque la vie me joue des tours. J’ai toujours fait d’énormes bonds de carrière quand tous les autres éléments de mon existence laissaient à désirer, voire me laissaient complètement tomber. « Ca te fera le plus grand bien, à mon avis. Peut-être que tu prendras goût à cette Hannah. » Je ne suis personne pour juger ce qui est bien pour elle ou non, Hannah est une grande fille avec du caractère et plus d’une corde à son arc, mais je pense qu’elle a raison. Avant que nous ne poursuivions, la viticultrice vient à notre rencontre pour nous demander quel vin nous comptons goûter. « Nous allons tout simplement prendre ce que vous avez de meilleur. » dis-je avec un sourire et un ton qui laissent comprendre que le prix du verre importe peu, je ne demande qu’à être surpris par ce qu’ils ont à nous proposer. La femme repart, nous ouvre une bouteille d’une de leurs précieuses vieilles cuvées, sert deux verres et ne nous dérange pas plus longtemps. « Et tu as des projets ? » je reprends, curieux. Je ne doute pas qu’elle en ait. « Le titre de la prochaine pièce dont tu feras partie ? » Et le rôle qu’elle tiendra, bien sûr. Elle voudra sûrement être la tête d’affiche cette fois. « A moins que ça ne soit top secret, bien sûr. Mais tu sais que je finis toujours par tout savoir, c’est mon travail, alors autant tout me dire tout de suite. »
Hannah n'avait jamais aimé parlé d'elle. Non, quand on y pensait vraiment, peu de personnes pouvait affirmer qu'il savait qui était réellement Hannah et ce qui se cachait derrière chacun de ses sourires. C'était souvent difficile et la brune rendait toujours les choses plus compliquées. Parce que la vérité était plate et inutile tout simplement, Hannah savait se rendre intéressante avec ses remarques bien placées et acides, ses robes hors de prix et cette classe folle qu'elle avait toujours en se déplaçant. En réalité, la brune était beaucoup plus privé et plus mesurée qu'elle n'y paraissait et gardait beaucoup pour elle. Le meilleur sûrement, c'était ce qu'elle aimait penser. Elle n'avait donc pas pour habitude de raconter la moindre de ses pensées ou même encore ses projets d'avenir, bien entourée, Hannah était une femme qui naviguait et avançait souvent seule, confortée par sa propre idée de ce qu'elle jugeait digne et parfait. Pourtant, les questions de Jamie ne paraissaient pas intrusives, bien au contraire, Hannah avait envie de tout lui raconter, à commencer par sa rencontre avec Saul et par sa proposition et la nouvelle troupe qu'il voulait qu'Hannah intègre. Elle avait eu envie de lui conter tout ceci avant même qu'il pose la question, signe que malgré tout ce qui s'était passé entre eux, Hannah lui faisait toujours confiance. Ce qui prouvait bien que plus que tout, c'était son meilleur ami qui lui avait manqué. Avant que la brune ne puisse s'épancher en confidences cependant, ils furent interrompus par une des propriétaire du lieu et Hannah laissa Jamie commander, un franc sourire les lèvres. "Tu commences à devenir aussi exigeant que moi Keynes.... c'est un compliment bien entendu." dit-elle, heureuse d'avoir réussir à déteindre sur lui, que ce soit pour la cigarette ou l'alcool d'ailleurs, Jamie ne semblait avoir conservé que les mauvaises habitudes de leurs quelques semaines passés ensemble. Hannah aurait sans doute dû se sentir un minimum coupable, mais elle n'y parvenait pas. Ce n'était peut-être rien, mais il l'avait marquée et elle avait fait la même chose, il était désormais impossible d'ignorer ça. Une fois le vin apporté, Hannah put lui donner plus de réponses. "Rien est secret dans le monde du théâtre Jamie, rien...je vais sans doute changer de troupe et me lancer dans la comédie musicale. Ce qui est ironique quand on sait que je n'ai pas chanté ou joué d'un instrument de musique devant un public depuis des années mais hein.. il y a un début à tout." La brune était modeste, elle l'était toujours quand il s'agissait de son art et si elle devait être complètement honnête, elle dirait qu'elle était également nerveuse, mais ça, c'était quelque chose qu'elle n'était pas prête à dire à voix haute. Même pas à Jamie. Elle lui lâcha la main, enfin d'ailleurs, pour s'emparer de son verre de vin et ajouta rapidement: "Et ... je compte également lancer ma marque de vêtements prochainement, mais si quelqu'un te le demande, tu ne sais absolument rien." Hannah passa également sous silence le fait que c'était Lawrence qui lui avait fait remarquer que ses gribouillages comme elle les appelait était plutôt bons et qu'elle devrait en faire quelque chose. Elle en avait fait quelque chose et elle avait un rendez vous chez Chanel, ou chez les grands comme Hannah aimait le dire, le mois prochain pour voir où tout ceci allait la mener. "Je suis pas mal occupée comme tu peux le constater, mais tu m'as vraiment manqué." Ce qui en langage Hannah signifiait qu'occupée ou non, elle comptait bien l'inclure dans ce joyeux bazar qu'elle appelait sa vie. Elle avait juste besoin d'un peu plus de stabilité dans sa vie. Jamie était quelque chose... en plus. Pour les bons comme pour les mauvais jours, définitivement quelque chose en plus. "Et ne t'inquiète pas pour la famille de Joanne je veux dire... peu importe les circonstances, les parents ou autre ont toujours du mal à lâcher prise et à couper le cordon, tu sais quel genre de test mon père va faire subir à celui qui réussira à me faire passer la bague au doigt ? Tu ne veux pas savoir crois-moi." Hannah ne savait pas pourquoi est-ce qu'elle repartait sur ce sujet, sûrement parce qu'elle n'aimait pas le savoir triste ou préoccupé. "Tu n'as qu'à être toi-même, tout se passera bien."
Ecoutant attentivement Hannah, je plonge mon nez dans mon verre de vin pour en humeur l'odeur. Je n'y connais toujours pas grand-chose et ce n'est pas notre courte escapade dans une séance de dégustation l'an dernier qui a changé quoi que ce soit, et je ne cherche pas non plus à me prétendre connaisseur ; je me contente d'apprécier l'odeur du vin, moi qui pensais ne jamais pouvoir apprécier quoi que ce soit en rapport avec l'alcool. De même, lorsque j'en prends une gorgée, je ne saurais pas en décortiquer le moindre détail et mon avis se résumerait à dire s'il me paît ou non si on me le demandait. Et celui-ci me plaît. C'est donc tout ouïe que je laisse la jeune femme me faire part de ses projets. Mon regard passe toujours furtivement de ses yeux à ses lèvres, et je me persuade que cela est tout à fait normal -je le fais sûrement avec tout le monde sans m'en rendre compte. Je souris, heureux d'apprendre que ses récentes mésaventures amoureuses l'ont en effet poussée à mettre un coup de collier dans sa carrière dans un bon sens. « Siede, toujours pleine de surprises. » La comédie musicale, pourquoi pas. J'aimerais la voir dans quelque chose d'enjoué, pour changer -et je pense qu'une majorité du public est de cet avis. Nous l'avons vu renvoyer les projecteurs des théâtres à leur trop basse lumière sur des classiques dramatiques, pourquoi ne pas tenter un virage complet en chantant quelque chose de joyeux ? Quoi que je la verrais tout aussi bien dans quelque chose de romanesque comme les Misérables, ou plus romantique comme le Fantôme de l'Opéra. A vrai dire, j'ai tout simplement hâte de voir ce que cette nouvelle ambition réserve comme surprises. « Je ne t'ai jamais entendu chanter je crois. J'aimerais beaucoup découvrir ça. Au premier rang, bien sûr. » Avec un accès aux loges après le spectacle pour lui offrir des fleurs qu'elle déteste mais que j'aime quand même lui offrir, mais ça, je ne pense pas avoir besoin de le préciser. Hannah souhaite aussi se lancer dans la mode. J'arque un sourcil surpris qui la ravira sûrement. « Savoir quoi ? » je demande, jouant le jeu en feignant l'ignorance dès le début. Elle sait que je ne dirai rien, pas un mot. J'aime particulièrement être le détenteur des secrets des autres, je l'avoue. Qui ne l'aime pas ? « Tu comptes te contenter de la mode féminine ou j'aurai un jour l'honneur de porter un costume sur mesure par Hannah Siede ? Tu saurais exactement comment m'habiller en plus. » Après tout, elle aussi a tout vu dans le détail. Même sans cela, elle a toujours insisté sur certains points de mon habillement. Elle aime ma taille et ma carrure, et ce sont deux choses qu'elle mettrait en valeur. Mon sourire ne me quitte pas. C'est étrange et rassurant à la fois de pouvoir parler à nouveau ainsi, d'avoir Hannah près de moi. Pas comme si de rien n'était, non, mais comme si nous pouvions enfin aller de l'avant. « Tu m'a manqué aussi. » dis-je avant de reprendre une gorgée de vin. Ce qui est plus étrange que cette situation, c'est de parler de ma belle-famille avec la comédienne, et qu'elle évoque le traitement réservé par son père à son futur époux. Je suis tenté de lui dire peut-être que j'aurai pu le savoir un jour, ou encore que je ne suis pas curieux de voir ça car cela signifiera que quelqu'un a son coeur, voire même, plus mesquin, que de toute manière ce n'est pas prêt d'arriver. Mais non. Je reste silencieux, un petit sourire en coin. Être moi-même. Pas sûr que cela plaise à quoi que ce soit chez les Prescott. Joanne ne peut quand même pas être la seule de tous à m'apprécier, mais peut-être que oui. Après l'avoir arrachée à son travail, notre histoire l'arrachera à sa famille, et elle viendra encore me dire, complètement aveugle, à quel point je la rend heureuse. Alors que c'est faux. Mais je suppose que tant qu'elle ne le voit pas, tout va bien. Sur ce, je prends une gorgée de vin. Pas de grand projet pour moi, seulement le travail et la famille. Le mariage à préparer, l'émission à assurer tous les jours. Et je ne veux pas ennuyer Hannah avec mes histoires de papa complètement gaga de son fiston. « Je suis certain que ça se passera parfaitement bien pour toi. » dis-je pour m'écarter de la conversation encore une fois. Hannah a tout pour réussir si la volonté suit ses ambitions. Je ne m'inquiète pas pour elle, et elle sait qu'elle a tout mon soutien. « Nous devrions sortir à nouveau, toi et moi. Écumer quelques soirées, des galas, faire les pitres, danser, jouer aux snobs, faire jaser… Ca me manque. Il n'y a pas de meilleure partenaire que toi pour tout ça. » Avec Joanne, ce n'est pas pareil. Je dois la protéger, faire en sorte que tout aille bien, qu'elle ne panique pas et soit à son aise. Je ne profite pas de certaines soirées comme je le voudrais parce que je ne peux pas avoir le même visage avec elle qu'avec Hannah -c'est naturel, nous avons tous plusieurs facettes selon l'entourage du moment. Sans la comédienne, je m'ennuie presque. Non, je m'ennuie.
Hannah pouvait dire qu'elle avait piqué la curiosité de Jamie, ça c'était certain et elle retint un rire en entendant les questions du brun. Elle n'y avait pas songé, enfin, elle n'avait surtout pas vraiment pensé que tout ça l'intéresserait. Après tout, Jamie commençait à se faire un nom et à avoir une place de choix parmi les plus grands de Brisbane, d'où ce shooting en somme, et il rencontrait des dizaines d'autres personnes sans doute beaucoup plus captivante ou intéressante qu'Hannah. Mais non, rien qu'à son regard, elle pouvait dire qu'elle avait toujours une place de choix. Il était le seul à la regarder ainsi et c'était toujours par ce regard qu'elle avait réussi à le repérer par le passé dans les nombreuses soirées par le passé. "Tu me connais, je suis du genre à garder le meilleur pour la fin. Mais pour le moment, tu ne loupes absolument rien et mes vocalises se limitent à ma salle de bain ou la salle de répétition ... encore une fois, Jamie, tu ne loupes rien." Si son but était de le rendre un peu moins curieux à ce sujet, la brune risquait probablement d'échouer, elle savait que Jamie aimait avoir l'exclusivité sur tout et surtout pour les personnes qui étaient dans son cercle proche, et Hannah l'était. Pour depuis un bon moment d'ailleurs. C'était étrange de se dire qu'après tout ce qui s'était passé entre eux, elle pouvait juste reprendre sa place. Pas d'un simple claquement de doigts non, la route avait été plutot longue et une partie d'Hannah se demanda si un jour, on cesserait de les voir comme un potentiel couple. Probablement jamais. Peut-être que dans le fond personne ne comprendrait ce qu'ils étaient l'un pour l'autre. Et ça lui allait, il n'avait jamais été question de faire rentrer qui que ce soit d'autre dans leur petite bulle. La conversation avait vite dérivé sur la prochaine ligne de vêtement d'Hannah et la brune haussa les épaules avant de finir par sortir son carnet de son canapé et de lui montrer les dessins en noirs et blancs qui s'y trouvaient. "Je ne sais vraiment pas... Comme tu peux le voir, il n'y a que des robes... et je doute que tu sois beau dans l'un de ses modèles." Hannah eut un léger rire, elle taquina volontairement Jamie, mais ses yeux passèrent rapidement du visage du brun, aux quelques dessins qui se trouvaient là. Si quelqu'un lui avait dit ce matin-là qu'elle serait en train de partager quelque chose d'aussi personnel avec Jamie, la brune n'y aurait vraiment pas cru. Elle se dit que au moins que lui pouvait comprendre ce que la mode ou une grande marque pouvait représenter à ses yeux, ce n'était pas juste parce qu'Hannah aimait bien dépenser ses sous ou parce qu'elle aimait être celle qui était à la pointe de la mode. Non, c'était plus une manière de s'exprimer, de dire au reste du monde qui on était et à quelle catégorie du monde on appartenait. Une robe était en mesure de faire ça, pour Hannah en tout cas. "Promis je te ferai un costume un jour. Et puis je croyais que tu détestais les séances photo, si tu continues de poser ce genre de questions je vais te demander de jouer les mannequins ... mais rien que pour moi. Ou alors juste te trainer pour une séance de shopping." Ce qui quand on connaissait Hannah pouvait durer des heures. Mais ce n'était pas le genre de chose qu'elle infligerait à Jamie. Ils avaient d'autres moyens de s'amuser, ce qui impliquait bien souvent de se moquer des autres et avoir leurs propres blagues . "Eh bien... c'est vrai que le cercle privés des snobs de Brisbane doit s'ennuyer sans nous, il faudrait faire quelque comme contre ça." Il ne mentionnait pas Joanne, et c'était tant mieux selon Hannah, il y avait bien des parts de Jamie qu'elle ne pourrait jamais comprendre. La brune referma son carnet rapidement et fixa Jamie, alors comme ça ils allaient recommencer, de nouveau le jeu des meilleurs amis. Non, maintenant absolument tout était dit, ils n'étaient pas vraiment amis et définitivement pas amants, peut-être un peu des deux ou alors tout ça à la fois. "Comme avant Keynes... non mieux qu'avant."