« Allez papaaaaa ! Dépêches-toi ! » Cria Charline alors qu'elle courait devant lui. La petite avait de l'énergie à revendre aujourd'hui et c'était Spencer qui était derrière elle. Enfin, il faisait surtout en sorte que sa fille puisse être devant lui. Il courrait à foulée régulière. C'était dans ces moments-là, qu'il aurait apprécié avoir un chien. Mais avec son boulot, c'était difficile de s'occuper d'un animal à quatre pattes. D'autant plus que le garde du corps était rarement chez lui la plupart de la journée. Il était là, le matin et le soir, ou la fin d'après-midi après la sortie d'école de sa fille. Il ne pouvait pas donner cette vie à un animal de compagnie. Le temps libre qu'il avait, il le consacrait à sa fille. Et il n'avait pas besoin d'une autre personne sur laquelle il devait veiller. Bref, il suivait Charlie qui prenait un malin plaisir à monter et à descendre des rochers et des pierres, à chaque fois qu'elle en voyait un. C'est fou ce qu'elle aimait compliquer les choses. Cela faisait rire son père. Il retrouvait en elle, son propre caractère. Au bout d'un moment, le père et la fille faisaient un arrêt bien mérité. En plus, cela tombait bien. Ils étaient face à un marchand ambulant. Charline s'avança du vendeur, intéressée par toutes les glaces qu'elle pouvait voir sur carrosserie de la camionnette. Elle examina l'affiche avec attention comme si son choix allait être crucial. Spencer commanda un jus d'orange frais. Puis il porta son attention sur la petite qui haussa un peu les épaules. « Je crois que je vais prendre un cornet trois boules. » « Charline. » La petite fille esquissa un mince sourire. « Une boule vanille, avec des pépites de chocolat. » Spencer acquiesça de la tête. Il commanda puis le père et la fille s'installaient sur un banc. Le garde du corps prit une gorgée de sa boisson tandis que Charline dégustait sa glace. Il avait l'impression que cela faisait une éternité qu'ils n'avaient pas partagé ce genre de moment. Il faut dire que l'emploi du temps de Spencer était assez chargé. Et Charline aimait aussi passer du temps avec sa tante et ses cousines. Mais Spencer n'allait pas s'en plaindre. Il était plutôt content de savoir sa fille entourée de femmes. Même s'il savait que cela était parfois dure pour la petite fille de ne pas avoir de maman. Spencer le savait. Et il essayait de compenser en laissant sa princesse voir sa tante autant de fois qu'elle le voulait. Et ça fonctionnait plutôt bien. La petite fille était épanouie et elle était bien dans ses baskets. Elle travaillait bien à l'école. Elle avait de bons résultats et elle était inscrite à des activités extra-scolaires qui lui faisaient côtoyer ses camarades en dehors de l'école. « Oh nooon ! » L'ancien militaire reposa son attention sur Charline qui fouillait son sac à dos. « Qu'est-ce qui se passe ? » « J'ai perdu Bunny ! » Bunny était le doudou de la petite. Un lapin avec de longues oreilles qu'elle ne quittait pas depuis qu'elle était bébé. Et surtout, premier cadeau de sa mère quand elle était née. « On va le retrouver. » Affirma l'australien en voyant les yeux plein de larmes de sa fille. Les Keanan se mettaient donc à la recherche du fameux lapin. Ils allaient partout où ils s'étaient arrêtés. « Papa, on va jamais le retrouver ! » Cela faisait bien quinze minutes qu'ils fouillaient les alentours du parc. La petite fille commençait à paniquer, juste au moment où elle bousculait une jeune femme. « Charlie... Veuillez l'excuser. »
Le soleil était de retour sur Brisbane. C'était étonnant combien le climat pouvait être différent de Chicago. A cette époque de l'année, les températures commençaient à baisser là-bas. L'été laissait doucement sa place à l'automne. Mais ici, les saisons étaient différentes et c'était le retour du printemps. J'avais décidé de profiter du soleil pour aller faire mon sport au New Farm Park. J'étais à Brisbane depuis près de trois mois maintenant et j'avais appris à connaître un peu la ville. J'aimais bien ce parc. J'y avais même fait pas mal de photos. Mais aujourd'hui, j'étais sortie sans mon fidèle compagnon. J'avais envie de faire un peu de sport. A Chicago, j'allais régulièrement courir et je pratiquais aussi les arts-martiaux. J'aimais bien. Ça me permettait de me dépenser et de me vider la tête. Et puis, c'était toujours bien pour une femme de savoir un minimum se défendre. Je n'étais plus à Chicago, mais je ne comptais pas changer mes habitudes. C'était important pour moi de pouvoir continuer le sport. J'avais rapidement trouvé une salle de sport et des endroits où faire mon jogging. Le New Farm Park était un de mes parcs préférés. Il était spacieux et disposait de tout ce don on pouvait avoir besoin.
Je portais un leggings sport noir et un débardeur à bretelles larges bordeaux. J'avais attaché mes cheveux. J'avais couru de longues minutes avant de décider de m'arrêter. Je marchais quelques mètres. Puis, je m'arrêtais pour boire quelques gorgées d'eau. C'est à cet instant-là qu'on me bousculait. C'était une gamine et elle m'avait l'air affolée. Mais ce qui me frappait immédiatement, c'était sa ressemblance avec Kassy. « Pardon » me dit-t-elle. Je lui adressais un sourire et son père suivait de très près. Je relevais mon regard sur lui.
« Oh ce n'est pas grave. »
Je souriais encore. Ce n'était pas une petite bousculade qui allait me faire râler. Surtout pas quand il s'agissait d'une enfant. J'étais persuadée qu'elle ne l'avait pas fait exprès. D'ailleurs, la petite reprenait la parole en me demandant si je n'avais pas vu son doudou. Elle me donnait une description précise de « Bunny ».
« J'ai pas vu Bunny. Mais je peux peut-être t'aider à le retrouver ? »
Répondis-je à la petite fille. Elle avait l'air vraiment inquiète et je savais a quel point les enfants étaient attachés à leur doudou. Mes plus jeunes sœurs ne se séparaient jamais du leur. Je gardais mon regard sur la fillette, avant de reporter mon attention sur le papa.
De toutes les peluches qui se trouvaient dans sa chambre, c'était sûrement Bunny qui arrivait au sommet de l'échelle d'affection. Ce n'était pas étonnant quand on savait que le lapin était le premier doudou qu'avait eu la petite. Et que cette peluche en coton avait été offerte par la défunte mère de la petite. Et malgré ses huit ans et ses discours de grande fille, Charline était très attachée à cette peluche. Et Spencer le savait très bien. Au cours des années précédentes, la petite en avait prit soin. Elle l'avait recousu à chaque fois que le lapin avait une entaille, une déchirure. Elle la lavait régulièrement. Bunny avait perdu un œil au cours des années, et Charline avait obstinément refusé de lui en remettre en autre, voulant le gardant le plus possible dans son état original. Spencer ne savait pas si c'était une bonne chose au final. Parce que la petite y était encore très attachée. Peut-être qu'elle n'arrivait pas à faire réellement le deuil de sa mère. Ou peut-être que c'était au contraire, une façon pour elle, de garder une trace de cette dernière. Le militaire avait proposé à la petite si elle voulait voir un « médecin » pour parler de ce qu'elle ressentait. Mais la petite Keanan avait refusé obstinément. Ce qui n'étonnait pas vraiment le garde du corps. Après tout, elle était un peu comme lui. Après son accident en Irak, il avait refusé de consulter un psychologue. Il ne pensait pas que c'était quelque chose de primordiale pour reprendre le dessus et de faire un trait sur son passé. Mais voilà que le perdre, semblait mettre la petite dans tous ses états. Et c'était bien la première fois que le papa la voyait dans cet état de stress. Même pour son premier jour d'école, elle n'avait même pas pleuré. Alors il espérait vraiment qu'il allait mettre la main sur ce lapin. Aux paroles de l'inconnue, Charline leva ses yeux sur elle. Elle acquiesça de la tête avant de se remettre en marche. Passant à côté de la joggeuse, Spencer reprit la parole. « Vous n'êtes pas obligés, vous savez. On va bien finir par mettre la main dessus. Enfin j'espère. » Il ne voulait même pas imaginer le fait qu'il ne retrouvait pas ce bout de chiffon. « Mais c'est gentil de proposer. On ne sera pas assez de trois pour le chercher. » Finalement, une paire de yeux supplémentaires ne pouvait qu'aider, sachant que le parc était quand même assez grand. En plus, le père et la fille avaient fait une bonne partie du lieu avant de s'arrêter sur un banc. Alors il restait encore pas mal d'espace où ils pouvaient jeter un œil. « Paa' ! Là-bas. Je me souviens qu'on s'est arrêté là bas. » S'exclamait la petite en pointant son doigt sur une partie du parc, juste devant eux, à quelques mètres. Charline s'était mis en tête de traverser toute la partie boisée du parc. « Fais attention où tu mets tes pieds. » Spencer passa devant la petite pour dégagé les grosses branches. Puis alors que la jeune femme passa à la suite, il lui demanda, avec un fin sourire sur les lèvres. « Vous ne regrettez pas encore de nous suivre ? »
« Ça ne me dérange pas et puis, une paire d’yeux en plus c’est toujours mieux. »
Je souriais. J’avais terminé mon jogging alors je pouvais bien les aider à trouver Bunny, le lapin en peluche. La petite avait l’air vraiment perdue sans son doudou et c’était pour ça que je m’étais proposée. Je suivais le père et la fillette, traversant la partie boisée. Charlie (je l’avais entendu l’appelée comme ça) semblait s’être souvenu d’un endroit où ils s’étaient arrêté. Elle avançait à vive allure, dans l’espoir de retrouver enfin Bunny.
« Pas encore. J’ai des petites sœurs, alors je m’y connais en doudous perdus. »
Je souriais à nouveau. Je me souvenais d’une fois où Kiara avait perdu son doudou dans un centre commercial. On avait dû le chercher partout et revenir sur nos pas. Ce jour-là on n’avait pas réussi à remettre la main dessus. Mais j’étais retournée le lendemain dans le centre commercial. Le personnel avait retrouvé la peluche et l’avait mit dans la vitrine des doudous perdus. J’avais pu le récupérer et Kiara avait alors retrouvé le sourire. La petite était incapable de dormir sans son fidèle compagnon. Et Kassy avait aussi quelques fois perdu le sien. Je savais qu’à chaque fois c’était une situation de crise pour les enfants. Bref. Alors qu’on suivait Charlie dans la recherche de Bunny, je reprenais la parole :
« Au fait, je m’appelle Kara. »
Parce que je ne m’étais pas encore présentée et que c’était toujours mieux de mettre un nom sur les gens. On arrivait près de l’endroit où Charlie pensait avoir perdu le lapin. J’ouvrais mes yeux balayant les environs du regard, cherchant partout. J’espérais que personne n’avait ramassé le doudou entre temps. Sinon, la fillette serait bien triste.
L'ancien militaire acquiesça aux paroles de la jeune femme. Elle n'avait pas tort. Deux yeux supplémentaires ce n'était pas de refus. Surtout que la forêt était dense et que les coins dans lesquels chercher, étaient nombreux. Cela allait leur prendre le reste de la matinée. Mais Spencer ne pouvait décidément pas quitter les lieux sans même avoir retrouvé Bunny. Ce n'était même pas envisageable. Sa fille avait beau avoir huit ans, cette peluche, c'était quand même une partie de sa vie. Et il n'avait pas le cœur de repartir d'ici sans avoir remis la main dessus. « Merci. Votre aide nous sera précieuse. » Dans cette histoire, la jeune femme était finalement bien vêtu pour chercher la peluche. Elle ne risquait pas d'enfoncer les talons de ses chaussures ou de déchirer sa robe ou autre, puisqu'elle était en basket et legging. Un bon compromis quand on se lançait à la recherche d'une boule de coton. Aux paroles de la jeune femme, le garde du corps reposa ses yeux sur elle alors que Charlie était toujours devant eux. « Je dois vous avouer que c'est la première fois pour moi. Et j'espère ne pas renouveler l'expérience. » Non, rien qu'à voir la mine déconfite de sa fille le dissuadait d'y songer rien qu'une seule seconde. Ils ne pouvaient pas partir d'ici sans elle. Et Spencer espérait vraiment que sa princesse l'avait perdu dans les parages, sinon cela allait être compliqué de lui remettre la main dessus. Puis quand elle se présenta, il fit de même. « Enchanté Kara. Je m'appelle Spencer et voici ma fille Charline. » Celle-ci était plus loin et poussait chaque arbuste qu'elle rencontrait sur son chemin. « Paa' jsuis sure que c'était par ici... » La petite s'était arrêtée devant un ravin assez profond. « Il a du tomber la plus bas. » Spencer jeta un œil. Hors de question pour que Charline ou Kara ne descendent. Le terrain semblait abrupte. « D'accord. Je vais aller voir. Vous restez ici. » Spencer retira le sac à dos qu'il avait sur les épaules. Puis il l'ouvrit et pris sa lampe torche avant de se mettre à descendre tout en croisant les doigts pour mettre la main sur Bunny.
« Je ne vous le souhaite pas, la perte d'un doudou c'est toujours un grand moment de panique. »
Le doudou c'était quelque chose de très affectif pour les enfants. Ils en avaient besoin. Je ne connaissais pas l'histoire de Charline et avec son Bunny, mais il était clair que le lapin en peluche avait son importance. Alors, j’espérais bien qu'on allait le retrouver et qu'elle ne le perdrait plus. Mais c'était assez fréquent de les perdre, car les enfants trimballait leur doudou partout. Ce parc était immense et je m'étais proposé parce que je savais que ça pourrait être long avant qu'on puisse le retrouver. Et puis, Charline me faisait tellement penser à Kassy. J'avais beau être contente d'être à Brisbane avec Kael, les filles me manquaient aussi.
« Enchantée également. C'est donc Charline. C'est joli. J'ai une sœur du même âge a peu près et elle lui ressemble beaucoup. »
Répondis-je le sourire aux lèvres. Puis, notre attention fut de nouveau attirée par Charline. Elle s'était arrêtée devant un ravin et appelait son père. Je m'avançais à côté d'elle. Le terrain était dangereux et le ravin profond. Pas le genre d'endroit où on est censé mettre les pieds et encore moins pour une enfant. Si Bunny était tombé ici, on allait être bien embêté. Spencer était déjà entrain d'enlever son sac à dos. Il prenait le risque de descendre tandis-ce que je restais là avec Charline. Spencer était descendu depuis un moment lorsque je demandais :
« Spencer ? Tout va bien ? Vous l'avez trouvé ? »
J'espérais qu'il n'allait pas se blesser. Il ne manquerait plus que ça ! Spencer avait l'air plutôt débrouillard, mais un accident était si vite arrivé. Je portais mon regard sur Charline qui semblait inquiète et je veillais à ce qu'elle ne s'approche pas trop du bord.
En temps normal, Charline n'était pas du genre à s'attacher aux choses. C'était même bien loin d'être le cas. Elle pouvait oublier une poupée dans un coin de sa chambre pendant un mois et la reprendre ensuite pour jouer un peu avec elle. La petite fille ne faisait pas attention à ce genre de choses. Seulement, c'était différent avec son lapin. C'était un objet qui l'accompagnait quasiment partout. Même si elle allait bientôt avoir neuf ans, elle y tenait beaucoup. Spencer n'avait pas le coeur de le lui retirer ou de la sermonner pour ça. Elle allait savoir d'elle-même quand elle n'aura plus besoin de cette peluche. En attendant, il la laissait faire. Elle était encore très attachée à lui et il savait très bien que s'il ne mettait pas la main dessus, la journée, la nuit et le reste de la semaine allait être très pénible. L'ancien militaire ne savait pas où la petite avait pu perdre sa peluche. A vrai dire, il n'avait pas fait attention. Il ne savait pas où sa fille avait pu le perdre. Mais s'il devait refaire le tour entier du parc, il le ferait. Aux paroles, il reporta son attention sur elle quand elle lui parla de sa propre soeur. « Et j'imagine qu'elle a déjà perdu sa peluche ? » D'après ce qu'elle disait, il semblait effectivement que c'était le cas. Puis à l'endroit indiqué par sa fille, Spencer décidait de descendre un peu plus bas pour inspecter les environs. C'était une pente assez raide et la peluche avait très bien pu glisser de son sac entrouvert et tomber en arrière, descendre toute la pente et s'échouer au milieu des branchages et des feuilles mortes. En tout cas c'était ce que pensait le garde du corps. Il s'était donc emparé de sa lampe torche afin qu'il puisse éclairer les espaces boisés un peu trop denses pour y voir quelque chose à l’oeil nu. En bas, au milieu des branchages, il jeta un oeil partout autour de lui, poussant la végétation quand cela était nécessaire. Il sentait des racines épineuses lui griffer les mollets. Puis au bout de dix minutes, il remarqué une touche de couleur. Une petite tache blanche. Spencer s'y dirigea et prit en main la fameuse peluche. Il la débarrassa des feuilles mortes et des traces de terre qui s'y trouvaient avant de remonter, s'agrippant aux racines apparentes qui jalonnaient la pente. Une fois arrivé en haut, il était assailli par Charlie qui s'empara rapidement de sa peluche, remerciant son père au passage. Il esquissa un sourire. Il était inutile de lui dire de faire très attention maintenant. Charline avait retenu la leçon. Spencer frotta ses mains terreuses l'une contre l'autre. « Merci d'être restée avec elle. » Il rangea sa lampe dans son sac à dos. « Paa', Bunny est tout décousu. » Il jeta un oeil à sa fille qui observait le lapin d'un oeil perplexe. Lui, ça il l'avait remarqué. L'une des oreilles avait souffert de l’escapade. « Alors il va falloir le recoudre. » Il jeta un oeil à Kara et demanda, sur le ton de la plaisanterie. « Vous n'auriez pas une bobine de fil et une aiguille sur vous ? » Il n'avait rien de ça chez lui. Alors il allait devoir attendre le retour de sa belle-soeur. Belle-soeur partie en week-end. Ce qui voulait dire que la petite ne pourra pas la voir avant trois jours.
Je hochais la tête à la question de Spencer. En effet, Kassy avait perdu plus d'une fois son doudou et c'était aussi déjà arrivé à Kiara. Elles les emmenaient tellement partout que parfois, les peluches se retrouvaient égarée. C'était un exploit que Charline n'est pas perdu son Bunny plus tôt. Enfin bref. Spencer était descendu dans le ravin à la recherche du lapin et je restais avec sa fille. Il remontait quelques minutes plus tard avec Bunny et le visage de la fillette s'illuminait. Cela me décrochait un sourire. J'adressais aussi un sourire à Spencer qui me remerciait. Je n'avais pas été d'une grande aide au final.
« Malheureusement j'ai oublié de prendre mon kit de couture avant de sortir de chez moi. »
Répondis-je avec ironie. Ce n'était pas quelque chose qu'on pensait à emporter avec soi. Surtout que j'étais partie pour faire un footing, alors je n'avais pas pris grand chose. J'avais juste une petite sacoche avec de l'argent, mon téléphone et mes clefs. Puis je reprenais la parole :
« Mais ne vous en faites pas, votre femme va sans doute réparer Bunny en cinq minutes. »
J'avais remarqué l'alliance à son doigt et puis il était en compagnie de sa fille, alors c'était évident qu'il y avait une Madame Spencer. Je supposais qu'elle avait de quoi faire face aux bobos de Bunny. Ma mère avait dû en réparer des peluches avec six enfants. En grandissant, elle m'avait montré comment le faire moi-même. Notre mère nous avait transmis énormément de choses. J'avais beaucoup apprit d'elle. Quand j'y pensais, je me demandais comment elle avait fait pour faire tout e travail toute seule. On ne pouvait pas dire que notre géniteur avait été d'une grande aide.
Spencer était quand même rassuré d'avoir pu mettre la main sur ce lapin. Sinon il savait que sa fille aurait été incapable de trouver le sommeil. Parce que même si elle disait à tous ceux qui voulaient l'entendre, qu'elle était une grande fille. Il n'en restait pas moins que cette peluche avait une grande valeur sentimentale pour Charline. Et l'ancien militaire était donc rassuré d'avoir pu lui retrouver. La petite fille était entrain de l'examiner et effectivement, le doudou avait souffert de la chute vertigineuse qu'il avait fait quelques minutes plus tôt. Sans compter que les années qui avaient défilé, avaient modifié sa résistance aux chocs. Aux paroles de Kara, le garde du corps esquissa un sourire. « Vous devriez, ça rendrai service. » Bien sûr, il avait dit ses paroles sur le ton de la plaisanterie et pas du tout avec un air sérieux et encore moins un air de reproche. Puis aux autres paroles, il leva ses yeux sur elle alors que Charlie mettait Bunny dans son sac avec la plus grande précaution. « Ça m'étonnerai. Ma femme est morte il y a six ans. » Alors elle ne pourrait rien faire pour le lapin. « Je doute qu'elle puisse faire grand chose. » D'ailleurs, Charline enchaîna. « Et papa est nul pour recoudre quoique ce soit. Un jour, il a voulu recoudre ma robe et il l'a cousu avec mon gilet... » La petite esquissa un sourire. « Au moins, tu ne l'as pas perdu. » Charline haussa les épaules alors qu'elle remettait son sac sur le dos. « Rah les gosses, ils sont jamais contents. » Un sourire s'afficha sur les lèvres de l'ancien militaire. Ils quittèrent ensuite les bois pour revenir sur l'un des chemins de terre. En parlant de terre, les mains de Spencer étaient dans un triste état. Il s'arrêta d'ailleurs à une fontaine et se lava. Pendant que son père se lavait les mains, Charline observa Kara. Après un instant, elle demanda le plus naturellement du monde. « Vous êtes célibataire ? » « Charline. » C'est pas croyable. Elle allait encore jouer les entremetteuse. Et elle n'avait que huit ans. Spencer jeta un ?il à Kara. « Ne lui répondez pas, sinon elle ne va pas s'arrêter. » Il secoua légèrement ses mains pour retirer le surplus d'eau et les passa sur son short pour les essuyer, n'ayant rien d'autre sous la main. « Mon papa est célibataire. » « Charlie, ça suffit. » Qu'est-ce qu'il allait faire d'elle... Il se posait la question, gardant un fin sourire sur les lèvres.
« Oh… désolée. C’est tout moi ça je parle trop et je fini par mettre les pieds dans le plat sans m'en rendre compte. »
Dis-je avec un sourire gêné. Je me sentais bête d’avoir évoqué sa femme, maintenant qu’il me disait qu’elle était morte. En même temps, je ne pouvais pas deviner qu’elle n’était plus là. Spencer portait encore son alliance et j’avais donc supposé qu’il était marié. Je n’avais pas imaginé une seconde qu’elle puisse être décédée. Charline réussit à me faire décrocher un nouveau sourire. La petite semblait être plus bavarde que son père.
« Peut-être que vous devriez prendre des cours de couture, Spencer. »
Répliquais-je en me moquant gentiment. On regagnait le chemin de terre et Charline reprenait la parole. J’étais un peu surprise par sa question et j’eus un sourire amusé. Les enfants s’exprimaient sans aucuns filtres. Ils n’avaient pas peur de dire ce qui leur venait à l’esprit. On perdait ça en grandissant et ce n’était peut-être pas plus mal. C’était mignon chez les enfants, mais quand on devient adulte, on doit apprendre à dire les choses d’une certaine façon. Je gardais mon sourire alors qu’elle ajoutait que son père était célibataire.
« Les enfants… »
Dis-je l’air amusé. J’avais beau ne pas être mère, j’étais habitué à côtoyer des enfants, puisque j’avais des petites sœurs. Kassy et Kiara étaient de sacrés numéros aussi. Puis en reportant mon regard sur Bunny, j’ajoutais :
« Ça va aller pour recoudre son oreille ? »
D’après Charline, Spencer n’était pas très doué pour la couture, alors je me demandais si il allait s’en sortir. J’aurais pu lui faire ça en quelques minutes si j’avais eu de quoi coudre. Mais ce n’était pas le cas. Je ne savais même pas si on avait un kit de couture à la maison. J’en avais pas emporté dans mes valises en tout cas.
Spencer avait haussé nonchalamment les épaules aux propos de la jeune femme. « Ne vous excusez-vous pas. Vous ne pouviez pas savoir. » Le garde du corps avait toujours son alliance au doigt. C'était pratique en soirée, quand il ne voulait pas que les femmes se fassent trop d'idées en l'abordant. Il évitait les histoires trop sérieuses. Parce qu'il n'en avait absolument pas envie. Et puis, jusqu'à maintenant, il n'avait jamais songé qu'il était utile de la retirer. Il n'y avait même pas pensé à vrai dire. Aux autres paroles de la jeune femme, il ne pouvait s'empêcher de sourire. « Quoi ? Ce n'est pas pratique de coudre le gilet avec la robe ? Je le croyais. » Ajoutait Spencer avec une moue amusée. Quoi, c'était arrivé une fois. Une fois. Il n'avait pas fait attention et il avait passé le fil sur les deux tissus. Mais Charline prenait un plaisir à raconter les exploits de son père. Bon peut-être qu'il avait peut-être besoin de cours. Mais il avait Tara à ses côtés et elle s'en sortait à merveille avec elle. Sa belle-soeur comblait les lacunes qu'il lui restait encore en matière de vie pratique. Même s'il pensait plutôt bien s'en sortir pour un père célibataire. Sa fille n'avait jamais manqué de rien. Elle faisait tous ses devoirs et elle n'était jamais arrivée en retard à l'école. Enfin ça, c'était peut-être parce que Spencer était un ancien militaire. Et que la ponctualité était donc dans son sang. A la question de Kara, il fit mine de réfléchir avant de reprendre. « Je crois oui. Ma belle-soeur a des doigts de fée. » « Pas comme toi. » Il fit une grimace à Charline. « Fais attention que je ne te couds pas la bouche par erreur. » Il reporta son attention sur Kara avant de demander, un peu curieux. « Vous avez un accent, si je me trompe pas. » Cela lui avait frappé la première fois qu'elle avait pris la parole. Bon ce n'était pas un accent trop prononcé mais Spencer avait plutôt une bonne oreille pour ça. « A Brisbane pour les vacances ou pour affaires ? »
Le sourire aux lèvres, je hochais la tête en signe de négation. Non. Ce n'était pas pratique de coudre la robe avec le gilet. Je me moquais un peu, mais sans aucune méchanceté. Ça pouvait arriver de faire des erreurs. Enfin apparemment, Spencer aurait l'aide de sa belle sœur pour recoudre Bunny. Il n'y aurait donc pas de problème pour réparer le doudou de Charline. Aux mots de cette dernière, mon sourire s'élargissait. Elle me faisait vraiment beaucoup penser à Kassy. Elle aussi n'avait pas la langue dans sa poche. Elle ne manquait jamais de dire ce qu'elle pensait. Quoi que c'était un peu le cas pour toutes les filles de la famille. On avait un fort caractère chez nous et on était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Ce qui était une bonne chose. Je savais que les filles sauraient s'en sortir à l'école. On sait tous que les petits camarades sont pas toujours sympa entre eux. Puis, Spencer semblait remarquer mon accent. Ce n'était pas la première fois qu'on me faisait la remarque. Cet accent était quelque chose de difficile à cacher, mais je ne cherchais pas à le faire. J'étais plutôt fière de mes origines.
« Oui. Je suis Américaine. »
Répondis-je, alors que Spencer demandait la raison de ma venue à Brisbane. C'était en réalité un peu plus compliqué que cela. Je n'étais pas venue pour prendre des vacances, ni parce que le travail m'y obligeait. Par chance, j'avais quand même réussi à trouver du travail ici et ça me permettait de rester près de mon frère.
« En fait, je suis venue pour rejoindre mon frère. Il vit ici. Mais j'arrive aussi à faire des affaires et cette ville est tellement agréable qu'on se sent toujours un peu en vacances. Donc j'imagine que je suis là pour tout ça à la fois. »
Spencer avait remarqué rapidement l'accent de la jeune femme. Et il savait de quel pays, il était originaire. Les Etats-Unis. Et il ne s'était pas trompé. Un sourire était donc apparu sur les lèvres du garde su corps aux paroles de la joggeuse. Une fois encore, son intuition avait été la bonne. Il faut dire qu'il avait des amis américains. Et qu'il avait déjà été au pays de l'Oncle Sam, que ce soit pour des vacances ou pour l'armée. Il en gardait un bon souvenir. Même s'il avait un peu de mal avec le caractère des habitants. Kara semblait plus charmante que la plupart des personnes dont il avait fait la rencontre. Il écoutait la photographe alors qu'ils avançaient sur le sentier. Le sourire de Spencer s'élargissait aux paroles de Kara. « J'avoue que Brisbane est une très belle ville. Je m'y sens bien aussi. Et Charline adore la proximité avec la mer. » La petite et lui, allaient régulièrement à la plage. Soit pour nager, soit pour faire un peu de surf ou du paddle. Ils aimaient passer du temps ensemble. Petite, c'est là que Spencer lui avait appris à nager. « En plus, si vous pouvez retrouver votre frère tout en travaillant, vous avez gagné le jackpot. » C'était chouette de pouvoir concilier les deux. Ce n'était pas donné à tout le monde. Loin de là même. Spencer appréciait la vie ici. Il se souvenait de ses soirées dans le camp irakien qu'il partageait avec ses frères d'armes. Ils étaient en pleine zone de conflit et tout ce dont à quoi Spencer pensait, c'était sa vie ici. Loin de la guerre, loin des blessures. Ici, il se sentait bien. Il avait trouvé un équilibre et c'était la même chose pour Charline. Malgré l'absence d'une mère, elle s'épanouissait à ses cotés. Quelques minutes plus tard, Kara et Spencer se séparaient. Mais Charline avant que Kara ne parte, avait bien insisté sur le fait que son père et elle, faisaient régulièrement des balades. Elle avait même fait un sourire en coin à la jeune femme avant de suivre son père. Ce dernier s'était amusé de l'attitude de sa fille. Mais rencontrer à nouveau Kara serait vraiment un plaisir pour lui.