Suite à un après-midi entier dédié aux visites d’appartement, l’agent et moi sommes en voiture sur le chemin du retour à son bureau sans proposition d’achat à signer ; non pas que les biens de qualité manquent et qu’aucun des logements n’a retenu mon attention, au contraire, certains m’ont bel et bien tapé dans l’œil, néanmoins pareil investissement mérite réflexion et il me faut maîtriser un minimum mes impulsions d’achat afin de ne rien regretter. Plutôt que de tourner en direction du centre-ville, l’homme se permet un détour, un rictus malicieux au coin des lèvres qui me laisse des plus perplexes. Cela est bien connu, je ne suis pas un adepte des surprises, et si l’agent se croit malin pour le moment, il pourrait m’agacer et se sentir bien idiot si son détour impromptu vient à me déplaire. Mon regard ne le quitte pas, attendant ses explications. « Je sais que vous vouliez spécifiquement un appartement, néanmoins, maintenant que nous avons visité tous ceux que nous avions sélectionnés, je me permets de vous suggérer un autre bien. » En respirant profondément, je ravale une réplique assassine sur la prétention de ces commerciaux qui sont persuadés de mieux connaître les besoins des clients que les clients eux-mêmes, ou tentent de le leur faire croire, dans le seul but de piéger leur porte-monnaie –et que s’il pense m’avoir comme n’importe quel pigeon, il finira avec un client en moins. Dans un élan de magnanimité, j’accorde le bénéfice du doute à l’agent et le laisse me mener à l’habitation en question. Pendant une dizaine de minutes, nous longeons l’esplanade à quelques mètres de la plage, et au bout de celle-ci, au sommet d’un léger relief surmontant le port, la voiture s’arrête. A pas tranquilles, nous approchons et entrons dans la demeure. « C’est une maison d’architecte, le design est superbe comme vous pouvez le voir, ni trop grande, ni trop petite pour vous seul. L’intérieur est incroyablement lumineux, le terrain immense, et, le grand plus : elle se situe au bout de l’esplanade, assez en retrait, juste face à la plage et au port. Il vous suffira de traverser la rue pour avoir les pieds dans l’eau. » fait-il l’éloge pendant que je fais le tour de chaque espace, sans écouter cette voix qui n’est qu’un lointain écho entre ces murs blancs. La maison est en plein pied et comporte une mezzanine. Elle sent le neuf et la modernité. Le sol en bois clair, irrégulier, apporte une touche rustique. Les grandes fenêtres donnent sur la baie et le jardin. Avec un coup de peinture ici et là, quelques bons éléments de décoration, l’aspect encore trop neutre et aseptisé disparaîtra. C’est la première fois de la journée qu’en posant les yeux sur un coin d’une pièce, mon imagination peut immédiatement y projeter un meuble. « Je crois que vous m’avez eu. » dis-je en rejoignant l’agent. « Je la prends. »
Nous signons le lendemain, en trois jours la maison est à moi, et le déménagement débute. Je passe tout mon temps libre à m’approprier ces murs trop blancs afin d’occuper mon esprit et mes dix doigts. Les meubles trouvent leur place dans l’espace comme si leur emplacement leur avait toujours été destiné. J’avoue qu’en un rien de temps, je commence à me sentir chez moi. Et je sais d’avance que les soirées passées à admirer le coucher de soleil sur la baie depuis l’un des fauteuils anglais du salon avec un thé ou un verre de vin seront mes moments préférés. Contrairement à Joanne, je n’ai pas le réflexe de préparer la chambre de Daniel, ou du moins je m’en empêche sachant qu’elle ne sera pas occupée dans l’immédiat. Cela attendra. En quelques jours, même si je croule sous les cartons, l’intérieur commence à avoir de l’allure. Et c’est alors que je termine ce coup de peinture grise dans la salle à manger que mon téléphone sonne un rappel de mon agenda pour ce vernissage auquel j’avais promis d’être présent. Où je dois être dans une heure. J’abandonne tout dans la précipitation et me jette sur les housses de mes costumes. Le premier ensemble gris fera l’affaire. Ma main pioche du noir et un noeud papillon. Qu’importe.
Une demi-heure plus tard, finalement prêt bien plus rapidement que je ne l’aurais cru, je saute dans ma voiture pour rejoindre le centre-ville. Et puisque j’ai le temps, je songe à faire un crochet par la maison de Joanne, ne serait-ce que pour dire bonsoir à Daniel et savoir comment avance son propre emménagement. Une visite de courtoisie, appelons cela ainsi. L’Aston Martin détonne un peu plus à Toowong qu’à Logan City et les regards admiratifs ou jaloux se posent dessus par dizaines. Lorsque je me gare face à la petite maison blanche, plus d’un voisin se demande qui mérite ici la visite d’un homme visiblement fortuné. La petite blonde, toujours brune, ouvre la porte et laisse échapper à l’extérieur les petits gloussements d’un bébé qui semble bien s’amuser à faire clignoter les boutons musicaux. « Je passais dans le quartier. » Petit mensonge qui ne fera de mal à personne pour justifier ma venue. « Je me suis dit que j’allais faire un saut pour voir mon fiston. » Sachant que la jeune femme ne me le refusera certainement pas ; ce n’est le temps que d’un câlin, d’un bisou, et d’un bonne nuit qui me donneront un peu de courage pour la soirée. Mon regard glisse sur Joanne de haut en bas. Alors seulement je remarque l’élégante robe qu’elle revêt ce soir, le chignon soigné, la touche de maquillage. « Tu vas quelque part ? » je demande en arquant un sourcil, quitte à me montrer indiscret.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
L'intérieur n'avait pas vraiment bougé. La seule chose que Joanne avait fait était de monter la bibliothèque du séjour. Elle était assez large, en bois de pin. Elle l'aimait beaucoup. Mais il n'y avait toujours rien d'accroché sur les murs, sa chambre à elle était toujours dans le même état. Les prochains avancement devront attendre la prochaine paie. Malgré tout, Daniel semblait beaucoup s'y plaire. Il avait beaucoup de place pour se déplacer à quatre pattes, à jouer avec les chiens qu'il tentait sans cesse de rattraper. Jeux qui restaient tout de même sous haute surveillance. La jeune femme était loin d'être prête, elle attendait la baby-sitter. Triée sur le volet, après de très longs entretien. C'était une étudiante de médecine, qui avait un studio dans le quartier. Joanne l'avait déjà présenté à Daniel, mais elle voulait quand même qu'elle vienne avec un peu d'avance pour qu'ils apprennent à se connaître. Pile à l'heure, la dénommée Suzie sonna à la porte. Elle avait un excellent contact avec les enfants, elle disait vouloir être pédiatre. Les deux femmes échangeaient quelques mots avant que l'étudiante n'aille occuper Daniel avec ses jeux. Joanne les observait un moment avant d'aller à l'étage pour aller se doucher et se préparer. Elle avait enfilé une robe pourpre assez cintrée, et fit quelques tresses africaines afin de faire un chignon. Joanne n'avait réussi qu'à retirer sa bague de fiançailles la veille, pour la mettre dans une toute petite boîte. Lorsqu'elle l'avait enlevé, elle avait l'impression de s'être arraché une partie d'elle-même. Et lorsqu'elle l'avait en main, elle trouvait que la pierre rose la narguait sans cesse, lui rappelant tout ce qu'elle aurait pu avoir si elle n'avait pas fait n'importe quoi. Deux nouvelles plaies supplémentaires qui la firent pleurer toute la nuit. Les plus beaux bijoux qu'elle avait lui avaient offert par Jamie. Elle enfila le bracelet argent qui avait une forme de branche, elle l'aimait énormément. Et une simple paire de boucle d'oreilles, rien de plus. "Vous êtes magnifique, Miss Prescott." dit Suzie avec admiration. Cette dernière était assise par terre à côté de Daniel, qui tenait certainement à lui montrer fièrement tous ses jouets musicaux et lumineux. La sonnette de la porte retenti, et elle vit Jamie élégamment habillé. "Bien sûr. Entre." dit-elle doucement en libérant le passage afin qu'il puisse accéer au séjour. Jamie la regarda de haut en bas et fut piqué par sa curiosité. "Oui." dit-elle tout bas, en baissant les yeux. "J'ai été invitée à un vernissage." Et elle ne savait pas trop pourquoi elle y avait été conviée d'ailleurs. Joanne avait été certes conservatrice, mais elle préférait bien plus les objets historiques que les peintures les plus récentes. Ewan disait que c'était grâce à sa notoriété qu'elle y avait accès. Il lui avait conseillé de sortir. Il fallait bien qu'elle sorte à nouveau, qu'elle fasse quelque chose. Saul avait dit qu'elle devrait passer du temps pour elle, mais ce n'était pas pour elle. C'était pour l'image de la fondation. Elle ne savait même pas si elle était en mesure d'apprécier de passer une soirée. Elle avait eu Moira au téléphone qui ne cessait de lui dire que ça ne lui ferait que du bien. Et que dans le pire des cas, elle pourra rentrer quand elle le voudra. Joanne ne lui retournait pas la question. Il était de sortie ce soir, et cela n'avait rien de surprenant. Le savoir si près d'elle lui faisait un sacré pincement au coeur. "Daniel, regarde qui est venu te dire bonjour." dit-elle en s'adressant à leur fils, qui se précipitait à quatre pattes vers son père pour être porté et pour pouvoir le câliner. Pendant ce temps, Joanne rappelait quelques consignes à la baby-sitter, et lui fournit également tous les numéros de téléphone si besoin. Daniel appela sa mère, celle-ci s'approche. Il s'agrippa à sa robe, mais ne semblait pas pour autant vouloir se détacher de son père. Un peu gênée, Joanne prit ses petites mains dans les siennes. "On ne peut plus faire de câlins comme ça, mon chéri." lui dit-elle tout bas. Plus de câlins à trois. Cela sonnerait comme une fausse famille. Ils n'en étaient plus une. Daniel était encore trop jeune pour le comprendre. "Maman va devoir y aller. Tu vas montrer tes autres jouets à Lucie ?" lui dit-elle en souriant. Elle laissait Jamie l'embrasser et le câliner encore un peu avant de laisser le tour à la mère de l'enfant. "Tu es sage, avec Suzie, d'accord ? Je viendrais te chanter une berceuse quand je sera rentrée." Joanne l'embrassa longuement avant de le confier à la baby-sitter. Elle récupéra ensuite une veste légère et son sac à main avec les clés de voiture, prête à partir.
Je suppose immédiatement que Joanne a un rendez-vous. Un rendez-vous galant, j’entends. C’est une belle femme, jeune, désormais célibataire, et son fils ne doit pas être un si grand frein que cela pour les prétendants dont j’ai déjà maintes fois croisé le regard lors des soirées où nous nous rendions tous les deux, et dont nous nous amusions, à l’époque, à transformer l’admiration et le désir en jalousie. Il ne serait guère étonnant que l’un d’eux ait profité de la situation pour faire un pas vers Joanne dans l’espoir de voir ses avances aboutir –et un chanceux lui a donc proposé de sortir ce soir. Si tôt, cela m’étonne de sa part. Néanmoins, elle peut avoir envie de tourner la page bien plus vite que cela n’a été le cas avec son ex-mari, dont la séparation lui a demandé plus d’un an de deuil. L’idée que Hassan puisse être l’homme qui l’a invitée ce soir me traverse l’esprit. Je n’en serais pas étonné. N’ai-je pas toujours dit que ces deux-là s’aiment encore ? Quoi qu’il en soit, Joanne est ravissante, et si elle s’est faite belle, ce n’est pas pour moi. Ce qui est étrange à digérer sur l’instant, il faut l’avouer. Je ne m’autorise même pas un compliment qui puisse être mal interprété, et étouffe la pointe de jalousie qui aurait pu se glisser dans ma question sans en avoir le droit. « Oh, moi aussi. » dis-je avec un sourire. Je suppose que les vernissages sont légions les soirs de fin de semaine. Et si rendez-vous il y a, cela prouverait une belle tentative de s’intéresser au premier monde auquel Joanne a appartenu, celui des musées et de l’art –tentative ratée car elle ne s’intéresse pas à l’art contemporain mais aux œuvres gorgées d’histoire datant de bien avant notre siècle. L’homme se sentira donc idiot, et j’en tirerai un minimum de satisfaction en m’imaginant une expression nerveuse sur un visage jusqu’à présent trop sûr de lui. C’est rassuré par cette certitude que j’entre dans la maison et trouve Daniel sur son tapis de jeu en compagnie d’une jeune femme qui sera sûrement sa baby-sitter pour la soirée. Je m’empêche de demander pourquoi elle et non les parents de Joanne qui se font habituellement un plaisir de garder leur petit-fils, mais j’ai cru comprendre que mon ex-fiancée souhaite mettre de la distance entre eux afin de ne pas étouffer sous une montagne de pitié et de compassion. Lorsque Daniel remarque ma présence, il abandonne ses jouets et se précipite jusqu’à mes pieds. Je le soulève du sol et le serre dans mes bras en lui collant un baiser sur la joue. « Bonsoir bonhomme ! On fait de la musique à ce que j’ai entendu. » Il ne répond qu’avec un cri strident d’enthousiasme qui signifie sûrement un oui. « Tu vas bientôt avoir ta chambre chez papa, je vais commencer à l’aménager dès que j’aurai le droit de te voir plus souvent. La maison est magnifique, tu verras. » Il me semble qu’en quelques jours, mon nouveau chez moi a finalement plus avancé que celui de sa mère. Peut-être attend-t-elle une livraison de meubles, ou de l’inspiration pour son intérieur. Peut-être n’en a-t-elle pas le temps. Lorsque Joanne revient vers nous, le petit garçon se veut entremetteur en réclamant un câlin de famille que la jeune femme lui refuse. Sans comprendre, il ne lâche pas la robe de sa mère avant quelques longues secondes. « A la prochaine, Daniel. On se revoit vite. » je lui murmure. Puis je l’embrasse sur la tempe. « Je t’aime. » Enfin, je le rends à Joanne. D’un rapide coup d’œil, je vérifie qu’il n’y a ni traces de bave ou mauvaise pliure sur mon costume qui manqueraient d’esthétisme, et il n’en est rien. Alors je relève la tête, adresse un « Bonne soirée. » poli à la dénommée Suzie à qui je n’ai pas vraiment prêté attention jusqu’à présent, et sors de la maison juste avant Joanne qui ferme la porte derrière elle. « Où a lieu le vernissage auquel tu te rends ? » je demande par curiosité, et non pour m’y rendre en catimini afin d’espionner la jeune femme. Mes pas me guident doucement jusqu’à ma voiture garée juste devant le jardin. « Le mien est à la Galerie Edwina Corlette. S’il est sur ma route je peux te déposer. » Proposition sûrement aussi maladroite qu’absurde. Si je la dépose, Joanne devra rentrer en taxi, ce qui est ridicule lorsque l’on peut s’éviter des frais inutiles de ce genre. Sans oublier l’évident malaise qui régnera sur le chemin.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Le hasard voulait qu'ils se rendent tous les deux à un vernissage. Une coïncidence qui sonnait surtout comme étant étrange. Elle échangea un très bref sourire avec lui. Joanne devinait qu'il se posait une multitude de questions. Elle n'arrivait plus à le cerner comme elle le pouvait, ou à savoir quelles étaient ses pensées. La jeune femme en était certainement toujours capable dans le fond, mais de nombreux freins l'empêchaient de retrouver cette faculté. Joanne n'était accompagnée par personne, elle y allait seule. Elle ne comptait pas vraiment à avoir d'office une présence masculine à longueur de soirée qui pourrait finir par lui déplaire. Jamie profitait donc de quelques minutes avec son fils, à discuter, à câliner d'autant qu'il le pouvait. Après que leur enfant ait tenté de réclamer une accolade à trois, il était temps de dire au revoir, chacun son tour. Joanne salua également la baby-sitter et elle ferma la porte d'entrée derrière elle. Curieux, Jamie demandait pendant qu'ils marchaient à quelle vernissage il se rendait, précisant par la suite celui où lui était convié. Joanne s'arrêta net et le regarda longuement lorsqu'elle réalisait qu'ils se rendaient au même endroit. Elle était d'autant plus surprise qu'il vienne lui proposer de l'y emmener, où qu'elle aille. Joanne aurait eu tendance à dire oui, mais elle s'imaginait déjà que le trajet allait être incroyablement long et plongé dans ce silence qui la révulsait et la mettait bien mal à l'aise. "Nous devrions peut-être prendre chacun notre voiture." dit-elle au bout d'un long moment de réflexion. "Nous ne rentrerons peut-être pas à la même heure." Elle haussa timidement les épaules. Ce n'était certes pas la solution la plus écologique, mais c'était la meilleure chose à faire, selon. Une fois mis d'accord, chacun entra dans son propre véhicule, Joanne était devant. Il y avait beaucoup de circulation, et aussi une voiture en panne qui ne permettait que de faire passer les voitures au compte-goutte. Ce fut pourquoi la jeune femme arriva bien avant son ex à la galerie en question. Arrivée dans la galerie, elle laissa l'hôtesse d'accueil aller ranger sa veste. Elle gardait la bandoulière de sa pochette sur l'épaule, gardant son téléphone portable près d'elle si jamais la baby-sitter venait à appeler. En arrivant dans la galerie, où il y avait déjà beaucoup de monde, elle désenchanta quelque peu en voyant le type d'oeuvres qui étaient présentés. Joanne avait énormément de mal à avec l'air contemporain. L'avantage des vernissages, c'était qu'il y avait toujours un buffet généreux et des coupes de champagne à volonté - certainement ce qu'il fallait pour être un peu plus réceptif à ce genre d'art. D'ailleurs, une première coupe de champagne arriva rapidement dans les mains de Joanne. Elle fit quelques premiers pas pour s'approcher d'un premier tableau, qui n'était autre qu'un nuancier de jaunes. Parfois, elle se retournait pour voir si Jamie était arrivé. Et il y avait une de ces fois où elle le vit déjà mêlé à un groupe de personnes, à discuter, et une coupe de champagne en main également. Joanne tentait véritablement de s'intéresser aux tableaux, mais elle ne trouvait pas un détail sur lequel elle pourrait s'intéresser. "A quoi pensez-vous, en regardant ce tableau ?" dit alors une voix masculine qu'elle ne connaissait pas. Un homme qui devait avoir son âge, certainement célibataire vu le ton de sa voix et l'absence d'alliance à son annulaire. Il avait certainement du constater qu'elle n'avait plus la sienne. Joanne se contenta d'hausser les épaules. "Ce n'est pas un art que j'ai l'habitude d'étudier." "L'artiste est juste là-bas." dit-elle en pointant discrètement la personne mentionnée du doigt. "Peut-être qu'en vous décrivant ses oeuvres, vous verrez cette galerie d'un tout autre oeil." "Pourquoi pas, oui." dit-elle avec une certaine lassitude. Il sourit, et but une gorgée de champagne en continuant de déblatérer sur ses propres points de vue. Il comptait l'inviter à lui montrer le tableau du vernissage qu'il préférait. Mais Joanne serra des dents lorsqu'il se permit de poser sa main en bas de son dos. Elle s'arrêta net. "Ne me touchez pas, s'il vous plaît." Il rit doucement, pensant certainement qu'elle devait plaisanter, ou que c'était une technique de drague comme une autre. Il réitéra son geste, et elle s'éloigna cette fois-ci d'un pas. "Je vais aller manger quelque chose." dit-elle en s'éloignant sans même lui adresser un regard. Certaines femmes appréciaient avoir des dizaines à leurs pieds, à être draguée à tout va. Certainement parce qu'elles aimaient les vagues de compliments qu'on pouvait leur faire. Joanne était loin d'être ce genre, déjà parce qu'elle ne voyait rien, et qu'elle ne voulait pas tous ces hommes qui feraient n'importe quoi pour la conquérir. Elle s'approcha du buffet pour manger un petit toast avec du foie gras. En se retournant, elle tomba nez à nez avec Jamie. "Pardon." dit-elle en pensant lui bloquer le passage. Elle se décala légèrment pour le laisser se servir. "Je ne sais pas si je vais véritablement m'éterniser ici." dit-elle tout bas, alors qu'elle remarqua que l'inconnu le regardait avec insistance. "Tu as déjà jeté un oeil aux tableaux ?"
Fort heureusement pour nous deux, Joanne refuse ma proposition de la mener jusqu'à sa soirée, avançant un argument qui me fait froncer les sourcils. Elle ne m'a finalement pas dit où elle se rend, cela ne me regarde en rien il est vrai. J'accepte donc son choix d'un signe de tête et monte dans ma voiture. Le trafic me fait passer d'en avance à terriblement en retard. Un véritable cauchemar auxquels s'ajoutent les coups de klaxon des conducteurs les plus nerveux. J'arrive à la galerie parmi les derniers. En un rien de temps, et cela n'a rien d'étonnant, mon regard capte la silhouette familière de Joanne comme s'il y était aimanté. Je souris ironiquement. Sans attendre, j'attrape une coupe de champagne pour faire passer la pilule et me joins à un groupe au sein duquel une connaissance m'a attiré d'un signe de tête. Vu mon cas, je ne serais guère allé vers qui que ce soit de mon propre chef ; j'aurais indéfiniment attendu que l'on veuille de moi dans une conversation plutôt que d'imposer ma présence. Tout le monde est désormais au courant pour Joanne, le jugement, et même pour Hannah. J'aurais bien plus ma place dans un trou de souris qu'ici. Jetant furtivement un regard du côté de mon ex-fiancée, je la vois rejointe par un homme qui doit être son rendez-vous, et celui-ci s'y prend bien mal. La jeune femme l'esquive finalement, et je quitte également mon groupe pour m'approcher elle. Trop discret, elle ne me vois ni ne m'entend arriver et manque de me bousculer. « Ce n'est rien. » j'assure avec un léger sourire. « Je venais voir si ton rencart n'était pas trop lourd avec toi. Il paraît que la vision d'un ex fait fuir les mauvais prétendants. » dis-je en tentant un maladroit trait d'humour visant à dédramatiser notre situation, mais je doute de l'effet, alors je reprends, sans que cela ne diminue le malaise que j'ai brillamment instauré -au contraire ; « Et tenter de picorer quelque chose, mais entre le foie gras, les crevettes et le serrano, je crois que je vais devoir me résigner à dîner du champagne. » Je bois une belle et grande gorgée de désastreuse maladresse et de nervosité maladive pendant que Joanne avoue qu'elle ne restera pas longtemps. « Moi non plus. » Je pensais pouvoir être à l'aise en toutes circonstances, faire fi de ma honte, mais il est encore trop tôt pour cela. Pendant une ou deux semaine, je continuerai de me terrer et de me faire oublier. Concernant les œuvres de la galerie, il n'y a vraiment rien à en dire. « J'en ai fait un rapide tour, oui… » je souffle, montrant bien que je ne suis ni convaincu par le prétendu talent de l'artiste, ni par l'utilité de ces toiles qui ne sont ni plaisantes, ni intéressantes. « Je crois que je préfère les dessins de Daniel. » dis-je à voix basse avec un petit rire. Comme tout parent, j'en ai un sur le frigo. Ce ne sont que des traits de couleur aléatoires sur du papier froissé, mais il me l'a tendu si fièrement qu'il est impossible de le jeter. Débarquant comme une tornade, un atypique bout de femme se joint à nous avec ce petit cri strident qui annonce à chaque fois sa venue. « Jamie chéri ! Joanne ! » hurle-t-elle presque, en tut cas assez fort pour que je vérifie autour de nous que personne ne se soit mis à nous fixer. « Je suis si contente de vous voir ici, mes petits rayons de soleil entre toutes ces tâches accrochées aux murs. Comment allez-vous ? Vous vous remettez ensemble n'est-ce pas ? J'ai eu si peur que vous restiez séparés. » Je manque de m'étouffer. « Non, Vee, ce n'est pas ça. » Mon regard croise celui de Joanne, aussi mal à l'aise que moi. « On ne se remet pas ensemble. » dis-je, un peu pour elle, un peu pour Vee. Cela n'arrivera pas. Nous ne sommes pas faits l'un pour l'autre et nos sentiments sont comme une erreur de la nature, un chromosome défectueux. « Oh. » Pendant une seconde, sa figure se figea dans une mou désappointée. Elle nous observa l'un et l'autre, puis secoua la tête, reprenant ses esprits suite à sa désillusion, et balaya ces absurdités d'un vif geste de la main dans l'air. « Mais vous le ferez de toute façon. » bredouille-t-elle avant d'attraper un petit four, une nouvelle flûte de champagne, gober le premier, vider le deuxième, et repartir comme elle est arrivée, dans un éclair.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"Ce n'est pas mon rencard." lui répondit-elle doucement, le regard bas. "Je suis venue toute seule, je voulais pas..." Elle secoua la tête. Elle ne pouvait pas être accompagné par qui que ce soit, même si c'était juste pour faire bonne figure et faire couler l'encre de la presse à scandale. Tout le monde qu'il valait mieux être seul que mal accompagné, Joanne n'avait que respecté cette règle. "Je pensais qu'on me laisserait tranquille." Elle se disait qu'il devait y avoir des gens plus civilisés et plus respectueux durant un événement tel qu'un vernissage. La jeune femme ne put que constater qu'elle avait bien. Jamie faisait malgré tout l'effort d'essayer d'alléger un petit peu l'atmosphère qui régnait constamment entre eux. Il ne parvint qu'à lui arracher un vague sourire. "Ne bois pas trop quand même, tu conduis, après." dit-elle tout bas, inquiète. Il n'y avait effectivement rien de tout ce qui était proposé qui convenait au régime de Jamie, mais il ne fallait pas qu'il se fasse avoir en consommant un peu plus de champagne que de coutume. Le bel homme ne comptait pas rester bien longtemps ici, tout comme elle. Il était bien peu convaincu par les oeuvres présentées. Et dire qu'ils appelaient ça de l'art. "Je pense que nous préférerons toujours les dessins de Daniel." dit-elle avec un faible sourire. Même si ce n'était qu'un gribouillis, quelques traits de couleurs, ça restait des dessins de leur enfant. Il était encore un petit peu maladroit, mais les couleurs le passionnaient. Joanne se surprit d'avoir utilisé un nous. Il n'y en avait pourtant plus, de ce nous là. Joanne baissa à nouveau les yeux, et sursauta même avec l'arrivée fracassante de Vee. Elle ne ratait jamais ses entrées, elle aimait tant se faire remarquer. Comme à son habitude, elle mit les pieds dans le plat, persuadée qu'ils allaient se remettre en couple. Joanne sentait son coeur se serrer dans sa poitrine. A croire que cette histoire la poursuivait et l'empêchait même d'oublier la situation l'espace de quelques minutes. C'était apparemment impossible. Jamie croisa brièvement le regard d'une Joanne mal à l'aise qui ne voulait désormais plus que partir d'ici. Encore une fois, Jamie imposa cette limite, cette muraille dans le seul but de rappeler encore et toujours à Joanne qu'ils sont bel et bien séparés, et qu'ils ne se remettront plus jamais en couple. Elle hoqueta et inspira profondément dans le but d'éviter un nouveau flot de larmes, mais en public cette fois-ci. Elle gardait le visage bien bas et ne le releva qu'une fois que Victoria était partie. Dès qu'elle avait tourné ses talons, Joanne essuya rapidement l'une de ses joues où l'on pouvait deviné le sillon d'une larme. Elle but une grosse gorgée de champagne. Elle préférait rester auprès de Jamie et vivre ce malaise constant plutôt que d'être à nouveau abordée et touchée par un autre homme. Elle ne voyait comme elle était supposée aller bien, comme Jamie, Saul, ou même Hassan pouvait le dire, alors qu'il y avait toujours quelqu'un ou quelque chose pour agrandir cette plaie béante. C'était à nouveau un de ces longs moments de silence. "Tu parlais d'une chambre à Daniel, tout à l'heure..." finit-elle par se dire. "Tu as trouvé quelque chose qui te convient ?" La réponse était évidente. "C'est une maison, un appartement ?" Elle ne doutait pas des goûts de Jamie, les choses qui lui tapaient dans l'oeil étaient systématique magnifiques. Joanne adorait ses goûts, il ne serait surprenant qu'elle tombe sous le charme du logement qu'il ait pu choisir. Mais que ça lui plaise à elle ou non n'était vraiment pas la question, à vrai dire. "Tu y as déjà emménagé ?" Joanne avait quelques questions en tête, mais c'était des choses qui ne la concernaient, et des probables réponses qu'elle ne voudrait pas entendre. La vente des maisons, celle de Logan City, et leur résidence secondaire en campagne, notamment. Parler de tout cela remuait sacrément toutes ses émotions et lui coupait l'appétit. Par contre, le champagne, lui, se consommait aisément. Et un peu trop rapidement. Joanne prit une deuxième coupe qui était fraîchement servie sur la table du buffet et en but une gorgée. "Je crois que je vais partir, après ce verre. Peut-être me promener, ou... Je ne sais pas." La soirée venait à peine de débuter, en fin de compte. Elle avait une baby-sitter qui était disponible pour toute la soirée, peut-être était-ce la seule occasion avant longtemps où elle avait un tant soit peu le coeur à faire quelque chose que de se morfondre chez elle. Cela avait l'apparence d'une trève, mais ça n'en était finalement pas une.
Toujours ce silence si lourd, bien assis sur nos poitrines et nous empêchant de respirer correctement, appuyant sur nos épaules pour nous faire glisser la tête sous l'eau, baissant nos regards pour fuir la peine de l'autre visible dans les traits de son visage. Le champagne n'y change rien, une gorgée ou deux ne font pas passer le temps plus vite et ne font pas oublier la manière dont chaque organe se compresse dès que l'autre est à une distance aussi rapprochée ou simplement dans le champ de vision. C'est le genre de torture que nous devrions nous épargner en nous évitant, néanmoins, je crois bien que nous en sommes incapables, non seulement parce que la vie nous met constamment sur le chemin de l'autre, ni parce que Daniel nous lie envers et contre tout, mais aussi parce que nous ne le voulons pas, et que malgré toute la volonté du monde d'avancer, de ne pas se laisser abattre, il est impossible de s'ignorer. Joanne et moi n'avons pas notre place ici ce soir. Nous le sentons tous deux. Notre présence ici n'est qu'une vaine tentative de se prouver que la vie ne s'arrête pas et que nous pouvons donner une chance au monde extérieur de nous donner les moyens d'aller de l'avant. Mais le champagne est médiocre, les conversations vides, les invités sans intérêt. Ce n'est pas un échec, c'est un désastre, et nous ne nous avons que l'un l'autre pour nous tenir compagnie. L'intervention de Victoria a arraché une nouvelle larme à une Joanne qui semble incapable d'entendre le sujet de notre séparation apparaître sans avoir un hoquet de chagrin. C'est le temps qu'elle se remette de son émotion que nous demeurons silencieux, puis elle reprend la conversation, se lançant au sujet de mon déménagement. « En effet. J'ai acheté une superbe maison avec un emplacement idéal à Bayside. Beaucoup plus contemporaine que celle de Logan City, et avec une vue splendide. Je cherchais un appartement à l'origine, mais je n'ai pas pu résister. » Alors j'ai signé les papiers à toute vitesse, payé le prix, et débuté le transfert de mes affaires ainsi que quelques travaux de personnalisation. Je n'ai aucun doute quant au résultat ; il sera réussi et me ressemblera. « C'est en cours. Je n'ai pas encore commencé la chambre de Daniel, ça ne me semblait pas nécessaire tant qu'il n'aura pas été statué que je peux le prendre chez moi de temps en temps. » Ce qui arrivera forcément, il ne peut pas en être autrement. Je ne supporterai pas de subir des années de droit de visite, obligé de voir mon fils sous la surveillance de Joanne, finalement presque éjecté de sa vie parce que l'on me croit capable de lui faire du mal. Je prouverai que je ne suis pas un danger pour lui. Encore neuf semaines. « J'espère qu'il aimera la maison en tout cas. » je souffle au bord de ma coupe de champagne avant de noyer mes appréhensions dans une fine gorgée de bulles. Joanne se ressert. Elle conduit également, mais je ne lui fais pas la remarque, puisqu'elle ne compte visiblement pas rentrer chez elle immédiatement. Elle a toujours aimé se promener, pour différents buts selon les circonstances. Nos disputes lui ont ainsi fait fuir la masion plusieurs fois, tout comme je crois que ma présence ici la fait fuir de la galerie. « Je me suis toujours demandé... » C'est indiscret, c'est suspicieux, et je n'ai aucun droit de poser pareille question -je n'en ai plus en tout cas, et je sais parfaitement qu'aucune réponse ne sera bonne, que tout ce que Joanne pourra dire me déplaira, néanmoins, je demande tout de même ; « Où est-ce que tu allais ? Quand tu partais pour marcher pendant des heures sans que je puisse te contacter, où est-ce que tu te rendais ? » J'ai toujours pensé qu'elle se rendait dans un endroit où elle savait que je ne la trouverai jamais. Puis j'ai commencé à croire qu'elle allait voir quelqu'un. Un quelqu'un forcément masculin. Cela me retournait l'estomac avant, et c'est encore le cas. Car si elle me fuyait, si elle se consolait dans d'autres bras, maintenant que nous ne sommes plus ensemble, elle peut le dire. Après tout, le sentiment de solitude l'a fait embrasser James, puis Hassan, où est-ce que la peine causée par une énième dispute pouvait la mener ?
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne espérait secrètement que le peu de champagne qu'elle buvait lui permettait de libérer un peu son esprit de toutes ces pensées. Une boisson qui n'avait si bon goût que ça. Elle venait à se demander si elle ne s'était finalement pas habituée à des produits de grande qualité en ayant côtoyé Jamie. Mais rien n'y faisait, ni les bulles du champagne, ni la nourriture proposée. Un vernissage assez raté selon elle, et vu la tête de Jamie, il semblait penser la même chose qu'elle. Autant se faire la conversation entre eux, les autres invités n'avaient pas l'air particulièrement loquaces ou intéressants. Ce fut pourquoi elle vint à lui demander comment était ce nouveau logement, où il comptait aménager une chambre pour leur fils. Il ne lésinait pas sur les adjectifs mettant en valeur cette maison qu'il venait de s'acheter. "Il n'y a pas de raison qu'il ne l'aime pas." commenta-t-elle avec un sourire sincère. "Surtout si tu comptes faire ces tours en bateau dont tu lui as parlé, je suis certaine qu'il adorera venir chez toi." Joanne espérait qu'il obtienne la garde de Daniel. Qu'ils passent quelques jours juste tous les deux à faire les activités que Jamie viendrait à lui proposer. Il ne manquait jamais d'imagination, et avait largement les moyens pour l'émerveiller à chaque fois. Joanne n'avait jusqu'ici jamais pensé ce qu'elle ferait elle de ces weekends là. Elle se concentrerait sur la fondation ou ferait n'importe quoi pour lui occuper l'esprit. "Il n'y a pas de raison que tu n'obtiennes pas sa garde." Elle l'espérait, pour Jamie comme pour Daniel. Il avait bien plus besoin de son père que celui-ci ne pourrait le penser. Joanne finit par annoncer qu'une fois qu'elle aurait terminé son verre, elle partirait d'ici. Il n'y avait plus rien d'intéressant à faire. Cela fit soulever une question du côté de Jamie. Une interrogation qu'il semblait avoir depuis longtemps, vu l'hésitation qu'il avait avant de le lui demander. Que faisait-elle durant ces absences ? Une question légitime, elle comprenait pourquoi ça le rendait curieux. Il fallait dire qu'elle disparaissait parfois pendant des heures, sans avoir le moindre moyen de la contacter. "Viens, on s'en va." dit-elle tout bas, en déposant la coupe de champagne vide sur la table. S'il y en avait une qui était particulièrement ravie de voir Jamie et Joanne partir en même temps, c'était Vee, qui n'avait pas loupé une miette de ce départ, avec un sourire largement satisfait. Joanne récupéra ses affaires, et, une fois à l'extérieur, ils commençaient à marcher, comme elle le faisait. "Je n'allais nulle part. Je n'avais jamais de but. Mes pas me guidaient tout seuls parce qu'à chaque fois, j'était bien trop occupée à penser, à ressasser, à réfléchir à des futilités ou à des choses particulièrement importantes. Parfois j'arrivais à la plage, que je longeais jusqu'à ce que j'en ai assez, d'autres fois, c'était au centre-ville. Je m'asseyais sur un banc pendant de longues heures. Une fois, il y avait un homme qui venait de se faire plaquer qui s'était assis. On avait un petit discuté, trois fois rien, et je suis repartie. Une autre fois, j'ai bu un verre dans un bar, et j'ai repris ma route." Elle haussa les épaules. "En dehors de ça, j'étais tout le temps toute seule, et je marchais. Je rentrais très tard, ou très tôt le matin, parce que je me disais que tu ne voudrais peut-être pas tout de suite me voir, après nos dispute, que tu avais peut-être besoin de savoir que l'espace de quelques heures, j'étais loin de toi. Mais ça te déplaisait à chaque fois. Mais pendant tout ce temps, je pensais tout le temps à toi. J'essayais de trouver un moyen de me faire pardonner, trouver ce que je pouvais faire de plus pour que tu comprennes que je t'aime, que je voulais faire ma vie avec toi. Parce que je trouvais que tout ce que je pouvais déjà faire, ça ne suffisait pas. Ca n'avait jamais suffi." Elle soupira. Cette séparation n'était pour elle que la preuve de son incompétence. "J'aurais voulu être un meilleure personne, pour toi, pour être à la hauteur." dit-elle en hoquetant une nouvelle fois. "Je crois que je le veux toujours." confessa-t-elle ensuite, en chuchotant. Son ton laissait deviner qu'elle savait que ce n'était peut-être pas une bonne chose. Oui, elle continuait de s'accrocher malgré toute la souffrance que cela lui causait. C'était plus fort qu'elle. Bien sûr qu'elle l'aimait toujours, et bien sûr que personne ne comprenait pas pourquoi c'était toujours là. Personne n'avait jamais rien compris. Il fallait s'y attendre, parler de tout ceci fit couler de nouvelles larmes le long de ses joues. Joanne se trouvait pitoyable. "Pardon." dit-elle en essuyant succinctement ses joues. "Je n'arrive pas à..." Contrôler ses larmes, ni la situation, quoi que ce soit d'autre. Elle n'arrivait pas à s'y faire, ni à s'avancer, elle n'arrivait à rien."C'est dur de..." Se retenir, continuer d'exister, faire comme si de rien n'était. Que Jamie soit là ou non, cela ne modifiait pas son quota de larmes et de peine quotidien. C'était tous les jours, depuis l'annonce de la rupture. Tout le monde disait que ça allait passer, mais pour le moment, elle ne remarquait aucun changement. Si, peut-être le fait qu'elle parvienne à articuler quelques mots à Jamie, mais elle ne savait pas si c'était une bonne chose ou pas.
Plutôt que de répondre à ma question, Joanne m’invite à la suivre à l’extérieur. Sûrement pour marcher, comme elle en avait l’intention au départ. Je lui emboîte le pas à contrecoeur, n’ayant aucun bon pressentiment sur ce que pourrait donner cette conversation une fois dehors. Mes mains s’enfoncent dans mes poches et n’en sortent pas. Mes yeux ne posent tantôt sur mes chaussures impeccablement cirées, tantôt sur la rue et ses immeubles qui frôlent les nuages bas de cette soirée. Ce n’est qu’après quelques pas que Joanne prend la parole et revient sur mon interrogation. Rien que de me replonger dans ces soirées passées à attendre le retour de la jeune femme à la maison, à tenter de l’appeler pour me rendre compte que son téléphone est sur la table du salon, à me ronger les sangs, l’estomac noué, rien que ces souvenirs crispent mes muscles et me font serrer les dents. Et pendant ce temps, donc, elle papotait et allait boire un verre. Seule ? Je ravale la question qui frôle le bout de ma langue. Bien sûr qu’elle fut accompagnée. Je fronce les sourcils face à l’incohérence des explications de Joanne, si bien que je pose un regard dur sur elle. « Je ne comprends pas. » Je cesse de marcher. Marcher semble donner un air futile à ce sujet, il n’y a que les conversations sans importance qui peuvent être abordées en ayant une partie du cerveau occupée à mettre un pied devant l’autre. « Si tu savais que ça me déplaisait, pourquoi le faire quand même ? Pourquoi partir pour chercher comment arranger les choses alors que tu savais que ça les empirait ? Et je comprends encore moins ce qui pouvait te faire croire que je souhaitais que tu t’en ailles si loin si longtemps. Tu le voyais bien que j’étais agacé et que je me faisais un sang d’encre, n’est-ce pas ? » Cela n’a aucun sens à mes yeux. Comme bon nombre des choix et actions de mon ex-fiancée. C’est ce qui m’a conforté dans ma décision de mettre fin à notre relation ; nous pouvions étrangement lire l’un en l’autre sans jamais rien comprendre. Nous étions sur la même longueur d’onde concernant bien des points, mais des fondamentaux manquaient à l’appel. Comme des rayons d’une roue sans laquelle celle-ci ne peut tourner, sans ces fondamentaux, notre relation ne pouvait fonctionner. Et je me retrouve une fois encore à essayer de comprendre les mécanismes qui fument sous cette tête blonde alors que, désormais, cela n’a plus de sens. Je lâche un soupir. Pourquoi s’entêter ? Tout ceci tourmentera l’esprit de quelqu’un d’autre à l’avenir, ce n’est plus mon problème. « J’ai toujours pensé que tu cherchais à attirer l’attention, et que cela marchait beaucoup trop bien. Parfois je croyais même que ça prouvait que Daniel et moi avions peu d’importance à tes yeux et que tu pourrais juste partir, un jour, et ne jamais revenir, vu que tu te pensais le droit de nous laisser comme ça, sur un coup de tête. » Non pas que la jeune mère, fort dévouée, n’eut aucun droit de respirer, sortir seule, marcher, qu’importe. Mais pas de cette manière. « Alors que si tu voulais de l’air, ou une pause, il suffisait de le dire, je n’ai pas cessé de le répéter. » Ne lui ai-je pas dit qu’elle pouvait en faire moins et qu’elle devait prendre du temps pour elle ? Ne l’ai-je pas toujours poussée à penser à elle et cesser de ne vivre que pour moi et notre fils, en sachant très bien qu’elle finirait par étouffer entre les quatre murs de la maison ? Cela me rend malade de me sentir aussi mal et coupable à cause des décisions que, elle, elle prenait de son propre chef. Une injustice qui me blase tant et si bien que je ne parviens pas à être sensible aux larmes de Joanne ou à la volonté qu’elle exprime d’être meilleur pour me convenir. « Oublie ça, Joanne. » Il est trop tard pour cela. Comme je l’ai dit, nous ne nous remettons pas ensemble, ce n’est pas le plan. Elle peut être une personne meilleure pour elle-même ou pour Daniel si cela lui chante, ou pour le prochain qui devra avoir les nerfs moins sensibles que les miens. En seule réaction aux hoquets de la jeune femme, je défais le mouchoir de ma poche avant et le lui tend, demeurant silencieux jusqu’à ce qu’elle se reprenne.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Bien sûr qu'il ne comprenait pas. "Je ne sais pas ce qui me prenait, dans ces moments là." Elle savait juste qu'elle avait besoin de prendre l'air, de marcher. [color=#006699]"Je ne pensais pas que ça empirerait à chaque fois que je partais. Je pensais que... Je pensais mal, apparemment."lses d'émotions qui la traversaient à ce moment là l'empêchait des faire des choses qui puissent être explicables, qu'ils aient un minimum de sens. Jamie s'était arrêté, avant de lui poser toutes ces questions. Il avait enchaîné en partageant son point de vue sur ces absences de plusieurs heures. A ses yeux, ce n'était qu'un moyen d'attirer l'attention, de prouver son importance au sein de leur famille. Joanne était presque blessée de savoir d'être vue comme une personne si égoïste et égocentrique, peut-être même cruelle. [color=#006699]"Vous êtes tous les deux ce qu'il y a de plus important, pour moi." lui dit-elle avec sincérité. Elle n'avait jamais voulu qu'ils se sentent ainsi délaissés ou abandonnés pendant ses promenades. Joanne était un peu perdue avec les interprétations de ses faits et gestes, tout comme lui devait l'être. Mais le bel homme avait un air plutôt las, blasé. Peut-être était-il satisfait de ne plus avoir à supporter cela à longueur de journée. Comme tout le reste, cette discussion arrivait bien trop tard. Quelle était l'utilité qu'il lui rappelle qu'il suffisait juste qu'elle le dise, si elle voulait sortir ? Il était certainement trop tard pour qu'elle s'excuse également. Jamie s'en fichait qu'elle avait toujours la volonté d'être une meilleure personne, ou du moins, être plus supportable pour tout le monde. Cela n'avait plus aucun intérêt à ses yeux. Il lui tendit son mouchoir qu'elle prit timidement. Il fallait de longues minutes pour qu'elle se remette de ses sanglots, mais elle faisait tout pour fuir son regard. Les bras croisés, le regard détourné, elle restait longuement statique. Encore une fois, il n'y avait plus grand chose à se dire. "J'aimais beaucoup m'occuper de vous deux." dit-elle en regardant le mouchoir qu'elle avait gardé en main. "J'aime toujours autant m'occuper de Daniel." Mais il y avait ces temps, où elle ne savait pas quoi faire. Elle n'avait plus Jamie à aimer, à encourager, ou avec qui discuter. Son temps libre, elle le consacrait à la fondation, ou à faire des promenades avec les chiens. Mais aucun temps pour elle pour le moment. Elle avait commencé à y songer, mais elle ne savait pas vraiment quoi faire. "Je te laverai le mouchoir, je te le rendrai quand tu passeras voir Daniel." dit-elle en constatant le tissu tout chiffonné. Elle se remettait doucement de son chagrin, mais elle n'en pouvait plus de ces silences qui duraient et qui l'écrasaient toujours un peu plus. "Je n'ai plus vraiment envie de me promener." dit-elle tout bas à elle-même, bien songeuse. Elle rangea la mouchoir dans sa pochette. Joanne avait l'impression que toutes les soirées où elle allait être conviée allaient ressembler à celle-ci. A quelque chose de désastreux. Ce n'était pas vraiment motivant pour les événements à venir, et Dieu sait combien ils étaient nombreux en cette fin d'année. Les galas de charité, en lien avec les fêtes de fin d'année. Tout autant de tenues à trouver et de moments où elle allait devoir forcer un sourire sans avoir le coeur à faire quoi que ce soit. Ce n'était pas très encourageant, elle avait du mal à se dire que la fois suivante se déroulerait mieux. Elle en doutait fortement. "Je vais rentrer chez moi." Elle libérera Suzie plus tôt, mais lui donnera l'argent pour l'horaire initialement prévu. "Passe quand tu veux, pour voir Daniel. Ca lui fera très plaisir de te voir, si tu peux venir régulièrement." dit-elle en pensant chacun de ses mots. "Tu lui manques beaucoup. Il a parfois de gros chagrins, il te cherche, il t'appelle régulièrement depuis qu'il a compris qui était papa. Et tout ce que je peux lui dire, c'est que tu vas bientôt venir le voir." Cela faisait mal au coeur à Joanne de ne pas pouvoir lui donner ce qu'il voulait. "Et ile ne veut plus se détacher de moi ensuite. Je suppose qu'il n'a pas envie de me voir disparaître. J'ai même du le faire dormir avec moi une nuit, il avait eu un chagrin au milieu de la nuit." Ce n'était peut-être qu'une période transitoire, le temps qu'il s'habitue à cette absence qui était définitive, bien qu'il y allait bien avoir la garde alternée. Difficile de lui expliquer tout ce qu'il allait se passer. Il était encore bien trop petit pour ça. "Prends soin de toi, Jamie." dit-elle avec un léger sourire. Les contacts physiques n'étaient plus vraiment de rigueur. Un signe de main allait être ridicule. Alors elle fit un simple signe de la tête, avant de rejoindre sa voiture, qui était juste de l'autre côté de la route. Elle vit que Jamie faisait de même juste avant qu'elle n'entre dans son véhicule. Elle l'aimait tellement, c'était tout ce qu'elle se disait lorsqu'elle le vit quitter la rue.