Pas besoin de rentrer à la maison pour le savoir – Liviana n’y est pas. Avec les années il commence un peu à la connaître et à savoir que malgré ses quelques recommandations et ses réprobations silencieuses elle ne l’aura pas écouté une fois de plus. Il va chercher Mathis qui est à la garderie et prend le chemin de Coffe Shop, il est relativement tard déjà elle devrait de toute façon bientôt fermer. Mais l’idée d’aller la trouver lui plait bien, de toute façon il n’a rien de mieux à faire puis il adore l’endroit. Il s’est toujours senti comme dans un cocon dans ce lieu, peut-être grâce à la présence de Livia, aux livres, ou juste à ce que l’endroit dégage. En tout cas il aime ça et Mathis aussi au vu des gazouillis qu’il fait quand ils rentrent dans le Café. C’est une période plutôt calme pour l’endroit apparement, mais ça n’empêche pas Liv de courir un peu partout comme la femme super active qu’elle a toujours été. Evidement maintenant qu’elle est à 8 mois de grosses James s’inquiète un peu – parfois il a même l’impression qu’il s’inquiète pour deux – comme si elle voulait effacer de son esprit cette grossesse malheureuse qui a le don de l’angoisser. C’est triste quand il y pense, des années à essaye d’être parents et aujourd’hui un bébé qui arrive alors que la vie de son frère et de sa meilleure amie part en lambeau. « Salut ma belle. Comment tu vas ? » Il s’approche de Livia et dépose un baiser sur sa tempe, s’attardant un peu comme pour essayer de la faire ralentir un peu le rythme. « J’ai pris mon arme secrète pour ne pas te faire rentrer trop tard. » Il désigne Mathis d’un regard puis lui fait un petit clin d’oeil. De toute façon il sait bien qu’il n’a pas besoin de parler – elle connaît déjà son point de vu. Ce qui ne l’empêche pas d’aller contre. Du Livia tout craché.
Il enlève Mathis de la poussette pour le glisser dans un siège pour bébé avant de lui donner une petite pèlerine puis retrouve à nouveau Livia. « Je peux t’aider ? » Ca lui arrive de temps en temps – surtout pour tenter de la faire un peu freiner mais aussi parce que ça lui fait plaisir quand il est là. Il tient assez à cette endroit pour s’y investir un peu- et il n’a pas envie de le dire mais ce soir Liv n’a pas vraiment bonne mine – elle semble fatiguée bien trop blanche et plutôt que de lui faire la remarque – ce qui au vu de son taux d’hormones pourrait finir soit par une colère silencieuse soit par une crise de larme. Il se dit que cette aide est le meilleur moyen encore. « Tu m’offriras le café en échange. » De toute façon ça fait bien longtemps maintenant qu’elle n’accepte plus ses payements. Il se contente de généreux pourboires pour les employés, c’est la seule chose qu’elle le laisse faire. Puis il a bien envie d’un café de toute façon – si il par esprit d’entraide il a arrêté de boire son verre de vin avec le repas pour ne pas la tenter – le café c’est impossible. En échange il lui offre le chocolat, c’est un bon deal.
Elle n’a pas vu les heures passer. Un instant, elle entre dans son coffee shop pour un simple inventaire, pour une matinée de travail tout au plus. Et la seconde suivante, le calme revient comme l’heure de fermeture approche, les clients s’estompent et les tables se vident. Entre temps, cela n’a été qu’une succession de gestes automatiques et de phrases devenues habituelles avec les années. Cela a toujours été comme ça, depuis l’ouverture. L’endroit a plu et les clients se sont succédés, certains fidèles commençant à prendre leurs marques au fil du temps. Elle a réussir à agrandir l’endroit, à le renouveler notamment avec la partie librairie. Elle a diversifié son activité en proposant toutes une gamme de pâtisseries maisons. Et un nouvel agrandissement aurait du avoir lieu, avant que tout cela ne dégénère. Ce coffee shop a fini par devenir son cocon. Elle ne s’est pas attendu à cela, lorsqu’elle l’a ouvert. Lorsqu’elle a investi tout l’argent reçu lors de son héritage, dans l’espoir futile de commencer une nouvelle vie. Et pourtant. Peut-être que les secondes chances existent, peut-être que la fuite n’est pas un acte de lâcheté. Ou pas dans son cas, en tout cas. Ou peut-être même qu’elle subit aujourd’hui le revers de la médaille. Elle ne le saura jamais. Aujourd’hui cet endroit est sans doute la seule chose qu’il lui reste. C’est devenu son refuge, là où elle peut se cacher pour fuir une vie qui vient de lui claquer entre les doigts. Là où elle peut oublier l’échec cuisant de son mariage, avoir l’esprit bien trop occupé pour s’apitoyer sur son propre sort. Une consolation comme une autre.
Même si son corps la rappelle à l’ordre, comme ce soir là. Le sommeil se fait rare, et elle s’apprête à entamer son huitième mois de grossesse. Elle sait qu’elle devrait probablement se reposer, ou tout au moins, choisir des tâches qui lui permettraient de rester assise. Mais elle en est incapable, Liviana. Elle a essayé, pourtant. Mais à chaque fois, son angoisse monte, lui comprimant les poumons et lui donnant l’impression de suffoquer. Elever un enfant seule n’a jamais été dans ses plans, au point de ne pas être certaine d’en être capable. Alors elle refuse d’y penser et valse entre les tables de son café. Ignorant son mal de dos grandissant, ignorant la fatigue qui commence à rendre ses pas incertains. C’est finalement l’arrivée d’un visage connu qui la stoppe dans son élan, mais elle ne peut retenir le sourire qui apparait sur son visage. « Salut ma belle. Comment tu vas ? » Elle le serre brièvement contre elle tandis qu’il dépose un baiser sur sa tempe, dans une étreinte qui leur est propre. Son regard, lui, papillonne un instant vers l’immense horloge accrochée au mur, surprise de le voir là si tôt. Une surprise qui ne dure cependant pas longtemps. « Salut toi. Quelle surprise de te voir ici. » Son ton est taquin et un sourire mutin vient danser sur ses lèvres, contredisant ses paroles. Elle sait parfaitement pourquoi il est venu, tout comme elle sait qu’il ne renoncera pas. « J’ai pris mon arme secrète pour ne pas te faire rentrer trop tard. » Suivant son regard, elle se contente de froncer les sourcils à son égard. Il la connait bien, l’avantage d’une longue amitié. « Tu es fourbe, tu sais ça ? Je vais vraiment finir par te dénoncer à une quelconque association pour l'utilisation d’enfant dans l'unique but de nuire à autrui. » Ses mots boudeurs s’évaporent pourtant vite, tandis qu’elle ne peut résister à son neveu bien longtemps. Elle pose son plateau sur une table et se penche au dessus de la poussette pour obtenir les faveurs de l'enfant.
Ce n’est qu’après une brève conversation dans un savant langage — bien qu’elle soit à peu près certaine que personne ne l’ait compris, probablement à cause des nombreux bisous échangés, —, que Liviana finit par se redresser, non sans mal. Un instant, elle ferme les yeux pour maudire silencieusement ce corps qu'elle ne reconnait plus. Profitant que James s'occupe d'installer son fils confortablement, elle regagne sa place derrière le comptoir, prête à en découdre avec une machine capricieuse. Apprendre à démonter un percolateur est vite devenu une nécessité comme beaucoup d'autres, lorsqu’elle a voulu limiter les frais. Malgré son apport non négligeable, il ne faut pas grand chose pour qu’un petit commerce comme le sien ne bascule du mauvais côté. « Je peux t’aider ? » Elle esquisse un sourire reconnaissant, peu surprise de sa proposition. Il a été un de ses premiers clients, après tout. Il connait l’endroit pratiquement aussi bien qu’elle, et elle sait qu’il a fini par s’y attacher. « Tu m’offriras le café en échange. » Elle finit par lui tendre le tournevis dans sa main. « Si tu arrives à dévisser la pièce à l’intérieur, tu pourras avoir autant de cafés que tu le souhaites. » Comme s’il avait besoin de cela pour prendre ce qu’il souhaite. « Mais je refuse de te le faire. » Son manque de café se ressent toujours, la laissant boudeuse la moitié du temps où quelqu’un en boit à ses côtés. James a cependant vite relevé sa nouvelle addiction et a su l'utiliser aussitôt. Un instinct de survie, sans aucun doute. « Je ne sais pas qui l’a remontée la dernière fois, mais elle est impossible à enlever. J’ai essayé de forcer dessus, mais faut croire que je ne suis qu’une faible femme, au final. » Elle lui cède la place dans l’intention de s’occuper de la vaisselle, comme elle hausse les épaules non sans jeter un regard mauvais à la machine. Sans la présence de clients, cela ferait longtemps qu’elle se serait jetée dessus à coup de marteau. Ou tout autre objet lourd. Parce qu’il ne faut jamais sous estimer le pouvoir des hormones de grossesse.
Elle n’est pas surprise Liviana parce qu’elle le connaît bien – que dès que son regard c’est posé sur James elle a su qu’il était là pour la ramener à la maison. Il n’a pas besoin de mots à peine de quelques gestes pour se faire comprendre. Un regard vers son fils qui ne quittera l’endroit que lorsque la jeune femme aussi reviendra à la maison et ça suffit. « Tu es fourbe, tu sais ça ? Je vais vraiment finir par te dénoncer à une quelconque association pour l'utilisation d’enfant dans l'unique but de nuire à autrui. » Un sourire amusé se dessin sur les lèvres de James, alors qu’il hausse légèrement les épaules. « Tu aurais tord, je suis sur que si Mathis avait un moyen de s’exprimer il te dirait exactement la même chose que moi. » Parce que tout le monde sauf Liv semble prendre conscience qu’il lui faut baisser un peu le rythme, et ce n’est pas faute d’avoir entendu son médecin le lui dire. Mais impossible pour la jolie brune qui calme ses angoisses comme elle le peut, il le sait bien. Après avoir installé son fils, rayonnant de bonheur suite à son petit échange avec sa marraine, James avait rejoint Liviana pour lui proposer son aide. Si dans ça tête son aide se résumait à servir quelques cafés et laver une tasses ou deux il s’était retrouvé sans trop savoir comment avec un tourne vise dans les mains « Si tu arrives à dévisser la pièce à l’intérieur, tu pourras avoir autant de cafés que tu le souhaites. » James n’était pas un très grand bricoleur, il devait bien l’avouer. Venir d’une famille comportant autant de mec avec quelques avantages dont ceux de laisser les tâches les plus ardues et ceux qui les voulaient bien – Ezra s’occupait des voitures, Thomas de monter les meubles, Samuel de réparer des objets cassés et de tenir leur compte à jour, Ian n’était pas mauvais en informatique à son époque et James quand à lui s’était souvent contenté de rester moyen dans toute ses activités – de quoi survivre dans la nature sans avoir besoin d’exceller. Alors son tournevis à la maison il devait avoir l’air un peu gauche. Mais c’était bien lui qui avait proposé son aide – il ne comptait pas faire marche arrière.
Puis si sa récompense se comptait en tasse de café ça valait le coup. « Mais je refuse de te le faire. » C’était le comble pour une patronne de café d’être en manque de caféine. Et si James avait très légèrement levé les yeux au ciel un peu amusé il avait ensuite entrepris de comprendre ce qui clochait avec cette machine. « Même si je te dis que j’ai fait le plein de chocolat à la maison ? » Profitant de son passage au supermarché dans l’après midi il n’avait pas oublié les douceurs pour la jolie Liv. Autant pour lui faire plaisir à elle que pour s’assurer une fin de semaine paisible sans les sautes d’humeur qui accompagnaient les frustrations de la femme enceinte – et qui s’intensifiaient un peu plus chaque jours qui la rapprochait du terme. « Je ne sais pas qui l’a remontée la dernière fois, mais elle est impossible à enlever. J’ai essayé de forcer dessus, mais faut croire que je ne suis qu’une faible femme, au final. » James était plus ou moins persuadé que ça devait être elle. Liv pouvait avoir une sacrée poigne quand elle le voulait – et aujourd’hui un peu handicapé par son bidon rebondi et la fatigue accompagnant la grossesse elle était évidement un peu moins vigoureuse. Le jeune homme avait donc entrepris de dévisser cette pièce de malheur non sans mal. Elle avait fini par lui céder après quelques minutes d’acharnement et il avait brandit fièrement cette dernière sous les yeux de Livia. « Réussite ! » Comme un gamin qui vient de gagner un concours de dessin, son sourire était lumineux de fierté mais avait bien vite disparu quand il s’était posé sur Livia. Blanche comme un cachet d’aspirine elle semblait sur le point de verser et il avait lui même eu un léger instant de flottement alors qu’il se rapprochait d’elle. « Livia ? Tout va bien ? » C’était peut-être dans sa tête. Ou simplement l’éclairage qui n’était pas flatteur mais les inquiétudes de James étaient, dans cette période de fin de grossesse, décuplées.
Elle balaie ses inquiétudes déguisées en secouant la main, se contentant d’un vague haussement d’épaule avant de retourner à la tâche. Liviana sait que si cela ne tenait qu’à son ami, elle serait depuis longtemps à l’appartement. Qu’elle ne viendrait plus qu’au café pour contrôler que tout se déroule comme prévu, avant de simplement profiter de sa grossesse. Ou de dormir. Ou de faire toute autre activité que sont supposés faire les femmes enceintes. Celles qui se réjouissent de l’arrivée de leur enfant et qui ont déjà commencé à tout installer dès le troisième mois. Liv, elle, a tout juste acheté le berceau, qui est encore soigneusement enveloppé dans son carton. Quelque part dans un coin de l’appartement. Comme si le simple fait de le déballer peut rendre tout cela réel. Quelque part dans son sac à main, sa liste des choses à faire avant la naissance continue de s’agrandir, mais rayer une seule ligne lui semble insurmontable. Elle n’est pas dupe, la politique de l’autruche ne pourra plus continuer très longtemps. Avant même qu’elle ne le réalise, son enfant sera né et plus rien ne sera pareil. Elle devra assurer l’avenir d’une autre personne, alors qu’elle n’a même pas réussi à se gérer elle-même. Et encore moins son mariage. Cela allait être un désastre, c’est là une certitude gravée dans son esprit. Une petite voix qui ne cesse de lui rappeler que si elle n’a pas pu tomber enceinte avant, c’est probablement parce qu’elle n’est pas faite pour être mère. Elle est de celle qui croit aux choix qui se présentent et qu’il faut faire. De ces routes qu’il faut emprunter, de ces croisements qu’il faut reconnaitre pour choisir le bon. Et non pas à un destin tracé et immuable, et encore moins que tout est déjà décidé depuis bien longtemps. Elle refuse de penser que tout ce qu’elle pourra faire ne changera rien et encore moins que le hasard n’a pas sa place. Non, elle est de celles qui écoutent leur coeur pour prendre une décision, qui suivent leur instinct pour avancer et qui l’assume coute que coute. Pas de regret, seulement de nouveaux chemins qui s’ouvrent. Mais aujourd’hui, elle ne voit plus où la mène ce raisonnement. A un divorce, au rôle de mère célibataire, dans un mur qu’elle ne peut éviter. Une réalité qu’elle a bien du mal à accepter, ou tout simplement des hormones qui la bouleversent bien trop pour qu’elle puisse réfléchir avec lucidité. Toutes ces pensées lui donnent le tournis, comme ses pupilles sont posées sur James qui tente de se démener avec une machine difficile. « Même si je te dis que j’ai fait le plein de chocolat à la maison ? » Un faible sourire apparait sur ses lèvres, mais elle ne peut que saluer l’effort. « Tu tentes encore de m’amadouer ? Ou tu veux éviter que je te supplie d’aller en chercher à quatre heures du matin ? » Liviana n’a toujours cru qu’à moitié les légendes sur les envies des femmes enceintes. Elle a toujours pensé que pour la plupart, cela n’a été qu’une simple fringale passagère et l’excuse idéale pour se faire plaisir. Puis son addiction au chocolat est apparue. Pour un simple carré, elle s’est relevée au milieu de la nuit et est allée au centre commercial encore ouvert. Elle s’est vue pleurer lorsqu’elle a découvert un sachet vide et un rendez-vous médical l’empêchant d’aller en acheter. Pour sa défense, le manque de caféine lui monopolise toute sa volonté. Mais le résultat est le même. Quand cette grossesse sera terminée, il est probablement qu’elle niera toute implication avec le chocolat. Mais en attendant, elle ne peut qu’avouer que son achat la soulage. « Heureusement que tu es là. » Elle se met sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur sa joue. Elle ne parle pas que du chocolat, mais elle n’a pas besoin de le préciser. Elle finit par se pencher sur sa vaisselle, ne voulant pas trainer avant de rentrer. Elle ne l’avouera pas à haute voix, et certainement pas devant James, sa fatigue semble de plus en plus compliquée à gérer. Ses mains tremblent et sa vue est tachée de points, l’obligeant à secouer la tête plusieurs fois pour reprendre ses esprits. Une nuit de sommeil, c’est tout ce dont elle a besoin. Une phrase qu’elle se répète en boucle pour tenter de se convaincre, en vain. « Réussite ! » Elle se retourne vers lui lorsqu’il lui montre la pièce posant problème, mais le geste est trop rapide et son coeur s’emballe. Le sol se dérobe sous ses pieds comme un étau lui comprime le crâne. Pendant une fraction de seconde, elle est certaine qu’elle va s’écrouler. « Livia ? Tout va bien ? » Elle entend vaguement la voix de James, sans réellement comprendre ses paroles. Un sifflement dans ses oreilles presque assourdissant détourne son attention, un voile noire recouvre sa vision. Instinctivement, elle tend la main pour attraper son bras, s’accrochant à ce contact pour reprendre ses esprits. Les yeux fermés, sa main libre se pose sur son visage, tandis qu’elle se force à prendre de profondes inspirations. « C’est rien. Je vais bien. » Elle n’est pas certaine que ses paroles soient compréhensibles. A vrai dire, elle n’est même pas certaine d’avoir formulé une phrase complète. Ce n’est que lorsque son univers se stabilise après ce qui lui semble être de longues secondes, qu’elle se risque à ouvrir de nouveau les yeux. Elle est incapable de retenir un soupir de soulagement lorsqu’elle réalise sa vision est presque redevenue normale, bien que toujours floue. « Je me suis juste retournée trop vite. Ça va, je t’assure. » Elle lâche quelques mots qui se veulent rassurants, tandis que la contrariété la gagne. Mais au moins, elle aura réussi à éviter un malaise au milieu de son coffee shop.
Il l’adore Liviana, tellement qu’il ferait tout pour elle, c’est son petit rayon de soleil alors la voir dans cet état évidement ça la touche. Il sait bien qu’il ne peut pas faire grand chose sauf lui offrir une présence qui se veut rassurante. Une promesse qu’elle n’est pas seule dans cette aventure même si il n’est pas Sam – même si jamais il ne sera le père de cet enfant et que quelque part en lui il est bien conscient que cette place doit rester pour Sam. Que son frère veut être là, même si Liviana peine à lui laisser de la place pour le moment – elle est blessée, elle est déçue et apeurée. Et elle a besoin de chocolat, aussi. « Tu tentes encore de m’amadouer ? Ou tu veux éviter que je te supplie d’aller en chercher à quatre heures du matin ? » Souriant un peu taquin il avait légèrement levé les épaules. « Un peu les deux on va dire. » Il s’y habitue à ses envies nocturnes – à ses insomnies – à ses sautes d’humeurs puis quelque part c’est comme vivre les moments dont Savannah l’a privée avec Mathis. Une sorte de projection. « Heureusement que tu es là. » Il lui fait un léger clin d’œil avant qu’elle ne vienne déposer un baiser sur sa joue. « Toujours pour toi ma belle. » Parce que quelque part c’est la femme de sa vie même si ils ne s’aiment pas de cette façon tous les deux. « Puis tu m’aides bien aussi. » Avec Mathis les premiers mois, elle avait été un soutien de taille, une présence rassurante à ses côtés. Et si sa séparation avec Sam avait attristé James il n’était pas mécontent de l’avoir à la maison pour lui tenir compagnie. James n’ayant jamais aimé la solitude.
S’attaquant à la machine il n’avait posé les yeux à nouveau sur Livia qu’une fois sa tache effectuée et rapidement l’inquiétude était née dans son regard. Livia était livide, elle semblait sur le point de tomber. Pour toute réponse elle avait bredouillé quelques mots incompréhensibles alors qu’il se rapprochait d’elle et que la main de la jeune femme venait saisir son bras mollement. Instinctivement il avait passé un bras à sa taille pour la stabiliser. « Anya apporte une chaise ! » Le ton un peu autoritaire il maintenait Livia entre ses bras alors qu’elle semblait sur le point de verser à tout moment. Et alors que la serveuse du café arrivait enfin avec un chaise Liv avait semblé reprendre un peu ses esprits. « Livia… Ca va ? » Caressant doucement son visage il avait vu le regard de la jeune femme se tourner vers lui et reprendre vie. « Assieds toi ! » C’était plus un ordre qu’une demande et il avait accompagné le mouvement de la jeune femme pour qu’elle prenne place sur la chaise. « Je me suis juste retournée trop vite. Ça va, je t’assure. » Fronçant un peu les sourcils, James était venu s’accroupir devant elle attrapant ses mains. « Liv… Maintenant il faut que tu arrêtes de minimiser ! Si tu venais à tomber ça pourrait être vraiment dramatique. T’es blanche comme un cachet d’aspirine et je refuse que tu restes ici une minute de plus. » Serrant un peu plus fort ses mains dans les siennes il avait posé un baiser sa la paume de sa main droit. « Je te laisse le temps de te remettre et on s’en va ! Je vais m’arranger avec Anya pour qu’elle ferme ! Toi tu restes tranquille. » Il avait entrepris de se relever avant de rajouter en voyant l’expression de son amie. « Et c’est non négociable. » Cette fois il n’allait pas flancher. Liv était déjà allez trop loin – ce genre de vertiges dangereux n’auraient jamais du arriver et il comptait bien faire en sort que ça soit le dernier avant l’accouchement. Après lui avoir servi un verre d’eau il l’avait délaissé quelques seconde pour aller parler avec son employé lui confiant les clefs de la boite avant de remettre Mathis dans sa poussette et de retrouver Liviana bien décidé à la ramener à la maison. « Comment tu te sens ma jolie ? » Peu importe sa réponse il allait la ramener mais il voulait juste être sur qu’elle avait la force d’aller jusqu’à la voiture.
Il est facile de faire comme si tout est normal, avec James. Il a cette faculté pour trouver les bons mots ou les bons gestes, ceux qui parviendront à faire disparaitre tout le reste. Même s’il s’agit là de la taquiner, ou de simplement arriver un soir à son coffee shop, alors qu’il a eu lui-même une journée bien chargée. Et qui est loin d’être terminée, si elle se fie aux gazouillements de Mathis, occupé à charmer la serveuse. Peut-être est-ce parce qu’il sait lui montrer qu’elle n’est pas seule, malgré tout ce qu’il se passe. Qu’il ne l’abandonnera pas. Elle ne devrait pourtant plus avoir confiance, ayant eu son lot de trahisons. Mais avec James, c’est une certitude indélébile, gravée au fer rouge dans son esprit. Une des seules qui lui reste. Il fait partie de ces personnes intemporelles de sa vie, de celles qui ne bougeront pas. « Un peu les deux on va dire. » Elle répond par un sourire, une pointe de culpabilité la traversant. Elle sait que son caractère est loin d’être facile ces derniers temps, mais même ça, il ne lui reproche pas. Alors elle ne peut se retenir de le remercier, à façon, sans réellement en parler. « Toujours pour toi ma belle. » Elle n’en doute pas un instant, mais ses mots suivants la font légèrement grimacer. « Puis tu m’aides bien aussi. » Elle est à peu près certaine qu’il exagère, voir même qu’il se voile la face, mais ne commente pas avant de se lancer dans sa tâche.
Un flou entoure les minutes qui ont suivi, son corps décidant de lui faire payer l’abus de ces dernières semaines. Elle aurait du l’avoir vu venir, pourtant. Mais elle est certainement bien trop têtue pour savoir s’arrêter. Ce n’est que lorsque James élève la voix qu’elle commence à se reconnecter avec la réalité, même si elle ne comprend pas ses paroles, alors qu’elle sursaute légèrement. Elle sent ses bras autour de sa taille, réalisant avec un décalage qu’il est celui qui la maintient en partie debout. Sa propre réponse se noie dans l’inquiétude de son ami, alors elle tente d’obliger son visage à reprendre une expression assurée. Même si elle sait que c’est voué à l’échec ; elle sent la chaleur lui monter aux joues, alors qu’elle a presque froid. Elle ne résiste pas lorsqu’il l’aide à s’asseoir, tentant une nouvelle fois de le rassurer. Dans un réflex plus qu’autre chose, même si pour la première fois, elle n’arrive pas à se convaincre de ses propos. A croire en son propre mensonge pour continuer d’occulter le reste. « Liv… Maintenant il faut que tu arrêtes de minimiser ! Si tu venais à tomber ça pourrait être vraiment dramatique. T’es blanche comme un cachet d’aspirine et je refuse que tu restes ici une minute de plus. » Elle hoche la tête, avant de fermer brièvement les yeux. « Je suis désolée. » Elle ne sait pas vraiment pourquoi elle s’excuse. Pour tout. Pour rien. « Je te laisse le temps de te remettre et on s’en va ! Je vais m’arranger avec Anya pour qu’elle ferme ! Toi tu restes tranquille. » Elle veut protester, parce que même sans jeter un regard vers l’horloge, elle sait qu’il ne reste pas longtemps avant la fermeture. Et il n’y a plus que deux clients en terrasse, complètement inconscients de la scène qui se joue à l’intérieur. Mais surtout, elle ne veut pas avoir à demander à une personne d’assurer quelque chose dont elle a la responsabilité. Juste parce que son corps a décidé qu'il en a assez. Mais James ne lui laisse pas le temps de parler, assénant un « Et c’est non négociable. » d’un ton qui montre sa détermination. Elle ne répond pas, mais sent une pointe de soulagement au fond d’elle. Elle aurait été incapable de renoncer d’elle-même, même si la fatigue qu’elle éprouve lui donne l’impression qu’elle pourrait dormir des jours durant. Elle accepte le verre d’eau avec un hochement de tête en guise de remerciement, mais ne dit rien lorsqu’il va donner ses consignes à Anya. Il connait la marche à suivre presque aussi bien qu’elle. Ce n’est que lorsqu’il commence à mettre Mathis dans la poussette que Liviana se force à se relever. Elle s’appuie un instant sur le comptoir, le temps que ses jambes arrêtent de trembler, avant d’avancer vers l’évier pour se passer de l’eau froide sur le visage. Ses gestes sont automatiques, tandis qu’elle attrape sa veste et son sac à main, juste à temps pour son meilleur ami de revenir la chercher. « Comment tu te sens ma jolie ? » Elle tente un sourire rassurant, avant d’hausser vaguement les épaules. « Ça va mieux, je te te suis. » Renonçant à l’idée de protester, elle le laisse passer devant, avant de lui emboiter le pas dans le même automatisme qui rend ses mouvements presque lents. Comme si son corps est déconnecté de son esprit, elle monte dans la voiture, sans faire attention au trajet qui défile derrière la vitre. Si James lui a parlé, elle ne l’a pas entendu, ses tempes tapant contre sa boite crânienne et occultant le reste. Ce n’est qu’une fois à la maison, qu’elle prend conscience de son environnement. Elle pose ses affaires dans l’entrée, avant de se retourner vers James. « Je vais faire couler le bain de Mathis si tu veux. » Sa voix est basse, la lassitude étant finalement l’émotion qui choisit de dominer les autres. Même si elle s’accroche à une routine rassurante. Une tentative futile de reprendre le contrôle de ce qui l'entoure.
Il l’a connaît un peu Liv, même plus que ça. Il sait que demander de l’aide n’est pas simple pour elle, il sait aussi que parfois elle a besoin d’avoir quelqu’un sur qui s’appuyer sans oser le dire. Et puisque Sam a failli à cette tache alors il s’en charge, il lui parle d’un ton un peu autoritaire, ne lui laissant pas l’opportunité d’émettre une protestation. Il ne s’agit pas que de sa propre santé à elle mais aussi de celle de son neveu et il ne va pas rigoler avec ça ! Aussi rapidement qu’il le peut il organise tout pour pouvoir quitter le café. « Ça va mieux, je te te suis. » Il passe une main réconfortante dans le dos de Liv pour la faire avancer gentiment jusqu’à la voiture où il installe Mathis dans son siège, alors que le petit garçon émet des petits gazouillis de bonheur. Sur le trajet du retour il parle peu, la music en fond sonore fait les choses pour eux, puis entre James et Liv les mots sont parfois surfaits - ils ne sont pas gênés par les silences. Son esprit divague un peu alors qu’il se met un peu involontairement à imaginer les pires scénarios si Livia devait avoir un vrai malaise. Il refuse de laisser une chose pareille arriver, même si elle a retrouver quelques couleurs, elle semble encore fatiguée et un peu blanchâtre quand ils arrivent devant la porte de la maison, James fouillant frénétiquement dans ses poches à la recherche de ses clefs pour leur ouvrir la porte. Quand il pénètre dans ce lieu qu’ils connaissent bien James ressent toujours un certain soulagement - comme si ici rien de dramatique ne pouvait arriver. « Je vais faire couler le bain de Mathis si tu veux. » Secouant un peu la tête il proteste. « Non ! Je veux que tu ailles dans ce canapé et que tu te reposes un peu ! Je rigole pas Liv ! Je sais que c’est pas simple pour toi mais tu dois faire attention… » Il passe une mains qui se veut rassurante dans sa nuque pour déposer un baiser sur sa tempe. « Je te rejoins dès que j’ai fini avec cette crapules. » Mathis tend sa petite main vers Livia alors que le regard qu’elle lance a son meilleur ami et assez expressif. « Bon okay… Okay, tu montes avec nous ! Mais après tu me promets que tu vas te mettre sous un plaid sur le canapé avec une boisson chaude et que tu me laisses gérer ? » Il lâche un peu la bride, bien conscient que si il ne le fait pas Livia va devenir folle - qu’elle est bien incapable de rester assise toute la journée à ne rien faire. Mais si déjà il peut la faire ralentir pendant quelques jours ça sera une victoire.
Le bain de Mathis est vite fait, Livia les regardants depuis le pas de porte. Il se demande à quoi elle pense. Est-ce qu’elle s’imagine que dans une années c’est elle qui sera à sa place ? Maman d’un petit garçon de l’âge de Mathis. Le terme du bébé étant prévu pour quelques jours à peine après l’anniversaire de Mathis. « T’es fatigué mon bébé ? » Demande-t-il a Mathis. Il n’a pas l’air de l’être jouant avec un petit canard en plastique en riant. « Je crois qu’il est pas prêt de dormir… Il m’a fait l’enfer hier soir tu l’as entendu ? » Mathis fait ses dents et certaines de ses nuits sont dures - pour lui comme pour James. « Du coup cette après-midi il a fait une grosse sieste ! » Ce qui repoussait un peu l’heure de son couché. Une fois le bain fini il l’avait tout de même mis en pyjama avant de le redescendre au salon avec eux et de le poser sur le tapis. Mathis gazouillant quelques ‘papa’ en se tenant au meuble pour tenter de se lever. James et Liv gardant tous deux un regard attentif sur lui - le petit étant à un âge où tout est potentiellement bon à manger, chaque objet qui croisait son chemin finissait dans sa bouche. « Je vais me faire un thé, tu en veux un ? » Prétextant qu’il fallait quelqu’un pour surveiller Mathis il s’était éclipsé dans la cuisine pour revenir avec deux boissons et le fameux plaide. « On était d’accord ! Plaid et boisson chaude. » Riant légèrement il était venu se poser à côté d’elle sur le canapé presque trop lourdement pour que ça ne laisse pas voir sa fatigue actuelle. « Et j’ai ça aussi ! » Sortant le chocolat qu’il avait fourré dans sa poche pour avoir assez de main il avait regardé Liv avec amusement. « Mais vu que je me suis pas fait de café t’es obligée de partager ! » Rigolant un peu il lui avait tendu la fameuse tablette de chocolat. Laissant un léger instant de silence avec de lui demander le plus sérieusement du monde… « Comment tu vas Liv ? » Ce n’était pas une question posée banalement comme il pouvait parfois le faire. Il avait vraiment besoin de savoir, et occupé à regarder Liv, James n’avait pas vu que son fils qui tentait une fois de plus de se tenir droit après s’être accroché à l’une de ses caisses à jouet.
Sa phrase est à peine terminée, que déjà, James refuse en bloc sa proposition. Elle connaît son air déterminé par cœur, elle sait lorsqu’il ne changera pas d’avis. Alors elle se retient de protester, se contentant de se retourner vers lui avec une moue boudeuse sur le visage. Au même moment où Mathis en rajoute pour faire pencher la balance de son côté, dans un timing parfait. « Bon okay… Okay, tu montes avec nous ! Mais après tu me promets que tu vas te mettre sous un plaid sur le canapé avec une boisson chaude et que tu me laisses gérer ? » Elle acquiesce d’un signe de tête, volant un baiser sur le front à son complice de filleul, avant de monter à leur suite. Les observant du pas de la porte avec un sourire en coin, elle finit par se hisser sur le meuble. Il n’est plus question de s’asseoir par terre maintenant, sous peine de ne pas réussir à se relever. Elle se perd dans ses pensées, une main frottant son ventre arrondit dans un réflexe. Elle a du mal à imaginer ce que va être sa vie d’ici quelques semaines. Cette routine qui deviendra la sienne, un nouveau rythme qui lui faudra prendre. « Je crois qu’il est pas prêt de dormir… Il m’a fait l’enfer hier soir tu l’as entendu ? » C’est finalement la voix de James qui la ramène dans la réalité, et elle doit réfléchir un instant pour comprendre de quoi il parle. « Oui mais je ne dormais pas, ça ne m’a pas dérangé. » Elle a failli se lever pour lui offrir quelques heures supplémentaires de sommeil, mais James s’est montré beaucoup plus rapide à chaque fois. Elle sourit en entendant le ton de son meilleur ami lorsqu’il s’adresse à son fils, de ce ton qu’il ne réserve qu’à lui et qui ne laisse aucun doute quant à ses sentiments envers Mathis. Et lorsqu’elle repense au chemin accompli depuis la naissance du petit, elle se demande comment il a pu douter de lui-même. Elle ne parle pas lorsqu’il termine de s’en occuper, s’éclipsant un instant dans sa chambre pour se changer et mettre des vêtements plus confortables. Elle a renoncé à avoir une garde-robe digne de ce nom lorsque son ventre a commencé à pousser de manière ahurissante. Chance ou pas, elle fait partie de ses femmes enceintes qui ne grossissent que de là. Et si certaines trouvent cela fantastiques, c’est uniquement parce qu’elles ne réalisent pas qu’aucun vêtement n’est fait pour ça. Ni l’équilibre que cela demande, ou les maux de dos que cela engendre. Enrageant parce qu’elle ne parvient pas à retrouver son pantalon, lorsqu’elle finit par le retrouver, elle a l’impression d’avoir couru un marathon et est rouge écarlate. Oui, vraiment, personne ne réalise ce que ça engendre d’être enceinte.
Elle finit par descendre enfin, pour se laisser tomber dans le sofa comme promis. Et soupire presque de soulagement une fois calée, tandis qu’elle penche la tête en arrière et ferme les yeux. « Ce canapé est divin. » Même si son avis est probablement loin d’être neutre. Ce sont les gazouillements de Mathis qui lui font pencher la tête légèrement sur le côté, afin de le garder dans son champ de vision. Elle sait que James veille toujours, mais elle sait aussi que cela peut aller vite avec un enfant de son âge. Bien qu’elle ne soit pas dupe sur sa rapidité à rejoindre la cuisine avant qu’elle n’ait l’idée de se lever, Liviana ne commente pas. Et ce n’est qu’une fois sous le plaid — même si elle n’a froid, mais elle ne sous-estime pas le pouvoir rassurant de la couverture — qu’elle se cale contre James. Passant un de ses bras autour du sien et posant sa tête contre son épaule, elle prend soin de ne pas trop s’appuyer. Et d’être surtout capable de se dégager aussitôt. Une habitude qui a la peau dure malgré les années. « Je ne suis pas la seule à être fatiguée. » Elle lui fait remarquer sur un ton amusé, bien que ses sourcils eux, sont froncés. S’il ne prend pas le temps de se reposer lui aussi, alors il va finir par s’écrouler. « C’est quand tes vacances, déjà ? » Elle sait qu’il ne les a pas encore prévues, mais cela ne l’empêche pas de lui faire remarquer. Plus ou moins subtilement. « Et j’ai ça aussi ! » Levant les yeux pour les poser sur ce qu’il désigne, elle lâche une exclamation de surprise tout en se redressant légèrement. Il devance ses pensées, même si elle soupçonne que cela soit par intérêt. « Mais vu que je me suis pas fait de café t’es obligée de partager ! » Ses sourcils se haussent devant le chantage, son visage prenant un air menaçant. « Tu sais que je ne partage pas. Va t’acheter ta propre réserve. » Son ton, lui, est amusé. Et bien qu’il y ait du vrai dans ses paroles, elle se souvient qu’il est celui qui a rempli le placard un peu plus tôt dans la journée. Elle attrape la tablette de chocolat avant qu’il ne change d’avis, déposant un baiser sur sa joue en guise de remerciement et reprenant sa place contre lui. « Comment tu vas Liv ? » Elle ne réagit pas tout de suite, incertaine de ce qu’elle doit lui répondre. Et ne voulant pas lui mentir. Ils ont l’habitude de se dire les choses telles qu’elles sont, même si la vérité est parfois moche. Il reste son principal confient, avec les années qui passent, celui vers qui elle se tourne en premier. Il est celui qui l’a accueillie lorsqu’elle a fui le domicile conjugal, refusant de passer une nuit de plus sous le même toit que Samuel. Et pourtant, cela ne l’empêche pas d’avoir toujours autant de mal à admettre ses faiblesses et ses doutes, alors qu’il n’y a personne d’autre qu’eux. Surtout ce soir, alors qu’elle sait que cela ne fera que l’inquiéter davantage. « Je suis une épave, Jimbo. » Elle hausse les épaules comme pour dédramatiser ses mots, mais ne lève pas la tête pour l’affronter. Son regard reste posé sur son filleul. « Mais je gère. » Ou plutôt, elle commence à s’y habituer. C’est Mathis qui finalement attrape son attention, alors qu’il se relève une nouvelle fois. Se redressant à son tour, elle lâche un « James ! » surpris tout en pointant du doigt l’enfant. Peut être que ce soir, il est prêt à leur faire une surprise.
Il en est bien conscient l’environnement n’est pas idéal pour une femme enceinte. Entre Mathis qui fait ses nuits quand ça le chante et qui demande toute leur attention le reste de la journée, et lui qui court entre deux jobs, ce n’est pas exactement le contexte rêvé. C’est auprès de Sam que Liviana devrait être, c’est avec lui qu’elle devrait vivre cette grossesse qu’ils ont espéré pendant de longues années. Ce bébé c’est le miracle qu’ils n’osaient plus espérer et pourtant il arrive trop tard, juste quand il ne faut pas, trop tard pour que son absence n’ait pas déjà entaché leur couple et que Sam ait commis la faute de trop. « Oui mais je ne dormais pas, ça ne m’a pas dérangé. » Il sait à peine comment elle fait pour tenir encore debout, elle dort peu et pourtant elle consomme de l’énergie pour deux. Mais il ne connait que trop bien les questions qui doivent tourner dans sa tête, ses peurs ses inquiétudes, il les a vécu lui aussi. Sans doute qu’il les vit même encore aujourd’hui.
Tous les deux se retrouvent sur le canapé, comme un vieux couple, à regarder le petit garçon qui joue. Un soupire de soulagement lui échappe quand il se laisse aller contre le sofa, comme si pour la première fois de la journée il soufflait un peu. « Je ne suis pas la seule à être fatiguée. » Il ne répond rien, parce que pour le coup elle n’a pas tord, il se sent épuisé et la simple idée de rester sur ce canapé à ne rien faire pendant quelques minutes lui va totalement. « C’est quand tes vacances, déjà ? » Il grimace un peu en fermant les yeux. « Bientôt » Il répond vite comme pour éluder la question et pourtant il les a presque prévu mais il sait que ça ne va que moyennement plaire à Liviana. « Je me disais que je pourrais les poser à la naissance du petit.. On serait pas trop de deux les premières semaines je pense. » Il pose son regard sur elle. Il sait bien que ce n’est pas ce qu’elle appelle vacance. Il sait aussi que tous deux n’ont jamais vraiment parlé de ce qui allait se passer après, une fois que le petit serait né, où elle irait ce qu’elle ferait, quelle place aurait Sam là au milieu. Mais la porte de chez lui est toujours ouverte et au final ça lui fait du bien à lui aussi, de ne pas être seul. De ne pas avoir l’impression de devoir affronter la vie sans soutien.
Finalement il sort le chocolat qu’il cachait jusque là, comme la récompense ultime. « Tu sais que je ne partage pas. Va t’acheter ta propre réserve. » Il s’amuse un peu de sa réponse lui adressant un regard complice puis un peu boudeur pour essayer de la faire flancher. Finalement elle cède et lui donne un morceau qu’il enfile dans sa bouche aussi vite alors qu’elle revient contre lui et qu’il caresse doucement ses cheveux s’inquiétant de savoir comment elle va. « Je suis une épave, Jimbo. » Elle sait à quel point il déteste ce surnom qui lui fait d’ailleurs légèrement lever les yeux au ciel, mais Liv ne le voit pas son regard rivé sur Mathis. Il ne fait d’ailleurs aucun commentaire, lui laissant la place d’en dire plus si elle le souhaite. « Mais je gère. » C’est tout ce qu’il aura ce soir, et si il n’y croit qu’à moitié il accepte, ne cherchant pas à creuser plus. « D’accord… » Il dépose un baiser sur sa tempe se laissant reposer quelques instants contre le canapé les yeux fermés avant que la voix de Liv ne le sorte de ce moment de calme. « James ! » Ouvrant les yeux comme pour chercher ce qui a retenu l’attention de son amie il pose son regard sur le petit garçon qui les regard en souriant, droit sur ses jambes et comme prêt à marcher. Le père de famille se relève à son tour sur le canapé restant d’abord silencieux avant de dire. « Viens… Viens là mon Mathis… » Ouvrant grand les bras pour l’inciter à marcher dans leur direction et c’est ce que Mathis fini par faire, un premier pas sous les exclamations de James et Liviana, une deuxième pas et un demi avant se retomber lourdement sur ses fesses. James se lève attrapant son fils pour le couvrir de bisous, l’émotion le prenant à la gorge. « Bravo mon bébé ! » Il le serre contre lui quelques instant laissant ensuite Livia le félicité puis encore ému il retrouve le canapé observant le petit garçon un grand sourire étendant son visage. « Il l’a fait Liv… Son premier pas… Et je l’ai pas manqué. » C’était aussi ce qui le touchait, il voulait être là, Mathis n’avait pas de mère et ce qu’il souhaitait le plus au monde c’était combler se vide. Ne pas être un père absent, ne pas être un père destructeur. Il était prêt à tout pour son fils. « Il grandit tellement vite… » Les yeux encore légèrement embués il regard son ami et son ventre arrondi. Bientôt elle se rendra compte à quel point elle aussi. Puis après un vague silence il finit par confesser ce qu’il n’a encore dit à personne. Cette vérité qu’Alissa lui a révélé il y a quelques jours mais qu’il a jusque là gardé pour lui. « Dire que.. J’aurais pu en avoir un de plus de 3ans. » Il n’osant pas vraiment la regarder mais sans le regard de sa meilleure amie peser sur lui. « J’ai recrois Alissa et… Elle m’a avoué qu’elle était enceinte quand… Quand Ian est… mort, et que je suis revenu comme une épave. Alissa était enceinte. » Il fini par la regarder. Lui même ne sait pas encore comment réagir face à cette nouvelle. Est-ce qu’il devrait pleuré cette enfant qui n’a jamais vu le jour ? Il n’en sait rien mais depuis qu’il sait il sent un nouveau vide en lui et cette sensation en lui plait pas.
James aussi est doué pour ignorer sa propre fatigue. Pour donner le change et faire comme si tout va bien dans sa vie. Cachant les moments de doute et d’inquiétude derrière ses sourires, cachant les moments de solitude derrière des plaisanteries. Cela va probablement avec le package du parent célibataire, celui qui doit tout assumer sans avoir l’autre sur qui se reposer. « Bientôt » Il noie le poisson avec un mot qui ne veut rien dire, mais elle ne peut pas s’empêcher de froncer les sourcils. Elle sent le mauvais coup venir, lit sur le visage de James qu’il a déjà prévu bien plus qu’il ne veut l’admettre. « Je me disais que je pourrais les poser à la naissance du petit.. On serait pas trop de deux les premières semaines je pense. » Et elle ne s’est pas trompée. Ses sourcils se froncent alors qu’elle se redresse et qu’elle secoue la tête. « Non, il n’en est pas question. Tu fais déjà assez de choses comme ça, tu ne vas pas gaspiller tes vacances. » Le refus est ferme et instantané. Il n'est pas question qu'il se sacrifie davantage. Elle a assez envahi sa vie comme cela, sans qu’il n’ait vraiment le choix. L’obligeant à la supporter, elle et ses états d’âmes, elle et ses problèmes. Alors elle ne rajoutera pas un stress supplémentaire, une fois que l’enfant sera là. Même si elle ne lui a pas encore parlé de ses plans. « Je ne compte pas abuser d’avantage, tu sais. Je trouverai un appartement une fois que je ne ressemblerai plus à une baleine. » Elle a déjà commencé à chercher, mais sans réussir à prendre de décision. Elle sait qu’elle ne retournera pas avec Samuel. C’est quelque chose dont elle est intimement persuadée. Elle est incapable de lui pardonner, d’oublier l’enfer qui a découlé de sa trahison. Mais aménager dans un nouvel endroit revient à accepter cette décision, à la rendre réelle.
Lorsque le calme s’installe, elle sent ses muscles de détendre. Peut-être qu’elle en a plus besoin qu’elle ne veut bien l’admettre, de cette soirée. Que voir Mathis faire ses premiers pas est exactement ce qu’elle a besoin. Comme un retour dans la réalité, alors qu’elle félicite l’enfant. Et lorsque James se retourne vers elle, les pupilles brillantes de fierté, elle sent sa gorge se serrer sous l’émotion. « Il l’a fait Liv… Son premier pas… Et je l’ai pas manqué. » Elle acquiesce à sa phrase, comprenant ce que cela représente. Et réalisant que c’est ce qui l’attend. Combien de moments va-t-elle manquer, parce que son fils sera chez son père ? Elle refuse d’y penser. Refuse de voir ce que cela implique. Un divorce avec un enfant au milieu, il n’y a sans doute rien de plus difficile à gérer. « Il grandit tellement vite… » Elle rit face à ses mots qui sonnent comme une découverte. « Oui, tu te fais vieux. » Elle le taquine légèrement, volant un bisou à Mathis. Mais son rire s’éteint vite lorsque James reprend la parole, le ton plus grave. « Dire que.. J’aurais pu en avoir un de plus de 3ans. » Elle ne comprend pas ce qu’il veut dire, dans un premier temps. Ne veut pas comprendre. Elle le laisse poursuivre, sachant que si elle l’interrompt, il renoncera à lui parler. « J’ai recrois Alissa et… Elle m’a avoué qu’elle était enceinte quand… Quand Ian est… mort, et que je suis revenu comme une épave. Alissa était enceinte. » Puis les mots lui manquent, à Liviana. Elle se souvient de cette période sombre, alors qu’il a repoussé tous ceux qui comptent pour lui. Et à l’époque, elle a été probablement une des seules à comprendre réellement ce que signifie perdre un jumeau. Une autre partie de soi-même, une partie de son âme. « Je suis désolée, compà. » Un surnom issu de son héritage italien qui lui est destiné. Elle pose sa tête sur son épaule en silence, sachant que tous les autres mots qu’elle pourrait lui donner seraient superflus. « Il ne faut pas que tu penses au passé, il est derrière toi. » Elle ne veut pas le voir avec cet air perdu sur le visage, pas alors qu’il après tout ce qu’il a déjà traversé. « Tu as Mathis, et il a la vie devant lui. Tu dois te concentrer sur ça. » Aller de l’avant et ne pas se retourner, pour ne pas vivre dans le passé. Quelque chose qui est bien difficile à appliquer, pourtant.
Ce n'est pas faute de le lui rappeler souvent mais Liviana semble toujours penser qu'elle est un poids pour James alors au contraire qu'elle est un support précieux. Il ne lui a sans doute jamais dit à quel point la solitude pouvait lui peser parfois, à quel point sa présence était précieuse aussi car elle l'empêchait de se lancer dans la première relation possible qui lui passerait sous le nez, un peu comme il l'avait fait avec Savannah. Si il ne le regrettait pas parce que grâce à ça il avait maintenant Mathis dans sa vie, une partie de lui savait bien qu'il avait eu tord d'essayer de panser ses blessures avec une femme. Il était le seul capable de faire le chemin vers la guérison, aussi long et difficile soit-il. Il était sans doute encore loin de ne plus ressentir se serrement caractéristique quand il pensait à Ian, encore loin de voir disparaître cette impression constante qu'il y avait un vide en lui, peut être même qu'elle ne disparaîtrait jamais, mais aujourd'hui il vivait avec. La douleur avait cessé de prendre toute la place, il se levait le matin sans avoir l'envie profonde de se rendormir pour faire taire ses maux. Non aujourd'hui c'était à son fils qu'il pensait quand ses yeux s'ouvraient, à sa journée, à demain, à l'avenir, ce qui représentait une réelle avancée pour lui. Évidement le mois de décembre approchant à grand pas il le savait synonyme de rechute. Chaque année depuis 4 ans il était le siège d'un retour en arrière pour lui. Décembre et ce nouvelle anniversaire qu'il fêterait sans Ian, décembre et cette date fatidique à laquelle son jumeau avait perdu la vie, décembre et les gens qui se réjouissent des fêtes alors que lui semble sombrer. Il chasse rapidement cette idée de sa tête pour revenir à la conversation. « Non, il n’en est pas question. Tu fais déjà assez de choses comme ça, tu ne vas pas gaspiller tes vacances. » Il sourit un peu faisant mine d'être d'accord en hochant la tête mais sa décision est déjà prise et Liviana le sait sans doute aussi bien que lui. « Je ne compte pas abuser d’avantage, tu sais. Je trouverai un appartement une fois que je ne ressemblerai plus à une baleine. » Cette fois son sourire disparaît alors qu'il fait glisser son bras autour d'elle pour déposer un baiser sur sa tempe. « Rien ne presse, j'aime bien t'avoir ici et je me réjouis de rencontrer mon neveu. » Sa main glisse sur le ventre rebondit de son amie alors que son esprit essaye de dessiner le trait de l'enfant qui va naître, un savant mélange entre elle et Samuel.
Les premiers pas de Mathis font monter cette sensation violente de fierté en lui. Il n'a rien fait pourtant mais c'est son fils, une partie de lui et voir ses pas fouler le sol semble irréel. « Oui, tu te fais vieux. » Il grimace amusé alors qu'une pointe de mélancolie s'invite en lui. Retournant rapidement et involontaire à un souvenir plus douloureux qu'il partage avec Liviana. Comme on enlève un sparadrap, il veut le faire vite, chasser ça de son esprit pour ne pas que ça prenne trop de place, cette grossesse terminée trop vite ayant déjà été dissimulée trop longtemps. « Je suis désolée, compà. » Il hausse un peu les épaules, lointain comme si encore maintenant il lui était impossible de réaliser. « Il ne faut pas que tu penses au passé, il est derrière toi. » Il entend l’inquiétude dans sa voix, et cette fois sincèrement il lui offre un sourire. « T'inquiète pas Liv... Ca va... Je crois que j'avais juste besoin de le dire à haute voix, de ne pas en faire un secret. » Evidement la nouvelle le peine mais ça semble si loin aujourd'hui presque impalpable et il n'est pas capable de vraiment imaginer ce qu'aurait pu être sa vie si ce bébé été née... Est ce qu'il aurait pu naître ? Si Ian n'était pas mort ? Si lui même n'avait pas été aussi distant, froid et dur avec Alissa ? Est ce que quelque part il avait tué cet enfant avant même qu'il ne vienne au monde ? Évidement il se pose la question mais elle reste lointaine - sans doute parce qu'il est bien trop dur d'imaginer que ça puisse être le cas. « Tu as Mathis, et il a la vie devant lui. Tu dois te concentrer sur ça. » Il regarde son fils à nouveau avec un sourire tendre. Ce gamin qui est tout sa vie, qu'il aime tellement que c'est presque impossible de le décrire. Un bâillement caractéristique sur le visage de Mathis le fait d'ailleurs froncer les sourcils. « Je crois que notre petit marcheur est fatigué. C'est le moment de dormir. » Non sans un léger grognement il se lève du canapé pour aller attraper son fils. « Tu dis bonne nuit à tata ? » La petite main de Mathis se lève pour répondre à celle de Liv plus par réflexe sans doute que parce qu'il comprend ce qu'il entrain de faire.