Saleté de biper. Il ne me laissera donc jamais faire une sieste de plus de cinq minutes aujourd’hui. C’est comme si tout le monde s’était donné le mot pour avoir un accident, agresser les autres, ou même faire des rechutes, que ce soit en maladie ou en escaliers. Je me donnais une petite claque, prêt à foncer et filer vers la patiente qui était en train de se faire transférer. Je n’avais aucunes infos la concernant, ni son nom, ni ce qu’il lui était arrivé, je me devais de me grouiller à chaque moment. Mes rides commencent sérieusement à le ressentir. Je m’approchais du brancard et reconnus directement la jeune femme brune dont j’avais déjà eu le dossier en main. J’étais persuadé que sa rechute était effective, mais il se trouve que l’ambulancier m’en cloua le bec. Mon regard croisa celui d’une jeune rousse avant que mon regard ne se reposait sur celui de la brune. Je ne fis rien paraître, seulement je lui envoyais en regard grave avant de regarder les plaies de la demoiselle. Ce n’était vraiment beau à voir, et la chance qu’un rein y soit passé était énorme. Mais avant toute chose, avant de l’emmener en bloc opératoire, il fallait s’assurer que son état puisse être stabilisé et qu’elle n’ait pas une autre plaie. Sans précipitation je m’attelais à la tâche. Eireen, c’est le docteur Buckley, vous vous souvenez de moi ? Si elle commençait à partir, les électrochocs seraient malheureusement de rigueur. Les infirmières s’activaient pour lui donner les premiers soins pendant que je m’occupais de vérifier son état. Si j’avais eu un énorme coup de barre il y a quelques minutes, il était parti aussi vite qu’il n’était arrivé.

HRP:

Tout s’enchaîna rapidement, comme toujours. Tout était devenu répétitif, mais jamais ennuyant, sinon j’aurais changé très certainement de travail. Cette adrénaline qui fait qu’on tient le fil d’une vie qui au final peut être très fragile. Surtout celle de la demoiselle qui se trouvait sur ce brancard. Rapidement, on la déplaçait sur un lit bien plus fixe pour commencer à lui faire toute la batterie de test. Andrew débarquait juste avant pour m’assister dans ces derniers. Pas le temps de faire des chichis, de savoir s’il va bien, il semblait réactif et en forme, c’est le plus important, surtout dans les urgences. Il l’examina alors, au niveau des reins, et certes ce n’est jamais très beau à voir ce genre de blessures, mais j’imagine bien que le cœur d’Andrew est bien en place et défaille rarement, voire jamais avec ce qu’il avait vu au Mali. C’est alors qu’il me demandait si la famille était prévenue. Je n’avais certainement pas pris le temps d’aller me renseigner. Tu me poses une colle, vieux. Elle était accompagnée d’une rouquine tout à l’heure, mais ça m’étonnerait qu’elle soit de la famille. Je m’inquiétais bien plus pour l’état critique de la jeune femme, elle arrivait à peine à entre-ouvrir les yeux malgré ses pupilles qui répondaient bien à la lumière. T’es au courant de ses antécédents médicaux ? Lui demandais-je alors qu’il était en pleine préparation pour l’opération. Il me semblait que la demoiselle m’avait déjà parlé de lui, mais on n’est jamais sûr à cent pour cent. Si ça réponse est un oui, alors dans ce cas-là je serais assez tranquille d’esprit pour la laisser entre ses bonnes mains et aller prévenir sa famille.

Je m'inquiétais inévitablement pour la jeune brune, me demandant comment cela pouvait se faire d'avoir aussi peu de chance en santé. D'abord la leucémie et ensuite cette attaque si agressive ? Andrew était là pour m'épauler, mais je dois bien avouer que ça me laissait un peu perplexe. Encore heureux qu'elle n'ait pas fait de rechute, surtout pas à ce moment-là. Pour l'instant ça ne semblait pas poser de problème. Surtout pour l'opération. Mais la stabiliser semblait relativement problématique. Faut dire qu'elle avait perdu énormément de sang. Son blanchissement n'était clairement pas le pire que j'avais pu voir, mais il était bien avancé et elle avait déjà très certainement perdu connaissance et il fallait qu'on s'active encore plus. Même si je me doutais bien que j'allais surtout m'occuper de prévenir la famille. Je comptais sur Andrew pour tout faire pour la sauver. Le bébé … Tu penses pouvoir le sauver ? Demandais-je alors à mon collègue après que l'infirmier nous confirmait qu'il n'y avait aucune allergie connue à ce jour pour la demoiselle. Je le sentais mal pour elle. Sa santé ne semblait pas vouloir être de son côté, et la chance encore moins. Il était important que cet enfant vive. Je ne pourrais malheureusement pas rester longtemps, mon boulot ici était bientôt terminé, mais je voulais être d'abord rassuré pour la demoiselle afin de continuer de bosser en tout tranquillité.

Vu le coup de couteau que la jeune demoiselle avait reçu, il était peu probable que le feotus ait survécu. Si encore il n’était pas si jeune, il aurait pu être sorti d’urgence, n’être prématuré que de quelques semaines. Mais là, il ne devait avoir que quelques semaines, de quoi rendre fragile encore plus l’enfant. J’espérais tout de même que Andrew pourrait sauver l’enfant, mais lui-même ne partait pas sur cette joyeuse idée. Bien sûr. Lui répondais-je avant de l’aider à faire sortir le brancard pour l’étage d’au-dessus. Evidemment qu’il allait privilégier la vie de la patiente, plutôt que le fœtus qui grandissait en elle, qu’on ne considérait pas encore comme un être humain. Seulement c’est toujours une souffrance indéniable pour les futures mamans. Je m’étais pris un peu d’affection pour la brunette, et je n’imaginais pas sa tristesse si jamais l’enfant devait y rester. Et puis c’était quoi cette histoire de couteau ? Je me chargeais alors de faire le nécessaire pour avertir sa famille, me rendant à l’accueil pour prendre les coordonnées. Je n’eus pas beaucoup de temps devant moi avant que la famille débarque et que je ne les fasse patienter dans la salle d’attente de l’étage d’Andrew. L’opération n’était pas encore terminée, et les pauvres semblaient terriblement inquiets. Il y avait de quoi. J’essayais de rassurer la famille du mieux que je peux quand je vis Andrew sortir du bloc. Je venais à sa rencontre, écoutant son rapport. Le bébé n’a pas survécu, c’est ça ? Lui demandais-je presque aussi sûr de moi. Cela avait été un espoir bien inutile, surtout après ce coup assez mal placé. Mais il avait réussi à la sauver, elle était en salle de réveil, et bientôt sa famille serait rassurée.