I tried carrying the weight of the world but I only have two hands, hope I get the chance to travel the world but I don't have any plans. Wish that I could stay forever this young, not afraid to close my eyes, life's a game made for everyone and love is the prize. So wake me up when it's all over, when I'm wiser and I'm older, all this time I was finding myself and I didn't know I was lost. ☆☆☆
Hassan avait tenu parole. Ou tout du moins il avait fait en sorte de la tenir au maximum, un peu perdu entre ses propres obligations et le décalage horaire mais tentant néanmoins d'envoyer chaque jour un message s'il n'avait pas le temps de téléphoner, ou s'il craignait trop de déranger. C'était particulièrement le cas depuis qu'il savait la jeune femme partie de son propre côté en Algérie, et sans doute également occupée entre les retrouvailles avec sa famille et le poste de bénévole qu'elle avait trouvé. Et c'est donc avec une certaine appréhension qu'il avait posé le pied en dehors de l'avion le dernier jour d'octobre, entre l'impatience de la revoir, la curiosité vis-à-vis de cette région du monde dont il avait entendu parler tellement de fois via les Khadji mais dans laquelle il n'avait jamais mis les pieds, et la peur d'être inutilement dans les pattes de Yasmine et de lui faire perdre son temps quand bien même ces quelques jours étaient prévus depuis un moment, désormais. Son avion était arrivé tard, d'autant plus tard qu'Hassan subissait à nouveau le décalage horaire et que l'infirmière travaillait le lendemain matin, aussi après avoir mangé un bout et profité de leurs retrouvailles ils avaient convenu d'un lieu de rendez-vous pour le lendemain midi et Hassan avait regagné la chambre d'hôtel réservée quelques jours plus tôt sur internet. « A moins d'un quart d'heure du port » disait l'annonce, et c'est donc là que le brun avait décidé d'aller faire un tour après une douche lorsque ce même décalage horaire l'avait tiré du sommeil à l'aube le lendemain matin.
L'air maritime ici n'avait rien à voir avec celui de Brisbane, et après presque un mois coincé entre les montagnes de l'Elbourz Hassan avait l'impression de pouvoir l'apprécier deux fois plus. Il était trop tôt pour les touristes, trop tôt pour les commerces, tout au plus était-il la bonne heure pour croiser ceux qui revenaient de la pêche et déchargeaient leur butin sur le port. Il aurait même été l'heure idéale pour passer un coup de téléphone à son frère, la soirée commençait à peine sur la côté est-australienne, mais à mi-chemin le brun s'était rendu compte qu'il avait oublié son téléphone à la chambre et il n'avait pas eu le courage de faire demi-tour. S'il avait bel et bien compris il aurait tout aussi vite fait de s'en passer durant la matinée, de rejoindre Yasmine à l'heure convenue et d'éventuellement faire un bref détour avec elle pour le récupérer avant de la laisser jouer les guides touristiques ; Il pouvait aisément se passer de son téléphone durant une journée, en fin de compte. Flânant un moment il avait pris un thé au premier café ouvert et profité du soleil un moment, retroussant même les manches de son blouson en découvrant qu'ici aussi les températures étaient encore clémentes à mesure que la journée avançait. Surveillant sa montre il avait pris un peu d'avance, à la fois pour parer à l'éventualité de ne pas trouver son chemin du premier coup et pour ne pas faire attendre Yasmine inutilement sans être joignable, et il avait bien fait puisqu'en avance elle l'était également, le cherchant des yeux à sa gauche tandis qu'il arrivait à sa droite. A une époque il aurait peut-être poussé la chose jusqu'à arriver derrière elle et lui faire peur, comptant sur un sourire ou un baiser déposé sur sa joue pour se faire pardonner, mais depuis l'agression de Yasmine quelques mois plus tôt c'était quelque chose qu'Hassan préférait ne plus tenter.
Au lieu de cela il l'avait hélée, regardant des deux côtés de la rue avant de traverser et de la rejoindre, avec presque autant de ferveur que s'ils n'avaient pas eu le temps de se retrouver déjà un peu la veille, passant ses bras autour d'elle pour la serrer quelques instants dans ses bras et l'embrassant sur la joue avec un sourire « T'es en avance, ça fait longtemps que tu m'attends ? » Pas trop longtemps, espérait-il, ce serait un comble quand on savait depuis combien de temps il était levé. « Ça t'embête si on repasse vite fait à mon hôtel ? J'ai oublié mon téléphone, et Qasim a tendance à vite se faire des films quand je ne suis pas joignable … Tu as déjà mangé ? » Lui non, et à vrai dire il commençait à avoir faim. Il ne saurait pas vraiment expliquer pourquoi il se sentait plus léger depuis quelques temps, pourquoi il avait le sourire un peu plus facile, le réveil un peu moins douloureux, les moments de solitude un peu moins moroses … Ce n'était pas encore parfait, mais c'était un début qu'il avait longtemps attendu, comme si à des milliers de kilomètres de Brisbane il avait trouvé le recul nécessaire pour mettre de la perspective dans tout ce qui le minait ou le parasitait depuis des mois. Il avait l'impression de pouvoir d'autant plus profiter de ses retrouvailles avec Yasmine, dans un lieu neutre car dénué de tous les mauvais souvenirs accumulés par l'un et par l'autre durant l'année qui venait de s'écouler. « Tu ne veux toujours pas me dire ce que tu as prévu aujourd'hui ? » Adoptant un air faussement boudeur, il doutait pourtant d'avoir gain de cause de lui tirer les vers du nez plus efficacement que la veille au soir, où il avait du se contenter d'un « tu verras » qui ne voulait rien dire. Il ne s'inquiétait pas, il avait toute confiance en la jeune femme, il était simplement curieux. Curieux et impatient.
I TRIED CARRYING THE WEIGHT OF THE WORLD BUT I ONLY HAVE TWO HANDS, HOPE I GET THE CHANCE TO TRAVEL THE WORLD BUT I DON'T HAVE ANY PLANS. WISH THAT I COULD STAY FOREVER THIS YOUNG, NOT AFRAID TO CLOSE MY EYES, LIFE'S A GAME MADE FOR EVERYONE AND LOVE IS THE PRIZE.
Elle était toujours là - elle l’avait ressentie dès que son pied avait touché le sol algérien - cette sensation d’appartenance, cette impression d’être chez elle alors pourtant qu’elle n’avait jamais vécu dans ce pays. Quand à nouveau elle s’était permise d’aller déambuler dans les ruelles bruyantes d’Alger, d’écouter le son de la ville, des gens qui parlent trop fort, de la foule qui bouge trop vite. Elle aimait tout de cette excitation sans aucune organisation, puis il y avait ces gens, sa famille, ces visages dont elle se souvenait à peine et avec qui pourtant elle avait eu cette impression soudaine d’appartenance. Ses oncles, tantes, cousins, cousines, ces gens qui avaient toujours un peu fait parti d’elle. Evidement une partie de son coeur était encore à Brisbane au près de ses parents et de son frère une autre part encore accompagnait Hassan dans son voyage personnel, une autre Qasim et sa famille il avait aussi quelques pensées pour d’autres amis, pour des gens qu’elle chérissait, mais pas assez pour ternir son plaisir d’être ici. Sans que ça ne soit vraiment fondé, Yasmine se sentait en sécurité dans les rue de son pays, bien plus en tout cas que le sentiments qu’elle ressentait dans celles de Brisbane depuis son agression.
Puis il y avait Tipaza, il y avait la beauté des paysage, de l’architecture, l’intérêt pour le travail qu’elle faisait là bas. Sans doute pour faire plaisir à sa soeur, son oncle avait repris le rôle d’entremetteur au près de Yasmine lui présentant tous les hommes qu’il connaissait et qui pouvait constituer des bons partis. Et si elle s’était d’abord un peu agacée de ce comportement espérant un peu y échapper en étant loin de sa mère, elle devait avouer que son oncle avait bon gout. Il lui avait présenté quelques hommes intéressants et tout à fait charmant, dont un avec qui Yasmine avait rapidement sympathisé, et quelque part elle avait commencé à se demander ce que serait sa vie si elle venait vivre ici, si elle trouvait un mari, un métier… Est ce qu’elle arriverait à chasser Hassan de son esprit ? Ca semblait fou dit comme ça, pourquoi en aurait elle eu envie ? Mais quelque part parfois il semblait prendre trop de place, comme si elle n’était pas capable de voir les autres hommes, pas capable d’imaginer vivre loin de lui et pourtant si leur séparation avait été un crève coeur, la vie avait continué. Hassan était en Iran, elle était ici et elle n’était pas malheureuse. Bien sûr il lui manquait, elle pensait à lui, elle lui écrivait tous les jours et plus que tout elle se réjouissait de le voir mettre un pied dans ce pays qu’elle chérissait tant mais loin de Brisbane et d’Hassan ça semblait soudain plus facile d’imaginer une autre vie… Même si elle n’était pas vraiment sûre d’en vouloir.
Pourtant quand le soir précédant Yasmine avait vu la silhouette d’Hassan se dessiner elle avait senti son coeur faire un bon de bonheur, courant pour le retrouver. Le temps passé avec lui avait presque semblé trop court avant qu’elle ne doive le quitter pour retourner à Tipaza alors qu’il passerait la nuit à Alger. Désireuse de lui faire découvrir la ville elle avait préféré lui éviter un aller-retour inutile pour lui, après ses heures de vols. Puis de toute façon elle allait bosser toute la matinée alors autant qu’il en profiter pour dormir, ou pour commencer à visiter. Elle s’était tout de même débrouillée pour finir un peu plus tôt son travail et atteindre le point de rendez-vous avec un peu d’avance, tendant le cou en espérant voir Hassan arriver. Quand enfin il lui avait fait signe depuis l’autre côté de la route un sourire immense s’était dessiné sur les lèvres de la jeune femme avant qu’elle ne vienne se blottir contre lui - un peu trop longtemps et sans doute un peu trop désireuse de sentir son odeur l’enivrer. « T'es en avance, ça fait longtemps que tu m'attends ? » Un sourire complice s’était dessiné sur son visage. « A peine 5 minutes, je te connais bien je savais que tu allais venir en avance, du coup je suis venu plus tôt. » Elle le taquinait un peu heureuse de le retrouver et descellant chez lui une certaine légèreté qu’elle avait presque de la peine à reconnaître. « Ça t'embête si on repasse vite fait à mon hôtel ? J'ai oublié mon téléphone, et Qasim a tendance à vite se faire des films quand je ne suis pas joignable … Tu as déjà mangé ? » Elle reconnaissait bien là Qasim et ne pouvait rien dire puisqu’elle était sans doute toute aussi chiante avec lui. « Tu sais que j’ai un portable et que je peux aussi lui écrire si vraiment. Je lui dirais que je te chaperon ça devrait le rassurer. » Un clin d’oeil un peu amusé elle avait tout de même pris la direction de l’hôtel. « Mais oui pas de problèmes, j’ai n’ai pas mangé non mais je te préviens, ma tante était déjà aux fourneaux quand je suis parti travailler ce matin, et niveau nourriture elle est encore pire que ma mère. Alors ne mange pas trop et garde de la place pour ce soir. » C’était pas tout de faire des grands repas en plus de ça sa tante était une gaveuse professionnelle, le genre qui vous fait enfier plus de nourriture que ce que nous pensiez votre corps capable de contenir.
« Tu ne veux toujours pas me dire ce que tu as prévu aujourd'hui ? » Attrapant sa main pour traverser la route d’un pas rapide elle n’avait répondu qu’une fois de l’autre côté. « Je te l’ai déjà dit… Tu verras. » Amusé elle avait continué à avancer à grande vitesse se laissant porter par l’ambiance rodant dans les rues d’Alger et marchant entre les bâtiments aux architectures diverses qui faisaient le charme de l’endroit. Finalement elle l’avait laissé prendre les devants pas sur de connaitre le chemin qui menait à l’hôtel. « Une de mes oncles veut absolument te rencontrer, il dit que papa dit beaucoup de bien de toi et qu’il aime les hommes de confiances comme toi. » En vérité elle était plus ou mois persuadé que son père s’était contenté d’un mot rapide sur Hassan, n’étant pas plus loquace au téléphone que dans la vie de tous les jours, contrairement à la plus part de ses frères. « Mais là, il joue aux dominos à la plage avec ses fils. » Le regard un peu rieur elle avait attendu la réaction d’Hassan. Autant le dire chez les Khadji tous les hommes d’ici jouaient aux dominos, même son père avait réussi à une époque à convaincre celui d’Hassan de jouer avec lui. Elle se rendait compte uniquement aujourd’hui que depuis la mort de ce dernier elle n’avait plus jamais vu son père jouer. « Je me suis dit que j’allais t’éviter la plage, c’est de loin pas le plus intéressant ici de toute façon. » Pas fan de l’eau Hassan n’était pas le client idéal, même si elle comptait bien l’emmener au bord des rives de Tipiaza qui par endroit étaient magnifiques. Yasmine n’avait pas prévu de stop pour manger dans son planning parce que connaissant sa famille elle savait qu’à chaque arrêt chez l’un d’eux de la nourriture leur serait offerte, il faudrait juste un peu de patience de la part d’Hassan.
Attrapant son bras comme pour être sur de ne par la perdre elle l’avait suivi dans sa démarche. « Tu sais je me suis rendu compte que hier j’avais passé presque toute la soirée à parler de moi et de l’Algérie et je sais à peine comment ça se passe pour toi. » Laissant un léger silence elle avait fini par ajouter. « L’Iran est tel que tu t’en souvenais ? » Elle avait surtout envie de lui demander si il y avait trouvé ce qu’il semblait y chercher, mais tout comme la vrai raison qui faisait qu’elle ne lui avait pas posé la question le soir précédé elle avait peut-être un peu peur d’entendre la réponse. De ce rendre compte qu’il avait trouvé en Iran ce que peut-être elle et tous les gens qui l’avaient entouré, l’avaient empêché de trouver en Australie… La paix…
Hassan avait la sensation un peu bête - et totalement infondée - que tout autour de lui était resté en suspend durant le temps qu'il avait passé à Téhéran. Comme si tout là-bas tranchait tellement avec ce qu'il connaissait, ce dont il avait l'habitude, que sa "vraie" vie lui donnait l'impression d'être en pause, et avec elle tout ce et ceux qui la constituaient. Il savait bien que ce n'était pas le cas pourtant, à Sydney le temps filait toujours et Qasim donnait toujours au bout du fil la sensation de vivre à toute vitesse de son côté, et à Brisbane le monde du brun ne tournait plus de la même manière puisque Yasmine ne s'y trouvait plus. Là-bas, sur les côtes méditerranéennes, la jeune femme lui semblait être à des années lumières de lui malgré les messages échangés chaque jour et les coups de téléphone réguliers, comme si pour la première fois depuis toujours ils évoluaient sur deux planètes différentes. En cela leur séparation se différenciait de la dernière fois qu'Hassan et Qasim avaient passé quelques mois dans leur pays d'origine, à cette époque-là Yasmine n'était encore qu'une enfant, même pas encore tout à fait une adolescente, simplement une enfant qui partageait ses journées entre l'école, les devoirs, et les tâches ménagères pour lesquelles sa mère attendait un peu d'aide ... ce que loupait Hassan ce n'était qu'un quotidien qu'il connaissait déjà par cœur. Aujourd'hui c'était tout un chapitre de la vie de Yasmine dont il se tenait éloigné, et rarement le simple fait de pouvoir débarquer à l'hôpital pour récupérer la brune et passer la soirée à parler de tout et de rien et se raconter leurs journées respectives lui avait autant manqué.
L'avance prise par Hassan pour se rendre au lieu de rendez-vous tenait donc à la fois de l'habitude mais aussi de l'impatience qu'il avait à rejoindre la jeune femme, après des retrouvailles trop succinctes la veille au soir. Une avance qui pourtant n'avait pas suffit à devancer Yasmine, déjà là et semblant le chercher du regard lorsqu'il l'avait rejointe et serrée dans ses bras avec tendresse. « A peine 5 minutes, je te connais bien je savais que tu allais venir en avance, du coup je suis venue plus tôt. » C'était le serpent qui se mordait la queue, en quelque sorte, et amusé le brun avait répondu par un baiser venu frôler sa tempe, avant de suggérer un détour par sa chambre d'hôtel pour récupérer son téléphone et de soumettre l'idée de trouver quelque chose à se mettre sous la dent si elle n'avait pas déjà mangé. « Tu sais que j’ai un portable et que je peux aussi lui écrire si vraiment. Je lui dirais que je te chaperon ça devrait le rassurer. » Secouant vaguement la tête il avait fait remarquer d'un ton légèrement boudeur « Tu ne penses pas que j'ai légèrement passé l'âge pour avoir un chaperon ? » mais fini par sourire à son tour tandis qu'ils se mettaient en route « Mais oui pas de problèmes, j’ai n’ai pas mangé non mais je te préviens, ma tante était déjà aux fourneaux quand je suis parti travailler ce matin, et niveau nourriture elle est encore pire que ma mère. Alors ne mange pas trop et garde de la place pour ce soir. » Hassan n'était pas très enclin à l'avouer, mais rencontrer une partie de la famille de Yasmine à laquelle il n'avait jamais été présenté auparavant l'intimidait, et donc le rendait nerveux. « Pire que ta mère ... ? » avait-il malgré tout relevé presque sans y croire, tellement habitué à l'insistance de Fatima et sa tendance à trouver qu'ils ne mangeaient jamais assez. « Tu sais que je dois reprendre l'avion en sens inverse, après ? Si je deviens plus lourd que ma valise ils ne voudront plus de moi dans l'avion ... » Taquinerie mise à part, Hassan avait en tout cas noté le fait qu'il vaudrait mieux se réserver pour le soir, particulièrement lorsque l'on connaissait son appétit parfois capricieux depuis son hospitalisation.
Laissant Yasmine glisser sa main dans la sienne il avait tout bonnement cessé de se repérer et s'était laissé guider par la jeune femme, tentant malgré tout au passage de lui tirer les vers du nez quant à ce qu'elle avait prévu pour eux et le reste de la journée. « Je te l’ai déjà dit … Tu verras. » Affichant une mine boudeuse et plissant légèrement le nez, le brun avait fait signe de prendre la rue de droite tandis que Yasmine reprenait « Une de mes oncles veut absolument te rencontrer, il dit que papa dit beaucoup de bien de toi et qu’il aime les hommes de confiances comme toi. » Bien loin de faire diminuer l'appréhension d'Hassan cette confession avait légèrement fait monter sa fréquence cardiaque, soudainement persuadé que s'il faisait mauvaise impression pour une raison ou pour une autre Yasmine ne le lui pardonnerait jamais « Ne te moque pas, mais je crois que je suis plus stressé que pour mon premier jour comme prof ... » avait-il d'ailleurs fini par avouer d'un ton un peu incertain, bien qu'il ait conscience que sa réaction était totalement dénuée de sens. Quoi que. « Mais là, il joue aux dominos à la plage avec ses fils. Je me suis dit que j’allais t’éviter la plage, c’est de loin pas le plus intéressant ici de toute façon. » Tandis qu'un sourire bienveillant s'étirait sur les lèvres du brun en repensant aux parties de dominos qui avaient occupé les soirées de leurs paternels respectifs il y avait - du moins semblait-il - une éternité, de dominos ou de Backgammon d'ailleurs, Hassan avait haussé doucement les épaules « Tant que je ne me baigne pas, la plage ne me dérange pas non plus. Mais j'ai traîné sur le port une bonne partie de la matinée comme le décalage horaire m'a réveillé à l'aube, alors je ne suis pas contre voir un peu autre chose que la mer pour l'instant. » Mais du peu qu'il l'avait vue, la mer ici n'avait rien à voir avec les caprices de l'océan qui bordait Brisbane. Elle semblait plus calme, presque endormie.
Quittant l'agitation de la rue principale pour une rue adjacente un peu plus calme, Hassan avait resserré son bras autour de celui de Yasmine, bien décidé à ne pas la lâcher maintenant qu'il lui avait remis la main dessus. « Tu sais je me suis rendu compte que hier j’avais passé presque toute la soirée à parler de moi et de l’Algérie et je sais à peine comment ça se passe pour toi. » Il n'avait rien fait non plus pour rééquilibrer la conversation, conscient que son propre pays d'origine n'était pas un sujet avec lequel Yasmine était très à l'aise. « L’Iran est tel que tu t’en souvenais ? » Le brun était resté pensif quelques secondes, parfois il se demandait si tous ses anciens souvenirs étaient authentiques ou si au milieu des véritables souvenirs ne s'étaient pas glissés avec le temps un peu de faux. « Pas totalement, beaucoup de choses ont évolué en quinze ans ... les choses se sont un peu apaisées. » Yasmine était peut-être encore trop jeune à l'époque pour s'en souvenir, mais Fatima et Amjad, eux, se souvenaient sans doute de s'être fait un sang d'encre lorsque Hassan et son frère s'étaient retrouvés malgré eux au milieu des manifestations politique de 2001. « Et la mentalité des élèves n'est pas totalement la même que chez nous, ils sont beaucoup plus curieux, moins ... passifs. Ce n'est pas désagréable. » Au contraire, Hassan y trouvait même quelque chose d'enrichissant et avait l'impression d'apprendre lui aussi, sur certains points. « Et j'ai pu prendre conscience que mon farsi était un peu rouillé, aussi. » avait-il par ailleurs avoué avec une légère moue « Mais ça m'est revenu assez vite, c'était qu'une question d'habitude. Et puis les autres profs avec qui je partage l'appartement ne le parlent pas ou très mal, alors on m'a aussitôt refourgué le rôle d'interprète quand on sort visiter un peu. » Et bizarrement malgré une légère appréhension à la base Hassan n'était pas mécontent de s'être arrangé ainsi avec d'autres, la colocation lui faisait un peu de bien. Il n'était pas tout seul, au moins, et puis aux yeux de ses inconnus il n'était ni l'ancien malade, ni le divorcé malgré lui, ni rien de tout cela ... Juste Hassan, et cela lui faisait beaucoup plus de bien qu'il ne l'aurait imaginé. « Tu m'attends ici ? J'en ai pour deux minutes. » Arrivés devant le petit hôtel de quartier, tous les deux avaient en effet pénétré dans le hall, où le réceptionniste leur avait adressé un signe de tête poli malgré qu'il soit occupé au téléphone.
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Il y a quelques semaines encore peut être ne se serait elle pas permise cette réflexion, inquiète de donner l'impression à Hassan qu'il n'avait toujours pas réussi à regagner leur confiance. Aujourd'hui pourtant elle s'était sentie libre de le dire sans scruter ensuite le visage d'Hassan à la recherche d'un froncement de sourcil trop prononcé. « Tu ne penses pas que j'ai légèrement passé l'âge pour avoir un chaperon ? » lui rendant son sourire elle s'était contentée d'un vague haussement d'épaule incertain alors que tous deux se mettaient en route pour l'hôtel d'Hassan. Bien trop occupée à parler de cette famille qu'elle se réjouissait de lui présenter, Yasmine n'avait même pas observé la légère crispation d'Hassan encore moins le regard un peu stressé qu'il posait soudainement sur elle. « Ne te moque pas, mais je crois que je suis plus stressé que pour mon premier jour comme prof ... » Un rire franc était sorti de la bouche de l'algérienne alors qu'elle se tournait vers son ami le forçant à s'arrêter un instant. Le simple fait que cette rencontre avec sa famille le stresse était adorable et attrapant le col de sa chemise pour faire mine de le rhabiller correctement elle avait tenté de le rassurer. « T'as pas de raison de stresser Hassan, si tu restes toi-même ils vont t'adorer ! T'es parfait. » Déposant un rapide baiser sur sa joue elle avait aussi rapidement repris sa course dans les rues d'Alger.
Tentant de rééquilibrer le temps de parole entre eux,Yasmine avait essayé d'en savoir un peu plus sur le voyage d’Hassan, pas sûre pourtant d'être prête à entendre certaines vérités qui risquaient de l'inquiéter plus encore qu'elle n'avait l’habitude de l’être. « Pas totalement, beaucoup de choses ont évolué en quinze ans ... les choses se sont un peu apaisées. » Les paroles avaient de quoi la rassurer sans doute mais il lui faudrait bien plus pour chasser les inquiétudes qui hantaient son esprit tous les jours depuis le départ d'Hassan et que seul ses messages rassurant chaque jour semblaient pouvoir légèrement apaisé. Elle l'avait laissé parler sans l'interrompre, de son travail, de des élèves, de ses collègues et même de son Farci qui s'était fait vieux. Une fois qu'il eu fini le visage de Yasmine s'était fendu d'un léger sourire qui semblait sans doute un peu trop triste tout de même. « Tu as l'air de t'y plaire. » Elle trouvait cette idée un peu angoissante bien qu'il n'ait encore jamais abordé l'idée de rester en Iran plus longtemps que le semestre qu'il avait prévu de base. Mais elle se savait aussi peu légitime d'être autre chose que réjouie, alors qu'elle même prenait un plaisir non caché à retrouver ses racines et au fond d'elle, Yasmine était surtout rassurée que tout se passe bien pour lui.
« Tu m'attends ici ? J'en ai pour deux minutes. » Hochant la tête Yasmine était restée quelques minutes dans le hall le temps qu'Hassan revienne triomphant son portable à la main et qu'ils ne reprennent tous deux la route toujours collés l'un à l'autre. Après quelques minutes de marche, ils avaient commencé à emprunter des chemins plus étroits plus colorés, où les escaliers se multipliaient. Ils croisaient des enfants qui jouaient au ballon et quelques éboueurs, accompagnés de leurs ânes, les voitures ne passant pas les couloirs étroits de la Casbah. « On est dans la casbah d'Alger, c'est un très vieux quartier d’Algérie, ils l’appelle même le vieux Alger. L'un de mes oncles habite ici avec sa femme, il est menuisier et tu verras sa maison est un vrai musée. » Arrivés devant la fameuse maison Yasmine s'était contentée de passer la tête par la porte ouverte pour annoncer leur arrivée. Ils étaient de toute façon attendus. Rapidement la tante les avait rejoint traitant Hassan avec une proximité et une chaleur qui n'étaient normalement réservées qu'à la famille. Elle s'était réjouie de lui raconter l'histoire de sa maison, toute en hauteur et dont le milieu laissait entrevoir le ciel apportant par la même occasion de la lumière à la vielle bâtisse, elle avait raconté à Hassan la façon dont son mari et elle avaient récupéré cet héritage, retapé cette maison qui était au bord de la ruine des années auparavant comment beaucoup des maisons de la Casbah.
Après que la tante de Yasmine leur ait offert de quoi manger, tous deux s'étaient éclipsés un instant Yasmine attrapant la main d'Hassan pour l'entraîner avec elle, montant au dernier étage de le maison. « Je veux te montrer quelque chose » Ce n'était pas tant la maison elle même - ou le fait que sa tante et son oncle voulaient rencontrer Hassan qui l'avait mené ici mais plus la vue que le balcon sur lequel ils venaient de déboucher leur offrait. Alger semblait s'entendre sous leurs yeux, les toits des maisons recouvrant leur vu jusqu'à la mer qui se perdait au loin, laissant deviner certaines maisons plus friables que d'autres. « Je ne sais pas pourquoi mais… J’adore cet endroit. Je me souviens lors de mon premier voyage ici mon oncle m'a amené sur ce balcon et il m'a dit de regarder les toits qui saluent la mer. J'ai trouvé que l'image était belle et ça m’a parlé. Puis il m'a fait écouter une chanson qui parle de ca. Si tu veux je te la ferais écouter... C'est une jolie chanson. » Un brin de mélancolie la tenait alors qu'un coup de vent la faisait soudainement frissonner lui donnant une bonne excuse pour venir se blottir dans les bras d'Hassan. « Je suis contente que tu sois là » avait elle avoué à mi-voix tout en faisant glisser ses bras autour de lui pour le serrer un peu plus fort elle était restée silencieuse continuant de regarder les toits d'Alger. Elle aurait aimé lui dire à quel point il lui manquait, à quel point elle s'en rendait encore plus compte maintenant qu'il était là, mais effrayée de gâcher le moment en le faisant culpabiliser alors que ça n'était pas son but, elle n'avait rien dit.
« On devrait y aller, j'ai promis à ma tante de ne pas arriver trop tard à Tipaza et je voudrais encore te faire visiter quelques endroits avant que l'on ne prenne le car. » Ils avaient pour plus d'une heure de voyage, heureusement la route qui menait à Tipaza longeait les côtes, offrant par moment une vue magnifique. Malgré ses mots Yasmine n'avait pas bougé pendant plusieurs secondes encore fermant même les yeux pour s'enivrer d'un moment qui aurait sans doute bien trop vite disparu. Quand finalement ils avaient quitté la maison leurs pas les avaient mené à la découverte d'Alger pendant encore presque deux heures avant qu'ils ne s'engouffrent dans le car direction Tipaza, préférant profiter d'Hassan elle avait repoussé la rencontre avec le reste de sa famille d’Alger à un autre jour, sachant qu'ils reviendraient de toute façon durant le séjour d'Hassan une demi journée étant bien trop peu pour visiter l'entier de la ville.
Accueillant sans grande surprise le rire franc que son aveu avait provoqué chez Yasmine, Hassan n'en était pas moins demeuré très sérieux, et s'était à peine senti moins fébrile lorsqu'elle avait remis son col en plus et débarrassé son épaule d'une poussière peut-être imaginaire avant de déposer un baiser sur sa joue. « T'as pas de raison de stresser Hassan, si tu restes toi-même ils vont t'adorer ! T'es parfait. » Il n'avait pas cherché à protester, bien que beaucoup moins convaincu qu'elle à ce sujet. Il savait l'importance de la famille à ses yeux, il le savait parce qu'ils raisonnaient de la même manière à ce sujet ; L'avis de ses proches était important pour Hassan, pour ne pas dire primordial, et pour cette raison il était persuadé que si l'un des membres de la famille de Yasmine se faisait une mauvaise opinion de lui la brune ne saurait pas aller autrement que dans ce sens. Il s'était contenté d'acquiescer, malgré tout, gardant le reste de ses angoisses pour lui et tentant de se persuader que la jeune femme avait raison et qu'il n'avait pas de raison de s'en faire. C'était simplement plus fort que lui. La laissant guider pour une partie du trajet avant de finalement prendre le relais lorsqu'ils n'avaient plus été loin de l'hôtel dans lequel il s'était établi, le brun avait répondu avec un enthousiasme difficilement contenu concernant ses premières semaines à Téhéran. La vérité c'est que les angoisses de ses proches avaient fini par déteindre sur lui avant son départ et qu'il s'était retrouvé face à une réalité bien moins terrible que ce à quoi on l'avait poussé à s'attendre. « Tu as l'air de t'y plaire. » avait fait remarquer Yasmine, dont Hassan en parvenait pas vraiment à analyser le sourire et le ton, et mettant cela sur le ressenti inavoué que la jeune femme semblait avoir vis-à-vis de son pays d'origine. « Toi aussi, tu as l'air de te plaire ici. » avait-il simplement soufflé presque sur le même ton. Et si elle ne savait pas quel sens donner à cette réponse, c'était probablement parce que lui-même n'était pas certain de ce qu'il voulait dire par là.
Prenant quelques minutes pour monter récupérer son téléphone, mal à l'aise à l'idée d'en rester séparer au moins jusqu'au lendemain alors qu'il s'agissait de son seul et unique lien avec l'Australie actuellement, Hassan avait profité du trajet pour tenter de retrouver un air serein, celui qu'il était supposé arborer si ses états-d'âme ne profitaient pas de la moindre occasion pour lui redonner une tape derrière la tête. Avec la curiosité innocente du touriste il s'était laissé guider à travers Alger par Yasmine, l'écoutant avec attention, observant avec intérêt, et la curiosité propre au fait d'avoir écouté les Khadji décrire ces lieux et pu s'en faire sa propre idée, maintenant confrontée à la réalité sous ses yeux. « On est dans la casbah d'Alger, c'est un très vieux quartier d’Algérie, ils l’appelle même le vieux Alger. L'un de mes oncles habite ici avec sa femme, il est menuisier et tu verras sa maison est un vrai musée. » Le détail avait arraché un sourire à Hassan, pourtant conscient que ce parallèle entre le métier de l'oncle de Yasmine et celui de son propre père n'était rien de plus qu'un hasard total, mais incapable de ne pas voi les signes partout où il pouvait les grappiller. Par pudeur le brun avait lâché la main de Yasmine une fois entré dans la maison, se laissant volontiers porter par la conversation, le ton chantant et la facilité de conversation de la tante. Yasmine avait raison, ils avaient bien fait de ne pas manger avant, et ne s'était qu'à moitié surpris d'entendre la maitresse de maison sous-entendre que ces australiens ne mangeaient décidément pas beaucoup, et même supposer que dans leur pays aux "saisons improbables" on n'avait peut-être pas besoin de faire de réserves pour l'hiver. Le repas terminé Hassan s'était laissé entrainer loin du tumulte par Yasmine, qui murmurant « Je veux te montrer quelque chose. » l'avait à nouveau saisi par la main pour l'entraîner à l'étage, jusqu'au balcon d'où la ville s'étendait jusqu'à la frontière maritime, le soleil de mi-journée brillant à la surface de l'eau. « Je ne sais pas pourquoi mais … J’adore cet endroit. Je me souviens lors de mon premier voyage ici mon oncle m'a amené sur ce balcon et il m'a dit de regarder les toits qui saluent la mer. J'ai trouvé que l'image était belle et ça m’a parlé. Puis il m'a fait écouter une chanson qui parle de ça. Si tu veux je te la ferais écouter ... C'est une jolie chanson. » Passant ses bras de chaque côté de Yasmine et appuyant ses mains contre la balustrade du balcon, il avait posé son menton contre son épaule et soufflé « Tout ce que tu veux. » et déposé un baiser furtif sur sa joue. Le paysage était apaisant, la présence de Yasmine aussi, et comme le matin sur le port Hassan s'était fait la réflexion que bien loin de son cousin l'océan pacifique, la ler qui bordait Alger semblait presque inoffensive, même pour lui qui la craignait. « Je suis contente que tu sois là. » Un léger pincement au coeur, sans savoir pourquoi, le brun avait resserré ses bras autour d'elle lorsque la bourrasque de vent avait soufflé « Maintenant je comprends pourquoi tes parents et toi avez des étoiles dans les yeux quand vous parlez de ce pays. » Et il s'en attendrissait d'autant plus, désormais. Il se sentait un peu triste, aussi.
Accédant à la requête de la jeune femme, qui souhaitait le balader encore un peu en ville avait qu'ils ne prennent le car supposé les mener dans les terres, Hassan s'était laissé guider par Yasmine, après avoir chaleureusement remercier son oncle et sa tante pour leur hospitalité ainsi que pour le repas. Après avoir marché un long moment ils s'étaient accordé une pause sur l'herbe des jardins d'Hamma, dont Hassan avait reconnu en contre bas l'entrée accessible depuis le port devant laquelle il était passé le matin, mais à ce moment-là encore fermée. La marche, le soleil, et sans doute un peu le décalage horaires avaient poussé Hassan vers le sommeil durant une partie du trajet, sa tête glissant graduellement sur le côté de son siège puis sur l'épaule de Yasmine, qui l'avait réveillé quelques minutes avant leur arrivée. À nouveau l'un et l'autre s'étaient laissé happer par l'accueil de la famille de Yasmine, les questions, les discussions, et le repas préparé presque comme s'ils s'imaginaient queles deux jeunes gens n'avaient rien avalé de la journée. Hassan fonçait parfois les sourcils, l'oncle de Yasmine avait un débit de parole élevé et qui mettait à mal la maîtrise imparfaite de la langue pour Hassan. Deux fois son téléphone avait vibré dans la po he de son jean, mais ne souhaitant pas paraître impoli Hassan s'était contenté de l'ignorer. Au troisième appel pourtant il avait jeté un oeil à l'écran d'appel et froncé les sourcils en constatant la photo de Qasim. S'excusant, et secouant vaguement la tête à l'attention de Yasmine en croisant son regard interrogateur, Hassan avait décroché à peine hors de la pièce et répondu « Attends, quitte pas. » avant de rejoindre l'entrée de la maison, d'où les bruits du repas s'estompaient un peu mieux « C'est bon. J'te manque tant que ça pour que tu m'appelles au saut du lit ? » Un rapide calcul lui avait permis de savoir qu'il n'était pas tout à fait huit heures du matin, sur la côte est-australienne. Mais surtout, le ton - trop - sérieux de Qasim lui avait permis de savoir qu'il ne l'appelait pas simplement pour prendre de ses nouvelles. Et ce ton sérieux Hassan l'avait utilisé presque de la même manière lorsqu'au bout de plusieurs minutes, et à l'instant où Qasim raccrochait, Yasline venait le rejoindre sans doute pour constater ce qui le faisait tarder à revenir. « C'était Qasim. » Gardant son téléphone à la main, avec l'intention de s'en servir à nouveau rapidement, le brun avait malgré tout tenté de ne pas arborer un air trop soucieux « Y'a probablement aucune raison de s'inquiéter, mais y'a eu une tempête sur Brisbane et Gold Coast cette nuit. Enfin, aujourd'hui. Y'a un peu de dégâts, visiblement, et le réseau téléphonique est HS alors il va faire le trajet jusqu'à Brisbane pour s'assurer que ... tes parents n'ont besoin de rien. » En réalité ce n'était pas "un peu" de dégâts, et Qasim souhaitait avant tout s'assurer que les Khadji étaient sains et saufs et ne faisaient pas partie des "victimes" donc Hassan venait volontairement d'omettre de parler, dans l'espoir un peu bête de ne pas l'inquiéter pour "rien". Comme si elle n'allait pas demander de précisions.
I TRIED CARRYING THE WEIGHT OF THE WORLD BUT I ONLY HAVE TWO HANDS, HOPE I GET THE CHANCE TO TRAVEL THE WORLD BUT I DON'T HAVE ANY PLANS. WISH THAT I COULD STAY FOREVER THIS YOUNG, NOT AFRAID TO CLOSE MY EYES, LIFE'S A GAME MADE FOR EVERYONE AND LOVE IS THE PRIZE.
Un sourire accroché aux lèvres Yasmine avait regardé le paysage défiler sous ses yeux alors qu'Hassan somnolait à ses côtés. Jetant parfois un regard attendrir sur son ami, elle l’avait laissé se reposer, bien consciente que la rencontre avec sa famille risquait de lui prendre toute son énergie. Quand finalement Tipaza s'était dessinée au loin elle avait laissé sa main glisser avec tendresse sur son bras pour le sortir de ses rêves. Avant de rejoindre la maison de sa tante et son oncle elle lui avait rapidement présenté la ville. Le soleil commençait à descendre dans le ciel quand enfin ils avaient retrouvé la maison familiale où tout le monde les attendaient avec impatience. Personne n’avait caché son plaisir de rencontrer Hassan, la famille de Yasmine étant de celle qui ne camoufle pas ses émotions, bonnes ou mauvaises, elle se laissait aller à vivre pleinement chaque sensation. Yasmine regrettait parfois de ne pas avoir hérité de cette spontanéité presque enfantine. Le repas plus que copieux les attendait comme prévu sur la table de la salle à manger et sa tante n’avait pas mis bien longtemps à faire des commentaires sur leurs petits appétit. L’ambiance était pourtant restée chaleureuse, le fond de musique, la voix puissante de son oncle, le regard complice d’Hassan, les rires parfois presque trop puissants l’enveloppaient dans une sorte de cocon protecteur. Là au milieu, elle se sentait à sa place, elle ne parlait pas beaucoup mais aimait ce côté bruyant et un peu chaotique de sa famille, c’était vivant, c’était vrai et ça changeait des repas qu’elle avait parfois partagé avec ses parents après le départ de Sohan où seule sa mère tentait de meubler la conversation.
Quand Hassan s’était éclipsé, elle avait attendu avec une appréhension, un peu stupide sans doute, le verdict de sa famille. Evidement ils n’avaient pas tardé à faire l’éloge d’Hassan, réussissant même à faire rougir Yasmine en lui demandant pourquoi elle ne l’avait pas encore épousé. Bafouillant un rapide. « On est simplement amis. » Alors que ses joues devaient sans doute virer au rouge, elle s’était à son tour enfuie de la table prétextant qu’elle voulait vérifier que tout allait bien pour Hassan, mais bien plus en fait parce que les questions devenant un peu trop personnelles, prendre la fuite était plus simple. Elle savait bien pourtant que, dès qu’Hassan serait reparti, elle n’y échapperait pas mais parler de lui alors qu’il était à peine à quelques mètres d’eux, la mettait un peu mal à l’aise. Puis elle préférait profiter de sa présence pour le peu de temps qu’il était là. Apercevant d’ailleurs, la silhouette d’Hassan elle s’était dirigée vers lui, la mine réjouie en lui adressant un joviale. « Je crois que ma tante veut t’épouser. » Avant de poser son regard plus attentivement sur Hassan pour y découvrir des traits un peu plus tirés ce qui laissait deviner chez lui une certaine inquiétude même si il tentait sans doute de la camoufler. « Tous vas bien ? » Déjà son coeur avait commencé à s’accélérer parce qu’elle le connaissait assez pour savoir que non… Tout n’allait pas bien et heureusement Hassan n’avait pas fait durer le suspens trop longtemps prenant à son tour la parole. « C'était Qasim. » Le regard interrogateur elle tentait de maitriser le brin d’angoisse qui commençait à la saisir. Se rassurent en ce disant qu’il n’y avait pas de raison, Hassan semblait juste légèrement perturbé rien de plus… Peut-être un problème avec son chien ? « Y'a probablement aucune raison de s'inquiéter, mais y'a eu une tempête sur Brisbane et Gold Coast cette nuit. Enfin, aujourd'hui. Y'a un peu de dégâts, visiblement, et le réseau téléphonique est HS alors il va faire le trajet jusqu'à Brisbane pour s'assurer que ... tes parents n'ont besoin de rien. » C’est la légère hésitation d’Hassan qui avait déclenché un léger vacillement chez elle, tentant elle aussi de rester calme elle avait pourtant senti son coeur accélérer méchamment l’allure, ce débit trop rapide lui faisant déjà légèrement tourner la tête. Quelques instants elle était restée silencieuse regardant Hassan comme si elle espérait qu’il lui en dise plus, mais il se contentait à son tour de la regarder. « Il y a des victimes ? » Elle se donnait l’impression d’avoir été presque projetée de son corps, le ton trop sérieux et presque dénué de son humanité. Comme si cette tempête s’était abattue à des kilomètres des gens qu’elle aimait et qu’elle prenait machinalement des nouvelles.
Tapotant soudainement ses propres poches à la recherche de son portable elle avait senti une pointe de culpabilité commencer à la saisir. Et si ils avaient essayé de l’appeler, et si elle avait loupé l’appelle parce que trop absorbée par sa vie ici elle semblait parfois en oublier celle qui continuait de se dérouler à Brisbane. « Il faut que j’essaye de les appeler. » Elle avait bien compris les mots d’Hassan, le réseau téléphonique HS et pourtant elle se sentait le devoir d’essayer. « Je ne sais pas où j’ai mis mon portable… » Après avoir tapoté toutes les parties de son corps elle avait pivoté avec une rapidité qui laisser deviner l’angoisse qui progressait en elle. Ne jetant même pas une regard à Hassan, elle n’était pas sûre de l’avoir entendu lui parler. Elle n’était pas sur qu’il l’ait suivi non plus et ce n’est qu’une fois dans l’entrée son portable en main qu’elle avait relevé les yeux sur lui en observant la tonalité continue de son téléphone qu’il l’informait qu’elle ne pouvait pas joindre ses parents. Elle aurait bien pu tenter le coup avec Sohan mais la vérité semblait d’un coup lui sauter au visage. Elle n’avait aucun moyen de les contacter et elle était à des milliers de kilomètres d’eux. « Je… Il faut aller chez la voisine, elle a internet on doit… se tenir au courant. Ils vont donner des infos non ? Il doit bien y avoir un moyen de se renseigner. » Serrant son téléphone trop fort dans sa main le débit de sa voix s’accélérant dangereusement comme pour essayer de chasser les sensations qui l’envahissaient. Yasmine tentait de maitriser la panique qui semblait se glisser en elle. « Qu’est ce que tu sais exactement Hassan ? » Elle préférait entendre les informations de sa bouche si il les avait plutôt que des les découvrir sur l’écran d’un vieil ordinateur une fois qu’elle aurait supplié la voisine de sa tante.
Hassan était à peu près certain qu'à l'autre bout du fil, Qasim avait sélectionné avec soin les informations à dire ou à ne pas dire tout en sachant qu'Hassan, mais aussi Yasmine, se sentiraient parfaitement impuissants face à la situation, depuis l'autre côté du globe. Il avait sans doute d'autant plus pesé ses mots lorsque son frère lui abait signalé se trouver en ce moment même chez la famille de Fatima, qu'il convenait sans doute de ne pas alarmer inutilement non plus. Mais Hassan connaissait son frère sur le bout des doigts et il n'était pas dupe, pour qu'il décide ainsi de faire en voiture les neuf cent et quelques kilomètres qui séparaient Sydney de Brisbane, et l'en avise ainsi, au saut du lit, cela signifiait que la situation était tout au moins sérieuse. Peut-être pas dramatique, mais assurément préoccupante. Raccrochant malgré tout après avoir fait promettre à son frère de le rappeler dès qu'il aurait la moindre nouvelle à partager, le brun s'était retrouvé pris d'une certaine fébrilité en voyant Yasmine lui faire face, mais avait malgré tout tenté à son tour de ne pas se montrer inutilement alarmiste. Le visage de la jeune femme, pourtant, avait semblé blêmir un peu tandis qu'elle questionnait « Il y a des victimes ? » avec exactement le même ton que lui au téléphone, lorsqu'il avait posé cette même question à Qasim avec angoisse « Quelques unes ... Qasim m'a dit que les informations circulaient encore un peu mal. Il m'a parlé d'une grande roue et ... » Et il n'avait pas très bien saisi, en réalité, mais semblant de toute façon avoir presque ignoré la fin de sa phrase Yasmine s'était mise à chercher frénétiquement dans ses poches en marmonnant « Il faut que j’essaye de les appeler. Je ne sais pas où j’ai mis mon portable … » d'une voix blanche. Il s'apprêtait à faire à nouveau remarquer que les lignes de téléphones étaient vraisemblablement coupées sur Brisbane et ses environs, mais ne l'écoutant définitivement plus Yasmine avait tourné les talons pour regagner l'intérieur, Hassan murmurant un « Yas' ... » qu'elle n'avait même pas relevé tandis qu'elle pianotait frénétiquement sur son téléphone et le portait à son oreille avec un mélange palpable d'impatience et d'angoisse.
Elle n'avait pas obtenu de réponse, évidemment, et son angoisse avait semblé redoubler tandis qu'elle se résolvait enfin à raccrocher et à relever les yeux vers Hassan, dont le propre téléphone avait terminé dans la poche de son jean, et ses mains sur les épaules de Yasmine dans une tentative un peu vaine de la rassurer. « Je … Il faut aller chez la voisine, elle a internet on doit… se tenir au courant. Ils vont donner des infos non ? Il doit bien y avoir un moyen de se renseigner. » Il avait presque la sensation d'entendre les battements de son coeur accélérer tandis qu'elle se laissait gagner par la panique, et l'écoutant questionner « Qu’est ce que tu sais exactement Hassan ? » avec fébrilité, il avait pressé un peu plus ses doigts sur ses épaules et adopté un ton artificiellement calme. « Calme-toi, ça ne sert à rien de te mettre dans un état pareil, y'a pas de raison de s'inquiéter pour l'instant. » C'était probablement lui-même autant qu'elle, qu'il tentait de convaincre, mais de le dire à voix haute semblait déjà faire un peu plus d'effet que lorsqu'il se le répétait intérieurement. « Et pas grand-chose. Seulement qu'ils en parlaient partout aux infos quand Qasim s'est levé il y a une heure. La météo avait émis un avis de tempête, mais pour après demain, du coup avec Halloween beaucoup de gens étaient dehors, et ... » Parce qu'elle recommençait à s'agiter, Hassan avait laissé ses doigts remonter des épaules de Yasmine jusqu'à ses joues avant de reprendre « Mais hey, tes parents ont passé l'âge pour Halloween, et Sohan est un peu vieux pour aller réclamer des bonbons, uh ? » Tentant de la dérider un peu par la plaisanterie, sans grand succès, il avait enfin fini par ajouter « Y'a pas de raison pour qu'ils aient été dehors, et donc pas de raison non plus qu'il leur soit arrivé quelque chose. Les connaissant ils doivent surtout être en train de s'inquiéter de ne pas pouvoir te joindre pour t'empêcher de te faire du souci. » Cela n'empêchait bien sûr pas l'inquiétude, et cela ne rassurait pas spécialement sur le sort éventuel d'amis, de connaissances, mais Hassan essayait de parer au plus pressé pour rassurer Yasmind, et le plus pressé c'était son frère et ses parents.
Interrompus par la tante de Yasmine, Hassan avait laissé la jeune femme réitérer ses explications au reste de la famille, à la fois pour des questions de maîtrise de la langue et parce qu'il espérait qu'en verbalisant les choses à son tour Yasmine prenne un peu de recul vis-à-vis de la situation. Comme elle, son oncle avait immédiatement émis l'idée d'emprunter leur connexion internet aux voisins, eux aussi accueillants et prêts à rendre service, et bientôt tous s'étaient retrouvés agglutinés autour de l'ordinateur familial, à retenir leur respiration tandis que la page chargeait quelques vagues informations peu satisfaisantes. Se permettant de prendre la place derrière le clavier, Yasmine avait changé de méthode en chargeant directement la version en ligne du Daily Telegraph, forcément plus loquace sur le sujet que la presse algérienne. Force était pourtant de constater que Qasim n'avait pas trop arrondi les angles concernant les informations qu'il avait donné à Hassan, les journaux n'étaient - pour l'instant - pas beaucoup plus informés et se contentaient de relater cette histoire de grande-roue, de comparer la tempête à celle déjà subie par Brisbane en 2014 et ayant occasionné une quarantaine de blessés, et de disserter sur la fiabilité des prévisions météorologiques à court terme. « On devrait attendre que Qasim rappelle, il a du mettre la radio pour rouler, il aura plus d'informations. » avait finalement conclu Hassan, réalisant après coup qu'il ne s'était adressé qu'à Yasmine, en anglais, et réitérant sa phrase dans son arabe un peu maladroit pour le reste de l'assemblée. Sa main, à nouveau machinalement posée sur l'épaule de Yasmine, semblait désespérément chercher après une quelconque source de réconfort.
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Pour la première fois depuis longtemps – même la présence d’Hassan ne semblait pas pouvoir l’apaiser. Ses mains sur ses épaules ne lui donnant que l’impression étrange qu’il essayait de canaliser une angoisse qu’il était pourtant légitime de ressentir. « Calme-toi, ça ne sert à rien de te mettre dans un état pareil, y'a pas de raison de s'inquiéter pour l'instant. » Si elle n’avait pas eu l’impression de commencer légèrement à étouffer et senti le besoin imminent de sortir de la pièce et l’envie de fuir d’un coup très loin – comme si cette fuite vers l’avant pouvait avoir la moindre chance d’effacer les informations qu’elle venait d’avoir, si elle n’avait pas senti ce besoin prendre le dessus sans doute aurait elle pu s’offusquer du calme d’Hassan. Pas de raison de s’inquiéter ? Une tempête venait de s’abattre sur Brisbane, elle était sans nouvelle de sa famille et de ses amis, et il y avait des morts… Elle se sentait tout de même le droit d’être légèrement inquiète. Et si au fond d’elle, elle savait que les mots d’Hassan se voulaient simplement rassurant elle avait de la peine à les diriger. « Et pas grand-chose. Seulement qu'ils en parlaient partout aux infos quand Qasim s'est levé il y a une heure. La météo avait émis un avis de tempête, mais pour après demain, du coup avec Halloween beaucoup de gens étaient dehors, et ... » « Oh mon dieu… » Son cœur à nouveau avait subi une accélération subite alors qu’elle pensait à la catastrophe qui venait de s’abattre sur la ville qui était la sienne. Sa respiration suivant le rythme effrayé de ses palpitations elle avait senti pendant un instant le besoin de se défaire des mains d’Hassan avant que ses dernières ne remontent sur son visage, l’obligeant à croiser son regard, doux et rassurant. « Mais hey, tes parents ont passé l'âge pour Halloween, et Sohan est un peu vieux pour aller réclamer des bonbons, uh ? » Si évidement sa famille était au centre de ses préoccupations il n’y avait pas qu’eux, il y avait tout cette ville qui l’avait vue grandir et les gens, nombreux auxquels elle tenait, ses amis, ses collègues, elle avait aussi une pensée pour Josh parce qu’au fond elle ne lui avait jamais pardonné sa tromperie et qu’elle se sentait d’un coup idiote. Et si elle ne le revoyait jamais ? Est-ce que leur relation était voué à finir de la sorte ? Une sorte de flou peu amical dans lequel les choses n’avaient été dites qu’à demi mot ? La rupture avait semblé une évidence mais la conversation n’avait jamais vraiment eu lieu… Comme si l’évidence avait pris le déçu, ne leur donnant pas la force pour au moins essayer de se comprendre et de ne pas détériorer totalement une relation qui bien que – sans aucun doute voué à l’échec – avait eu son importance pour Yasmine.
« Y'a pas de raison pour qu'ils aient été dehors, et donc pas de raison non plus qu'il leur soit arrivé quelque chose. Les connaissant ils doivent surtout être en train de s'inquiéter de ne pas pouvoir te joindre pour t'empêcher de te faire du souci. » Un léger sourire avait fendu les lèvres de Yasmine alors que ses yeux balayaient maintenant le sol comme incapable de soutenir le regard d’Hassan - sans savoir pourquoi - peut-être parce qu’il lui faisait du bien et que ce n’était pas une émotion qu’elle était prête à ressentir à cet instant. C’est presque un peu soulagée, qu’elle avait vu sa tante apparaitre et s’était défaite du contact de son ami pour aller à sa rencontre. Elle n’avait pas eu besoin de mot pour que cette dernière comprenne que quelque chose clochait et plutôt que de répéter plusieurs fois les informations, elle s’était rendue dans la grande salle pour en parler à tous. Canalisant ses propres émotions pour parler, elle connaissait assez cette partie de la famille maintenant pour savoir qu’eux auraient plus de peine. Sa tante avait d’ailleurs levé les bras au ciel assez rapidement l’ambiance devenant tendue et surtout très bruyante avant que son oncle ne reprenne la parole, sa voix puissante surpassant le bruit ambiant pour proposer de se rendre chez les voisins comme Yasmine l’avait proposé quelques minutes auparavant à Hassan. Heureusement toute la famille n’avait pas suivi, une partie restant à table alors que chez les voisins Yasmine chargeait péniblement les pages qu’elle pouvait trouver, bien trop pauvre en informations pour elle. Son coeur ratant un battement à chaque nouvelle information.
« On devrait attendre que Qasim rappelle, il a du mettre la radio pour rouler, il aura plus d'informations. » Hochant simplement la tête elle avait laissé Hassan en informer sa famille qui avait quitté petit à petit la petite salle où ils s’étaient entassés pour regarder l’écran d’ordinateur. Finalement il n’y avait plus eu qu’elle et Hassan sa main toujours posé sur son épaule alors qu’elle semblait incapable de bouger, comme si d’un coup une information qu’elle avait loupé allait lui sauter aux yeux. C’est la légère pression de la main d’Hassan qui avait finalement convaincu l’algérienne de quitter l’ordinateur se levant pour lui faire face, la lèvre tremblant elle était restée quelques instants hésitante avant de venir se blottir dans ses bras, peu de temps, quelques secondes à peine, le temps que de les bras d’Hassan, qui l’enveloppait, fassent taire les tremblements inquiet de son corps et de ses lèvres. Il faisait chaud et pourtant elle se sentait gelée encore plus quand elle s’était défaite de son étreinte, bien plus vite qu’elle ne l’aurait habituellement fait. « On devrait aller retrouver ma famille… Mon oncle est très inquiet. » Evidement Hassan n’avait lui aussi pas pu passer à côté, mais gérer l’angoisse de son oncle semblait dissimuler un peu la sienne ce qui n’était pas plus mal.
Plusieurs minutes, elle était restée dans la salle, entourée de cette famille qui était la sienne sans plus trop savoir ce qu’elle ressentait. Assise proche de son oncle elle s’était laissée bercer par les conversations qui tentaient de se faire plus sereine et lui qui racontait quelques vieilles anecdote qu’il avait vécu avec sa soeur et qui donnait l’impression à Yasmine d’entendre parler d’une toute autre femme. Peut-Être qu’au fond elle ne connaissait pas si bien sa mère - ou en tout cas pas autrement que dans son rôle de mère… Finalement elle avait discrètement quitté la table pour se rendre sur le balcon qui surplombait d’à peine de quelques mètre le jardin. Elle était restée seule, quelques instants, respirant à plein poumon pour tenter de se calmer et ne pas laisser les émotions la submerger. Hassan avait raison sur ce point là - pour le moment rien ne laissait penser qu’il ait pu arriver quoi que ce soit à sa famille et c’était idiot de se laisser paralyser par cette peur. Entendant des pas la rejoindre elle avait levé les yeux vers Hassan prenant de suite la parole. « Tu as des nouvelles ? » Secouant la tête de droite à gauche pour répondre négativement il était pourtant venu la rejoindre sur le balcon, laissant le silence prendre le dessus pendant quelques secondes alors que Yasmine continuait de regarder au loin espérant discerner dans l’horizon une pointe d’optimisme qu’elle ne trouvait plus chez elle. Quand finalement elle avait pris la parole le ton de sa voix laissait deviner les remords qui l’envahissaient petit à petit. « J’aurais du être là-bas… » D’un coup elle ne trouvait plus sa place ici alors que quelques minutes auparavant elle lui semblait si évidente. « Je sais même pas pourquoi je suis ici, j’ai l’impression que c’est qu’une sorte de caprice… J’aime ma vie à Brisbane, j’aime être proche de ma famille et pourtant j’ai continué à construire cette sorte d’envie de plus … Comme si je pouvais trouver je sais pas quoi ici et… Et voilà… Je suis là… Alors qu’ils ont peut-être besoin de moi. Alors que chez nous à Brisbane il y a des blessés, des gens que je connais peut-être et que je pourrais aider et je me sens tellement… Inutile… » Elle avait parlé de leur ville à eux deux, parce qu’elle l’avait toujours inclu Hassan dans cette vie à Brisbane et si elle faisait tout pour rejeter cette idée une partie d’elle savait bien que sans le départ d’Hassan elle non plus n’aurait jamais été ici.
Il n'y avait bien qu'à son propre sujet qu'Hassan n'était pas capable de rationaliser, et si depuis quelques mois cela tendait à lui mettre régulièrement des bâtons dans les roues concernant sa dépression, dans de rares occasions telles que celle à laquelle ils se retrouvaient actuellement confrontés cela pouvait s'avérer utile. C'était sa manière à lui de tenter de se rassurer, et c'était aussi le seul moyen à sa disposition pour tenter de calmer - sans grand succès - l'inquiétude grandissante de Yasmine concernant le sort des personnes qui leur étaient chères. Yasmine avait besoin de laisser éclater son inquiétude et de courir après des informations qui ne venaient pas pour tenter de s'occuper l'esprit, quand Hassan lui avait besoin de mettre de la distance entre lui et les événements dont ils venaient d'être informés, comme pour les séparer autant que possible de la réalité ... d'où une certaine incompréhension mutuelle que seul le fait d'avoir d'autres chats à fouetter empêchait de s'envenimer. Laissant silencieusement la jeune femme charger des pages et des pages d'informations aussi vagues que frustrantes, ses narines se pinçant parfois avec angoisse lorsqu'une phrase retenait particulièrement son attention, il avait la fausse impression d'être resté en apnée jusqu'à ce que Yasmine relève enfin les yeux vers lui. Il ne restait plus qu'eux dans la pièce, ils auraient pu tourner les talons à leur tour mais Hassan se sentait englué par la nécessité de devoir dire quelque chose sans pour autant savoir quoi ... Ne t'inquiètes pas ? Il était trop tard pour ça. Ça va aller ? Il n'en savait rien. Je suis désolé ? Ce n'était pas le sujet, et probablement pas ce qu'elle avait envie d'entendre à en juger par la manière dont elle semblait se dérober sous ses doigts. Même la courte étreinte qu'elle avait fini par initier semblait bancale, et déposant ses lèvres contre la tempe de Yasmine Hassan l'abait laissée s'échapper à nouveau et souffler « On devrait aller retrouver ma famille … Mon oncle est très inquiet. » avant de suivre sans broncher, n'ouvrant la bouche que pour remercier les voisins de leur hospitalité passagère.
L'ambiance oppressante qui s'était installée dans la pièce où s'entassaient les membres de la famille de Yasline avait eu raison de la volonté d'Hassan de faire bonne figure, et l'air morne et incapable de lâcher des mains son téléphone portable il s'était installé dans un coin et avait tenté de se faire oublier. Il ne se sentait ni à sa place ni à son aise, s'auto-reléguant au rang d'intrus ayant gâché la soirée en devenant le colporteur de la mauvaise nouvelle qui occupait désormais tous les esprits. Il avait suivi Yasmine des yeux tandis qu'elle quittait la pièce, et laissant passer plusieurs minutes durant lesquelles il s'était occupé du fil qui dépassait d'une des coutures de son jean, puis avait échangé quelques mots avec la tante de la jeune femme lorsqu'elle s'était adressée à lui, avant de finalement rejoindre le balcon à son tour. « Tu as des nouvelles ? » La question était venue presque instantanément, à peine avait-elle posé les yeux sur lui, et l'air desolé il avait secoué doucement la tête. Toujours rien, non, mais il n'avait pas osé lui dire que si le temps semblait s'etirer atrocement le coup de téléphone initial de Qasim ne remontait qu'à deux heures à peine. Bien trop peu encore, compte tenu de la distance séparant Sydney et Brisbane. « J’aurais du être là-bas … » Accoudé lui aussi à la balustrade, il avait quitté des yeux le paysage qu'il fixait sans le voir, et reporté son attention sur Yasmine tandis qu'elle reprenait « Je sais même pas pourquoi je suis ici, j’ai l’impression que c’est qu’une sorte de caprice… J’aime ma vie à Brisbane, j’aime être proche de ma famille et pourtant j’ai continué à construire cette sorte d’envie de plus … Comme si je pouvais trouver je sais pas quoi ici et … Et voilà … Je suis là … Alors qu’ils ont peut-être besoin de moi. Alors que chez nous à Brisbane il y a des blessés, des gens que je connais peut-être et que je pourrais aider et je me sens tellement … Inutile … » Hassan avait senti un léger frisson lui parcourir les bras et la colonne, mais était à peu près certain que cela n'avait rien à voir avec la température extérieure, bien que fraîche avec la nuit qui était tombée. « Si tu étais là-bas c'est de toi dont on n'aurait plus de nouvelles ... » Bien qu'entièrement hypothétique, cette pensée avait rajouté une couche supplémentaire à l'angoisse qui animait déjà le brun. « Ça ne sert à rien de penser à ça ... c'est pas le genre de chose qu'on aurait pu prévoir. » Il y avait pensé pourtant, lui aussi, et il s'était senti bien puni d'avoir choisi de faire preuve d'égoïsme - pour une fois, s'était-il dit - en choisissant de faire quelque chose pour lui plutôt que pour les autres. « On s'inquiète pour rien. Je suis sûr qu'on s'inquiète pour rien. » Il n'était pas sûr, mais en revanche assez superstitieux pour croire que le dire à haute-voix forcerait le destin. La gorge sèche, il avait reporté à nouveau son regard sur le paysage avec la sensation que rien de ce qu'il dirait n'y changerait quoi que ce soit, et que le mieux était sans doute d'attendre des nouvelles de son frère.
Ils n'avaient pas dormi, aucun d'entre eux, Yasmine et Hassan avaient regagné l'intérieur, Hassan avait retrouvé sa place en retrait dans un coin du salon, et le temps semblait avoir joué avec leurs nerfs jusqu'à ce que d'un ton autoritaire l'oncle envoie tout le monde se coucher tout en sachant probablement que personne ne fermerait l’œil, même depuis le fond de son lit. Hassan partageait la chambre de l'un des cousins de Yasmine, et le bras calé derrière sa nuque il avait fixé le plafond sans parvenir à estomper la lourdeur dans sa poitrine. D'abord obnubilé par les trois Khadji l'esprit d'Hassan avait progressivement vagabondé du côté du reste de ses proches, les amis, les collègues, ou même les connaissances dont les visages s'entrechoquaient dans son esprit. L'aube était arrivée avec une lenteur extrême, et avec elle la vibration du téléphone que le brun avait gardé dans sa main sans résoudre à s'en séparer. D'avoir envoyé tout le monde au lit n'avait pas convaincu l'oncle de Yasmine d'en faire autant, et c'était donc à lui qu'Hassan avait annoncé la nouvelle rassurante, avant de s'autoriser à pénétrer dans la chambre de Yasmine pour la trouver éveillée, et les yeux rivés sur lui à peine avait-il passé la porte. « Ils vont bien. » Inutile de tourner autour du pot, autant la débarrasser au plus vite de ce qui constituait le plus gros de son angoisse. « La toiture de tes parents a un peu souffert, Qasim va retourner sur place pour s'en occuper et éviter que ton père se mette en tête de le faire lui-même ... Sohan n'avait pas bougé de chez lui. » Rien de nouveau sous le soleil, en somme. S'asseyant au bord du lit, continuant de parler à voix basse sans trop savoir pourquoi, il avait repris « Ton oncle propose de nous ramener à Alger ce matin, il s'est dit que tu voudrais sans doute rentrer. » Et par là il voulait dire rentrer à Brisbane, et non pas simplement dans la capitale algérienne.
I TRIED CARRYING THE WEIGHT OF THE WORLD BUT I ONLY HAVE TWO HANDS, HOPE I GET THE CHANCE TO TRAVEL THE WORLD BUT I DON'T HAVE ANY PLANS. WISH THAT I COULD STAY FOREVER THIS YOUNG, NOT AFRAID TO CLOSE MY EYES, LIFE'S A GAME MADE FOR EVERYONE AND LOVE IS THE PRIZE.
Elle ne voulait pas être cette fille faible, celle qui flanche, qui pleure, qui a besoin d'être entourée pour supporter les épreuves de sa vie. Combien de fois avait elle tenté de convaincre Hassan, de lui montrer qu'elle n’était plus la gamine fragile qu'elle avait été. Ne restait plus qu'à se prouver à elle même qu'elle en était capable aujourd’hui. Evidement une partie d'elle avait envie de se blottir dans les bras rassurant de son ami et de le laisser tout gérer mais c'était une fierté un peu cruelle qui semblait prendre le dessus. Elle ne s'était permise qu'une brève étreinte avant de quitter la maison de ses voisins, refusant de se laisser totalement envahir par la peur qui manquait de la tétaniser. Après plusieurs minutes entourée de sa famille, dans une ambiance qui commençait à l'oppresser elle avait quitté la salle, rejoint quelques minutes plus tard par Hassan. Elle n'aurait su dire si la solitude lui convenait mieux à cet instant, mais plutôt que de laisser son esprit vagabonder en solitaire elle avait partagé une partie de ses remords avec Hassan, sans savoir si ses mots feraient écho et quels pouvaient bien être son état d'esprit. Trop occupée à tenter de s’auto-gérer, elle en avait presque oublié d'être une amie et de s'inquiéter aussi pour lui. Hassan avait déjà perdu beaucoup dans sa vie et il semblait enfin se remettre sur pieds alors la simple idée que cette tempête le fasse replonger lui arrachait un nouveau frisson de panique. Mais il semblait - heureusement - pour le moment, bien plus calme qu'elle - du moins en surface. « Si tu étais là-bas c'est de toi dont on n'aurait plus de nouvelles ... » Relevant les yeux sur lui sans savoir décrypter les traits de son visage elle n'avait pu s'empêcher de corriger. « Dont tu n'aurais pas de nouvelles... Le reste de la famille ne serait sans doute même pas au courant de la tempête. » Un soupçon de reproche semblait peser dans sa voix. En partie parce que même si ça n'était pas de sa faute il était le messager mais peut être aussi parce qu'il était là - et autant qu'elle ne savait plus trouver sa place ici, celle d'Hassan lui paraissait d'un coup tout aussi floue - peut être même plus.
« Ça ne sert à rien de penser à ça ... c'est pas le genre de chose qu'on aurait pu prévoir. » Il avait raison et elle le savait bien mais poussant un soupire elle avait fini par tourner son visage vers lui pour enfin lui faire face. « J’arrive pas à faire autrement Hassan ! Je sais pas compartimenter, je sais pas ne pas y penser, mettre ça dans une boîte au fond de mon esprit. Et l'y laisser… Même momentanément. » C'était d'ailleurs cette même incapacité qui avait crée plus d'un fois des tensions entre eux. Rancunière n'était probablement pas le mot, car pardonner et passer autre chose ne lui était pas impossible mais quand quelque chose la touche il lui est bien difficile de le mettre de côté pour se concentre sur autre chose. « On s'inquiète pour rien. Je suis sûr qu'on s'inquiète pour rien. » Cette fois elle n'avait rien répondu, son regard se fixant à nouveau au loin, bien consciente que, comme elle, Hassan n'en savait rien mais que ses mots étaient une tentative désespérée pour se rassurer.
Le silence avait pris place entre eux pendant de longues secondes avant qu'ils ne retrouvent le reste de la famille dans une ambiance pas beaucoup plus agréable. Quand finalement forcée par son oncle elle avait retrouvé sa chambre, l'endroit lui avait semble d'un seul coup bien sombre et froid. La cousine avec qui elle partageait cette chambre était partie à Alger pour quelques jours et dans la solitude de cette pièce elle avait été incapable de trouver le sommeil. Son esprit imaginant les horreurs que la ville avait dû vivre sans lui laisser de répit. Dans sa tête se dessinaient les scénarios les plus horribles pour sa famille et ses proches. La solitude ne lui étant de toute évidence pas favorable, elle n'avait fait quoi de creuser un peu plus ses cernes et lui arracher parfois un frisson d'horreur. Elle n'avait même pas pris la peine de se changer, consciente qu'elle ne pourrait jamais dormir, elle était restée assise sur son lit à contempler un mur sans intérêt jusqu'à ce qu'après ce qui lui avait semblé être une éternité Hassan ne vienne la trouver dans sa chambre. Son regard se posant dans le sien alors que son cœur semblait tenter d'un coup de s'extirper douloureusement de sa poitrine. « Ils vont bien. » Toute la tension se relâchant d'un coup Yasmine avait soudainement senti son corps lui échapper alors qu'elle menait sa main à sa bouche, les larmes lui montant rapidement aux yeux. « La toiture de tes parents a un peu souffert, Qasim va retourner sur place pour s'en occuper et éviter que ton père se mette en tête de le faire lui-même ... Sohan n'avait pas bougé de chez lui. » Hochant la tête de haut en bas à chacun de se mots Yasmine n'avait momentanément été capable de rien d'autre. « Ton oncle propose de nous ramener à Alger ce matin, il s'est dit que tu voudrais sans doute rentrer. » Continuant de hocher la tête elle avait mis un temps conséquent avant de répondre un simple « Oui » Qui avait suffi pour lui faire lâcher définitivement la pression. Son corps prit de tremblement alors que les larmes inondaient ses joues, mélange de bonheur et de tristesse qu'elle ne pouvait plus contrôler. Quelques hoquets secouaient déjà son corps alors qu'Hassan se rapprochait d'elle et qu'enfin elle de laissait aller contre lui, s’accrochant à son T-shirt comme pour éviter de dériver, alors que ses larmes coulaient maintenant dans le nuque du jeune homme où elle était venue nicher sa tête. « Merci. » Un simple mot qu'elle glissait à son oreille, parce que même si elle ne l'avait pas montrer, l'avoir auprès d'elle avait été une réelle aide. Tout comme la façon si calme dont il avait géré la situation.
Pendant de longues minutes, elle était restée contre lui, jusqu'à ce que les larmes ne se calment et qu'elle se décroche enfin, regardant les dégâts causés sur les vêtements d'Hassan par son flot de larmes. Passant sa main sur son épaule elle avait murmuré une « Désolé » avec un léger sourire alors qu'elle se levait suivit pas le jeune femme. « On devrait y aller... Je veux rentrer chez nous… » Son oncle avait vu juste sur ce point, elle ne voyait aucune autre solution et à peine deux heures plus tard ses affaires étaient bouclées et les adieux à sa famille fait.
Le voyage jusqu'à Alger avait été plutôt silencieux bien que la lourdeur dans l'air se soit dissipée depuis la bonne nouvelle d'Hassan. Elle lui avait laissé la place à l’avant dans la voiture, de quoi donner à son oncle l'occasion de lui parler un peu de l'Algérie qu'il connaissait bien mieux que Yasmine et dont il aimait parler. Arrivés à l’aéroport, son oncle les avait quitté là, pensant - sans doute à raison - qu'ils avaient besoin d'un moment seuls. Tous deux se rendant au premier guichet de last minute pour avoir des informations. Comme par automatisme la main de Yasmine était venue chercher celle d'Hassan alors qu'elle commençait à sentir la fatigue la saisir. Seul un couple était avant eux au guichet, mais ils semblaient longuement hésiter sur la destination ce qui avait laissé à Yasmine le temps de glisser un timide. « Peut-être que tu devrais aussi rentrer ? » En vrai elle avait envie de lui demander de le faire, de lui dire qu'elle avait besoin de lui, envie qu'il soit là, parce qu'au delà de sa famille qui allait bien, elle ne savait pas ce qu'elle allait retrouve à Brisbane, elle avait peur… Mais la simple idée d'un refus dans ce cas là lui était bien trop difficile à encaisser.
L'australien avait la sensation de marcher sur des oeufs, et pouvait presque les sentir se craqueler malgré toutes les précautions prises pour l'empêcher. Il avait appréhendé ces quelques jours en Algérie pour tout un tas de raisons, et s'était rassuré par le fait que c'était Yasmine elle-même qui lui avait demandé de venir et qu'ils ne s'étaient pas vus depuis suffisamment longtemps pour avoir de toute façon un tas de choses à se dire et à rattraper ... Maintenant il ne savait plus. Il ne savait pas réellement ce qu'elle était en train de lui reprocher, si c'était simplement d'être là, ou d'être le messager d'une mauvaise nouvelle ... ou bien qu'elle-même soit là parce qu'il lui en avait soufflé l'idée. Il avait tenté de se raisonner, mis cela sur le compte de la fatigue et de l'inquiétude, mais après avoir tenté à nouveau de la rassurer en vain et l'avoir écoutée rétorquer « J’arrive pas à faire autrement Hassan ! Je sais pas compartimenter, je sais pas ne pas y penser, mettre ça dans une boîte au fond de mon esprit. Et l'y laisser … Même momentanément. » il avait simplement détourné le regard pour fixer à nouveau le paysage, et n'avait plus cherché à dire quoi que ce soit d'autre. Elle semblait penser que lui ne s'inquiétait pas assez, ou pire, qu'il ne s'inquiétait pas tout court ... Mais elle le connaissait. Elle savait comment il fonctionnait, cette tendance à absorber sa propre angoisse pour ne pas l'ajouter à celle des autres. Essayer de rassurer les autres c'était son moyen à lui de garder la tête froide.
Silencieux pendant presque tout le reste de la soirée, Hassan n'avait échangé que quelques mots avec la tante de Yasmine avait que l'oncle n'envoie tout le monde se coucher, d'un ton qui ne donnait pas envie d'essayer de négocier. Le brun doutait que quiconque ait trouvé le sommeil pourtant, la nuit avait semblé s'étirer pendant des heures, et dans l'obscurité de la chambre avec pour seul point d'observation le plafond usé il n'y avait plus rien eu pour l'empêcher de penser, d'extrapoler, de s'inquiéter. Et parce qu'il se doutait qu'il en avait été de même pour Yasmine, peut-être même pire, il n'avait ni patienté ni cherché à y mettre les formes pour lui transmettre les nouvelles que Qasim venait de lui apporter. Un peu pris au dépourvu lorsque son « Oui. » s'était mué en sanglots, et soudainement incertain quant à la conduite à adopter vis-à-vis de la jeune femme, Hassan avait malgré tout fait un geste dans sa direction et l'avait laissée se blottir contre lui tandis que les larmes la submergeaient. Lui se sentait éteint, comme si chaque mot, chaque larme et chaque réaction restait coincée en travers de sa gorge sans parvenir à s'échapper, alors faute de savoir quoi faire de ses propres émotions il laissait Yasmine se délester des siennes, un bras enroulé autour de ses épaules et le bout de ses doigts caressant lentement ses cheveux « Merci. » La gorge serrée, le brun avait resserré un peu son étreinte sur Yasmine et déposé un baiser sur son front, l'angoisse latente et que sa conversation avec Qasim n'avait pas estompée toujours présente, et mêlée au malaise que le ton de reproche employé par la jeune femme avait fait poindre chez lui la veille.
Laissant à Yasmine le temps dont elle avait besoin pour retrouver ses esprits, et tachant de retrouver les siens par la même occasion, Hassan avait été peu à peu capable de se défaire de l'éventualité affreuse qui avait tourné en boucle dans son esprit toute la nuit : l'image d'une Yasmine inconsolable et piégée dans la même situation que lui vingt ans plus tôt, en perdant ses deux parents d'un seul coup. La chair de poule parcourant momentanément ses bras, il avait laissé sa tête reposer quelques instants contre celle de la jeune femme, attendant patiemment qu'elle se décharge de toutes les larmes qu'elle semblait accumuler depuis la veille. « Désolée. » Son tee-shirt couvert de larmes, Hassan avait secoué doucement la tête et embrassé Yasmine sur la joue avant de se résoudre à la lâcher, attrapant sa main tandis qu'elle se levait en annonçant « On devrait y aller ... Je veux rentrer chez nous … » Chez eux. Acquiesçant, le brun s'était levé à son tour et tous les deux avaient rejoint le salon, où l'oncle n'était plus seul et s'était déjà chargé de transmettre la bonne nouvelle à ceux qui avaient quitté leur lit. Ils n'avaient d'ailleurs pas tardé, et simplement attendu que tout le monde soit debout pour saluer, remercier de l'hospitalité et finalement prendre la route. Bien que toujours un peu préoccupé, Hassan avait observé le paysage avec plus d'attention qu'à l'aller, et tenu volontiers la conversation avec l'oncle de Yasmine. Il lui rappelait un peu le père de la jeune femme, dans son tempérament, mais son côté bavard le rapprochait en revanche beaucoup plus de la mère de cette dernière.
Seulement une fois arrivés à l'aéroport s'étaient-ils rendu compte qu'ils avaient peut-être un peu surestimé leur volonté de trouver dans la seconde des billets d'avion pour rejoindre l'autre côté de la planète, mais puisqu'ils n'avaient de toute façon rien à perdre ils s'étaient posté dans la file d'attente, derrière un couple dont l'hésitation maladive laissait supposer que leur tour à eux ne viendrait pas tout de suite. « Peut-être que tu devrais aussi rentrer ? » La main de Yasmine et la sienne toujours entrelacées, Hassan avait rétorqué avec un léger sourire « Tu comptais me laisser ici, sinon ? » Pourtant elle venait de soulever un point auquel il n'avait jusque-là pas eu le temps ou l'esprit de penser : prendre des billets pour l'Australie, ou repasser d'abord par Téhéran. Pris d'un brin d'angoisse et d'hésitation, il avait repris « Faut que je repasse par Téhéran, j'ai ... des choses à récupérer. » Des choses qu'il ne pouvait pas - et ne voulait pas - faire rapatrier par colis. Ses doigts s'échappant de ceux de Yasmine, il avait secoué légérement la tête « Mais ça prendra qu'une journée ou deux, je vous rejoindrais vite ... profite de tes parents, en attendant. » C'était sans doute mieux ainsi, de toute façon. De la même manière qu'Hassan s'était subitement senti de trop dans cette famille qui s'était inquiété pour les siens toute la nuit, il craignait d'être un peu de trop dans les retrouvailles de Yasmine avec ses parents ... Après l'histoire de la montre, qui semblait l'avoir contrariée (à raison), Hassan n'avait pas envie d'ajouter d'huile sur le feu. « C'est à nous ... » Le couple devant eux semblait en effet s'être mis d'accord, et Yasmine et lui s'étaient avancés à leur tour, ensembles, bien qu'en partance pour deux destinations différentes.