On peut dire que ma discussion avec Hannah m'a ouvert les yeux. Tout comme les mots de Joanne. Et je suis sorti de cette affreuse semaine avec une montagne de questions, mais aussi l'horrible impression d'être revenu à la case départ. Quand nous nous sommes rencontrés dans ce bar, au poste de police la jeune femme me regardait comme une énergumène, avec peut-être un bon coeur, mais choisissant la violence à toutes les autres options. Bien perdu aussi. Après la fois où je l'avais bousculée à l'hôpital quelques mois plus tard, la petite blonde me craignait, et même si elle a longtemps clamé l'inverse, je sais que cela a pris du temps avant qu'elle n'ait plus peur qu'une de mes rages ne m'emportent et la blessent au passage. Le temps a fait son effet et j'avais promis de ne jamais recommencer. Cette fois, l'histoire se répète, s'amplifie encore plus. J'ai brisé ma promesse, je l'ai frappée en toute conscience. Elle ne va pas me pardonner, pas avant des mois, des années. Elle n'oubliera pas, elle ne fera pas comme si de rien n'était. Elle ne croira plus à ma parole, et elle ne m'accordera ô grand jamais cette confiance que je lui ai supplié de me donner. Elle me regarde comme un monstre, un danger, et elle a peut-être raison, parce que les marques sur ses poignets témoignent de ce dont je suis capable. Nous n'arrivons plus à nous regarder dans les yeux, et par moments, je pense bien que Joanne hésite même à me confier Daniel, craignant que je lui fasse du mal aussi. Je fuis son regard, je fuis sa présence. Je ne supporte pas cette horreur sur moi qui me fait sentir comme la pire des bêtes à abattre. J'ai laissé les paroles d'Hannah faire leur chemin dans mon esprit. Et j'en suis arrivé à une conclusion. Plusieurs conclusions. J'ignore complètement les effets que cela aura, mais j'ai besoin d'agir, de mettre Joanne face à moi et de mettre un terme à cette situation où absolument personne ne sait où il en est. Ca n'est pas vivable. Alors, comment peut-on dire je t'aime à une personne aussi détestable ? Je n'ai même pas envie de la contredire, la jeune femme l'est pour moi depuis sa visite à mon bureau. Elle me rend malade, elle me pousse à bout, et plus j'y pense, plus je réalise que cette relation est un tissu de mensonges. Et Daniel… Daniel n'est que le fruit du hasard et de la chance. Il n'y a pas de magie, pas de destin, pas d'histoire pré-écrite. Il y a seulement la vie, l'amour, la colère, la peur, les promesses, et ce que nous en faisons. Nous sommes seuls décideurs. Joanne, Hannah, moi… Nous ne sommes pas les marionnettes d'un dessein qui nous échappe. Nous bâtissons notre propre vie, notre entourage, et nous brisons nos coeurs nous mêmes. La comédienne l'a compris. Je l'ai désormais compris. Et à partir de là, tout ce qui me faisait penser que ma fiancée et moi étions liés bien au-delà de cette simple bague est parti en fumée. L'évidence a disparu depuis longtemps entre elle et moi. Il n'y a jamais de bonheur qui dure. Je me plie à elle et je me brise le dos pour elle, parce qu'elle était supposée être mon âme sœur à travers les siècles. Tout cela est faux. Désormais, tout ce que je vois, c'est un idiot qui se plie en quatre pour garder près de lui une femme qui ne lui correspond pas et qui se laisse courir après. C'est une mascarade qui a duré trop longtemps. Je dois savoir ce qu'il en est réellement. Alors ce samedi, après avoir couché Daniel pour sa sieste de l'après-midi, je prend place sur une chaise autour de la table de la salle à manger et demande à Joanne s'en prendre une également. « Assied-toi. » Le ton de ma voix donne la couleur. J'ai abandonné l'idée de ne pas l'effrayer, elle aura peur de toute manière et je n'y peux plus rien. Au moins, je sais qu'elle aura trop peur pour refuser de s'installer devant moi pour parler. Si la table nous sépare, elle est en sécurité, après tout. Une fois assise, je croise mes doigts sur la table, soupire en l'observant, puis en regardant mon alliance. « Nous allons annuler le mariage. » dis-je froidement. Cela ne semble même pas m’atteindre, mais me laisse au contraire impassible. Cela ne me brise pas le coeur, il n'y a plus rien à piétiner, Joanne a déjà tout réduit en miettes. Tout ce que je sais, c'est qu'il est ridicule de se marier dans ces conditions. Je n'épouserai pas quelqu'un qui a peur de moi. Je n'épouserai pas quelqu'un qui ne m'aime pas réellement comme je suis, parce que c'est son plus grand mensonge.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Cette fois-ci, il était difficile de revenir en arrière. Il était bien trop tard de vouloir corriger les erreurs commises et reprendre une vie de famille de plus belle, heureuse et comblée. Quelque chose s'était véritablement brisé cette fois-là, et c'était irréparable. Joanne craignait que son fiancé ne l'approche, elle avait peur du moindre contact physique. Le plaie était ouverte et béante pour les deux, et il n'y avait rien pour contribuer à sa cicatrisation. Ils ne dormaient plus dans la même chambre, ils se voyaient à peine, Jamie préférant se terrer dans son bureau à l'ABC le plus tard possible afin d'éviter de la voir. Cela n'empêchait pas Joanne de lui préparer tous les soirs son dîner, c'était quelque chose qui était resté, parce que c'était une habitude, un réflexe. C'était peut-être la seule chose qui pouvait encore les relier en dehors de Daniel. La jeune femme s'était déjà demandée s'il préférait jeter la nourriture qu'elle avait préparé, par dégoût. Parce que c'était elle qui l'avait préparé. Elle ne dormait plus vraiment, elle ne mangeait plus vraiment. Toute son énergie, et les quelques sourires, elle les vouait à Daniel. Lui ne devait rien à personne, il était là, et grandissait chaque jour, se déplaçant à quatre pattes sous le regard curieux des chiens. C'était bien la seule chose qui la faisait sourire et qui lui rappelait que le monde pouvait être beau. Et au lieu de se dire à quel point elle était chanceuse d'avoir Daniel, elle tendait à croire qu'elle ne le méritait pas. Autant voir le verre à moitié vide. Un samedi après-midi, juste après que la jeune maman ait mis son fils au lit pour qu'il se repose, Jamie la somma de s'asseoir. Il était impassible, froid, son visage ne laissait transparaître aucune émotion, si ce n'est de la fermeté. Sans dire mot, la jeune femme exécuté son ordre; parce que c'en était un, c'était évident. Droite comme un pic, son regard était bas. Ses mains moites étaient sur ses genoux, ses doigts se torturant entre eux. Sa bouche était terriblement sèche, sa gorge était serrée. Si Jamie avait pour objectif de mettre le coeur de sa prétendue fiancée dans le même état que le sien, il avait réussi. Il était même parvenu à faire bien plus. Une impression de déjà-vu. Un divorce, un mariage annulé, que pourrait être la suite. La première pensée de Joanne, et pas des moindre, c'était l'envie qu'elle avait d'être en haut d'un immeuble, et de se jeter dans le vide. L'image parfaite de ce mariage qu'elle avait en tête devenait tout de suite très glauque, hanté, un véritable bain de sang. Une image d'horreur qui la terrifia et la pétrifia sur place. Elle se voyait déjà faire ses valises, devoir renoncer à son poste à la fondation parce qu'il était hors de question qu'il ait encore quoi que ce soit de connecté à elle. Elle n'aurait nulle part où aller, ne se voyant absolument pas se rendre chez ses parents la queue entre les jambes. A vrai dire, le seul endroit où elle pourrait aller était chez Molly. Elle s'y sentirait en sécurité, isolée de tout, loin de tout. Jamie ne semblait pas être atteint de cette fatalité, loin de là. Ca ne lui faisait strictement rien. Elle ne s'était même pas rendue compte de la grosseur de ses larmes au bord des yeux, elles s'étaient mises à couler toutes seules sans qu'elle ne le remarque. Dévastée, la petite blonde restait longuement silencieuse. Il ne voulait plus d'elle, il était évident pour elle qu'il veuille qu'elle parte. Elle n'allait pas le contredire, sa décision était apparemment déjà prise, tout comme elle n'avait pas arrêté Hassan, parce qu'il était tout aussi déterminé à se séparer d'elle. C'était donc elle le problème, conclut-elle. Il fallait qu'elle parte, qu'elle s'éloigne, et surtout, qu'elle reste seule. Qu'elle ne touche plus personne et que personne ne la touche. Joanne pensait à sa grand-mère. Molly allait être tellement triste en apprenant que l'événement était annulé, elle s'en réjouissait tellement. Au bout de longues minutes d'un silence incroyablement lourd, Joanne parvint à lever ses yeux bien humides, l'air misérable. Plus rien n'atteignait Jamie, il restait de marbre. Elle refusait d'enlever sa bague, elle ne pouvait pas. Joanne ne savait pas quoi dire, il ne devait plus rien attendre d'elle désormais. Elle se retenait de s'effondrer devant lui, et c'était bien difficile. "Je... Je devrais peut-être aller faire mes valises dans ce cas." finit-elle par dire tout bas. C'était vraiment compliqué pour elle de retenir autant de peine. "Ce serait certainement mieux pour... toi, Daniel... et tout le monde."[/color] Hannah, les proches de Jamie... Elle ne se voyait pas rester ici, et faire subir à Daniel le destin de deux coeurs brisés. La vie à la maison serait insupportable. Ce n'était plus vraiment chez elle. Non, ça n'avait jamais été chez elle. La séparation avec Daniel allait être insupportable, mais tout ceci lui semblait être la seule option possible et décente après une telle déclaration de la part de l'homme qu'elle aimait. Elle refusait de lui demander s'il voulait récupérer la bague. Pour elle, cette déclaration rompait tout ce qu'il y avait entre eux; leur amour, leurs fiançailles, leur mariage. Comme une enfant que l'on avait puni, elle ne savait même pas si elle avait eu le droit de parler, si elle pouvait bouger ou faire quoi que ce soit. Elle attendait qu'il s'énerve contre elle parce qu'elle ne se bat. Mais pourquoi voudrait-il qu'elle se batte pour une cause qu'il pensait perdue ?
« C'est ton choix. » dis-je simplement, le coeur battant à une allure insupportable. Et c'est tout ce que je dirai. Je ne lui ai pas dit de partir. Je n'ai même pas rompu. J'ai décidé d'annuler le mariage parce que c'est ce qu'il y a de mieux à faire, de plus logique. Il ne peut pas y avoir de mariage dans ces conditions, et aucun de nous deux ne sera guéri d'ici quelques semaines. Nous nous serions dit oui à contre coeur, et pourquoi ? Par principe. Je crois que Joanne ne sait même plus elle-même pourquoi elle tient à ce mariage. Si je lui demande pourquoi est-ce qu'elle pleure, elle ne saura pas me répondre. Elle ne pleure pas parce qu'elle tire un trait sur cette vie, puisqu'elle lui convient si peu, son existence de ménagère docile. Elle ne peut que la quitter sans regrets. Elle ne pleure pas parce qu'elle me laisse Daniel. Après tout, c'était elle qui était prête à m'en laisser la garde si facilement. Elle ne pleure pas parce que le mariage est annulé. Personne ne voudrait épouser une personne qui fait si peur. Comment m'aurait-elle embrassé devant l'autel si elle ne me laisse même pas l'approcher ? Allons, c'est ridicule. Elle n'a aucune raison de pleurer. Parce qu'elle est libre, si elle part. Elle devient libre de causer son propre malheur en cessant d'emporter ceux qui l'aiment dans son sillage. Plus de trop grande maison dans laquelle vivre, plus de cadeaux trop précieux, plus de fiancé trop amoureux. Elle qui ne mérite rien, tout, et bien plus à la fois, autant tout lâcher, tout abandonner. Je suis impressionné et effaré par sa capacité à baisser les bras. Mais elle est ainsi, et elle ne changera pas. De toute manière, je ne lui aurais jamais demandé de changer. Je n'ai toujours exigé d'elle qu'elle cesse de se faire du mal, mais elle en est incapable. Joanne ne sait pas être heureuse, et elle ne le veut pas. Elle n'y tient pas. Alors pourquoi pleurer ? Elle devrait être soulagée. Oui, c'est incroyable la manière dont son cerveau voit la fuite comme la seule et unique option possible. Jamais de bataille, ça non. Un élan de courage tous les six mois pour ne pas oublier la définition du mot, pas plus. Comme quoi, nous nous opposons dans les moindres détails. A ses yeux il est plus simple d'abandonner, aux miens il est plus facile de ne rien lâcher. Pourtant, cette fois, et pour une des très rares fois de ma vie, je baisse les bras. Je ne la pousse pas vers la sortie, mais si elle veut partir, qu'elle parte. Je ne la retiendrai pas, je ne lui courrai pas après. Je suis lassé de ce cinéma. Ce n'est pas simple pour moi, il est dans ma nature de m'agripper. Je me suis accroché à Oliver, j'ai refusé de ne laisser mourir. Je me suis accroché à un premier mariage dont je ne voulais même pas. J'ai tenu bon à Londres jusqu'à n'en plus pouvoir. Et même après avoir quitté mon pays, je n'ai jamais pu abandonner l'idée que je devais tout faire pour réussir à rendre mes parents fiers, juste une fois, alors que cela était tout bonnement impossible. Et puis j'ai tenu bon pour notre histoire, ce long marathon. J'ai rattrapé Joanne, je l'ai attendu, je suis revenu, un nombre incalculable de fois. J'ai toujours été optimiste. Je l'ai rassurée, je l'ai épaulée, je l'ai protégée. J'ai tout fait, et maintenant, je suis épuisé. Je n'ai même pas envie de ramasser mon coeur en morceaux. Je vais sûrement rester sur cette chaise une heure ou deux parce que je n'aurai pas envie de me lever. Il faudra que je trouve une bonne raison pour cela, et je sais déjà ce qu'elle sera ; le moment où Daniel sera réveillé et qu'il faudra reprendre le cours de la vie. Sans Joanne, si elle s'en va. Oui, c'est son choix. Elle ne pose pas de question, elle ne s'accroche pas, comme toujours. Elle opte pour la seule solution qui lui vienne à l'esprit, et ce n'est pas de se battre pour son fils ou pour moi. Puisque tout ce qu'il y a sous ce toit n'a pas d'importance, pas de valeur, ou ne lui correspond pas, puisqu'il n'y a plus de mariage de princesse à la clé. Puisque je suis un monstre, une menace qu'elle ne peut plus regarder dans les yeux et dont respirer le même air l'étouffe. Puisqu'elle est si malheureuse. Tant pis, qu'elle parte.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie lui laissait le choix, il ne l'empêchait pas de faire quoi que ce soit. Il avait l'air de ne pas se soucier de ce que pourrait advenir la jeune femme, elle n'était devenue rien de plus qu'une poupée dont il voulait certainement se débarrasser. Ses phrases précédentes étaient libres d'interprétation. Pourtant, il ne réclamait pas la bague de fiançailles, et ne parlait pas de garde concernant Daniel. Alors pourquoi voulait-il donc annuler un mariage si c'était pour présever leurs fiançailles. S'il pensait véritablement tout ce qu'il avait dit sur elle, s'il n'avait pas répondu à sa question sur comment pouvait-on aimer une personne aussi détestable, c'est qu'il ne l'aimait plus, non ? Joanne ne savait pas où lui en était, et c'était perturbant pour elle. Oui, elle le craignait toujours. La gifle avait tout aussi violente parce qu'il l'avait fait de façon tout à fait volontaire, en plus de lui cracher dessus toutes les insultes qu'il pensait tout bas depuis certainement bien longtemps. Il n'y avait plus aucune preuve d'amour qui traînait, plus rien du tout. Alors pourquoi ne venait-il pas à réclamer cette bague ? Pourquoi ne voulait-il pas se débarrasser d'elle ? Elle ne comprenait pas son raisonnement, sa manière de percevoir cette terrible situation. Pour Joanne, cette annulation n'était pas synonyme de libération, loin de là. Elle aimait Jamie, et elle l'aimerait toujours. Il restait de marbre, à attendre certainement le bruit de la porte qui claquait derrière elle. Joanne pensait qu'il ne voudrait plus jamais la voir, et c'était ça qui la rendait si triste, si malheureuse. Elle ne réalisait pas la chance qu'elle avait et restait agrippée à certaines futilités. Pourquoi ? Parce qu'elle avait tellement peur qu'il finisse par s'éloigner d'elle parce qu'il adorait Hannah. C'était ridicule. Mais la petite blonde n'avait jamais su comment accorder leur confiance, ou même le bénéfice du doute. Il y avait cet enregistrement qui tournait continuellement dans sa tête, incapable de l'oublier. Voyant que Jamie ne comptait pas réagir davantage, la jeune femme monta silencieusement à l'étage, pas vraiment déterminée à récupérer ses affaires. Ca lui tordait leur coeur d'une manière extrêmement douloureuse. Mais elle passait devant la chambre de Daniel. Elle entra discrètement dans sa chambre et elle le regarda dormir. Elle s'effondra silencieusement, se sentant incapable de le laisser derrière, sans lui dire au revoir. Encore pire, elle ne voulait pas lui dire au revoir. Afin de ne pas le réveiller, elle prit délicatement dans ses bras et s'installa dans la chaise à bascule. "Je sais que Papa ne me pardonnera jamais, et je ne te demande pas non plus pardon à toi, mon chéri." lui murmura-t-elle en larmes, embrassant de temps en temps sa petite tête. "Maman ne se rend compte rien, son esprit déraille tout le temps. Et je ne lui ai fait que du mal, ça me brise le coeur. Et cette fois-ci, j'ai fait pire que ça. Et si tu savais combien j'ai peur de te blesser toi." Ses mains tremblaient un peu, mais elle ne manquera jamais de force pour pour le serrer fort dans ses bras. Lui était bien apaisé de sentir la chaleur de sa mère. "Je n'ai pas envie de te dire au revoir. Ni à toi, ni à lui." Joanne le berça encore de longues minutes avant de le remettre au lit afin qu'il termine sa sieste tranquillement. Elle finit par redescendre, et s'asseoir en face de Jamie. "Je ne vais pas partir." dit-elle d'un ton plus affirmatif. "Je ne veux pas abandonner Daniel, et..." Et Jamie non plus. Mais il ne l'aurait certainement pas cru. Lui non plus ne lui faisait pas confiance. "Si ça ne te gêne pas que... je reste ici." ajouta-t-elle plus bas, la gorge serrée. "Je continuerai de dormir dans la chambre d'amis." Ils ne se croiseraient presque pas dans la journée, en y repensant. "Et je continuerai à m'occuper de la maison." Elle n'avait jamais rien attendu en retour, de ce côté là. Joanne avalait difficilement sa salive, ses yeux étaient encore bien rouges et encore humides à cause des larmes. Au bout de quelques minutes de silence, la jeunne femme approcha timidement ses doigts de la main baguée de Jamie. Elle effleurait le bijou, et prit délicatement sa main pour la tirer un peu plus vers le milieu de la table. C'était avec l'autre qu'il l'avait giflé. Ce n'était pas agréable, d'avoir toujours ces papillons dans le ventre malgré la situation. Un tord-boyau qui n'avait plus de sens, mais qui lui prouvait à elle-même que les sentiments pour lui ne s'étaient aucunement atténués. Pas même après tout ce qui s'était passé. Elle estimait qu'elle méritait tout, sur le coup, même cette gifle. Elle finit par lâcher sa main. "Si le mariage est annulé, et ... avec tout ce qu'il s'est passé, pourquoi gardes-tu la bague ?" S'il la haïssait, il ne voudrait plus rien d'elle sur lui. Il avait déjà rompu une promesse, il voudrait certainement rompre celle-ci également. Joanne espérait savoir comment il percevait les jours à venir. "Pourquoi ne me demandes-tu pas que je parte et que je fasse en sorte que l'on ne se revoit plus jamais ?"
Joanne revient, se rassoit, et décide de ne pas partir. Je reste impassible. A cet instant, j'ai une sensation étrange ; je l'aime, mais elle ne m'inspire plus d'émotions. C'est le vide absolu. Je me fiche qu'elle reste ou qu'elle parte. Je me fiche qu'elle s'excuse ou non. Je me fiche même qu'elle soit malheureuse et triste. Ses yeux rougis de m'atteignent pas. Pourquoi sa peine devrait m'atteindre ? C'est une éternelle mélancolique, elle ne connaît que ça. Ca n'est plus une émotion chez elle, c'est un état d'esprit, c'est une nature. Alors qu'importe, je ne me rendrai plus malade pour ça. J'écoute, j'entends, c'est tout. Je pourrais même ne rien dire du tout, mais je ne suis as cruel à ce point. C'est lorsqu'elle se propose de s'occuper de la maison qu'un rire m'échappe. « Comme une femme au foyer des années cinquante ? » dis-je, reprenant des termes qui m'ont vraiment marqué et blessé. « Non merci. Tu peux rester, mais ne te sens pas obligée de quoi que ce soit. » J'appellerai la femme de ménage plus souvent, Daniel sera confié à la crèche plus souvent. Madame aura toute son indépendance, surtout pécuniaire, et tout loisir de travailler plus pour la fondation. Il paraît que c'est pour ce genre de droits que les femmes se battaient à cette époque. Il ne faudrait pas qu'elle se sente plus longtemps prisonnier de son foyer et de son terrible fiancé. Lorsque sa main atteint la mienne, j'arque un sourcil. A quoi joue-t-elle ? Est-ce que c'est supposé m'amadouer, me faire ressentir quoi que ce soit ? Non, ça ne me touche pas plus que le reste. Je ne suis pas dans un état d'esprit me permettant de concevoir le moindre geste de tendresse. Mon coeur fait encore trop mal pour ça. Pourtant, je ne songe pas à me séparer de ma bague. Pourquoi ? Parce que j'aime Joanne, cela n'a pas changé. C'est ce qui fait le plus mal. Sa manière de piétiner ce sentiment. Je ne veux pas qu'elle s'en aille et ne jamais la revoir, c'est ridicule. Elle est la mère de Daniel, même si je ne voudrais plus d'elle, elle resterais dans ma vie. « Tu préférerais cette option ? Je peux le faire, si tu veux. » dis-je en haussant les épaules, qu'elle comprenne qu'à cet instant, je m'en fiche bien. Après un court silence, je me fais tout à fait honnête. Joanne a besoin de savoir ce que j'ai en tête. « J'ai besoin d'une pause. Je ne sais plus ce que je veux. J'ai besoin de souffler. » Et je ne sais pas bien moi-même ce que cela signifie. Prendre ses distances je suppose. Mettre toute cette histoire de famille, de fiançailles et de mariage entre parenthèses jusqu'à nouvel ordre. Il faut que je fasse le point, parce que je ne sais plus où j'en suis. « Toi aussi tu n'as pas tenu parole. » je reprends. « Tu disais que tu m'aimais. Et que tu m'aimais exactement comme je suis. Que tu voulais que je sois moi-même. » Je me souviens qu'elle me l'a demandé au musée la première fois. Nous n'étions que tous les deux, nous discutions, et elle m'a demandé de ne pas mettre de masque avec elle. Aujourd'hui, je ne fais que ça. Parce que dès qu'un trait de ma personnalité lui déplaît, je suis menacé, ou son esprit pète les plombs. « C'est faux. » Elle m'a trahi, elle aussi, dans un sens. Je ne cherche pas à me dédouaner de quoi que ce soit, mais cela explique grandement pourquoi je suis écoeuré de cette relation. « Tu…. » Je cherche les mots. Je veux être juste, mais je ne veux plus la ménager juste pour qu'elle ne se sente pas trop mal. Tant pis si elle se sent monstrueuse, alors nous serons deux monstres. Je ne peux plus filtrer mes mots pour lui convenir. Tout doit sortir tel quel. Je ne vais plus la ménager : c'est de sa faute, et elle doit le savoir. « Tu as fait beaucoup de mal, Joanne. J'en ai fait aussi, et je n'ai pas d'excuse, je ne suis pas parfait du tout. Mais tu es loin, très loin d'être toute blanche. Et je ne sais pas si c'est réparable, peut-être que ça ne l'est pas et qu'il y a quelque chose de brisé pour toujours, mais je ne veux pas prendre de décision grave sur le coup de l'émotion, comme rompre. J'ai besoin de réfléchir, et de penser à moi. Annuler le mariage était la seule décision à prendre parce que les conditions sont impossibles. Ca ne veut pas dire que je ne t'aime plus. T'aimer est sûrement le plus gros de mes problèmes à l'heure actuelle, ça me rend idiot. Mais… Je n'ai plus envie de me battre. Tu pourras toujours partir quand tu le veux, tu sais où est la porte, et ça sera la même chose qu'à cet instant, je ne te retiendrai pas. Je ne vais plus te courir après, Joanne. Je ne vais plus te ménager, ni te protéger. Je ne vais plus chercher à te plaire par tous les moyens, je ne vais plus te montrer le seul visage que tu acceptes et que tu aimes de moi, puisque ça ne sert à rien. Ca, c'est terminé, je laisse tomber. » Et maintenant ? Maintenant que j'ai fait part de tout mon dégoût, qu'est-ce qu'il peut advenir de cette relation ? Qu'est-ce que j'attends d'elle, qu'est-ce qui doit être fait ? « Je n'ai pas la moindre idée de ce que sera la suite. » j'avoue en haussant les épaules. Pour le moment, je m'en fiche. Je vais laisser le temps faire son œuvre, souffler, penser, et aviser plus tard. Peut-être que Joanne partira entre temps, qu'elle se trouvera quelqu'un d'autre, qu'elle tombera en dépression. Vraiment, qu'importe. « Entre nous, je pense avoir mené le navire bien assez longtemps sans rien demander d'autre en retour que quelque chose que tu es incapable de me donner. Alors la suite… ce n'est pas moi qui la déciderai. Tant pis si ça doit couler, j'aurai vraiment essayé. Désormais ça n'est plus mon problème. » J'abandonne, voilà tout. C'est un autre genre de petit miracle.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"Comme une mère qui ne devrait pas s'éloigner de son fils." lui répondit-elle calmement. Beaucoup de choses avaient été dites, le jour où absolument tout s'était effondré. Des choses qui allaient bien au-delà de cette pensée. Parce que ça plaisait, à Joanne, de pouvoir se consacrer entièrement à sa famille, faire en sorte que Jamie n'ait rien à faire une fois qu'il était rentré du travail. Mais elle voulait continuer de s'occuper de Daniel, de le voir grandir jour après jour. C'était la dernière choses à laquelle elle pouvait s'accrocher désormais, et elle ne voulait et ne pouvait pas le lâcher. Joanne avait ensuite pris la main baguée de Jamie, se demandant pourquoi il gardait la bague de fiançailles alors qu'il voulait annuler le mariage. La manière dont il réagissait et se comportait en sa présence lui faisait mal au coeur. Il s'en fichait totalement. De l'enlever ou pas. Il n'en avait plus rien à faire de ce morceau de métal on ne peut plus symbolique. Il eut tout de même la gentillesse de lui avouer qu'il ne savait plus où il en était, qu'il voulait faire une pause. Ca n'allait pas se compter en jour, mais en semaines, voire en mois. Elle déglutit difficilement, mais acquiesça d'un discret signe de tête. Il avait raison, il n'y avait que quelques facettes de sa personnalité qui lui plaisait, et qu'il ne fallait pas que ce soit dans l'excès. Ses yeux baissés ne l'empêchaient pas d'être extrêmement attentive à ce qu'il disait. Vu son discours, elle ne comprenait pas comment il pouvait encore parler d'amour. Joanne avait cette impression que ça allait aboutir à une rupture. Il ne voulait plus rien faire pour elle, il ne voulait plus se vouer à elle, ne plus rien faire pour la pousser à faire quoi que ce soit. Il abandonnait, et laissait le temps au temps de décider si cette relation pouvait se reconstruire ou non. Mais son discours laissait supposer qu'il n'y avait plus rien à faire. Il semblait bien se foutre de ce qui pourrait advenir. Oui, lui, il n'avait pas de quoi s'inquiéter de quoi que ce soit. Leur prétendu couple n'avait plus aucune valeur à ses yeux. Alors pourquoi ne la virait-il pas ? S'il ne pouvait plus la voir, comment arriverait-il à supporter le simple regard de Daniel ? La jeune femme savait au fond d'elle qu'il n'y avait plus rien qu'elle pourrait faire pour qu'il puisse prétendre avoir encore un peu d'estime pour elle. Elle non plus ne pouvait décider pas décider de quoi que ce soit. Elle-même ne savait plus où elle en était, à vrai dire. Ils ne se correspondaient pas tant que ça, ils se raccrochaient à bien peu de points communs qu'ils avaient, et le reste les submergeait totalement. Tout allait de mal en pis, et elle n'était pas sûre que cette fois-ci, il y un retour en arrière. Joanne considérait qu'elle n'avait pas le droit de dire tout ce qu'elle pensait également, même si elle restait tout aussi posée que lui. Elle espérait que Daniel se réveille pour qu'elle puisse monter s'occuper de lui. Mais il dormait paisiblement. "Je regrette de ne pas avoir su me tenir à ce que je t'ai dit au musée." finit-elle par dire dans un murmure. Joanne était sincère, mais elle était persuadée qu'il n'allait jamais la croire. "Je me suis laissée submerger par des choses qui ne devraient pas exister." Elle espérait vraiment que ses séances avec le psychologue lui auraient permis d'évoluer dans le bon sens, mais les résultats n'étaient absolument pas là pour le moment. "Je sais que j'ai fait plus d'une erreur, et que chacune d'entre elles a eu les conséquences les plus dramatiques dans notre couple. Je suis la plus fautive de nous deux." Difficile de mesurer ses mots, d'admettre et d'accepter que plus rien n'allait. "Et je pense sincèrement que tu ne devrais pas avoir à demander pardon pour la gifle. Si tu l'as fait en pleine connaissance de cause, c'est qu'il y avait tout un tas de raison de le faire." Joanne regardait ses doigts. "Peut-être même que c'était une sorte de... nécessité." Elle haussa à son tour les épaules. Joanne ne disait pas ça pour lui faire plaisir, ou pour l'amadouer, ou pour faire quoi que ce soit pour l'amadouer. Il disait ce qu'il avait sur le coeur, elle estimait qu'elle pouvait aussi un petit peu dire la manière dont elle percevait les choses avec un peu de recul. Elle allait lui laisser le temps qui faut pour qu'il voit les choses plus claires et voir s'il pense qu'il est possible de voir sa vie avec elle. Joanne ne savait pas sur quel pied danser. Soit elle le laissait réfléchir et elle se plierait à sa volonté, ou soit elle devait montrer qu'elle en voulait, mais c'était une chose qui pourrait bien irriter Jamie.
Ce froid en moi, entre nous, dans la pièce, est presque apaisant à mes yeux. Je ne ressens pas grand-chose, et cette léthargie sentimentale est un soulagement. Parce que tout est toujours agité en moi, secoué, torturé, que ce soit vers le haut ou vers le bas. Mes nerfs n'ont jamais de répits, ils vibrent sans cesse comme les cordes d'un violon à la mélodie qui se poursuit inlassablement, crescendo et decrescendo. Et à cet instant, j'ai enfin un moment de silence et de paix. Je comprend pourquoi bon nombre de personnes décident se de déconnecter de leurs émotions et de se foutre de tout, c'est incroyablement plus simple. Mais ça n'est pas vraiment moi, je sais que cet état est momentané, parce que je suis au bout de toutes les options de ma palette d'émotions concernant Joanne. J'ai besoin de ce coup de ciseau en plein dans ce lien entre elle et moi. La tornade reprendra plus tard, des hauts et des bas à rendre fou n'importe qui, des tiraillements constants. Je ne suis pas facile à vivre, et j'accorderais qu'on puisse trouver qu'il est un comble que je me plaigne de Joanne. On pourrait dire que je ne suis vraiment pas mieux, et que nos esprits malades se valent. A mes yeux, ce serait méconnaître toute l'histoire dont découle cet instant précis. Le moment où même moi je baisse complètement les bras. Quel genre de la relation reste-t-il là ? Une femme qui reste on ne sait pas trop pourquoi, un homme qui ne se donne plus le moindre mal. C'est comme mettre deux étrangers sous le même toit. Deux étrangers qui n'ont rien en commun. Je soupire. C'est un peu tard pour les excuses et les regrets. « Est-ce qu'il faut toujours qu'il soit trop tard pour que tu t'en rendes compte ? » je demande, lassé. Est-ce que toutes les fois où je lui ai demandé sa confiance, où je l'ai rassurée, consolée, n'étaient pas suffisants pour qu'elle se fasse une raison ? Mais ça ne concerne pas que Hannah. C'est général. Elle fonce tête baissée dans sa paranoïa et ne relève les yeux qu'une fois au bord du gouffre. Un jour ça ne fonctionnera plus, et peut-être que ce jour est arrivé. Je soupire une nouvelle fois. Des erreurs ont été commises des deux côtés. Ca n'est pas vraiment ce que j'aimerais entendre. Encore moins qu'elle me donne raison de l'avoir frappée. « Je ne sais pas si c'était une nécessité, sur le moment c'était simplement la seule réponse que j'avais à donner. » Il n'y avait pas de mots assez bons pour lui faire comprendre à quel point la jeune femme était une abrutie finie et que sa bêtise me faisait un mal de chien. Je voulais un choc, quelque chose de percutant, et j'ai finalement opté pour l'expression littérale de ces deux éléments. Les mots s'interprètent, surtout avec Joanne, et ne sont que de l'air au final, ils nous auraient un peu plus fait tourner en rond. Au moins mon message était clair. « Mais même s'il le fallait peut-être, ça n'est pas excusable pour autant. J'avais promis. » De toute manière, aucune femme ne mérite d'être frappée, il n'y a jamais de motif assez valable. Même poussé à bout. Au silence qui s'installe, la conversation est terminée. Il n'y a plus rien à dire, la situation est aussi claire que floue, et nous allons naviguer en eaux troubles pour une durée indéterminée. Nous allons être ce je-ne-sais-quoi qui vit sous ce toit, le temps qu'une nouvelle définition s'écrive. Chacun pourrait retourner à ses occupations, mais la discussion en l'état me laisse un goût d'inachevé. Il reste une zone d'ombre, des questions sans réponses et sans lesquelles nous ne ferons que stagner. « Pourquoi tu voulais m'épouser ? » je demande finalement. « Pourquoi tu voulais être avec moi ? » Alors que nous n'avons rien en commun, et que nous battre est ce que nous savons faire de mieux. Si l'on retire Daniel de l'équation, et toutes les fantaisies qui nous berçaient, il ne reste rien pour nous lier. « Pourquoi tu penses que tu m'aimes ? »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Encore un reproche. Quoi qu'elle puisse dire, penser, admettre, ce n'était pas bien. Ce n'était jamais le bon moment, jamais la bonne excuse, jamais ce qu'il fallait. Elle était loin d'être la seule dans ce foutu monde à se rendre compte trop tard des erreurs commises. Mais ce n'était certainement pas une excuse pour lui, ça ne marchait pas comme ça, et il le tournait en reproche. Lui aussi était venu bien tard demander pardon pour l'avoir frappé. Est-ce que Joanne lui en avait tenu rigueur ? Non. Elle avait certes vécu un traumatisme, un choc particulièrement profond. Mais jamais elle n'était venue lui faire une remarque pareille. Sur le coup, oui, elle lui en voulait. Comme elle pouvait lui en vouloir de ce qu'il disait ensuite. Une promesse. Quelle valeur avait les promesses pour lui à l'heure actuelle ? Rien du tout. Joanne en était sûre. Une promesse ici, une promesse là. Elles n'étaient bonnes qu'à être rompues. Pour le mariage, il avait su anticiper, en l'annulant directement. Autant ne pas prendre de risque. Elle ne préférait pas rajouter quoi que ce soit à ce sujet, parce que ça sonnait faux. Et ce fameux j'avais promis signait la fin de leur conversation. Tout était on ne peut plus calme. Les chiens devaient bien sentir que les choses ne se passaient pas bien, et qu'il fallait faire par moment profil bas. Joanne n'avait plus rien à dire non plus, il allait encore lui reprocher la moindre de ses paroles, il n'avait que ça à faire vraisemblablement. Jusqu'à ce qu'il pose trois questions. Des questions qui peuvent paraître simples tout en étant extrêmement compliqués. Elle se demandait si c'était un test. S'il voulait voir où elle en était elle. Jamie avait soigneusement conjugué ses verbes au passé, histoire de bien lui montrer que ce temps de couple était bel et bien révolu. Et avec tout ça, il ne semblait pas vouloir se débarrasser du bijou qu'il avait à son annulaire. Joanne laissa volontairement régner un nouveau long moment de silence, histoire de mettre de l'ordre dans ses idées. Mais elle se dit alors que c'était bien inutile, parce qu'il allait bien se moquer de sa réponse. C'était comme ça qu'elle percevait les choses du moins. "Parce que quand j'essaie de m'imaginer dans le futur, je me vois avec toi." commença-t-elle. "Je t'aime parce que tu as cette foule de qualités que tu refuses de voir. Que même si d'apparence, tu es une figure forte et impassible, il suffit de te connaître pour savoir que tu es quelqu'un qui est sensible et qui a besoin d'affection, et d'attention. Tu as ce besoin d'exister auprès des autres, et les sourires que tu en tires lorsque j'y arrivais me rendait heureuse." Elle hausse les épaules, se disant qu'elle allait tout simplement laisser parler son coeur. "Tu étais toujours là. Que malgré mon esprit borné et pourri depuis le début, tu croyais toujours en moi. Tu ne demandais que ça, que je m'exprime, que je sois moi et plus celle qui était juste protégée par toute sa famille. Tu me considérais telle que j'étais, tu m'accordais de ton temps et de ton attention. Et je me sentais alors spéciale." La seule autre personne qui lui avait fait ressentir ce genre de choses n'était qu'autre que son ex-mari. Hassan avait toujours été particulièrement attentionné avec elle. "Malgré nos différences de milieu, nous étions parvenus à nous trouver des centres d'intérêt commun. C'est fabuleux de pouvoir se perdre pendant des heures dans un musée avec la personne que l'on aime. Je sais que j'ai ruiné des périodes où tu m'accordais de ton temps si précieux." Des sentiments si vifs et encore si présents qu'ils firent trembler sa voix. "Je suis tombée amoureuse de toi parce que tu as tant à donner. Je ne parle pas de ce qui est des cadeaux ou... ce qu'il y a de matériel. Au début, j'étais curieuse de mieux connaître cet homme aux multiples facettes. J'étais persuadée que je pouvais tolérer chacune d'entre elles. Mais je n'ai pas été à la hauteur. Il n'y a pas de je pense que je t'aime. Je sais que je t'aime, un point c'est tout. Je t'aime parce que tu es doté d'une grande richesse intérieure. La moindre conversation avec toi intéressante. Quand je te sais près de moi, j'ai mon coeur qui palpite, au moindre contact, j'ai des papillons dans le ventre, et c'est toujours le cas lorsque nous étions au plus mal. Tu croyais en moi tout comme je croyais en toi. Et même si tu ne veux plus porter aucun espoir en moi, je continuerai de croire en tes projets." Parce que c'était aussi ça l'amour, même après une sorte de séparation. "Je sais que je t'aime, parce que je vivais comme dans un rêve. Encore une fois, je ne pense pas à la maison, aux objets, mais.. Etre la personne que tu aimes, avec la manière dont tu aimes, et ces regards et ces sourires que tu lances... Ca fait rêver. Ca fait croire que ce monde n'est peut-être pas si mal fichu que ça, et qu'il est possible de faire de belles choses." Joanne frotta rapidement ses yeux avant que les larmes ne coulent. "Malgré nos nombreuses maladresses, et nos disputes, nous parvenions toujours à nous comprendre, à mieux comprendre pourquoi nous en étions arriver là. Mais cette fois-ci, ma liste de défauts a fait des siennes. Et aujourd'hui, nous ne savons même plus ce que nous sommes l'un pour l'autre." Elle ne voulait pas s'éterniser, elle se disait qu'il ne croirait pas un seul mot de ce qu'elle pouvait raconter. "Je n'ai jamais été aussi possessive avec quelqu'un, pas même avec Hassan." lui confessa-t-elle. Et pourtant, il avait de nombreuses amies. Mais avec Jamie, c'est différent. "Je ne sais pas quoi en faire, de ce truc-là. On a bien vu ce que ça donne." Tout comme Jamie ne savait pas quoi faire de ce trop plein d'amour. Avoir envie de l'avoir rien que pour elle la rendait presque folle et avait grandement altérer la confiance qu'elle avait en lui. Elle avait absolument tout ruiné, et elle s'en voulait terriblement. Elle ne voulait pas lui retourner la question, elle savait ce qu'il pensait d'elle, désormais.
Ce que je voulais prouver, à Joanne ou à moi-même, c'est que le lien entre nous deux est bien plus fragile et fin et que ce que nous avons toujours accepté de croire. Nous nous sommes voilés la fac dès le début en nous berçant dans notre anticonformisme et nos mythes, mais la réalité est que nous n'avons rien à faire ensemble, que ça ne fonctionne pas, et que, rétrospectivement, cela n'a jamais marché. J'aurais dû me rendre compte de l'énorme mensonge de la jeune femme le soir où elle a souhaité ne plus me voir à cause de mon ancienne liaison avec Kelya. Elle n'avait déjà pas confiance en moi. Elle n'a jamais eu confiance. Et déjà alors elle me jugeait et jetait les parties de moi, passées et ou présentes, qui n'allaient pas de paire avec le prince charmant qu'elle attendait que je sois. Elle était déjà capable de tirer un trait sur moi et sur tout ce que j'avais à lui donner pour ça. Ca n'a jamais changé. J'ai été si aveugle dès le début, si éperdument amoureux que je me suis complètement perdu. Alors quand Joanne me dit qu'elle voit son futur avec moi, je me demande de quel moi il s'agit. Celui qu'elle idéalise et exige que je sois ? Elle ne m'a jamais vu aussi snob, prétentieux, égoïste, cruel, impulsif que je peux vraiment l'être. Elle vit avec cette version édulcorée et modérée d'un homme qui ne veut que lui plaire. Pour exister. Oui, j'ai toujours cru en elle. Je l'ai toujours poussée à être le meilleur d'elle-même, j'ai voulu la sublimer et révéler tout ce qu'elle a de beau avec une patience et un optimisme sans bornes. Parce que je l'aimais sans la moindre concession, sans faire d'exception. J'ai beaucoup à donner, et Joanne a tout pris. Je me demande si elle s'en rend compte au fur et à mesure qu'elle en parle ; à force de citer tout ce que je l'ai offert, voit-elle la montagne de choses sur lesquelles elle a craché l'autre jour, et donc, la raison pour laquelle je suis à bout ? Je reste silencieux un instant. Et je pouffe légèrement. « Comme dans un rêve hein ? Ca n'est pas le son de cloches que j'ai entendu la dernière fois. » C'est nouveau, ça. Tout le bonheur qu'elle dépeint, où était-il dans son coeur et dans sa vie quand je le mettais à ses pieds, juste sous son nez ? Occulté par le pourcentage de moi qui est dédié à Hannah. « Mais c'est lorsque l'on perd quelque chose qu'on en découvre la vraie valeur, n'est-ce pas ? Ou est-ce quelque chose que tu aurais dû apprendre de la dernière fois ? » Quand elle a rendu sa bague et m'a tourné le dos. Quand elle a tout laissé tomber sans se retourner. C'est elle qui est revenue la queue entre les pattes. C'est une leçon qui devrait être acquise. Est-ce qu'elle se souvient de ma première réponse à sa demande en mariage ? Je souris narquoisement. Moi je me souviens. Et je me rappelle qu'elle avait encore laissé tombé. Elle qui croyait avoir tout donné parce qu'elle avait réservé une chambre dans un hôtel. Tss. Je me rappelle que c'est moi qui suis allé la chercher, qui l'ai relevée, et qui lui ai dit de persévérer. Mais quel foutu abruti. Je n'apprend rien moi non plus. J'aurais pu m'en tenir à ma première réponse. J'aurais dû… Au bout d'un moment, je retire ma bague et la dépose sur la table. La garder à mon doit peut satisfaire la possessivité de Joanne ; si elle est toujours à sa place, c'est que je suis toujours à elle, non ? Sauf que ça n'est plus le cas, et que je me fiche du pourcentage qui lui reste. Elle a tout voulu, elle a tout perdu. Elle peut voir dans cet anneau toute sa bêtise. Elle a usé, et abusé, et voilà le résultat. Maintenant, elle va courir. Précautionneusement, je défais la chaîne autour de mon cou et y fait glisser l'anneau, puis je remets le collier et le glisse sous mon col. C'est ça, ce qui reste à elle, près de mon coeur au final. Une possibilité, une hypothèse. « Nous en avons fini. » Sur ce, je me lève et quitte la table. Je traverse la véranda, puis le jardin, et entre dans la verrière qui abrite la piscine. Quelques longueurs pourront asseoir le vide que je ressens pour le moment. Et après… Après, je me contenterai d'aviser à chaque minute de chaque heure.