L'écran bleu laisse rapidement place au visage de ma jolie blonde, tenant Daniel sur ses genoux. Et cela me donne instantanément le sourire. Surtout la moue du petit, bien surpris de voir son père apparaître dans l'écran. Il tend les bras, comme lorsqu'il demande un câlin, ne comprenant pas que je ne suis pas en mesure de lui en faire. « Hey ! Je sors à peine du studio, comment ça va vous deux ? » Le petit cri d'exclamation de Daniel fait saturer le son, le grésillement est particulièrement désagréable. Joanne finit par lui confier sa tétine pour qu'il se tienne tranquille. « Ca va, comme un jour des carottes. » D'où la tâche sur son haut, elle ne l'a peut-être pas remarquée. C'est le plus laborieux, de lui faire manger ça. « Pourquoi tu appelles ? » La question qui fâche. Je m'éclaircis la voix. Elle ne va pas aimer ça. « Je vais devoir rester au travail plus tard ce soir. J'ai énormément de retard sur un tas de choses, j'aimerais avancer avant le week-end. » Surtout parce que mes rares jours de repos sont monopolisés par l'organisation du mariage qui arrive à pas de géants. Je fais au mieux pour être efficace au travail, mais il est des moments où les heures supplémentaires ne peuvent pas être évitées. « Oh, d'accord... » Pas besoin de faire la moue, me dis-je, cela fait des mois que je ne suis pas resté travailler tard, ce n'est pas un drame après tout. Mais Joanne sera toujours Joanne. « C'est maman qui va s'occuper de toi ce soir, Daniel. Désolé bonhomme. On se verra demain. » Il sera sûrement couché quand j'arriverai, aux pays des rêves avec son fidèle doudou. C'est un gros dormeur, alors nous ne nous voyons pas souvent le matin. Seulement le soir, où je m'occupe intégralement de lui. C'est un moment qui m'est cher, ça ne m'enchante pas de ne pas y avoir droit cette fois, mais tant pis. « Je vais essayer de ne pas rentrer trop tard. Mais ne m'attend pas pour dîner. Je vous aime. » Nous nous disons bonsoir et terminons l'appel vidéo. Mon sourire s'efface avec un soupir.
« Jamie… Je vais y aller. » Je lève les yeux de mon papier. Old fashon paperasse rempli avec un stylo coûtant un mois de salaire d'un stagiaire. J'ai les yeux qui piquent un peu malgré les lunettes sur mon nez, la lumière est bien trop basse et les caractère un brin petits. Qu'il n'est pas bon de se sentir trop vieux avant l'âge. « Il est quelle heure ? » je demande sans avoir le réflexe de regarder par moi-même sur mon ordinateur ou mon téléphone portable -les assistantes sont un peu faites pour ça, dire des choses évidentes et faire des petites tâches que l'on est trop distrait ou feignants pour les effectuer nous-même. « Vingt heures. » Mince. Tard. « Oh. Bien sûr, vas-y. Tu n'aurais pas du rester si tard, c'est gentil. » C'est son travail surtout, mais les heures supplémentaires ont leurs limites, surtout pour les jeune femmes qui ont mieux à faire comme… je n'en sais rien, sortir, ou enchaîner cinq ou six épisodes sur netflix. Qu'importe. Janis est une bonne assistante, même derrière a mauvaise foi apparente elle ne souhaite que bien faire. J'aime assez qu'elle ait juste assez de caractère pour que je n'ai pas à la virer dès qu'elle me tient tête -et j'ai bien besoin qu'on me tienne tête. « Bonne soirée. » Avant de disparaître derrière la porte de mon bureau, elle se retourne pour un dernier détail. « Oh, il y a Hannah Siede qui souhaite te voir. » Je fronce les sourcils. Je ne comprends pas ce qu'elle fait ici, et encore moins comment elle a su que je travaille tard. Oh, c'est sûrement parce que je le lui ai dit moi-même par sms un peu plus tôt. Si je commence à avoir la mémoire aussi courte, je ne suis pas sorti de l'auberge. « Fais la entrer, merci. Bonne soirée. » Cette fois, Janis s'en va. Je lâche mon stylo et frotte mes yeux derrière mes lunettes. Ca me fera faire une pause, et ce n'est pas de refus.
La belle brune ne tarde pas à entrer à son tour. Je lui adresse un grand sourire et quitte mon fauteuil pour m'approcher d'elle. Je ne sais pas pourquoi j'ai droit à cette visite impromptue, mais je ne suis pas surpris, cela lui ressemble tellement. Dans un coin du bureau se trouve un canapé et deux petits fauteuils autour d'une petite table. Un pseudo-salon pour les rendez-vous moins formels, avec une machine à café que je n'utilise jamais -mais pas tout le monde ne carbure qu'au thé. D'un geste de la main, j'invite la comédienne à s'asseoir sur le canapé, et je prend place jute à côté d'elle. « Qu'est-ce qui me vaut l'honneur, Miss Siede ? »
"Hannah est-ce que je peux te parler ?" Le timing aurait pu être meilleur mais la brune se contenta d'accorder un léger sourire à Daniel, son professeur de chant. L'homme était aussi professionnel et perfectionniste qu'elle, ce qui avait d'abord plu à l'actrice avant qu'elle ne se rende compte que toutes ses questions n'étaient qu'en fait des conseils pour l'aider à s'améliorer. Chose qu'elle appréciait, elle se demandait vraiment où Saul avait fait pour le dénicher et quelle faveur il avait dû demander pour répondre à ses demandes de diva, vraiment, cela l'intéressait dans le fond. Sauf que la brune avait d'autres plans pour ce soir, elle n'avait pas passé une partie de l'après-midi à envoyer des messages à Jamie pour rien. Son bref passage à New York il y a quelques jours de cela n'avait fait que remonter d'autres souvenirs, d'une autre virée dans la grosse pomme. Hannah n'était jamais nostalgique et elle s'était contentée d'un simple sourire et de dire à Audrey, la gouvernante, que son ami se portait bien. C'était très vague comme information et la brune s'était bien rendue compte qu'il y avait une grande différence entre vouloir revenir dans la vie de Jamie et y être à temps plein. Surtout depuis sa dernière discussion avec Joanne. L'événement était bien rangé dans un coin de sa tête, elle se fichait bien de savoir si la jolie blonde était allée raconter l'incident à son futur mari, Hannah n'avait absolument rien à cacher, les spéculations c'était pour la presse, pas pour elle. Non, ce qui dérangeait Hannah dans cette histoire, c'était qu'ils avaient continué de faire comme si tout allait bien, la brune savait pour sa tentative de suicide et pourtant, elle avait répondu aux derniers messages de Jamie avec cette légèreté qui lui était propre. Tout n'allait pas bien, elle avait besoin de lui parler. Elle savait très bien que Jamie n'était pas le genre d'homme à crier à l'aide directement, il aurait été sans doute bien difficile pour lui de faire le premier pas et de baisser sa garde. Hannah le savait car ils étaient pareils. C'était pour toute cette raison qu'elle voulait aller le voir ce soir et elle espérait que Daniel ne la mette pas en retard. Peut-être que tout ceci fut visible sur son visage car il lui accorda un sourire et la rassura aussitôt.
"Je ne compte pas te retenir plus longtemps... comme je te l'ai dit, je pensais dire à Saul qu'on pouvait espacer nos répétitions, tu sais de toute évidence chanter juste et très bien. Il ne te manque qu'une seule chose en fait." "... Okay, là je suis curieuse." "Écoute Hannah, tu es une bonne actrice, c'est juste... comment dire, plus difficile avec une chanson, tu ne peux pas juste jouer, tu vois ce que je veux dire ? Le dernier morceau était censé être joyeux, en fermant les yeux et en ne te regardant pas, on peut y croire mais... il faut que ça devienne plus personnel, que tu sois également heureuse en le chantant, il faut que ça se ressente aussi dans ta voix." "... Oh." fut la seule réponse de la brune. Daniel la prenait vraiment au dépourvu et Hannah eut un sourire crispé plus par mécanisme de défense qu'autre chose. On en revenait encore à cette question, cette question de bonheur. C'était un concept trop étranger pour Hannah, Lawrence lui avait posé la question il y a quelques mois de cela, elle l'avait traité d'idiot et proclamer que personne ne pouvait vraiment être heureux. Elle avait menti, bien sur qu'elle avait menti, elle le faisait toujours, pourquoi est-ce que cela aurait été différent quand il s'agissait de son propre bonheur ? La vérité c'était que la dernière fois qu'Hannah vraiment été heureuse c'était quand... Quand Jamie n'avait pas eu de bague au doigt, quand Joanne semblait loin de leur vie et juste une ombre en fait et qu'elle pouvait se réveiller tous les jours dans les bras de Jamie. Ce n'était pas le genre de souvenirs qu'on pouvait effacer ou recréer en étant sur scène. Pas de doute là dessus. Hannah prit une profonde inspiration et finit par hocher la tête "... Merci pour le conseil, je vais bosser là dessus, je... appelle Saul pour moi okay ? Il faut vraiment que j'y aille... j'ai ... quelque chose à faire, à la prochaine." Hannah n'aimait pas finir une conversation sur une fausse note, mais la fausse note était nécessaire aujourd'hui. Dans sa voiture, Hannah regarda les feux défiler en se demandant si c'était une mauvaise idée. Si elle n'était pas juste une salope égoïste qui ne se souciait que de se sentir bien pendant quelques heures avant de rentrer chez elle... Non, elle était là pour Jamie, décida t-elle en claquant la porte du véhicule, si ce n'était que à propos d'elle elle se serait éloignée depuis longtemps, à quoi bon jouer avec les flammes si c'était pour être brulée en permanence, Hannah devait avoir appris la leçon depuis le temps et pourtant, elle était encore là. Prête à repartir avec plus d'égratignures.
Mais Hannah ne fit pas demi-tour et ses talons continuèrent de claquer dans les couloirs alors qu'elle rencontrait des bureaux vides pour la plupart. Elle eut un bref sourire pour l'assistante de Jamie et elle se sentit obligée de lui redire son nom, même si elle savait probablement qui était Hannah et pourquoi elle était là. "Il vous attend." Hannah hocha la tête et peut-être qu'elle fixa cette porte plus que nécessaire avant de rentrer à son tour. Le sourire que lui adressa Jamie en l'apercevant fut suffisant pour la convaincre et que pour son coeur se desserre légèrement. Oui, elle était là pour les bonnes raisons, elle l'avait toujours été. Ou alors c'était juste sa nouvelle couleur de cheveux qui lui donnait l'impression d'être face à un autre homme. "Je sais que j'ai dit que je ne poserais pas de question mais... pourquoi blond ? Non, tu sais quoi, ça n'a pas d'importance. J'étais dans le coin... Pas du tout non, mais j'ai vu ton message et je me suis dit que c'était tout toi de bosser tard sans prendre de pause alors..." Hannah haussa les épaules et se contenta de s'installer sur le canapé et de se défaire de son manteau. "On va dire que je suis venue te sauver Keynes." Elle lui adressa un clin d'oeil avant d'ouvrir son sac et d'en sortir ses trouvailles, à savoir des sandwich, des muffins ainsi qu'un thermos et une bouteille de vin. "Je ne savais pas vraiment quoi te prendre, et je te rassure ce n'est pas pas moi qui ai cuisiné, tout ce que je sais faire ce sont des pancakes, peut-être une autre fois. Bref, je suppose que tu es toujours végétarien donc pas de viande, je t'ai aussi apporté du café... et quelque chose d'un peu plus fort aussi mais chut tu n'as rien vu." Hannah se laissa retomber sur le canapé après avoir disposé tout ça sur la table et elle lui adressa un regard un peu plus doux. "On avait dit qu'on ré-essayait ce truc où on était amis toi et moi... autant commencer par quelque chose de simple avant d'aller s'exhiber devant les caméras. Quoi que ..."Hannah parqua une pause, un sourire taquin sur le visage. "Je ne suis pas certaine de trouver une robe pour compenser le phare blond au dessus ton crâne... Et oui j'ai tout un stock de blagues en réserve."
Le soudain changement de couleur de ma tignasse ne laisse personne indifférent. J'ai eu droit à bon nombre de paires d'yeux écarquillées posées sur moi le premier jour où je suis arrivé au travail ainsi, et pas mal de rires quand j'ai pris ma place en studio. Forcément, en quelques minutes seulement les internautes s'étaient emparés de l'information, le soir même il y avait quelques brèves à ce sujet dans la presse people en ligne et ce matin on m'a gentiment découpé et déposé sur mon bureau un petit encart d'un magazine qui l'évoque avec photo à l'appui. Moi qui pensais que cela n’intéresserait personne, le sommet de mon crâne a désormais une popularité équivalente au dernier lifting de Renée Zellweger sur Google Trends. Ce qui est à la fois aberrant et fascinant je dois bien l'avouer. « C'est aussi la blondeur qui me donne ds airs de demoiselle en détresse ? Enfin, je ne dis pas non à une pause, je commence à voir double. » Même avec mes lunettes sur le nez. On peut dire que Hannah me connaît bien, c'est en effet tout à fait mon genre de rester tard sans prendre la moindre pause. Je ne vois jamais le temps passer quand j'ai le nez dans mon travail, les heures défilent bien trop vite et le rush est tellement constant qu'il met aux aguets en permanence, ce qui met les nerfs à rude épreuve mais reste très stimulant. Au moins, je ne m'ennuie pas ici, c'est le plus important. Il n'y a que les réunions avec les têtes au-dessus de la mienne qui sont insurmontables pour moi. « Tu sais quoi, je ne réalisais pas à quel point je mourrais de faim avant de voir tout ça. » dis-je en la regardant déposer de quoi manger et boire sur la petite table. La bouteille de vin me fait sourire. « Merci, Wonder Siede. » Je dois avouer que je ne m'attendais pas à ce que Hannah veuille vraiment s'impliquer dans cette amitié. J'étais assez persuadé qu'elle avait accepté de renouer avant tout voire uniquement pour me faire plaisir et que je cesse de lui courir après. Mais après ce qu'il s'était passé, je ne l'imaginais pas y mettre du sien, du coeur là-dedans, au contraire. Juste le minimum syndical pour se dire amis, rien de plus, au cas où je puisse encore lui faire du mal et afin qu'elle puisse faire aisément machine arrière. Je suis heureux que ça ne soit pas le cas, même s'il faut reconstruire quelques bouts de cette amitié en commençant par le plus simple. « Est-ce que tu aurais peur que le phare blond te fasse de l'ombre ? » je demande avec un rire. « C'était un pari avec Jon pour ma défense. Ne parie jamais avec lui sauf si tu tiens à perdre, mais ça n'est pas vraiment ton genre. » Alors que moi, avec Jon, je m'en fiche bien. Cela m’amuse, et j'ai bien besoin de ce genre de doses d'amusement. Ce n'est jamais bien méchant, et j'ai encore bon espoir de le faire perdre un jour. Je pense que Hannah serait moins ouverte à ces jeux de gosses avec Jon, surtout depuis cette histoire d’égérie dont j'avoue que les détails m'ont échappé. « Je ne trouve pas que ce soit si terrible que ça. Je m'y habitue pour ma part. A la blondeur, et aux blagues. Et puis, ça reviendra à la normale en un rien de temps. J'ai promis à Joanne que tout aura disparu pour le mariage, bien sûr. Je ne comptais pas y aller comme ça. Les préparatifs prennent tellement de temps, je dois caser des rendez-vous au milieu de la matinée ou sur ma pause déjeuner pour y être avec elle, je prends du retard au travail et, voilà. Vingt heures, toujours au travail plutôt que de coucher mon fils. Ca faisait des mois que ça n'était pas arrivé. » Depuis la naissance de Daniel a vrai dire, je mets un point d'honneur à être présent le soir pour passer du temps avec lui. Et avec Joanne bien sûr. Je me sens fatigué, mais au moins mon esprit est occupé, c'est ce que j'essaye de faire. Avoir constamment l'esprit occupé. « Désolé, c'est inintéressant, j'avais surtout besoin de me plaindre. » Pas que ce soit quelque chose que je fasse souvent, je peux bien me le permettre avec Hannah. Puisque les sandwichs ne sont pas là pour la décoration, je prends celui qui m'est attribué. Je me fais violence pour perdre l’habitude de remonter mes manches tant que mon bras n'est pas en meilleur état, pas besoin de l'exhiber. Joanne avait raison, ça ne disparaît pas si facilement. Je prends une bouchée, puis reprends ; « Bon, pas plus de suspense, dis-moi comment c'était à New-York. » Je sais qu'elle y était pour quelques jours, je doute que ce fut pour du tourisme.
"Toi me faire de l'ombre ? ... oh chéri je crois que le blond te monte vraiment à la tête si tu crois que tu peux me faire de l’ombre." dit simplement Hannah, avant de lui donner un léger coup de coude, un vrai sourire sur le visage. Peut-être que c’était ça dont son professeur de chant lui parlait il y a quelques minutes de cela. La brune chassa la pensée autant très rapidement et préférait se concentrer sur Jamie, ça semblait être son activité favorite ces temps-ci. Comme Hannah l’avait dit à Joanne, il n’avait jamais été question de faire les choses à moitié ou de jouer les hypocrites. Elle avait essayé de s’éloigner, de faire ce qui était bon pour elle, elle avait essayé d’être rationnelle, tout ça pour quoi ? Pour avoir mal et pour ne pas être en mesure de marcher correctement ? Jamie au moins la comprenait, elle ne voulait pas de sa protection non, mais elle préférait de loin qu’il la voit comme son égale et comme quelqu’un sur lequel il pouvait compter. La confiance, ça ne s’achetait pas, et c’était une chose rare tellement rare dans leur monde fait de faux sourires et de parures en diamants. Les diamants allaient peut-être briller pour une éternité mais Hannah allait bien finir par se faner, elle préférait de loin l’amitié et l’affection du brun pour lui tenir compagnie. "Hmm… On va dire que ce n’est pas si mal." Hannah pencha la tête sur le coté, un oeil fermé, essayant de voir dans quel monde une telle couleur de cheveux pouvait lui aller. Ou alors c’était plus le changement qui la dérangeait, ce n’était tout simplement pas son Jamie, c’était sans doute ça qui était le plus embêtant au final. "Et je ne veux même pas savoir ce qui se serait passé si tu avais gagné. Dire que tu es censé être plus âgé et beaucoup plus responsable que moi." lança t-elle en retrouvant sa position initiale et son sourire moqueur. C’était bien la première fois qu’elle le taquinait sur son âge, mais elle connaissait la vérité autant que lui, la fortune faisait vite vite vieillir les gens et quand on portait un nom de famille aussi prestigieux que le leur, on était obligé de devenir adulte à quinze ans ou seize ans pour se tenir droit et continuer de faire honneur à ses parents. Toujours, la tête haute, sans aucun moyen de pouvoir respirer ou d’être naturel. Hannah avait noyé son innocence et son insouciance dans l’alcool, elle avait préféré jouer les femmes nouvelles tous les soirs dans des draps différents, c’était le seul moyen qu’elle avait trouvé de contrer la pénombre et l’air trop sérieux de certains. Mais elle se rendait peu à peu compte que ce n’était pas vraiment la solution, pas la solution à ses problèmes et certainement pas la solution à sa propre misère. "J’espère pour toi que tout aura disparu avant le jour-j, ça va s’avérer difficile de trouver un costume qui s’accorde avec tout ça… quoi que, tu pourrais te marier en blanc… Non je retire ce que j’ai dit, ça serait trop ridicule." Elle laissa échapper un autre sourire avant de s’emparer d’un sandwich elle aussi, et dire qu’elle réussissait à parler de son mariage comme si cela ne l’atteignait pas... Dans un sens, ça ne la concernait pas. Jamie et Joanne vivaient loin d’elle et ils continueraient sans doute d’être heureux sans elle et sans que ça la l'affecte. Elle n’avait pas l’intention d’aller à la cérémonie, autant par respect pour le choix de Jamie mais également pour préserver son coeur. Etre prête à laisser Jamie partir était une chose, voir cet événement là se concrétiser… pas certain qu’elle ne se lève pas pendant ses voeux pour partir. Hannah songea à tout ceci alors qu’elle découpait le sandwich en petits morceaux, qu’elle n’avait pas l’intention d’avaler, il devait le savoir autant qu’elle dans le fond et elle haussa les épaules. "C’était... rapide, tu sais ce qu’on dit des New Yorkais, toujours très expéditifs. J’ai revu quelques connaissances, fait une tonne de shopping et … mon rendez vous chez Chanel s’est très bien passé. Ils ont été plutôt impressionnés, je crois que tout le monde s’attendait ce que ne soit qu’un caprice de petite fille. Mais non, ça serait annoncé officiellement l’année prochaine, la maison Chanel présente la maison de couture Siede… ou quelque chose comme ça, les détails sont encore un peu flous." Elle releva ses yeux couleurs noisettes sur lui, une certaine appréhension dans son regard, flou était le bon mot, Hannah ne savait pas ce que lui réservait les mois à venir, autant sur le plan professionnel, que sur le plan personnel. Elle n’en avait pas la moindre idée et elle ne se sentait pas obligé d’y remédier, du moment qu'elle allait de l’avant, c’était forcément une bonne chose, c’était impossible de retourner en arrière. "Donc garde l’exclusivité pour toi Keynes, je sais que tu adores ça." Hannah n’était pas venue parler d’elle, elle appréciait que Jamie prenne de ses nouvelles, et en même temps, cela lui permettait de gagner du temps car elle ne savait pas vraiment comment aborder l’autre sujet. Ce n’était sans doute pas son rôle de s’inquiéter pour lui… peut-être que Joanne faisait ça très bien dans le fond. "Et toi ? Rien de plus excitant que les préparatifs de ton mariage et ta coupe de cheveux ? Si c’est non, il va vraiment falloir que je m’occupe de ta vie sociale." Le sourire d’Hannah s’effaça rapidement et elle poussa un soupir, abandonnant le sandwich soigneusement découpé sur la table. Elle tourna la tête, à la recherche des bons mots et finit tout simplement par lâcher la première chose qui lui vint à l’esprit : " … Jamie est-ce que tu es heureux ? Je veux dire, si ça n’allait pas tu me le dirais, hmm ?" Hannah était bien incapable de se soustraire à son regard trop longtemps et elle le fixa de nouveau. "C’est impératif, il faut qu’au moins un de nous deux soit heureux, c’est bien pour ça que je ne me suis pas battue pour toi, que je n’ai rien dit, et que je t'ai laissé partir... parce que je savais que Joanne allait te rendre heureuse. Si c’est le cas, alors on oublie ce que j’ai dit et on passe vraiment à autre chose. Mais si tu as le moindre doute…"
Cela me fait du bien de voir Hannah. De rire un peu. Prendre des nouvelles, dire des bêtises. Elle fait une tête bizarre en m'inspectant pour se convaincre que la couleur temporaire de mes cheveux n'est pas si désastreuse. « Tu en fais des caisses. » dis-je en secouant négativement la tête. Je ne le prends pas mal, ce n'est pas au goût de tout le monde, qu'importe, ce sera très vite parti. Je ne pourrai pas avoir l'allure d'un chanteur de boys band des années 90 sur mes photos de mariage, hors de question. Tout comme je ne mettais jamais de costume blanc avec cette tignasse. « Je crois que c'est la pire idée qui t'aies jamais passée par la tête. » dis-je en riant de bon coeur. Tout simplement immonde, première faute de goût que la comédienne fait face à moi. S'il m'est aussi rare de rire de si bon coeur en ce moment, c'est aussi le cas de toute forme de conversation tournant autour de ma personne. Ou alors, je réfute par une question, j'esquive, je trouve un moyen de ne pas mentionner mon quotidien, ma famille, ma fiancée. Et je garde l'esprit occupé. Surtout. J'en viens donc à interroger Hannah sur son rapide séjour à New-York qui fut visiblement fructueux pour ses projets. Son partenariat avec Channel semble enclenché. « Tu vas assurer. Je n'en doute pas une seule seconde. » et bien sûr, je n'en dirai rien. Les journalistes savent garder des secrets, cela fait partie du travail. Ou du moins, on ne les dévoile pas sans l'accord de la source. Je serai donc une tombe à ce sujet, et j'espère bien avoir un premier regard exclusif sur sa première collection à peine l'aura-t-elle bouclée. C'est un projet à la fois excitant et effrayant j'imagine, comme cela l'était pour mon émission. Il y a toujours énormément d'appréhension concernant la réussite, l'aboutissement du bébé. « C'est plus compliqué d'avoir une vie sociale quand on a un petit garçon. » je fais remarquer à Hannah qui s'inquiète de voir mon quotidien visiblement bien plat. « Je crois que la seule autre chose excitante c'est que Daniel commence à bien gambader à quatre pattes d'ailleurs. » j'ajoute en haussant les épaules, sachant pertinemment que ce n'est pas le genre d'aventure palpitante qu'elle souhaite entendre. Je pensais avoir touché la corde sensible -les enfants- en oyant son sourire disparaître soudainement, mais c'est autre chose qui me tombe dessus. « Qu'est-ce que c'est que cette question, Hannah ? » je demande, l'air de rien, avec même un petit rire pour montrer à quel point cela est ridicule -bien sûr que je suis heureux, pourquoi ne le serais-je pas, voyons ? Mais lorsqu'elle poursuit, mon sourire s'efface, et mon coeur s'emballe. Elle m'a laissé partir, c'est vrai. Elle a respecté mon choix, et en étant mon amie ce soir, elle prouve bien tout son amour et son dévouement. Je peux lui parler du mariage, de Joanne, elle ne bronche pas. Elle s'inquiète même de mon choix de la laisser pour la petite blonde. Elle m'épate, et pourtant, cela me rend profondément triste. Doucement, je relève la manche de mon bras gauche. Je ne le bande plus, mais les traces sont particulièrement visibles. Les plus superficielles ne sont plus qu'un filet blanc, les autres ont les bords gonflés et rougis. C'est une anarchie de tracés de lames de rasoir qui traversent ma peau dans tous les sens dont la vision est peu supportable même pour moi. Je ne comptais pas me suicider, je voulais manipuler ce pouvoir de vie ou de mort, le contrôler un instant. Les coupures étaient fascinantes. Je laissais le hasard guider ma main, et s'il décidait que je devais tout ouvrir, alors je l'aurais fait. Mais il voulait que me laisser un souvenir de ce moment de détresse. « Est-ce que j'ai l'air heureux ? » je demande à Hannah. Les gens heureux ne s'infligent pas ça. Ils n'ont pas peur de rentrer chez eux pour trouver une maison vide tous les soirs. Je passe mes mains par mon visage, dépité. Je ne suis pas heureux, je ne vais pas bien, et je m'en veux car soudainement l'année passée et les sacrifices de tout le monde me semblent inutiles. Mon regard fuit celui de Hannah. Je ne veux pas la voir déçue ou agacée. Je la quitte pour une autre et je ne suis pas fichu d'être heureux avec elle, il y aurait de quoi me traiter de tous les noms. « Je débloque complètement Hannah. Il y a eu le jour des vingt ans de la mort d'Oliver, où j'ai fait ça, et depuis je ne sais pas ce que je suis en train de devenir. Je suis encore plus versatile qu'avant, je hurle sur tout le monde, je fais n'importe quoi. » J'hésite à poursuivre, à tout dire, tout avouer, mais je me lance quand même, et tant pis si Hannah me tourne aussi le dos, elle aura raison. « J'ai giflé Joanne avant-hier, et depuis elle tremble dès qu'elle me voit. Je sais que je n'ai aucune excuse, mais elle m'a rendu tellement dingue, je n'en pouvais plus, et elle m'épuise. Sa capacité à trouver quelque chose qui cloche dans absolument tout me rend malade. » Elle finira par me donner un ulcère, un cancer, ou n'importe quelle autre cochonnerie. Joanne est le plus grand de mes moulins à vent. Je me bats, je me bats… pour rien. Je ne peux pas gagner. Lever la main sur elle n'était finalement qu'un acte de désespoir, une tentative irréfléchie de la faire revenir à la raison ; nous avons tout pour être heureux, pourquoi ne le sommes nous pas ? « Peut-être que tu aurais dû te battre plus. » dis-je au bout d'un moment. « Et j'aurais dû être moins aveugle. » Mais l'amour… l'amour altère tous les sens, n'est-ce pas ? Le mariage me faisait déjà mourir de peur au fur et à mesure de son approche. Maintenant je ne suis plus sûr de rien. Joanne réussit si bien à me briser le coeur. Mon regard se relève petit à petit pour trouver celui d'Hannah. Elle doit trouver ça misérable, est-ce qu'elle ne se doutait pas que cela se passerait ainsi ? Ou peut-être que oui, et qu'elle m'a magistralement puni pour ma bêtise. Quoi qu'il en soit, elle doit toujours récupérer les morceaux et tout recoller. Sauf si elle s'y refuse, je ne la blâmerais pas, elle a mieux à faire et je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. « Pardonne-moi. » dis-je tout bas. Même s'il est trop tard maintenant.
Le ton de la conversation avait changé et Hannah s'en moquait bien. Elle était venue ici pour trouver des réponses et surtout pour s'assurer que Jamie allait bien. C'était tout ce qu'elle avait besoin de savoir et s'il avait répondu un simple oui, elle aurait rangé tout ce qu'elle ressentait au placard. Et elle aurait oublié. Elle aurait oublié tous les jours qu'ils avaient passé ensemble et cette façon qu'il avait de lui prendre sa cigarette des mains pour la porter à ses propres lèvres avant de proclamer que c'était mal de fumer. Elle aurait oublié la façon qu'il avait de la serrer un peu trop fort parfois le matin au réveil car il refusait qu'elle quitte leur lit, et toutes ces choses qu'aucun autre n'avait essayé avec elle, car Jamie était le seul qui avait autant essayé avec elle. Hannah pouvait tout rayer, tout oublier, si seulement ça en valait la peine, c'était l'accord qu'elle avait passé avec elle et la partie de son coeur qui était brisé. Mais non, les marques étaient là, sur ses avant bras, comme le lui avait Joanne, sauf qu'elle ne tourna pas la tête, fixa les cicatrices et se demanda ce qui avait bien pu lui passer par la tête. Pour qu'il songe à se faire mal ainsi, c'était plus qu'une tentative de suicide, c'était jouer avec ses propres limites... Pourquoi ? La gorge d'Hannah était bien trop serrée pour qu'elle puisse parler ou retenir les larmes qui semblaient monter à ses yeux. Pourquoi est-ce qu'il ne pouvait pas avoir de fin parfaite ? Lui avait tout dans sa vie, alors pourquoi ? Sa dernière phrase fit réagir l'actrice qui fit non de la tête, non, elle n'acceptait pas ses excuses, non, c'était trop facile de cracher à la figure de tout ce qui était bon et qui était juste, simplement pour murmurer des excuses après. "Ne dis pas ça... je t'interdis de t'excuser, ça n'a pas été facile pour personne... au final. Autant pour Joanne, que pour toi ou... pour moi." Hannah avait fait des bêtises, comme tout le monde, elle s'était perdue dans les bras de Lawrence, mais elle n'aurait jamais pensé à faire quelque chose d'aussi désespéré. Elle avait juste essayé d'effacer le souvenir de Jamie dans son coeur et dans son esprit pour continuer à avancer, cependant, ça n'avait pas fonctionné. Et elle avait fini par ouvrir les yeux, ce qui dans un sens l'avait rendu plus sereine. Ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait maitriser, elle aurait toujours des sentiments pour le brun, toujours, quoi qu'il advienne, qu'ils soient ensemble ou pas. Ça ne la rendait pas particulièrement honteuse ou quoi que ce soit du genre, elle savait juste que quelque part, une partie d'elle continuerait d'être pure car elle était à Jamie. "Ça aurait été tellement plus simple si tu t'étais contenté de me détester et de me rayer complètement de ta vie je ..." Hannah prit une profonde inspiration et se passa une main dans les cheveux. Tout se bousculait dans sa tête et elle avait presque envie de partir pour revenir avec les bons mots et le bon discours. "Oublions Joanne pendant quelques minutes, tu veux. Ça... " Hannah montra ses marques avant de poursuivre : "Ça, il n'y a que toi qui peux le changer. Tu ne peux pas tout garder pour toi Jamie, sinon ça finit par devenir quelque chose d'énorme et tu perds le contrôle. Tu n'es pas parfait, personne ne l'est et tu dois juste te contenter d'être toi. Le vrai Jamie, celui qui préfère peindre au lieu de perdre son temps avec des discours compliqués, celui qui aime fumer et qui préfère agir et se faire sa propre opinion des autres." Elle savait très bien ce qu'il allait lui dire, que c'était plus facile à dire qu'à faire mais Hannah avait dû passer par le même chemin après leur séparation. Ce n'était jamais facile, c'était effrayant de se dire qu'on devait continuer d'exister sans personne, qu'on devait se trouver sans une présence rassurante ou quoi que ce soit pour nous soutenir. Hannah s'empara des deux mains de Jamie, comme elle avait l'habitude de le faire ces temps-ci et elle le fixa. "Peu importe Olivier, ou les attentes de ce monde ou celles de Joanne, il faut que tu sois d'abord toi-même." Même s'il y avait des mauvais jours, même si parfois il avait envie de claquer des portes, c'était tout ce qu'il pouvait faire pour se sentir mieux. "Et si elle t'aime vraiment, alors le reste n'aura vraiment pas d'importance. Tu as des sautes d'humeur et alors ? Qui n'en a pas. Tu es jaloux ? Ça veut seulement dire que tu en as quelque chose à foutre. Tu m'appartiens un peu ? Seulement dans une certaine mesure." Et ça, contrairement à Joanne, elle l'avait accepté et l'utilisait comme une force plutôt que de considérer ça comme une faiblesse. "Si tu es toi même et qu'elle cherche toujours ce qui ne va pas, alors le problème ne vient pas de moi Keynes. Je ne suis pas en train de te dire de me choisir, non... " Hannah marqua une pause et elle posa sa main sur une de ses joues. "Je veux juste que tu fasses ce qui est bien pour toi Jamie. Et le seul moyen de mettre fin à tout ça, c'est que tu acceptes qui tu es et que tu vives avec. Aimer quelqu'un ça ne veut pas dire prendre le meilleur et jeter le reste, ça veut dire tout accepter et trouver quoi faire avec cette personne là. Si elle ne peut pas faire ça, alors tu auras ta réponse." Hannah l'aimait c'était certain, mais elle ne pouvait pas le porter comme elle l'avait par le passé, pas si elle s'occupait de ses propres blessures et de ses cicatrices et la conclusion c'était qu'ils étaient tous les deux cassés. La brune finit par reculer quand elle sentit une larme rouler sur sa joue, elle l'essuya, récupérant un peu de mascara au passage. "Et tu gâches mon maquillage ... j'espère que tu t'en rends compte."
« Tu sais que je ne peux pas faire ça. » Détester Hannah, la rayer de ma vie, je n'en suis pas capable, et de toute manière, je n'en ai pas envie. J'ai besoin d'elle, et sans sa présence, quelque chose manque cruellement à ma vie. Et je ne sais pas baisser les bras. Je ne peux pas juste abandonner le lien que nous avons et tourner la page. Par moments, je ne sais pas s'il est courageux ou lâche de s'accrocher autant. Le regard désolé, j'observe mon amie qui verse quelques larmes pour moi. Je ne me souviens pas de l'avoir déjà vu pleurer en dehors du théâtre. Des vraies larmes. Ces traces sur mon bras, c'est tout ce qui me ronge de l'intérieur qui s'est enfin frayé un chemin au dehors, là, sur ma peau. C'est tout ce que je garde en moi parce que je n'ai pas le droit de faiblir, de relâcher la pression, aux yeux de personne et pas même à ceux de ma propre fiancée -qui n'est finalement qu'une source supplémentaire de nervosité. J'ai perdu le contrôle, c'est vrai. Je craque, je reprends le dessus, essaye de tout enfouir, et à chaque fois tout m'explose à la figure un peu plus violemment. C'est un cercle vicieux qui ne peut que me mener à ma perte. La preuve est juste ici. « J'essaye. » je murmure. J'essaye vraiment, c'est tout ce que je demande. Être moi-même. J'en ai le droit pourtant, non ? Et je ne suis pas quelqu'un de si mauvais que ça. Alors pourquoi est-ce que je me sens encore et toujours obligé de porter un masque, même sous mon propre toit ? Je ne veux pas décevoir, je veux être l'homme qui mérite une vie parfaite, une femme parfaite, un fils parfait. Tout ressemble à une maison de poupée désormais. Non, le problème ne vient pas de moi. La phrase fait écho dans ma tête. Ma main s'est posée sur celle d'Hannah, sur ma joue. Je vois un véritable amour dans son regard embué par les larmes. « Ce n'est pas grave, tu restes jolie. » je murmure alors qu'elle essuie les sillons humides sur des joues. Je m'approche pour déposer un baiser sur sa peau salée. « Merci. » J'avais besoin de ce genre de paroles. D'être secoué. Mais je ne peux pas y répondre immédiatement, je dois laisser les mots agir. Les retourner dans tous les sens, et les appliquer à mes problèmes, pour arriver à une solution. Ou au moins, débloquer la situation. Ma vie ne cesse donc jamais de n'être qu'un grand puzzle. « Ca peut te paraître indécent, mais avoir de la peine me donne faim alors je ne gâcherai pas ce sandwich. Tu peux nous ouvrir la bouteille de vin ? » Je termine ce dîner sur le pouce en quelques minutes, silencieux, réfléchissant. J'enfile un premier verre de vin à toute vitesse sans vraiment m'en rendre compte, et à la fin du second, mon esprit semble encore plus à même de voir la situation telle qu'elle est -même si je sais que cette impression est traître. « La vérité c'est que je suis fatigué. » je finis par dire en faisant tourner le vin dans mon verre. « Je n'ai plus envie de lui courir après, je n'ai plus envie de me donner autant de mal. Joanne passe son temps à cracher dessus sans même s'en rendre compte, elle... » En réalité, il est particulièrement difficile de définir Joanne. Elle n'est qu'un vaste paradoxe. « Elle est capable de rejeter ce qui lui est offert d'une main, et de réclamer plus de l'autre. » Et moi, je ne sais jamais sur quel pied danser. « Elle m'a dit que sa vie était celle d'une femme au foyer des années cinquante. » dis-je avec un petit rire. « Voilà à quoi ça se résume. » Sa vie avec moi, notre famille, notre histoire, ne lui font penser qu'à un vieux cliché. Oh, peut-être qu'elle pourrait avoir la vie d'une femme moderne, si elle avait du caractère. Et puis je ne lui ai jamais rien imposé, sa vie ressemble à ce qu'elle a accepté de vivre. Ce n'est pas de ma faute. Je reprends une gorgée de vin. « Et devine quelle a été sa réaction quand je lui ai dit que son comportement me brisait le coeur ? Elle m'a proposé de me rendre sa bague de fiançailles. Encore. Et d'avoir la garde de Daniel. » Je n'en reviens toujours pas. C'est à ce moment que la gifle est partie toute seule. « Tout ça parce que tu fais partie de ma vie. Absolument rien n'a de valeur ou d'importance à ses yeux, pas même son fils, elle pourrait juste tout laisser tomber, juste parce que je veux que tu fasses partie de ma vie et qu'elle n'arrive pas à me faire confiance à ce sujet. Est-ce que ça n'est pas le comble du ridicule ? » Bien sûr que ça l'est. Il n'y a que Joanne pour penser de cette manière. Tout comme il n'y a que Joanne pour se plaindre de sa vie, au lieu d'être heureuse et de dire merci. Fin du troisième verre. Je sais très bien que je bois le vin comme de l'eau parce que je suis tourmenté et que cela est certainement pitoyable, mais je m'en fiche, c'est ce dont j'ai besoin. Vider mon sac, dire ce que j'ai sur le coeur afin d'y voir plus clair, et ça, je ne suis capable de le faire qu'avec un petit coup de pouce pour me désinhiber. « Mais tu sais… en y réfléchissant, cet acte me suffit comme réponse. Elle est incapable de m'accepter. Je ne peux pas être moi-même avec elle, par peur. Si je fume, elle me menace. Si une personne de mon entourage lui déplaît, elle débloque. Sans mentionner sa capacité à tout comprendre et interpréter de travers, il suffit d'un mot mal choisi, un seul, pour la blesser pendant des mois. Je ne peux pas vivre sur le fil du rasoir en permanence comme ça ! Elle me tue ! » Quoi qu'on ne puisse pas mourir d'un coeur brisé. Seulement souffrir atrocement et se laisser piétiner jusqu'à trouver le courage de faire quelque chose. Et ça, je ne suis pas certain de l'avoir. « C'est ridicule… C'est… une mascarade. Tu peux me le dire, tu peux être honnête. » Je soupire, le regard au fond de mon verre. Je le dis pas à Hannah, parce que je sais qu'elle m'en voudrait à jamais, mais à cet instant, je ne sais même plus pourquoi j'ai accepté la demande de Joanne. Je ne sais plus pourquoi je l'ai choisi. Peut-être parce que j'avais encore l'espoir que cette famille soit mon chef d'oeuvre, la première vraie bonne et belle chose que j'aurais été capable de faire. J'ai mis tellement de coeur dans cet ouvrage. Mais il y a toujours une ombre sur le tableau. « J'aimerais tellement savoir abandonner. Juste… laisser tomber, quand c'est la chose à faire. » Mais je ne suis ni assez courageux, ni assez lâche.
Hannah estimait ne pas avoir de bonnes raisons de pleurer, elle avait déjà fait son deuil vis-à-vis de leur relation, alors elle ne comprenait pas d'où lui venait les larmes. Il fallait vraiment qu'elle arrête de penser à ce qui aurait pu se passer, ça ne servait strictement à rien de se perdre dans les possibilités et dans les et si. Ils étaient là ce soir et tout ce qu'elle pouvait faire c'était relever la tête et s'efforcer de ne pas courber les épaules face à son meilleur ami. C'était étrange, étrange de se dire qu'elle aurait toujours besoin de lui de cette façon et lui également, elle non plus ne pourrait jamais le rayer de sa vie, même s'ils avaient tous les deux leurs tempéraments de feu et que des disputes pouvaient survenir, Jamie la comprenait mieux que personne et était en mesure de lire chacune de ses expressions et comprendre quand le reste du monde était incapable de le faire. Tourner le dos à tout ça ? Elle ne pouvait le faire que temporairement et elle l'avait déjà prouvé par le passé. Hannah ferma les yeux en sentant les lèvres de Jamie sur sa joue, l'actrice ne reculant pas, bien au contraire, dans le fond elle en avait besoin, et elle était bien content qu'il ne fuit pas devant ses larmes ou qu'il n'essaye pas de la réconforter outre mesure. Chose qu'elle aurait détesté. Tout comme lui, elle était humaine et parfois les problèmes du quotidien venait s'ajouter à la misère interne qu'elle ressentait et tout ça devenait trop lourd à supporter. Alors il fallait se distraire. Ce fut bien pour cette raison qu'Hannah n'hésita pas à ouvrir la bouteille de vin pour laisser Jamie noyer sa peine s'il le désirait. Personnellement, ce n'était pas ce genre d'alcool qu'elle préférait pour oublier et elle opta simplement pour une cigarette qu'elle alluma alors que Jamie finissait son premier verre de vin. Hannah décida de ne pas l'interrompre et elle l'écouta décrire la situation avec Joanne. L'actrice réalisait bien que Joanne et Jamie se tenaient à deux pôles opposés et ne voyaient pas leur relation de la même façon. La blonde la blâmait surement elle pour tout ce qui n'allait pas dans son couple, mais Hannah n'avait jamais forcé Jamie et jamais elle ne se serait permise de tomber amoureuse de lui si le sentiment n'avait pas été réciproque. Et maintenant ils en étaient là, Jamie, fatigué et trappé dans un couple qui ne semblait pas lui convenir. "Si tu savais laisser tomber tu ne seras pas vraiment toi Jamie." commenta simplement Hannah au bout d'une longue minute de silence, ses yeux noisettes posés sur Jamie. Elle retira ses chaussures, elle pouvait sentir que la nuit allait être longue et elle poussa le brun un peu plus dans le canapé pour pouvoir se caler contre son torse. Hannah ne savait vraiment pas par où commencer, lui dire de rompre avec Joanne aurait été trop brutal et elle ne voulait pas être celle qui l'avait persuadé à faire ça. Il devait faire son propre choix, elle ne pouvait que lui donner un peu plus de perspective. "Et je ne sais pas quoi te dire, tu sais que je n'ai absolument aucune expérience en matière de relation amoureuses, quoi que... techniquement tu es le deuxième homme que j'ai... enfin tu vois ce que je veux dire." Aimé, c'était ce qu'Hannah voulait dire, sans trop paraitre redondante. Elle savait que Jamie n'apprécierait pas de passer en second, mais ce n'était pas pour ça qu Hannah songeait à Lawrence à cette seconde précise."Je crois que je peux comprendre ce que tu ressens dans une certaine mesure, je veux dire, Lawrence et moi nous avons été heureux, très heureux et on s'aimait à un point tel que ça faisait mal... mais c'est aussi ça le problème, parce qu'on s'aimait trop, il était capable de me blesser comme personne. Je crois qu'il n'y a pas d'autres alternatives, la douleur est nécessaire." Hannah parlait en connaissance de cause, elle avait promis l'éternité au Blake, lui avait fait jurer de ne jamais aimer une autre comme elle, toutes ces choses qu'on se disait quand on était drogué par l'amour. Mais il y avait également eu les jours plus sombres, où elle l'avait détesté, maudit et interdit de la toucher. Ça aussi ça avait fait parti de leur relation. "Mais Lawrence me connaissait, toutes les parties de moi, les plus fragiles, les plus superficielles, les plus vicieuses. Et il ne m'a jamais jugé, il ne m'a jamais demandé de changer, il a juste essayer de comprendre et de faire avec. Pour ce que ça vaut au final, c'est lui qui a fini par partir." Hannah haussa les épaules et se pencha vers la table pour éteindre sa cigarette dans le cendrier. Elle posa ensuite sa tête de nouveau contre le torse de Jamie pour entendre son coeur battre. "Je ne sais pas quoi te dire d'autre Keynes, je n'ai pas de conseil pour le coup... tu vas devoir sauter sans aucun parachute. Et je ne te rattraperai surement pas, mais je serais là pour t'aider à compter les membres cassés." murmura Hannah, son autre main jouant avec le col de sa chemise.
Personne ne peut vraiment comprendre ou s'imaginer tout ce qui se vit à ce moment, sauf peut-être Hannah. Elle n'a pas d'enfant, elle ne pourra pas en avoir, alors Daniel est un facteur qui lui échappe peut-être, mais du reste, elle me connaît, elle connaît Joanne -qui n'est pas difficile à lire-, et elle connaît l'amour passionnel et destructeur qui pousse deux êtres à s'adorer autant qu'à se haïr. Elle sait sûrement à quel point s'est enivrant au début, il est si beau de se laisser consumer par ce sentiment, d'avoir l'impression de mourir tous les soirs et renaître tous les matins dans les bras de l'être aimé. Peut-être sait-elle toute la souffrance que cela engendre, les guerres, les colères, les crises qui détruisent tout sur leur passage parce que parfois la rage est le seul moyen d'évacuer ce trop plein de passion. Je me demande pourquoi Blake est parti, mais je ne pose pas la question. Cela n'a pas tellement d'importance à ce moment, et de toute manière il est n'est pas vraiment question de lui. Il est parti, voilà tout. De ce que je sais à travers les livres et les mythes, tout le monde s'accorde sur un point ; si la passion est la forme d'amour la plus intense et délicieuse, elle est aussi la plus destructrice et n'apporte dans son sillage que du malheur et des drames. Tout le monde connaît ces histoires d'amants consumés par cette forme d'amour au point de tuer l'autre, un tiers, ou soi-même. Mais ces histoires ne se terminent jamais bien. Preuve en est que celle de Hannah et de Lawrence n'a pas non plus connu de fin heureuse. Alors peut-être que tout ceci se résume à un cul de sac dans lequel je suis piégé. La comédienne s'est blottie contre moi ; un bras autour de ses épaules, je caresse tendrement son bras pendant que je me laisse happer par mes pensées tout en écoutant le son de de sa voix. Je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'il serait sûrement on ne peut plus agréable de l'entendre chanter, et que j'espère qu'elle chantera pour moi un jour. Je suppose qu'il y a une belle chanson à écrire basée sur tout ceci. « Du moment que tu es là... » je murmure avant de terminer mon verre. Je le pose sur la table sans me resservir. Ca devrait aller pour ce soir, ou alors je reprendrai plus tard. Je soupire, toujours plus perdu. « Je ne sais pas quoi penser... » J'aimerais tellement que tout soit plus simple. J'aimerais remonter le temps. A cet instant, j'aimerais retourner la patinoire à New-York où Hannah et moi jouions comme des enfants. C'était si agréable. « Il y a une chose que je ne peux faire. » dis-je au bout d'un long moment de silence. A force de tourner et retourner la situation dans ma tête il n'y a qu'une chose qui m'apparaît ; « Annuler le mariage. » Une décision qui peut sembler radicale et bien trop brusque, mais elle ne l'est pas le moins du monde. Hannah me connaît, j'ai beau être impulsif, je réfléchis beaucoup, et je ne dirais jamais cela si je n'avais pas retourné le problème dans tous les sens. « C'est ce qu'il y a de mieux à faire pour le moment. » Ce n'est que du bon sens. Il ne peut pas y avoir de mariage dans ces conditions, c'est ridicule. Et ce n'est pas en deux mois que Joanne oubliera que j'ai levé la main sur elle encore une fois ou que je passerai l'éponge sur son comportement d'enfant capricieuse. Il y a quelque chose de brisé, ce n'est pas la peine de le nier, et au contraire, il faut le concrétiser. Pas de mariage. Pas de report, pas de peut-être, pas de si, pas de mais. Pas de mariage tout court, et cela ne sera plus comme un sparadrap sur nos maux ou un joli tapis sous lequel tout enfouir. Finalement, une telle décision mérite un verre. Je me ressers et bois une grande gorgée. Certes, je suis triste. Et pourtant un peu soulagé. Soulagé comme on eut l'être lorsque l'on sait que l'on prend la bonne décision, la seule qui soit fidèle à nous-mêmes. Pour continuer sur cette lancée, je reprends ; « Et déteste-moi pour ça si tu veux, mais puisqu'elle n'aura de toute manière pas confiance en moi... » Pourquoi me donner du mal et réprimer ce que je ressens, ce dont j'ai envie ? Si je dis à Joanne qu'il ne s'est rien passé, elle n'en croira pas un mot, alors autant qu'il se passe quelque chose. Je redresse le visage d'Hannah, glisse ma main dans ses cheveux et colle mes lèvres aux siennes. « J'aurais dû rester avec toi. »
Le futur était incertain. Et le brun le réalisait à cet instant, ça ne servait à rien de trop se projeter dans le temps et même son mariage paraissait beaucoup trop loin. Ce futur idyllique qu'il s'était imaginé avec Joanne, est-ce qu'il existait ailleurs que dans leurs têtes ? Est-ce qu'ils allaient vraiment y arriver un jour ? La brune n'en savait rien et elle ne savait même pas si elle le leur souhaitait, elle avait fait son deuil avec l'amour et savait que ce qu'elle voulait, ni Jamie, ni Lawrence était en mesure de vraiment lui donner. Elle en avait assez des contes de fées et des belles promesses pour l'éternité, pour un pour cent de son coeur, assez du marchandage et du pillage. Où était l'homme qui pourrait vraiment l'aimer, ne pas reculer et la serrer dans ses bras jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'elle n'avait besoin de rien d'autre. Jusqu'à ce qu'ils finissent par disparaitre, abandonnent la fortune et aillent s'établir ailleurs. Lawrence avait ri quand elle lui en avait parlé, il était incapable de concevoir que la Siede n'avait pas besoin de tout ça. Mais Hannah n'en avait pas besoin, c'était juste une question d'habitude, la brune pouvait bien s'en passer. Elle savait qu'elle finirait sa vie loin de tout et de tous, peut-être qu'elle continuerait le théâtre, qu'elle s'attaquerait enfin à des rôles qui demandaient d'avoir des rides et elle n'aurait besoin de rien d'autre. Ça, c'était quelque chose auquel Hannah pouvait s'accrocher, quelque chose de concret. Attendre que l'amour vienne la sauver, c'était une illusion. Elle haussa un sourcil alors que Jamie lui parlait d'annuler le mariage. S'il y a des mois de cela, au moment de leur séparation, cela aurait pu réjouir Hannah, elle ne ressentit rien de particulier à cet instant. C'était son choix, c'était sa vie, elle serait là encore une fois mais juste en tant que soutient, elle ne comptait pas agir cette fois-là. "Si tu penses que c'est la meilleure décision. Réfléchis-y quand même, tu sais ce qu'on dit, la nuit porte conseils, tout ça..." Hannah poussa un soupir, elle ne savait pas pourquoi elle perdait son temps, si Jamie l'avait dit, il le ferait. Il se chargerait d'annoncer la nouvelle lui-même à Joanne et ce en grande pompes, le brun ne laissait jamais rien au hasard. Hannah songea quelques secondes à Joanne, laisserait-elle tomber aussi facilement elle ? Et Daniel qui se retrouvait au milieu de tout ça, qui ne savait pas vraiment que ses parents se déchiraient... Hannah regretta soudainement d'avoir éteinte sa cigarette à cet instant, elle en avait grand besoin. La vie de Jamie était définitivement un foutoir plus conséquent que la sienne, normal qu'elle soit tombée amoureuse de lui, pas vrai ? Trop vite, alors que cette pensée la saisissait, son visage se retrouva trop près de celui de Jamie. La brune ne s'y attendait pas et elle en eut le souffle coupé, trop surprise pour songer à l'arrêter. Et pourtant, les lèvres de Jamie se posèrent sur les siennes et les mots suivants qu'il voulait sûrement emprunt de vérité lui firent l'effet d'une morsure, juste après la brûlure infligée par le baiser. "Non." Hannah recula subitement, ses doigts posés sur ses lèvres. Non, il ne pouvait pas juste l'embrasser, penser récupérer ce qu'il avait si facilement jeté au loin, non il ne pouvait juste pas se pencher vers elle et espérer que tout pouvait recommencer. "... Je vais y aller, ça vaut mieux" Hannah tourna la tête et remit rapidement ses chaussures avec des mains tremblantes, ce n'était pas sous le coup de la tristesse cette fois ci mais bien la colère, elle rangea trop rapidement tout ce qu'elle avait apporté dans son sac et une fois debout, elle se tourna enfin vers lui: "Tu ne peux pas faire ça, tu ne peux pas m'utiliser de la sorte, en espérant que je te répare, non Jamie, ça tu peux le faire tout seul. Et il ne peut pas y avoir que moi qui fait un effort pour rester dans le territoire des meilleurs amis." C'était injuste, il devait bien en avoir conscience, c'était une partie du problème, c'était ça qui blessait Joanne autant que cela blessait Hannah. À quoi s'attendait-il ? Il venait de passer les dix dernières minutes à lui parler de Joanne et maintenant ça ? "Il faut que tu arrêtes de me regarder comme tu le fais et que tu arrêtes de revenir vers moi dès que ça ne va pas avec Joanne." Elle était son amie, elle avait dû en baver pour faire la paix avec ses propres sentiments, les accepter et comprendre qu'elle pouvait avancer avec sans absolument aucune honte. Elle n'allait pas reculer, pas revenir des mois en arrière pour une nuit où il doutait. "Je t'aime, oui, tu m'aimes, oui. Et alors ? Où est-ce que ça nous a mené avant ? Si tu veux faire ça avec moi, fais le bien, enlève ta bague, dis lui que c'est fini entre vous et suis tes idées jusqu'au bout putain. J'ai accepté de passer en deuxième une fois Jamie. Je ne le referai pas. " termina Hannah, son regard posé sur lui.
A aucun moment je n'aurais pensé essuyer un tel refus, un tel rejet de la part de la comédienne. Hannah pose un doigt sur ma bouche pour m'écarter de la sienne suite au baiser que je lui ai donné. Elle n'en veut pas. Mon regard plein d'incompréhension passe d'une de ses pupilles à l'autre, je la devine vraiment contrariée par mon geste. Pourquoi pas ? Si comme Joanne l'a dit, la jeune femme m'aime toujours autant, elle pourrait simplement sauter sur l'occasion et accepter ma maladroite déclaration d'amour. Mais rien ne ressemble au bref scénario que je m'étais fait. C'est le coeur serré que je l'observe mettre ses chaussures, tout reprendre et mettre son sac sur son épaule, prête à partir. Je reste penaud et abruti, assis sur le canapé avec mes bras ballants, démuni face à la réaction de la belle brune. Quand elle m'explique la raison de son refus et de sa colère, mon regard se baisse. En une phrase elle parvient à me faire sentir idiot et terriblement égoïste. Je ne pensais pas à mal, l'utiliser ne m'a pas traversé l'esprit, mais elle a raison, dans le fond, c'était ce que j'allais faire. Utiliser sa présence et son affection pour aller mieux. L'exacte même erreur que la première fois et qui nous a conduits à cette situation. C'est moi qui suis allé chercher ma meilleure amie pour la récupérer et essayer de tout réparer, mais c'est aussi moi qui nous met des bâtons dans les roues. Parce que je suis tout bonnement incapable de ne pas la regarder comme je le fais, de ne pas avoir envie de la prendre dans mes bras et l'embrasser, et ce n'est pas que lorsque ma relation avec Joanne est au point mort. Bon Dieu, toute cette histoire n'existerait pas si j'avais laissé Hannah tranquille, hors de ma vie. Si j'avais laissé tomber. Je loge mon visage entre mes mains, honteux. J'ai décidément un don pour toujours out gâcher et faire vivre un enfer émotionnel à mon entourage. Mais ils n'ont pas idée du mien. Est-ce que je suis prêt à enlever ma bague et tout plaquer pour Hannah ? Non, pas à cet instant. Pour le moment, je ne suis sûr de rien, je suis perdu et j'agis comme un désespéré. Et voilà que je heurte la seule capable de me comprendre, celle qui sera toujours là pour moi. « Je... » Je suis désolé, mais ça ne sert à rien de le dire, c'est si lâche et catholique de croire que se dire désolé est la solution à tout. Et à cet instant, ce serait si pathétique. Je souffle un coup, je dois me reprendre. J'ai été idiot, je dois l'assumer. « Tu as raison. » dis-je en regardant devant moi, acquiesçant après coup toutes les paroles de la brune. « Tu as complètement raison. Je te demande pardon. » Elle peut me l'accorder ou pas, mais j'en doute. Les erreurs avouées sont rarement à moitié pardonnées. Elle me maudira quelques jours, et quand nous nous reverrons, je devrai faire amende honorable pour lui montrer que je vais faire des efforts. Je me lève et me dirige vers ka porte du bureau que je lui ouvre. Grande première en matière de lâcher prise ; laisser partir. « Merci d'être passée. Ca me touche. » j'ajoute avec sincérité. Personne d'autre ne se serait assez soucié de moi pour venir jusqu'ici et m'arracher à mon travail à part elle. Je m'en veux d'avoir ruiné l'instant. Elle ferait mieux de partir, là aussi elle a raison. J'ai encore des choses à faire de toute manière. Et après cette grossière erreur, mieux vaut laisser la poussière retomber plutôt que de continuer à la remuer. « Reviens quand tu veux, ou appelle-moi si tu as besoin d'un cavalier un de ces soirs. Je crois bien qu'il faille que tu t'occupes de ma vie sociale. » Je lui souris un peu. Oui, je meuble pour que nous ne partions pas fâchés, c'est ma manière maladroite de me faire un peu pardonner. Je ferai mieux plus tard. « Bonne nuit, Siede. » D'habitude, je déposerais un baiser sur sa joue. Ce soir, cela ne me semble pas approprié. Je me contente de la laisser s'en aller et fermer la porte derrière elle.
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