Deux années furent un long délai. Grace avait espéré du repos entre deux grossesses, mais aucun de nous ne s'attendait à une pause de cette longueur. Nous n'avons jamais parlé de notre inquiétude à ce sujet, c'est là l'un des rares sujets dont nous n'exprimons pas nos pensées. Nous ne voulions pas rendre l'inquiétude palpable en la matérialisant dans des mots, nous ne voulions pas rendre cette pression plus réelle qu'elle ne l'est déjà. Néanmoins la vague de soulage qui nous envahit tous les deux prouve bien que l'angoisse fut réelle pour chacun. Sûrement est-ce tout mon amour pour Grace qui m'empêche de croire que ce délai est uniquement sa faute. Après tout, comme je ne cesse de le dire, je ne suis plus un jeune homme. Quoi qu'il en soit, toutes ces craintes peuvent prendre fin, et l'attente en vaudra certainement le coup. « Bien sûr que je te pardonne, mon amour. » je lui assure. Lui en vouloir ou lui reprocher quoi que ce soit ne m'a pas effleuré l'esprit, mais je lui accorde ce pardon qui semble la rassurer. Le sexe du bébé est une des préoccupations principales désormais, et bien entendu, un second fils serait l'option qui nous serait le plus profitable. Pourtant, au fond, une petite fille ne me déplairait pas. Je me suis toujours dit que dans le royaume que j'offrirai à mes descendants, une femme pourrait monter sur le trône comme un homme. Que cela serait, pour moi, l'hommage rendu à toutes celles qui m'ont permis d'avancer pas à pas pour accomplir mon dessein ; car je ne dois rien aux hommes, seules ces dames m'ont toujours tendu la main, et bon nombre de ces bienfaitrices valaient dix hommes à elles-seules. « Un autre homme avec qui il devra te partager, tu crois qu'il apprécierait ? » je plaisante avec un petit rire. Notre garçon nous a plus d'une fois fait comprendre qu'il aime aussi peu la concurrence masculine auprès des femmes que son père. Souriant toujours tendrement, je laisse mon visage frôler celui de Grace et mes doigts caresser ses cheveux blonds. Elle souhaite que je la dessine tout de même ce soir, qu'importe si cela nous fera nous coucher plus tard. C'est une nouvelle que nous pouvons fêter comme nous le souhaitons, juste entre nous, avant d'en faire l'annonce, peut-être demain ou plus tard. « Installe-toi sur le lit. » je lui murmure avec un sourire. L'on trouve du matériel à dessin un peu partout dans le château ; dans mes appartements, ceux de Grace, mais aussi dans ceux de Francesco, ainsi que mon cabinet. Si mon petit atelier reste le lieu de prédilection où je peins avec le plus d'inspiration, j'ai disséminé ces carnets et ce crayons afin d'en avoir toujours à portée de main. La Cour de Naples n'a qu'une vague connaissance de mes activités artistiques, mais dans cette ville, je ressens moins de honte et de peur du jugement que cela ne fut le cas ailleurs. Je n'effectue pas de croquis en public, et nul n'a pu poser les yeux sur l'une de mes œuvres, mais la rumeur d'avoir un vice-roi à la fibre artistique ne semble pas déplaire dans cette cité regorgeant de culture. Je mets donc la main sur le papier et le crayon qui se trouvent dans un tiroir de la chambre pendant que Grace, dévêtue, s'allonge dans le grand lit à baldaquin. Je tire également une chaise afin de m'installer près d'elle, un pied sur le matelas, l'autre jambe repliée me servant d'appui. Je ne griffonne que légèrement le cadre du meuble, comme un écrin délicat à l'allure d'un mirage. Le plus important est le modèle, la jeune femme, les jambes dissimulant son intimité avec une élégante torsion qui, en revanche, dévoile la courbe du postérieur et accentue celle de la taille, un bras le long du corps, les épaules débordantes de ces longs cheveux blonds qui tombent en cascade sur sa poitrine. Lorsque je ne suis pas complètement absorbé, je souris à ma petite Muse et lui accorde un regard complice plein de tendresse -et d'envie par moments. Une fois le dernier cheveu esquissé, je forme quelques plis du drap, et en à peu près une heure, le croquis est finalisé. Un délai bien assez long pour me presser l'envie de rejoindre mon épouse sur le lit. Je laisse le carnet et le crayon par terre, puis me lève et ôte la chemise de nuit sous laquelle le désir grandissant de minute en minute a eu le temps de réchauffer mon épiderme, puis, une fois monté sur les draps, je me glisse délicatement entre les jambes de Grace et frôle sa silhouette du bout des doigts pendant que nos lèvres scellent un baiser. Nos corps s'unissent presque instantanément, et débutent une houle d'une immense tendresse.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Le ton que Celso avait employé afin de rassurer sa belle en lui pardonnant cette longue période de latence laissait deviner qu'il n'y avait à ses yeux rien à pardonner ou excuser. La patience qu'il avait à son égard était on ne peut plus remarquable. Il semblait qu'il avait toujours cette sérénité d'esprit, mais le soulagement dont il avait fait part dévoilait l'inquiétude qu'il avait à ce sujet. Dieu sait depuis combien de temps il espérait entendre cette merveilleuse nouvelle. Celso ne se prononçait pas sur le sexe du bébé. Elle se demandait si c'était volontaire de sa part, que le sexe de l'enfant lui importait peu. Grace savait qu'il l'aimerait tout autant que Francesco, mais il était évident qu'un souverain ait une large préférence pour un petit héritier. Peut-être se pliait-il simplement à ces usages, ou peut-être qu'il avait déjà préparé un futur plus que prometteur si elle mettait au monde une fille. Elle rit doucement à sa remarque. Il était vrai que leur premier enfant était un brin possessif et n'avait que d'yeux pour sa mère. Grace passait beaucoup de temps avec lui et il savait exactement ce qu'il fallait faire pour la faire sourire ou pour avoir droit à des gestes d'affection. Comme elle le disait, il était déjà très futé, pour son jeune âge. "Qui sera le plus jaloux ? Francesco ou toi ?" renchérit-elle avec un rire malicieux. Elle avait hâte de le sentir grandir en elle désormais, voir son ventre s'arrondir à nouveau, et même passer cette étape très difficile qu'était l'accouchement. Quelque chose lui disait qu'elle y survivrait, tout comme pour Francesco, et son premier fils. Celso semblait tout à fait enclin à crayonner la silhouette de son épouse sur un morceau de papier. La jeune femme laissait tomber par terre sa robe de chambre et sa chemise de nuit pour s'allonger sensuellement sur le lit. Elle aimait toujours autant le séduire, avoir ce regard subjugué rivé sur elle. Elle aimait toujours autant qu'il se mette à rêvasser, à imaginer ce que bon lui semblait, le rendant rêveur et faisant stopper tout tracé sur le papier. Elle aimait toujours autant ce rictus à la fois satisfait et malicieux, laissant comprendre que l'envie était on ne peut plus palpable au fur et à mesure qu'il dessinait et mettait en valeur chacune de ses courbes. Dès qu'il avait mis sur papier les détails qu'il voulait, il ne tarda pas à laisser tomber son crayon pour se dévêtir rapidement et se placer entre les jambes de sa chère et tendre. La manière dont il effleurait sa peau porcelaine la fit frissonner au passage de ses doigts alors que leurs lèvres se touchaient à peine. Leur regard, en revanche, était beaucoup plus intense. L'on pouvait dire qu'avant que Celso n'unissent leur corps, tout cette passion se transmettait par leurs yeux. Le retrouver ainsi était toujours un réel plaisir. Son échine se courbait naturellement, ses doigts se plantaient délicatement dans la peau de son dos dès qu'un frisson de plaisir la parcourait. Elle embrassait tout ce qui était à portée avec une fougue certaine. Ses lèvres, sa mâchoire, son cou, ses omoplates. Son coeur battait déjà la chamade dès les premiers coups de rein de son partenaire. Celui-ci avait l'épiderme déjà bien brûlant, preuve que cette envie devait le guetter depuis un certain temps déjà. Il n'y avait qu'une tendresse on ne peut plus pur dans chacun des gestes. L'on voyait que Celso commençait déjà à adopter le même comportement que lorsqu'il avait appris qu'elle portait son premier enfant. Il vénérait à nouveau son corps comme s'il était le plus précieux des temples, détenteur du plus beau trésor qui soit. Au bout d'un moment, elle échangea délicatement leur place. Assise, elle le surplombait. Elle prit délicatement ses mains afin de les guider sur son corps, allant de ses cuisses jusqu'à sa poitrine. Impossible de ne pas passer par son ventre, partie d'elle qui était désormais la plus importante. Elle laissait l'une de ses mains sur son sein avant de se pencher sur lui pour l'embrasser délicatement. C'était seulement à ce moment qu'elle reprit une houle douce, et tout aussi tendre que ce que lui avait initié. Lorsqu'elle ne l'embrassait pas, elle frôlait son visage, parsemait sa peau de baisers ou avalait chacun de ses soupirs de plaisir. Ils échangeaient parfois des regards, des sourires complices et particulièrement amoureux. Elle embrassait ou caressait parfois le haut de son torse, constatant le contraste flagrant entre la froideur de ses mains et la chaleur de sa peau. Celso ne cessait de constater l'avancer de son âge, mais elle ne cessait de lui rappeler combien elle le trouvait toujours aussi beau, aussi bien bâti. Elle vénérait son corps d'autant qu'elle pouvait le lui montrer, afin qu'il puisse oublier l'espace d'un instant ces rides qui le tracassaient parfois tant.
Nombreux sont les couples de la Cour qui ne sont que le fruit d'un arrangement, comme telle est la coutume dans le monde, non seulement pour les aristocrates mais aussi pour le reste du peuple ; les familles tentent de combiner les richesses des unes avec des autres, et dans cette quête de l'aisance, l'humain n'a guère sa place. Pourtant, pour qui accumule-t-on les titres ou les terres ? Pour que quelque chose d'aussi abstrait qu'un nom de famille puisse avoir sa modeste place dans la grande Histoire du monde dont les siècles se succèdent et effacent les lettres sur les pierres, brûlent les signatures sur les papiers. Avoir ces couples m'inspire autant de peine que d'admiration. Ayant pu épouser la femme que j'aime, n'ayant pas eu à créer et alimenter une affection montée de toutes pièces basées sur une forme de respect mutuel, je ne me verrais pas revenir en arrière et mettre la bague au doigt d'une inconnue afin d'obtenir sa dot. Que mon coeur et mon existence seraient vides sans cette étincelle qui pétille dans mon être à chaque fois que, par chance, ma route croise celle de Grace dans les couloirs du palais, et sans ces nuits que nous partageons dans le plus grand des secrets. Jamais mon âme n'aurait pu trouver la même source de joie et d'épanouissement auprès d'une autre femme. C'est pourquoi ces époux qui apprennent à se connaître et à s'aimer m'inspirent le plus grand respect, surtout ceux qui parviennent à être heureux et se satisfaire de pareille union. J'éprouve simplement de la peine à l'idée que la personne qui leur était destinée, la bonne personne, l'âme sœur, demeurera à jamais un mystère pour eux, et le véritable amour, l'exaltation, la passion, la force et le courage que l'on tire de pareille union avec l'être qui nous complète, ne feront jamais partie de leurs vies. Je chéris chaque jour la chance que j'ai. J'adore mon épouse, je l'admire et lui suis dévoué autant que je le peux. Souvent la passion s'évapore avec les années, elle ne dure qu'une poignée de mois avant que le monde réel frappe de son marteau de désillusion, et alors l'amour change, se flétrit, fane et se transforme en quelque chose de moins savoureux. Pour ma part, il me semble aimer Grace chaque jour comme au premier jour, et peut-être même plus avec le temps. Plus nous nous connaissons, plus nous avançons ensemble, plus l'évidence de ce lien entre nos âmes renforce le nœud qui nous attache l'un à l'autre. J'imagine que même sans l'impératif de la descendance, nous aurions été bien tristes bien longtemps de ne pas parvenir à avoir d'autres enfants. Ils sont une autre preuve d'amour et s'ajoutent à notre bonheur. Ils sont cette affection personnifiée qui nous survivra une fois que nous ne serons plus de ce monde, et notre histoire, notre flamme, brûlera à travers eux. Je peux croire un peu plus en Dieu maintenant qu'il nous a offert un deuxième enfant au moment où nous en avions besoin, au moment où nous commencions à perdre espoir. En revanche, je continuerai à ne pas comprendre pourquoi son regard se détourne des corps nus qu'il a façonnés, et ses oreilles abhorrent les soupirs de plaisir nés de deux êtres qui s'aiment. Sûrement attendra-t-il que je demande pardon pour avoir touché ma femme enceinte de la sorte, et il attendra longtemps. Elle n'en est pas moins le magnifique écrin accueillant le plus précieux des bijoux. Sûrement n'acceptera-t-il pas que je hisse à son niveau ma petite Lady, pourtant j'aurai toujours bien plus foi en elle qu'en Lui. Elle est ma déesse, ma reine, celle face à qui je n'ai pas honte de me mettre à genoux tous les soirs. Et tout monde être, mon corps et mon âme, sont les offrandes que je lui fais tous les jours, toutes les nuits d'amour, et surtout celle-ci. Grace me surplombe, de toute beauté. Elle me permet de parcourir toutes les courbes de son corps, d'en flatter chaque parcelle de peau avec cette dévotion qui m'anime. Et pendant ce temps, elle peut bien faire ce qu'elle veut de moi. Elle nous lie et nous délie, absorbe dans cette houle tendre et ces baisers langoureux toute ma chaleur et mon amour, et avale les gémissements de plaisir qu'elle fait naître, de plus en plus sonores au fur et à mesure que les sensations s'intensifient. Mes lèvres obsédées par l'épiderme de la jeune femme ne peuvent s'empêcher de goûter chaque bout de peau à leur portée. Les mains posées sur ses fesses poursuivent et amplifient chaque mouvement de reins de ma belle. Je fonds un peu plus à chaque va-et-vient, la respiration saccadée, les muscles crispés par les frissons de plaisir qui me secouent. Grace se cambre soudainement, empalée sur moi, pendant que mes lèvres flattaient sa poitrine et que la houle s'accentuait. Je retrouve ses lèvres, une main entre ses cheveux humidifiés par la chaleur de nos corps. Elle est si proche, presque au plus proche, et cette sensation m'électrise au plus haut point. C'est afin de trouver ce point précis où nos âmes se touchent que je me redresse, emportant Grace avec moi. Son corps s'est détendu de l'extérieur, mais bout et palpite encore de l'intérieur où le plaisir s'attaque à ma virilité. Pendant que je l'embrasse, exilant parfois mes baisers dans son cou et sur ses épaules, mes mains saisissant son fessier la guident dans une houle discrète mais terriblement sensuelle. Si bien que je finis par me satisfaire de simplement admirer le visage de mon épouse, le regard complètement envoûté par sa beauté, plongé dans un univers où il n'existe qu'elle, soupirant de plaisir au moindre mouvement, soufflant de plus en plus fort, gémissant, et lâchant finalement un dernier râle au moment de me libérer en elle, avant de goûter au plus délicieux des baisers.
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D'où pouvait naître pareil amour ? Grace se le demandait chaque jour. Elle avait partagé ses croyances à ce sujet à Celso, qui était encore bien septique. Mais elle n'avait jamais arrêté d'y croire. Il fallait bien plus d'une vie pour pour qu'un tel lien se construise. Pour qu'il y ait eut tant d'intérêt pour l'un l'autre dès le premier regard. Ils s'aimaient chaque jour un peu plus. Et à ses yeux, il lui semblait inconcevable que tout s'arrête le jour de leur mort. Ils seraient peut-être damnés, peut-être aux mains du Seigneur, mais tout ne pouvait pas s'arrêter là. C'était bien au-delà des lois physiques, le corps ne suffisait parfois même plus. Leur âme devenait si ardente qu'ils avaient presque envie de se dévorer, de ne faire plus qu'un, en plus de ces moments de pure symbiose. Non, elle ne voulait pas croire que ce n'était qu'une histoire de quelques dizaines d'années, que cela pouvait s'oublier si aisément. Il y avait un avant, et il y aurait un après. Cela devenait une évidence à chaque fois qu'il la regardait avec une telle adoration, à chaque fois qu'il était en elle et qu'il lui transmettant ce désir qui brûlait sa peau, qui le rendait parfois fou. Grace s'avoue chanceuse d'être tombée amoureuse, d'être mariée à cet homme et de pouvoir passer le restant de ses jours à ses côtés. Ils étaient fidèles à l'un l'autre, d'une loyauté peu mesurable bien que leur relation se parsemait de quelques querelles. Celles-ci étaient bien minimes, comparées à leur amour. Si Celso ne voulait se soumettre à aucun roi au fond de lui, il se pliait volontiers aux volontés de Grace. En réalité, ce sont bien les femmes qui ont le pouvoir, à force de manipuler maris, ennemis et amis. Les guider subtilement pour obtenir ce qu'elles convoitaient. Tout ce que Grace convoitait, c'était que sa famille se porte, que Celso ait une belle et longue vie à ses côtés. Qu'il parvienne à se hisser au plus haut, devenant l'homme le plus puissant de ce monde, ce n'était à ses yeux qu'un cadeau supplémentaire. Elle se souvenait parfaitement de leur première nuit ensemble. Ils avaient couché ensemble, étaient tous les deux nus, et Celso avait également dévêtu une vérité bien cachée. Grace avait eu une sorte de choc, en réalisant qu'elle avait partagé son lit avec un homme capable de bouleversé le courant de l'Histoire par son nom et sa lignée. Et il lui avait demandé d'être à ses côtés, il rêvait la voir impératrice, couverte de cadeaux, et que tout le monde puisse admirer sa beauté lorsqu'elle siégerait sur le plus magnifique des trônes. Il voulait donner le plus bel héritage possible à sa famille. Plus ils feraient d'enfants, plus il y avait une chance que l'on se souvienne un peu d'eux. Que cette lignée perdure, même s'il fallait la cacher afin de ne pas être tué. Mais Grace adorerait qu'on se souvienne d'eux, de par leur amour. La gloire lui semblait bien minime à côté. Elle fit alors fusionner son corps avec celui de Celso. Lui goûtait inlassablement sa peau devenue bien salée à force de mouvements de hanche. Cela ne semblait pas le gêner, loin de là. Tout le corps de la jeune femme se crispa dès qu'elle parvint à retrouver ce point précis. Elle gémit longuement et tout son corps se mit à frémir dès qu'elle put à nouveau respirer. Ce fut largement suffisant pour que Celso ait envie également de partager ce plaisir qui l'embrasait de plus en plus. Ses mains fortes guidaient son fessier afin qu'elle adopte un rythme qui le poussait progressivement à bout. Le reste du monde s'effaçait toujours durant ces moments là, il n'y avait qu'eux. Il atteignit ce point de non-retour, et Grace l'admirait à ce moment-là. Il était si beau. Ses yeux verts décrivaient à eux-seuls toutes les sensations qu'il ressentait à ce moment là. Il se laissait submerger avec grand plaisir. Il ne prit même pas le temps de reprendre son souffle qu'il l'embrassa à pleine bouche. Il s'était redressé et elle voulait qu'il reste encore en elle. Il n'était pas recommandé de faire l'amour que l'on était enceinte, les médecins disaient que ce n'était pas bon pour l'enfant. Grace s'était toujours demandée pourquoi. Ses mains caressaient son dos humide pendant qu'ils s'embrassaient langoureusement. "Ca ne lui a rien fait, je le sais." lui souffla-t-elle entre deux baisers, avant qu'il ne s'inquiète à ce sujet. En quoi s'aimer tant pouvait-il faire du mal à cet enfant ? Elle n'avait pas vraiment envie de se détacher de lui, ni de songer à enfiler leur chemise de nuit. C'était extrêmement rare, mais elle avait adoré ces quelques fois où ils dormaient intégralement nus, l'un contre l'autre. Lorsqu'elle plongea son regard dans celui de Celso, une pensée bien étrange lui traversa l'esprit. Elle se promit à ce moment là de ne pas demander d'attendre avant une prochaine grossesse. Ils vieillissaient tous les deux et ne pouvaient se permettre un tel luxe. Plus ils auraient d'enfants, mieux ce sera. Ils restaient ainsi longtemps à se regarder, à s'embrasser, à se caresser, même lorsque leur corps commençait à se refroidir. Mais le sommeil eut raison d'eux, et ils finirent par se détacher de l'un l'autre. Il fallait bien se rhabiller, mais ils restaient bien collés à l'un l'autre pour passer une nuit paisible. Mais comme tous les matins, Celso était levé bien avant elle pour devoir répondre à toutes ses obligations de vice-roi.
Faisant les cent pas, j'ai longuement réfléchi aux paroles de Grace, la veille. J'ai surtout songé à l'éventualité que la Sforza n'offre l'aide du nord de l'Italie qu'à la condition d'un mariage. Et comme je l'ai répondu à la jeune femme, j'ai déjà une épouse ; une reine qui se dresse sur le chemin d'Ippolita si tel est bien son plan. A la lumière de cette hypothèse, il ne peut en être autrement : lorsque je suis arrivé à Squillace, les Sforza ont immédiatement souhaité former une alliance, et en toute logique c'est avec moi que la belle brune aurait du se marier si Grace n'était pas arrivée. Relayée au bras de Francesco, elle fut obligée de s'en débarrasser afin d'avancer. Lui n'avait pas d'ambition autre que de régner sur ses régions. L'ancien statut de duc de Milan de son père lui a assuré un mariage avec celui que l'Empereur a désigné à ce siège à sa place, mais permettant ainsi aux Sforza de garder un pied au pouvoir de la ville. Tuer cet époux lui a permis de rendre la région à sa famille et de m'être parfaitement indispensable si je souhaite unifier l'Italie contre l'Empereur. Et pour cela, elle peut émettre toutes les conditions qu'elle souhaite. Ou poursuivre sa carrière d'assassin en me forçant, subtilement, à faire partie du plan de départ, à savoir être son mari. En résumé, Ippolita a tout intérêt à s'en prendre à Grace, et l'attirer ici revient à jeter ma femme dans la gueule du loup, ce que je dois absolument empêcher. Faute de pouvoir refuser que la brune mette un pied à Naples, et toujours aussi dépendant de son soutien, me voilà à faire les cent pas dans mon cabinet pendant des heures à la recherche d'un moyen de combiner les intérêts de chacun. La route entre un homme et ses objectifs est parfois terriblement sinueuse. « Faites venir mon épouse, je vous prie. » je demande à un servant une fois ma réflexion parvenue à une issue me semblant convenable. Le garçon s'empresse de chercher sa reine et de lui faire comprendre qu'elle est demandée à mes côtés. Je n'attends que quelques minutes, me répétant encore et encore le plan, avant que la jeune femme apparaisse. « Grace... » Je lui souris instantanément et l'invite à s'asseoir d'un geste de la main. J'ai en tête, furtivement, notre nuit de la veille, et cela me fait sourire un peu plus. Sa sécurité est devenue d'autant plus importante maintenant qu'elle porte notre enfant. Son rôle est prépondérant. « J'ai un service à te demander. » Le ton n'est pas alarmant afin qu'elle ne s'attende à rien de compliqué ou à une situation grave. Elle pensera sûrement qu'elle ne peut pas m'être d'une quelconque aide s'il s'agit de politique, et pourtant, elle va le pouvoir, à sa façon. « J'ai beaucoup réfléchi à la venue d'Ippolita, elle sera là dans quelques jours mais ne restera pas longtemps, et j'ai besoin d'en profiter pour savoir ce qu'elle manigance. » Je n'aurai pas d'autre occasion avant longtemps. Elle vient afin que nous scellions notre alliance et planifions la suite des événements, mais il n'est pas question qu'elle mène le jeu et que je me laisse prendre par surprise. Pour cela, la stratégie risque de surprendre Grace. « J'ai besoin que tu fasses mine d'être souffrante. Mourante, presque. Toute la Cour doit le croire, personne ne doit être au courant du subterfuge. C'est important pour que cela soit crédible. Tu ne quitteras pas ta chambre, ni ton lit. Au moins, tu n'auras pas à être en contact avec Ippolita, sauf si elle te rend une visite de courtoisie, et je pense que c'est une perspective qui peut te plaire. De plus, je doute qu'elle attente à ta vie si elle te croit déjà sur le point de rendre ton dernier souffle. » Jamais elle ne se salirait les mains de la sorte, ce n'est pas son genre de mettre un coussin sur la tête d'un mourant si elle peut se contenter d'attendre que la maladie fasse son œuvre. « Je veux savoir quelle sera sa réaction face à l'éventualité de ta disparition. Elle va nous croire affaiblis, et elle va penser que je suis vulnérable au plus haut point, que je n'ai plus rien à perdre. Je suis certain que dans ce contexte, son assurance et son orgueil vont la pousser à se dévoiler et à me révéler ses plans pour le futur. Nous verrons son vrai visage, nous connaîtrons sa stratégie, elle ne pourra plus avoir un coup d'avance sur nous. » S'il est question de mariage, je le saurai d'emblée. Assis face à mon épouse, je prends ses mains dans les miennes, le regard rassurant. « Grace, c'est un moyen pour moi de te garder en sécurité, tout en te permettant de te tenir à distance d'Ippolita, et cela me permettra d'y voir plus clair concernant les événements futurs. Une fois qu'elle sera partie, nous dirons que tu as guéri, et nous pourrons annoncer ta grossesse plus tard. Qu'est-ce que tu en dis ? »
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C'était le coeur déjà plus léger et plus serein que Grace se leva. Elle était souriante, joviale, assez excitée à l'idée d'annoncer sa grossesse. Mais elle se sentait particulièrement épuisée. La petite blonde pensait alors que c'était son enfant qui puisait déjà beaucoup de son énergie, ou que c'était à cause des ébats de la veille. Jane lui était fidèle, elle n'en avait touché un mot à personne pour le moment. Elle était douée pour garder un secret. La vice-reine passa le début de sa matinée à bouquiner dans ses appartements. Francesco fit également une visite surprise, bien envieux de voir sa mère et d'avoir un câlin de sa part avant de retourner auprès de Giulia. C'était un petit garçon qui ne manquait pas d'affection, sa mère, tout comme sa nourrice, y veillait bien. Après quelques mots échangés, on laissa la jeune femme à nouveau seule. Pas pour bien longtemps, car l'un des servants vint la quérir. "Le vice-roi vous demande, votre Majesté." dit-il après s'être incliné devant elle. Grace était bien perplexe que Celso ne vienne pas lui-même pour annoncer ce qu'il avait à dire, ce n'était pas vraiment dans ses habitudes. Grace déposa son bouquin sur une petite table avant de suivre le servant jusqu'au cabinet de Celso. On ferma la porte derrière eux et il l'invita à s'asseoir, ce qu'elle fit, bien silencieusement. Elle l'écoutait avec attention - et bien sûr, il comptait parler d'Ipppolita. La petite blonde essayait de voir le verre à moitié plein en se disant que la Sforza ne resterait pas bien longtemps à Naples. Elle ne cacha pas sa surprise en écoutant le plan monté de son époux. Grace avait été chanceuse de ne tomber que très rarement malade. "Je veux bien faire tout ce que tu veux, mais il faut que tu saches qu'il y a bien une personne qui sera très difficile à duper." répondit-elle calmement, en ne quittant pas son regard. "Jane me connait depuis des années, elle me suit depuis des années. Elle sait comment je me porte lorsque je suis malade, elle sait lorsque je ne le suis pas." C'est d'ailleurs qui lui avait bien fait comprendre qu'elle était enceinte. "Elle me connaît bien. Il faudrait qu'elle comprenne également que tout ceci est intentionnel. A moins qu'elle ne comprenne toute seule que tout ceci ne sera que comme une personne de théâtre dont elle sera également l'actrice. Elle pourrait le deviner." Et Grace n'aimait pas trop mentir à sa suivante, comme aux deux autres d'ailleurs. Mais cela semblait être indispensable. "Tu pense qu'il se peut que j'ai raison, pour cette histoire de mariage, alors ? Qu'il se peut que je n'ai pas eu tort ?" lui demanda-t-elle. "Je serai celle qui ferait effondrer tous ses plans ?" Peut-être la petite blonde était bien plus mêlée à toutes ces histoires de politique qu'elle n'aurait pu le croire. Elle ne trouvait pas cette position particulièrement plaisante, d'être celle de trop sur la balance. Il prit délicatement ses mains entre les siennes, et Grace les embrassa délicatement. "Je ferai tout ce que tu voudras." lui assura-t-elle avec un sourire. "Et ça tombe plutôt bien, je me suis réveillée assez épuisée, ce matin, je ne serai pas contre rester au lit plus que de coutume." Ca se voyait, sur son visage - il y avait juste l'angoisse de ne pas pouvoir retomber enceinte qui avait bel et bien disparu. "Je ne sais pas si c'est ton enfant qui puise toute mon énergie, ou si c'est l'intensité de nos ébats d'hier soir." lui lança-t-elle avec un regard malicieux. Grace se leva et enlaça son conjoint. "Je ne pourrai pas être auprès de toi pendant ce temps là." Ils allaient devoir être séparés de jour, comme de nuit pour que tout le monde y croit. "Je ne pourrai pas veiller sur toi, ni être à tes côtés. Je veux que tu sois prudent, Celso. Ne fais pas quelque chose qui pourrait te mettre en danger." C'était une séparation certes provisoire et de courte durée, mais déjà bien trop longue pour elle. Ils passaient encore quelques instants à se câliner et à s'embrasser avant qu'elle ne doive le laisser continuer de travailler - dieu seul sait tout ce qu'il avait à faire. Grace retournait dans ses appartement. Une journée où elle préférait amplement le calme dans la pièce. A cause de la fatigue, se disait-elle. Elle déjeuna dans ses appartements, et comptait ensuite se promener un peu dans la cour. Mais une poignée de minutes plus tard, Jane se précipita dans le cabinet de son roi, bien que celui-ci était en compagnie de quelques uns de ses conseillers. Essoufflée, l'air paniqué et alarmé, elle dut prendre sa respiration quelque temps avant de pouvoir dire quoi que ce soit. "Votre Majesté... Lady Grace... Elle est... Elle est tombée." dit-elle alors, ayant bien du mal à garder son froid. "Enfin non, elle s'est évanouie, alors qu'elle comptait se promener. Elle est... elle est brûlante de fièvre." Et la fièvre, cela ne pouvait pas se jouer, même pas par les meilleurs comédiens. Jane était d'autant plus alarmée parce qu'elle savait, tout autant que Celso, qu'elle était enceinte. Grace n'avait nulle besoin de jouer une quelconque comédie, la maladie s'était soudaine emparée sans crier gare, si ce n'est en la rendant fatiguée quelques jours avant qu'elle ne fasse son apparition. "Dois-je... Dois-je faire appel à un médecin ? Si vous la voyiez... elle est si pâle, si pâle."
D'après moi, plus un plan est étrange, plus il est difficile à démasquer. Ce mensonge sera assez gros mais assez probable pour que n'importe qui puisse y croire. Il nous faudra nous y prendre immédiatement, bien sûr, afin de rendre la prétendue maladie de Grace crédible. Son état doit commencer à se détériorer dès aujourd'hui et la rumeur à se répandre dans tout Naples et au-delà d'ici ce soir. La Lady consent à faire partie de ce plan, prête à m'aider lorsque j'ai besoin d'elle -ce qui est bien assez rarement le cas pour qu'elle ne se permette pas de refuser. De plus, je ne doute pas que l'idée de piéger la Sforza doit bien assez séduisante pour la motiver à rester alitée quelques jours. Il n'y a que Jane qui devra faire partie de cette comédie. « Tu peux la mettre au courant dès le départ si tu veux, nous aurons besoin d'un complice de toute manière, pour chauffer ton front et pâlir ton visage si quelqu'un souhaite venir te voir par exemple. Jane sera parfaite. » Je m'inquiète bien plus pour Francesco qui, s'il n'était pas aussi intelligent pour son âge, serait trop petit pour comprendre tout ce qui se passera. Mais ce n'est pas n'importe quel petit garçon, et il souffrira de savoir sa mère gravement malade, d'être interdit de l'approcher, et de ne pas savoir si elle survivra. Grace comprend rapidement la raison pour laquelle je souhaite la mettre à l'abri de la sorte. L'hypothèse du mariage a fait son chemin, et en effet, la jeune femme a certainement raison, ce qui fait d'elle une menace, un pion à éliminer pour une Ippolita qui ne cillera pas à cette pensée. « Probablement. » je réponds sobrement, ne voulant pas inquiéter mon épouse plus que nécessaire. « C'est pourquoi je veux te garder en sécurité. » Pour cela, faire la morte est la meilleure solution. Cela ne sera que quelques jours au lit, ce qui tombe bien vu sa nouvelle condition. « Si l'enfant te fatigue tant, il se peut que ce soit une fille. Tu sais ce qu'on dit, les filles prennent la vitalité et la beauté de leur mère. » dis-je avec un sourire. Enlacé par Grace, j'entoure sa taille avec mes bras et enfouis mon visage contre son ventre. Les journées seront pénibles sans elle. Elle me manquera affreusement. « Ne t'en fais pas pour moi. » Ce ne seront que quelques jours, je survivrai. Que pourrait-il se passer de mal ? J'ai la réponse quelques heures plus tard, guère celle que l'on pourrait croire pourtant, et sur le moment, l'entrée de Jane me semble être celle d'une actrice qui prend son rôle fort au sérieux. Sûrement se sont-elles mises d'accord avec Grace pour rendre cette soudaine maladie crédible. Si c'est le cas, face à cette prestation, je dirais que la place de la suivante est dans une troupe de théâtre et non au service d'une reine. « N'appelez personne, j'arrive. » dis-je avec un calme qui surprend toutes les personnes présentes, paniquant toutes à ma place. Jane m'escorte jusqu'aux appartements de ma femme, où je la trouve dans son lit, inconsciente, et en effet aussi pâle que les linges qui la couvrent. Je m'assois sur le bord du matelas, dubitatif, et passe une main sur le front de la Lady. Brûlant. Néanmoins, ce qui me procure un choc, c'est de constater que ma main n'est pas souillée par un quelconque maquillage visant à pâlir la jeune femme. Ce teint blafard proche de la mort est bel et bien le sien. « C'est réel. » je murmure, fixant le bout de mes doigts. Elle est malade. Véritablement malade. Je plaque une main sur ma bouche ; j'ai apporté ce malheur en le prononçant. J'ai voulu mentir, faire croire que mon épouse est souffrante, alors le ciel l'a frappée d'une réelle maladie. Une punition pour avoir voulu tricher. A quel point est-elle mal, je ne le sais pas. Mon coeur n'a pas besoin de cette information pour battre au rythme d'une panique qui me fait trembler et subir un vertige. Et l'enfant ? Le faible papillonnement des paupières de la jeune femme m'arrache à ce tourbillon de pensées. « Grace ? » Ma main prend la sienne, plus froide qu'à l'accoutumée, et la serre tendrement. Je force un sourire afin qu'elle sache qu'elle est en sécurité. « Je suis certain que ça n'est rien. » dis-je en espérant m'en persuader par la même occasion, le timbre tremblant d'angoisse. « Tu te souviens, tu m'as dis que pendant la grossesse il t'arrivait d'être faible et de perdre connaissance… Je suis sûr que ce n'est que ça. » Cela ne peut être que ça. Mon esprit rejette toute autre option plus grave et inquiétante. De toute manière, ma Lady n'est pas si frêle qu'elle en a l'air, elle sera rapidement sur pieds. « Au moins tu n'auras pas à trop jouer la comédie face à Ippolita. » dis-je avec un rire nerveux, sans trop savoir si cette tentative de dédramatisation est la bienvenue ou non. Le nom de la Sforza n'est sûrement pas le bienvenu dans cette pièce à cet instant. Je soupire en me traitant intérieurement de sot. « Tu sais que je n'ai pas confiance en les médecins, mais si tu le veux je peux en faire appeler un. » j'ajoute. Mon empoisonnement ne m'a pas réconcilié avec la médecine. Je n'en ai pas eu besoin pour guérir alors je pense que Grace et notre bébé non plus. Lorsque l'on veut survivre, le corps et l'esprit déploient leurs plus grands miracles afin d'y parvenir. Et Dieu a toujours été du côté de Grace bien plus que du mien, sa foi l'aidera.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
C'était l'un des gardes qui avait transporté la reine dans ses appartements. Il avait entendu les cris de ses suivantes et avait accouru aussitôt, gardant son sang froid au possible pour prendre soin de Grace. Pendant que Jane était allée annoncer la mauvaise nouvelle à Celso - elle était déjà informée de la supercherie, qui n'en était désormais plus une-, Luisa et Maria s'étaient cahrgées de retirer la robe et le corsage de Grace ainsi que tous ses bijoux. Ses cheveux étaient désormais lâchés. La petite blonde frissonnait, son teint était affreusement pâle, son front luisait à cause d'une fine particule de sueur. Elle avait chaud et froid à la fois, mais elle préférait qu'on la recouvre de toutes ses couvertures, ses frissons étant insupportables. La moindre lumière l'aveuglait et lui donnait un mal de tête. Luisa avait donc fermé tous les rideaux et avaient allumé des bougies afin que la pièce soit éclairée un minimum. Elle avait également ravivé le feu afin que la pièce soit plus chaude. On épongeait régulièrement son front égale. Pour le peu de fois où elle arrivait à entrouvrir les yeux, tout était flou, difforme. Sa tête lui semblait si lourde, elle sentait qu'elle était à bout de force. Elle était épuisée. Son sommeil n'était pas vraiment reposant, elle ressentait juste le besoin de garder ses yeux fermés. Celso était entré dans la pièce. Elle le savait, elle le sentait. Au moment où il frôla son visage du bout des doigts, elle fit tout son possible pour réagir, pour montrer qu'elle était toujours bien là. Réunir toutes ses forces nécessita de longues minutes, et tout ce qu'elle parvint à faire était d'ouvrir les yeux, et bien difficilement. Celso parlait avec douceur. Elle sentait qu'il était assis à ses côté, au bord du lit, qu'il était là, tout près d'elle. Le bel homme avait délicatement prit sa main. Il était mort d'inquiétude, c'était évident. Elle savait également qu'à cet instant, il se devait se maudire d'avoir eu l'audace de monter un tel plan, il devait certainement se rejeter la faute d'avoir fait tomber malade sa propre épouse. "Je n'ai jamais eu de fièvre, jusqu'à ce jour, durant mes grossesses." lui dit-elle tout bas, dans un murmure. Il fallait être honnêtre, Grace, connaissait ses malaises qu'elle avait lorsqu'elle portait un enfant. Celui-ci n'avait vraiment rien à voir. Celso tentait de voir les choses du bon côté, d'alléger la situation avec un peu d'humour. Il parvint à arracher un faible sourire à la jeune femme, elle ne pouvait guère faire plus. "En effet. Jane n'aura pas à s'embêter pour le maquillage." A la fin de sa phrase, elle eut une longue quinte de toux. Celso préférait éviter de faire appel à un médecin. Il ne leur avait jamais fait confiance. Cependant, il semblait enclin à écouter les désirs et préférences de son épouse. "J'aimerais bien en voir un, si tu le veux bien." dit-elle tout bas, en le regardant toujours avec ce faible sourire qui sollicitait toutes ses forces. "Je ne dis pas que je prendrai tout ce qu'il recommanerait. S'il ne s'agit que d'infusion de plantes, ça m'irait. Mais pas de ces potions étranges." Elle avait souvenir que son précédent mari ne priait que par ces concoctions, à l'odeur fétide et au goût amer. Grace était persuadée que ces boissons étranges avaient plutôt accéléré sa fin de vie que l'inverse. Elle n'était pas certaine qu'il y ait des effets bénéfiques. "Ne te laisse pas perturber par mon état, d'accord ? Certes, tu y es confronté désormais, mais ça ne doit te perturber en rien. Tiens toi à tout ce que tu m'as dit tout à l'heure. Ne la laisse pas abuser de cette faiblesse. Ne la laisse pas t'atteindre. Fais comme si de rien n'était, comme si ça se passait comme tu l'avais prévu. Aie confiance en moi, comme lorsque tu me demandes de te faire pleinement confiance. J'ai désormais ma propre bataille, et je ferai tout ce qu'il faut, pour le bien de notre deuxième enfant. Je le protégerai coûte que coûte." Elle ne se pensait pas aussi capable que lui, comme le fait qu'il ait pu surpasser un empoisonnement qui aurait très bien pu le tuer. "Dis à Francesco que je suis malade, que je ne peux pas le voir tant que je ne suis pas guérie. Je suis certaine qu'il comprendra. Dis lui que je l'aime plus que tout, dis lui pour son petite frère, ou sa petite soeur, ça devrait le réjouir. Dis lui qu'il me manque énormément." Grace savait qu'elle n'allait pas pouvoir le voir pendant plusieurs alors qu'elle aimerait tant le prendre dans ses bras, mais c'était bien trop dangereux. [color=#006699]"Va donc retourner auprès de tes conseillers, je sais que tu as beaucoup à faire." dit-elle, en commençant sérieusement à fatiguer. "Il faut que je me..." Et elle s'assoupit, épuisée par tout ce qu'elle avait à dire. La nouvelle se répandit particulièrement vite dans tout Naples. Bon nombre gens du peuple, et mêmes des nobles, s'en étaient allés priés pour elle dès qu'ils en eurent l'occasion. Grace ne rouvrit pas les yeux de la journée. Le lendemain, son état empira considérablement. Elle était brûlante de fièvre, et ses quintes de toux se multipliaient. Elles étaient si intenses que l'on avait l'impression qu'elle crachait ses poumons et que ça l'empêchait de reprendre correctement sa respiration. Chaque quinte l'épuisait encore et toujours plus. Jane avait mis dans sa main le chapelet qu'elle préférait. Elle restait constamment auprès d'elle, à lui éponger le front, à prier inlassablement, tout comme Luisa et Maria. Aucune d'entre elles ne se permettait de quitter la pièce, si ce n'était pour chercher le nécessaire pour prendre soin de Grace. Parfois, elle respirait si faiblement que l'on ne voyait plus sa cage thoracique se mouvoir. Son teint blafard laissait croire, avec tout le reste, qu'elle était morte. Mais elle était toujours bien là. Les médecins étaient passés, proposant diverses potions et infusions, mais la jeune femme était trop faible pour avaler quoi que ce soit. Elle dormait, mais cela n'avait rien de reposant. Elle frissonnait, elle faisait des rêves étranges et angoissants. Elle était couverte de sueur. Elle s'épuisait d'heure en heure, bien incapable d'ouvrir les yeux, et encore de parler. Au fond d'elle, elle faisait absolument tout pour survivre, bien que cela lui semblait impossible par moment. Mais elle tenait tant à ce bébé, elle l'aimait tant déjà, elle ne pouvait pas le perdre.
La fièvre ne pourrait être qu'un nouveau symptôme propre à cette grossesse-ci, mais Grace balaye la possibilité ; ce n'est pas le mal qu'elle subit habituellement lorsqu'elle attend un enfant, c'est autre chose, et surtout, cela est bien pire. On peut deviner que son éternel petit sourire lui demande toutes les forces qu'elle peut rassemble, que même ses paupières sont trop lourdes pour demeurer ouvertes, et que le sang circule à peine dans ses veines dénuant ses joues de toute couleur et son corps de toute chaleur. Ses membres reposent, mous, sur les draps qui l'enveloppent toute entière afin de faire cesser les frissons. Toujours méfiant des médecins, je propose tout de même à Grace d'en consulter un, prêt à mettre mon aversion de côté si tel est son souhait. Lorsque j'étais à sa place, elle me demandait d'accepter que l'homme amené par Anatoli m’ausculte afin de trouver la cause de mon mal. Je suppose qu'elle croit en ces choses plus que moi, car elle en réclame un cette fois également. « Tout ce que tu voudras. » je murmure en gardant sa main froide dans la mienne, portée près de mes lèvres pour déposer régulièrement un baiser dessus. Elle use ses forces dans quelques paroles pour me donner du courage et m'inciter à garder la tête froide, mais poursuivre mon plan dans ces conditions me paraît impossible. Je dois rester auprès d'elle tout comme elle n'a jamais quitté mon chevet, là est ma seule place. La politique, les stratégies, les manigances peuvent attendre. Après tout, c'est à cause de cela qu'elle est dans ce lit désormais. La culpabilité me ronge jusqu'à l'os. Je n'ose pas avouer à Grace que je me sens incapable de faire quoi que ce soit tant je suis inquiet, que mon être n'est que plomb condamné à demeurer ici jusqu'à ce que son beau visage retrouve des couleurs et son regard tout son pétillant. Les forces me sont retirées tout comme les siennes à la simple idée de la savoir dans ce lit. Tandis qu'elle s'endort, Dieu seul sait pour combien de temps, je demeure ici un long moment. Je ne quitte la chambre que pour retrouver Francesco, les jambes lourdes traînant mon corps dans les couloirs comme un mort-vivant. Je le prends dans mes bras, trouvant dans sa chaleur un peu de réconfort. « Topolino... » Le garçon comprend bien vite que quelque chose ne va pas. Sensible, en bon petit italien de sang, il sait déceler les émotions de ceux qu'il aime. L'épreuve est de trouver les bons mots. « Ta mère est très malade. Elle doit se reposer. » Il acquiesce d'un signe de tête. Lui n'a jamais été malade, mais l'un des fils de Giulia, un jour, a attrapé froid et est resté plusieurs jours au lit, alors il comprend ce que cela signifie. « Tu ne peux pas la voir tant qu'elle est malade, parce que tu pourrais attraper le même mal. Mais elle t'aime plus que tout, et elle va guérir pour toi. » Il acquiesce une nouvelle fois, moins certain de tout saisir, si ce n'est qu'il ne peut pas entrer dans la chambre. « Il faut que tu pries pour elle, et pour le bébé qu'elle porte. S'ils s'en sortent tous les deux, alors tu auras peut-être un frère ou une sœur. Alors il faut leur envoyer de la force, d'accord ? » Doucement, je joins ses mains devant lui puis fais de même avec les miennes. « Viens, prions. » A genoux, le garçon s'installe de la même manière face à moi. Il ne connaît pas encore de véritable prières, il se contente de penser avec insistance à quelque chose en fermant très fort les yeux. Francesco demeure sous la bonne garde de Giulia pendant le reste de la journée. Je passe l'après-midi, la soirée, la nuit et même tout le lendemain auprès de Grace. Le chapelet que je lui avais subtilisé à Londres ne me quitte toujours pas ; enroulé entre mes doigts et les siens, je ne suis pas certain de son effet, mais je sais qu'il me donner l'impression que mes paroles ont plus de chances de résonner jusqu'aux oreilles de Dieu. Je suis présent à chaque quinte de toux, et je remarque toutes les fluctuations dans son énergie vitale, la discrétion de sa respiration. « Votre Majesté, vous risquez de tomber malade vous aussi en restant ici. » se risque à dire le médecin qui, lui-même, quitte rarement les appartements de Grace afin de suivre d près l'évolution de sa santé. Il tente régulièrement de lui administrer quelque chose pour l'aider à aller mieux. « Peu importe. » je murmure. « J'ai survécu à un empoisonnement, je peux survivre à ça. » Cela est eut-être orgueilleux de ma part, mais la maladie ne me fait pas peur. Que l'on m'arrache mon épouse m'effraie bien plus. Tout perd de son sens sans elle. « Je ne la laisserai pas. » Impossible de manger, impossible de dormir. Je passe la nuit à caresser ses mèches blondes et éponger son front, maintenant que ses suivantes dorment -quoi qu'elles se relèvent afin que l'une d'elles soit toujours éveillée. Mais nous n'échangeons jamais une parole, les mots n'ont aucune place dans un instant pareil, seules les prières ont le droit d'emplir l'air et les poumons de la Lady. « Pourquoi vous ne la sauvez pas ? » me demande pourtant celle qui s'installe face à moi, de l'autre côté du lit. Je reconnais la plus récente des suivantes de Grace, une napolitaine. Croyant qu'elle ne fut pas assez spécifique dans sa question, elle prend ; « Pourquoi vous ne la sauvez pas comme vous l'avez fait pour survivre à votre empoisonnement ? » Si seulement. J'avoue que si une ombre, maléfique ou non, proposerait un marché en échange de la santé de mon épouse et de notre enfant, j'accepterai qu'importe la condition, ayant bien trop peur de vivre sans elle, ou même de risquer que la maladie lui laisse des séquelles. Je pactiserai n'importe quoi avec n'importe qui pour que la jeune femme sorte de ce lit. Mais ce genre d'ombre n'existe pas, et personne ne marchande avec la mort. « Parce que c'est une histoire, Maria. Ce n'est pas arrivé. » je réponds d'une voix lasse. Peu après, je m'endors enfin, épuisé. C'est un de mes gardes qui me réveille avec autant de délicatesse que l'épaisse armure lui permet d'en avoir. J'ai dormi toute la matinée. Entre temps, l'état de Grace ne s'est pas amélioré. On m'indique que mon fils me demande à la porte de la chambre. Le petit héritier haut comme trois pommes sait faire valoir son autorité. Une fois face à moi, il me tend fièrement un bouquet de fleurs jaunes aux longues tiges. Ils les a cueillies lui-même sur la colline du château en compagnie de Giulia. La nourrice a cru bon de permettre à Francesco de se sentir utile, de tenter de participer au rétablissement de sa mère, sachant que l'intention en elle-même pourrait suffire à lui donner des forces. « Papa, pour maman. C'est l'elicriso, pour guérir. » Emu, je souffle nerveusement, le regard débordant de tendresse pour mon garçon. Je lui souris, un peu tristement malgré moi. C'est une plante qui n'est bonne que tu les bleus. Accroupi, je prends mon fils dans mes bras et cache dans son dos cette larme d'angoisse qui roule sur ma joue. « Merci. » Il m'embrasse sur la joue et retourne auprès de ses cousins. Giulia m'adresse un sourire compatissant. Je n'ai pas le temps de retourner dans les appartements de Grace que l'on m'informe de l'arrivée d'Ippolita. Et un bon souverain irait l'accueillir. Elle m'attend dans la grande salle, l'air grave, visiblement déjà au courant de la nouvelle. Son regard vif dévisage furtivement mes traits tirés, mon manque de sommeil, les rides et les cheveux gris apparus en deux ans. « Je suis désolée, j'arrive au mauvais moment. » Je demeure silencieux et impassible. Qu'elle dise ce qu'elle a à dire et me laisse retourner auprès de Grace. De toute manière, rien de ce qu'elle pourrait articuler n'aurait grande importance à côté de cela. « Je voulais simplement vous saluer, et vous dire que toutes mes prières seront pour Grace. Nous nous verrons demain, si vous vous en sentez la force, et je rendrai une courte visite à votre épouse si les médecins le permettent afin de lui apporter mon soutien. » J'acquiesce d'un clignement de paupières. La Sforza, visiblement déstabilisée, s'approche de moi et pose affectueusement une main sur ma joue. « Vous avez l'air dévasté. » A y voir de plus près, je ne devine pas de réelle compassion dans le regard d'Ippolita. Uniquement une sorte de curiosité, d'incompréhension. Pourquoi être si triste ? Après tout, ce n'est que la vie, et ce n'est que la mort. Nul être a plus de valeur qu'un autre, tous sont égaux face à la fatalité. Le cycle naturel des choses. L'amour, la dépendance d'une âme pour une autre, cela la dépasse. C'est ce que je comprends lorsque son regard retrouve son éclat froid. « Reposez-vous, Celso. Votre femme est souffrante, mais ce pays aussi. » Sur ce, elle quitte la salle afin de se rendre dans les appartements qui ont été préparés pour elle. Du moins, c'est son intention, mais ma main se emprisonne fermement son bras au moment où elle me tourne le dos. « Si ceci est votre œuvre, vous envierez le sort d'Anatoli. » D'ailleurs, je ne sais ce qui me retient de la jeter entre quatre chevaux. Elle me jette un regard de défi auquel je ne prends pas la peine de répondre. Je me contente de retrouver ma place au chevet de Grace. « Francesco est allé te cueillir la fleur immortelle pour t'aider à aller mieux. » lui dis-je tout bas, sans savoir si elle écoute, si elle entend, si elle vit toujours. Je l'embrasse sur son front, toujours chaud ; elle est toujours là, le froid n'a pas envahi son petit corps. « Tu dois rester avec nous, mon amour... »
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Celso se pliait sans mal aux volontés de la jeune femme. Il n'y avait qu'une seule chose qu'il n'arrivait pas à respecter, et c'était certainement la plus importante. Bien qu'affaiblie et perdue dans son sommeil, la petite blonde sentait qu'il ne partait, qu'il ne s'éloignait pas d'elle. Il y avait un franc contraste entre la chaleur de ses mains et la froideur des siennes. Celso avait toujours l'épiderme plus chaud qu'elle. Et elle appréciait ce contact. Il était si doux, si délicat. C'était encourageant de savoir que la personne que l'on aimait le plus en ce bas monde ne voulait pas se détacher d'elle. Tout comme elle n'avait pas quitté un seul instant son chevet lorsqu'il avait été empoisonné. Elle l'avait senti partir, pour aller voir leur fils, ce fut Jane qui prit le relais en s'agenouillant par terre, juste à côté de son lit. La petite Anglaise ne cessait de prier, de demander un peu de clémence au Seigneur. Grace était bien incapable de s'y retrouer, dans ces jours qui passaient. Chaque seconde lui semblait être une heure entière. Une éternité de souffrance et de maladie qu'elle ne désirait pour personne. Elle aimerait se réveiller, ou qu'on la laisse partir. Mais pas qu'on la laisse sur pareille balance, à se demander si le prochain souffle sera le dernier. Elle sentait que sa bouche était bien sèche, qu'elle n'arrivait plus à bouger ses membres tant elle était faible. La jeune femme entendait la voix de son époux. Celle-ci était comme un écho, un murmure. Malgré tout, elle parvenait à comprendre ses mots, à y donner un sens. Elle était touchée que son fils ait une pensée pour elle, allant même jusqu'à lui cueillir des fleurs pour elle. Et Celso, complètement démuni, restait auprès d'elle de jour comme de nuit, lui suppliant de survivre, de continuer à se battre bien qu'elle commençait à grandement manquer de ressources. Le jour où elle parvint à ouvrir ses yeux, elle était incapable de dire quel jour il était. Ses paupières lui semblaient encore bien lourdes, mais elle y parvenait quand même, tenant à voir où elle était, s'il faisait nuit ou jour. C'était à peine visible, qu'elle reprenait ses esprits. Sa vision était encore bien floue, mais elle parvenait à discerner la lueur des bougies, et le feu dans la cheminée. Il faisait encore nuit. Grace aurait rêvé de pouvoir étirer ses membres, se les dégourdir un peu. Mais même cela, elle n'y parvenait pas. Maria et Luisa étaient allées cherchées des draps propres. Elles les changeaient tous les jours. Il ny'en avait pas un seul où il y avait une tâche de sang, rien qui laissait supposer qu'elle aurait pu avoir une fausse-couche. Par on ne sait quel miracle, l'enfant était toujours bel et bien là. Jane était assise dans un des fauteuils, profondément assoupie. Et enfin, Celso, qui lui était assis par terre, la tête sur le matelas. Ses traits étaient on ne peut plus tirés, l'on devinait toute la tristesse et l'inquiétude qu'il avait ressenti ces derniers jours. Elle ne saurait dire à quand remonter le jour où il lui avait dit que Francesco lui avait apporté des fleurs. D'ailleurs, elle les cherchait du regard, ces fleurs. Il y avait plusieurs bouquets, la majorité d'entre eux était fanés, sauf un. Combien de jours ? Elle ne saurait le dire. La jeune femme parvint à lever un peu sa main pour effleurer ses cheveux, espérant que cela soit suffisant pour le réveiller afin qu'il puisse voir qu'elle avait ouvert ses yeux, bien que ceux-ci étaient encore mis-clos. Sa peau était encore plus chaude que la normale, son front était toujours humide, mais ce n'était rien comparé aux jours précédents. "Mon amour..." parvint-elle à articuler dans un souffle, tout bas. Elle n'aimait pas le voir dans un tel état, si fatigué. A force d'être là, son dos devait également le meurtrir, voûté comme il était. Il avait lié leur main avec le chapelet qu'il avait emmené avec lui d'Italie, après leur nuit ensemble. Il ne s'en était jamais plus détaché, il le gardait tous les jours avec lui. Il le voyait comme un objet particulièrement précieux, un porte-bonheur, un petit bout d'elle qu'il avait constamment auprès de lui. Grace était encore fiévreuse, et bien affaiblie, mais elle était bel et bien là. Elle était libérée de cette torpeur qui n'était pas réparatrice et était soulagée de voir qu'elle en avait été capable. La jeune femme continuait d'effleurer ses cheveux - la pauvre ne pouvait pas faire bien plus pour le moment - jusqu'à ce qu'il se réveille également et comprenne que ses prières étaient loin d'être vaines, bien qu'elle commençait à peine sa rémission après ces longs jours de calvaires.
A la réflexion, le plan était mauvais. Aussi bon comédien puisse-je être, je n'aurais jamais pu feindre la profonde peine, l'angoisse et le désespoir à l'idée d'être aussi impuissant face à la maladie de Grace, et cela, la Sforza s'en serait rendu compte immédiatement. Car elle sait mon amour pour elle, et qu'elle ne comprenne ou non ne change rien à sa capacité à décortiquer ses congénères humains. Elle ne connaît pas l'amour, mais elle le voit, et ce qu'elle sait, c'est qu'il rend faible, incohérent, vulnérable et misérable. La belle brune n'a jamais su, elle-même, si elle a placé le verrou sur son coeur ou si celui-ci ne fut pas glacé dès la naissance. Elle ne se souvient pas avoir jamais eu de véritables amis, ni le besoin d'en avoir. Elle n'a jamais ressenti d'affection forte et d'attachement pour ses propres frères et sœurs, ceux avec qui elle partage le même sang. Seul son père sort du lot, mais lui aussi n'a que son respect. C'est, à vrai dire, le niveau le plus haut d'émotion qu'Ippolita puisse ressentir : le respect. Elle qui n'accorde aucune valeur à la vie humaine, elle qui méprise les faibles, elle qui ne comprend pas l'amour, il n'y a qu'en gagnant son respect que l'on peut espérer survivre à ses côtés, et c'est pour cette raison qu'elle s'était attachée, ou presque, à moi. Le plan n'était pas suffisant, car même si l'état de Grace a bel et bien eu l'effet escompté sur l'orgueil de la Sforza, jamais n'aurais-je eu le courage nécessaire pour faire ce qui devrait être fait une fois le masque tombé. Ce n'est qu'à bout de forces, à bout de nerfs, à bout de toute volonté et de toute foi qu'il pouvait m'être possible de prendre cette décision. Et, une fois l'ordre donné, de me sentir soulagé. Désormais, il n'est plus question d'être le pion de qui que ce soit. J'ai conscience, en observant les soldats emporter Ippolita, que cette journée marque les premières heures de la guerre.
Ce sont les faibles caresses timides des doigt de Grace entre mes cheveux qui me tirent d'un sommeil loin de réparer quoi que ce soit -mais curieusement reposant, sûrement parce que le moindre moment d'endormissement, une fois pareil degré d'épuisement moral et physique atteint, ne peut être que bénéfique. Néanmoins, les jours et les nuits passées tantôt dans un fauteuil, tantôt à même le sol, me semblent vivre dans le corps d'un vieillard -d'ailleurs, plus les jours passent au chevet de Grace, plus il me semble en prendre bel et bien l'allure. Jamais n'ai-je été aussi persuadé d'être capable de mourir par amour, simplement en me laissant dépérir comme mon épouse, mon âme sœur ; je sais que si les Parques décident d'interrompre sa vie d'un coup de ciseau, l'on pourra m'enterrer avec elle dans l'heure. Mort de n'être plus qu'une moitié de moi. Mon fort intérieur devine le réveil de la jeune femme avant que sa main atteigne mon visage, mais ce ne sont véritablement que ces fines caresses que j'aime tant, même faibles, même discrètes, qui me font revenir à la vie. J'ouvre les paupières, les yeux séchés par le chagrin et la peur. Aux bougies allumées un peu partout dans la pièce, je devine qu'il fait encore nuit. Les respirations des suivantes, du médecin et du prêtre endormis dans des conditions aussi inconfortables que la mienne résonnent dans la chambre. Tous épuisés par la crainte que la reine s'éteigne. Mais elle est là. “Ne parle pas, garde tes forces.” je murmure, la voix rauque, affichant un faible sourire. Il me suffit de tendre le bras pour atteindre les joues pâles de mon épouse et constater la température de son corps -mais aussi caresser tendrement son joli visage. “Tu sembles avoir moins de fièvre.” Cela peut être seulement momentané, je doute d'avoir le droit de m'en réjouir. La déception ne serait que plus grande si, au matin, l'état de la jeune femme venait à rechuter. “Le médecin est impressionné par la pugnacité de notre enfant.” dis-je, toujours aussi bas, espérant que l'espoir de parvenir à garder cet enfant malgré tout puisse lui donner du courage et renforcer sa volonté. “Francesco va bien, Giulia s'occupe de lui. Tu lui manques.” Il trouve que le temps se fait long, et il s'inquiète lui aussi, bien trop pour un petit garçon, mais on ne peut pas lui reprocher d'être aussi soucieux par rapport à la santé de sa mère. Il est bien trop jeune pour la perdre, il a encore besoin d'elle, de tout son amour. “Tu me manques aussi…” Moi aussi, j'ai besoin d'elle. Je suis à peine vivant depuis que Grace est dans ce lit. Gardant la tête posée sur le matelas, lourde et migraineuse, je prends délicatement la main de la jeune femme et y dépose un baiser. “Tu va te remettre, j'en suis certain. Nous n’en avons pas terminé avec cette vie tous les deux. Il faut que tu continues de te reposer, ma petite Lady. Bientôt tu iras mieux. Et bientôt je t'offrirai toute l'Italie…”
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Difficile de remettre toutes ses idées en place, de se mémoriser les heures qui avaient précédé son malaise. L'esprit de Grace était encore bien embué par la maladie, cela se remarqua par la lenteur de son temps de réaction. Ce n'est que bien plus tard qu'elle remarqua la présence du médecin et du prêtre, plus loin dans la pièce. La jeune femme jurerait que son cher et tendre avait un peu plus de cheveux gris, depuis la dernière fois. La dernière fois. A quand cela remontait-il ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Celso avait les yeux rougis par la fatigue, les rides d'un chagrin certain qui marquaient le coin de ses yeux. Il semblait avoir pris un peu d'âge après ces quelques jours de calvaire, comme s'il dépérissait en même temps qu'elle. Grace était désolée de lui avoir infligée tant de souffrance, elle s'en voulait d'être tombée si gravement malade. Il avait subi une bien autre forme de douleur, mais qui semblait tout aussi insupportable. Il se réveilla sans le moindre mal et lui afficha un adorable sourire, soulagé qu'elle trouve au moins la force d'ouvrir ses yeux. Il porta ses doigts sur son visage pour le caresser délicatement et constater de lui-même que la température de sa femme. Il préférait qu'elle ne parle pas trop, qu'elle conserve le peu d'énergie qu'elle avait réussi à rassembler ces derniers jours. "Il est toujours là..." dit-elle dans un soupir soulagé, apprenant qu'elle n'avait pas perdu leur enfant durant ces derniers jours. "Il dispose déjà de ta force." Elle aurait très bien ne pas en avoir conscience, ne pas avoir souvenir d'une éventuelle fausse-couche. "Je me sens un petit peu mieux, oui." lui dit-elle tout bas, avec un faible sourire. Certes, c'était loin d'être suffisant pour qu'elle puisse se lever, marcher, et reprendre son cours de vie habituel. Mais il semblait qu'elle s'était un peu éloignée des portes de la mort. "Vous me manquez tous les deux aussi." dit-elle d'un regard tendre. Elle avait tant hâte de reprendre leur fils dans ses bras, de pouvoir embrasser son époux avec toute la fougue possible, coucher avec lui. Elle le regardait embrasser sa main, lui promettre toute l'Italie. "Cette vie ?" lui demanda-t-elle. "Tu supposes désormais qu'il y en a plusieurs ?" Lorsqu'elle lui avait parlé pour la première fois de cette idée, il en était presque choqué, c'était insensé pour lui. Mais voilà que son discours semblait changer. A moins qu'elle n'ait mal compris. Elle lui caressait tendrement les cheveux. "Je fais tout ce qui est possible pour me remettre au plus vite, mais je pense avoir tout de même besoin de nombreuses heures de sommeil. Ces derniers jours n'ont pas été des plus reposants." lui expliqua-t-elle. "Tu veux bien m'aider à me redresser et m'apporter un petit peu d'eau, s'il te plaît ? J'ai la bouche terriblement sèche." Il ne fallut pas plus d'une seconde pour qu'il s'exécute avec le plus grand soin. Il dut même l'aider un peu pour tenir le verre pour qu'elle puisse quelques gorgées. Tous les autres continuaient de dormir. Celso et Grace s'efforçaient d'être silencieux au possible pour poursuivre leur petit moment d'intimité. "Avant de m'offrir quoi que ce soit, va te reposer dans un lit, mon roi. Tu en as besoin, je le vois." lui dit-elle en portant faiblement la main à son visage pour lui caresser la joue. "Tu ne pourras pas conquérir grand chose avec tant de fatigue. Va dormir. Je te fais la promesse que je serai toujours bien là à ton réveil. Je ne me le pardonnerai jamais, si tu mourrais d'épuisement à force de veiller sur moi." Il y avait bien des personnes qui veillaient sur elle, et il pouvait compter sur elles au moindre changement. "Je le sentais, lorsque tu étais là, près de moi. J'entendais des prières. Mais j'étais incapable de bouger pour pouvoir t'assurer que j'étais encore bien là." Malgré le mal inconnu qui la rongeait, elle sentait tout son amour l'envelopper, l'encourager à sortir la tête de l'eau. "Je t'aime tant, Celso. Je ne comptais pas te laisser tout seul en ce bas monde. Il y a maintes promesses que je me suis faite et qu'il faut que j'accomplisse avant que cette vie là ne se termine." Grace commençait à fatiguer à nouveau, mais c'était un sommeil bien plus réparateur qui s'annonçait. Malgré son visage meurtri par la fatigue et la maladie, elle semblait un peu plus sereine. Certainement du fait de savoir que son enfant était toujours là, et que ces êtres qu'elle aimait tant se portait bien. A son réveil, le lendemain matin, Celso n'était effectivement pas là. Elle espérait qu'il l'avait écouté et qu'il s'était permis une bonne nuit de repos. La jeune femme était toujours bien fiévreuse, et toussait encore beaucoup. Mais, au grand enthousiasme des médecins, on parvenait à lui faire boire quelques gorgées d'infusions de camomille. Et lorsqu'elle ne buvait pas, elle se rendormait aussitôt, ou somnolait, du moins. En fin de journée, l'un des médecins constata que sa température avait bien baissé depuis le matin, et demanda à Jane de transmettre cette information plutôt encourageante au souverain.
Le soulagement attendra le jour où Grace sera capable de sortir de son lit et de tenir une journée sur ses deux jambes. En attendant, je ne considère pas cette cause comme gagnée d'avance. Dieu seul sait si la maladie reviendra, si l'état de santé de la jeune femme chutera à nouveau, voire même si la mort l'emportera dans quelques minutes, nous jouant simplement un jour sadique avant de mieux faire son œuvre et geler le corps de ma belle. Je m'efforce de sourire et conserve un peu d'optimisme que je tente d'insuffler à Grace afin de lui donner encore quelques forces pour se battre contre ce mal. Mais son visage est encore trop pâle pour que je la considère sortie d'affaire. Je crains toujours pour la vie de notre enfant, malgré la protection qui l'enveloppe. Et s'il était mort, mais que nous ne le savions pas ? Comment le médecin pourrait le savoir ? Peut-être est-ce un cadavre qui naîtra dans quelques mois. Peut-être sera-t-il un miraculé. Pour le moment, la fatigue l'emporte sur tout. Toutes mes pensées convergent vers mon propre épuisement et cette vie qui quitte mon corps un peu plus vite. Je fuis les miroirs pour ne pas m'apercevoir que dix jours ont marqué mon visage comme dix ans. Je me demande si quelqu'un écrira ou parlera un jour de la manière dont nos vies sont liées, et la mort nous effleure en même temps, ne pouvant emporter une âme sans l'autre. Néanmoins, nous avons encore des années à partager ensemble. Grace aimerait que je croie que ces années sont en réalité des vies entières ; avec un sourire attendri, je rectifie ; “Ce n’est pas ce que je voulais dire.” Cette fable dont mon épouse se berce ne veut toujours rien dire à mes yeux. J'en suis presque désolé. Sans un mot, je m'assois à côté d'elle et redresse délicatement le haut du corps de la jeune femme en la laissant prendre appui sur mon torse. Cela me permet de l'étreindre tendrement. Je l'enveloppe ainsi dans mes bras et l'aide à prendre quelques gorgées d'eau. Nous humidifions régulièrement ses lèvres pendant sa convalescence. “J’irai mieux quand tu iras mieux, et je me reposerai quand tu seras à nouveau debout.” De toute manière, je ne compte rien conquérir si ma reine n'est pas à mes côtés. Toutes les batailles attendront son rétablissement. Je ne quitterai pas cette chambre, je ne cesserai pas de prier, je ne la laisserai pas seule. Même si elle le sait déjà, Grace doit me sentir à ses côtés, sentir que je vivrai avec elle ou mourrai pour elle. “Je t'aime.” je murmure tandis que la Lady est emportée par la fatigue à nouveau. Mesurant chacun de mes gestes, je la rallonge dans le lit, la tête confortablement installée dans l'oreiller. Et puisqu'elle souhaite que je me repose dans un lit moi aussi, c'est dans le sien que je me fais une petite place pour ce qu'il reste de la nuit, tout près d'elle, une main protectrice sur son ventre. A la première heure le lendemain, je dicte dans mon cabinet une longue lettre visant à négocier avec nos prétendus alliés. Ils le seront, de gré ou de force, et ont tout intérêt à se ranger derrière moi à vrai dire -mais cette décision est uniquement entre leurs mains. “Faites envoyer ceci à Francesco Sforza, à Milan. S'il vous demande comment va sa fille, ne répondez pas.” L'incertitude est la pire des tortures. Cela est ma seule besogne de monarque de la journée ; il me faut retourner auprès de Grace sans attendre, mais pas seul. Je récupère mon fils auprès de Giulia et le porte dans mes bras jusqu'aux appartements de la jeune femme. “Allons voir ta mère, tu lui as beaucoup manqué.” “Elle est guérie?” demande-t-il avec enthousiasme. “Elle le sera bientôt.” Du moins, c'est ce que les nouvelles rapportées par Jane laissent sous-entendre. Nous entrons ensemble dans la chambre, et Francesco tend immédiatement les bras vers Grace. Je lui murmure d'être délicat avec sa mère, encore fragile, et c'est donc un adorable câlin tendre qu'il lui donne une fois déposé sur le lit. Je m'ajoute plus tard à cette longue étreinte familiale qui suffit à elle seule à redonner bien des forces suite à cette épreuve. D'ailleurs, le garçon pique un somme, bercé par la chaleur de ses parents, et peut-être lui aussi un peu fatigué par l'inquiétude. Je l'observe, le regard attendri, et passe une main sur ses cheveux. “Je ne sais pas si cela peut être d'un quelconque réconfort, mais Ippolita est désormais l'invitée d'honneur d'une cellule.” dis-je à Grace après de nombreuses minutes de quiétude. Son sort est entre les mains de son père.
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Grace s'était avancée un peu vite en supposant qu'il avait fini par croire ce en quoi elle était persuadée. Mais les traits sur son visage laissaient largement comprendre que si la jeune femme avait quitté ce monde, il l'aurait rejoint dans la foulée. Comme si leur âme était étroitement liée, que l'une dépendait indéniablement de l'autre. Celso ne voulait pas imaginer une vie sans elle, pas dans de telles conditions, pas en emportant avec elle leur second héritier. Il l'aida volontiers à se redresser, à l'aider à boire un peu d'eau pour se désaltérer. Ces quelques gorgées lui firent le plus grand bien. Elle reposait ensuite sa tête contre son torse, se laissant bercer par sa chaleur et son étreinte affectueuse. Il laissait bien comprendre qu'il ne comptait pas faire quoi que ce soit tant qu'elle ne sera pas totalement remise. Il ne continuera pas sa route pour devenir un plus grand roi encore tant qu'elle ne réenfilera pas ses robes majestueuses, et les bijoux qui ne faisaient que sublimer sa beauté. Tout ne dépendait finalement que d'elle et de son bien-être. Alors que la jeune femme s'assoupit à nouveau, Celso lui glissa quelques mots d'amour dans l'oreille avant de la réinstaller correctement, avec le plus grand soin. Elle n'était rien de plus qu'une poupée de chiffon, depuis son malaise. Malgré tout, le souverain se permit tout de même dormir un peu, en restant à côté. Grace avait senti sa main sur son ventre. Elle ne saurait expliquer comment, mais cela lui procurait une sensation particulièrement agréable. Oui, elle sentait que son enfant était toujours bien là, elle était presque sûre qu'il se portait bien. A son réveil, il était parti. Jane cachait à peine sa joie en voyant une légère amélioration de l'état de santé de sa reine. On avait un peu plus ouvert les rideaux, la lumière lui était un peu plus supportable. A vrai dire, cela lui fit le plus grand bien, que de voir le soleil, ne serait-ce qu'à travers les fenêtres. Grace se réjouissait de la prochaine promenade, des prochains activités qu'elle fera, aussi simples pouvaient-elles être, lorsqu'elle sera à nouveau sur pied. Le médecin lui recommandait quelques infusions qu'elle but volontiers, mais à petite dose à chaque fois. La plus belle surprise était de voir arriver Celso avec leur fils dans les bras. Jane aida alors rapidement son amie à se redresser pour qu'elle puisse s'adosser contre la tête de lit. "Mon trésor !" dit-elle, émue aux larmes, tant elle était heureuse de le revoir. Dès qu'il fut sur le lit, il s'approcha de sa mère pour l'étreindre longuement et tendrement. Grace embrassa sa chevelure brune, lui glissait des mots d'amour, lui disait à quel point il lui avait manqué. Le petit était aux anges, de retrouver sa mère après tout ce temps. Celso s'installa à leurs côtés pour les étreindre également. Grace était souriante, elle ne pouvait guère exprimer sa joie pour le moment. Blotti contre elle, Francesco finit par s'assoupir. "Merci, mon amour." dit-elle en laissant rouler une larme de joie sur sa joue. Ce n'était rien, que d'emmener son fils dans ses appartements, mais cela fut amplement suffisant pour lui donner un regain d'énergie. "Je t'aime tant. Je vous aime tant, tous les deux." dit-elle tout bas, en regardant affectueusement son enfant profondément endormi. Grace avait demandé à ses suivantes de sortir de la pièce afin de leur laisser un peu d'intimité. Au bout de longues minutes de silence, Celso reprit la parole, annonçant une nouvelle des plus surprenantes. Elle regarda son époux, les yeux écarquillés. "Que s'est-il donc passé ? Qu'a-t-elle fait ?" Il devait bien avoir ses raisons pour l'avoir emprisonné, il avait forcément quelque chose sur elle. "Ce n'est pas raisonnable de dire ça, mais je suis rassurée qu'elle soit confinée entre quatre murs." Ce n'était pas bien, de désirer ce genre de choses pour quelqu'un, mais c'est ce qu'il y avait de mieux pour la Sforza. On ne pouvait se fier à elle, on ne pouvait la laisser vagabonder en liberté. Celso devait bien avoir une idée en tête, s'il avait fait tout ceci. Elle n'était pas sûre qu'il vienne lui en parler. Il ne tenait pas à trop la mêler à certaines histoires, et puis, Grace devait avant tout penser à sa guérison. Jane se permit de rentrer dans la pièce pour raviver le feu et récupérer un livre qu'elle avait oublié. "Jane, veux-tu dire aux cuisines que je mangerai volontiers un petit quelque chose, ce soir ? Qu'ils ne se cassent pas la tête à faire un grand plat ou de la grande gastronomie." La suivante acquiesça d'un signe de tête, s'inclina, et ne tarda pas à transmettre le message. C'était toujours un bon signe, lorsque l'on avait à nouveau un peu d'appétit. Grace avait effectivement un peu faim, mais elle pensait avant tout à l'enfant qu'elle portait. Lui aussi, avait grand besoin de force. "Tu l'as déjà annoncé, ma grossesse ?" demanda-t-elle. Peut-être préférait-il attendre qu'elle soit entièrement remise pour réjouir le peuple et leur faire oublier cette mauvaise passe. Ses yeux tombèrent à nouveau sur Francesco, qui tenait fermement quelques doigts de Grace dans l'une de ses petites mains. "J'ai hâte, d'aller mieux. De voir mon ventre d'arrondir, de voir comment Francesco réagira en voyant cela." Elle souriait à cette simple pensée. C'était un petit garçon curieux, il allait poser des dizaines de questions à ce sujet, c'est certain.
Réunir la famille, après bien des jours loin les uns des autres, fut la priorité. Nul besoin d'être dispersés à travers de longues distances pour se manquer les uns aux autres, il suffit d'être privé de la présence de ceux que l'on aime, séparés par pas plus qu'un mur. Et encore, même au chevet de Grace, la jeune femme me manquait. Sa conversation, son sourire, ses gestes d'affection. J'ai bien peu vu notre fils à force de rester auprès d'elle, et je sais que Francesco aurait aimé avoir le droit d'être à son chevet également. Cela se voit sur son visage que sa mère lui avait manqué, son regard clair pétille au-dessus d'un adorable sourire. Cette épreuve fut beaucoup d'émotions en peu de temps. D'abord l'annonce de la grossesse de Grace, puis sa soudaine maladie mettant ce petit être et sa propre vie en péril, sans oublier l'arrivée d'Ippolita et toutes la politique avec elle. Il faudra plus d'un câlin familial pour retrouver des forces, mais celui-ci est particulièrement apaisant, notamment pour la mère qui a sûrement douté plus d'une fois de pouvoir reprendre ainsi son enfant dans ses bras un jour. « Lui aussi, il a prié pour toi. » dis-je en observant Francesco qui s'est assoupi. Ce n'est qu'une fois la pièce vidée des suivantes, du médecin et du prêtre que j'ose enfin aborder le sujet de la Sforza avec mon épouse. Je ne souhaite pas la noyer sous les stratégies politiciennes dès le début de son rétablissement, mais je n'oublie pas qu'avant que cette maladie soit bien réelle, elle ne devait être qu'une fiction au service d'un plan, et ce plan là devait être exécuté qu'importe les circonstances. Quitte à avoir attiré le malheur sur nous à cause de ma félonie, autant que la jeune femme prenne connaissance des résultats, à savoir l'emprisonnement de l'italienne. « Elle a commis bien des méfaits... » je réponds vaguement, car la liste de ses victimes est longue, et mentionner les mots ne serait pas de bonne augure. Ne s'étant jamais cachée de sa méfiance vis-à-vis d'Ippolita, Grace partage son soulagement à l'idée qu'elle soit derrière d'épais barreaux. Un discours déconseillé mais légitime. « C'est la vérité. C'est la place qu'elle devrait avoir depuis longtemps. J'espère pouvoir échanger sa vie contre l'armée de Milan. Je ne peux rien faire sans leur soutien. Je pense que Sforza tient assez à son unique fille pour céder. De toute manière, il veut chasser l'Empereur autant que moi, Ippolita n'est qu'une garantie de sa loyauté. » Ce n'est pas le genre de pression que j'aime exercer, mais j'ai soupé de l'imprévisibilité de cette fichue famille et il est temps d'avoir un minimum de contrôle sur nos alliés afin de s'assurer qu'ils en sont bien. Dans le cas ou Milan déciderait plutôt de se mettre en guerre contre nous pour récupérer Ippolita, je sais que j'aurai l'Empereur de mon côté ; il n'aime guère le père Sforza et comprendra toutes les raisons que j'ai de vouloir justice pour toutes les personnes qu'elle a assassiné -même si cela n'est pas la raison de sa captivité, c'est celle qui lui sera servie. « Et au moins, de là où elle est, elle ne pourra plus faire de mal à qui que ce soit. » Ce qui est un avantage non négligeable. Une punition qu'elle a mérité. Nous cessons toute discussion de stratégie lorsque Jane apparaît furtivement dans la chambre. Grace en profite pour demander un souper pour ce soir, de qui commencer à répandre la bonne nouvelle de sa rémission. La prochaine nouvelle à annoncer sera celle de la venue prochaine de notre second héritier. « Pas encore. Je ne voulais pas l'annoncer tant que… Tant que nous n'étions pas certains de la survie du bébé. » Ainsi, pas de fausse joie. « Laissons-nous encore le temps avant de faire part de la nouvelle à tous. » j'ajoute en serrant tendrement sa main. Je veux être absolument certain que l'enfant se porte bien, voir de mes propres yeux qu'il grandit dans le ventre de sa mère. Nous ne ferons pas d'annonce avant des mois s'il le faut, j'ai besoin d'être moi-même rassuré avant tout. Je souris légèrement, le regard posé sur le petit garçon. Comprendra-t-il que, comme lui un jour, un être s'épanouit là où il ne peut pas le voir ni le toucher, au sein de sa propre mère dont la silhouette changera avec les semaines ? L'aimera-t-il déjà, ou apprendra-t-il à l'aimer une fois qu'il sera né ? S'il naît. « Je suis désolé Grace... » je soupire, la tête basse. Le sourire a disparu. « C'est arrivé par ma faute. J'ai voulu tricher, et tu en a fais les frais. Si toi ou notre enfant auriez succombé, je ne me le serais jamais pardonné. » Cela n'est pas arrivé, mais pas une seule seconde cette pensée ne m'a laissé en paix. Je ne peux pas croire que la maladie de Grace soit un hasard, pas quelques heures après lui avoir expliqué le plan que j'avais monté pour piéger Ippolita. C'était une punition, encore une. Une nouvelle preuve qu'Il s'est détourné de moi depuis longtemps. « Comment peux-tu rester auprès d'un homme autant méprisé par ton Dieu ? » je demande, lui adressant un regard désespéré. Je ne sais plus quoi faire pour lui plaire et avoir enfin la paix. Je ne sais plus qu'elle prières réciter pour qu'il daigne nous protéger ou nous accorder un peu de sa guidance. Je ne sais plus comment prouver que je suis digne de son attention et de sa bienveillance. Il ne paraît que déterminé à me faire comprendre que je n'ai pas ma place dans son coeur. Qu'il est le Dieu des Hommes, mais pas vraiment le mien.