| shelter from the storm - event (elsie) |
| | (#)Lun 10 Oct 2016 - 21:55 | |
| and if i pass this way again you can rest assured, i'll always do my best for her on that i give my word. in a world of steel-eyed death and men who are fighting to be warm. "come in," she said, "i'll give you shelter from the storm."
(☆☆☆) La nuit était maintenant entièrement tombée sur Brisbane, tandis qu'une virulente tempête y sévissait depuis déjà plusieurs heures, laissant la ville à la merci des vents violents et des pluies diluviennes qui s'y abattaient depuis le début de la soirée. Saul, qui était ressorti indemne de son périple au cinepark après être parvenu à se mettre à l'abri avec un petit groupe de personnes, était alors hanté par des images que son esprit n'oublierait certainement jamais. Celles de corps que les eaux avaient avalé, parfois sous ses yeux, alors qu'un mot ou geste de sa part aurait peut être pu changer la donne … Il ne le saurait jamais. Tout comme il continuait à cet instant d'ignorer si ses proches, sa famille, tous ceux pour qui il s'était battu des heures durant et pour qui il n'avait rien lâché, étaient eux aussi en sécurité. Et alors que cette question avait agi sur lui comme la plus puissante des motivations lorsque son sort était encore incertain et qu'il s'était demandé s'il aurait seulement la force suffisante pour se sortir de ce guêpier, à présent elle tournait à l'intérieur de son esprit comme une insupportable rengaine, tandis qu'il se sentait véritablement impuissant pour la toute première fois de sa vie. Les secouristes avaient beau lui assurer qu'ils feraient leur maximum pour lui donner des nouvelles de ses proches, Saul refusait de rester dans l'ignorance une seule minute de plus. Il n'avait pas besoin qu'on l'examine, qu'on lui conseille de se laisser conduire à l'hôpital ou qu'on tente de le rassurer alors qu'il resterait angoissé tant qu'il ignorerait si sa famille se portait bien. N'y tenant plus, c'est ainsi au milieu de la nuit qu'il entreprit finalement de quitter Bayside, escorté par des secouristes décidément têtus et inquiets à l'idée qu'il se risque à arpenter la ville alors qu'il restait fortement déconseillé de se déplacer. Le voyage fut difficile, autant que la vision à laquelle Saul fut finalement confronté lorsqu'il regarda à travers la vitre du véhicule. Brisbane était défigurée, tout comme les lieux qui pour lui étaient de véritables repères depuis plus de vingt ans. Et ces corps, répandus sur des centaines de mètres, lui rappelaient la chance qu'il avait eu de s'en sortir indemne, autant qu'ils ravivaient ses plus profondes angoisses. Le véhicule se stoppa finalement au bout de sa rue, et un homme se tourna vers lui pour lui demander s'il était sûr de vouloir continuer. Bien sûr qu'il l'était. Il pouvait presque déjà apercevoir son domicile, à quelques mètres de là, ainsi il n'était plus question de faire demi-tour. Quittant alors le véhicule avec difficulté tandis que les vents continuaient de balayer les environs, Saul dut lutter plusieurs minutes avant d'atteindre son allée. Plusieurs fenêtres de sa maison avaient été brisées, un arbre s'était même écroulé sur la véranda … Mais tout ça importait peu s'il y avait encore la moindre chance pour qu'Elsie et les enfants soient sains et saufs, à l'intérieur. S'engouffrant alors par la porte d'entrée, Saul aligna quelques pas et se souvint qu'il lui faudrait avancer à l'aveugle, le courant étant coupé depuis déjà plusieurs heures. « Elsie ? » Il s'écria alors, ses mains lui servant de repères tandis qu'il avançait à travers le couloir, avant de tourner dans ce qui lui semblait être le séjour. Posant une main sur l'un des canapés, le brun butta ensuite contre la table basse mais continua sa route comme si de rien était. « Elsie, je t'en prie ... si tu es là, réponds. » Sa voix se faisait tremblante tandis qu'il sentit une intense émotion le submerger à la simple idée qu'il n'y ait peut être personne à son domicile, ou que ce qu'il s'apprête à découvrir ne soit ni plus ni moins qu'une scène d'horreur, à nouveau. Des larmes inondaient son visage alors que ses jambes peinaient maintenant à soutenir son poids, tandis qu'autour de lui régnait le silence, l'obscurité, sans qu'il y ait toujours la moindre trace de sa famille. « El... » Il s'apprêta alors à reprendre, néanmoins brusquement coupé dans son élan par l'écho d'une voix qu'il identifia immédiatement comme étant celle d'Elsie. Accourant alors en direction de la cuisine, Saul ne mit pas longtemps à y trouver sa femme, accroupie près de la table avec leurs trois enfants, qu'il put uniquement distinguer grâce à la lumière de la lune reflétée à travers les carreaux de la fenêtre. Se jetant à terre pour venir les étreindre avec chaleur et émotion, c'est ainsi un Saul complètement bouleversé qui vint souffler quelques mots à l'oreille de son épouse. « Dieu soit loué, vous n'avez rien. » Il les garda ainsi contre lui plusieurs secondes, incapable de déloger son visage du cou d'Elsie et ses mains de celles de ses enfants, tandis que tout son être tremblait encore face à l'incertitude qui avait été la sienne durant de longues heures. « J'ai eu tellement peur qu'il vous soit arrivé quelque chose, que ... que vous soyez encore dehors, pris au piège par la tempête. » Parce qu'il n'avait eu aucun moyen de savoir si Elsie avaient pu mettre leurs enfants à l'abri, alors qu'ils se trouvaient encore à l'extérieur quelques temps avant que la tempête ne s'abatte sur Brisbane. Saul le savait, il suffisait parfois d'une demi-seconde pour que tout soit bouleversé. Lui serait peut être mort noyé dans sa voiture s'il ne s'en était pas extrait à temps, au même titre que sa famille aurait peut être perdu la vie s'ils n'étaient pas rentrés à la maison suffisamment tôt. « J'ai vu qu'un de nos arbres avait éventré la véranda ... vous n'avez pas été blessés ? » Parce qu'il se fichait bien évidemment des dégâts matériels quand la santé de ses proches était en jeu. Les examinant alors les uns après les autres avec un besoin irrépressible d'être rassuré, Saul poussa finalement un lourd soupire. Parce qu'il était soulagé, bien sûr, d'être à présent aux cotés de sa femme et de ses trois enfants. Mais aussi parce qu'il avait subitement le pressentiment que le pire n'était peut être pas encore tout à fait derrière eux. MARQUEUR POUR LE COMPTAGE DES POINTS MERCI DE NE PAS ENLEVER
Dernière édition par Saul Masterson le Mar 8 Nov 2016 - 0:46, édité 1 fois |
| | | | (#)Mer 19 Oct 2016 - 20:14 | |
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Assise, les jambes encore tremblantes de ces mètres à marcher dans l’inconnu, devenue comme aveugle et sourde, je passe ma main dans les cheveux d’Elliot et je jette un regard empli de tendresse à Caleb. Ils dorment. Et au fond, je dois bien avouer que je les envie. Cette quiétude, ce repos mérité, ces respirations bruyantes et rassurantes… Puis Lexie se met à remuer, lovée dans mes bras, juste au creux de ma poitrine. J’inspire et relâche l’air de mes poumons avec précaution. Je ne veux pas les réveiller, mes enfants, mes doux monstres. Et pourtant, j’aimerais hurler, j’aimerais courir, j’aimerais savoir ce qu’est devenu mon mari, prisonnier d’une tempête bien trop violente. Mais certains devoirs sont plus importants que d’autres, et anéantie par le choc d’une telle soirée, je ferme les yeux, me laissant à mon tour emporter dans un monde bien plus agréable que celui de mes pensées néfastes et pessimistes.
Cette journée avait pourtant bien commencé. Je m’étais réveillée d’une humeur bien plus agréable qu’à l’accoutumée et j’avais même réussi l’exploit de préparer un semblant de petit-déjeuner à ma tribu. Caleb était descendu en premier, les yeux encore engourdis, mais s’était vite animé grâce à un jus d’orange bien frais. Elliot nous avait ensuite rejoint, sur les traces de son père aux pas lents et peu motivés à démarrer cette journée. C’était comme un signe prémonitoire, le signe qu’il n’aurait peut-être finalement pas dû se réveiller. Nous avions ensuite mangé dans un silence relativement salvateur et j’étais allée cherché Lexie, toujours paisiblement endormie. Je lui avais donné un biberon et l’avait habillée d’une robe en velours orange, aux couleurs d’Halloween. Je l’avais montrée avec amusement à Saul, qui avait rit entre deux bouchées de pancakes. Puis je m’étais installée sous la véranda pour y lire un magazine, Lexie s’amusait dans son parc, et les garçons jouaient dans le jardin. Saul était ensuite remonté à l’étage pour y prendre une douche. Je m’étais alors activée à ranger la table de la cuisine et à réfléchir ce que j’allais bien pouvoir cuisiner pour le repas de midi. Comme toujours, je n’étais pas inspirée, et j’envisageais de préparer quelques simples sandwiches, me promettant intérieurement de me rattraper pour le repas du soir. Saul était redescendu, m’avait déposé un simple baiser sur la joue et m’avait rappelé qu’il allait sortir au cinéma avec quelques collègues. Il m’avait brièvement parlé d’un film d’horreur. J’avais hoché la tête et avait répondu par un simple sourire. J’avais congé pour une fois, il pouvait donc se permettre cette sortie…
Je me hais de ne pas avoir protesté, de ne pas lui avoir dit que son devoir conjugal, que son devoir parental, lui intimait de rester avec nous. Je me hais de l’avoir laissé partir, aujourd’hui, comme tous les autres jours. J’ai l’impression de ne pas avoir assez profité de lui, de sa présence, de ses mains chaleureuses, de son regard rassurant. Je rouvre les yeux, le sommeil n’est définitivement pas de mise. Pas pour moi. Je dois être forte, je dois assumer, ne pas penser au pire, me garder de toute conclusion hâtive. Mais je n’y arrive pas, et les larmes coulent déjà sur mes joues rougies d’inquiétude. Mais où es-tu ? Que fais-tu ? Mes yeux se posent sur la véranda, sur cet arbre destructeur, ce signe d’une mort bien loin d’être futile. Je distingue d’autres branches, tombées ça et là dans le jardin, vestiges d’une presque-guerre. « Elsie, je t'en prie ... si tu es là, réponds. » Un murmure, que j’imagine d’abord être une illusion, me déchire le coeur. Un frisson me parcourt, me fait redresser la tête. Lexie remue à nouveau, sa tête roule sur ma poitrine. J’essaye de prendre une posture plus droite. « Saul… Saul ? » Ma voix est d’abord craquelée, cassée, et je répète le nom de celui qui partage ma vie avec plus de conviction, priant de toutes mes forces pour que tout ceci ne soit pas le fruit de mon imagination. Je ne distingue pas grand chose, mais je sens une présence, au-delà de celle de mes enfants installés à mes côtés. Je plisse les yeux, essaie d’y voir plus clair. J’arrive à distinguer une ombre, une silhouette sombre submergée par une émotion certaine. « Dieu soit loué, vous n'avez rien. » Il me faut un certain laps de temps pour reconnaître cette voix, sentir ce corps que je croyais glacé par la mort. Les garçons se réveillent, Lexie ouvre les yeux. « J'ai eu tellement peur qu'il vous soit arrivé quelque chose, que ... que vous soyez encore dehors, pris au piège par la tempête. » Mes membres tremblent, mes lèvres sont sèches et cherchent celles de Saul dans cette pénombre. Je peux jurer que ce baiser est le plus heureux qu’il m’ait été donné de partager avec mon mari. « Oh, Saul… » Je parviens à murmurer ces quelques mots en passant une main froide sur sa joue. Il est bien là, il est revenu. « J'ai vu qu'un de nos arbres avait éventré la véranda ... vous n'avez pas été blessés ? » Son regard est alarmé et le mien incroyablement détendu. Je ne peux m’empêcher de sourire. Peu m’importe les dégâts matériels, après tout j’ai toute ma famille auprès de moi. Ou du moins, celle qui compte. « Non, Dieu soit loué. » Je réponds, les yeux emplis de larmes de joie. Je serre ensuite notre fille dans mes bras, la berçant pour qu’elle retrouve un calme bien mérité. « Et toi ? Tu vas bien ? Où étais-tu ? » Caleb et Eliott nous regardent avec calme, surement bien trop assommés par les récents événements. « Oh, si tu savais comme je suis heureuse que tu sois revenu... » Je passe une main fébrile sur ma bouche en secouant la tête.
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| | | | (#)Ven 21 Oct 2016 - 20:55 | |
| Le trajet lui avait paru interminable. Sous ses yeux, il avait vu défiler l’innommable, quand déjà chaque partie de son être redoutait d'être peut être bientôt confronté à la plus grande épreuve de sa vie. Ces rues défigurées, ces commerces méconnaissables … Il ne restait plus grand chose de la Brisbane qu'il avait presque toujours connue, comme si une soirée avait suffi à redistribuer toutes les cartes, à piétiner ses repères et la moindre de ses certitudes. Parce qu'alors qu'il s'était retrouvé face à l'horreur, que chaque kilomètre parcouru l'avait conforté dans l'idée que rien ne serait probablement plus jamais comme avant, Saul ne voyait encore et toujours que l'énorme point d'interrogation qui se dressait face à lui. Qu'en était-il de sa famille ? De sa femme, de ses enfants ? Au milieu de ce désordre étourdissant où tout n'était plus qu'effroi et désolation, restait-il malgré tout une petite place pour l'espoir ? Avait-il raison de s'accrocher à l'idée qu'il puisse rester une chance pour que ce cauchemar ne le touche pas en plein cœur, là où la peine serait la plus insurmontable et le vide omniprésent ? Saul continuait de l'ignorer, et pourtant il n'envisagea pas un seul instant de faire demi-tour. Le cœur battant à tout rompre sous le poids d'une angoisse dont il espérait pouvoir bientôt se libérer, il attendit ainsi à peine d'être déposé en bas de chez lui pour bientôt s’engouffrer à l'intérieur de son domicile, où la pénombre l'accueillit en même temps qu'une terrifiante impression de solitude. Le silence qui l'entourait était parfois troublé par des grincements inhabituels, signe que sa maison avait été elle aussi touchée de plein fouet par cette tempête qui l'avait surpris à plusieurs dizaines de kilomètres de là. Et de ce qu'il croyait même apercevoir, la véranda avait particulièrement souffert des vents violents qui avait fait s'écrouler l'un de leurs arbres, ce qui expliquait que l'air se fasse relativement frais même entre les quatre murs de son salon. Mais n'ayant ni l'envie ni la capacité de mesurer l'étendue des dégâts à cet instant précis, Saul préféra économiser le peu d'énergie qu'il pouvait lui rester pour appeler celle qu'il espérait bientôt retrouver et serrer contre lui. L'attente fut pourtant longue avant que ses sollicitations n'obtiennent une réponse, mais lorsque la voix d'Elsie s'éleva finalement depuis la cuisine et que Saul comprit que sa femme était bel et bien à la maison, c'est plein d'une émotion incontrôlable que le brun entreprit d'aller la retrouver. Il la découvrit ainsi en compagnie de leurs enfants, et la seule pensée qui traversa à cet instant son esprit, c'est qu'il ne devait probablement pas y avoir d'homme plus heureux et soulagé que lui. L'embrassant, la serrant contre lui avec le besoin irrépressible de retrouver son contact et sa chaleur, c'est alors avec difficulté qu'il formula les doutes et l'angoisse qui l'avaient habité de longues heures, et qui à présent le délivraient enfin de leur emprise. Saul s'inquiéta pour sa femme, pour ses enfants, mais réalisa qu'aucune crainte n'égalait plus le sentiment de plénitude qui l'avait envahi dès l'instant où il les avait retrouvés. « Je vais bien, oui … j'ai eu de la chance. Beaucoup de chance. » Il souffla par la suite, passant une main encore fébrile sur le doux visage de leur fille, blottie contre Elsie comme si rien de ce qui s'était joué au dehors ne l'avait atteinte. Comme si cette étreinte l'avait protégée mieux que n'importe quel toit l'aurait fait. « Je venais tout juste de me garer au cinepark lorsque tout ça a commencé, et je … je n'ai pas réalisé tout de suite ce qui se passait, mais j'ai su que je devais me mettre à l'abri alors c'est ce que j'ai fait. » Il ne savait plus exactement combien de secondes il avait pu mettre à entreprendre d'abandonner son véhicule, mais il ne lui avait certainement pas fallu bien longtemps pour qu'il comprenne que la situation était suffisamment grave pour qu'il doive laisser sa voiture derrière lui. « J'ai pensé que c'était peut être ma seule chance de vous retrouver, alors je n'ai pas réfléchi. Il y avait d'autres rescapés, il a fallu qu'on s'entraide jusqu'à l'arrivée des secours. Je ne saurais pas dire combien de temps je suis resté là-bas, mais ... » Les serrant un peu plus fort, Saul sentit sa gorge se nouer à nouveau lorsqu'il se remémora le flot d'émotions qui avait pu le submerger lorsqu'il s'était retrouvé livré à lui-même, sans moyen de contacter ceux qui comptaient plus que tout pour lui. « … je sais que je n'aurais pas tenu le coup si je ne m'étais pas convaincu qu'il y avait au moins une petite chance pour que vous soyez tous ici, à l'abri. » Sans ça, s'il avait eu la moindre raison de penser qu'aucun espoir n'était plus permis et que jamais il ne reverrait les êtres les plus chers à son cœur, alors sans doute ne lui aurait-il pas fallu une demi-seconde pour baisser les bras. Pour se laisser mourir, simplement, comme quelqu'un pour qui la simple idée de vivre serait devenue insensée, et insurmontable face à une détresse que rien n'aurait pu consoler. Alors oui il y avait cru, à chaque marche qu'il avait monté, à chaque main qu'il avait tendu avec l'espoir d'aider d'autres personnes qui comme lui espéraient sans doute que la nuit finirait par leur rendre leurs proches. Et maintenant qu'il pouvait serrer ses enfants tout contre lui et respirer l'odeur de sa femme, Saul se félicitait d'avoir gardé espoir. « Mon amour, c'est fini. On est tous ensemble maintenant, et je ne vous quitterai plus. » Et séchant délicatement les quelques larmes qui humidifiaient toujours le visage d'Elsie, Saul colla bientôt son front au sien, laissant ses lèvres retrouver les siennes le temps d'un baiser teinté de tendresse, avant qu'il ne prenne une lourde inspiration, et ajoute avec plus de peine. « Mais Elsie, ce qui s'est passé en ville … c'est extrêmement grave. Je ne veux pas que les enfants soient témoins de l'horreur qui y règne. Je ne veux pas qu'ils voient ce que moi j'ai vu. » Des choses inqualifiables, une réalité qui lui était arrivée en pleine figure sans qu'il puisse même espérer détourner le regard. Jamais ses yeux n'oublieraient certaines scènes, et la seule chose qui le consolait était l'idée que ses enfants puissent encore être épargnés par ce navrant spectacle. « Est-ce que tu as pu joindre William, Abel ou mon père avant que le courant ne soit coupé ? » Sa voix se fit à nouveau inquiète lorsqu'il fut comme brusquement rattrapé par une autre réalité : si Elsie et les enfants étaient à l'abri, ce n'était pas nécessairement le cas de tous ceux de qui il lui était encore impossible d'obtenir des nouvelles. Et si l'espoir était plus que jamais de mise depuis qu'il avait retrouvé sa famille, Saul ne pouvait nier avoir subitement comme un mauvais pressentiment. Cette boule qui lui serra le ventre comme s'il était jusqu'ici passé à coté de l'évidence, trop obnubilé par l'idée de retrouver sa femme et ses enfants, était-ce le signe que le bonheur se distribuait ce soir au compte-goutte, et qu'il avait déjà largement eu sa part ? MARQUEUR POUR LE COMPTAGE DES POINTS MERCI DE NE PAS ENLEVER
Dernière édition par Saul Masterson le Mar 8 Nov 2016 - 0:46, édité 1 fois |
| | | | (#)Lun 7 Nov 2016 - 20:16 | |
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L’espace d’un instant, j’avais imaginé ce qu’aurait pu devenir ma vie, et surtout celles de mes enfants sans Saul, sans notre mur porteur, le mari et le père, celui qui nous fait tant rire et surtout rêver. Ma vie en tout cas aurait été bien morose, bien trop difficile. J’aurais surement eu du mal à me lever le matin, j’aurais jeté un regard déjà empli de larmes dès mon réveil en direction de ce vide qu’il aurait laissé. Cependant, j’aurais trouvé un peu de force en pensant à nos enfants, la seule chose qui me tiendrait encore en vie. J’aurais laissé couler l’eau d’une douche qui avant me faisait tant de bien, mais qui sonnerait désormais comme le début d’une nouvelle journée de douleur. J’aurais enfilé ce qui me passait sous la main, sans vraiment accorder une quelconque importance à mon apparence. Après tout, à qui aurais-je dû plaire si mon âme soeur n’était plus de ce monde ? J’aurais ensuite réveillé Lexie, je l’aurais changée, habillée puis finalement nourrie avec la nonchalance la plus triste du monde. Caleb et Eliott auraient pris soin d’eux-mêmes seuls, car ils auraient vu que leur mère n’y arrivait plus vraiment. Ils auraient grandi un peu plus vite encore, ils auraient tiré une force presque transcendante du drame qui avait frappé leur vie. Lexie en grandissant aurait fini par oublier celui qui l’avait tant aimée, tant choyée, faute de n’avoir pu le connaître suffisamment. Et moi j’aurais vieilli, beaucoup plus vite que les autres femmes, j’aurais passé le reste de mon existence à décompter les jours, les heures, les minutes me séparant de Saul. J’aurais pensé à lui à chaque instant, j’aurais senti sa présence lorsque le vent amène les feuilles d’automne ou lorsque les vagues déferlent sur la côte. Je n’aurais pas retrouvé l’amour, parce que cela aurait tout simplement été inconcevable de pouvoir aimer quelqu’un d’autre, et surtout d’un amour aussi fort, pur et constant. Personne n’aurait été Saul, comme Saul n’avait jamais été personne d’autre. Et puis sa voix avait percé le silence qui s’était installé après la tempête, comme une flèche transperce une cible. Il était là, il était revenu. Bien plus encore, il était vivant. « Je vais bien, oui … j'ai eu de la chance. Beaucoup de chance. » murmure-t-il en passant doucement sa main sur le visage de Lexie. Mes yeux sont remplis de larmes de bonheur, et je crois que ce bonheur en question est incomparable. Il est bien plus fort, bien plus intense que ces moments de félicité fugaces. Je l’ai cru mort, bon sang. « Je venais tout juste de me garer au cinepark lorsque tout ça a commencé, et je … je n'ai pas réalisé tout de suite ce qui se passait, mais j'ai su que je devais me mettre à l'abri alors c'est ce que j'ai fait. » Je secoue la tête, ma main posée sur son avant-bras, comme s’il fallait que je maintienne un contact régulier pour ne pas qu’il disparaisse. Pas encore une fois. « Oh mon dieu... » J’imagine le chaos, les voitures submergées par une vague bien trop forte, ou bien des arbres s’abattant au hasard sur les spectateurs. Un film d’horreur comme aucun réalisateur n’avait imaginé. « J'ai pensé que c'était peut être ma seule chance de vous retrouver, alors je n'ai pas réfléchi. Il y avait d'autres rescapés, il a fallu qu'on s'entraide jusqu'à l'arrivée des secours. Je ne saurais pas dire combien de temps je suis resté là-bas, mais ... » Saul serre ma main dans la sienne et étreint nos enfants de son autre bras. « … je sais que je n'aurais pas tenu le coup si je ne m'étais pas convaincu qu'il y avait au moins une petite chance pour que vous soyez tous ici, à l'abri. » Une première larme coule sur mon visage. « Mon amour, c'est fini. On est tous ensemble maintenant, et je ne vous quitterai plus. » Je secoue la tête, la dépose contre sa main venue sécher les autres larmes se perdant sur mes joues rosies. Et puis, dans un geste délicat et empli d’une tendresse que je croyais évanouie, il vient déposer un baiser sur mes lèvres, comme pour sceller sa promesse. Le temps semble s’arrêter, comme lors de notre première rencontre. Je retrouve celui qui m’avait fait tant vibrer. « Mais Elsie, ce qui s'est passé en ville … c'est extrêmement grave. Je ne veux pas que les enfants soient témoins de l'horreur qui y règne. Je ne veux pas qu'ils voient ce que moi j'ai vu. » Il se recule ensuite légèrement, le regard désormais alarmé. « Nous n’irons nulle part Saul. Nous resterons ici le temps qu’il faut pour que… tout ça soit arrangé. » Je montre l’arbre ayant détruit notre véranda d’un signe de tête. « On a assez de provisions pour vivre quelques jours… Et j’ai retrouvé quelques bougies dans un tiroir... » Je me redresse tant bien que mal, Lexie toujours dans mes bras, sous les regards perdus de Caleb et Elliott. Je sèche le restant de mes larmes avec ma manche et Saul se redresse à son tour. « Est-ce que tu as pu joindre William, Abel ou mon père avant que le courant ne soit coupé ? » Je hausse les épaules en lui lançant un regard peiné. « Non… Je ne pensais qu’à toi Saul, tu étais le seul qui importait... » Je secoue la tête et me rend compte que j’aurais peut-être dû prendre des nouvelles de nos proches. La panique me gagne alors que je pense à William, peut-être lui aussi pris au piège quelque part en ville. « Mon dieu, Saul, il faut que l’on sache… » Je lance un regard de détresse en direction de mon mari, qui lui aussi paraît inquiet. « Je crois... je crois que le réseau sur mon portable fonctionne toujours, mais les lignes doivent être saturées… J'ai essayé de t'appeler tout à l'heure... » Je me lance à la recherche de ce dernier, que j’avais laissé sur l’un des meubles de la cuisine et le retrouve après quelques instants. Je reviens ensuite auprès de Saul et lui tend le portable d’une main fébrile. « Je... je n’ai pas la force d’appeler... » Je suis mortifiée, imaginant à nouveau le pire pour mon frère comme pour la famille proche de mon mari.
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| | | | (#)Jeu 10 Nov 2016 - 3:17 | |
| A l'instant très précis où son regard avait trouvé celui de sa femme dans l'obscurité de leur cuisine, et qu'il avait découvert ses enfants blottis tout contre leur mère, Saul avait été comme brusquement déchargé de l'immense inquiétude qui l'avait rongé durant des heures. Lui qui n'avait eu que trop de temps pour envisager les pires scénarios lorsqu'il se trouvait encore pris au piège au Cinepark, et qui jusqu'il y a encore quelques minutes redoutait de voir toute son existence s'écrouler dès qu'il pousserait la porte de chez lui, avait à présent le sentiment d'être un miraculé. Pas parce qu'il avait échappé à la mort, pas parce qu'il ne comptait pas parmi les victimes directes de cette tempête, mais bien parce que les êtres qu'il chérissait le plus au monde étaient indemnes, eux aussi. Saul aurait donné sa vie pour sauver celles de son épouse et de ses enfants, et s'être retrouvé profondément impuissant tandis qu'il avait douté pendant de nombreuses heures de les retrouver sains et saufs, ça avait été une épreuve autrement plus insurmontable que de se retrouver à la merci des eaux impitoyables. Alors oui, maintenant qu'il pouvait les serrer tout contre lui, retrouver les lèvres d'Elsie et cajoler ses enfants, il était indubitablement le plus heureux des hommes. Est-ce que cela durerait ? Il n'en savait rien, mais ces instants si précieux venaient consoler un cœur qui avait énormément souffert d'être longtemps resté dans l'incertitude, et jamais Saul ne s'était senti aussi chanceux qu'à cet instant. Pourtant, il le savait, au dehors la tempête avait fait d’innombrables dégâts. Des dégâts dont il avait été directement témoin, au début comme à la fin de cette triste soirée. C'est ce qu'il entreprit alors de raconter à sa femme, mettant ainsi des mots sur ce qu'il avait du surmonter quelques heures plus tôt, sans chercher ni à dramatiser ni à minimiser ce qui lui était arrivé. Saul était conscient d'avoir échappé au pire, tout comme il était conscient de n'avoir pas été le plus à plaindre dans cette histoire. Oui il avait eu peur, pour sa vie d'abord puis pour celle de toutes les personnes qui s'étaient retrouvées comme lui livrées à elles-mêmes. Mais il s'en sortait bien, plus encore maintenant que sa famille était à nouveau près de lui, alors il n'irait jamais se plaindre ni se poser en héros. Ce qu'il avait pu faire ce soir, il le referait si les circonstances l'exigeaient, parce qu'avoir été directement épargné avait largement valu qu'il tende la main à ceux qui avaient eu moins de chance. La réaction d'Elsie l'incita à resserrer leur étreinte, avant que son apparente détresse ne le conduise à serrer sa main dans la sienne puis à déposer un délicat baiser sur ses lèvres. L'un comme l'autre semblaient d'accord pour vouloir préserver leurs enfants de l'horreur qui se jouait encore à l'extérieur, et c'est dans un souffle que Saul approuva les propos de sa femme. « S'il faut, j'irai récupérer du bois que je ferai sécher puis brûler dans la cheminée. Ça évitera aux enfants d'attraper froid si les nuits se font fraîches. » Les températures commençaient peut être à s'adoucir en journée, mais s'ils devaient se passer d'électricité et donc de chauffage durant la nuit, Saul aimait autant s'assurer que ses enfants ne tomberaient pas malades au premier courant d'air. « De toute façon, il est hors de question qu'on dorme à l'étage. Le vent a probablement endommagé le toit, je ne veux pas prendre le moindre risque. » Il ignorait à quel point les niveaux supérieurs pouvaient être endommagés, mais en aucun cas il ne laisserait ses enfants dormir à l'étage alors que des rafales de vent pourraient provoquer de nouveaux dégâts. Au rez-de-chaussée, près de plusieurs issues, tout le monde serait plus en sécurité, au moins pour quelques jours. Finalement, c'est un Saul encore un peu plus angoissé qui demanda à sa femme si celle-ci avait eu des nouvelles de certains de leurs proches, constatant bien vite qu'elle était comme lui sans nouvelles de plusieurs membres de leur famille. Elsie disait avoir besoin de savoir, et Saul était à présent envahi du même besoin de réponses. Alors, lorsqu'elle lui tendit son téléphone portable en lui précisant être incapable d'appeler, c'est fébrilement qu'il s'en empara. « Je vais essayer de les appeler, ou de contacter les hôpitaux dans l'espoir que quelqu'un puisse nous renseigner. » C'est alors ce qu'il entreprit de faire, en s'éloignant de quelques mètres de sa femme et de ses enfants pour ne pas prendre le risque de les réveiller. Mais à peine tenta-t-il de composer un numéro que le brun comprit que l'entreprise était bien veine, revenant alors auprès d'Elsie d'un air dépité. « Il n'y a aucune tonalité … J'imagine que les dernières lignes ont du être coupées. Je ne sais pas combien de temps ça mettra à se rétablir, mais j'ai bien peur qu'on doive prendre notre mal en patience. » Et s'il s'estimait évidemment heureux d'être ici aux cotés de quatre des personnes qui comptaient le plus à ses yeux, Saul ne pouvait s'empêcher de se faire du souci pour son père, sa mère, Meg, son demi-frère … et même pour le frère de son épouse, qu'il tolérait plus qu'il ne l'appréciait, mais à qui il souhaitait pour autant d'être en sécurité. « Il y a peut être un autre moyen d'en avoir le cœur net. » Saul reprit finalement, après quelques secondes, caressant distraitement le visage d'Elsie du bout des doigts. « Si je prends ta voiture, je pourrai peut être rouler jusqu'à chez eux. Les routes sont pour la plupart impraticables, mais ça vaut peut être la peine d'essayer … » Il émit toutefois cette idée en ayant parfaitement conscience qu'elle ne plairait pas à sa femme. Il venait tout juste de rentrer d'un périple qui aurait pu lui coûter la vie – ne serait-ce que sur le chemin du retour, sachant combien il était périlleux de se déplacer par ce temps – alors il savait pertinemment qu'Elsie aurait beaucoup de mal à le laisser repartir, cette fois en ayant bien conscience du danger. « Mais je n'irai nulle part sans ton accord. Si tu penses que c'est trop dangereux, alors je ne bougerai pas d'ici. » Il voulait savoir et obtenir les réponses aux questions qu'il se posait, pour autant Saul ne la laisserait pas derrière lui tout en sachant qu'Elsie serait inévitablement rongée par l'inquiétude. Il ne voulait et ne pouvait pas lui faire revivre ça, pas si elle ne jugeait pas que le jeu en valait la chandelle. « Nous devrions peut être aller installer les enfants dans le salon, pour qu'ils puissent dormir jusqu'à demain matin. » Il reprit ensuite en posant les yeux sur ses enfants déjà endormis et après s'être assuré que les dégâts provoqués sur la véranda ne s'étaient pas prolongés sur la pièce principale, soulevant bientôt son plus jeune fils de façon à pouvoir le porter jusqu'à l'un de leurs canapés. Il ignorait de quoi les prochaines heures seraient faites, et probablement qu'Elsie et lui ne fermeraient pas l’œil tant que tout ne serait qu'imprévisibilité et incertitude … mais leurs enfants avaient été suffisamment éprouvés par les événements de ce soir, et s'il y avait la moindre chance pour qu'ils se réveillent aux premières heures du jour avec l'impression que leur monde ne s'était pas totalement transformé, Saul comptait bien la leur offrir. |
| | | | (#)Lun 28 Nov 2016 - 12:29 | |
| Il était vrai qu’Elsie n’avait pas forcément pensé à ses proches. Pour elle, il n’y avait que Saul qui comptait. Il était celui qui l’avait sauvée, celui qui lui avait permis de comprendre que le bonheur était possible. Il était celui qui lui avait donné tout ce qu’elle avait de plus cher, et personne au monde n’était aussi important que lui à ses yeux. Elle s’était alors fait un sang d’encre, son corps avait tremblé, sa tête avait commencé à chauffer, mais elle avait fait preuve d’un grand calme auprès de ses enfants. L’instinct maternel l’avait inconsciemment poussée à rester impassible, imperturbable. Elle avait barricadé les portes avec une quiétude déconcertante, avait rassemblé sa belle fratrie dans la cuisine, où elle avait ordonné à l'aîné d’entre eux de surveiller les plus jeunes pendant qu’elle allait chercher quelques couvertures à l’étage. Elle était revenue rapidement auprès de ses enfants, qu’elle avait couvert de ses bras en plus de ces tissus chauds. Elle leur avait chanté plusieurs chansons, leur avait promis de belles choses, et elle espérait au plus profond d’elle-même qu’elle allait pouvoir réaliser ces dernières avec Saul, et pas en tant que veuve éplorée. Des larmes avaient coulé sur ses joues lorsque ses enfants s’étaient endormis, et elle avait levé la tête en direction du ciel pour demander une aide. Elle n’était pas croyante, mais dans cette situation critique, elle avait ressenti le besoin de s’appuyer sur quelque chose de plus grand, de transcendant. Le désespoir l’avait poussée à chercher un peu de réconfort dans l’infini, dans tout ce que la science n’avait pu expliquer. Et il était revenu, il était vivant, il avait réussi là où beaucoup avaient sûrement échoué, pris au piège d’une tempête bien trop violente. Elle avait compris lorsque ses mains s’étaient posées sur son visage que plus rien n’avait d’importance, hormis lui, leur famille, ce bonheur qu’ils avaient mis des années à construire. « S'il faut, j'irai récupérer du bois que je ferai sécher puis brûler dans la cheminée. Ça évitera aux enfants d'attraper froid si les nuits se font fraîches. De toute façon, il est hors de question qu'on dorme à l'étage. Le vent a probablement endommagé le toit, je ne veux pas prendre le moindre risque. » La rousse secoua la tête. Elle se sentait véritablement soulagée que Saul reprenne le contrôle, car elle n’aurait pu dire combien de temps encore elle aurait encore pu garder son sang-froid face au drame de la situation. « J’ai pu monter à l’étage pour aller chercher quelques couvertures, mais j’ai entendu un bruit étrange en redescendant l’escalier… J’espère que rien n’est endommagé. » Elle pensait surtout et un peu égoïstement à son bureau, à toutes ses créations et ses peintures qu’elle gardait dans un coin de la pièce. Il y avait aussi les chambres des enfants, jonchées de jouets, les murs gardant encore sûrement les traces de leurs rires. Et puis il y avait leur chambre aux murs recouvert de photos, de souvenirs fabuleux de leur si belle histoire. Elle redoutait que tout ceci n’ait été abîmé, ou bien même fracassé par l’arrivée de la tempête. Saul lui demanda ensuite si elle avait eu, quelque part dans tout ce chaos, quelques nouvelles de leurs proches. L’horreur gagna le visage de la mère de famille, et elle pensa immédiatement à la seule personne qui comptait dans son entourage le plus proche : son frère. Elle se redressa, l’air alarmé, et attrapa son téléphone portable qu’elle tendit à son mari. Elle ne pouvait se résoudre à passer ces terribles appels, elle ne pouvait imaginer que quelque chose soit arrivé à William, ni même à Abel, ou aux parents de son mari. « Je vais essayer de les appeler, ou de contacter les hôpitaux dans l'espoir que quelqu'un puisse nous renseigner. » Elle secoua la tête et commença nerveusement à se ronger les ongles de la main droite en observant Saul s’éloigner. Lexie était toujours profondément endormie au creux de son bras gauche et elle se surprit à l’envier en cet instant, à envier cette quiétude dans ce tumulte, cette innocence dans ce monde chaotique. « Il n'y a aucune tonalité … J'imagine que les dernières lignes ont du être coupées. Je ne sais pas combien de temps ça mettra à se rétablir, mais j'ai bien peur qu'on doive prendre notre mal en patience. » Elsie se mordit l’intérieur de la joue en secouant une nouvelle fois la tête et remarqua une lueur d’espoir dans le regard de son mari. « Il y a peut être un autre moyen d'en avoir le cœur net. » Elle écarquilla les yeux, se demandant quelle autre alternative pouvait bien exister aux traditionnels moyens de communication, et Saul caressa nonchalamment la joue de la rousse en poursuivant : « Si je prends ta voiture, je pourrai peut être rouler jusqu'à chez eux. Les routes sont pour la plupart impraticables, mais ça vaut peut être la peine d'essayer … Mais je n'irai nulle part sans ton accord. Si tu penses que c'est trop dangereux, alors je ne bougerai pas d'ici. » L’architecte d’intérieur recula machinalement, rompant le contact établi avec son mari et fronça les sourcils. « Mais Saul, c’est de la folie... » Elle ne comprenait pas comment il avait pu envisager ne serait-ce qu’une seule seconde quitter sa famille à nouveau et faire face à la pagaille de l’extérieur. « Nous devrions peut être aller installer les enfants dans le salon, pour qu'ils puissent dormir jusqu'à demain matin. » « Oui, faisons ça. » se contenta-t-elle de répondre platement, heureuse que Saul décide de changer de sujet, priant même intérieurement pour qu’il abandonne son idée farfelue d’aller chercher lui-même des nouvelles de ses proches. Elle le regarda déplacer Elliott avec précaution et le suivit dans le salon pour déposer Lexie dans le fond du canapé, les bras de son grand frère la protégeant d’une possible chute. Caleb s’était réveillé et les avait rejoint, le corps engourdi, dans le salon. La mère de famille l’attrapa par la main et lui fit également une place sur l’un des canapés, avant de placer un coussin derrière la tête de son aîné. Elle déposa ensuite un tendre baiser sur sa joue et alla chercher les couvertures qu’elle avait laissées dans la cuisine. Ce ne fût que lorsqu’elle était pleinement assurée que ses enfants étaient profondément endormis, lovés dans leur couverture, qu’elle plongea son regard dans celui de Saul. Elle essaya de sonder son esprit, de comprendre le fil de ses pensées, d’essayer même de deviner ce qu’il avait vu, ce qu’il avait vécu. Puis elle plongea dans ses bras, préférant le sentir contre elle plutôt que de trouver des réponses attristantes dans son regard. « Je ne veux plus jamais que tu t’en ailles... » glissa-t-elle avant de déposer un baiser dans son cou. « Tu ne pourrais pas travailler de la maison ? » lui demanda-t-elle ensuite, un léger sourire au coin des lèvres. Elle savait que cela était tout bonnement impossible, comme il était aussi impossible pour elle de passer la plupart de ses journées dans cette imposante maison.
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| | | | (#)Jeu 1 Déc 2016 - 1:39 | |
| Après les heures qu'il avait passé en plein doute, loin des êtres qui comptaient le plus à ses yeux, les moments que Saul partageait à présent avec sa famille lui paraissaient désespérément furtifs, éphémères. C'était la raison pour laquelle ses bras enserraient toujours sa femme et ses trois enfants, les gardant tout contre lui comme dans l'hypothèse où le plus dur serait encore devant eux et où il leur faudrait affronter de nouvelles difficultés, cette fois tous ensemble. Saul, pourtant, ne pouvait croire à un avenir nuageux lorsque ses yeux trouvaient ceux d'Elsie et qu'il réalisait combien il avait eu de la chance. Non pas d'avoir échappé à une possible noyade ou d'être resté indemne même alors qu'il avait du braver les vents violents pour rejoindre son domicile, mais bien de les avoir tous retrouvés, sains et saufs, à l'abri dans cette cuisine qui semblait les avoir protégés des dangers extérieurs. La tempête n'avait pourtant pas épargné leur foyer, défigurant toute une partie de leur habitat lorsque la véranda avait cédé sous le poids de plusieurs de leurs arbres, mais l'essentiel n'était pas là. L'essentiel, c'était cette chaleur retrouvée, cette tendresse qui à elle seule venait balayer les heures sombres qui avaient précédé ces délicieux moments où rien ne comptait désormais plus que de s'assurer que sa famille ne courrait plus aucun danger. Ainsi, tandis qu'il imaginait facilement les dégâts qu'avait pu provoquer la tempête à l'étage supérieur, Saul n'était définitivement pas prêt à prendre le risque de réinstaller ses enfants dans leur chambre alors qu'ils n'y seraient probablement pas totalement en sécurité. Peut être que d'avoir été directement témoin de la violence des événements lui inspirait ici un certain alarmisme, mais Saul n'était pas prêt à provoquer la chance quand il estimait déjà que d'avoir retrouvé sa famille saine et sauve relevait du miracle. Elsie partageait son avis, ainsi tous deux s'organiseraient de façon à pouvoir se passer de l'étage pendant au moins quelques jours. A la prochaine remarque de sa femme, c'est alors un sourire un peu mélancolique qu'il esquissa. « Nous ferons un état des lieux demain matin, lorsqu'il fera jour. Si Abel peut nous rejoindre à ce moment-là, je pense qu'il acceptera de m'aider à estimer les dégâts. » Son demi-frère n'était petit être pas réputé pour être particulièrement serviable en temps normal, mais il n'avait jamais rechigné à donner un coup de main lorsqu'il était question de Saul et de sa famille, et sans doute y mettrait-il d'autant moins de mauvaise volonté compte tenu des circonstances. « Tu sais comment il est, il joue les durs la plupart du temps mais au fond il sera rassuré qu'il ne vous soit rien arrivé. » C'est dans un nouveau sourire qu'il reprit, sans pouvoir toutefois éviter à son cœur d'être à nouveau oppressé face à l'idée qu'il n'avait après tout aucun moyen d'être tout à fait certain que son demi-frère se portait bien. Il connaissait sa résistance et savait qu'il faudrait plus qu'une tempête pour venir à bout de cette force de la nature, mais c'est néanmoins une mine un brin inquiète que Saul afficha par la suite. « Je lui proposerai de rester quelques jours à la maison, histoire d'être sûr qu'il ne retournera pas dormir dans je-ne-sais-quel endroit insalubre. Et puis, s'il est prêt à garder les enfants pendant ce temps-là, ça permettra à Carmen de rester auprès de sa famille le temps que les choses s'arrangent. » Mais là encore, comment être sûrs que la nourrisse de leurs enfants se portait bien et n'avait pas été directement frappée par les événements ? Cette incertitude, Saul l'avait déjà supporté durant toute une partie de la soirée et il se retrouvait à présent confronté à de nouveaux doutes. Parce qu'être auprès des siens ne changeait pas pour autant la donne : dehors, des millions de personnes avaient été surprises par la tempête et parmi eux se trouvaient des êtres particulièrement chers à ses yeux et à ceux de sa femme. Des membres de leur famille, des amis, des collègues … tant de monde dont ils restaient jusqu'ici sans nouvelle et pour qui il leur était inévitable de se faire du souci. Ainsi, lorsqu'Elsie lui tendit son téléphone portable, c'est animé par le besoin d'en avoir leur cœur net qu'il entreprit de contacter tous ceux dont il espérait tant entendre la voix. Mais à l'autre bout du fil, personne n'irait répondre. Les lignes avaient visiblement été endommagées et tout contact avec l'extérieur semblait pour le moment impossible. Une idée assommante lorsque comme eux on demeurait sans nouvelle d'un père, d'une mère ou d'un frère, et qui incita Saul à proposer une alternative, toutefois risquée. Sa main déposé contre la joue d'Elsie, il soumit ainsi l'idée de se rendre en ville au volant de sa voiture, dans l'espoir d'obtenir plus facilement des nouvelles de leurs proches. Mais parce qu'il savait par quels tourments était passée Elsie lorsqu'elle avait cru ne jamais le revoir, c'est d'un ton des plus conciliants qu'il lui assura qu'il n'irait nulle part si cette idée l'effrayait. Ainsi, c'est dans un doux sourire et par un hochement de tête silencieux qu'il accueillit sa réponse, abandonnant sur le champ ce projet déraisonnable pour venir s'accroupir tout près de leur plus jeune fils et le porter jusqu'à l'un des canapés du salon. Ses enfants avaient eu leur compte d'émotions pour ce soir et s'il devait rester ne serait-ce qu'une once de confort entre les quatre murs de cette demeure, il comptait bien leur en faire profiter. Elsie le rejoignit alors, et installa Lexie tout contre son frère, avant que Caleb ne gagne lui aussi le canapé et entreprenne de s'assoupir, rejoignant son frère et sa sœur dans des rêves qui devraient à leur tour les protéger de cette réalité qu'ils n'étaient pas prêts à affronter. Les yeux rivés vers ses enfants, c'est un tendre sourire que ses lèvres dessinèrent face à cette insouciance qu'ils préservaient même dans les moments les plus sombres. Saul, lui, luttait encore contre des images que son esprit ne parvenait pas à déloger et qui lui rappelaient que rien ne l'avait décidément préparé à ce qu'il avait vu, et vécu, durant plusieurs heures. L'étreinte bientôt initiée par Elsie le sortit heureusement de ses songes, et c'est une lueur plus optimiste qui regagna instantanément son regard. Ses gestes savaient toujours gommer le moindre de ses tourments, et ici ses mots lui faisaient volontiers oublier le bruit des sirènes et du courant indomptable. « Mon cœur, tu sais que c'est impossible. Que mon rôle, c'est aussi de rester au contact de mes artistes, et que je ne serais pas digne de l'énergie et de la confiance qu'ils m'accordent si je restais calfeutré à la maison. » Saul souffla, après avoir refermé ses bras autour d'elle et collé son front à celui de sa femme. « Et puis, nous sommes pareils toi et moi, incapables de rester en place ou de vivre notre passion depuis notre canapé. » Ses lèvres dessinaient un nouveau sourire tandis qu'il ne doutait pas du fait qu'elle lui donnerait raison sur ce point. Parce qu'ils étaient pareils, trop passionnés par leur travail pour ne le faire qu'à moitié et pour s'enfermer entre quatre murs alors qu'ils vivaient l'un et l'autre pour le plaisir du contact humain. « Pour l'instant je ne vais nulle part, je te le promets. » Il lui assura néanmoins, dans un souffle, déposant un baiser sur ses lèvres comme pour y sceller directement sa promesse. Puis, la délogeant délicatement, il laissa sa main trouver la sienne avant de s'éloigner d'un pas. « Je vais monter le temps d'aller nous chercher quelques oreillers. On pourra étendre une couverture sur le tapis et dormir tout près des enfants. Ce ne sera peut être pas aussi confortable que notre lit, mais ce sera certainement moins risqué. » Elsie avait elle aussi besoin de se remettre de la soirée qu'elle venait de passer, ainsi Saul était largement prêt à prendre le risque de gagner l'étage pour tenter de lui offrir quelques heures d'un sommeil salvateur. « Attends-moi là. » Sur ces mots, il emprunta ainsi les escaliers pour se diriger directement vers leur chambre, évitant délibérément de s'aventurer au-delà de la pièce pour ne pas découvrir avant l'heure des dégâts qui lui apparaîtraient bien assez tôt. Autour de lui, pourtant, tout laissait déjà penser que leurs repères avaient été profondément chamboulés par les récents événements, tandis que sous ses pieds craqua un bout du miroir jusqu'ici suspendu sur l'un des murs de leur chambre. Bien décidé à ne pas s'éterniser, Saul s'empara alors de ce dont il avait besoin, et c'est les bras bientôt chargés de quelques coussins et d'une lourde couverture qu'il réapparut finalement. S'avançant vers Elsie, il ne perdit pas une seconde pour leur installer un petit coin douillet qui leur permettrait de veiller sur leurs enfants tout en rechargeant leurs batteries. Ou presque. « Repose-toi maintenant, moi je ne dormirai que d'un œil cette nuit. » Et l'invitant à prendre place sous la couverture tandis qu'il l'y rejoignit aussitôt, Saul passa ses bras autour d'elle pour garder sa femme tout contre lui, l'incitant à déposer sa tête contre son torse tandis qu'une main se perdit dans ses cheveux. Lui se fichait bien de dormir, il aimait autant veiller à ce que rien ne vienne à nouveau troubler le calme de leur foyer, et ça n'était de toute façon pas avec les images qui ranimaient régulièrement son esprit qu'il trouverait le sommeil. |
| | | | | | | | shelter from the storm - event (elsie) |
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