La vie de Sélène avait été chamboulée en quelques mois avec les arrivées successives de Gayle -un colocataire étrange, encore- et de Nathan -un bébé, le premier- dans sa vie. Evidemment, les deux n'avaient pas les mêmes impacts sur son quotidien. Le premier lui faisait piquer des crises de nerfs à se ruiner continuellement la santé, bien qu'étant d'une aide précieuse pour les diverses galère qu'elle pouvait rencontrer. Le second lui apportait pleurs et couches sales, mais également un profond sentiment d'épanouissement. Et surtout, Sélène se sentait aimée et utile, chose qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Elle aimait passer du temps à contempler son fils dormir, ou se nourrir à son sein. De plus, depuis quelques temps, il commençait à esquisser des sourires, ce qui la rendait folle de joie.

Après avoir rédigé deux pages de sa thèse dans la matinée, chose incroyable, étant donné le niveau de productivité moyen de la jeune femme depuis la naissance du petiot, elle décida de sortir la poussette et de l'emmener au parc, afin de prendre un peu l'air.

Elle entreprit donc de le tartiner de crème solaire pour bébé et de le couvrir des pieds à la tête. Quand ce fut fait, non seulement il avait l'air d'un binbenbum, mais Sélène partit enfin vers le parc de New Farm. C'était l'été, le temps commençait donc à se rafraîchir, il y avait un peu de vent, et c'était agréable. La jeune maman était assise sur un banc, Nathan dormait dans sa poussette, elle s’occupait donc à regarder les gens vaquer à leurs occupations dans le parc. Son regard s'arrêta sur une jeune femme blonde, qui avait l'air très concentrée sur la photo qu'elle était en train de prendre. Sélène l'observait avec fascination. Elle avait toujours admiré les artistes, les gens qui étaient passionnés par quelque chose et qui s'y consacraient à fond. A côté d'eux, la jeune femme avait l'impression d'être une incapable. Bon, elle savait s'occuper de chameaux, ce qui n'est pas le cas de tout le monde, mais bon, ce n'est pas le genre d'activité qui intéresse les gens en général.

Ces réflexions menèrent la doctorante à prendre une décision. Elle allait parler à cette femme. Juste histoire de lui poser une petite question, elle ne voulait pas la déranger. Elle se leva donc, prit sa poussette et s'avança vers la jeune femme.

-Excusez moi, commença-t-elle d'une voix peu assurée, pardonnez moi de vous déranger comme ça mais je me demandais... Qu'est-ce qui capte particulièrement votre attention en tant que photographe ? Je veux dire, pour choisir un sujet...

Elle se sentait totalement ridicule, avec sa poussette et son apparence sauvage, voire débraillée. Mais bon, au pire l'autre femme la regarderait comme si elle était un poulet qui se serait subitement mis à parler et s'en irait, effrayée. Au pire. Au pire elle serait ridicule, quoi.

Harley se promenait dans le parc. C’était une belle journée. Le soleil était chaud, mais le vent frais rendait l’atmosphère légère.  Il y avait quand même pas mal de monde dehors en cette belle journée. On pouvait entendre certains enfants jouer (et des parents les gronder).  On dénombrait un certain nombre de promeneurs avec leur chien,  de joggeurs courir entre les passant et de personnes âgées occupés à nourrir les oiseaux.  La blonde recommençait de plus en plus à apprécier les choses simples de la vie. Parce que depuis le viol, tout lui avait paru terne et merdique. Elle avait été morose et blasé tellement longtemps, surtout pour elle, qui voyait la beauté du monde dans chaque chose qu’elle pouvait voir et apprécier. Cela avait été difficile de réaliser qu’elle n’avait plus goût en rien. Mais depuis son arrivé à Brisbane les choses allaient en s’améliorant. Voir son Jumeau lui avait fait un bien fou. Sa présence physique lui avait manqué bien plus que ce qu’elle n’aurait cru. Elle avait beau lui parler tout de même chaque jour avant, l’entendre et le voir face à face avait été un soulagement, surtout dans l’état ou elle se trouvait lorsqu’elle a débarqué chez lui, de façon assez cavalière avouons-le. Elle tenait à son frère comme à la prunelle de ses yeux. Sa moitié, son âme-sœur.  Et puis après, elle avait rencontré Sid… Elle rougit en pensant à lui. Ouais, Sid lui faisait un bien fou. Elle ne comprenait d’ailleurs pas comment un simple garçon pouvait lui faire ressentir autant de chose.  Son tatoué lui donnait le sourire  et c’était agréable, parce que ça lui réchauffait le cœur.

Elle prit un écureuil sautant de branche en branche dans un arbre en photo. Clic. Elle reprit sa marche et continua à arpenter le parc tranquillement tout en prenant des clichés de toutes les choses qui lui paraissaient jolis. Une journée comme celle-là, à observer la beauté simple du monde, lui faisait du bien.  Elle respira un grand coup pour emplir ses poumons de la brise, puis continua son attaque de cliché sur la faune local. Elle était vraiment concentrée sur la prise de vu d’une maman oiseaux nourrissant ses bébés lorsqu’une dame avec sa poussette s’approcha et la fit sursauter. Elle était dans une bulle, elle, les oiseaux, l’arbre, la lumière, rien d’autre. Alors elle fut vraiment surprise de la présence de la demoiselle. 

« Excusez-moi, » La voix de la jeune mère était hésitante,  comme si elle n’était pas certaine de ce qu’elle s’apprêtait à faire, ou du moins, avait peur de déranger.  Harley la regarda avec le sourire, pour l’encourager à continuer.  « Pardonnez-moi de vous déranger comme ça mais je me demandais... Qu'est-ce qui capte particulièrement votre attention en tant que photographe ? Je veux dire, pour choisir un sujet... »

La blonde lui fit un sourire, pour lui indiquer qu’elle allait répondre, mais elle devait d’abord réfléchir à sa réponse. Après quelques secondes de cogitation, elle se lança dans une explication. « En fait, pour tout vous dire… Tout est beau. Je veux dire, le sujet varie selon. La beauté ce cache dans chaque petite chose qui existe sur cette Terre. En les prenant en photo, j’essaie de montrer aux autres ma vision du monde. À qu’elle point il peut être magnifique. Alors, particulièrement, je vous dirais… Tout et rien. Parce que tout peut devenir un sujet. » Elle se gratta l’arrière de la tête, pas trop certain d’avoir été claire.

Malgré l'intervention tout à fait aléatoire de Sélène dans sa vie, la jeune femme qui prenait des photos ne parut pas dérangée. Elle sourit même à la brunette afin de l'encourager à continuer sa phrase. Elle était vraiment jolie, cette jeune femme. Blonde, le regard assez pétillant, quoi que pas tout à fait heureux, peut-être voilé parce une douleur plus profonde. Puis elle se mit à réfléchir, avant de lui expliquer sa vision de sa beauté, comme quoi elle pensait qu'elle pouvait se trouver partout. Ceci laissa la doctorante songeuse, le regard perdu dans les allées vertes du parc. Il faisait beau, le soleil brillait sur les feuilles, le sable des allées, on entendait des enfants rire. C'était serein. Oui, on pouvait dire que ce moment était beau, même s'il était très simple, voire banal. Elle avait sûrement raison. Sélène sourit à son tour.

-J'aime votre vision des choses. Si je comprends bien, vous voulez montrer la beauté du monde, ce qu'il y a de positif à en tirer ? C'est une idée plutôt apaisante. Je n'ai rien contre les photographes de guerre, ou ceux dont le but est de montrer des choses dures comme la maladie, la pauvreté ou la mort, mais rencontrer quelqu'un qui a l'air de vouloir faire le contraire est plutôt réjouissant.

Elle secoua la tête en riant :

-Excusez moi, je pars un peu loin, j'ai tendance à être un peu trop bavarde, et puis, j'admire beaucoup les gens qui créent.

Sélène entortilla une des mèches de ses cheveux autour de son index droit, et jeta un œil dans la poussette afin de vérifier que Nathan était toujours en train de dormir. Mais le petit métis était en train de doucement sortir du sommeil et clignait ses yeux noirs et un peu bridés. La jeune mère sourit tendrement en le regardant, et passa distraitement un doigt sur sa joue. Pour elle, c'était le plus beau bébé du monde, et elle pensait beaucoup moins à Sungyeon en le regardant qu'elle ne l'aurait imaginé. En fait, le coréen disparaissait peu à peu du paysage, le souvenir de leur rupture ne la faisant presque plus souffrir.

Se rendant compte qu'elle s'était à nouveau perdu dans ses pensées, la jeune femme releva la tête vers son interlocutrice, et lui adressa un sourire gêné, quoi que sincère. Elle avait conscience d'avoir l'air tout à fait niaise dès lors qu'elle posait les yeux sur son bébé. Désespoir.
Au moins elle n'avait plus l'air d'une baleine échouée. Bon, on ne pouvait pas non plus dire que la jeune femme avait totalement retrouvé la ligne, mais à cela, Sélène aurait répondu "essayez vous de porter un machin de deux kilos et demi dans votre utérus qui ne demande qu'à grandir et joue avec vos hormones. Vous verrez si vous arrivez à rester sveltes et beaux". Bon, en l’occurrence, personne ne lui avait posé la question, mais Sél était du genre à beaucoup parler seule dans sa tête. D'où l'impression de folie qui pouvait se dégager d'elle.

La jeune brunette sourit à Harley. « J'aime votre vision des choses. Si je comprends bien, vous voulez montrer la beauté du monde, ce qu'il y a de positif à en tirer ? C'est une idée plutôt apaisante. Je n'ai rien contre les photographes de guerre, ou ceux dont le but est de montrer des choses dures comme la maladie, la pauvreté ou la mort, mais rencontrer quelqu'un qui a l'air de vouloir faire le contraire est plutôt réjouissant. »  La blonde  était plutôt contente de son explication au final puisque son interlocutrice avait comprit l’essentiel, de sa pensée.  La vie était trop courte pour toujours s’attarder sur ce qui était triste. Pas que ce qu’elle venait d’énuméré n’était pas important, bien au contraire. Et la blonde savait très bien, surtout depuis deux mois, que la vie n’était pas toujours faite de jolis papillons et de rayons de soleil, mais depuis toujours elle essayait de voir le beau et le bon dans l’univers, sa foi avait grandement été ébranlé après le viol, mais depuis qu’elle était à Brisbane, certaine chose se réveillait en elle et elle avait l’impression de se retrouver un peu.  Elle savait que Sid y était pour beaucoup et la blonde lui était infiniment reconnaissante. La brune secoua la tête en riant, ce qui sortie la photographe de ses pensées. « Excusez moi, je pars un peu loin, j'ai tendance à être un peu trop bavarde, et puis, j'admire beaucoup les gens qui créent. »  La blonde lui sourit gentiment, parce qu’elle ne trouvait pas la jeune mère dérangeante du tout et qu’elle ne voulait surtout pas que celle-ci le pense. « Ne vous inquiétez pas, je suis ravie que vous soyez venu me voir. »

La brunette tournait machinalement une mèche de cheveux autour de son doigt en observant son bébé. Celui-ci sembla se réveiller en battant des paupières. À cet instant la jeune mère étai magnifique, il y avait tellement de tendresse dans son regard. On pouvait y voir toute l’amour et l’affection qu’elle portait pour son enfant. Harley trouva la scène magnifique et ce fit la réflexion que si elle n’était pas aussi proche d’eux, elle les prendrait en photo. La vision était emplie d’émotions douces et cela fit sourire la jeune femme.

Son interlocutrice fini par lâcher des yeux son petit pour relever les yeux vers la blonde, un sourire gêné sur le visage. Une idée frappa la jeune femme de plein fouet et elle se fit la réflexion que cela ferait peut-être plaisir à la mère. « Si vous voulez, je vous offre une séance photo, avec votre fils. Habituellement les tarifs des photographes professionnels sont assez élevés, mais j’ai envie de vous l’offrir. » Elle prit une petite pause, avant d’ajouter, pour être certaine que la brune ne soit pas mal à l’aise. « Si vous ne voulez pas, vous n’êtes pas obligé… » Le reste de sa phrase, elle l’a dit dans un murmure « Vous êtes vraiment magnifique avec votre fils. » Elle le pensait sincèrement et espérait lui faire plaisir.

Elle espérait sincèrement que sa proposition ferait plaisir à la jeune mère. Et puis, elle était magnifique avec son bébé, ce serait un plaisir aussi pour la blonde. Elle avait toujours trouvé magnifique le regard que portait une mère à son enfant, c’était quelque chose de tellement beau, tellement profond. On pouvait voir transparaître l’amour par tous les pores de peau de la maman. Elle rayonnait encore plus. Elle repensa vaguement à son séjour en Jamaïque, mais préféra  chasser rapidement cette pensée de son esprit. Ressassé le passé, surtout dans un cas comme celui-là ne rimait à rien.  Même si, lorsqu’elle y pensait, sa lui faisait encore quelque chose malgré les années. C’était étrange de voir à quel point la perspective d’une situation pouvait changer du tout au tout à peine quelques mois. Elle lui en avait tellement voulu sur le moment. Jamais elle n’en avait voulu à quelqu’un aussi intensément, sauf peut-être  au cinq monstres qui l’avaient violé il y avait à peine quatre mois.


 Elle lui sourit gentiment en attendant de voir la réaction de son interlocutrice. Celle-ci ne se fit pas attendre. La jeune femme ouvrit les yeux ronds comme des ballons en entrouvrant la bouche. Pour sa part Harley ne savait pas trop comment interpréter cette réaction. Elle voyait bien que l’autre était surprise, mais était-ce positif ou négatif ? Elle l’ignorait totalement.  La blonde attendit encore,  un peu anxieuse d’avoir dit une bêtise. Peut-être que la mère n’aimait pas ce faire prendre en photo ? Peut-être l’avait-elle insulté ? « Euh… Je… » Harley haussa un sourcil interrogateur, patientant sagement pour entendre la suite. La jeune brune rit un peu avant de se reprendre. « Ça me ferait plaisir, mais euh… Vous êtes sûre ? J’aimerais faire quelque chose pour vous en contrepartie si vous nous photographiez. »  Elle l’a vit réfléchir un instant avant d’ajouter quelque chose. « Vous aimez les gâteaux et les pâtisseries ? Ou alors, si vous n’êtes pas de la région je pourrais vous faire visiter. » Harley lui sourit, la complimentant encore une fois. « Vous êtes vraiment très jolie avec votre bébé. Vous rayonné. » La jeune brune regarda son bébé avec tendresse en se tordant les mains, comme pour retrouver une certaine contenance.  « C’est vrai très gentil, merci, je…  je ne sais pas trop quoi dire à part que vous êtes très belle aussi. » Elle se mit à rire, un peu mal à l’aise. Mais Harley était flatter, et trouvait que la jeune femme était assez sympathique, malgré le fait qu’elle avait l’air de croire qu’elle l’a dérangeait. « Merci, c’est très gentil. Et honnêtement, je ne veux rien. Ça me fait vraiment plaisir, mais seulement si ça vous fait plaisir aussi. » Elle lui fit un joli sourire avec ses fossettes et reprit la parole. « Ça fait longtemps que je fais de la photo, j’ai commencé comme amateur pendant mes voyages et j’ai adoré, alors je suis venu à Brisbane pendant un an étudié la photo,  et j’en ai fait mon métier. » Elle rit un peu avant d’enchaîner. « Pour tout vous dire, je le fais aussi et surtout pour le plaisir. Comme je vous ai dit, j’aime pouvoir montré ce que moi je vois aux autres. Et j’aimerais réellement vous montrez à quel point vous êtes magnifique, en plus ça va vous faire de jolis souvenirs. » Elle se gratta la tête pensant qu’elle n’avait pas refait faire sa carte depuis qu’elle était à Brisbane et qu’elle n’en traînait plus avec elle. Elle haussa les épaules, un peu mal alaise d’avoir l’air aussi peu professionnel.  « J’ai oublié de faire changer ma carte d’affaire depuis que je suis à Brisbane, mais je vais vous laisser mon nom, vous irez voir sur internet si vous voulez, et puis, si ce que vous voyez ne vous plait pas, vous n’avez qu’à pas m’appeler…  Vous n’aurez qu’à chercher Harley Sheppard photographe. Vous devriez trouver. »

Harley était heureuse que ça proposition plaise à la jeune maman. C’était un beau projet et elle savait qu’elle allait déjà adorer le réaliser, d’autant plus qu’elle trouvait la brune vraiment sympathique. Et lui sourit gentiment, écoutant toutes les questions dont son interlocutrice la bombardait. Elle la laissait terminer, n’ayant pas le temps de toute façon de répondre entre chaque nouvelle question qui sortait de la bouche de la jeune femme en face d’elle. Et puis, elle avait l’impression de se retrouver en face d’elle-même. Parce que la blonde était curieuse à un point rarement atteint. En fait c’est qu’elle s’intéressait aux gens et à la vie qui l’entrouvrait, alors elle était avide d’en connaître d’avantage. Et ça lui faisait un peu penser à elle avec Sid le premier soir, quoique la brunette était beaucoup moins intense qu’elle et son beau tatoué.

Une fois toutes les interrogations, posé, du moins pour le moment, la jeune mère prit son fils dans ses bras, car celui-ci s’agitait un peu dans sa poussette, voulant surement un peu d’attention ou ayant faim, ou autre chose. Au fond la blonde n’avait pas une grande connaissance sur les bébés. Un petit pincement au cœur la prit de court. Elle repensait à sa propre grossesse, qui au final n’avait mené nulle part. Habituellement, elle essayait de garder se souvenir le plus loin possible dans son cœur, pour ne pas trop en vouloir au géniteur. Ce n’était pas un bébé désiré, ce n’était même pas une histoire d’amour. Mais une fois qu’elle et lui aussi au final, avaient décidé de le garder, elle s’y était attachée à cette petite crevette qui poussait dans son ventre. Mais la vie était parfois une vache et au final, son bébé n’avait pas pu être mit à terme. Elle l’avait perdu et tout ça à cause de lui. Juste y penser, ça lui faisait un peu de peine, mais ça l’a mettait surtout en colère. Mais bon, tout ça c’était du passé, et peut-être qu’au final, c’était mieux comme ça. Un jour, peut-être elle serait mère, mais elle espérait que le moment venu, ce serait dans de meilleures conditions et qu’elle serait amoureuse de l’homme (ou la femme) avec lequel elle déciderait d’avoir un enfant. Elle respira un grand coup et fit son possible pour enfouir une fois encore toute cette histoire au plus profond de son cœur, puis sourit à la brunette, fin prête à répondre aux questions de celle-ci.

« Pour ce qui est des voyages, j’ai fait le tour du monde plusieurs fois, alors j’ai voyagé un peu partout autour du globe. Je crois que chaque endroit mérite d’être visité et que chacun à quelque chose à offrir. » Harley remit l’une de ses mèches blondes derrière son oreille. « J’ai déjà été exposé, mais je ne le suis pas en ce moment. En fait, j’ai touché un peu à tout dans la photo, autant dans la pub, le mannequina, le cinéma, les galas, les magasines et les livres que pour des particuliers. J’en ai fait aussi pour le plaisir que j’ai exposé dans une galerie quelques fois. Mais pour le moment, le meilleur moyen de voir mon travail, c’est sur internet. » Elle se frotta la nuque et enchaîna à la prochaine réponse qu’elle devait donner. « Et non, je ne suis pas originaire de Brisbane, mais je suis née à Melbourne. J’y suis restée jusqu’à mes dix-huit ans et je suis partie la découverte du monde. Un an plus tard environ, je suis revenu en Australie pour étudier la photo ici pendant quelques mois et je suis repartie à l’aventure autour de la terre. Par la suite je n’ai jamais vécu très longtemps au même endroit. » Elle réfléchie une seconde pour s’assurer de ne pas avoir oublié de répondre à une question et une fois certaine, elle sourit à la blonde. « Et vous, qu’est-ce que vous faites dans la vie ? Avez-vous toujours vécu dans cette ville ? » Elle pensa une seconde, et réalisa qu’elle ne connaissait même pas le prénom de son interlocutrice. « Au fait, vous vous appelez comment ? »

La jeune femme blonde sembla un instant perdue dans des souvenirs déplaisants, et Sélène se mordit la lèvre inférieure, se disant que c'était sûrement elle qui les avait remués. Décidément, la jeune femme était un boulet national. Elle avait commencé à regarder Harley avec un peu d'inquiétude, quand celle-ci se mit à répondre à sa question sur les voyages, ce qui rassura quelque peu l'étudiante. Elle parla d'un ton passionné, ayant vraiment l'air convaincu par ce qu'elle disait, ce qui était réellement beau et touchant à voir. Encore une fois, elle avait certainement raison, chaque endroit du monde pouvait receler de la beauté ou différentes choses encore, de la culture, une expérience...

-Je vois... Vous devez avoir raison. Et puis j'imagine que voyager apporte une merveilleuse ouverture d'esprit.

Pour Sélène qui n'avait visité que la France et la Pologne, et encore, vraiment pas longtemps, une baroudeuse telle qu'Harley était vraiment fascinante. Elle espérait qu'elle aurait les moyens de voyager autant un jour, surtout maintenant qu'elle avait un enfant.

Puis sa nouvelle connaissance lui expliqua son parcours plus en détails, déclarant qu'elle avait déjà été exposée, mais que ce n'était pas le cas actuellement. La brunette était impressionnée que l'autre jeune femme ait touché à autant de choses dans sa vie. Elle avait sûrement dû faire de belles rencontres et su prendre des risques. Sélène admirait beaucoup cela. Elle hocha la tête aux paroles d'Harley, puis finit par dire :

-D'accord, je suis impatiente de voir votre travail. En tous cas, vous avez fait beaucoup de choses, j'imagine que c'est très épanouissant. Il y a un domaine qui vous a particulièrement plu ?

Peut-être qu'elle l’assommait de questions, mais la jolie blonde n'avait pas l'air d'être trop dérangée par cela, tout du moins, Sél espérait qu'elle le lui ferait savoir si c'était le cas. Elle imaginait toutefois que tant qu'elle ne posait pas de questions trop indiscrètes, et dans la mesure où elle parlait à la jeune femme de quelque chose qui la passionnait, ça devrait aller.
Elle lui raconta ensuite qu'elle était originaire de Melbourne, et qu'après avoir voyagé puis être revenue au pays, elle avait souvent changé d'endroit. Sélène se surprit à envier quelque peu la photographe. Elle avait souvent choisi le confort et la facilité de rester assez près de ce qu'elle connaissait, quoi que tout cela avait changé depuis qu'elle était tombée enceinte et que ses parents lui avaient coupé les vivres. A partir de là, on ne pouvait pas dire qu'elle avait vécu dans le confort, mais bon. Il n'empêche qu'elle n'avait pas beaucoup voyagé et qu'aujourd'hui, elle cherchait surtout à s'assurer une certaine sécurité dans l'emploi pour élever Nathan au mieux.

-Donc vous êtes du pays. Je trouve ça fascinant de ne jamais se poser à un seul endroit. Du coup, vous pensez quitter Brisbane sous peu ? demanda Sélène, toujours curieuse.

Harley devait toutefois trouver qu'elle avait assez parlé d'elle, car elle demanda à la jeune femme ce qu'elle faisait, et si elle avait toujours vécu à Brisbane. L'étudiante répondit donc en souriant :

-En ce moment je finalise ma thèse, je suis en doctorat d'histoire. Je donne aussi des cours aux élèves de licence à l'université pour subvenir à nos besoins. Je vis à Brisbane depuis six ans, le début de mes études en fait, mais je suis d'Alice Springs, c'est pas tout près, c'est dans l'outback.

Puis, réalisant certainement qu'elle ne connaissait pas le nom de la jeune maman, elle le lui demanda. Sélène rit légèrement du comique de la situation, puis répondit :

-Je m'appelle Sélène Wiszniewski, c'est vrai que j'aurais pu penser à me présenter.

Pendant ce temps, dans ses bras, Nathan commençait réellement à s'agiter. En regardant l'heure, la jeune femme se dit qu'il devait certainement avoir faim. Elle regarda donc son interlocutrice d'un air gêné et dit :

-Excusez moi, est-ce que ça vous dérange si je l'allaite ? J'ai très envie de continuer cette conversation, mais je sais que certaines personnes ne sont pas très à l'aise avec ça, alors je préfère demander.

Bon, en général, c'étaient surtout les hommes qui étaient dans cette situation, des seins à l'air comme, ça, ça les perturbait. Et cela agaçait Sélène, au fond, même si elle respectait la pudeur de chacun. L'allaitement restait quelque chose de naturel, et elle trouvait dommage que les femmes soient parfois obligées de se cacher pour le faire, même si ce genre de mœurs étaient plus américaines qu'australiennes.

Harley lui fit un joli sourire en attendant la réponse à sa dernière question.  La jeune brune eut l’air de trouver la situation un peu comique puis finit par se présenter. «Je m'appelle Sélène Wiszniewski, c'est vrai que j'aurais pu penser à me présenter.»  Harley hocha la tête, Sélène était un beau prénom. « Ne vous en faites pas pour ça. Je me demandais c’est tout. » En effet, il n’y avait pas à s’en faire. Leur conversation avait été intéressante et la blonde appréciait la présence de la jeune mère. Et puis, elle ne pouvait lui en vouloir pour toutes ces questions parce qu’au fond, elle aussi était comme ça : Curieuse.  C’était souvent une qualité, mais dans son cas, parfois un défaut.  Certaines fois,  ses questions fusaient plus vite que sa retenue et elle savait qu’un jour cela la perdrait. Mais bon, elle aimait se questionner, apprendre, connaitre. Et puis, s’intéresser à son prochain ou son environnement n’était pas une mauvaise chose, si ?

L’enfant commença à s’agiter un peu dans les bras de Sélène.  La jeune femme regarda son bébé, puis l’air gêné leva les yeux vers Harley avant de lui parler de nouveau.  «Excusez moi, est-ce que ça vous dérange si je l'allaite ? J'ai très envie de continuer cette conversation, mais je sais que certaines personnes ne sont pas très à l'aise avec ça, alors je préfère demander. » Elle fit un petit sourire à la jeune femme. « Non, ne vous en faites pas. » Et c’était vrai que cela ne la dérangeait pas ! Par ailleurs, elle trouvait ça étrange que certaines personnes pouvaient être mal à l’aise ou même s’indigner par rapport à ça.  Parce qu’ils vivaient dans un monde où l’on voyait des corps nus et exhibés continuellement. Dans les publicités,  dans les films, sur les plages. Et voilà que certain s’indignaient d’une mère aimante donnant le sein à son bébé. Ridicule. Voilà le vrai terme. Comment les gens pouvaient s’outrer de l’un des actes les plus naturels au monde ? Décidément, certaines facettes de ce  monde,  ou des humains plutôt, lui était incompréhensibles.  Elle avait beau le trouver magnifique et arriver à voir la beauté en presque tout, cela faisait partie des choses qu’elle ne comprendra jamais.

« Je… » Son téléphone sonna à cet instant, c’était un texto de Sid qui lui demandait si elle pouvait aller chercher à manger avant d’arriver au salon. La blonde fronça les sourcils, puis regarda l’heure. Merde, pensa-t-elle. Il était presque 17h et elle avait rendez-vous avec son tatoué dans une vingtaine de minute. Le temps avait passé incroyablement vite en la compagnie de la jeune mère. Comme quoi, l’une comme l’autre se trouvaient intéressants. Elle soupira, puis sourit à la jeune femme. « J’aurais adoré continuer la conversation avec vous moi aussi, mais je viens de réaliser qu’il était presque 17h et que j’ai un rendez-vous dans une vingtaine de minutes.  » Elle rigola doucement. « Sérieusement, j’espère que vous allez m’appeler. J’ai vraiment envie de vous offrir cette séance photo. » C’était aussi honnête que lorsqu’elle avait fait la proposition un peu plus tôt.

Elle la salua une dernière fois avant de partir d’un pas rapide vers  le salon tout en espérant croiser un bon restaurant avant de se rendre.  Sinon, les deux seraient coincés avec la faim au ventre et ce n’était un secret pour personne, le ventre de la demoiselle, lorsqu’il avait faim, faisait un bruit à réveiller les morts.