I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne venait de rentrer de trois jours passés à Perth. C'était nécessaire. Elle avait emmené Daniel avec elle. Ca ne devait pas changer grand chose pour Jamie. La semaine là était tout aussi chargée que la précédente. La jeune femme avait quelques impératifs à régler là-bas, et ça permettait à Daniel de changer d'air un peu. Même s'il n'était qu'un bébé, Joanne se disait qu'il ressentait ce genre de choses. Alors prendre un bol d'air frais à Perth avait du lui faire du bien. Elle avait pu lui montrer la maison de ses parents, dans laquelle Joanne avait grandi jusqu'à déménager à Brisbane pour y étudier à l'université. Ils avaient passé du bon temps tous les deux. Ca avait permis à Joanne de décrocher un peu. On ne pouvait pas dire qu'elle se sentait mieux, pas vraiment. Depuis leur nuit qui ne semblait plus qu'un rêve pour elle, leur vie avait repris leur cours d'avant. Ils s'ignoraient, ils s'étaient, rien n'avait véritablement changé. Le pire dans tout ça, c'est qu'elle ne s'y faisait pas vraiment. Le genre de situation où il est impossible de s'adapter à quoi que ce soit. Le malaise régnait. Jamie avait dit qu'il avait besoin de temps pour réfléchir à tout ceci, ces quelques jours lui avaient peut-être été bénéfiques pour avancer dans sa réflexion, peut-être pas du tout. Joanne avait passé du temps chez ses parents. Ils étaient là-bas depuis un mois et comptaient rester encore un peu. Ils reconnaissaient que ça leur manquait un peu. Mais Joanne les connaissait, elle savait qu'ils n'étaient pas du genre à rester trop loin de leur petit-fils. "Nous voilà rentrés." dit-elle à Daniel en ouvrant la porte. Forcément, les chiens se précipitèrent vers eux pour les saluer. Elle était rentrée en milieu d'après-midi. Son psychologue avait laissé un message pour prendre de ses nouvelles. Elle n'était pas retournée le voir depuis sa dispute avec Jamie. Ses hématomes prenaient beaucoup de temps à partir. Elle avait lu sur plusieurs sites internet que cela pouvait prendre presque un mois à disparaître totalement. Jamie n'y était pas allé de main morte, pour être sûr de bien l'immobiliser. Une fois qu'elle avait rentré toutes les affaires, elle laissa Daniel sur le tapis de jeux pour qu'il puisse jouer. Ben n'était jamais loin de lui, ni les autres chiens d'ailleurs. C'était drôle comme ils pouvaient regarder avec curiosité leur petit maître se déplacer à quatre pattes. C'était encore des courtes distances et il avait un peu de mal à anticiper ses virages, mais les progrès étaient là. Joanne se préparait un thé et restait assise sur la table de la salle à manger pour le regarder s'amuser. Ca l'apaisait, de voir que lui parvenait à se divertir, et à rire. C'était ces petites choses qui égayaient ses journées, ça lui permettait d'oublier un peu le reste l'espace de quelques minutes, même si elle reprenait le tout en plein par la suite. Ca valait le coup de subir par la suite. Comme elle aurait pu s'y attendre, Jamie n'était pas là pour dîner, ni pour coucher Daniel. Alors Joanne le fit à sa place. Elle pouvait lui donner plus de légumes à manger, et varier ses petits pots. Ca semblait beaucoup plaire au bébé, de découvrir de nouveaux goûts. Il faisait parfois de drôles de tête, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il aime bien. De nouvelles expériences pour lui, et il s'y donnait à coeur joie. Après lui avoir donné un bon bain, elle l'avait mis au lit après avoir lu une histoire et l'avoir bercé dans ses bras jusqu'à ce qu'il s'endorme. Elle aimait sentir sa chaleur tout contre lui. C'était apaisant. Une fois dans le berceau, Joanne se préparait à manger pour elle. Elle n'avait toujours pas perdu le réflexe de préparer une assiette pour Jamie. Elle se doutait qu'il jetait tout, qu'il n'en voulait pas. Une heure plus tard, il était rentré rentré. Elle terminait de mettre un peu d'ordre dans la cuisine. "Bonsoir." dit-elle simplement. Qu'elle ait été à Perth ou non ces derniers jours, Joanne ne sentait pas vraiment la différence. "Je voulais te dire que..." Mais elle réitéra sa pensée pour la remplacer par une autre. "Tu m'avais demandée pardon, l'autre fois, et... Je voulais te dire que je te pardonne. Vraiment." Elle le pensait sincèrement, bien que le traumatisme est là, et bien qu'elle aurait du mal à accepter un contact physique avec lui pour le moment, elle comprenait pourquoi il en était arrivé là. D'habitude, Joanne parvenait à esquisser un sourire que l'on pouvait difficilement deviner. Là, elle n'y arrivait pas. Joanne n'arrivait plus à sourire depuis quelques jours.
C'était sûrement mieux pour tout le monde, de s'éloigner quelques temps. Joanne était simplement partie à Perth avec Daniel, pour changer d'air j'imagine. Tant mieux, si cela pouvait leur faire du bien. Pour ma part, je craignais la solitude, mais il s'est avéré que je n'ai pas vu ces journées passer. En revanche, en bon mauvais célibataire, je ne mangeais rien le soir si ce n'est des pâtes quand je parvenais à réunir la motivation pour. D'habitude la cuisine m'aide à me vider l'esprit, mais tout est bien assez vide comme ça. J'aurais pu en vouloir à la jeune femme d'être partie avec Daniel, et ce fut le cas la première journée, mais en voyant l'heure à laquelle je suis rentré à la maison le premier soir j'ai réalisé qu'il était bien mieux avec elle, avec quelqu'un pour prendre soin de lui. J'imagine qu'elle a parlé des derniers événements à toute sa famille. Ses parents, Molly, peut-être même sa sœur et son frère, et tous doivent être ravis d'avoir eu raison à mon sujet – sauf Molly qui n'est sûrement que déception vis-à-vis de moi. Encore une fois, je ne me sentirai pas le bienvenu où que ce soit. S'il y aura des occasions de croiser la famille Prescott à l'avenir, ce qui est encore incertain. J'aurais pu profiter de ce précieux temps seul pour réfléchir et avancer dans tous mes questionnements afin de savoir exactement quoi faire lorsque la jeune femme rentrera à la maison, mais ce n'est pas le cas. Je stagne, j'en suis toujours à l'exact même point, et mon cerveau refuse d'aller plus loin. Certainement parce que tout mon être sait comment tout ceci a de grandes chances de se terminer et que mon coeur s'émiette encore plus, souffre et se tord cette pensée. Plus le temps passe et plus je la vois partir, de son propre chef ou du mien, ou alors je me vois dans un avion pour l'Angleterre pour oublier tout ce que j'ai vécu sur ce continent comme si rien n'avait existé. Un vague rêve. Mais la seule chose pour laquelle j'ai utilisé ces trois jours, c'est pour m'autoriser à fumer chez moi sans compter -j'en ai bien le droit vu la période- et me servir un ou deux verres de vin pour me détendre. Rien d'aussi débauché que l'autre soir. Juste du vin et des cigarettes pour me tenir compagnie. Il y avait les chiens bien sûr. Les trois tout petits prennent Ben pour le Mont Golden Retriever et s'amusent à lui grimper dessus, lui mordiller des oreilles et lui tapoter le museau. Et lui, lorsqu'il est agacé, donne un coup de truffe ou de patte, mais le seul effet que cela a est d'exciter un peu plus Milo, Sirius et Nunki qui pensent qu'il joue avec eux. Les deux bergers suisses sont en pleine forme et partagent une belle complicité. A eux quatre, il n'y en a jamais un de côté pour se sentir seul. Sauf moi bien sûr, mais je me plais à les regarder jouer. C'est ainsi que je passe le temps jusqu'à l'heure d'aller dormir. Joanne ne m'a pas donné de date de retour, et je ne lui en ai pas demandé. Elle pourrait rester à Perth pour toujours si elle le souhait. Qu'est-ce que j'y pourrais ? Je le lui ai dit, la porte est là, elle la passe quand elle le veut, et je ne la retiendrai pas. C'est toujours le cas. Ce qui me fait mal, c'est que plus je m'éloigne, plus elle s'éloigne, et moins elle me manque. C'est une terrible sensation. Ce soir-là, comme des jours précédents, je m'attends à être seul à la maison. Pourtant il y a de la lumière quand je rentre, et j'avoue que cela m'angoisse. Parce que Joanne a pu réfléchir, elle, de son côté. Elle en a eu le temps. Et il y a des chances pour que nous ayons une de ces grandes discussions ce soir, ou que je trouve ses valises dans l'entrée, ou les miennes, mais qu'importe le scénario ; ça ne sera pas juste une soirée. La jeune femme range la cuisine, comme si de rien n'était. Il reste l'odeur du dîner de ce soir dans le rez-de-chaussée. Je défais ma veste et ma cravate, comme à mon habitude, en approchant de Joanne. Je laisse le plan de travail entre nous deux, j'ai pris l'habitude de lui laisser une distance de sécurité. Lorsqu'elle dit me pardonner, je plisse les yeux, dubitatif. Elle me pardonne, comme ça. A peine deux semaines après que je m'en sois pris à elle, elle passe l'éponge ? « Pourquoi ? » je demande, surpris. Moi je ne me suis pas pardonné. Et cela s'ajoute à la longue liste de choses que je ne me pardonnerai jamais.
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Quelque part, Joanne était soulagée de le voir entier. Pas d'égratignures ou d'oeil au beurre noir. Pas de bras cassé ou de mains coupés. Non, il était toujours entier, il semblait même aller bien. Mieux. Mieux sans elle. C'était peut-être une conclusion trop hâtive, mais c'est ce qu'elle constatait lorsqu'elle le vit entrer à la maison. Jamie respectait toujours une certaine distance entre elle et lui. Il ne voulait certainement pas la voir reculer d'un pas parce qu'il s'était mis trop proche d'elle. Joanne ne pensait pas que c'était le genre de choses sur lequel il prêterait encore de l'attention. Mais il restait méfiant lorsqu'elle lui accordait son pardon, comme s'il ne la croyait pas. Ce qu'elle pouvait comprendre, c'était peut-être trop hâtif à son goût. "Parce que j'y ai pensé ces derniers jours et..." Elle haussa les épaules. "J'ai revu toute notre dispute dans ma tête et... J'ai fini par comprendre que ce n'était peut-être qu'un... juste retour des choses, de tout ce que j'ai pu te faire subir. Tu dis tout le temps que tu n'arrives pas toujours à parler avec des mots, que tu étais plus physique. J'ai fini par me dire que dans ces cas là... c'était ton moyen à toi de dire ce que tu n'arrives pas à placer tes pensées dans tes mots..." Elle haussait les épaules. Le pire, c'est que son raisonnement tenait la route. Elle connaissait Jamie après tout. Et quand c'était dans l'excès, il fallait exécuter des gestes. Que ce soit en lui faisant l'amour ou en la violentant. Ou peut-être que pour Joanne, c'était la seule issue qui leur permettrait d'avancer peut-être un peu, et savoir où ils en étaient. Il y avait certainement un peu des deux. Mais comme on dit toujours, on pardonne mais on n'oublie pas. C'était son cas. Elle déglutit difficilement sa salive et baissa les yeux. "J'en ai un peu discuté avec Nanny." Cette vieille dame restait toujours une oreille attentive quoi qu'en soit la situation. Joanne n'avait rien dit à ses parents pour le moment. Et Molly avait un bon nez, malheureusement pour Joanne, et elle avait deviné ce qui se tramait. Son mari n'avait pas été toujours tendre avec elle, le traumatisme de la guerre l'avait profondément marqué, et détriment de Molly. La jeune femme s'était mise à jouer nerveusement avec ses doigts. "Nous n'avons pas pu beaucoup parlé." finit-elle par dire. Joanne s'efforça de sourire. "Elle était très fatiguée." Ses yeux remontèrent et fixèrent Jamie. "Je ne pourrai jamais plus lui parler." Elle essuya rapidement une larme qui avait coulé plus vite que prévu le long de sa joue. Joanne marqua une longue pause, essayant de contenir au mieux ses larmes. "Nanny n'a jamais voulu me dire qu'elle avait un cancer. Des poumons. Elle n'a jamais voulu être traitée non plus, elle voyait bien que ça faisait plus que de mal que de bien, vu son âge. Elle préférait vivre avec. C'est ce qu'elle m'a dit." Autant tout lui raconter, c'était une personne qu'il avait apprécié. Joanne ne savait pas s'il la portait encore dans son coeur. "Et elle s'est fatiguée un peu plus vite que prévu, c'est pour ça que je suis partie un peu en dernière minute. Elle est partie quelques heures après avoir atterri à Perth. On a pu parler un petit peu." Pour le moment, c'était surtout dur pour Joanne d'assimiler ce qui venait de se passer. Déphasée, elle arrivait à vivre avec et à s'occuper de Daniel comme il le fallait. Son déni était encore un peu là, bien qu'elle avait beaucoup pleuré durant le voyage du retour. "Elle était contente, elle avait pu voir Daniel une dernière fois." Elle n'état pas partie dans la douleur, au contraire, Joanne voyait bien son visage paisible. Molly lui avait dit d'essayer de se mettre un peu à la place de Jamie, bien que la vieille dame ne lui pardonnait certainement pas d'avoir giflé intentionnellement Joanne. Celle-ci se sentit alors encore plus seule qu'elle ne l'était déjà. Cet événement n'arrangeait pas vraiment les choses pour elle. Molly était la personne qu'elle adorait le plus, et maintenant, elle n'était plus là. Elle n'avait plus cette dame exemplaire sur qui s'épauler. Désormais, elle marchait à l'aveugle. Elle allait prendre des décisions sans savoir à quoi s'attendre. Sans dire un mot de plus, Joanne baissa les yeux, et alla s'installer dans le petit salon machinalement. Elle se sentait bête, ça devait se voir sur son visage. Elle se disait qu'elle se fichait peut-être de ce genre de choses, qu'il aurait préféré l'ignorer. Pour elle, ça lui semblait important de partager ça avec lui.
J'ai besoin de savoir si je suis pardonné pour les bonnes raisons. Ce qui est injuste, éventuellement, c'est que je suis le seul à décider quelles sont les bonnes ou les mauvaises raison -et la bonne réponse, c'est qu'il n'y a aucune bonne raison de me pardonner. Alors je suis curieux de savoir par quel subterfuge Joanne n'est persuadée qu'elle peut passer l'éponge sur ce qu'il s'est passé, peut-être qu'à force de mettre de longues manches elle en a oublié ce qu'elle cachait en dessous. Elle s'est donc mis en tête que je n'avais pas que lui rendre la monnaie de sa pièce et que la baffe et les bleus se justifient de cette manière, parce que les mots me manquent lorsqu'il s'agit d'exprimer mes émotions et que celle-là devait absolument s'exprimer par un moyen ou un autre. « Te frapper ? Tu es en train de me dire que c'est une solution que tu excuses et que tu excuserais à l'avenir quand je ne trouve pas les mots ? » Comme si ce n'est qu'un pendant de ma manière de lui exprimer mon amour ? Dans ce cas là si je suis triste et que je ne trouve pas les mots, je pourrais juste me rouler par terre et pleurer comme un bébé. La prochaine fois qu'elle me mettra en colère, je pourrais recommencer et la battre pour que le message passe, puisqu'elle comprend. Elle aura de beaux bleus à des endroits plus stratégiques, parce que les poignets sont décidément trop visibles. Joanne semble être à deux doigts de simplement accepter un statut de femme battue, et ce que je ne comprend pas, c'est pourquoi. Quand elle me décrivait sa vie le jour de notre dispute, cela ne me semblait pas être le genre de vie pour laquelle on accepte d'être frappée. « Joanne, c'est ridicule et effarant. » Voire même effrayant, c'est à se demander ce qui cloche chez elle. A moins que le quotidien de la ménagère des années soixante lui plaise finalement et qu'elle veuille en embrasser absolument tous les aspects, toutes les manières dont les hommes disposaient de leurs femmes. « Tu as raison, je n'avais pas les mots. Je devais te faire comprendre à quel point tu me blessais. Mais ça n'excuse strictement rien. Et ça n'est pas une raison pour me pardonner. » Elle en a parlé à Molly. Encore mieux. Je passe une main dans mes cheveux encore décolorés, m’attendant à un sermon en différé. Mais ce n'est pas ça. Joanne m'annonce que la vieille femme est décédée quelques heures après qu'elle soit arrivée à Perth d'un cancer. Mon coeur se serre. Elle semblait aller bien quand nous étions chez elle. Quelle force faut-il avoir en soi pour réussir à faire bonne figure auprès de ses invités toute une semaine alors que l'on se sait mourant ? C'est bouleversant. Sur le moment, je suis pris d'une telle culpabilité. « Si on met de côté le fait qu'elle est partie en te sachant auprès d'un homme qui te frappe et te rend malheureuse, je suppose qu'on peut dire qu'elle était contente, oui. » je lance avec bien plus de cynisme que ce que la situation tolère. Molly doit tellement m'en vouloir, tellement me détester d'où elle est. Je l'imagine me maudire, et espérer que sa petite-fille me fuit. Je me rend compte de la cruauté et la froideur de mes paroles un peu trop tard, elles sont prononcées. Et ce n'est pas le genre de choses que Joanne a besoin d'entendre. « Ca m'a échappé. » Elle a besoin de se dire que sa grand-mère est partie en paix, pas dans l'inquiétude et la douleur. Je ne sais pas quoi dire, j'ai peur d’aggraver mon cas. Et je ne me vois pas lui dire que je suis désolé, parce qu'elle sait que je déteste ces mots, ils seraient hypocrites, uniquement de circonstances, et de toute manière je n'aurais rien pu faire. Je m'approche et m'assois dans un fauteuil du salon, gardant cette distance de sécurité. Je croise les doigts, ne sachant quoi faire avec. « Qu'est-ce que je peux faire pour toi ? » je demande tout simplement. Un thé, lui trouver un plaid, la laisser parler, m'en aller. Elle peut demander ce qu'elle veut pour se réconforter, comment pourrais-je lui refuser ?
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Et ça ne lui convenait pas non plus. Il n'y avait décidément rien de ce que Joanne disait qui convenait au bel homme. Soit c'était ridicule, soit ça n'avait pas de sens, soit il n'y croyait pas. Elle ne fit que baisser les yeux. Elle aussi était à court de mots. Il admettait que la gifle était pour lui indispensable pour lui faire comprendre tout le tort qu'elle avait causé. Et pourtant, il ne semblait pas vouloir se le pardonner. Aucune excuse n'était valable à ses yeux, et ça restait encore moins pardonnable. Joanne continuait de chercher désespérément une issue, un moyen de savoir s'il est correct ou non de vivre encore sous ce toit. Elle ne savait plus vraiment ce qui la retenait là, et pourtant, elle restait. Joanne lui expliquait ensuite qu'elle avait vu Molly. Et elle fit également comprendre que Molly n'était plus de ce monde et qu'à quelques heures près, Joanne n'aurait pas pu parler avec elle si elle avait pris l'avion suivant. Elle ne s'attendait à pas grand chose de la part de Jamie, mais certainement cette part de cynisme. C'était sorti tout seul de sa bouche, sans avoir été forcé. Non, c'était venu très naturellement. Et ça blessa Joanne profondément. C'était particulièrement dur pour elle d'entendre quelque chose de pareil durant un moment si délicat de sa vie. Il ne faisait que montrer ses mauvais côtés, pourquoi devrait-il se priver désormais ? En tous les cas, si c'était son but, il avait merveilleusement réussi à léser le début de son deuil. A se dire que Molly était partie en se disant que sa petite-fille n'était pas entre de bonnes mains. Oui, bien sûr que ça lui avait échappé. Sans dire mot, Joanne s'installa dans leur canapé, le coeur plus serré qu'il ne l'était déjà. Les larmes coulaient d'elles-mêmes, elle n'avait même pas besoin de crisper son visage d'une quelconque façon pour ça. Elle était surprise de voir Jamie s'installer sur le fauteuil d'en face. Encore plus lorsqu'il demanda ce qu'il pouvait faire. C'était étrange qu'il lui accorde autant d'attention vu que rien ne s'était amélioré depuis. Et pourtant, elle y croyait. Elle voyait en lui cette bienveillance dont elle avait bien trop abusé. Elle ne voulait pas vraiment en profiter davantage, ce serait trop demandé, se dit-elle. Et ce que Joanne voulait vraiment, c'était qu'il la serre dans ses bras. Mais peut-être qu'il serrerait trop fort, et qu'il y aurait de nouveaux bleus. Joanne n'y voyait plus très clair, dans toute cette histoire, elle ne voyait plus rien du tout. [color=#006699]"Tu veux bien... boire un thé avec moi, et rester un peu ici ?"[color] demanda-t-elle au bout d'un moment, la voix éreintée par le chagrin. Une boisson chaude serait la bienvenue. Jamie n'attendit pas davantage pour aller faire chauffer et revenir quelques miutes plus tard avec un plateau. "C'était bizarre, de la voir avec si peu d'énergie. Je ne l'avais jamais vu comme ça." finit-elle par dire, en regardant dans le vide. "Elle peina même à serrer ma main." Ce souvenir l'attrista beaucoup. Elle n'avait jamais vu sa grand-mère aussi affaiblie, dans un si piètre état. "Mais elle était toujours aussi belle, elle arrivait toujours à sourire." Joanne sourit à cette pensée. Cette image là était gravée dans sa tête. "Elle m'a écrit une grande lettre et l'a mis dans une grande enveloppe. C'est épais, il doit y avoir beaucoup de pages." C'était une supposition. "Je ne l'ai pas encore ouverte, je ne pouvais pas..." Elle aurait les yeux bien trop humides pour lire quoi que ce soit, ses yeux n'y verraient pas grand chose. Joanne prit la tasse entre ses mains pour réchauffer ses doigts. "Elle avait les mains toutes froides, à la fin. Plus froides que les miennes." C'était étrange pour elle de sentir une main plus froide que la sienne. Molly lui avait demandé de promettre plein de choses, Joanne avait enregistré chacune d'entre elles. Joanne ne savait même pas pourquoi elle parlait, peut-être qu'il s'en fichait, qu'il ne s'en souciait guère. La tasse à nouveau posée sur le plateau, Joanne plia ses genoux près de son corps et entoura ses bras avec. Elle se sentait seule. "Elle était si belle. Autant à l'intérieur qu'à l'extérieur..." répéta-t-elle alors que ses larmes de crocodile continuaient de couler sans fin.
Qu'est-ce que l'on est censé dire à la personne que l'on souhaiterait ne plus aimer lorsqu'elle perd un être tellement proche et important, quelqu'un que l'on appréciait soi même ? J'ai l'impression d'enchaîner les situations complètement tordues depuis que ce mariage a été annulé. Je ne peux que être là pour Joanne mais je ne sais pas en quelle qualité, comment, ni quoi faire. Je pourrais la prendre dans mes bras, mais ce n'est pas une option. Et je ne sais pas quoi dire, si je suis supposé dire quoi que ce soit. Un peu perdu, je demande à la jeune femme de m'aiguiller, me dire ce dont elle a besoin pour aller mieux, ou du moins, avoir un peu de réconfort sur le moment. Seulement un thé et de la compagnie, cela est dans mes cordes. « Bien sûr. » Je me lève immédiatement pour mettre l'eau à chauffer. En cuisine, lui tournant le dos, je laisse apparaître tout mon désarroi. C'est un décès tellement soudain et surprenant que j'ai du mal à réaliser. J’appréciais Molly, nous avions une certaine complicité pour le peu que nous nous connaissions, mais le fait est que c'était peu. Pourtant c'était tout de même la toute première personne de la famille de Joanne à qui j'ai accepté de me livrer entièrement, quitte à subir son jugement, et cela n'a pas été le cas une seule seconde. Je me suis senti chez elle dans sa maison, en famille. J'ai eu l'impression d'avoir ma place quelque part, et c'est vrai, nous étions plutôt heureux là-bas. Je ne voulais plus repartir. Je respire profondément pour ne pas laisser mon regard s'embuer. Ce n'est pas moi qui doit être consolé. L'eau est chaude, je la verse dans deux tasses avec le thé que Joanne préfère, et même si elle n'aura sûrement pas faim, je prend également quelques petits gâteaux qu'elle aime parfois grignoter quand elle a un petit creux. Parfois la peine ouvre l'appétit. Quand je reviens, la jeune femme est dans le même état, les joues humides. Je me relève rapidement pour lui trouver un mouchoir qui sera sûrement de grande nécessité et le lui tend. Quand je me rassois, je m'installe sur le canapé, à côté d'elle, mais toujours à bonne distance. Je laisse Joanne parler, puisqu'elle semble en avoir besoin. Combler le vide et ne pas rester dans le silence. Je voudrais vraiment la prendre dans mes bras, mais je crois que cela ne lui apporterait aucun réconfort. Je ne lui prend même pas la main et occupe les deux miennes avec ma tasse. « Je sais que je vais sembler égoïste, mais je suis vraiment désolé de lui avoir apporté de la déception sur la fin de sa vie. » Molly croyait en moi, et en nous deux. Elle était persuadée que je rendais sa petit-fille heureuse, et que notre mariage serait parfait. Elle n'aurait pas pu y assister de toute manière. Et maintenant tout est un fiasco. Elle doit tellement m'en vouloir. Je devais prendre soin de Joanne. C'était ma mission de protéger et rendre heureuse cette grande rêveuse, cette belle romantique. Maintenant je ne peux même pas approcher pour l'étreindre. « Je me rend compte trop tard que j'aurais aimé l'appeler pour avoir des conseils. » Peut-être que elle, elle aurait su quoi dire et quoi faire pour m'aider à y voir plus clair et débloquer la situation. Mais il faut toujours que ce soit trop tard, n'est-ce pas ? « C'était quelqu'un de bien. » Un qualificatif propre à l'idée que chacun s'en fait, mais en tout cas elle l'était aux miens. « Elle a eu beaucoup de chance. Elle a eu une belle vie, toujours près de la mer, comme elle le voulait. Des enfants, des petits-enfants, et elle a pu voir son arrière-petit-fils. Une vie complète. » Pas tout le monde a cette chance. Molly n'avait pas voyagé, mais on peut dire qu'elle avait quand même tout fait. Parfois partir en paix n'est pas une question de grandeur dans ce qui a été vécu, mais de la qualité de chaque souvenir que l'on a avec les siens. « Maintenant, je suppose qu'elle est repartie pour un tour, quelque part. Elle va sûrement retrouver son âme sœur et être heureuse dans sa nouvelle vie. » Je le crois. Elle le mérite.
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Le thé était encore bien trop chaud pour elle, pour y goûter. Mais elle pouvait le sentir, et Joanne remarqua l'attention du beau brun quant au choix du thé. C'était celui que Joanne préférait. Ce n'était qu'un simple thé, sans association tirée par les cheveux, mais elle en adorait l'odeur. Elle s'était mise à parler, à dire ce qui lui traversait la tête. C'était assez aléatoire, souvent des souvenirs récents mais avaient déjà énormément d'importance à ses yeux. Molly lui manquait tellement. Il y avait déjà cet immense vide créé par la situation avec Jamie, mais voilà que son âme ressemble plus à des abysses sans fin, qui continuaient encore de se creuser. C'était insupportable de voir le vide en-dessous de ses pieds sans jamais savoir quand serait la chute. Elle avait remarqué que Jamie s'était installé sur le même canapé qu'elle, respectant cette distance minimale entre eux. Joanne n'avait pas changé de position, elle était restée immobile, le regard fixant toujours le même vide. "Je ne sais pas ce qu'elle pense de... tout ça." lui dit-elle. "Elle n'aime pas donné son avis pour ce genre de choses. Ca vire trop facilement au jugement selon elle. Et elle n'aime pas juger les autres." Elle haussa les épaules. "Je lui en ai juste parlé, parce qu'elle voyait bien que ça n'allait pas. Mais je n'ai pas eu de conseils, je n'ai pas eu son point de vue non plus. Tout ce qu'elle pense, et tout ce qu'elle sait, elle l'a emmené avec elle." Molly avait du flair pour ce genre de choses, comme si elle devinait les conséquences de toutes les causes et vice-verse. Un dernire conseil n'aurait pas été de refus, mais la vieille dame voulait certainement faire comprendre à sa petite-fille adorée qu'elle ne serait plus là pour l'épauler comme elle en aurait besoin. Molly était croyante, et disait toujours qu'elle veillerait sur elle d'où elle était. Tout ce qu'elle avait dit à la petite blonde, c'était de ne jamais abandonner, et rien de plus. Joanne venait de perdre le repère le plus important dans sa vie, et cela lui empêchait de savoir où elle était et vers où elle devait aller. Elle était au point mort. Jamie avouait qu'il aurait également apprécié avoir pu parler avec elle, qu'elle l'éclaircisse un petit peu sur la situation. Il s'était pris d'affection pour elle. Jamie voyait le bon côté des choses. Il était vrai que Molly avait eu une belle vie, dans un endroit qu'elle adorait. Sa petite-fille venait toujours en vacances chez elle, même durant les années lycée. Sinon, elle ne sourirait pas tous les jours comme elle le faisait. Joanne l'admirait énormément, c'était un exemple à suivre. Mais elle était une bien piètre élève et elle se sentait très loin de cet idéal. Se contenter de ce qu'elle avait et ne pas en demander plus. C'était ce qu'on lui avait inculqué mais sa paranoïa lui avait fait oublier ces deux traits importants. Joanne songeait à tout cela, et elle était du coup très pensive pendant de longues minutes. Elle ne manquait pas d'être surprise lorsqu'il parlait de la prochaine de la noble dame. "Tu y crois toujours ?" lui demanda-t-elle. Ce sujet de conversation faisait partie de leur fantasme, en quelques sorte. Histoire d'ajouter un peu de magie dans leur relation. Elle ne pensait pas qu'il reviendrait là-dessus, même pour Molly. "Je l'espère vraiment." dit-elle plus tard. "Elle mérite tout le bonheur du monde, et bien plus encore." Un long moment de silence s'imposa, jusqu'à ce que le chagrin de Joanne reprenne de plus belle. "Elle me manque tellement." Ce vide en elle devenait véritablement insupportable. A ses yeux, Joanne avait tout perdu, en l'espace d'une poignée de jours. Et que Jamie ait parlé d'âme soeur la touchait encore plus. Cela ne lui fit que resonger à ce qu'elle avait fait de la sienne. Joanne ne s'en trouvait pas digne. Elle avait l'impression de ne recevoir que la monnaie de sa pièce. Que tout ce dont elle méritait, c'était d'être seule et désespérée. "Je voudrais tant qu'elle revienne. J'ai besoin d'elle." dit-elle en pleurant. "Il y a tant de choses qu'elle aurait encore voulu voir, je le sais. Elle était très curieuse. C'est trop tôt. Elle aurait adoré voir Daniel grandir." Joanne trouverait certainement toujours des raisons pour lesquelles Molly aurait du vivre plus longtemps. Mais ceux qui vivaient encore à ce moment là avait chacun leur part d'égoïsme. Et Joanne n'aurait pas voulu qu'elle la laisse seule. C'était la dernière personne à qui elle pouvait réellement se confier. Mais elle n'était plus de ce monde. Elle devait apprendre à se débrouiller toute seule, à faire des choix et à les assumer par la suite, en y allant totalement à l'aveugle. Et ça la terrifiait, elle pleurait aussi pour ça. Le futur lui faisait affreusement peur. Joanne se doutait d'avance que les choix qu'elle ferait ne seraient jamais les bons. Ce ne sera certainement jamais assez aux yeux de Jamie. "J'aurais aimé qu'elle soit fière de moi. Qu'elle ait pu savoir avant de partir que je pourrai me débrouiller toute seule. Mais me voilà dans le grand bain, sans trop savoir où elle, et sans repère." Jamie devait savoir ce que c'est, il avait certainement du ressentir la même chose en perdant Oliver. Ca apprenait à avoir des responsabilités, mais ça n'apprenait pas le reste. Joanne voulait que ça remarche entre eux. Et recommencer à zéro n'était visiblement pas l'option à choisir. Sauf que pour le moment, elle n'en voyait pas d'autres.
Peut-être qu'il n'était pas très approprié de parler à Molly des problèmes que nous traversons actuellement sur son lit de mort. Sans nécessaire lui mentir et faire croire que tout va bien, simplement ne pas le mentionner. Joanne avait besoin d'une ultime guidance de la part de sa grand-mère, et il n'en fut rien. Mais elle a eu son écoute et sa présence, et la jeune femme en avait autant besoin. Maintenant qu'elle est partie, elle se sent bien seule au monde. Elle aime ses parents, mais ils n'ont pas l'ouverture d'esprit de la vieille femme. Elle ne peut pas compter sur son frère et sa sœur. Sa meilleure amie de toujours s'est envolée. Ses seuls collègues désormais sont à l'autre bout du globe, ce qui n'est pas l'idéal pour aller boire un verre après le travail. Et ce n'est pas dans mon environnement qu'elle parvient à se trouver le moindre proche, parmi les hautes sphères qui la mettent si mal à l'aise. Même son ex-mari a souhaité mettre de la distance. La situation de Joanne me brise le coeur, car j'ai conscience que je n'aide pas vraiment. Moi aussi je me suis éloigné, pour le bien de tout le monde me disais-je. Elle n'a plus de mariage, plus de fiancé, et un foyer bancale. Et ce n'est pas vraiment sur Daniel qu'elle peut se reposer, parce qu'un bébé n'a pas à subir le poids de tout ceci. Si je me sens seul malgré ma grande famille et tous mes amis, ce n'est que parce que je n'ai pas l'impression de pouvoir être compris ou que je ne souhaite pas encombrer qui que ce soit avec mes états d'âme. En revanche, la solitude de Joanne est réelle, et je ne peux rien faire contre ça. Elle seule peut y remédier, ça a toujours été le cas. Maladroit, je ne sais pas vraiment quoi dire pour la consoler. La jeune femme a toujours aimé bercer son esprit de cette fable que nous nous sommes construis, cette histoire de cycle perpétuel, une vie après l'autre. Parfois je m'y raccroche, et d'autres je trouve cela ridicule. « Bah… C'est rassurant d'y croire, tu vois... » Cela donne un sens au choses qui ne semblent pas en avoir, et cela donne un but à chaque vie. Et nous avons tous besoin de savoir où aller. A cet instant, tout doit paraître flou pour Joanne. Tous les chemins dissimulés par un épais brouillard et aucune indication alors qu'elle se trouve à un de ces grands croisements de la vie. Elle n'a jamais eu assez d'assurance pour prendre de véritables décisions, mais elle n'a plus le choix. « On perd tous nos guides un jour. » je murmure après une gorgée de thé. Je pose la tasse sur la table. Bien sûr que je pense à Oliver. Je pense que Joanne doit ressentir la même solitude que celle dans laquelle je me trouvais ce jour-là, le même désespoir et la même terreur. Seul au monde dans un environnement hostile. J'essaye de trouver les mots que j'aurais aimé entendre à ce moment pour ne pas sombrer comme je l'ai fait, mais je ne sais pas s'il aurait été possible de me consoler d'une quelconque manière. « Il faut juste… avancer. Dis-toi qu'il n'y a pas de mauvais choix tant que tu fais ce qui te semble être juste à chaque instant, et si tu es fidèle à toi-même. C'est le plus important. Toujours être fidèle à toi-même et en ce que tu crois. » dis-je avec conviction, parce que c'est ce que j'ai été incapable de faire et c'est ce qui m'a perdu. « Il y a des expériences douloureuses, mais elles mènent toujours à quelque chose qui va te construire pour la suite. » Même si cela fait affreusement mal. La vie sait maintenir la balance et offrir des compensations. Tout n'est pas que malheur, et tout n'est certainement pas que bonheur. On compose avec ce que l'on nous donne. « Fais en sorte qu'elle soit fière, et mets tout en œuvre pour partir de la même manière qu'elle ; sans regrets, et avec le sourire. » Je ne suis pas certain d'être réconfortant en quoi que ce soit. Joanne doit penser que ce sont des phrases toutes faites, du vent pour qu'elle cesse de pleurer. Je pose mon bras sur le bord du dossier du canapé, c'est à peu pas la taille de la distance entre elle et moi. Alors je peux atteindre son épaule du bout des doigts, ou caresser légèrement ses cheveux. « Tu n'es pas toute seule. » Qu'importe ce qu'il peut se passer, je serai toujours là. Nous avons un fils ensemble, nous avons tellement d'amour l'un pour l'autre. Que ça fonctionne ou pas, je serai là pour ces moments.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Dans sa tête, Joanne avait l'impression d'être en constant déséquilibre. Soit elle penchait d'un côté, soit elle penchait de l'autre. Et dans tous les cas, la chute serait longue, et douloureuse. Le deuil était un processus qui se faisait seul. Certains ont besoin d'être entendu et d'autres veulent tout simplement qu'on leur fiche la paix. Elle ne savait pas comment elle allait le vivre, mais sur le coup, ça lui semblait insurmontable. Certains lui diraient de se faire des amis pour qu'elle se sente moins seule, mais ceux qui connaissaient Joanne savaient qu'elle n'était pas la plus avenante de tous, et il faudrait des mois, voire des années avant qu'elle n'accorde sa confiance à un ami. On perd un peu espoir lorsque la personne avec qui on se sentait le plus proche s'évapore dans la nature sans explication, sans un au revoir. Joanne en voulait à Sophia. Peut-être que le fait de ne plus vraiment placer sa confiance en qui que ce soit était partie de là. Joanne se disait qu'elle ne devait pas réellement compter si sa meilleure amie avait décidé de quitter ainsi le pays sans une lettre ou un quelconque message. Reever et Juliet, c'était pareil. Elle ne pouvait plus vraiment compter sur eux. Et dans toute cette histoire, il y avait Daniel qui comptait constamment sur elle. Alors oui, elle préférait se bercer dans l'imaginaire en croyant que Molly allait être réincarnée, avoir une nouvelle vie, quelque part. Néanmoins, Joanne tentait de ne pas y mettre trop d'attaches, elle avait peur de se perdre dans ce tumulte de fantaisie. Jamie était certainement le mieux placé pour savoir ce que c'est, de perdre un être que l'on aimait plus que tout. Il avait une idée de ce qu'elle vivait sur le moment, bien que tout être vivant vivait à sa propre manière le deuil. C'était singulier pour chacun. Elle ne doutait pas de la sincérité de ses paroles, elle était même persuadée qu'il s'agissait là de conseils précieux et à garder en mémoire. Mais sur le moment, Joanne ne savait pas comment elle pouvait avancer, ni quelles décisions prendre. Parce qu'il y en avait tout un flot à prendre, et elle n'avait jamais été aussi perdu. Il fallait être fidèle à soi-même, mais elle ne savait plus vraiment qui elle était. Il fallait être fidèle en ce qu'elle croyait, mais elle ne savait plus où mettre sa foi. Mais si Joanne n'arrivait pas à faire ce premier pas vers l'avant, le deuil serait problématique. S'il est problématique, il finirait pathologique. Et les conséquences pourraient être irréversibles. Selon Jamie, cela restait tout de même un élément pour mieux reprendre ensuite, et continuer à construire. C'était étrange d'entendre ça de sa bouche alors qu'il avait clairement souligné auparavant qu'elle ne savait que détruire. Elle venait à se demander s'il ne se fichait pas d'elle. Joanne se disait que tout était déjà foutu. Elle avait déjà une masse de regrets et elle doutait fort que Molly soit fière de quoi que ce soit. Et avoir ça en tête ne faisait que décupler son chagrin. Joanne eut une soudaine envie de boire de l'alcool. Pour oublier. Sur le moment, cette idée fut on ne peut plus tentante. Mais Jamie effleurait son épaule, et frôlait quelques mèches de ses cheveux du bout des doigts. Il disait qu'elle n'était pas seule, et pourtant il s'évertuait depuis des jours et des jours à rester le plus loin d'elle possible tout en vivant sous le même toit. Elle tourna la tête vers lui. Il avait l'air sincère, mais elle savait qu'il était un pro pour cacher ses véritables sentiments. Les doigts de Jamie était toujours très proches de son visage. "Vraiment ?" lui demanda-t-elle, la voix enrouée. Elle préférait qu'il soit honnête avec elle et qu'il dise que ça lui est un peu égal plutôt que de lui faire croire ce genre de choses. Des choses qui l'apaiseraient un peu. Joanne finissait par se dire que la seule chose qu'ils avaient encore en commun, c'était Daniel. Elle pensait que Jamie n'était plus amoureux d'elle, que cette période là était révolue. Et pourtant, la bague n'avait toujours pas quitté son collier. En le voyant avoir le bras le long du dossier, Joanne avait envie d'être dans ses bras. Mais cette peur permanente qu'elle ressentait refoulait toujours ce genre d'idées. "Est-ce que je peux..." Joanne s'arrêta en plein milieu de sa réponse. Elle avait besoin de sentir sa chaleur tout autant qu'elle craignait que son bras finisse par la serrer trop fort. Elle tourna à nouveau sa tête pour regarder en face d'elle. "Non, rien." dit-elle tout bas. Et soudain, les pleurs reprirent de plus belle. "Je n'aurai jamais du lui dire que ça n'allait plus entre nous, elle n'aurait pas du partir en sachant ça. J'ai été tellement égoïste." sanglota-t-elle. Joanne se haïssait tellement, à cet instant-là. Elle se maudissait et s'insultait à voix basse sans la moindre retenue. "Je ne suis qu'un monstre, un horrible monstre. Rien de plus. Pas même une maman, ni une amie, ou...qu'importe. Juste le plus horrible des monstres." Elle ne parlait pas d'être fiancée, en couple, elle était incapable de décrire sa situation amoureuse en ce moment. Comme tout le reste, c'état immensément flou.
Joanne n'est pas complètement seule, et même si ma compagnie n'est pas la meilleure qui soit actuellement, elle n'a pas mieux, et surtout, elle n'en a pas d'autre. Je pense qu'elle s'y accroche en désespoir de cause ; si elle le pouvait, elle irait pleurer ailleurs, auprès de quelqu'un dans les bras de qui elle n'aura pas peur de se blottir. Je suis une épaule par défaut pour elle, au final, mais ça n'est pas grave, je l'accepte. « Je suis là. » je lui assure. Elle a approché mes doigts de son visage en tournant la tête ; désormais, ils frôlent sa joue délicatement, comme un faible courant d'air sur sa peau. « Je suis toujours là. » Je ne pourrais pas être ailleurs, ou fuir et la laisser seule face à son chagrin. Ca n'est pas moi. Et épauler, c'est ce que les gens font lorsqu'ils s'aiment, lorsqu'ils se soucient de l'autre. Qu'importe si je ne peux pas faire grand chose, l'idée c'est d'essayer quand même. Sa question avortée me fait froncer les sourcils. Je ne saurai jamais ce qu'elle voulait demander. Et alors que je la pensais un peu apaisée, son chagrin reprend et les larmes coulent à nouveau. Je ne pourrai pas l'empêcher, il faut que ça sorte. Je me contente de caresser ses cheveux en espérant que cela lui soit un peu agréable. « Nous sommes tous des monstres. Nous sommes tous égoïstes. Nous faisons tous des choses que nous regrettons amèrement. Nous faisons tous tout foirer un jour ou l'autre. Ca ne sert à rien de se focaliser là-dessus, strictement à rien Joanne. Tu continues de vivre, c'est tout. Tu n'es pas pire que qui que ce soit. » Il faut qu'elle l'accepte, elle ne sera jamais parfaite. Elle ne plaira jamais à tout le monde, elle fera des déçus. Elle ne peut pas s'arrêter à ça, sinon elle ne vivra jamais. Mais ce n'est pas la première fois que j'essaye de le lui faire comprendre. Trouvant cela raisonnable, et puisque la jeune femme s'obstine à garder le regard baissé, je quitte le canapé pour me mettre à genoux devant elle. Je ne fais que poser mes mains sur les siennes, et cherche à capter ses iris bleus. « Molly t'aimait, et tu étais là pour elle. Ne sois pas égoïste en faisant tourner sa mort autour de toi. Ce n'est pas à propos de toi. » Pas uniquement en tout cas. Elle peut avoir peur et se demander ce qu'elle fera maintenant que son guide n'est plus là, mais elle ne peut pas faire graviter cet événement uniquement autour d'elle. Ce n'est pas ainsi que l'on honore la mémoire de qui que ce soit, surtout pas une personne aussi proche et dévouée. « Tu te sentais perdue, tu voulais un conseil avant qu'elle ne puisse plus t'en donner, je suis certain qu'elle l'a compris. Et ça n'était pas le plus important, parce qu'elle était entourée de ceux qu'elle aimait. Elle n'est pas morte seule, ni malheureuse, et elle a choisi de partir en te laissant une chance de te débrouiller par toi-même parce que c'était sûrement la meilleure chose qu'elle puisse faire pour toi. Ne gâches pas ça. » Il y a certes de la fermeté dans mes paroles, afin de l'aider à se reprendre, parce que ce n'est pas en m’apitoyant avec elle sur son sort que je la ferais avancer. Joanne est bien trop capable de s'enfoncer encore et encore, et il est hors de question qu'elle vive un semblant de ce que j'ai vécu. Elle n'est pas forte, elle va se sentir brusquée, même si ma voix reste douce, elle va sûrement m'en vouloir de ne pas pleurer avec elle, mais ça n'est pas mon genre. Même si j'avais dit que j'arrêterais, je ne peux pas m'empêcher d'essayer de la tirer vers le haut, afin qu'elle ne se noie pas. Faute de mieux, c'est l'unique contribution que je peux avoir dans son deuil.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il était là. Il était bien là. Joanne voyait dans ses yeux que ce n'était pas un effort, une obligation pour lui. C'était normal qu'il soit là à une période extrêmement difficile dans sa joue. Elle appréciait sentir ses doigts sur sa joue. Il touchait à peine sa peau, mais c'était agréable. Il avait toujours les mains aussi chaudes et elles ne l'effrayaient pas sur le moment. Après avoir avorté l'envie de lui demander si elle pouvait se blottir contre lui, Joanne fut prise d'un vif sentiment de culpabilité. Des choses qui selon elle n'auraient pas du être dites durant les dernières heures de la vie de Molly. Ce n'était pas nécessaire, c'était un mal dont la vieille dame aurait pu se passer avant de partir. Et Joanne s'en voulait terriblement, ne lui faisant que comprendre davantage qu'elle était très loin d'être une bonne personne, quelqu'un à fréquenter. Jamie jugeait bon de lui rappeler qu'elle n'était pas la seule égoïste sur cette planète, que tout le monde avait cette part monstrueuse en soi, et qu'elle ne sortait pas du lot, pas plus que les autres. Et elle devait arrêter de rester figée sur les mauvais événements de sa vie. Elle stagnait et pourrissait sur place, ça ne lui était en rien bénéfique. A se demander ce qui la retenait là. Elle-même n'en avait pas la moindre idée, mais elle se sentait être prise au piège. Jamie finit par se mettre à genoux devant elle. Il fut particulièrement minutieux et délicat lorsqu'il déposa ses mains sur les siennes. Ce contact ne faisait pas peur à Joanne, bien au contraire. Elle espérait savoir tirer comme lui les bonnes choses, même dans les moments les plus tristes qui soit. Il avait cette même énergie qui venait d'on ne sait où que Molly. Il n'aspirait qu'à ce qu'à ce que la jeune femme parvienne à se débrouiller seule, et c'était ce que la vieille dame aurait voulu aussi. Toutes les paroles de Jamie prenaient sens, peu à peu. Elles étaient peut-être un peu fermes, mais pas dures pour autant. C'était une sorte d'électrochoc délicat pour la pousser à avancer. Joanne laissa passer quelques minutes, et les pleurs se faisaient moindre. Elle hoquetait encore, mais le plus gros du chagrin était pour le moment passé. Elle avait les yeux rivés sur les mains de Jamie. Leur complicité lui manquait subitement. "Il faut continuer, alors." finit-elle par dire après quelques minutes de silence. "Il faut que j'avance. Pour la rendre fière." Joanne espérait aussi qu'elle puisse le rendre fier lui, bien qu'il ne voudrait certainement plus ressentir ce genre de choses pour elle. Il n'avait certainement pas de quoi être fier d'elle, ça n'avait aucun sens "Il faut que je me débrouille." Qu'elle parvienne à décider d'elle-même, faire des choix qui lui ressemblent et qui lui correspondent. "Ca semble si difficile, si compliqué." L'esprit embrumé par le deuil, alors que le paysage était déjà indétectable, rendait son avenir d'autant plus effrayant. "Mais il faut que j'y arrive. Pour le bien de Daniel, pour qu'on arrive à s'en sortir. Peut-être un peu pour moi aussi." Ca lui semblait si égoïste de dire ça. Elle haussa les épaules. Jamie avait toujours autant de faciliter à maintenir son regard, à le capter et à s'en saisir jusqu'à ce qu'il veuille bien le lâcher. "Je vais bien y arriver. Si tous les autres y arrivent, pourquoi pas moi ?" Il n'y avait pas vraiment de raison, bien que son esprit mal conçu lui donnait du fil à retordre. "Je ne voudrais pas qu'elle soit déçue de moi, où qu'elle soit." Elle avait déjà brisé le coeur de Jamie. Avoir la déception de sa grand-mère sur le dos serait un bouquet final. Sans qu'elle ne s'en rende compte, Joanne s'était mise à serrer un peu les mains de Jamie avec les siennes. Il avait parlé de chance un peu plus tôt. Joanne se rendait compte que c'était la dernière chance qui lui restait de se redresser. Elle voulait sécher ses larmes, mais ses mains étaient sous celles de Jamie, et pour rien au monde elle ne voulait les déloger d'où elles étaient. Joanne avait envie d'y arriver, cette fois-ci. Mais avec beaucoup plus de détermination que les fois précédentes. Parce que c'était quelque chose sur lequel elle pouvait se raccrocher, et ça la rassurait.
Au moins, elle ne retire pas ses mains. J me demande si c'est parce qu'elle souhaite les laisser là, ou si elle est simplement trop pétrifiée pour les bouger, de peur que je les rattrape trop brutalement. Pourtant, elle peut se glisser hors de ma portée quand elle le souhaite, je ne cherche qu'à illustrer mon soutient par ce geste. Qu'elle sache que je ne mens pas, je suis bien là, avec elle. Même si mes paroles peuvent déplaire et sembler dures, c'est mon rôle de la secouer un peu et maintenir sa tête hors de l'eau. Oui, maintenant elle est dans le grand bain, et elle doit continuer seule. Oui, c'est effrayant, mais elle ne peut pas rester plantée là. Mon regard reste dans le sien, bienveillant, jusqu'à ce qu'elle soit tant plongée dans ses pensées que ses yeux se posent sur nos mains. Je lui laisse ce silence, sans savoir si je dois bouger ou non. Alors je reste là, j'attends n'importe quel signe. Une nouvelle crise de larmes peut-être, juste un mouvement de tête, un rictus. Ses yeux sèchent doucement, ses joues restent rougies par le chagrin. Sa voix est un peu enrouée, elle parle tout bas, surtout pour elle-même. Pour s'encourager. A croire que nous avons tous besoin de rendre fier quelqu'un pour se sentir valorisé, un regard approbateur pour nous dire que nous sommes sur la bonne voie. Puisqu'il en faut un, à cet instant, elle aura le mien. J'acquiesce d'un signe de tête et lui souris légèrement ; elle peut se débrouiller, ça ne sera difficile qu'au début, et si toute sa vie elle aura des moments où elle souhaitera pouvoir simplement passer un coup de fil à Molly pour avoir son avis, elle devra s'en passer, et toujours avancer. Être fidèle à soi-même est une ligne de conduite qui s'apprend difficilement, l'on peut toujours tant plaire à tout le monde. Alors que le seul regard qui compte est celui que l'on pose sur soi-même. Du peu que j'ai connu Molly, elle ne sera pas déçue si Joanne s'y tient. « Bien. Je préfère entendre ça. » dis-je avec une pointe d'enthousiasme pour encourager cet élan. Sur le coup, je me redresse un peu et glisse une main derrière la tête de la jeune femme pour approcher son visage du mien et déposer un baiser fier sur son front. La seconde suivante, je sens un terrible malaise. Le geste n'était peut-être pas approprié, je n'ai pas réfléchi. Trop intime, trop affectueux, je n'en sais rien. Trop de quelque chose qui a disparu. Je scrute le visage de la petite blonde pour y déceler une réaction, en espérant que ce ne soit pas de la peur vu que l'attention était fort soudaine. Lentement, je dégage ma main de ses cheveux, et je finis par croiser les bras pour ne plus être tenté de faire quoi que ce soit de ce genre. Je devrais faire ça en compagnie d'Hannah aussi. Porter une camisole, quelque chose dans ce goût-là. Ne rien toucher que je puisse détruire. Nerveux, je me prince les lèvres puis je me lève mais reste bêtement sur place. Maintenant, je ne sais pas quoi dire d'autre. « Hm… Peut-être que tu veux être un peu seule maintenant, je... » Oui, peut-être qu'elle souhaite avoir un moment tranquille. Histoire de vider ce qui lui reste de larmes sans se sentir épiée par qui que ce soit. Parfois la solitude est nécessaire. Elle n'a plus besoin de moi pour ce soir. Le deuil ne se fera pas en un jour, il prendra du temps, et je ne peux rien faire d'autre. A moins que Joanne ait encore envie de compagnie, mais j'en doute, pas de la mienne. « Je devrais aller me coucher. Tu le devrais aussi. » La journée a été longue, la soirée aussi, sans oublier que la jeune femme revient d'un long voyage. La fatigue ne fait que rendre plus triste après tout. Elle devrait se reposer.