I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne avait un long moment d'absence. Ses yeux restaient rivés sur la tasse de thé que venait de lui servir son père. Ce dernier s'installa à côté de Jane, la mère de Joanne. Le couple observait longuement leur fille, qui était sortie de l'hôpital il n'y a que quelques jours de cela. Elle était encore bien pâle, on devinait aisément sur les traits de son visage qu'elle revenait de bien loin. Jane avait préparé un gâteau. Elle tenait à s'occuper de sa fille cadette pendant quelques jours. Elle avait eu bien trop peur pour elle. "Il faudrait que nous te disions quelque chose, Joanne." finit-elle par dire, l'air désolé d'interrompre le fil de ses pensées. Elle restait chez ses parents depuis qu'elle avait quitté l'hôpital, histoire d'avoir quelques jours de repos supplémentaire où elle n'aurait personne à sa charge mis à part elle-même. Et elle voyait Daniel, il était aussi là, et Jamie le récupérait le soir afin de pouvoir passer un peu de temps avec lui aussi. Elle en avait enfin fini avec ses antibiotiques, et elle commençait à reprendre un peu du poil dans la bête. "Quand tu était encore... dans le coma, nous avions jugé bon de prévenir Hassan." Les yeux de la jeune femme s'arrondirent. "Pardon ?" s'exclama-t-elle. Jane ne semblait pas particulièrement fière, mais elle voulait être honnête avec sa fille. "Tu nous avais dit que tu l'avais revu plusieurs fois alors..." La dame échangea un regard avec son mari. "... Nous avions jugé bon de le prévenir, nous avions gardé son numéro. Mais il n'a pas décroché, nous lui avons laissé un message. Et nous n'avons pas vraiment pensé à... prévenir que tu allais bien mieux." "Maman !" s'exclama-t-elle. "Je suis désolée, ça ne nous est revenu qu'aujourd'hui. Et nous avions juré le voir ce matin, lorsque nous sommes allés faire les courses avec ton ton père." "Il est à Téhéran et il en a pour au moins un semestre, ça ne pouvait pas être là." "La ressemblance était pourtant frap-... Mais que fais-tu ?" Joanne s'était levée et avait enfilé son gilet. "Il est peut-être de retour, et seul Dieu ce qu'il puisse penser après avoir écouter votre message, alors je ferais mieux de m'assurer de voir s'il vraiment là, et si oui, lui assurer que tout va bien. Et sinon... Je l'appellerai." Bien qu'elle craignait le déranger durant une de ses activités. Elle n'avait pas vraiment fait de recherches sur le décalage horaire entre Brisbane et Téhéran. Il y avait une certaine distance à parcourir, mais elle le fit à pied. Ca faisait longtemps qu'elle n'avait plus autant marché, et ça lui faisait le plus grand bien. Elle avait précieusement gardé la clé de la maison d'Hassan depuis que Saul le lui avait confié. Elle y allait bien plus souvent qu'elle ne l'aurait pensé. D'abord pour y trouver le calme, la sérénité. Et finalement, elle avait fini par aménager l'intérieur d'une maison dans laquelle elle aurait très bien pu vivre avec lui si les choses avaient été différentes. S'il n'était pas tombé malade. Elle aurait alors rencontré Jamie d'une bien autre manière. Joanne y avait songé, elle se demandait comment les choses se seraient passées si Hassan n'avait pas eu cette fichue leucémie. La jeune femme resta longuement devant la porte d'entrée, se demandant s'il était véritablement possible qu'il soit rentré. Son coeur battait un peu plus rapidement. Puis elle haussa ses épaules, se disant qu'il était peu probable qu'il soit là. Jusqu'à ce qu'elle tourna la poignet de la porte et qu'elle constata que celle-ci était ouverte. Elle entra alors avec précipitation dans la maison, et parcourut quelques pièces en l'appelant, jusqu'à ce qu'elle se retrouve à quelques mètres de lui. Il était bel et bien là. Joanne resta longuement immobile, à le regarder. "Hassan." dit-elle avec un faible sourire. "Tu es rentré." Joanne sentait son coeur battre à toute allure. Elle ne se rendait pas compte qu'elle jouait nerveusement avec ses doigts la seconde même où elle l'avait vu. Il y eut ensuite un long moment de silence. Ce genre de silence qu'on ne savait pas comment combler, lorsque l'on ne savait pas comment réagir en étant ainsi face à son interlocuteur. Elle bégaya longuement avant de parvenir à dire quelque chose. "Ma mère m'a dit qu'elle t'avait laissé un message juste après que... tout ça se soit passé." Elle ne parlait pas bien fort, son ton était presque timide. "Elle a juré t'avoir vu ce matin alors je... je voulais voir si c'était vrai. Et... te dire que je vais bien." Joanne ne savait pas si elle pouvait toujours se permettre un quelconque contact physique avec lui, étant donné le petit dérapage de leur précédente rencontre. A vrai dire, elle ne savait même si lui était heureux de la revoir.
Les quelques heures de sommeil grappillées chez Yasmine n'avaient rien changé aux cernes de la taille des deux Amériques qui se dessinaient sous les yeux d'Hassan. L'un des deux employés de l'ambassade australienne à Téhéran l'ayant escorté jusqu'à l'aéroport avait accepté de lui prêter son téléphone quelques instants et le brun s'était empressé de composer le numéro de téléphone de son frère, les doigts tellement tremblants qu'il avait du s'y reprendre à deux fois avant de composer tous les chiffres dans le bon ordre et d'avoir Qasim au bout du fil. Il rentrait à Brisbane. Impatient, mal à l'aise d'entrer dans les détails avec les deux hommes qui écoutaient à côté de lui, Hassan s'était contenté de cette annonce et de rassurer son aîné sur le fait qu'il allait bien, lui promettant de l'appeler et de lui expliquer les choses plus en détail dès qu'il serait à nouveau en terres australiennes. Le voyagé lui avait semblé duré des heures, Hassan incapable de fermer l’œil et angoissé à l'idée de trouver à nouveau deux uniformes à sa descente de l'avion à la fois durant son escale à Dubaï puis à son arrivée à Brisbane – en pleine nuit. Comme en apnée, il n'avait eu la sensation de pouvoir à nouveau respirer qu'une fois passé le sas de la zone internationale, et les deux pieds définitivement ancrés sur le sol de sa ville natale. Il portait son sac à dos sur son épaule, le seul de ses deux bagages qu'il avait pu récupérer, celui qu'il avait emmené avec lui durant son court séjour à Alger, et avait levé le bras pour héler un taxi auquel il avait donné l'adresse de Yasmine sans se poser de question, sans prendre en compte l'heure qu'il était parce qu'égoïstement il n'en avait rien à foutre. Il aurait du pourtant, peut-être, c'était ce que sa conscience de dernière minute lui avait soufflé à l'oreille tandis qu'il ignorait l'ascenseur et grimpait deux à deux les marches jusqu'à l'étage de Yasmine, reprenant son souffle en appuyant sur la sonnette. Elle n'avait pas mis suffisamment de temps à ouvrir pour avoir été sortie du lit, ce qui sous-entendait qu'elle avait certainement eu Qasim au téléphone, et le brun aurait bien été incapable de dire lequel des deux s'était jeté au cou de l'autre à peine la porte ouverte.
Il n'était pas dupe, il savait que viendrait rapidement le temps où elle lui reprocherait d'avoir manqué de prudence et de lui avoir caché certains détails, mais pour l'heure elle semblait simplement soulagée de le revoir en un seul morceau tout comme lui était soulagé de l'être, en un seul morceau. Non sans une toux à en faire cracher ses poumons et les traces bleutées des menottes marquant un peu douloureusement ses poignets, mais cela lui semblait presque une broutille. Se résolvant malgré tout à lâcher la jeune femme Hassan l'avait suivie à l'intérieur et refermé la porte derrière eux, demandant à nouveau à emprunter un téléphone et pianotant rapidement un SMS à l'intention de son frère pour lui confirmer son arrivée et lui promettre de l'appeler le lendemain, à une heure plus décente. Yasmine était en train de faire du thé, le brun sentait l'odeur se dégager de la cuisine, mais le temps que la jeune femme revienne avec deux tasses fumantes elle l'avait trouvé endormi sur un coin du canapé, incapable de résister plus longtemps aux sirènes du sommeil dont il avait manqué pendant plusieurs jours, et assommé par le stress accumulé. Yasmine l'avait laissé dormir, d'un sommeil tellement lourd qu'à son réveil le soleil baignait une partie du salon, tandis qu'un mot de la jeune femme avait été laissé bien en évidence sur la table basse. Elle rentrait en début de soirée, et il y avait de quoi manger dans le frigo. Ignorant la seconde partie, Hassan avait repoussé à ses pieds la couverture déposée sur lui pendant son sommeil et pioché à la va-vite des vêtements dans son sac avant de prendre la direction de la salle de bain. Il avait pu prendre une douche à l'ambassade l'avant-veille, mais cela lui semblait être il y avait une éternité et il avait l'impression de devoir encore se décrasser de toutes ses angoisses de ces derniers jours.
A son tour il avait écrit sous le mot laissé par Yasmine, et assuré qu'il serait de retour en début de soirée au cas où elle rentrait avant lui. Privé de son téléphone – et de sa liberté de mouvement – depuis le début du mois il avait eu largement le temps de réfléchir à sa situation, mais aussi et surtout de s'angoisser quant aux conséquences de la tempête qui s'était abattue sur Brisbane. Sur le chemin menant jusqu'à chez lui il s'était arrêté dans une boutique de son opérateur de téléphone et cru devenir fou en attendant que ce soit son tour. La main tremblante, la fatigue et le fait de n'avoir rien mangé depuis presque quarante-huit heures palpables, il avait rempli une déclaration de perte – appelons cela ainsi – pour son ancien téléphone et obtenu une nouvelle carte SIM avec la promesse de la vendeuse qu'il conserverait son ancien numéro et pourrait consulter sa messagerie. Il avait décliné sa tentative de lui vendre un nouveau téléphone, sachant qu'il possédait toujours un ancien chez lui à peu près en état de marche. Chez lui. Tournant fébrilement la clef dans la serrure il avait poussé la porte d'entrée et d'abord eu un moment de doute en ne voyant pas Spike débouler sur lui automatiquement ; Mais Spike était toujours chez Qasim, et chassant son trouble Hassan s'était dirigé directement vers le garage où était entreposé tout son bazar. Il regrettait presque de ne pas avoir pris un nouveau téléphone, tout d'un coup, il risquait de mettre des heures à retrouver l'ancien. Loin de l'amas de cartons auquel il s'attendait pourtant, Hassan avait trouvé la pièce pratiquement vide : deux cartons se battaient en duel dans un coin, la moto était à nouveau accessible, et le reste semblait avoir disparu. Pris d'un gros doute il avait fait marche arrière et déboulé dans son salon, dans sa cuisine, dans son bureau : sa maison ressemblait à une vraie maison, et non plus au capharnaüm dans lequel il l'avait laissée en partant.
Si Joanne était venue ici alors c'est qu'elle allait bien. C'était la première chose qui lui avait traversé l'esprit tandis qu'il repartait à la recherche de son téléphone. Mettant finalement la main dessus dans le tiroir de son bureau il avait récupéré son chargeur dans son sac à dos et trouvé la prise la plus proche, branchant à la fois le cellulaire et son ordinateur portable pour récupérer le numéro de téléphone de l'ambassade iranienne de Canberra, qu'il devait également contacter. Activant le haut-parleur il avait laissé les messages défiler les uns après les autres, d'abord Qasim, puis Fatima et Amjad, puis à nouveau Qasim, puis Yasmine, tous s'inquiétant de son silence radio depuis qu'il avait quitté Alger pour regagner Téhéran. Un message du médecin qui le suivait à l'hôpital de Brisbane, un autre de Terrence, et même un de Priam. Et au milieu de tout cela la mère de Joanne, qu'Hassan avait eu un peu de mal à reconnaître au début tant l'éventualité d'un message de sa part ne lui avait pas traversé l'esprit, et qui l'avait littéralement fait blêmir, au point qu'il n'ait rien écouté au message qui avait suivi, le dernier enregistré. Coupant la communication il avait cherché fébrilement le numéro des Prescott dans son répertoire avant de réaliser qu'il ne l'avait plus, pas sur ce téléphone-là. En désespoir de cause il avait composé le numéro de Joanne une fois, deux fois, sans obtenir de réponse, et réalisé avec dépit qu'il ne connaissait pas son adresse exacte non plus. Il pourrait appeler Yasmine, elle saurait sans doute se renseigner et lui dire si Joanne faisait bel et bien partie des patients de l'hôpital … Mais alors il devrait avouer qu'il avait revu Joanne, plusieurs fois, et donc menti par omission pendant des mois. Ou bien il pourrait aller à l'hôpital directement. Son inconscient semblait même déjà avoir pris sa décision puisque ses pas l'avaient mené jusqu'à l'étage pour qu'il se change à nouveau, troquant ses vêtements « moins sales » contre de véritables vêtements propres et plus adaptés aux températures australiennes.
C'est à ce moment-là qu'il avait entendu sonner à la porte. Pris au dépourvu il était resté interdit un instant, hésitant entre dévaler l'escalier et se débarrasser aussi rapidement que possible du visiteur, et patienter simplement en attendant que la personne conclus à son absence et s'en aille. A moins que ce ne soit important ? Et si quelqu'un l'avait vu rentrer ? Peut-être était-ce Saul. Terminant d'attacher son jean dans l'escalier, il avait remarqué une fois que son tee-shirt était à l'envers et s'était empressé de le retourner avant d'enfin ouvrir la porte « Hassan. » Si tenté qu'il n'ait pas suffisamment perdu de couleurs tout à l'heure, la présence de Joanne sur le pas de sa porte venait de le rendre plus blanc encore « Tu es rentré. » Incapable de répondre, il était resté là les bras balants plusieurs secondes, à tel point que c'était elle qui à nouveau avait repris « Ma mère m'a dit qu'elle t'avait laissé un message juste après que … tout ça ce soit passé. » Elle en parlait comme s'il s'agissait déjà – presque – de l'histoire ancienne, sans doute à des lieux de s'imaginer qu'à une heure prêt elle aurait devancé le dit message. « Elle a juré t'avoir vu ce matin alors je … je voulais voir si c'était vrai. Et … te dire que je vais bien. » Elle allait bien. Il y a une heure à peine la mère de Joanne lui annonçait qu'elle était dans un état sérieux, visiblement assez pour lui téléphoner alors qu'Hassan ne se faisait aucune illusion quant à la piètre opinion qu'elle et son époux devaient avoir de lui désormais, et maintenant Joanne était devant sa porte et lui assurait le contraire. Pour un peu il aurait été tenté de penser qu'elle n'était que le produit de son cerveau fatigué, et rien d'autre. A moins que ce ne soit ce qu'il avait tenté de vérifié, en se jetant presque à son cou plutôt que de répondre quoi que ce soit, la serrant contre lui de manière presque hagarde et laissant à nouveau passer de longues secondes avant de murmurer « Tu vas bien. » comme pour tenter de s'en convaincre. « Tu vas vraiment bien ? » Réalisant pourtant que sa réaction pouvait paraître excessive et son accolade envahissante, il avait fini par la lâcher et fait un pas en arrière pour l'observer un peu mieux et bafouiller « Pardon, je … Je suis rentré cette nuit, et j'ai pu écouter ma messagerie que tout à l'heure, je voulais appeler ta mère mais je ne retrouve pas son numéro, et tu répondais pas au téléphone alors j'ai cru que … » Il ne savait pas vraiment ce qu'il avait cru, en réalité. Qu'il entendait ce message trop tard, peut-être. Et s'il avait été trop tard ? Mais Joanne était là, et en un seul morceau. Elle allait bien, disait-elle, et pour le moment il était encore trop perturbé pour ne pas la croire sur parole ou remarquer qu'elle n'avait pas non plus la mine de quelqu'un qui pétait la forme.
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Hassan était là, juste devant elle. Il n'avait pas très bonne mine non plus. Les cernes sous ses yeux étaient encore bien marqués, le teint blafard. Il semblait tomber des nus en la voyant au seuil de sa porte, debout et les yeux grand ouverts. Il était resté longuement silencieux, à la fixer. Comme s'il se demandait si elle était bien réelle ou non, ou si quelqu'un lui jouait un mauvais tour afin de lui donner un faux espoir. Joanne enchaînait les explications en restant relativement succincte, mais cela ne semblait pas suffisant pour le faire réagir. Joanne le regardait et lui laissait tout le temps nécessaire pour que les informations montent au cerveau. Sans qu'elle ne s'y attende, il se jeta sur elle pour l'enlacer fermement avec ses bras. Un peu surprise, Joanne ne savait pas vraiment comment réagir pendant plusieurs secondes. Bien qu'il restait son ex-mari et qu'il y avait une affection entre eux deux qui s'était manifestée avant qu'il ne parte de l'autre côté du monde, Joanne ne s'attendait pas à ce qu'il veuille la serrer ainsi contre lui. Elle finit par passer ses bras par dessus ses épaules, sentant bien qu'il avait besoin d'un certain réconfort. L'une de ses mains caressait tendrement ses cheveux quelques secondes. "Je suis encore assez fatiguée, et j'ai encore beaucoup de cachets à prendre qui me retournent constamment l'estomac. Mais ce n'est rien comparé à ce qu'il s'est passé, alors oui, je vais vraiment, Hassan." lui dit-elle calmement avec une voix douce et un léger sourire sur ses lèvres. Quelque part, c'était assez rassurant d'avoir eu au moins une fois un telle accueil lorsque l'on apprenait qu'elle était sortie d'affaires. Jamie n'avait pas été des plus chaleureux, il avait même préféré décharger au plus vite ses épaules en lui disant qu'Hannah et lui s'étaient une nouvelle fois embrassés, et qu'il devait prendre une décision. Entre la brune et la blonde, et ce n'était même pas la plus petite des deux qui lui imposait ce choix. Hassan s'éloigna un peu d'elle, et la regarda avant de bégayer un peu. Il était rentré la nuit précédente, ce qui devait certainement expliquer ses cernes. Elle le regarda d'un air désolé. Hassan semblait véritablement troublé par le message laissé par sa mère. Et Joanne avait oublié son téléphone - c'était une habitude chez elle. Avec ces informations là, elle comprit qu'Hassan aurait pu croire le pire, ce qui expliquait certainement l'élan qu'il avait pour la prendre dans ses bras. "Non, non, ne crois pas. Quoi que tu aies pas penser, n'y crois pas." lui dit-elle en s'approchant de lui et en prenant délicatement son visage entre ses mains. Ses pouces caressaient ses joues. "J'ai été cinq jours dans le coma, mais je me suis réveillée, et tout s'est bien passé." lui assura-t-elle. "Mon médecin m'a bien fait comprendre que je ne m'en serai peut-être pas sortie si je n'étais pas déjà l'hôpital quand ça s'est passé, et, crois-moi, ça, je l'ai bien retenu." Joanne peinait à réaliser qu'elle était apparemment passée si près de la mort. "Mais on s'est occupé de moi, et je vais bien." Elle lui souriait, voulant se montrer rassurante. La petite blonde le regarda longuement, silencieuse. "Ca ne va que s'ajouter à la liste de mes antécédents." Et pour son âge, c'était déjà quelque chose, mais qu'importe. Joanne se colla à lui pour l'étreindre à son tour en faisant glisser ses mains au niveau de sa taille pour pouvoir poser ses mains au niveau de son dos. Le front appuyé contre son épaule, elle resta longuement silencieuse. "Le médecin m'a dit ça peu de temps après que je me sois réveillée. Ca perturbe, ça fait penser à beaucoup de choses." Elle soupira. Elle n'en avait jamais vraiment parlé avec qui que ce soit, de ces mots là. Son entourage savait qu'elle aurait pu y passer, mais on ne voulait pas aborder le sujet, pas plus que ça. Ca restait un sujet tabou au sein de la société. Elle l'embrassa sur la joue et le serrait dans ses bras. Elle manquait de mots. "Je suis heureuse de te voir." lui dit-elle tout bas. Il avait aussi l'air lessivé, mais il était bien là. Ses yeux se levèrent sur le séjour qui se trouvait derrière. "Je t'avais dit que je serai tentée d'aménager ta maison." dit-elle avec un petit rire, en desserrant son étreinte. "Ca te convient ?" lui demanda-t-elle tout de même, après qu'il l'ait invité à entrer dans la maison.
La période durant laquelle Hassan avait été coupé de tout lien avec l'extérieur, avec ses proches et son quotidien lui avait parfois semblé durer des siècles. L'impression était d'autant plus vivace qu'après avoir appris la tempête qui s'était abattue sur Brisbane le brun n'avait plus eu l'occasion de se renseigner plus à ce sujet et n'avait gardé à l'esprit que les brides d'informations grappillées le premier jour, tantôt incertaines, tantôt alarmistes, mais tout de nature à vous laisser imaginer le pire. Et c'était bien le pire qu'il avait à l'esprit en cherchant fébrilement après le téléphone et le chargeur qui lui permettraient de retrouver une pièce du puzzle de ces dernières semaines. Mais Joanne ? Sans être capable d'expliquer pourquoi il n'avait pas cru possible que la tempête ait pu avoir la moindre conséquence sur elle, sans doute trop obnubilé par la crainte que son fiancé – l'était-il encore ? – ne s'en prenne à nouveau à elle pour imaginer que le danger puisse venir d'ailleurs, de quelque chose d'aussi trivial qu'une mauvaise météo. Un instant elle allait bien, l'instant suivant le message alarmiste de Jane Prescott affirmait le contraire, et à nouveau elle allait … bien ? C'était trop d'informations d'un seul coup, suffisamment pour qu'Hassan ne sache plus à qui ou à quoi se fier et s’agrippe momentanément à son ex-femme comme pour vérifier la véracité de ce dernier retournement de situation. « Je suis encore assez fatiguée, et j'ai encore beaucoup de cachets à prendre qui me retournent constamment l'estomac. Mais ce n'est rien comparé à ce qu'il s'est passé, alors oui, je vais vraiment bien, Hassan. » Un autre jour peut-être se serait-il formalisé du ton presque maternel qu'elle employait avec lui, comme s'il s'était inventé lui-même des raisons de s'inquiéter là où il n'y avait pas lieu d'être, mais aujourd'hui il n'avait pas la force, et s'était contenté d'acquiescer en silence. Tout s’enchaînait trop vite et il en avait presque le tournis, sa main s'appuyant contre l'encablure de la porte tandis qu'il faisait un pas en arrière et retrouvait vis-à-vis de la blonde une distance plus raisonnable et guidée par sa conscience.
Dieu sait ce qu'il aurait eu le temps de s'imaginer s'il avait reçu le message de Jane avant son retour à Téhéran, et qu'il avait passé presque dix jours à cogiter sans aucun moyen de pouvoir en savoir plus. Des raisons de s'angoisser il en avait déjà suffisamment eu à gérer, et les policiers bien trop heureux d'avoir un tel moyen de pression sur lui s'en étaient donnés à cœur joie à chaque occasion. Son imagination était toujours fertile lorsqu'il s'agissait de s'imaginer le pire, c'était un trait que Qasim et lui partageaient. « Non, non, ne crois pas. Quoi que tu aies pu penser, n'y crois pas. » Trop tard, aurait-il pu faire remarquer avec amertume, bien que tout cela n'ait plus la même importance maintenant que sa présence était venue remettre en perspective le message alarmiste écouté un peu plus tôt. « J'ai été cinq jours dans le coma, mais je me suis réveillée, et tout s'est bien passé. Mon médecin m'a bien fait comprendre que je ne m'en serais peut-être pas sortie si je n'étais pas déjà à l'hôpital quand ça s'est passé, et, crois-moi, ça, je l'ai bien retenu. » Il avait froncé les sourcils, laissant les informations arriver une à une à son esprit et faire leur trou « Tu étais déjà à l'hôpital avant la tempête ? » C'était ce qui l'avait frappé en premier, évidemment, tandis que la blonde elle continuait de tenter de lui faire relativiser la situation et ses conséquences « Mais on s'est occupé de moi, et je vais bien. Ça ne va que s'ajouter à la liste de mes antécédents. » Et c'était ainsi qu'elle espérait le rassurer ? Elle s'y prenait foutrement mal, de même qu'elle semblait oublier un peu vite qu'Hassan était lui aussi devenu un peu trop coutumiers des hôpitaux pour qu'il soit possible de lui faire gober n'importe quoi sans qu'il ne s'en rende compte. « On ne va pas bien quand on sort de cinq jours de coma, Joanne, je ne suis pas naïf. Et je doute que venir à pieds jusqu'ici t'ait été chaudement recommandé par ton médecin. » Elle lui évitait de se faire un sang d'encre plus longtemps, certes, mais au prix de sa santé probablement et ça ce n'était pas anodin. Sans broncher malgré tout, il l'avait laissée l’enlacer à son tour, et fait glisser le bout de ses doigt contre ses mèches blondes « Le médecin m'a dit ça peu de temps après que je me sois réveillée. Ça perturbe, ça fait penser à beaucoup de choses. » D'avoir le sentiment, dans la bouche d'un médecin, d'avoir les antécédents médicaux d'un octogénaire ? « Je sais. Crois-moi, je sais. » Et il savait aussi comme cela pouvait peser, particulièrement sur le moral.
Après avoir passé ces dernières heures, depuis son réveil chez Yasmine, à courir d'un point à l'autre avec l'impression de jouer un contre la montre, le brun avait le même sentiment factice que lorsque la brune lui avait ouvert la porte la veille au soir : celui de pouvoir cesser quelques instants de s'inquiéter pour tout, et de se laisser porter quelques instants par un vague sentiment de soulagement dont il profitait en sachant qu'il ne durerait pas. Il ne durait jamais. « Je suis heureuse de te voir. » avait finalement repris Joanne, déposant un baiser sur sa joue. Se serrant contre lui encore un instant elle l'avait lâchée lorsqu'il lui avait fait signe d'entrer. Ils ne pouvaient pas rester indéfiniment sur le pas de la porte. « Je t'avais dit que je serais tentée d'aménager ta maison. Ça te convient ? » Refermant la porte derrière eux, Hassan s'était senti un peu pris au dépourvu et avait répondu d'un un peu incertain « En fait je … j'ai pas encore vraiment pu me rendre compte. » Une partie de lui avait bien imprimé le fait que la maison avait subi des changements, mais trop obnubilé par autre chose il se rendait maintenant compte qu'il avait oublié la moitié de ce qu'il avait vu. « Je t'ai dit, je viens à peine de rentrer … à une heure ou deux prêt tu aurais sonné dans le vide. » La guidant au salon, il avait pu observer en effet un changement dans la disposition de son canapé et du meuble de télévision, la réapparition de sa table basse, entre autres. « Tu n'étais pas obligée, j'espère que tu ne t'es pas fatiguée inutilement. » Ce n'était en effet par pour cette raison qu'il lui avait laissé la possibilité d'accéder à sa maison, mais bien pour lui permettre de se reposer un peu, loin du tumulte de sa propre maison. « Mais ça me convient. » l'avait-il néanmoins rassurée en esquissant un vague sourire. « Tu as toujours eu un meilleur œil que moi pour ce genre de choses. » Raison pour laquelle elle avait eu pratiquement carte blanche concernant la décoration de leur ancienne maison, Hassan n'ayant apposé son veto que sur quelques couleurs ou éléments qui ne lui faisaient vraiment pas envie. « Tu as trouvé le carton que j'avais laissé pour toi ? » Cela venait seulement de lui revenir en tête « J'ignorais qu'il était dans mes affaires … Une bonne moitié de ces cartons n'avaient pas été défaits depuis le divorce. » Il avouait cela l'air un peu penaud, c'était là une nouvelle preuve peu glorieuse d'à quel point sa vie était restée en suspend durant ces presque trois dernières années.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Hassan était incapable de parler dans un premier temps, trop abasourdi par cette avalanche de nouvelles. Elle respectait ces temps de silence, nécessaire pour lui pour mettre en place ses idées et ses informations. Mais elle tentait, du mieux qu'elle pouvait, de le rassurer, de relativiser un peu tout ce qui lui venait de se passer. Mais peut-être qu'elle ne réalisait pas encore tout à fait la gravité de ce qui venait de lui arriver. Elle essayait de se rassurer elle-même, surtout. Maintenant, il n'avait plus à s'inquiéter pour quoi que ce soit, elle était là, bien en vie. Hassan fut interpellé par le fait que son ex-femme était déjà à l'hôpital lorsqu'elle avait eu son problème de santé. "Oui, Daniel avait de la fièvre, et ce n'était pas à cause des dents, je voulais voir s'il n'avait pas autre chose. Et... quand je suis arrivée aux urgences, il y avait cet arbre qui s'était effondré." expliqua-t-elle doucement. "Je crois que j'ai angoissé par la suite, je ne me souviens plus de grand chose. Tout e que je savais, c'était que j'avais Daniel dans mes bras, et après... rien." Elle ne s'en souvenait plus, en tout cas. Elle était assez surprise de la toute première réaction d'Hassan, c'était comme s'il la sermonnait. Se sentant alors coupable, elle baissa les yeux, l'air sincèrement désolée. "Tu ne répondais pas au téléphone et..." Elle haussa les épaules. "Il fallait que je te vois, que je sache si tu était bien rentré et si tu allais bien." Elle jouait nerveusement avec ses doigts. "Et je voulais que tu saches que j'aille bien aussi." Peut-être qu'Hassan n'avait fait cette remarque que par inquiétude, parce qu'il se souciait de sa santé. Joanne en avait pris aussi un sacré coup lorsqu'elle avait appris qu'elle aurait très bien pu en mourir. Hassan était le mieux placé qui soit pour savoir quel était ce sentiment, à quel point c'était perturbant. De plus, il savait comment fonctionnait Joanne, il pouvait avoir une idée de la manière dont elle pourrait réagir. Après quoi, ils rentrèrent tous les deux chez lui. Il avouait qu'il n'avait pas encore fait très attention à l'aménagement de son nouveau chez-lui. "Ca m'a occupée l'esprit et les bras lorsque Daniel était à la crèche." dit-elle avec un discret sourire. "Ca m'a plus fait du bien qu'autre chose, à vrai dire." Ainsi, elle n'avait pas le temps de penser à Jamie, à leur histoire, ni même forcément à ce qui s'était passé la dernière fois qu'elle avait vu Hassan. Le baiser. Elle était heureuse de savoir que ça lui plaisait, globalement. Elle lui sourit. "Je suis contente que ça te convienne." dit-elle timidement. Le beau brun eut une soudaine illumination en se rappelant qu'il avait encore un carton avec les affaires de son ex-femme qui traînait dans le garage. "Oui, je l'ai récupéré. Je ne me souvenais pas avoir oublié autant d'affaires dans... notre ancienne maison." C'était curieux de prononcer un nous. "Mais maintenant, tout est installé, il ne suffit plus que d'y vivre." Elle savait que ce n'était pas quelque chose d'évident pour lui. Mais il avait enfin un chez-lui où il pouvait se réfugier et redémarrer d'un bon pied. Un court moment de silence s'imposa, le temps que Joanne puisse observer son ex-mari. "Tu vas bien, Hassan ?" lui demanda-t-elle, soucieuse. Oui, il avait les traits fatigués, tirés, mais pas d'une personne qui manquait uniquement de sommeil. "Tout va bien ?" Forcément, après les émotions, elle se demandait bien quelles étaient les raisons de son retour au pays. "Je croyais que tu pensais rester pendant au moins un semestre là-bas." Joanne fit quelques pas dans le séjour, ayant peur d'avoir effleuré un sujet de conversation qui pourrait déplaire à Hassan. La jeune femme jouait nerveusement avec ses doigts. "Je me dis que je n'aurai peut-être pas du déballer tous les cartons, qu'il y avait des choses que tu ne voudrais peut-être pas que je vois ou que tu voulais garder pour toi." Elle le regarda. "J'ai vu que tu avais gardé ton alliance. Je n'ai pas fouillé, elle était tombée lorsque je déballais tes affaires pour les ranger." dit-elle. Il aurait pu en faire n'importe quoi, la jeter, la revendre, la faire fondre. Mais non, il l'avait gardé dans sa boîte originale. Elle était touchée. [color=#006699]"Je ne pensais pas que tu l'aurais gardé."[/colo] Joanne avait elle-même conservé précieusement son alliance et la bague de fiançailles offertes par Hassan. Cela restait des bijoux d'une grande valeur sentimentale.
La nature anxieuse d'Hassan – une nature développée ces dernières années et dont il se passait très bien avant cela – faisait perdre aux paroles de Joanne une bonne partie de la relativisation qu'elle tentait d'y attacher. Elle allait bien, certes, mais les réponses ne faisaient qu'apporter de nouvelles questions et ne calmaient pas le début de culpabilité qui tendait à accabler Hassan depuis le moment où Yasmine et lui avaient été mis au courant de la tempête, lorsqu'ils se trouvaient tous les deux à Alger. Il avait fait un choix égoïste en décidant de s'exiler plusieurs mois sur un autre continent, et entraîné Yasmine dans sa suite en la persuadant que le moment était idéal pour faire ce voyage dont elle rêvait dans son propre pays natal, et dont il commençait à entrevoir qu'elle l'aurait fait bien plus tôt s'il n'était pas tombé malade. Et c'était précisément ce moment où l'un et l'autre décidaient de quitter Brisbane, leur Brisbane, que cette catastrophe climatique avait choisi pour s'abattre. Comme pour les punir de ne pas être là, de ne pouvoir qu'assister impuissants aux images cataclysmiques retransmises par la télévision, sans aucun moyen au départ de connaître le sort réservé aux personnes qui leur étaient chères. Et en ajoutant à cela la dizaine de jours durant lesquels le brun avait été privé de tout contact avec l'extérieur, il avait véritablement l'impression d'avoir deux wagons de retard et de découvrir de nouvelles mauvaises surprises à chaque fois qu'il continuait de creuser un peu. Comme le fait que Joanne se soit déjà trouvée à l'hôpital au moment où la tempête avait fait son œuvre. « Oui, Daniel avait de la fièvre, et ce n'était pas à cause des dents, je voulais voir s'il n'y avait pas autre chose. Et … quand je suis arrivée aux urgences, il y avait cet arbre qui s'était effondré. Je crois que j'ai angoissé par la suite, je ne me souviens plus de grand chose. Tout ce que je savais, c'était que j'avais Daniel dans mes bras, et après … rien. » C'était probablement mieux ainsi, ou du moins il doutait que se souvenir plus en détails de cette soirée lui soit bénéfique d'une quelconque manière. Tout comme il doutait que d'être venue jusqu'ici toute seule, à pieds, alors qu'elle semblait sortir à peine de l'hôpital soit bénéfique à sa santé « Tu ne répondais pas au téléphone et … Il fallait que je te vois. Que je sache si tu étais bien rentré et si tu allais bien. » Elle semblait penaude, et Hassan craignait que son inquiétude n'ait été à tort interprétée comme du reproche. « Et je voulais que tu saches que j'aille bien aussi. » Acquiesçant doucement, il avait laissé échapper un vague soupir « Je sais … excuse-moi. Mais on t'appellera un taxi pour le retour, d'accord ? » Elle avait très probablement suffisamment marché pour aujourd'hui, et Hassan ne possédait plus de voiture depuis que le garage lui avait confirmé que son accident l'avait bien trop endommagée pour que les dommages soient réparables.
Quittant finalement le pas de la porte pour gagner l'intérieur, le brun avait été forcé d'avouer, lorsque Joanne l'avait mentionné, le fait qu'il n'avait pas encore véritablement eu le temps de prendre la mesure de l'aménagement qu'elle avait opéré à l'intérieur durant son absence. Elle l'avait certes prévenue qu'elle risquait de chercher à s'occuper un peu, mais il ne pensait pas réellement qu'elle le ferait et craignait qu'elle ne s'en soit sentie obligée. « Ça m'a occupé l'esprit et les bras lorsque Daniel était à la crèche. Ça m'a plus fait du bien qu'autre chose, à vrai dire. » Réalisant qu'il n'avait même pas demandé, bien qu'il doutait qu'elle soit en train de lui faire la conversation si tel n'était pas le cas, il avait questionné « Il va bien ? » Inquiet surtout parce que Joanne donnait l'impression de n'avoir que son fils à quoi ou à qui se raccrocher. Mais pour en revenir au sujet de conversation initial, et puisque la blonde semblait vraiment s'en inquiéter, il avait assuré ne rien trouver à redire à la manière dont elle avait agencé la pièce, et probablement les autres. « Je suis contente que ça te convienne. » Il se connaissait, il était probable que certaines choses changent encore plusieurs fois de place pour les mêmes raisons que la couleur des murs de son ancien appartement avait changé trois fois en un an, il peinait à se fixer sur quoi que ce soit … Mais pour l'heure il était satisfait ainsi. Il se demandait si, au milieu des cartons qu'elle avait défait, Joanne avait trouvé celui qui lui était destiné « Oui, je l'ai récupéré. Je ne me souvenais pas avoir oublié autant d'affaires dans … notre ancienne maison. Mais maintenant, tout est installé, il ne suffit plus que d'y vivre. » C'était un peu l'idée, en effet, plus facile à dire qu'à faire mais Hassan s'était à nouveau senti chez lui à la minute où il était redevenu propriétaire de cette maison, là où il n'était jamais parvenu à l'être dans son précédent appartement.
Laissant passer quelques instants de manière un peu hésitante, incapable de dire si Joanne avait véritablement envie de s'attarder un peu maintenant qu'elle avait accompli la mission qui l'avait amenée ici en premier lieu, il avait passé une main fébrile sur son visage pour tenter d'en chasser – vainement – la fatigue. Un geste qui ne semblait malheureusement pas avoir échappé à la blonde « Tu vas bien, Hassan ? » Ancrant son regard vers elle, il avait secoué la tête avec visiblement trop peu de vigueur pour la convaincre, tandis qu'elle faisait quelques pas à travers le salon en reprenant « Tout va bien ? Je croyais que tu pensais rester pendant au moins un semestre là-bas. » C'était lui aussi ce qu'il croyait, et même ce qu'il espérait, mais le brun était presque habitué de la fatalité qui se plaisait à contrecarrer sans cesse ses plans. « Les choses là-bas ne se sont pas déroulées totalement comme je l'espérais. » Euphémisme. « Je ne suis pas parti uniquement pour le poste universitaire, j'avais … d'autres objectifs. Qui n'ont pas été bien interprétés. Disons que pour faire simple on m'a conseillé de ne pas chercher à remettre les pieds là-bas, à moins d'avoir envie de voir l'intérieur d'une prison iranienne. Et avoir visité leurs cellules de garde à vue m'a suffit pour savoir que je n'avais pas envie de tenter l'expérience, alors … je suppose que je ne suis plus le bienvenu là-bas, désormais. » Il tentait d'expliquer sans chercher à en dévoiler trop non plus, préférant garder les détails pour lui. Mais il doutait de trouver oreille capable de comprendre entièrement son sentiment à ce sujet, Yasmine, comme Joanne, comme bon nombre des personnes qu'Hassan avait mis au courant de son départ pour Téhéran, peinaient déjà à comprendre le sentiment d'attachement du brun pour ce pays qui ne faisait pourtant pas parler de lui en bien à l'heure actuelle … Alors aucun ne comprendrait sans doute non plus le crève-cœur que représentait pour lui le fait de ne plus y être le bienvenu. Les deux seules personnes à qui il aurait pu en parler reposaient dans un des cimetières de Brisbane depuis trop longtemps, et ne lui seraient d'aucun réconfort.
Un peu las, Hassan avait fini par s'asseoir sur le canapé et avait invité Joanne à en faire de même. S'installant donc à son tour, la jeune femme avait laissé le silence subsister de longues secondes en manipulant nerveusement ses doigts, comme si elle hésitait à dire quelque chose. « Je me dis que je n'aurais peut-être pas du déballer tous les cartons, qu'il y avait des choses que tu ne voudrais peut-être pas que je vois ou que tu voulais garder pour toi. » Il n'y avait pourtant rien dans ces cartons qu'elle ne connaisse pas déjà, la plupart des possessions d'Hassan l'étaient déjà avant leur divorce, et hormis quelques babioles sans importance rien n'avait vraiment changé. C'était lui, qui avait changé. « J'ai vu que tu avais gardé ton alliance. Je n'ai pas fouillé, elle est tombée lorsque je déballais tes affaires pour les ranger. Je ne pensais pas que tu l'aurais gardée. » Il y avait pensé, c'est vrai. La jeter à la mer, l'enterrer dans le sable de "leur" coin de plage comme on enterrait un être cher dont il était temps de faire le deuil, il l'avait envisagé. Mais ne s'y était jamais résolu. « Je ne me voyais pas la jeter comme un vulgaire déchet, ou la vendre au premier venu pour qu'elle termine au doigt de je ne sais qui. » avait-il finalement confié en relevant les yeux vers elle. « Ça reste un objet avec de la valeur sentimentale, et tu connais ma tendance à ne pas vouloir me séparer de ce genre de choses. » Hassan avait toujours été comme ça, certains trouvaient cela stupide mais lui accordait une certaine importance aux grigris, aux portes-bonheur, à la valeur sentimentale de certains objets. Rien que cette maison qu'il avait racheté pour les souvenirs qui y étaient rattachés en était la preuve. Il n'osait pas demander à Joanne si elle avait conserver la sienne, au fond elle aurait été en droit de s'en débarrasser. Peut-être même Jamie l'avait-il obligée à s'en défaire. Il préférait ne pas demander plutôt que d'apprendre qu'elle croupissait au fond de l'océan pacifique. « Est-ce qu tu vas mieux ? » La question semblait venir de nul part, après plusieurs nouvelles secondes de silence, Hassan l'observant désormais avec sérieux. « Je ne parle pas de la tempête. » Elle savait bien de quoi il parlait, de ces mêmes raisons qui lui causaient du souci avant son départ pour l'Iran. « Tu as parlé à tes parents ? » A moins qu'ils ne se soient déplacés à Brisbane pour ses ennuis de santé uniquement « Après tout ça, je ne pensais pas que ta mère m'appellerait s'il t'arrivait quelque chose. » En réalité il n'aurait pas imaginé un seul des Prescott vouloir l'appeler pour quelque raison que ce soit, désormais.
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Hassan semblait s'être rendu compte que ses derniers mots avaient été mal compris. Ce n'était pas de la maladresse de sa part, mais une incompréhension de la part de Joanne, qui interprétait facilement certaines choses de manière péjorative. Malgré tout, le beau brun se rattrapa et s'excusa, ne demandant qu'à ce qu'on lui prenne un taxi pour le trajet du retour. Elle acquiesça d'un signe de tête sans dire un mot de plus. Une fois à l'intérieur, et satisfaite de savoir que l'aménagement convenait à Hassan, celui-ci se demanda soudainement comment se portait le fils de son ex-femme. "Il va bien, oui." lui assura-t-elle avec un sourire reconnaissant, touchée qu'il puisse s'en soucier tout en connaissant le père de l'enfant. "Il a depuis une grosse de séparation avec moi, mais comme je suis avec lui toute la journée, ça va. Ca devient un peu plus difficile lorsqu'il s'agit de le déposer à la crèche, j'ose espérer qu'il angoissera moins avec le temps. Mais il panique dès que je ne suis plus dans son champ de vision." Déjà que leur relation était initialement très fusionnel, avoir été séparé de sa mère sans crier gare pour que l'on puisse s'occuper d'elle avait apparemment été très difficile pour lui à vivre et que les conséquences étaient présentes. Depuis, il faisait encore plus tout et n'importe quoi pour qu'il ait le regard de sa mère posé sur lui. Celui de Joanne était désormais posé sur un Hassan avec le visage marqué par la fatigue. Elle le connaissait suffisamment pour savoir que ce n'était pas qu'à cause d'un long voyage. Hassan résumait au mieux les raisons de cet épuisement en faisant bien comprendre qu'il ne comptait pas s'éterniser sur le sujet. Mais tout ne s'était pas passé comme prévu. Joanne le regardait avec étonnement lorsqu'il se mit à parler de prison, mais il lui avait lancé un de ces regards qui lui demandait de ne pas poser de questions ou de ne pas demander de détails à ce sujet. "L'essentiel, c'est que... c'est que tu ailles bien, et que tu sois rentré sain et sauf." conclut-elle avec un sourire gêné. Mais elle était sincère. Tout ce qu'elle voulait savoir, c'était qu'il allait bien. Ils s'installèrent tous les deux sur le canapé qui se trouvait au séjour pour continuer de discuter. Joanne confessa qu'elle était tombée hasardeusement sur son alliance. Bien qu'elle connaissait Hassan et son attachement pour les objets qui comptaient beaucoup pour lui, elle était particulièrement touchée qu'il ait pu la garder. Malgré tout, au fond, il restait celui qui avait demandé le divorce. Elle aurait compris qu'il préférait rapidement oublié tout ceci en se débarrassant du bijou. Mais comment pouvais-ton efface près de dix ans de vie commune en un claquement de doigt ? Son coeur se mit à battre plus vite lorsqu' Hassan vint à demander si elle allait mieux, en précisant qu'il ne parlait pas de sa récente hospitalisation. Joanne le regardait d'un air un peu paniqué, qui laissait deviner qu'il n'allait pas forcément apprécier les réponses à venir. Se sentant coupable, Joanne baissa les yeux. "Non, ils ne savent rien." dit-elle tout bas, sachant bien que c'était une réponse qu'il n'aurait peut-être pas voulu entendre. "Je suppose qu'ils doivent se douter que nous ne soyons pas au beau fixe, mais je ne veux pas leur en parler. Ils n'ont pas besoin de savoir ça." A moins qu'Hassan ne tienne à ce qu'il enferme leur fille quelque part empêchant Jamie de l'approcher coûte que coûte. Ils s'étaient un peu méfiés de lui depuis le début et elle ne voulait pas leur donner raison. "Les traces sont parties, on n'y voit plus rien." Elle n'avait plus à dissimuler ses bras devant eux. "Je crois que rien n'a vraiment changé. J'étais même surprise qu'il soit venu me voir dès qu'il a appris que j'étais réveillée. Il a dit des mots gentils, qu'il pensait vraiment, mais... Ce n'est plus pareil." Et elle en souffrait énormément, sinon elle n'aurait pas les yeux bordés de larmes. Quelque chose s'était brisé, et elle se sentait incapable de réparer quoi que ce soit. Alors non, elle ne se sentait pas mieux. "Je leur avais dit que je t'avais revu quelques fois, sans en dire plus, je suppose que c'était ce qui l'a convaincu à t'appeler. Je ne sais pas vraiment ce qu'elle a pu en déduire. Je ne voulais pas que tu t'inquiètes davantage tout en étant de l'autre côté du monde." Elle jouait nerveusement avec ses doigts. Le sentiment de culpabilité, elle l'avait pour de nombreuses raisons, dont le fait de dire à Hassan que rien n'avait changé. Qu'elle vivait toujours dans ce malaise et mal-être perpétuel dont elle n'arrivait pas à se défaire. La seule issue était peut-être la séparation, mais elle doutait pouvoir y survivre. "Je ne sais pas vraiment quoi faire."
Que le père de cet enfant soit aux yeux d'Hassan quelqu'un de tout à fait méprisable ne signifiait pas pour autant qu'il en niait l'importance capitale qu'il avait aux yeux de Joanne, et cela constituait une raison suffisante pour qu'il ose vouloir se renseigner quant aux conséquences éventuelles que la tempête aurait pu avoir sur lui … A vrai dire, à n'être revenu que la veille et s'être trouvé dans un tel état de précipitation depuis son réveil, le brun était encore bien incapable de mesurer l'impact de la tempête sur la ville et ses habitants. « Il va bien, oui. » lui avait en tout cas assuré Joanne avec calme « Il a depuis une grosse de séparation avec moi, mais comme je suis avec lui toute la journée, ça va. Ça devient un peu plus difficile lorsqu'il s'agit de le déposer à la crèche, j'ose espérer qu'il angoissera moins avec le temps. Mais il panique dès que je ne suis plus dans son champ de vision. » Les bébés étaient de vraies éponges, parait-il, capables de détecter la moindre angoisse, le moindre symptôme de peur chez les personnes qui l'entouraient … Rien d'étonnant donc, au fait que celui de Joanne se sente si perturbé, actuellement. Questionné ensuite par la blonde concernant son retour soudain, et bien avant la date prévue, Hassan avait tenté de se justifier sans vouloir trop en dire malgré tout, non pas par manque de confiance mais parce qu'il se sentait mal à l'aise d'accabler ainsi les autorités - et donc le gouvernement - de ce pays auquel il continuait de se sentir attaché malgré sa mauvaise réputation. « L'essentiel, c'est que ... c'est que tu ailles bien, et que tu sois rentré sain et sauf. » Sans doute, oui. Et il y avait définitivement des choses survenues durant ces dix derniers jours qu'il garderait pour lui, et que personne à Brisbane n'avait besoin de savoir, surtout pas ceux qui avaient tellement tenté de le dissuader de partir.
Par fatigue autant que pour inviter Joanne à en faire de même, Hassan avait fini par prendre place sur un côté du canapé, lequel avait été délesté de l'oreiller et de la couette qui y squattaient avant son départ pour l'Iran, faute d'avoir eu le courage de fouiller les cartons pour sortir une paire de draps et faire le lit dans sa chambre. Soucieux, mais ne sachant pas vraiment comment lancer le sujet, Hassan avait questionné la blonde sur sa situation actuelle, outre ses derniers déboires médicaux. Il se demandait si la présence de ses parents à Brisbane signifiait qu'elle leur avait parlé. « Non, ils ne savent rien. Je suppose qu'ils doivent se douter que nous ne soyons pas au beau fixe, mais je ne veux pas leur en parler. Ils n'ont pas besoin de savoir ça. » Il avait acquiescé, non pas qu'il soit spécialement d'accord avec ce raisonnement, mais au fond c'était à Joanne de décider de ce qu'elle souhaitait faire, il n'avait pas d'avis à imposer là-dessus. « Je crois que rien n'a vraiment changé. J'étais même surprise qu'il soit venu me voir dès qu'il a appris que j'étais réveillée. Il a dit des mots gentils, qu'il pensait vraiment, mais... Ce n'est plus pareil. » Elle avait détourné le regard, comme pour tenter de cacher les larmes qui tentaient de s'en échapper, lui incapable de savoir si c'était ses larmes ou bien la preuve qu'elle continue de s'attacher à celui qui la faisait souffrir. Est-ce que des mots, même sincères, excusaient des gestes de trop ? « Tu te remets à peine de la tempête. Laisse-toi du temps. » s'était-il donc contenté de murmurer, d'un ton qui se voulait rassurant. Ses propres mots lui rappelant le message alarmiste laissé par la mère de la jeune femme sur son répondeur, déroutant tant par son contenu que par la personne à l'autre bout du fil. « Je leur avais dit que je t'avais revu quelques fois, sans en dire plus, je suppose que c'était ce qui l'a convaincu à t'appeler. Je ne sais pas vraiment ce qu'elle a pu en déduire. Je ne voulais pas que tu t'inquiètes davantage tout en étant de l'autre côté du monde. » Il avait secoué la tête, et attrapé sa main pour l'empêcher de continuer à se tordre nerveusement les doigts « C'est pas une question d'être à l'autre bout du monde ou pas ... Jo' c'est normal que je m'inquiète pour toi. Sinon je ne t'aurais pas dit de m'appeler si tu avais besoin de parler, ni de venir te reposer un peu ici si tu avais besoin de souffler ... » Il ne demandait qu'à l'aider, lui, peut-être un peu pour soulager sa conscience, mais principalement parce qu'en dépit des presque trois années qui avaient suivi Joanne restait la femme dont il était tombé amoureux, celle qu'il avait promis de protéger jusqu'à ce que la mort les sépare.
Il se sentait pourtant un peu impuissant face à la détresse de la blonde. Il n'avait pas forcément les armes ou la légitimité nécessaire pour être vraiment écouté par elle ... Il avait causé des dégâts sans doute irréversibles, lui aussi, Jamie ne s'était pas gêné pour le lui faire remarquer. Et pourtant, même si Joanne ne le voyait sans doute pas autant qu'Hassan le voudrait, il avait véritablement envie de l'aider, d'être une main tendue pour elle ... Il ne savait simplement pas comment. Si bien que lorsqu'elle avait murmuré « Je ne sais pas vraiment quoi faire. » il n'avait pu que resserrer un peu ses doigts autour de ceux de la jeune femme et répondu avec un calme contrôlé « Je ne peux pas savoir à ta place ... il n'y a que toi qui peut savoir. » Elle n'en ferait de toute manière qu'à sa tête, il la connaissait assez pour connaître ce côté tête de mule qu'elle pouvait avoir parfois. Parfois un peu trop. « Mais commence par te reposer et finir de te soigner ... le reste peut attendre. » Elle-même parlait de ce nouvel ajout à la liste de ses antécédents, inutile donc de s'en créer de nouveaux par simple impatience. « Je suis désolé. » Baissant un peu la tête, l'air défait, il avait ravalé sa salive et repris « De ne pas avoir été là. Encore. » Une partie de lui savait qu'il n'aurait rien pu faire, malgré tout, qu'il ait été ici ou à l'autre bout du monde n'aurait pas empêché la tempête, ni ce qui lui était arrivé ... pourtant il se sentait coupable. Vis-à-vis de Joanne mais pas seulement, vis-à-vis du reste également. Il avait fallu que ce genre d'événement survienne alors que pour la première fois Hassan décidait de prendre une décision teintée d'un semblant d'égoïsme en s'éloignant, un temps. Il avait fallu qu'il entraîne Yasmine dans son idée, qu'il l'éloigne elle aussi de Brisbane ... peut-être qu'elle lui en voudrait, aussi. « Alors ne m'interdis pas de m'inquiéter ... s'il te plait. » C'était presque la seule chose qu'il pouvait faire, maintenant qu'il était là et tentait de rattraper ses deux trains de retard.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Au fond, Joanne était rassurant qu'Hassan était resté Hassan. Par moment, il n'était que l'ombre de lui-même, un fantôme qui ne savait pas par où aller afin d'avancer et voir un peu de lumière. Mais il se souciait énormément des personnes qui lui étaient chères, et de tout ce qui pouvait s'y associer. Joanne, son fils. Apparemment, la distance n'atténuait en rien cette appréhension qu'il avait pour elle. Il avait toujours été comme ça, depuis qu'ils s'étaient connus à la faculté. "Ca fait des semaines que ça stagne, Hassan, que rien ne change. Si je dois à chaque fois attendre de me remettre de telle ou telle chose, j'ai même l'impression de marcher à reculons. Je n'en peux plus, de rester indécise sur ce qui pourrait se passer demain, à me demander si je suis encore en couple ou non, s'il m'aime ou non, si..." Elle soupira, lassée de sa propre situation. "Si j'ai un quelconque avenir ou pas." Hassan devait parfaitement savoir de quoi elle parlait, il traversait certainement cette phase depuis qu'on lui avait annoncé sa maladie. Et il ne s'en était apparemment pas remis. Et au lieu de penser à lui, il préférait se concentrer sur elle. Le brun prit délicatement l'une de ses mains entre les siennes. Son toucher était délicat, il l'avait toujours été. Joanne s'en souvenait parfaitement bien. A vrai dire, elle acceptait toute tendresse qu'on voulait bien lui en donner, et Hassan ne semblait pas vouloir râter une seule occasion. "Et j'ai largement abusé de ton hospitalité lorsque tu n'étais pas là." lui confessa-t-elle avec un air gêné. On s'y sentait facilement chez soi, ici. Et dire qu'ils auraient pu y vivre tous les deux, peut-être même y fonder une famille. "Toutes les après-midi où Daniel était à la crèche, à vrai dire." Joanne n'arrivait plus à rester dans cette maison qui n'était plus vraiment la sienne, toute seule qui plus est. Tout allait bien quand elle s'occupait de Daniel, mais dès que la solitude pointait le bout de son nez, elle était prise d'angoisse. "Mais je n'ai vraiment pas osé t'appeler." Elle haussa timidement les épaules. "Je me serais certainement répétée sans cesse." Joanne savait très bien que ça ne l'aurait jamais ennuyé, qu'elle se répète. "Tu m'as aidée bien plus que tu ne puisses le penser." lui assura-t-elle, reconnaissante. S'inquiéter pour elle, cela faisait partie de sa personnalité. Il aurait certainement préféré être de bon conseil face à son ex-femme, qui était incapable de prendre un décision, parce qu'elle ne voyait aucune issue. Le brun lui conseilla encore une fois de prendre son temps, qu'elle permette à son corps de pleinement guérir avant d'essayer d'avancer en faisant des choix. Il serra un peu plus sa main dans la sienne. "Tu n'as pas à te sentir désolé Hassan." lui répondit-elle doucement en redressant son visage de sa main libre. "Tu étais là, à ta manière. Dieu sait ce que j'aurais fait de ces après-midis là si je n'avais pas pu me réfugier ici." Rien que pour ça, elle lui était très reconnaissante. Impossible de l'empêcher de s'inquiéter pour elle, elle le savait bien. "N'en fais pas une attaque non plus." lui dit-elle avec un sourire tendre. Joanne embrassa sa joue une nouvelle fois, avant de poser sa tête sur son épaule. Elle avait essayé d'oublier leur baiser, de faire comme si de rien n'était, mais c'était particulièrement difficile. Parfois, Joanne se surprenait à penser que ses baisers, la totalité de son affection lui manquait terriblement. Les sentiments qu'elle avait pour lui étaient devenus indescriptibles. Et à côté de ça, elle aimait toujours éperdument Jamie. C'était inexplicable. A son tour, elle prit l'une de ses deux mains entre les siennes, pour effleurer sa peau. Un sentiment étrange la traversa lorsqu'elle remarqua qu'il n'y avait aucune alliance, aucune bague. Elle avait toujours été habituée à y voir le bijou échangé lors des voeux. Depuis, elle n'avait jamais véritablement fait attention à ses mains, pas au point d'avoir une telle réflexion. "Tu te rappelles lorsque nous étions aller pour la première fois à cette soirée étudiante ensemble ? Où j'avais eu l'intelligence de t'apporter un verre de punch très mal dosé alors que tu ne bois pas d'alcool." Elle rit, gêné. "Ma première grosse gaffe, j'avais tellement honte." Joanne déposa son menton sur son épaule, afin de pouvoir le regarder, même si c'était très près. "Heureusement que tu ne t'étais pas arrêté à ça. Ca nous avait bien plutôt réussi." Joanne ne disait pas tout cela par nostalgie. Il y en avait un peu, mais elle se rappelait, tout simplement. "Et que la seule chose qui parvenait à nous décoller l'un de l'autre, c'était les cours, ou les obligations familiales." Quelque part, ça lui manquait. L'affection d'Hassan lui manquait. Celle de Jamie aussi. "Tu m'as manquée, Hassan." lui dit-elle après un petit moment de silence. "Même si tu étais parti moins longtemps que prévu, tu m'as énormément manquée."
Bien que sa santé - et probablement sa survie - aient été récemment menacées par les conséquences de la tempête qui avait frappé Brisbane, Hassan se désolait de voir que Joanne ne continuait à se soucier que de Jamie, au lieu de se soucier d'elle-même ... Comment pouvait-on s'oublier à ce point, comment s'était débrouillé Jamie pour obtenir tant d'abnégation de sa part ? Difficilement il avait tenté de faire valoir qu'elle pouvait remettre ses tracas conjugaux à plus tard, et faire passer sa propre santé avant le spectre des sentiments qu'elle éprouvait pour Jamie en dépit des gestes qu'il avait pu avoir à son égard. « Ça fait des semaines que ça stagne, Hassan, que rien ne change. Si je dois à chaque fois attendre de me remettre de telle ou telle chose, j'ai même l'impression de marcher à reculons. Je n'en peux plus, de rester indécise sur ce qui pourrait se passer demain, à me demander si je suis encore en couple ou non, s'il m'aime ou non, si ... si j'ai un quelconque avenir. » Il avait tiqué sur la fin de sa phrase, sans surprise, et sans doute sans qu'elle puisse se douter du degré de compréhension qu'il pouvait avoir à ce sujet ... c'était une pente glissante, dangereuse. Et soudainement Hassan avait l'impression de comprendre un peu mieux le dépit et l'incompréhension de son frère et des Khadji qui peinaient à comprendre comment il en était arrivé à un tel point de non-retour. « Bien sûr que tu as de l'avenir, Joanne ... Ton avenir ne dépend pas exclusivement d'avec qui tu es. » Il savait pourtant, il savait comme c'était difficile d'apprendre à vivre seul quand on n'y avait jamais été habitué. Difficile mais sans doute pas impossible, ni pour elle ni pour lui. « Et puis tu as ton fils. » Avoir l'opportunité de le voir grandir, n'était-ce pas déjà croire un minimum en l'avenir ?
Joanne semblait en tout cas soucieuse à l'idée qu'Hassan ait pu s'inquiéter plus que de raison à son sujet, pourtant de la même manière qu'il avait fait le choix quelques mois plus tôt pour tenter de se protéger de se détacher d'elle et de sa volonté d'apaiser leurs relations, il ne s'était senti obligé de rien en lui tendant une main, en lui proposant son aide. Hassan ne se sentait plus obligé de rien, désormais, il agissait par volonté uniquement. « Et j'ai largement abusé de ton hospitalité lorsque tu n'étais pas là. Toutes les après-midi où Daniel était à la crèche, à vrai dire. Mais je n'ai vraiment pas osé t'appeler, je me serais certainement répétée sans cesse. Tu m'as aidée bien plus que tu ne puisses le penser. » Et c'était pourtant bien elle, qui quelques semaines plus tôt lui assénait avec amertume que peu importe ces efforts pour essayer de compenser il ne serait pas là, et donc d'aucune aide. Avait-elle changé son fusil d'épaule, trouvé un réel réconfort dans le fait de pouvoir se réfugier ailleurs que chez elle quelques heures par semaine, ou bien essayait-elle simplement de noyer le poisson ? « Tu n'as pas à te sentir désolé Hassan. Tu étais là, à ta manière. Dieu sait ce que j'aurais fait de ces après-midis là si je n'avais pas pu me réfugier ici. » Le regard toujours un peu fuyant, il l'avait malgré tout laissée relever son visage dans sa direction « N'en fais pas une attaque non plus. » Il avait esquissé un sourire, saisissant la tentative de plaisanterie mais incapable de s'en montrer aussi réceptif qu'il ne l'aurait du, ou qu'elle l'aurait espéré. « J'ai l'impression de ne plus savoir faire que ça ... » avait-il finalement soufflé, une pointe de désespoir dans la voix « M'inquiéter. A propos de tout, tout le temps. » Et il trouvait déjà cela usant, alors il n'osait pas imaginer pour les autres. Yasmine et Qasim semblaient s'être persuadées qu'au contraire Hassan se foutait de tout, que c'était ce qui l'avait amené à de telles extrémités, mais ils n'y étaient pas ... c'était l'anxiété, le nerf de la guerre. Hassan avait toujours été quelqu'un d'inquiet lorsqu'il était question de ses proches, quelqu'un de protecteur ... Mais jamais anxieux. Du moins avant, car désormais c'était un peu l'histoire de sa vie, et une chose parmi toutes celles que les cachetons qu'il avalait chaque jour était censée estomper.
Étirant un vague sourire quand la blonde avait embrassé sa joue, Hassan s'était enfoncé dans le canapé pour s'adosser au dossier, et avait laissé sans broncher la jeune femme poser sa tête contre son épaule, à la fois pensif et un peu éteint par la fatigue. Lorsqu'à son tour elle avait saisi une de ses mains, retrouvant visiblement un peu de l'habitude qu'ils avaient à se montrer tactile l'un avec l'autre, une habitude forcément perdue de par les événements et les conventions, il ne l'en avait là encore pas empêchée, et s'était contenté de laisser sa propre tête reposer contre celle de Joanne, laissant simplement échapper un soupir discret plein du soulagement à l'ascenseur et émotionnel qu'avaient provoqué coup sur coup son répondeur téléphonique et la présence sa présence sur le pas de la porte. « Tu te rappelles lorsque nous étions aller pour la première fois à cette soirée étudiante ensemble ? Où j'avais eu l'intelligence de t'apporter un verre de punch très mal dosé alors que tu ne bois pas d'alcool. » Il s'en souvenait, oui, et la scène ainsi ravivée dans son esprit lui avait arraché un sourire pensif « Ma première grosse gaffe, j'avais tellement honte. » Ses doigts jouant machinalement avec ceux de Joanne, il avait baissé les yeux vers elle lorsqu'elle avait posé son menton contre son épaule « Tu étais rouge jusqu'aux oreilles, j'avais trouvé ça plutôt adorable. » D'autant plus compte tenu des - gentilles - moqueries que lui valait ce détail le reste du temps, en cette période de beuveries étudiantes régulières « Après quoi je t'ai proposé de te laisser mon verre, en promettant de te ramener à bon port si l'alcool te faisait perdre ton sens de l'orientation. » Proposition faite avec un brin de taquinerie, d'autant plus que la jeune femme s'était contentée de son propre verre. Non sans se laisser raccompagner jusqu'à la résidence étudiante malgré tout ; Elle s'en souvenait sans aucun doute, c'était aussi ce soir-là qu'ils avaient échangé un timide premier baiser, Hassan se souvenant lui avoir ensuite souhaité bonne nuit avant de regagner l'appartement qu'il partageait avec son frère et Deepika en dehors du campus, des papillons dans l'estomac tandis qu'il rejoignait le métro. « Heureusement que tu ne t'étais pas arrêté à ça. Ça nous avait bien plutôt réussi. Et que la seule chose qui parvenait à nous décoller l'un de l'autre, c'était les cours, ou les obligations familiales. » Leurs débuts avaient été assez fusionnels, comme c'était probablement souvent le cas à cet âge où ils n'étaient plus des enfants mais où, avec le recul, Hassan pouvait maintenant dire qu'ils n'étaient pas encore totalement des adultes non plus. « Tu étais heureuse ? Si on oublie ... la fin. Tu as été heureuse pendant ces neuf ans ? » Lui l'avait été, mais Joanne lui avait également assuré sans le moindre doute apparent être heureuse avec Jamie lorsqu’ils s'étaient revus les premières fois, avec les réserves que l'on connaissait désormais sur cette vérité. Alors Hassan se questionnait ... et l'un et l'autre avaient désormais le recul suffisant pour qu'il la pense à même de répondre à sa question avec sincérité, peu importe que la réponse soit plaisante ou non à entendre.
La dizaine de messages abandonnés sur son répondeur, qu'ils soient ou non en rapport avec la tempête, nécessitaient qu'ils s'en occupe bientôt mais pris dans cette espèce de léthargie dans laquelle le plongeait la présence de Joanne il n'avait pas bougé, retrouvant le silence et s'accordant probablement contre raison un peu de répit, comme s'il craignait que pour contrebalancer le fait que Joanne se porte mieux une autre nouvelle, moins optimiste ne lui parvienne s'il sortait d'ici ou tentait de joindre qui que ce soit d'autre. Alors il faisait l'autruche, malgré lui, et se planquait dans cette maison comme une autruche qui mettait la tête dans le sable. « Tu m'as manqué, Hassan. » avait finalement repris son ex-femme, rompant à nouveau un silence qui pour autant était plus apaisant qu'oppressant. « Même si tu étais parti moins longtemps que prévu, tu m'as énormément manqué. » Baissant à nouveau les yeux vers leurs doigts qui s'amusaient à se faire et se défaire, la bague de fiançailles de Joanne brillant toujours à son annuaire gauche et en disant sans doute bien plus long que les non-réponses qu'elle lui avait accordé un peu plus tôt. « Tu m'as manquée aussi. » Relevant la tête, il avait déposé un baiser furtif sur sa tempe et cessé enfin de triturer leurs mains, se contentant de garder celle de Joanne dans la sienne avant d'ajouter « Et je ne parle pas uniquement de mon séjour en Iran. » Elle l'avait dit elle-même, tout n'était pas qu'histoire de paperasse et de liens juridiques, cela ne représentait qu'à peine la partie émergée de l'iceberg. En demandant le divorce il n'avait pas simplement renoncé à son statut d'époux, il avait perdu une personne chère à son cœur, une personne de confiance, une confidente ... une amie, autant qu'une amante.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Hassan faisait partie des mieux placés pour savoir que son ex-femme était quelqu'un qui était incapable de vivre seul. Sans quoi, elle coulerait. Elle était indépendante pour toutes les tâches de la vie quotidienne, mais elle avait besoin d'affection tout comme elle avait besoin d'en donner. Son enfant était là, bien sûr, mais Joanne ne pouvait pas faire tout reposer sur les épaules d'un nourrisson de presque neuf mois. Le brun rebondissait sur l'avenir qu'elle ne se voyait pas. Il devait la comprendre de ce côté-là. Il n'aurait jamais vivre au-delà de quelques mois après le divorce et le voilà en rémission. Lui aussi avait encore à se reconstruire, ce devait être étrange pour lui d'avoir une sorte de reflet de ce qu'il était dans les yeux de Joanne. Ce n'était certainement qu'un élément supplémentaire pour lui de se faire du soucis pour elle. La jeune femme tenait à lui dit qu'il s'était bien trop inquiétée pour elle. Elle était largement reconnaissante de ce qu'il avait pu faire pour elle. Même si ce n'était que transmettre la clé de la maison à Saul pour qu'elle vienne la réclamer dès qu'elle en ressentirait le besoin. "Tu t'es toujours un peu inquiété de tout. Je suppose qu'avec tout ce qu'il s'est passé dernièrement, ça s'est... décuplé." Et avoir appris dernièrement que son ex-femme avait été dans le coma pendant plusieurs jours n'avait pas du arranger les choses. "Ca finira peut-être par s'atténuer."[/color] lui dit-elle avec un ton optimiste. "Si je peux faire quoi que ce soit par rapport à ça, il n'y a qu'à demander. Je suis là." ajouta-t-elle ensuite plus bas. Elle ne savait pas ce qu'elle pourrait faire pour l'aider, mais au moins, elle se proposait. Hassan s'installait un peu plus confortablement sur le canapé, laissant supposer que le voyage et les dernières nouvelles l'avaient bien éreinté. Il appuya même sa propre tête sur celle de Joanne. S'en suivit quelques instants de silence, il n'y avait que leurs mains qui bougeaient, se cherchaient, se caressaient. Il ne l'en empêchait même pas, il s'y mettait même lorsqu'elle avait repris la parole. "Ce n'était pas adorable." lui rétorqua-t-elle, un brin amusé. "J'étais ridicule. La tentative de drague de la petite première année. C'était un échec." dit-elle avec un petit rire. "J'aurais presque pensé que tu voulais me rendre ivre. Je ne tenais absolument pas l'alcool à cette période là, en plus." Mais non, juste un verre, et il n'y avait pas besoin de plus pour qu'il veuille la raccompagner jusqu'à sa résidence. Hassan lui posa ensuite une question à laquelle elle ne s'attendait pas. Elle se demandait pourquoi il en était venu à ça, il devrait le savoir. "J'ai adoré la première seconde où je t'ai vu pour la première, et toutes les autres qui ont suivi pendant tout ce temps, Hassan." lui dit-elle en se plongeant dans son regard. "Tu es mon premier amour." Les mêmes mots que Jamie avait dit à Joanne lorsqu'elle venait à peine de se réveiller de son coma. Cela sonnait comme une sorte de pré-annonce de rupture, lorsqu'elle y pensait. "Je t'ai aimé chaque jour, et j'étais heureuse et comblée parce que tu l'étais. C'était tout ce que je voulais pour toi." La jeune femme libéra l'une de ses mains pour lui caresser le visage. "Alors oui, j'étais heureuse, tu me rendais heureuse." Elle l'embrassa une nouvelle fois sur la joue. Elle avait continué de l'aimer même après le divorce, jusqu'à ce que ce grand vide devienne une totalement incompréhension. "Et j'aurai toujours de l'affection pour toi." Joanne baissait les yeux. Difficile à admettre, alors que c'était une évidence. Jamie en était toujours persuadé, et il avait raison. Elle s'était certainement elle-même voilée la face de cette vérité qui était encore pendant longtemps bien douloureuse, avec ce simple souvenir de séparation. Hassan avait manqué à Joanne. Et c'était apparemment réciproque. Elle redressa la tête lorsqu'il donnait un détail supplémentaire afin de pouvoir le regarder dans les yeux. "Hassan..." Elle l'embrassa sur la joue et l'enlaça en passant ses bras par-dessus ses épaules pendant de longues minutes. "On avait juste signé un papier." dit-elle en se détachant de lui, en restant tout de même bien proche. "Il n'y avait pas de violentes disputes, ou de véritables accords qui disaient qu'il était temps à ce qu'on mette un terme à notre mariage. On n'a jamais vraiment rompu. Et que même lorsque nous avions signé la paperasse, j'ai continué à t'aimer, et c'est devenu particulièrement destructeur en très peu de temps." dit-elle, la gorge serrée. "Je suppose que c'est à cause de ça que nous nous sommes tant manqués, mais aussi que nous ne savions comment pas réagir lorsque nous nous sommes revus pour la première fois." Joanne passait doucement ses doigts dans ses cheveux pendant quelques secondes. "Le divorce, c'était sensé être ton dernier geste d'amour, je le sais." Avec le recul, elle avait fini par le comprendre. Cela lui avait pris beaucoup de temps pour le comprendre. Elle mourrait d'envie de lui demander ce qu'ils étaient sensés être, tous les deux, s'il y avait vraiment un mot pour les définir. Sur le moment, son affection et sa tendresse lui manquaient. En parlant de vagues souvenirs, en s'avouant des choses qui n'osaient pas être vraiment pensées jusque là. Elle préférait alors l'enlacer à nouveau. Joanne reconnaissait aimer sentir ses bras autour d'elle, appréciait pouvoir se blottir contre lui l'espace d'un instant. Ce n'était peut-être pas bien, comme pour le baiser, mais elle n'avait pas les mots pour traduire tout ce qu'elle pouvait penser sur le moment.
Hassan était peut-être le premier à s'en agacer, de cette tendance qu'il avait à s'inquiéter pour un rien et qui devenait envahissante même pour lui. « Tu t'es toujours un peu inquiété de tout. Je suppose qu'avec tout ce qu'il s'est passé dernièrement, ça s'est ... décuplé. Ça finira peut-être par s'atténuer. » Ou par empirer. Hassan avait fait l'effort de boire les paroles de son nouveau psy, dans un premier temps, de croire à ses promesses de bonimenteur sur les effets secondaires dont l'anxiété était supposée faire partie, mais il commençait à se dire que sous ses paroles rassurantes il ne valait en fait pas mieux que la précédente. Peut-être bien que c'était tous les mêmes, au fond. « Si je peux faire quoi que ce soit par rapport à ça, il n'y a qu'à demander. Je suis là. » Il avait relevé la tête, interrompu dans le fil de ses pensées, et l'avait secoué de manière vaguement positive, bien qu'en réalité il doutait qu'elle soit d'une quelconque aide. Et quand bien même elle l'aurait été il ne pouvait pas lui demander cela, d'être là pour lui alors qu'il ne l'avait pas toujours été pour elle. Jamais par désintérêt, mais le pourquoi n'avait pas vraiment d'importance quand les faits, eux, étaient là. Parfois il se demandait à quoi bon, pourquoi et comment ils en étaient arrivés là alors que plusieurs années en arrière jamais il n'aurait imaginé possible la situation dans laquelle il se retrouvaient tous les deux désormais. Les dégâts que pouvaient faire - presque - trois années d'éloignement. Momentanément vidé, en proie à l'ascenseur de ses émotions et de son énergie, il s'était laissé glisser au fond du canapé et n'avait pas bronché lorsque Joanne était venue s'appuyer contre lui, laissant leurs mains jouer l'une avec l'autre tel un vieux réflexe auquel on ne réfléchissait même plus.
Était-ce une preuve qu'il prenait peu à peu du recul vis-à-vis de Joanne, toujours est-il que là où évoquer les débuts de leur rencontre l'aurait rendu seulement triste encore quelques mois plus tôt, la conversation lui arrachait un vague sourire nostalgique désormais. « Ce n'était pas adorable. J'étais ridicule. La tentative de drague de la petite première année. C'était un échec. » Plissant le nez d'un air amusé, il avait penché la tête et lancé une nouvelle oeillade vers elle « La suite a largement prouvé que c'était tout sauf un échec. » Peut-être - sans doute - était-ce même l'imperfection de la proposition qui avait fini d'attendrir Hassan, en fin de compte. « J'aurais presque pensé que tu voulais me rendre ivre. Je ne tenais absolument pas l'alcool à cette période là, en plus. » C'est vrai, mais on ne pourrait pas dire que ce fait avait changé sous l'influence d'Hassan non plus, d'ailleurs. « Sophia m'aurait assurément empêché de nuire, si ça avait été le cas. Je crois qu'elle ne m'aimait pas trop, au début. » En fait il en était même certain, la concernée le lui avait elle-même confirmé quelques temps plus tard, après avoir pris le temps de changer d'avis à son sujet. Laissant échapper un soupir, Hassan avait senti un léger frisson parcourir sa colonne vertébrale, lassée de la tendance qu'avait désormais son esprit à glisser immanquablement des bons souvenirs aux mauvais. Ceux du divorce, de ces derniers mois, ceux qui parce qu'ils étaient plus vivaces parvenaient à tenir tout le reste. « J'ai adoré la première seconde où je t'ai vu pour la première, et toutes les autres qui ont suivi pendant tout ce temps, Hassan. Je t'ai aimé chaque jour, et j'étais heureuse et comblée parce que tu l'étais. C'était tout ce que je voulais pour toi. Alors oui, j'étais heureuse, tu me rendais heureuse. » C'était difficile à expliquer, même pour lui, cette tendance à remettre en cause des choses qui auparavant lui auraient paru couler de source ... Mais en trois ans tout était tellement parti en fumée qu'il n'avait plus de certitudes sur rien. Même sa légitimité en tant qu'époux était sujette à questionnement, et si Hassan croyait à la sincérité des paroles de Joanne elles ne guérissaient pourtant pas tout. Mais elles atténuaient. « Et j'aurai toujours de l'affection pour toi. » Sa propre main avait glissé contre celle que Joanne avait posé sur sa joue. Comme s'il espérait faire taire la petite voix qui dans un coin de sa tête murmurait qu'une partie d'elle ne cesserait aussi jamais de lui en vouloir.
L'aveu d'Hassan lui avait échappé un peu involontairement, et avec la crainte un fois sorti de sa bouche qu'il ne soit mal interprété par Joanne ou qu'elle se fasse de fausses idées sur ses intentions ou sur ce qu'il souhaitait dire. Il ne voulait pas avoir l'air d'être ce genre de gars pathétique et qui s'accrochait à quelque chose qui n'existait plus, et ce même si une petite partie de lui en était un peu coupable ... C'était simplement compliqué. Apprendre à vivre sans quelqu'un dont la présence avait eu près d'une décennie pour devenir indispensable. On ne colmatait pas le manque de quelqu'un comme on rebouchait un trou dans un mur. « Hassan ... » Il avait attendu, que vienne la suite de la phrase après le baiser qu'elle avait déposé sur sa joue, et finalement passé un bras autour des épaules de Joanne en guise de réponse silencieuse aux bras qu'elle avait croisé autour de son cou. « On avait juste signé un papier. » Se reculant légèrement pour pouvoir la regarder, il l'avait laissée continuer. « Il n'y avait pas de violentes disputes, ou de véritables accords qui disaient qu'il était temps à ce qu'on mette un terme à notre mariage. On n'a jamais vraiment rompu. Et que même lorsque nous avions signé la paperasse, j'ai continué à t'aimer, et c'est devenu particulièrement destructeur en très peu de temps. » Mais est-ce que cela ne l'aurait pas été d'autant plus d'être toujours là, et de le voir devenir un peu plus malade, un peu plus éteint, un peu plus fantomatique au fil des semaines ? Lui savait que si. « Je suppose que c'est à cause de ça que nous nous sommes tant manqués, mais aussi que nous ne savions comment pas réagir lorsque nous nous sommes revus pour la première fois. » Ça, et le fait qu'elle avait fait ce qu'il fallait pour avancer, pour aller mieux ... Tout ce que lui n'avait pas fait, au fond. « Quand je t'ai revue, la première fois, ça m'a renvoyé en pleine figure tout ce que j'avais perdu, pour rien. » Du moins c'était ce qu'il avait pensé à l'époque, que tout cela était arrivé pour rien. Et puis il y avait eu cette discussion un peu plus tard, celle où elle lui avait avoué avoir perdu leur enfant, aussi. Ça aussi Hassan l'englobait dans tout ce qu'il avait perdu, même s'il ne parvenait pas encore à l'exprimer. Il n'en avait parlé à personne, depuis, pas même à son frère. À personne. « Le divorce, c'était censé être ton dernier geste d'amour, je le sais. » À nouveau il avait senti la chair de poule picoter le long de ses bras, parce que c'était ce qu'il avait désespérément tenté de lui faire comprendre sans être certain qu'il y parviendrait un jour, et presque résigné à l'idée qu'elle continuerait de considérer cela comme une mauvaise décision et lui comme la seule qui puisse être prise. « J'ai jamais voulu que ça se termine comme ça ... et je m'en veux, que tu aies pu penser que c'était à cause de toi, que c'était ta faute. » Ça avait été son erreur, sans doute, oublier qu'elle l'aimait suffisamment pour conclure que ce n'était que de sa faute à lui, sans se poser de questions. « Mais je ... maintenant que je sais ce qui m'attendais, je sais que j'aurais pas voulu que tu assistes à ça. » Et donc il ne regrettait pas sa décision, aussi lourde de conséquences s'était-elle révélée être pour Joanne et pour lui.
Ni l'un ni l'autre n'avaient plus rien dit, et Hassan s'était laissé faire lorsque la blonde avait à nouveau resserré ses bras autour de son cou. Elle avait une présence rassurante, elle avait toujours eu une présence rassurante, et après les deux semaines qu'il venait de passer il ne se sentait plus ni la force ni la volonté suffisante pour y renoncer uniquement au prétexte de ce qui était raisonnable ou non. Il ne savait plus vraiment s'il essayait de la rassurer elle ou de se rassurer lui, mais ses bras s'étaient resserrés autour d'elle à leur tour et sa tête s'était calée contre son épaule. Ils étaient restés ainsi et silencieux pendant un moment, difficile de dire combien de temps, avant qu'Hassan ne murmure à l'oreille de Joanne avec douceur « On va t'appeler un taxi, tes parents vont s'inquiéter de ne pas te voir revenir. » Il avait bien pensé à lui proposer d'appeler directement ses parents, d'ailleurs, mais il n'était pas certain de se sentir prêt à faire face à l'un ou l'autre, se pensant probablement toujours persona non grata auprès des autres Prescott. Pas qu'il le leur reproche, cela dit. « Merci encore, pour la maison. » Tout seul il aurait probablement mis des semaines à se motiver pour terminer de vider son garage, mais maintenant il avait l'impression d'être un peu chez lui, et un peu c'était déjà beaucoup quand on savait que cela ne lui était pas arrivé une seule fois depuis qu'il avait quitté la maison qu'il partageait avec Joanne. Ils avaient attendu le taxi sur le porche devant la maison, et Hassan l'avait accompagnée jusqu'à la voiture lorsqu'elle avait été là, déposant un dernier baiser sur sa joue « Dis à ta mère que je suis désolé de ne pas avoir pu la rappeler à temps. Et repose-toi, surtout. » Un conseil qu'il aurait volontiers appliqué à lui-même tant les quelques heures de sommeil grappillées chez Yasmine n'avaient pas suffit à rattraper toute la fatigue accumulée ces derniers jours. Mais il n'avait pas le temps, et bien trop à régler, dans l'immédiat.