La voix fluette de Grace souffle délicatement près de mes oreilles et me tire avec autant de douceur hors de ces songes dont je ne me souviens déjà plus. Ma respiration tranquille et profonde reprend un rythme éveillé, et mes muscles retrouvent lentement pleine conscience d'eux-mêmes. Je m'étire un peu ici et là, une épaule, un orteil, un bras, et me frotte le visage afin de me tirer de cette somnolence. Un petit grognement fait comprendre que je sais bien pour quelle raison il nous faut nous lever, même si les servants sont là pour plier nos bagages à notre place. Il y a bien quelques formalités à formuler, les au revoir à faire en personne, le tout avec une toute nouvelle couronne sur la tête. Je réalise petit à petit que rien ne nous couvre, ni elle ni moi, et que c'est cette chaleur de l'épiderme de Grace qui tiédit les draps, son odeur qui les rend si difficiles à quitter. Machinalement, je serre tendrement la petite blonde contre moi lorsqu'elle se blottit dans mes bras et je dépose le premier baiser de la journée sur son front. « Ce n'est malheureusement pas une habitude à prendre... » je murmure d'une voix encore grinçante et rauque. Si il servant fait un jour du zèle et entre dans nos appartements alors que nous ne sommes pas vêtus pour la nuit, l'image ne risque pas d'être du meilleur effet. Il n'y a que le petit peuple pour avoir le droit de dormir nu. Grace est la première vêtue et elle se rend immédiatement dans la pièce annexe où notre fils se trouve, gardé par sa nourrice. A mon tour, je me lève et m'habille de suite pour la journée, tout de rouge vêtu de la tête aux pieds. « Comment se porte mon garçon ? » je demande en pénétrant dans la petite chambre avant d'extraire le bébé des bras de sa mère afin de le saluer à mon tour. Ses paupières s'ouvrent difficilement et ses membres recroquevillés ont bien du mal à s'étirer. Je caresse tendrement sa joue et m'amuse à jauger la différence de taille entre sa si petite main et mon si gros doigt dont il se saisit. « Tu es déjà bien fort. » je murmure avec un sourire. Puis je le rends à Grace dans un geste un peu maladroit. « Je dois trouver le roi pour lui annoncer notre départ. J'aimerais voir Ippolita aussi. Nous nous retrouverons plus tard. » J'embrasse furtivement mon épouse et la laisse pour le reste de la journée, sachant déjà que nous n'aurons pas l'occasion de nous croiser avant le dîner et notre dernier banquet au sein de la Cour du roi à Bologne. Elle supervisera l'empaquetage de nos affaires pour le long voyage qui nous attend. « Nous partons demain. » j'annonce au souverain qui n'émet aucune objection et se réjouit même de nous savoir au plus vite sur notre trône de Naples, prêts à le représenter et le servir comme il se doit. Il avoue que je lui manquerai et laisse transparaître un peu du respect et de l'admiration qu'il a pour ce Némésis sous sa botte. Il a souvent répété, durant notre séjour, que dans d'autres circonstances nous aurions pu être les meilleurs des amis. J'annonce également ce départ à Ippolita que je trouve dans son cabinet, jusqu'alors plongée dans un livre. « Si tôt ? Nous aurons à peine eu le temps de parler de nos projets. » « C'est pour ça que je suis ici. » La jeune femme m'indique une assise sur laquelle m'installer le temps que nous discutions de ces plans qu'elle ne cesse de remettre en question par ses actes. Avec la méfiance qu'elle m'inspire désormais, je vois la fausseté de son sourire et de toutes ses expressions, et je me trouve sot s'y avoir cru auparavant. Sa beauté m'a induit en erreur comme tous les autres. « L'avez-vous tué, Ippolita ? Mon frère. » je demande sans tourner autour du pot. Je dois en avoir le coeur net, et peut-être saurais-je enfin à quoi ressemble le regard de la Sforza lorsqu'elle me ment. C'est pourtant la vérité pure qui traverse ses lèvres roses avec cet air ingénu que je ne saurais expliquer ; « Oui, je l'ai fait. » Mon coeur se serre. J'ai marié Francesco à son bourreau, et nous étions si heureux de cette alliance qui lui a finalement coûté la vie. Ce temps-là semble si loin aujourd'hui. « Et vous m'avez empoisonné avant ça, n'est-ce pas ? » Elle sourit à nouveau, discrètement, et hausse légèrement les épaules avec cette grâce peu commune et cette fluidité dans chacun de ces gestes qui la rendent parfois terrifiante tant elle ne semble douter de rien et maîtriser absolument tout. « C'était moi. Avec un peu d'aide d'Anatoli. » Mes yeux s'arrondissent. Voilà que le dernier de mes alliés dégringole dans mon estime. Il m'a poignardé dans le dos, lui aussi. Dieu m'en garde qu'il eut préféré s'en prendre à Grace plutôt qu'à moi. Je ne comprends pas son geste. « Il n'a pas supporté et vous a finalement apporté un médecin. » C'est l'unique raison pour laquelle il a tant insisté et même risqué sa place auprès de moi, sa conscience revenue au galop le poussant à faire ce qui est juste et ne pas me laisser mourir. Ippolita me laisse digérer l'information pendant quelques secondes silencieuses. « Vous ne demandez pas pourquoi ? » interroge-t-elle finalement en arquant un sourcil, si certaine d'être trop subtile pour l'esprit rustre d'un homme. « Je sais déjà pourquoi. » Vivant, ma régence l'empêchait un plein accès au trône de ce sud italien que son mariage lui garantissait seulement après ma mort. Puis mon rapprochement du roi a fait de Francesco le boulet dont elle devait se séparer afin d'aller de l'avant, puisque, comme elle le prédisait, le royaume de Naples me serait tout acquis et aucun des territoires gagnés ne lui reviendrait finalement. La solution de repli était forcément au nord du pays, mais elle avait un mari en trop pour s'y hisser. « J'ai joué franc jeu avec vous Celso, maintenant à vous de me donner quelque chose. » Et malgré tout ceci, elle demeure la seule personne à pouvoir m'aider à obtenir ce que je veux. La jeune femme en a pleinement conscience. Même en sachant la vérité, je suis coincé, je n'irai nulle part sans elle. « Grace consent à ce que nous arrangions un mariage entre nos enfants et les vôtres, lorsque vous en aurez. » Elle se met à rire. Ridicule proposition que voilà. « Il n'est pas question que j'enfante pour ça. Je vaux mieux que ça. » Alors ses intentions sont évidentes, le plan est le même que la fois précédente, et celle d'avant. « Vous allez tuer Pedro aussi. » Une flamme étrange brille soudainement dans le regard d'Ippolita qui lâche son livre pour me prendre les mains, prise de quelque passion pour ce plan qui devrait se dérouler à la perfection, n'aimant décidément que son propre intellect et son génie meurtrier. « Donnez-moi quelques mois, et il n'y aura plus que nous deux. Et rien pour nous arrêter. » Mon silence suffit à lui donner sur un plateau l'accord tacite de faire tout ce qui lui semblera nécessaire de faire. De toute manière, qu'importe à quel point sa morale est discutable, je ne peux que la laisser mener à bien ses exécutions en veillant désormais à ce que ni moi ni ma famille ne nous ajoutions à son tableau de chasse. Désormais je sais à quel point elle est imprévisible et implacable. Je la laisse sur ce et termine d'arranger notre départ jusqu'au soir où je rejoins Grace à table dans la grande salle. Elle ne saura rien de mon entretien avec la Sforza, ce sont des inquiétudes qui n'ont pas à planer sur son esprit, et de toute manière, elle désapprouverait férocement. « J'aimerais passer par Florence avant d'aller faire nos au revoir à Tricarico. » ds-je alors que nous sommes servis en vin. « Il y a quelqu'un là-bas que j'aimerais te présenter. La fille de mon précepteur chez les Médicis, ma plus vieille amie. Nous avons grandi ensemble. Elle sera heureuse de vous rencontrer, toi et Francesco, et de savoir jusqu'où nous sommes arrivés. » Cela sera l'affaire d'un ou deux jours, pas plus, néanmoins ce seront un ou deux jours loin de chez nous encore, et peut-être que Grace en aura assez de ces lieux inconnus dans lesquelles elle est ballottée depuis son arrivée en Italie.
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Bien sûr que Grace savait qu'ils ne pouvaient décemment pas se permettre de dormir ainsi dénudé quand bon leur semblait. Il y avait des règles qui passaient bien au-delà de leur propre volonté malgré leur récent titre obtenu. Elle ne commenta pas sa remarque évidente, bien trop occupée à l'admirer émerger doucement. C'était si rare de l'avoir encore auprès d'elle le matin, il se levait tout le temps bien avant elle. Ca en était devenu un privilège. La jeune femme s'était levée pour aller voir son fils, qui se portait très bien. Celso était également venu le voir, pour le prendre dans ses bras et l'admirer également, vantant sa force. Grace observait la scène avec tendresse et affection, touchée qu'il trouve peu à peu une certaine aisance lorsqu'il s'agissait de porter Francesco. Il ne le gardait pas bien longtemps dans ses bras avant de le rendre à sa mère, expliquant qu'il devait s'entretenir avec plusieurs personnes, dont le roi et Ippolita. Elle se demandait ce qu'il pouvait bien vouloir à cette dernière. Et une nouvelle journée sans croiser son époux une seule fois démarrer. Elle passa un certain temps à porter Francesco, à lui parler ou lui chanter une berceuse, jusqu'à ce qu'elle se décide d'aller se vêtir pour la journée. Elle était assez satisfaite de pouvoir à nouveau mettre des corset et retrouver sa taille svelte. Sa robe était verte, avec des broderies florales ici et là. Radieuse, elle aidait ses suivantes à tout empaqueter et à s'assurer de ne rien oublier. C'était sa principale activité. Elle prit un certain temps pour elle, en bouquinant près de la cheminée, appréciant le calme de la pièce, se disant qu'elle profiterait du tumulte de la cour durant leur dernier banquet auprès du roi. Grace était assez triste, peu enthousiaste de changer une nouvelle fois de maison. Elle avait tellement aimé Tricarico, en si peu de temps, elle s'y sentait chez elle, bien plus qu'à Squillace par exemple. Elle n'était pas contre l'ascension et la détermination sans faille de son époux, mais elle subissait les déménagements. Ca en devenait un peu épuisante, et elle commençait à douter de chaque endroit, de se méfier de la sincérité de chaque personne qu'elle puisse rencontrer. Difficile de concevoir un cercle d'amis avec pareils mouvements. Jane et Luisa lui étaient fidèles, jamais elles n'avaient demandé de quitter leur poste. Grace fut bien incapable de dissimuler un sourire triste lorsque Celso mentionna Tricarico, après s'être retrouvé à table pour dîner. Elle resta longuement silencieuse, sentant son coeur se serrer à l'idée de devoir faire ses adieux à cette ville qu'elle aimait tant. "Je te suivrai là où tu iras. J'adorerai faire sa connaissance." lui répondit-elle enfin en passant une main tendre sur sa joue. C'était l'occasion de rencontrer un proche de Celso, une personne qui avait grandi avec lui. "J'adorerai me rendre à la cathédrale. Tout le monde me vante sa beauté. Tout le monde me vante Florence, à vrai dire." On lui trouvera bien un temps pour cela. Grace but une gorgée de vin, se replongeant bref moment dans ses songes. Ippolita apparut alors et se courba gracieusement devant Celso. "Aurai-je l'honneur d'avoir une dernière danse, votre Altesse ?" Elle arpentait toujours ce sourire satisfait, prouvant cette assurance infaillible qu'elle avait en elle. Comme si elle savait exactement ce qu'elle faisait, persuadée que rien ne pourra contrer ses plans, quoi qu'ils soient. "Vas-y." dit la petite blonde tout bas, à son époux. Elle savait qu'il préférait amplement danser avec sa belle, mais Grace n'avait pas vraiment le coeur à suivre la musique. Plus tard au courant du dîner, peut-être, elle n'en savait rien. Alors elle continuait de siroter son vin, à échanger de rares mots avec son voisin dont elle oublierait certainement le nom dès le lendemain. Le sourire n'était que de façade. Celso ne la rejoignit qu'une fois que les plats principaux avaient envahi les tables. A peine fut-il assis sur son siège qu'elle prit sa main dans la sienne, entremêlant leurs doigts. Juste quelques instants, avant qu'ils ne se décident à manger un peu, les odeurs ayant éveillé leur appétit. Elle n'était malheureusement pas très bavarde durant le repas, ayant peu de coeur à dire quoi que ce soit. Ce ne fut qu'une fois qu'ils étaient isolés dans leurs appartement qu'elle se blottit contre lui, le visage niché dans son cou. "J'ai peur, Celso." finit-elle enfin par dire. "Je reconnais être un peu déroutée de changer si régulièrement d'endroits inconnus, et je ne sais pas à qui me fier, si ce n'est toi. Et c'est effrayant." Il savait qu'elle le suivrait quoi qu'il advienne, c'était le choix de Grace, elle en avait pleinement conscience et l'assumait. Mais ce n'était pas facile, pour une femme qui avait si peu voyagé avant qu'elle ne fasse la rencontre de son époux actuel.
Sans avoir l’air d’hésiter, Grace accepte de me suivre une nouvelle fois dans une ville qui lui est inconnue, à Florence dont elle a déjà entendu les nobles vanter les mérites. Il me tarde de présenter Giulia à mon épouse, une des femmes les plus importantes de ma vie. Elle qui sait véritablement d’où je viens et d’où je suis parti, elle qui saura l’ampleur et la difficulté de la quête pour laquelle j’ai quitté la ville et sera des plus heureuses de me voir si près du but. « C’est une femme extraordinaire, tu verras. » Je ne souhaite que pouvoir lui faire part moi-même de toutes ces bonnes nouvelles, mon mariage, la naissance de notre fils, et lui annoncer que le royaume de Naples m’appellera son roi une fois que nous serons là-bas. Je veux voir la fierté dans son regard lorsqu’elle constatera que je ne suis plus le bâtard sans patronyme avec lequel elle jouait autrefois dans la cour du châtelet sous la vigilance de son père. Elle aimera Grace, je n’en doute pas une seconde. Qui ne l’aimerait pas ? Celle-ci formule le souhait de visiter un peu la ville quand nous y serons, afin de comprendre enfin les éloges qu’elle a maintes fois entendus au sujet du paysage florentin. « Eh bien nous irons à la cathédrale, et je te montrerai un peu les lieux que j’ai parcourus en grandissant là-bas. » Quand j’étais frivole mais innocent, loin d’imaginer tout ce que la vie me ferait traverser, ne sachant pas même mes véritables origines qui me feront plus tard parcourir l’Europe de draps en draps. L’air innocente, Ippolita se montre et réclame une danse, la dernière avant des mois. Je m’apprête à la lui refuser poliment mais Grace me fait signe d’y aller. Visiblement, elle n’est guère d’humeur à danser ce soir, autant me joindre à la belle brune. Je la rejoins donc au milieu des autres danseurs en lançant un regard tendre à mon épouse, seule cavalière digne de ce nom à mes yeux. « Nos chemins ne vont plus se croiser avant un long moment… Vous me manquerez. » dit tout bas celle en qui je croyais pouvoir me fier aveuglément jusqu’à aujourd’hui. Qu’il est déstabilisant de comprendre que l’on ne peut décidément compter sur personne. Pas même Anatoli. Quelle déception et quelle solitude. « Je suppose que vous aussi. » je réponds sans conviction uniquement pour avoir la courtoisie de ne pas lui avouer que le plus loin d’elle je me trouverai, le mieux je me porterai. « Vous m’en voulez ? » demande-t-elle avec un petit rire cristallin, digne de la plus innocente des enfants. « Je n’en sais rien moi-même. » je lui avoue. Nous sommes finalement de la même trempe, prêts à bien des sacrifices, des stratagèmes et des manipulations pour grimper plus haut, mais surtout pour survivre, elle en tant que femme dans des institutions machistes, et moi en tant qu’anonyme dans un monde où le nom prédétermine la destinée. Je n’accorde qu’une danse à Ippolita, puis lui embrasse furtivement la main. « Au revoir, Signorina Sforza. » J’espère ne plus la revoir avant, en effet, bien longtemps. Le banquet se passe et Grace n’est guère joviale, néanmoins son sourire de façade rend moins difficile ma tâche consistant à faire une dernière fois bonne figure afin de laisser une excellente impression derrière nous, et si possible, être regrettés. Ce n’est que plus tard que la jeune femme m’intime la raison de son mal être, une fois que nous sommes seuls et sans nul regard pour juger, sans oreilles pour entendre. Mes bras serrent délicatement la petite poupée apeurée tandis que je caresse ses cheveux avec tendresse, la laissant trouver là un refuge et tout le réconfort nécessaires. « Ma petite Lady… » je souffle, prenant le pouls de son désarroi. « Tu n’as à te fier qu’à moi, et à notre famille désormais. Il n’y a que nous qui importons. » Du reste, il est nulle ambition qui permette de réelles amitiés, et parfois les liens de la famille ne sont pas assez pour se mettre à l’abri d’une trahison venue de l’intérieur. « Une fois à Naples, nous ne bougerons plus avant longtemps. » je lui assure. « Si Dieu nous le permet, notre prochain château sera le dernier, et ce sera un palais pour un roi et une reine. » Lorsque mon dessein sera accompli et qu’il n’y aura plus personne entre nous et cette couronne qui nous revient de droit. Lorsque l’ordre sera rétabli, et l’Italie toute à nous. D’un geste délicat, je relève le visage de ma belle, et c’est plein de compassion que je lui murmure ; « Je ne sais que trop bien à quel point cette quête est solitaire, mais tu ne dois pas avoir peur. Je suis là. Je serai toujours là. » J’appose tendrement mes lèvres aux siennes, espérant lui donne au moins assez de réconfort pour la nuit et jusqu’à notre départ. Je sais qu’une fois loin d’ici, elle retrouvera le sourire. « Ce séjour à Bologne t’a rendu bien morose, mon amour. Florence te redonnera des couleurs et de la joie, et Naples te redonnera du courage et te rappellera pour quoi nous nous battons. » J'ai bon espoir qu'elle se sente chez elle dans cette nouvelle ville, qu'elle en aime les richesses et l'art débordant de ses rues, et qu'elle sera, un peu comme ma tante avant elle, de ces dames qui font de leur Cour un haut lieu de savoir, de culture et de joie que le pays entier envie.
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Grace était presque soulagée de savoir que l'on allait lui permettre de visiter un peu Florence. Changer d'air lui fera le plus grand bien, elle n'aimait pas vraiment Bologne pour le peu qu'elle en avait vu. Mais les murs du château et les âmes qui s'y abritaient ne lui inspiraient guère confiance. C'était épuisant, de faire face à ces esprits malins, égoïstes, prêt à tuer son prochain pour poursuivre son ascension en toute sérénité. Celso voulait récupérer ce qui lui était du, et à la connaissance de son épouse, il n'avait assassiné personne pour y parvenir. Toutes ces histoires de complot la dépassait totalement, et elle était assez contente d'être capable de rester éloigné de cette immense pièce de théâtre. La soirée suivait son cours, et la vice-reine avait bien hâte de laisser ces rires et ces danses derrière. Elle n'avait pas tant dansé que ça, étant arrivée enceinte à Bologne. Peut-être que la cour de Naples lui conviendra. Celso semblait en être même persuadé. La jeune femme avait besoin de retrouver un peu de réconfort dans ses bras, partageant avec lui ses appréhensions. Avant de prendre la parole, il avait glissé ses doigts dans ses mèches de cheveux, les caressant avec délicatesse pendant qu'il serrait peu à peu son étreinte afin qu'elle puise tout le réconfort dont elle avait besoin. Qu'elle ne se sente pas seule au milieu de toute cette mascarade. Elle suivait et ne disait pas grand-chose, elle ne tenait pas à se mêler à cette histoire. Mais elle s'inquiétait constamment pour Celso, elle craignait tellement qu'on attente à sa vie une nouvelle fois. Sa position était délicate, elle en avait bien conscience. Et lui serait prêt à faire n'importe quoi pour tenir la promesse qu'il avait faite à sa bien-aimée en lui certifiant qu'elle serait avec lui à la tête d'un royaume, voire même d'un empire. Elle savait qu'il ne perdait pas cette idée-là de vue, prêt à tout sacrifier pour avoir cette précieuse couronne sur sa tête, le rôle qui lui revenait de droit. Il redressa son visage, toujours avec tendresse, pour pouvoir déposer un doux baiser sur le bout de ses lèvres. Il pouvait le regard inquiet de son épouse, mais aussi épuisé et éreinté par la vie à la cour de Bologne. Elle n'était pas heureuse, dans cette cité, et Celso n'eut aucun mal à le constater. Il était persuadé qu'elle adorerait Florence et Naples surtout. Grace caressait silencieusement son visage avec le sien. "Je ne me bats pas vraiment." dit-elle tout bas en glissant une main dans ses cheveux. "J'aime, je chéris, je satisfais, je prie. C'est toi qui te bats pour nous trois auprès de tous les autres." Elle plongea ses yeux dans les siens. "Je ne suis qu'une... assistante. Et une bien piètre conseillère." ajouta-t-elle tout bas en riant un peu. "J'ai hâte de partir loin d'ici." La petite blonde fit glisser ses mains le long du torse encore couvert de vêtement de son époux. Elle avait l'impression de manquer de liberté, dans cette cour-ci. Comme si l'on écoutait la moindre de leur conversation. Elle déboutonna avec lenteurs sa veste, puis l'en débarrassa pour qu'il ne reste que le chemisier sur ses larges épaules. "Nos soirées dans ton atelier me manquent. Nos conversations, où nous pouvons dire tout ce que nous pensons." Même si ça tombait parfois sur des désaccords ou des remises en question, elle avait toujours adoré discuter avec lui, qu'importe le sujet de conversation. Elle lui retira ensuite son chemisier, et effleura son torse du bout des doigts comme s'il s'agissait d'une oeuvre d'art -il en était une, à ses yeux. Elle resta longuement silencieuse dans sa contemplation. "Je suppose qu'aucune d'entre elles n'a jamais véritablement su admirer tes traits." dit-elle tout bas, en restant concentrée sur ses caresses. "Je me demande tous les jours ce que j'ai bien pu faire pour qu'un aussi bel homme que toi ait pu tomber sous mon charme." Ce n'était pas pour rien, qu'il avait un franc succès auprès de la gente féminine. Elle s'occupa ensuite de son pantalon pour le mettre à nu devant elle. Elle se colla contre lui, créant certainement une certaine frustration du fait qu'elle puisse encore être entièrement vêtue. Elle approchait doucement ses lèvres des siennes pour l'embrasser, ou déposer quelques baisers dans son cou. "Faisons en sorte que nous ayons un beau souvenir de notre dernière nuit à Boulogne." vint-elle lui susurrer à l'oreille. "Mon amour..." Elle aimait se laisser envoûter par sa douceur, la chaleur de sa peau. Elle tournait un peu autour du pot en évitant ses lèvres, sachant qu'elle tomberait sous son envoûtement dès lorsqu'elle les aura à nouveau embrassé. Elle détacha délicatement ses cheveux devant lui, il pouvait désormais y entremêler ses doigts.
Grace n’ira véritablement mieux qu’une fois que nous serons loin de Bologne. Changer d’air lui fera le plus grand bien, peut-être même appréciera-t-elle le temps passé sur les routes à voir plus de paysages que cela n’a été le cas depuis toutes ces semaines dans cette ville, cloitrée à la Cour ou dans ses appartements à cause de sa grossesse. Elle verra la fin de l’hiver sur les collines qui séparent Bologne de Florence, elle respirera un air neuf et frais. Même la solitude du voyage peut devenir bénéfique ; en chemin, au moins, il n’y aura que nous, un environnement de confiance auprès duquel retrouver des forces. Pour ma part, je pourrai voir mos fils plus que cela n’a été le cas depuis sa naissance. Ce détour est, à mes yeux, la pause dont nous avons besoin avant de prendre nos fonctions à Naples. « Ma reine mérite mieux que le titre d’assistante. » dis-je avec un petit rire. « Tu es… mon bras droit. Et la part de sagesse qui me manque souvent. Tu es le cœur, et je suis la tête. » Voilà une définition qui me plaît bien plus et qui démontre toute notre complémentarité. Caressant tendrement son visage, ma main se retire de sa joue afin de laisser la jeune femme m’ôter la veste au tissu ample et noble qui couvre mes épaules. Après un léger frisson, mon corps s’habitue au feu comme unique source de chaleur « J’aurai un nouvel atelier à Naples, et nous y passerons de longues soirées également. » j’assure à ma belle. « Je pourrai te peindre à nouveau. » C’est sûrement ce qui me manque le plus ; une pièce à moi où je peux être reclus dans mon propre monde, dessiner, peindre, être autre chose qu’un animal politique et me rapprocher de celui que j’étais avant d’avoir un nom et une couronne. Docile comme je l’ai toujours été sous les doigts d’une femme, je laisse Grace me défaire du dernier vêtement couvrant le haut de mon corps. Le silence et la contemplation ne sont pas des facteurs qui me rendent nerveux. Je me suis habitué à ces moments et aux regards posés sur moi ; ils furent pendant longtemps la rare preuve de mon existence. « Elles ne le faisaient pas comme toi. » je souffle tout bas. Les autres femmes n’avaient pas d’amour dans leurs yeux lorsqu’elles observaient une stature bien différente de leurs maris gras et âgés. Il y avait plutôt la même convoitise et le même éclat d’envie que lorsqu’elles se seraient trouvées face à une pâtisserie joliment dressée. Je ne m’en suis jamais offusqué, elles n’étaient pas grand-chose pour moi non plus après tout. Seule Grace s’est imposée dans mon cœur si longtemps fortifié et imperméable à un sentiment trop souvent dévastateur, et la manière dont elle s’y est prise est aussi simple que surprenante ; « Rien du tout. Tu es juste… Grace. » Et avec elle, je me sens juste Celso, entier, complet, aimé comme tel, et cela n’a pas de prix. Toujours sans bouger d’un pouce, la jeune femme est libre de faire ce qu’elle veut de son homme. Elle me met à nu et attise une envie naissante par quelques baisers dans le cou. Mes doigts serrent le tissu qui la recouvre toujours à la recherche de la silhouette en dessous, d’un dos à parcourir ou d’un fessier à empoigner. Lorsque ses lèvres touchent enfin les miennes, le désir ainsi né prend le dessus pour une nouvelle nuit d’amour. Et même si le goût de sa peau, de ses baisers, la chaleur et la sensualité de ses souffles sont toujours les mêmes, les gestes répétitifs entre deux corps qui se connaissent désormais par cœur procurent à chaque fois un plaisir particulier, sans manquer d’alimenter cette passion vivre et cet amour profond.
Nous quittons Bologne au petit matin, dès le réveil. La calèche est déjà prête, elle fut entretenue et même améliorée pendant notre séjour. Nous avons un jour et une nuit entière de route, cela excusera notre départ discret et matinal. Cela n’a désormais plus rien d’étonnant de me voir dormir une grande partie du trajet, bercé par le balancement de la cabine sur ses grandes roues. Lorsque je ne somnole pas, j’observe les montagnes, et quand Francesco est éveillé, je le prends parfois dans mes bras pour lui parler de tous ces grands plans que j’ai pour nous et son futur. Nous arrivons à Florence le matin suivant, aussi tôt que nous sommes partis. Nous ne visitons pas tout de suite, cela attendra un peu, le temps que nous rendions visite à Giulia. Celle-ci nous attend devant la porte de sa maison. A peine ais-je mis le pied à terre que je me jette dans les bras qu’elle me tend et la serre de toutes mes forces. Du moins, autant que son ventre rond apparu depuis ma dernière visite me le permet. « Vice-roi ! Non mais regarde-toi ! » s’exclame-t-elle en saisissant mon visage pour y déposer un généreux baisers sur chaque joue. « Qui te l’a dit ?! » « Tout le monde ! » Elle rit à gorge déployée en me voyant si surpris. « Je voulais te l’annoncer moi-même. » « Tu fais partie de ceux qui sont annoncés avant leur arrivée désormais Celso. » Débordante de sensibilité –et d’hormones- le regard de la petite brune s’embue soudainement ; elle admire ces beaux vêtements dont je suis paré, et embrasse ces grandes mains de souverain avec fierté. « Regarde où tu es arrivé en un an. » « Attends, ce n’est pas tout. » Mise à l’écart par ces retrouvailles, je fais signe à la Lady s’approcher afin que je puisse la présenter, elle et le bébé. « Voici Grace, ma femme, et notre fils, Francesco. » « Celso n’avait que votre nom à la bouche en arrivant l’année dernière, il n’a pas menti à propos de votre beauté. Et ce beau bébé… » Si Giulia a elle-même quatre garçons, dont sûrement un cinquième en route, c’est bien par amour des enfants. Elle se fiche bien que cela déforme son corps et qu’elle ne soit plus la brindille d’autrefois, elle ne voit que l’amour dans le don de la vie, et dans ce que ces vies lui donnent en échange. Trêve d’effusions, l’italienne secoue ses mains sous son visage pour se remettre de ses émotions et retrouve tout son pétillant et son insolence tandis qu’elle nous invite à entrer ; « J’espère que tu ne m’en voudras pas de t’accueillir dans cette humble demeure, tout le monde n’a pas une couronne sur la tête et le palace qui va avec. Vous avez faim je parie, je vais vous servir quelque chose. » La maison ne manque pas d’animation ; les quatre bambins sont des boules d’énergie qui ne pensent qu’à jouer, et avec eux gambadent partout les enfants que Giulia garde en tant que nourrice. Il y a sûrement un ou deux Médicis dans le lot. Son mari est précepteur, comme l’était son père. Elle n’a jamais songé à vivre une autre vie que celle-ci qui la rend heureuse. « Où est Giovanni ? » « Je n’en sais rien et je m’en fiche ! » D’un pas rapide, nous faisons le tour du patio à l’ombre de la colonnade qui le borde ; les enfants s’amusent avec la neige tombée sous le ciel ouvert et deux d’entre eux glissent juste devant nous en se chamaillant. « Mario et Dario, un peu de tenue. Qu’est-ce qu’on dit ? » « Bonjour votre Majesté ! » Et sans plus de cérémonie, ils retournent à leur bataille tandis que nous entrons dans une salle à manger à la table bien garnie pour le petit-déjeuner.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
L'enthousiasme dans la voix de Celso, à l'idée de posséder à nouveau un atelier dans lequel il pourrait s'enfermer pendant de longues heures de son temps libre était à peine dissimulé. Il se réjouissait également de représenter à nouveau sa muse sur une toile. Il pourra à son tour admirer ses traits et sa silhouette à sa propre manière, alors que la jeune femme préférer le toucher, passer délicatement ses doigts sur son torse chaud. Elle ne s'en lassait pas, de le regarder, elle le trouvait si beau. Elle avait d'embrasser chaque parcelle de sa peau, aimer la moindre partie de son corps en l'épousant contre le sien. Ses précédentes conquêtes devaient certainement apprécié d'avoir un amant aussi bien bâti, mais aucune d'entre elles ne s'attardaient autant que son épouse. Il n'était qu'un objet auparavant, allant de lit en lit pour le plaisir de ces dames, et satisfaire ses propres besoins par la même occasion. Son statut lui avait permis une certaine liberté, et voilà qu'il avait épousé une femme qu'il aimait plus que tout, non écoeuré par sa silhouette disgrâcieuse juste après son accouchement, prêt à attendre des mois durant avant de pouvoir la retoucher au lieu d'aller voir ailleurs. La jeune femme venait à se demander pourquoi il avait jeté son dévolu sur elle. Pour lui, rien de particulier, il aimait juste la femme qu'elle était. Sa beauté, son esprit. La suite de la nuit tradusait une nouvelle fois les sentiments qu'ils avaient l'un pour l'autre. Ils n'avaient besoin de rien d'autre que leur propre coeur pour le montrer.
Quitter Bologne lui semblait être salvateur. Le regard de Grace s'échapper souvent en regardant les paysages. Elle adorait la campagne italienne, et tomba littéralement sous le charme de la Toscane et de ses vastes champs. Celso, lui, profitait de n'importe quelle occasion pour avoir leur fils dans les bras, comme s'il cherchait à rattraper tout le temps perdu. Il avait déjà plus d'aisance à le porter, à le tenir de différentes façons. Florence aux lueurs du matin était magnifique. La jeune femme tomba très rapidement sous le charme de la cité alors qu'elle ne l'avait pas encore visité. C'était à peine descendu de la calèche que Celso se précipita dans les bras de son ami. Grace restait un peu en retrait, son fils emmitouflé dans d'épais tissus dans ses bras. Ses yeux admiraient la bâtisse, les rues, les gens qui y passaient. Jusqu'à ce que son époux ne l'interpelle, afin de la présenter à son amie Giulia. Grace s'inclina poliment, un sourire amical sur ses lèvres. L'hôte ne tarda pas à les faire entrer, afin qu'ils soient bien au chaud. Bien que la mère de quatre enfants trouvaient sa demeure modeste, la petite blonde la trouvait parfaite. "J'ose espérer qu'il a tout de même su parler d'autre chose." répondit-elle avec un sourire amusé. "Pas vraiment, non. Pas dans mes souvenirs en tout cas!" rétorqua-t-elle en riant. C'était chaleureux, par ici, et avec ces enfants qui couraient de partout en jouant. Elle ne manquait pas de vie, une vraie vie de famille. Les enfants faisaient rire Grace, avec leur chamaillerie. Ils saluèrent succinctement Celso avant de retourner à leurs occupations. "Je vous en prie, installez-vous !" dit la bonne femme lorsqu'ils arrivaient dans leur pièce principale. Jane aida sa maîtresse à se débarrasser de son épais manteau, et découvrit également un peu Francesco afin qu'il n'ait pas trop chaud. Grace le gardait précieusement dans ses bras pour le moment, toujours de bout à faire quelques pas dans la pièce, à regarder par les fenêtre pour voir sur quoi elles donnaient. "Grace, j'ai fait préparer une chambre pour votre enfant. Une pièce bien chaude avec d'épaisses couvertures." "C'est bien aimable à vous, merci beaucoup." Elle confia alors Jane pour qu'elle aille le coucher. "Dario va vous montrer où ça se trouve, tiens !" s'exclama-t-elle avant d'appeler son fils, alors peu enthousiaste de se voir inventer guide. Grace était à la fois surprise mais aussi amusée des familiarités de Giulia. Elle appréciait ses mimiques et sa manière de parler, c'était tout naturellement qu'elle permettait à la petite blonde de se sentir bien plus chez elle qu'elle ne l'avait été à Boulogne. A peine les ai rejoint que Giulia l'invita également à table, tout comme Luisa. "J'ai entendu dire que vous aviez fait tout le voyage jusqu'à Boulogne alors que vous n'étiez qu'à quelques mois d'accoucher. Peu de femmes parviennent à faire cet exploit, je n'ose même pas imaginer !" dit-elle en servant les boissons. "Celso ne pouvait décemment pas se passer de moi, et il aurait été bien triste de ne pas pouvoir être là au moment de l'accouchement." "Quel Prince ou Roi voudrait manquer la naissance de son enfant ? Un fils, qui plus est !" s'exclama-t-elle, avec un large sourire en regardant son ami d'enfance. Installée juste à côté de lui, Grace porta une main sur sa joue avant de se pencher pour l'embrasser. Le reste du petit-déjeuner se déroulait dans une ambiance on ne peut plus joviale, avec des mets particulièrement délicieux. Grace avait bon appétit, et se réjouissait d'avance de la visite de Florence.
Giulia a toujours été pleine d'une magnifique énergie positive, irradiant autour d'elle comme une étoile des plus brillantes. Chaleureuse, pleine de joie et de malice, son regard pétille constamment et son sourire ne la quitte quasiment jamais. Si ce n’est pour réprimander les enfants, petits et grands. Son coup d'œil en dit long sur la superficialité de la description que j'avais faite de Grace en passant ici l'année dernière, ce dont je m’offusque avec les pommettes rougies. “C'est faux ! Je lui ai bien entendu parlé de ton esprit, de ta… Férocité vis à vis de tes prétendants, et du fil que tu n’as donné à retordre.” je me défends auprès de celle qui est désormais mon épouse. Je suis certain d'avoir mentionné plus que sa blondeur et ses beaux yeux bleus, son adorable sourire et sa moue ingénue et malicieuse. N'est-ce pas ? Une fois à l'intérieur, installés confortablement, Grace est escortée par l'un des garçons jusqu'à la chambre que Giulia a préparé avec soin pour le bébé. Pendant ce temps, je me penche vers mon amie avec un sourire satisfait. “Le roi a accepté d'être le parrain de Francesco.” Ses yeux s'arrondissent. “Le roi ?” Son sourire en devient de plus en plus large pendant un instant. “Tu l’as appelé comme ton cousin alors, le petit.” Mon regard se baisse, mes lèvres se pincent. “Mon frère. Il est mort le mois dernier. Il a été empoisonné. Comme je l'ai été.” Par la même personne qui est actuellement une de mes rares alliées, mais cela, elle n’a pas besoin de le savoir. La politique ne l'intéresse pas vraiment, elle a cela en commun avec Grace. “J'en ai eu vent. Un Borgia miraculé, c'est le genre d'histoire qui court comme une traînée de poudre à travers un pays.” Ce qui m'intrigue, c'est la teneur de la réputation que cela m'a donné. Dans le sud religieux et superstitieux, le peuple l'a interprété bien à sa manière en spéculant à propos d'un soit disant pacte avec le diable pour ma survie. Peut-être qu'à Florence, les gens seront plus tempérés. Grace revient et s'installe à table pour se joindre au petit-déjeuner. Giulia ne manque pas de lui faire part de son admiration au sujet du trajet qu'elle a effectué de Tricarico jusqu'à Bologne. “Je lui ai forcé la main, je l'avoue. Je n’imaginais pas le voyage si long et difficile pour elle. Mais elle a eu beaucoup de courage. J’’aurais vraiment trop souffert d'être séparés si longtemps et de manquer cette naissance.” Ce qui se comprend totalement, et c'est le rôle d'une épouse de donner de soi afin d’épargner cette peine à son mari et lui permettre de tenir son premier fils dans ses bras le jour de sa venue au monde. On ne fait pas jour plus important. Un peu fatigués par le trajet, Grace et moi sommes bien silencieux tandis que Giulia fait la conversation avec grand plaisir, monologuant volontiers à propos de ses enfants, de son mari, et me faisant le récit des dernières nouvelles ayant secoué l'histoire de ma famille d'adoption. Tout ce qu'ils espèrent, c'est que le roi chasse bien vite ceux qui ont pris le pouvoir en ville et leur rende leur autorité, ce qui ne saurait tarder. Il s'y est engagé auprès du pape, et maintenant que celui-ci l'a fait empereur, il est temps de tenir parole. “Si vous comptez flâner, je vous conseille de le faire incognito. Celso, tu as laissé des affaires ici la dernière fois, et Grace, je dois bien avoir une modeste robe à vous prêter datant de l'époque où j'avais encore la taille aussi fine que vous. Je prendrai soin de votre petit en votre absence, il paraît que je suis plutôt douée pour ça.” La jeune femme nous adresse un clin d'oeil et file chercher les fripes évoquées afin que nous puissions nous changer. Je retrouve ces vêtements d'une toute autre facture avec un sourire nostalgique, songeant qu'il y a peu je dissimulais avec brio les trous dans mes manteaux qui voyageaient avec moi. Grace, elle, anoblit par sa simple beauté la moindre tenue, même la plus pauvre. “Je vous conseille de ne pas rentrer trop tard si vous voulez avoir une portion de mes légendaires lasagnes pour dîner.” Nous lance Giulia avant que nous quittions la villa pour marcher dans Florence et dégourdir ces jambes qui n'ont connu que des couloirs de château et des cabines de calèches pendant des mois. “Nous discuterons ce soir, allez profiter de la ville tant qu'il fait jour.” insiste t-elle en faisant de grands gestes indiquant la sortie, sans jamais quitter son sourire enjoué et toute sa bienveillance naturelle.
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Dernière édition par Jamie Keynes le Ven 30 Déc 2016 - 15:29, édité 1 fois
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Celso comptait bien se rattraper adorablement lorsque son amie d'enfance expliquait la manière dont il pouvait parler de celle qui était devenue son épouse. Celle-ci le regarda en souriant, attendri du fait qu'il se sente obligé de se justifier devant elle. "Férocité ? Vraiment ?" dit-elle en riant et en arquant un sourcil. "Disons que c'est bien appréciable de se faire désirer dès qu'on le peut." Giulia riait à coeur joie. "Et vous aviez bien eu raison !" s'exclama-t-elle. Grace prit la main de Celso pour l'embrasser affectueusement. Il admettait qu'il n'avait pas été aisé pour lui de la conquérir, qu'il avait eu bien plus de mal à l'avoir dans ses filets que n'importe quelle autre femme. Quelque part, c'était assez flatteur, surtout le fait qu'il ne se soit jamais laissé abattre. Il avait autant de volonté d'avoir voulu s'approprier et garder Grace auprès de lui que de récupérer la place qui lui était due. Elle s'absenta ensuite quelques instants pour s'occuper de leur fils afin qu'il puisse dormir dans un lit qui semblait bien confortable puis elle rejoignit Celso et leur hôte alors qu'ils étaient en train de parler. Ils s'étaient installés pour manger, discutant d'abord du voyage de la jeune maman à travers le pays, dans sa condition. "Nous aurions souffert tous les deux." répondit Grace, qui aurait été bien triste d'une absence si longue. "Dieu sait ce qui aurait pu m'arriver, à moi ou au bébé, si tu n'avais pas été pas là." Giulia regarda alors d'un air inquiet la petite blonde. "Des complications ?" "Le travail a été très long, je suppose que l'on a eu tous un peu peur, au bout d'un moment. J'étais épuisée. Mais il a été là, et ses prières aussi." Elle regarda Celso avec reconnaissance, se disant qu'elle n'y serait jamais parvenue sans lui. "Et vous avez réussi à mettre au monde un enfant tout à fait magnifique !" conclut Giulia. "Nul doute qu'il fera tomber ces dames sous son charme quand il sera en âge, il suffit de voir ses parents !" s'exclama-t-elle en riant. Après de longues conversations principalement conduites par leur hôtesse, celle-ci leur suggéra d'aller se promener, visiter un peu Florence. Le regard de Grace s'illumina alors, bien impatiente. Giulia l'aida ensuite à enfiler une robe plus modeste, d'un tissu rouge bordeaux, et réajusta le corsage pour qu'elle lui aille parfaitement. Grace avait également un peu relâché ses cheveux, laissant alors retomber une longue tresse le long de son torse. Elle était assez amusée, elle avait l'impression de devoir se déguiser. Ca ne la gênait pas, elle ne se sentait pas humiliée. Au contraire, elle était assez enthousiaste de pouvoir se fondre dans la foule. Elle s'habilla tout de même chaudement, ne souhaitant pas tomber malade. "Nous rentrerons à temps, je ne voudrais pas manquer ça." répondit Grace à Giulia, avec un large sourire. Grace prit la main de son mari et le tira jusqu'à la sortie afin de se retrouver dans la rue. "Viens, ne perdons pas de temps." dit-elle en l'entraînant avec elle, bien plus enthousiaste qu'elle n'avait pu l'être les mois auparavant. Ils arpentaient les rues au milieu de la foule sans se faire remarquer, sans qui que ce soit ne s'incline devant eux. Passer inaperçu était assez plaisant, Grace appréciait cette liberté. Bien évidemment, la première chose qu'elle voulait voir, c'était bien la Santa Maria del Fiore. En chemin, ils s'arrêtaient régulièrement devant des marchands ou des artisans. Grace ne pouvait s'empêcher de s'arrêter régulièrement devant quelques oeuvres, quelques tissus ou quelques bijoux. "Et dire que tu as grandi ici. Dans une si belle ville." commenta-t-elle. Londres avait sa propre beauté, mais elle lui semblait bien monocorde comparé aux couleurs de l'Italie. Son pays lui manquait, parfois, mais elle ne cessait de se dire combien elle s'était rapidement attachée à certains endroits d'Italie. Comme Tricarico, et Florence, désormais. "Y avait-il un endroit que tu affectionnais particulièrement, par ici ? Quelque chose que tu voudrais me montrer absolument, qui fait partie de toi." s'intéressa-t-elle pendant qu'ils marchaient. "En dehors de ces quelques lits que tu as pu visiter le temps d'une nuit." le taquina-t-elle en croisant ses doigts avec les siens. "Giulia a l'air d'être une personne adorable, d'une très grande gentillesse. Je ne m'attendais pas à être accueillie ainsi, alors qu'elle ne me connait pas. Enfin, elle me connaissait à travers toi. Je trouve ça encourageant, de savoir qu'il existe de belles personnes comme elles. C'est quelque chose de très rare, à la cour." Qu'elle soit anglaise, ou italienne. "L'on ne se force pas à sourire, ni à rire. On vit vraiment. Ca se voit que vous avez grandi ensemble tous les deux. Avec une telle sincérité, et un tel enthousiasme. Même si tu sais parfaitement porter un masque de façade lorsque c'est nécessaire. Tu t'es certainement épanoui, en vivant sous ce toit, il y fait bon vivre. Les enfants y sont heureux, en tout cas." Grace jouait aussi beaucoup avec son frère, alors qu'elle était toute petite, à la bâtisse que leurs parents possédaient en campagne. Mais une fois que Nicholas était en âge d'apprendre à être un homme, on initia en même temps les règles à suivre pour que sa soeur soit une parfaite Lady. C'était une éducation plutôt réussie compte tenu du résultat. Une femme d'esprit qui ne s'intéressait pas à la politique, et d'une beauté rare qui plus est, était tout ce dont son précédent mari avait besoin, n'ayant pas envie d'être enquiquiner durant leur soirée pour revenir sur les sujets là.
Nous ne tardons pas plus longtemps et nous enfonçons dans les rues de Florence main dans la main. On sent une ville en constant mouvement et en pleine expansion, ne faisant qu’effleurer son potentiel et prête à montrer au monde toute la grandeur qui sommeille en elle à condition d’être mise entre les mains de celui qui saura en faire un véritable chef-d’œuvre. Pour le moment, elle stagne, prisonnière d’une effervescence frustrée qui ne s’arrête jamais, comme si la vie est trop pétillante pour ce que les rues ont à lui offrir. Alors tout se passe à l’extérieur, personne n’est capable de demeurer dans le carcan d’un chez soi trop étroit. Les commerces dévorent les pavés qui font face aux devantures, la ville est jeune, agitée, et brûle de l’intérieur dans l’attente de sa délivrance ; Florence n’est pas une cité qui vit bien l’incertitude, elle crépite chaque jour et a besoin que l’on alimente cette fougue. « Tu comprends pourquoi je trouvais Londres morose n’est-ce pas ? » je lance à Grace alors que nous arpentons les pavés à notre rythme, prenant le temps d’admirer une architecture toute particulière, les façades tantôt classiques et épurées, tantôt grotesques et colorées. En chemin pour la Santa Maria Del Fiore, la petite Lady me demande de lui montrer un endroit qui tient une place particulière dans ma mémoire, et bien sûr, lorsque je songe à Florence, mes pensées se dirigent vers un endroit précis que je me ferai une joie de lui montrer. Cela demande un détour qu’elle ne remarquera même pas. « Je ne faisais pas encore de frasques de ce genre à Florence. Nous ne risquons pas de croiser une ancienne conquête au détour d’une rue. » j’assure à mon épouse avec un sourire complice. Le libertinage n’a véritablement débuté qu’une fois sur les routes, ou plus précisément, lorsqu’il m’a fallu trouver un moyen de quitter l’Italie sans avoir à débourser un sou ; rien de mieux que de s’immiscer dans l’entourage d’une aristocrate sur le point de partir rendre visite à sa sœur en Autriche. La fin justifiait les moyens. En chemin pour ce lieu que j’affectionne particulièrement, Grace fait l’éloge de sa rencontre avec ma vieille amie –celle qui s’apparente plus à une sœur pour moi. Son attitude vis-à-vis de mon épouse ne m’étonne pas un instant de sa part, tout ceci est dans sa nature si profonde qu’elle fait partie d’elle depuis toujours. Elle n’a pas acquis cette gentillesse et cette vivacité, elle est née ainsi. « C’est une belle personne, Giulia. Elle a toujours été comme ça. Son père était bien plus strict, mais aussi d’une grande générosité. J’ai vécu de belles années avec eux. » Les Médicis ne me maltraitaient pas, j’étais aussi heureux avec eux, néanmoins ils prirent soin de ne pas m’inclure dans la famille et de ne pas me considérer comme un égal. Pendant longtemps, mon identité et même ma présence parmi eux fut un secret bien gardé. « J’aurais aimé lui confier nos enfants, j’aurais eu toute confiance en elle, mais elle n’acceptera jamais de quitter Florence. » Je lâche un petit soupir. En dehors de Giulia, j’avoue que j’aurai du mal à croire en qui que ce soit d’autre pour cette tâche qui me tient naturellement à cœur qu’est l’éducation et l’encadrement de mes descendants. Et je ne veux pas la déraciner contre son gré, ni même lui proposer de peur qu’elle accepte uniquement pour me faire plaisir alors que toute sa vie est ici. Je me sentirais coupable d’un tel sacrifice de sa part, et je sais qu’il demeure des chances qu’elle le fasse pour moi. Enfin nos pas nous mènent jusqu’à cette place que je souhaite montrer à Grace. Une immense étendue de pavés bordés de bâtiments en camaïeu doré, surplombée par une magnifique basilique blanche. « Voilà, la Piazza Santa Croce. » Je ne compte plus les heures passées à flâner ici, mais ce n’est pas pour cette raison, pas même pour la beauté du lieu que j’apprécie cet endroit. « C’est ici que se déroule de calcio storico, et nous étions de toutes les parties avec Lorenzo, Alessandro et Cosimo. » Nous, et cinquante autres joueurs tous aussi féroces. « C’est… un sport florentin, disons. » Ou plutôt une guerre civile miniature qui dure cinquante minutes pendant lesquelles le ballon, les muscles et les carcasses sont malmenées. « Je n’ai jamais vu d’autre champ de bataille que cette place mais je t’assure que pendant le calcio, c’est tout comme. Ca forge, beaucoup. Et ça brise quelques os. » A vrai dire, personne ne sort indemne d’une partie au vu de la violence de celle-ci. « Et bien sûr, la basilique est superbe. » j’ajoute en levant les yeux vers l’édifice avec un petit sourire nostalgique. Il y a une curieuse beauté dans le contraste entre cette majesté et la barbarie dont elle est témoin plusieurs fois par an. Au milieu de la place, admirant l’ensemble, je me glisse derrière Grace et passe mes bras autour de sa taille, glisse mon visage près du sien et dépose un baiser sur sa joue. « Je suis heureux de te montrer la ville. Tu vois, si un jour nous devenons roi et reine, j’aimerais que nous régnons depuis Florence. »
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Les yeux de Grace scrutaient parfois des détails qui n'avaient plus d'importance pour beaucoup, mais qui l'émerveillaient elle. Cela semblait être une ville qui ne dormait pas, avec une effervescence et une chaleur humaine bien peu comparable. "Il est certain qu'après avoir grandi dans un tel cadre, Londres doit te sembler bien triste." répondit-elle avec un léger sourire. Elle se laissait alors guider par son époux à travers les rues bondés où les discussions et les exclamations étaient incessantes. Les Italiens étaient en effet très expressifs, alors que le peuple anglais était plus dans la discrétion. Un choc de culture que Grace commençait doucement à dompter, sans pour autant changer sa façon d'être. Il lui raconta ensuite que ses premières conquêtes ne venaient pas de Florence, au risque de se faire reprendre. Elle rit doucement à sa remarque, devinant que c'est en ayant quitté la cité qu'il s'est pris à ce plaisir de chair et avait su apprécier être un esprit volage. Le voilà désormais fidèle au possible, n'ayant que d'yeux pour une seule et même femme, qu'importe sa condition. Le comportement de deux hommes bien différents réunis en un seul. "Ca se voit, à votre complicité." commenta-t-elle alors, lorsqu'ils se mirent à parler de Giulia. Celso exprima le souhait qu'il avait de confier leur enfant, et les suivants si Dieu le voulait, à cette femme qui était digne de confiance. Mais celle-ci ne voudrait pas quitter la ville où elle avait toujours vécu rien que pour ça, et Grace ne se voyait pas se séparer ainsi de son fils, bien qu'il était coutume dans les royautés de les confier à une nourrice, un tuteur et autres éducateurs pour en faire un parfait petit prince. Grace avait déjà du se séparer de son premier enfant, resté sous la tutelle de son frère en Angleterre, elle n'osait pas imaginer devoir faire des adieux à Francesco tout en sachant qu'elle ne le reverrait pas avant des mois, peut-être des années. Ca lui briserait le coeur. Mais, d'autre part, elle appréhendait des personnes qu'elle allait rencontré à leur prochaine destination. Elle ne les connaissait ni d'Adam, ni d'Eve, et elle allait devoir leur confier son fils. Les deux options étaient compliquées, et le choix s'avérait devenir bien difficile à déterminer. Ils arrivèrent à la place qu'il affectionnait tout particulièrement, expliquant les quelques souvenirs qu'il y avait laissé. Grace restait silencieuse, le sourire aux lèvres, admirant la façade de la basilique avec émerveillement. "Combien d'os t'es-tu brisé sur cette place, alors ?" demanda-t-elle d'un air bien curieux. Celso se plaça alors juste derrière elle, pour l'étreindre et admirer de son point de vue la basilique, parlant encore une fois de leur avenir. Grace demeura longuement silencieuse avant de dire quoi que ce soit. "Je pense que j'adorerai vivre par ici." souffla-t-elle tout bas. "Je crois que j'aime beaucoup mettre des vêtements simples pour me faufiler dans la foule, je pense que je recommencerai." A vrai dire, elle s'y voyait déjà. Elle se retourna pour être face à son époux, les yeux plein d'espoir. "Le penses-tu vraiment ? Que nous pourrions vivre ici." Elle colla son front contre le sien, et se blottit contre lui. "Dans ce cas, nous pourrions confier Francesco à Giulia, comme tu le souhaites." Et ils seraient tous les deux certainement bien plus sereins qu'ils ne l'avaient jamais été. "Nous allons devoir le confier à de parfaits inconnus, et c'est ce qui m'effraie le plus." dit-elle tout bas. "A moins que je ne fasse appel à un de mes proches. J'ai une cousine qui a toujours été très proches des enfants, elle s'est beaucoup occupée de l'éducation de mon premier fils. Je peux peut-être lui suggérer de venir. Mais rien n'est sûr qu'elle accepte." Le problème restait finalement le même. "Je préférerai que ce soit que nous connaissons qui prenne soin de lui. Bien que cela me semble peu possible." Elle soupira, inquiète et tracassée par ce sujet. "Je veux qu'il soit en sécurité, et que tu le sois aussi." Elle caressa tendrement son visage avant de l'embrasser longuement. "Alors hâtons pour revenir au plus vite ici." souffla-t-elle, bien enthousiaste et motivée par cette idée. Grace passa ensuite les bras autour de son cou, pour l'enlacer longuement. "Je t'aime, Celso." souffla-t-elle au bout d'un moment, en glissant ses doigts dans ses cheveux. Ils restaient un moment ainsi avant qu'ils ne se décident à reprendre leur marche afin de voir un maximum d'endroits de Florence. Plus elle en voyait, plus elle était sous le charme. Et si jusque là, elle était simplement émerveillée par ce qu'elle voyait, Grace fut époustouflée lorsque son mari la mena jusqu'à la façade de la Santa Maria del Fiore et son campanile, tout de marbre vêtus. Elle ignorait qu'il puisse y avoir tant de couleurs de marbre différentes. "C'est magnifique." finit-elle par dire tout bas, les yeux levés sur la façade, incapable d'en détacher son regard.
Cette ville est le chez-moi concret qui m’a souvent manqué durant mes voyages, et lorsque je fermais les yeux à la recherche de paix ou de réconfort, c’est souvent ici que je m’imaginais, assis sur le banc à l’autre bout de la place, les yeux levés sur la basilique blanche. Aujourd’hui, la notion de chez-moi est devenue sensiblement différente, et je sais que le seul toit qui importe est celui sous lequel se trouvent également Grace et notre fils, tous deux en pleine santé. Malgré ça, Florence gardera pour toujours une place particulière dans mon cœur, tout comme Ferrare, et un peu Londres pour ce que cette ville a bouleversé dans mon existence. « Une jambe, et le nez, mais je m’en suis bien remis. » je réponds à la jeune femme, un brin curieuse de savoir quelles séquelles j’ai gardé de ces grandes batailles pendant lesquelles s’affrontaient les quartiers de la ville. « Ca n’était jamais juste du sport, les parties se transformaient toujours en guerres d’un camp contre l’autre et ce qui devait durer moins d’une heure prenait parfois tout l’après-midi parce que l’arbitre devait interrompre la partie toutes les dix minutes pour séparer ceux qui se battaient. Mais c’était amusant. » En quelque sorte. Nous avions des courbatures pour une semaine à la suite de ces jeux, des égratignures et des bleus pour des jours, parfois des blessures plus importantes et quelques souvenirs pour la vie. J’ai eu la chance d’en réchapper. La nostalgie laisse place à une courte vision d’avenir, de celles dans lesquelles j’aime nous projeter pour me rappeler mes objectifs et alimenter la motivation d’aller jusqu’au bout. Je nous vois régner d’ici sur l’Italie, j’aimerais baptiser un de nos enfants dans la cathédrale que nous visiterons plus tard, je voudrais les voir se battre sur cette place comme moi avant eux, et grandir auprès des fils de Giulia comme j’ai grandi près d’elle. Revenir aux sources et faire de ces racines celles de notre famille. « J’aimerais beaucoup revenir, et il n’y aurait pas de meilleur endroit pour gouverner que la ville qui m’a adopté. » Je ne me verrais pas aller ailleurs, qu’importe le protocole ou les traditions. Un roi fait ce qui lui plaît après tout, alors déplacer sa Cour à Florence, pensez-vous. Grace angoisse également à l’idée que Francesco soit mis entre les mains d’inconnus. Maintenant que l’expérience m’a démontré que je ne peux décidément me fier à personne, la sécurité de notre enfant me paraît de plus en plus fragile et importante. « Demande à ta cousine. Tu ne perds rien à essayer. Moi je pense que la perspective de prendre soin d’un petit prince pourrait la convaincre. Et c’est important que nous ayons confiance en la nourrice de notre fils. Il est notre trésor le plus précieux. » Sous le charme de la ville, Grace est finalement bien pressée que nous puissions vivre à Florence, néanmoins cela n’aura lieu que si je parviens à mes fins. « J’ai d’abord un imposteur à chasser. » je lui murmure avec un fin sourire, bien décidé à vaincre. Si je ne dois avoir que l’Italie, soit, je m’en contenterai. Ou suis-je vraiment capable de me contenter de quoi que ce soit ? « Je t’aime aussi. » je souffle avant de rendre le baiser de la jeune femme, toujours si amoureux et dévoué. Nous reprenons notre chemin vers la Santa Maria del Fiore, que nous atteignons après de longues minutes de vagabondage. Le sublime bâtiment en marbre parvient à briller même sous le ciel de plomb de cette fin d’hiver. Après une longue contemplation de sa noble architecture, Grace et moi pénétrons à l'intérieur. C'est elle qui me rappelle, une fois encore, l’usage du bénitier avant de faire un pas de plus - même dieu ne sait pas pourquoi ce geste basique s'efface constamment de ma mémoire et n’est pas un réflexe malgré les années. Nous marchons d'un pas lent et silencieux entre les fresques et les colonnes le long de la nef jusqu'au coeur ; nous nous tordons le cou en levant le menton afin d’admirer l'oeuvre qui couvre le dôme. Plus tard, nous nous mettons à genoux dans l'une des alcôves pour un moment de recueillement. Mes prières vont à Francesco, mon frère et mon fils, à Grace également, et je me risque même à espérer une forme de bénédiction qui puisse dégager mon chemin vers cette couronne que je convoite, quelque légitimité. Lorsque j’ouvre les yeux, mon regard croise furtivement celui de mon épouse. « Tu me trouves hypocrite, n’est-ce pas ? » je lâche avec un soupir. « Je suis loin d’être un bon chrétien, et pourtant j’use de cette foi quand bon me semble. » Je ne suis sûrement pas le seul. N'importe quel nécessiteux devient un fervent croyant lorsqu'il est question d'avoir à souper gratuitement. « Il me semble croire de plus en plus avec le temps. » Grace l’a sûrement remarqué. L'environnement du Sud de l'Italie me rend même un peu superstitieux. « C’est effrayant parfois… » je souffle, le regard bas. « Je n’avais jamais vécu avec la peur du jugement de qui que ce soit avant, et sûrement pas quelqu’un que je ne peux pas voir. Maintenant je me sens observé et jugé dans tout ce que je fais. » Souvent, je devine de la désapprobation peser sur mes épaules. « Je ne veux pas qu’Il nous sépare. Mais j’ai peur que rien de ce que je puisse faire pour lui plaire ne suffise à racheter tout ce que j’ai déjà fait. Et je ne veux pas d’un pardon que je n’aurais pas mérité. »
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Dernière édition par Jamie Keynes le Sam 31 Déc 2016 - 17:18, édité 1 fois
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
La jeune femme rit doucement en entendant ce qu'il s'était cassé durant l'un de ces conflits de la place. Elle lui caressa tendrement la joue, amusée. Elle ne l'imaginait pas bagarreur, même lorsqu'il avait été plus jeune. Il était un homme plein d'esprit, suffisamment malin pour échapper aux poings et triompher de bien d'autres manière. Ca l'avait beaucoup réussi, en constatant son ascension certaine. "Je n'aurais pas aimé te voir recouvert de bleus." confia-t-elle alors avant de déposer un baiser sur sa joue. Grace n'aimait pas les brutes, ceux qui pensaient pouvoir tout régler par la force. Ces gens-là avaient souvent bien peu d'esprit à son goût et elle n'avait jamais trouvé un quelconque intérêt dans la violence. Certes, les rois trouvaient cela nécessaire de faire une guerre ici et là, à cause d'une menace, d'une trahison, ou des envies de grandeur. Celui de Celso était de régner en vivant dans cette ville qui l'avait vu grandir. Florence était une belle cité, avec des prouesses architecturales à chaque coin de rue. Grace comprenait pourquoi son mari l'aimait tant, pourquoi il avait un tel attachement pour la capitale de la Toscane. Celso semblait s'être fixé cet objectif, et faire tout son possible pour le mener à bien. Sa famille serait là en sécurité, plus que nulle part ailleurs en Italie certainement. Grace se faisait énormément de soucis pour leur fils, la simple idée de le confier à une personne qu'elle ne connaissait pas la terrorisait. Elle avait pensé un moment à sa cousine, et Celso l'invita également à la contacter, ne sait-on jamais. Peut-être que la beauté de l'Italie l'attirera, en plus de l'honneur que c'était de devoir s'occuper nuit et jour d'un futur roi. "J'espère qu'il ne sera pas notre seul trésor." lui lança-t-elle avec un petit sourire malicieux. Elle apprécierait avoir quelques mois de répit, le temps que son corps se remette du temps où il protégeait leur premier enfant, mais elle lui avait promis de lui donner autant d'enfants qu'elle le désirait. Elle était tout de même rapidement tombée enceinte, personne ne pouvait mettre en doute de quelconques problèmes de fertilité - et Grace comptait bien le prouver. Elle nota dans un coin de sa tête qu'elle devait contacter sa cousine le plus rapidement possible. Il s'embrassaient longuement avant de poursuivre leur visite jusqu'à la cathédrale que Grace rêvait tant de voir. Elle était loin d'être déçue, encore moins lorsqu'ils pénétrèrent la bâtisse afin de pouvoir admirer son dôme. Le signe de croix était de rigueur, Celso faillit l'oublier, ce qui ne surprit pas vraiment sa petite blonde. Vint ensuite le moment des prières. Grace avait toujours son chapelet sur elle, et il l'accompagnait partout où elle allait. Elle priait pour beaucoup de choses, mais avant tout pour son époux et son fils. Elle avait peur pour eux deux. Parfois, elle souhaiterait que Celso s'arrête avec ce qu'il possédait, qu'il ne se risque pas dans un chemin trop dangereux qui pourrait lui prendre la vie. Mais il était si déterminé, et semblait si sûr de lui qu'elle finissait par croire qu'il y parviendrait. Cela n'empêchait pas qu'elle s'inquiète pour lui, tous les jours. "Je ne te trouve pas hypocrite." lui répondit-elle tout bas. "Sont hypocrites ceux qui se disent homme de Dieu alors qu'ils se pensent supérieur à Lui. Je pense qu'Il accueille à bras ouvert tout croyant, qu'importe l'âge, qu'importent les circonstances. Tu te crois être hypocrite parce que tu as commencé à y croire au moment de ton ascension." Grace haussa les épaules. "Tu es devenu un homme de pouvoir qui se plie à la volonté du Seigneur. Tu respectes Ses choix tout comme tu te courbes devant Lui en espérant Sa bénédiction. Il n'y a rien de mal à cela. Je trouve que c'est même respectable. Les hommes de pouvoir ont tendance à se croire invincible et arrêtent de prier." Grace croisa ses doigts avec les siens et entremêla son chapelet, comme elle l'avait fait lorsqu'il était malade. "Continue de prier, de Lui parler, de Lui dire tout ce que tu as sur le coeur, ce qui pèse sur ta conscience, et Il t'écoutera. Il te donnera des réponses. Je ne pense pas qu'Il se permettra de séparer deux âmes qui s'aiment tant. Il a foi en l'amour de son prochain." Elle lui sourit avec tendresse, avec une envie de l'embrasser, ce qui ne serait décemment pas correct dans un lieu de culte. "Nous en avons déjà parlé, de cette potentielle séparation. Tu t'en souviens ?" Il y avait eu les divergences d'opinion, les croyances qui différaient, ayant créé une vague tension rapidement réconciliée. "Mon amour..." Elle embrassa leurs mains liées avant de revenir à ses prières, pendant quelques minutes. Ils finirent par sortir de la cathédrale, laissant leurs pieds les guider dans la cité jusqu'à ce qu'il soit temps de retourner chez Giulia. "Te voir vêtu comme, ça me rappelle notre première rencontre, nos premiers échanges, notre première fois." dit-elle sur le chemin de retour, avec un sourire aux coin des lèvres. "Les habits que je t'avais offert sont vraiment de piètre qualité comparé à ce que tu portes actuellement." Elle rit doucement. Ils arrivèrent chez leur hôtesse, les enfants étaient déjà à table en mangeant avec appétit ces fameuses lasagnes. "Vous arrivez juste à temps !"
Il n'y a pas d'hypocrisie à se tourner tardivement vers le Seigneur d'après Grace, qui a toujours été plu fervente chrétienne que je ne le serai jamais. Car même avec une foi naissante, toute la liberté que j'ai connu avec les années constituent autant de doutes qui existe et doive exister une entité avec un tel pouvoir que nos vies et sur notre sort après la mort. « Je préférais l'époque où je me sentais invincible. » je souffle tout bas à Grace qui pourrait bien s'offusquer de pareil blasphème dans un sanctuaire aussi noble. Néanmoins, l'angoisse presque constante que me procure la conscience de ce jugement permanent sur mes actes fait naître en moi une paranoïa dont je me passais bien jusqu'à présent, et parfois même, une réelle terreur. Peut-être suis-je trop volage, frivole et libre pour accepter pareille fatalité, moi qui ai toujours été mon seul et unique maître. La jeune femme reprend ses prières, moi j'en suis incapable. Je regarde la statue face à nous en me demandant pourquoi l'homme met tant de pouvoir dans es mains d'un objet que d'autres hommes ont façonné -ce que soient les statues, les églises ou les livres. Je suppose que ces rituels et cette peur sont un besoin pour bien des gens qui cherchent un sens à leur existence. Et si la vie et son labeur n'est pas un chemin tracé vers un paradis, alors à quoi bon ? Nous quittons la Santa Maria del Fiore et prenons le chemin du retour afin d'être à l'heure pou dîner chez Giulia. La jeune femme a toujours été une excellente cuisinière alors je ne doute pas du progrès de ses talents avec les années ; lors de ma dernière visite, chaque repas était fabuleux. En route, Grace se rappelle l'époque où ces habits qui sont aujourd'hui un déguisement étaient la majeure partie de mes affaires, et les vêtements qu'elle m'avait offert faisaient partie des pièces ayant le plus de valeur. Désormais, les tissus, les fourrures, les broderies, les bijoux sont plus riches. « Je les aime quand même. » je réponds à mon épouse avec un sourire. Son cadeau aura toujours une valeur particulière à mes yeux. Tout ceci me semble tellement lointain alors que mon arrivée à la Cour d'Angleterre remonte à un peu pus d'un an. En me regardant dans le miroir, pourtant, je crois bien en avoir vécu dix. Nos arrivons dans la salle à manger de la modeste villa en constatant que personne n'a pris la peine de nous attendre ; visiblement, les lasagnes de Giulia font revenir la loi de la jungle à table, et les enfants s'adonnent à un féroce chacun pour soi. La seconde plâtrée nous permet tout de même de manger à notre faim et d'être simples spectateurs de toute l'agitation autour de la table. Plus tard, une fois les plats intégralement vidés, les enfants se rendent dans la pièce principale et prennent place par terre, calmés par leur digestion. Accoudé au cadre de la porte, je les regarde tous, sagement assis autour de la jeune femme, écoutant l'histoire qu'elle a à leur raconter avant la nuit, et je me surprends à être assailli par un grand nombre de pensées. Je revois Grace toute joyeuse dans des fripes modestes et marchant dans un parfait anonymat dans les rues de cette ville que nous adorons tous les deux. Je revois la vie que je menais ici avant de quitter le pays pour faire valoir mes origines, et tout était bien plus simple. Ce n'est pas la jeunesse qui me manque, c'est la simplicité, l'époque où tout semblait couler de source et je me trouvais encore loin de intrigues politiciennes, des trahisons, de la solitude et de la méfiance. Je suis pris soudain d'un vif désir de m'évaporer dans la nature avec Grace ; laisser les beaux vêtements dans les malles, jeter les couronnes dans le fleuve, détruire le carrosse et rester ici. Laisser tomber ce titre de vice-roi et ces ambitions, et me contenter d'une vie dans ce goût-là ; avoir plein d'enfants qui nous ressemblent à réunir près du feu le soir puis les embrasser pour leur souhaiter une bonne nuit, et lorsque nous nous coucherons aussi, ne rien avoir d'autre à l'esprit que de doux rêves et non la contente angoisse de la trahison. Est-ce que cela suffirait ? J'en doute. Grace a toujours été une Lady et j'ai toujours voulu plus -mais plus que quoi, telle est la question. Je ferais un mauvais membre du petit peuple, je m'ennuierais vite de cette vie ; je n'ai jamais été aussi doué dans quoi que ce soit d'autre que dans la gymnastique politique, si ce n'est éventuellement le sport de chambre, et je ne veux plus jamais vivre de cela. Il y a bien la peinture, mais sans les dames qui me gardaient sous leur aile et finançaient cet art, je serais mort de froid sous un pont à Vienne depuis longtemps. J'admire la vie simple de Giulia, et je l'envie, tout en sachant que cette existence n'aurait pas été faite pour moi, et je suis presque déçu d'être de ceux qui ne sauraient pas s'en contenter, car tout serait infiniment plus… simple. Maintenant tous les enfants sont allés dormir, la villa est plus calme que jamais. Ayant besoin d'un moment avec moi-même, je récupère mon grand manteau et le glisse sur mes épaules, ainsi réchauffé par la fourrure de la doublure je peux demeurer un instant dans le patio malgré le froid. Je n'ai pris avec moi que mon carnet de croquis, et un crayon, afin de dessiner une heure ou deux -jusqu'à ce que l'obscurité m'empêche de voir le papier à vrai dire. Lorsque vient l'heure de rentrer, je sens sur mon torse et mes épaules la pression d'un poids invisible, comme celui d'un regard insistant et lourd posé sur moi dans mon dos. En me retournant, je ne vois personne, si ce n'est mon ombre sur les dalles. Mon regard se pose alors en hauteur, sur le ciel sombre et cette lune qui est mon seul éclairage. Alors je sais qui observait. Je presse le pas pour retourner à l'intérieur et trouve la chambre que je partage avec Grace pour la nuit et où celle-ci se trouve. L'âtre où crépite le feu est bien plus petit et rustique que ce que nous connaissons habituellement. Après m'être débarrassé de mon manteau, j'approche de la petite blonde, assise là, et m'installe comme toujours face à elle, par terre, et dépose la tête sur ses jambes afin qu'elle glisse ses doigts entre mes cheveux. « Je ne me lasserai jamais de ces moments-là. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Grace aurait juré avoir deviné un soupçon de regret dans le regard de son cher et tendre. Où il n'était pas sous les projecteurs, où il pensait que Dieu ne le regardait pas, ne l'avait pas guidé jusqu'ici. Voilà qu'il angoissait, tout comme le jour où il était revenu terrorisé après avoir vu une croix se retourner en sa présence, lorsqu'il était allé prier à la chapelle. Tant de signes qu'il croit désormais et qui lui font penser qu'il est maudit. Elle ignorait d'où venait cette soudaine piété, il n'était guère comme ça lorsqu'elle avait fait sa rencontre. Ils ne s'éternisèrent pas plus longtemps à la cathédrale, elle avait senti le malaise de Celso après cette brève discussion concernant leurs croyances. Durant le chemin du retour, Grace se rappelait leurs premiers instants, les vêtements qu'elle lui avait offert. Il les affectionnait toujours autant, les mettait même encore de temps en temps avec des bijoux richement décorés. Une fois arrivé chez Giulia, ils rejoignirent l'heureuse compagnie à table, arrivant juste à temps pour pouvoir dîner avec eux. Il n'y avait pas un moment de silence, toujours des conversations, des éclats de rire d'enfants, des chamailleries diverses et variées. Cette effervescence générale dans un si petit endroit amusait beaucoup Grace. Néanmoins, elle était bien heureuse de retrouver une maisonnée calme dès le repas passé, au moment de raconter une histoire. Elle en profita alors pour monter à l'étage et prendre son propre fils un peu dans ses bras. Il dormait, il était paisible. Grace se félicitait à chaque fois d'avoir eu un aussi bel enfant. Il était en bonne santé, il mangeait bien, il avait un visage adorable. La petite blonde lui chantait ensuite une berceuse avant de l'allonger à nouveau pour le laisser dormir tranquillement. Suite à quoi elle se rendit dans la chambre de Celso et elle pour se défaire de ces fripes et enfiler sa chemise de nuit et sa robe de chambre. Les habitudes ne se perdaient pas. Elle avait pris l'un des livres que son époux lui avait offert à Noël et le bouquina près de la cheminée, bien au chaud. Elle se sentait moins oppressée en étant si loin de la cours de Bologne, c'était un endroit qu'elle ne portait définitivement pas dans son coeur. Cet instant de solitude était alors vécu en toute légèreté, et sérénité. On vivait bien, sous ce toit-ci. Elle n'était pas sûre de vouloir en partir. Quelques temps plus tard, Celso finit par la rejoindre. Il n'avait pas vraiment perdu l'habitude de se mettre par terre devant elle, se soumettant presque à elle, dans l'attente d'un geste d'affection de sa part. Grace déposa son livre à côté d'elle et glissa délicatement ses doigts dans ses cheveux. Elle sourit à sa remarque. "Ca tombe plutôt bien. Il y en aura toujours, des moments comme celui-ci." lui répondit-elle tout bas afin de ne pas trop perturber la sérénité de la pièce. Il venait toujours là lorsqu'il avait besoin de se ressourcer, d'être apaisé ou d'évacuer des pensées néfastes. La conversation qu'ils avaient eu à la cathédrale devait le perturber. Du moins, c'était ce que Grace se disait. Elle restait là un long moment, à lui caresser les cheveux, ou les traits de son visage. "Ne pense plus à rien. Ni à ce qui nous attend demain, ni à ce que tu as traversé pour arriver jusque là. Pense juste à nous, à ce que nous sommes, tous les deux." lui souffla-t-elle dans l'oreille en se penchant sur lui. Ses doigts effleuraient sa joue, sa mâchoire. Elle se laissa glisser le long de son fauteuil et atterrit à califourchon sur ses jambes. Elle saisit délicatement son visage entre ses deux mains et plongea longuement son regard dans le sien. Elle lui souriait, passait ses doigts sur ses traits, jusqu'à ce qu'il se vide l'esprit, qu'il retire tout poids qui pesait sur ses épaules. Qu'il ait, l'espace d'un instant, la même insouciance qu'il avait lors de leur rencontre, de leur première nuit ensemble. Grace embrassa le coin de ses lèvres, effleurant à peine sa peau. Elle le laissait se blottir contre elle s'il en ressentait le besoin, ou enfouir son visage dans son cou comme pour s'y réfugier. C'était son rôle d'épouse, de lui faire oublier ses tourments, de l'apaiser et de l'aimer d'autant qu'elle le pouvait. Enfin, ses lèvres touchèrent directement les siennes, dès qu'elle sentait qu'il n'y avait plus quoi que ce soit pour noircir les pensées de son amant, l'embrassant alors avec toute la tendresse qu'elle avait à lui donner.
Les doigts de Grace passent à travers mes cheveux et glissent délicatement sur mon crâne, offrant une caresse apaisante à toutes les pensées en ébullition, instaurant doucement le calme dans cette tête sans cesse agitée. Autant n’ai-je toujours eu le calme en horreur à cause d’une grande peur de l’ennui et de l’inutilité, de voir les minutes passer sans profiter de chacun d’entre elles, l’apaisement que me confère la présence de mon épouse et ses petites gestes de tendresse est l’une de mes sensations préférées au monde. Car les pensées mènent parfois à l’angoisse et les craintes s’empilent jusqu’à menacer de s’effondrer sur tout l’édifice, faisant planer l’ombre de nombreux doutes et autres jugements. Il n’y a bien que la jeune femme pour parvenir à mettre le monde sur pause. Je n’ai plus à penser et je mets ainsi les responsabilités de côté pour le temps qu’elle voudra bien m’accorder, il n’y a plus qu’elle et moi, et la chaleur d’un foyer nomade. L’impression de sécurité et de stabilité qui m’ont finalement toujours manqués. Je pourrais passer là des heures à sentir le passage régulier et inlassable des doigts de Grace sur ma tête, comme un petit animal qu’on dorlote. J’espère bien qu’elle ne me privera jamais de ces petits instants de tendresse qui font partie de ceux qui me permettent de maintenir le cap. “Tu peux promettre ça ?” je souffle en fermant les yeux, attentif à la manière dont la chaleur des flammes dans l’âtre frôle mon visage et mes mains bien froides après tout ce temps passé à crayonner dehors. Il n’y a rien de particulier à tirer de ces dessins qui me permettent avant tout de ne pas perdre la main, voire de ne pas me perdre tout court. Les moments passés à effectuer des croquis ou des peintures sont ceux où je suis le plus proche de moi-même, et cela ne correspond pas toujours au vice-roi que je suis désormais. J’essaye alors de me rappeler comment j’étais avant cette année débordante de bouleversements, à mon arrivée à Londres par exemple, et la manière dont je ne me souciais que de la minute en cours, pas même de celle qui sera juste après. Je ne veux pas rayer de ma vie ce jeune homme impétueux, spontané et joyeux au profit du politicien. Pourtant, à chaque échelon gravi, je m’en éloigne de plus en plus. Parfois, je ne me reconnais plus vraiment dans ce prince paranoïaque. Délicatement, Grace quitte son fauteuil pour s’installer sur mes jambes, me rejoignant par terre. J’observe son joli sourire jusqu’à pouvoir y répondre, je plonge dans son regard bleu jusqu’à ce que mes pensées s’y noient. Nos visages se frôlent un instant, puis le mien trouve refuge au creux de son cou. J’y dépose quelques baisers qui grimpent le long de cette gracieuse courbe, longent sa mâchoire, et rejoignent les lèvres de ma belle. Le frôlement devient subtilement un baiser des plus tendres. “Nous ne nous perdrons jamais, n’est-ce pas ? Nous ne nous oublierons pas.” je murmure, mon front contre le sien, en quête de toute parole pouvant me réconforter, s’il en existe de telles. Encore une fois, Grace est la raison et le coeur qui sauront, je l’espère, me rattacher à la terre et me remettre sur le droit chemin lorsque je m’égare. Elle avait raison au sujet de la Sforza. Je ne peux que m’en remettre complètement à son jugement et à ses intuitions. Moi, j’ai toujours été aveugle. “Je t'aime tellement.” Mes lèvres ne s’éloignent jamais beaucoup de celles de mon épouse, aimanté à elle comme si elle était mon souffle de vie. Je l’embrasse longuement, en l’étreignant parfois un peu plus fort ou en glissant mes doigts sur sa nuque. Je n’ai aucun doute sur sa fidélité et sa loyauté, elle ne saurait me trahir ; nous sommes le monde l’un de l’autre et je sais que ce duo est absolument inébranlable. Où que j’aille, elle ira, et je la protégerais toujours, je la chérirai sans cesse. Cet amour-là est une de ces forces de la nature qui nous permettront d’atteindre tous nos ambitions. Cette solidité est notre meilleure arme. Notre famille est tout ce en quoi nous pouvons véritablement croire. Rien d’autre. “Est-ce que ça te plairait une vie comme celle-ci ?” je demande tout bas, piqué par la curiosité depuis assez longtemps pour finalement céder à cette pensée qui me semble à la fois absurde et charmante. “Une maison ou une petite villa, ici à Florence. Un tas d'enfants autour de toi t’écoutant leur raconter leur histoire du soir. Et moi vivant de la peinture.” Je souris et hésite à en rire. Je nous y vois bien pourtant, je pense bien que dans un autre contexte cela pourrait nous rendre heureux. Quoi que, Grace est née Lady et n’a pas connu d’autre vie, la modestie lui sied pour une balade mais peut-être pas au quotidien. Et tant que je me sais destiné à plus grand, je ne saurais tenir dans une maison trop étroite pour mes ambitions. De toute manière, cela n’a aucune chance d’arriver un jour. Ce n’est que l’hypothèse d’une autre existence, pas une proposition d’avenir pour nous deux. “Qu’est-ce que tu crois que cela donnerait ?”