And this day's ending is the proof of time killing, all the faith I know, knowing that faith is all I hold. And I've lost who I am, and I can't understand why my heart is so broken, rejecting your love, without love gone wrong, lifeless words carry on, but I know all I know is that the end's beginning. ☆☆☆
Étonnamment le remplaçant dégoté par l'administration universitaire pour assurer son cours durant son absence s'était révélé un peu plus dégourdi qu'Hassan ne l'avait craint en le rencontrant la première fois. Dieu sait pourtant que les choses n'avaient pas bien démarré et que le brun s'était senti un peu coupable d'abandonner ses élèves aux mains d'un type qui semblait à peine sortir de la case "élève" et qui avait accompli l'exploit de se perdre - deux fois - sur le trajet pourtant simple reliant la cafétéria à l'amphithéâtre Vasco de Gama, où Hassan dispensait la majorité de ses cours. Malgré cela le dénommé Kurt était parvenu à boucler le programme à temps, et le retour imprévu (et impromptu) d'Hassan leur avait permis de se partager la correction des partiels de fin d'année, et donc de gagner l'un et l'autre un temps précieux. Un temps que le brun tentait malgré tout d'occuper à tout et n'importe quoi, pourvu que cela l'empêche de repenser aux déboires auxquels il avait fait face à la fin de son séjour iranien. Flairant l'intrigue juteuse, sans doute, Wyatt avait tenté de lui faire dire des choses qu'il n'avait pas envie de dire et Hassan avait claqué la porte de son bureau d'ABC avec un agacement qui n'était pas encore totalement redescendu depuis. Pas claqué définitivement, non, mais simplement le temps suffisant pour le producteur de réaliser qu'Hassan ne se laisserait pas manipuler à sa guise pour un simple désir de booster son audience. De l'hôpital aussi le brun se tenait loin, la peur de croiser Ellie sans trouver les mots pour lui rendre la disparition de Kenneth moins douloureuse, la peur aussi d'entendre à nouveau comme l'une des petites à qui il faisait la lecture chaque semaine s'était éteinte quelques jours avant la tempête. Et puis, Yasmine n'avait probablement pas envie de l'avoir dans les pattes, en ce moment ... Hassan n'était simplement pas capable de dire si c'était elle qui lui en voulait, ou bien lui-même qui s'en voulait suffisamment pour eux deux.
Mais pas d'hôpital ce soir-là, ni même d'obligation à traîner jusque tard dans la soirée dans son bureau - son placard, comme il l'appelait - de l'université pour tenter d'échapper à la solitude de son chez-lui, d'autant plus pesante que l'absence de Spike se faisait de plus en plus cruellement ressentir. Qasim ne devait le ramener que le mois suivant, lorsque lui et le reste de sa tribu débarqueraient pour les fêtes de Noël, mais Hassan se surprenait lui-même à se sentir aussi perdu en l'absence de son compagnon à quatre pattes, lui qui jamais n'aurait pensé s'attacher ainsi à un animal de compagnie. Étirant ses bras au-dessus de sa tête et faisant craquer sa nuque après avoir rentré la dernière note de son paquet de copies sur le logiciel informatique de l'université, il avait surveillé l'heure du coin de l’œil. La veille il avait promis à Joanne de passer chez elle en toute fin d'après-midi, successivement inquiet de ce qu'il avait pu entrapercevoir dans la presse, soulagé d'entendre la voix de la jeune femme à l'autre bout du fil, et enfin incertain (mais soulagé, là aussi) de la savoir à une nouvelle adresse. Il n'avait eu aucun mal à trouver l'adresse, et pour cause puisqu'il avait visité une maison pas très loin, séduit par la proximité avec l'université, mais finalement pris de cette indécision chronique qui s'était emparé de lui à chaque fois qu'il avait visité une maison sans jamais trouver son bonheur. Comme si au fond de lui il savait déjà qu'il attendait celle de Logan City. « J'en connais un qui a mangé de la soupe, depuis la dernière fois que je l'ai vu. » Hassan avait esquissé un léger sourire, faisant bien entendu référence au bébé que Joanne tenait dans un de ses bras lorsqu'elle lui avait ouvert la porte. C'était une réflexion qu'il se faisait presque à chaque vacance scolaire, lorsqu'il voyait son neveu et sa nièce et les trouvaient bien plus grands que la dernière fois : les enfants grandissaient bien trop vite. « Ça va, toi ? » La question, teintée de plus de sérieux, s'adressait maintenant à Joanne dont on pouvait difficilement ignorer qu'elle manquait de sérénité, et sans doute un peu de sommeil également. « Je t'ai pris des muffins, sur le chemin. Tu les aimes toujours ? » Elle les aimait en tout cas, à l'époque où il en ramenait chez eux en rentrant de l'université. « Et j'ai pris mon huile de coude, aussi. » avait-il finalement rajouté d'un ton léger, n'oubliant pas que s'il était là, à la base, c'était pour cette histoire de meuble ou d'étagère, il n'avait pas très bien compris la veille mais retenu que l'incapacité des fabricants de meubles à faire des notices claires faciles d'accès était probablement encore une fois en cause.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne n'avait jamais aimé demandé osé demandé de l'aide. Elle avait toujours rêvé d'être une personne indépendante, qui savait se débrouiller seule. Elle n'avait jamais voulu admettre qu'elle avait besoin de quelqu'un, qu'elle n'était pas le genre de personnes à pouvoir vivre indéfiniment seule. C'était idiot, qu'une simple étagère la forçait à admettre cette évidence. Joanne n'était pas bien grande, ni très forte, et la notice de montage de ce meuble ressemblait à un véritable casse-tête chinois. Daniel, lui, jouait tranquillement par terre, sur son tapis de jeu, dans la grande pièce de séjour qui faisait à la fois office de salon et de salle à manger. Elle était encore bien vide pour le moment, elle avait hâte d'être début décembre afin de l'étoffer davantage. Il n'y avait pour l'instant qu'un canapé, et une table et quelques chaises. La pièce manquait cruellement de décoration, il y avait encore un peu d'écho, même. Par chance, la cuisine et la salle de bain -qui se trouvait à l'étage- avaient été refaites par les anciens propriétaires. C'était ce qui avait décidé la jeune femme de s'installer ici et d'investir dans ce bien. C'était assez moderne, et spacieux, bien que la maison n'était pas bien grande en soit. Daniel ne semblait pas déranger par le manque de décoration. Il avait son tapis de jeux et ses jouets. Sa chambre était la seule pièce que sa mère avait véritablement aménagé. Joanne pensait s'occuper de la sienne en dernier lieu, priorisant les besoins de son fils. Celui-ci sourait et jouait avec ses peluches, s'imaginant une histoire qu'il se racontait à lui-même. Nunki et Sirius, les deux bergers suisses que Joanne avait recueilli et adopté, n'étaient jamais bien loin. Ils n'avaient que quelques mois, mais ils commençaient à retenir un peu de leur éducation quotidienne. Nunki était blanc, et Sirius, noir. Joanne avait donc abandonné dans un coin de la pièce les planches en vois de pin qui constituaient la future bibliothèque. Celle-ci allait être large. Les meubles devenaient de plus en plus des éléments décoratifs, et Joanne se réjouissait de pouvoir y ranger ses livres, y mettres quelques photos ou ses DVDs. Ca se construisait, petit à petit. Hassan avait dit qu'il passerait en fin de journée. Daniel aura fait sa sieste et ils n'avaient pas besoin d'être silencieux. D'ailleurs, Joanne s'empressa d'aller le coucher. Lui, au moins, avait un sommeil de plomb. Bien moins que sa mère, qui avait largement de quoi se tracasser pour ne pas réussir à fermer l'oeil de la nuit. Ou alors, elle cauchemardait. Elle pensait à ses conversations avec Jamie, à son soi-disant avertissement de prendre les mesures nécessaires si elle embarquait Daniel avec elle dans une éventuelle dépression. Pour elle, cela sonnait surtout comme une menace. Cela l'avait tant énervé qu'elle avait giflé Jamie. Il comptait lui retirer la dernière chose qui lui restait. Après la sieste, Joanne avait longuement joué avec Daniel. Celui-ci adorait qu'on lui raconte des histoires. La sonnette retentit lorsqu'elle était en train de lui en raconter une. Elle le prit dans ses bras. "Il a un peu plus de neuf mois, maintenant. Déjà." dit-elle en regardant affectueusement son fils. "Tu dis bonjour à Hassan, mon trésor ?" Elle embrassa sont front, alors que le bébé regardait avec curiosité le beau brun. "C'est lui qui avait ramené Ben chez le vétérinaire, tu te rappelles ?" Il y avait peu de chance, mais peut-être savait-il que c'était un visage familier. Elle haussa ses épaules à sa question. "On fait aller." répondit-elle simplement. Il y avait tout à refaire avec un bébé à sa charge. Elle savait que Saul avait dénoncé Jamie, que Jamie ne voulait absolument plus d'elle. Saul défendait Hannah du mieux qu'il le pouvait et Hassan avait certainement d'autres chats à fouetter. Il voulait certainement se montrer là pour elle en venant ici pour la dépanner, mais lui aussi avait des soucis. Il devait aussi penser à lui et se reconstruire. "Toujours, oui. Merci beaucoup." dit-elle avec un sourire, touchée par cette petite attention. Elle récupéra la petite boîte contenant les pâtisseries d'une main. "Viens, entre." dit-elle en se décalant sur le côté afin qu'il puisse entrer dans la maison. "Merci encore d'avoir pu te libérer, j'avoue que je commençais à désespérer avec ce meuble." lui avoua-t-elle nerveusement. "J'ai encore beaucoup de choses à acheter, désolée si ça te semble quelque peu précaire. Mais la chambre de Daniel est totalement finie." expliqua-t-elle, un peu embarrassée. "Il me faudra un peu de temps pour que ça ressemble à quelque chose, ici." Elle déposa la boîte de gâteaux dans la cuisine avant de rejoindre Hassan dans le séjour. "Tout est là, j'ai tout sorti. J'espère que tu y comprendras quelque chose, de cette notice. C'est du chinois, pour moi." Joanne mit à nouveau Daniel sur son tapis de jeu. "Je suis juste là avec Hassan, Daniel, d'accord ? Je jouerai avec toi après." lui dit-elle en souriant, accroupie devant lui. La petite blonde lui tendait quelques jouets, ceux qui allaient le tenir occupé un certain temps. Il ne s'agissait que jouets qui faisaient de la musique et beaucoup de bruit. Mais au moins, ces sons là remplissaient la maison, il était rare que ça finisse par agacer la jeune mère. Celle-ci se redressa et constata qu'Hassan ne traînait pas, ayant déjà la notice en main. "Jamie a rompu avec moi." Un dernier acte d'amour, avait-il dit. C'était peut-être évident, mais Joanne ressentait le besoin de le dire. "C'est pour ça que j'ai déménagé. Je n'en pouvais plus de mes parents, surtout depuis qu'ils ont lu les journaux, ils..." Elle secoua négativement la tête. "Ils ne veulent pas m'écouter." Joanne croisa les bras. "Et je voulais rapidement trouver une maison pour Daniel, qu'il ait un nouveau chez-lui. Et maintenant je me retrouve coincée avec une bibliothèque que je n'arrive pas à monter." dit-elle en terminant avec un petit rire.
La question s'était assurément posée de par la proximité de ce quartier résidentielle avec l'université - et l'hôpital, où Hassan continuait d'avoir diverses raisons de se rendre régulièrement - mais pourtant au fond de lui Hassan savait bien que cela avait toujours été Logan City ou rien. C'était sans doute un peu bête de s'être attaché autant à un quartier, parait-il que le changement était parfois bénéfique, mais l'adage ne semblait pas s'appliquer au brun, ou tout du moins pas dans cette situation. Il avait passé des semaines, des mois à se faire de fausses idées de ce dont il avait besoin, à croire que ce qu'il lui fallait c'était du changement, de la nouveauté, mais en réalité la seule chose dont il avait besoin c'était des repères solides. Des lieux auxquels se raccrocher à défaut de personnes pleinement capables de comprendre - et d'entendre - ce qui se tramait dans son esprit, de bon ou de mauvais. Mais il pouvait comprendre l'attrait que Joanne trouvait à cette partie de Toowong, et s'il aurait momentanément pu la penser hébergée chez un ami quelconque, cette histoire de bibliothèque à monter laissait supposer qu'elle avait effectivement décidé de s'y installer. Loin de l'instabilité manifeste du père de son fils, espérait-il seulement. C'est d'ailleurs avec le petit dans les bras qu'elle avait ouvert la porte, accueillant la remarque du brun avec un sourire et reposant sur son fils un regard attendri « Il a un peu plus de neuf mois, maintenant. Déjà. Tu dis bonjour à Hassan, mon trésor ? C'est lui qui avait ramené Ben chez le vétérinaire, tu te rappelles ? » Il y avait fort peu de chance en réalité, mais le brun avait malgré tout offert un sourire attendri au bambin avant de reporter son attention sur Joanne « On fait aller. » La réponse était loin d'être concluante, mais Hassan doutait de pouvoir espérer plus que cela et s'en était donc contenté, n'insistant pas et préférant tendre les muffins dont il avait l'espace d'un instant oublié qu'il le tenait à la main. « Toujours, oui. Merci beaucoup. Viens, entre. » Suivant et refermant la porte derrière eux, Hassan avait laissé un regard curieux parcourir la pièce du regard pendant les quelques secondes où la blonde avait eu le dos tourné.
Son fils toujours dans les bras, elle avait disparu un cours instant le temps de déposer les pâtisseries à la cuisine - du moins Hassan supposait-il que c'était l'endroit où elle les avait laissées - trouvant le brun à la même place à son retour et s'excusant avec un brin de nervosité « Merci encore d'avoir pu te libérer, j'avoue que je commençais à désespérer avec ce meuble. J'ai encore beaucoup de choses à acheter, désolée si ça te semble quelque peu précaire. Mais la chambre de Daniel est totalement finie. Il me faudra un peu de temps pour que ça ressemble à quelque chose, ici. » Elle semblait avoir la mémoire un peu courte, et secouant légèrement la tête en esquissant un sourire Hassan n'avait pas manqué de lui rappeler « Tu te souviens probablement de l'état dans lequel se trouvait ma maison avant que tu ne lui rende un peu justice. Je suis la dernière personne à pouvoir te reprocher de ne pas savoir par où commencer, ici. » Sa propre maison était loin d'être terminée, d'ailleurs, le mobilier restait spartiate et constitué uniquement des quelques indispensables qu'Hassan avait acheté pour meubler l'appartement de Fortitude Valley. Le brun se disait qu'il aurait bien le temps de réfléchir à cela plus tard, à son rythme. « Tout est là, j'ai tout sorti. J'espère que tu y comprendras quelque chose, de cette notice. C'est du chinois, pour moi. » avait finalement repris Joanne en lui désignant la notice abandonnée au milieu des éléments éparses de la bibliothèque. Laissant échapper un rire, Hassan avait commencé par poser un genou à terre pour se saisir de la notice et y jeter un premier coup d’œil. « Je crois que ce genre de notice n'est toujours compréhensible que pour celui qui les a rédigé. » Si le père d'Hassan avait encore été là, sans doute aurait-il lui ergoté qu'un mode d'emploi n'était même pas utile avec un minimum de jugeote, mais faute d'être aussi calé que son paternel Hassan se contentait des notions de bricolage qu'il avait malgré tout probablement hérité de lui. Semblant hésiter une seconde ou deux, Hassan s'était relevé un instant pour récupérer sa besace, abandonnée dans un coin avec son blouson, et en sortir l'étui à lunettes qu'il avait pourtant tendance à bouder en dehors de chez lui. Mais à quoi bon tenter de donner le change, entre autres effets secondaires la chimio avait assurément détérioré sa vision de près, et il ne pourrait pas prétendre pouvoir lire ce mode d'emploi sans coller littéralement son nez dessus, sans cela.
Laissant Joanne reporter son attention sur son fils, le brun avait lui saisi le sachet en plastique contenant les vis et autres chevilles pour commencer par compter les éléments et être certain qu'il ne manquait rien. Il était toujours fâcheux de se rendre compte de ce genre de détails une fois la partie montage entamée. Gazouillant en s'occupant de ses jouets comme un bien-heureux, Daniel semblait presque plus bavard que sa mère, dont Hassan avait pourtant la sensation de sentir le regard par-dessus son épaule avant qu'elle ne reprenne finalement la parole « Jamie a rompu avec moi. » S'interrompant dans son comptage, Hassan était resté immobile - mais silencieux - quelques secondes avant de reprendre sa besogne tandis que la blonde ajoutait « C'est pour ça que j'ai déménagé. Je n'en pouvais plus de mes parents, surtout depuis qu'ils ont lu les journaux, ils ... Ils ne veulent pas m'écouter. » Remettant les vis dans leur sachet, pour éviter l'éventualité que l'une d'entre elles ne roule par mégarde jusqu'à la portée du bébé, Hassan avait finalement relevé les yeux vers Joanne, dont le ton laissait toujours transparaitre un fond de nervosité, qui semblait ne pas la quitter « Et je voulais rapidement trouver une maison pour Daniel, qu'il ait un nouveau chez-lui. Et maintenant je me retrouve coincée avec une bibliothèque que je n'arrive pas à monter. » La notice toujours dans une main, il avait esquissé un sourire et fait valoir avec douceur « Je pense que tu peux mettre la bibliothèque en fin de liste de tes soucis. » A la fois parce qu'il y avait plus important, et parce qu'avec un peu d'efficacité le problème serait réglé d'ici à ce qu'il reparte. « Je ne pensais pas que tes parents décideraient de s'installer à Brisbane. » A moins qu'il n'ait mal compris, mais ses ex-beaux-parents semblaient décidé à ne pas quitter les environs dans l'immédiat. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, Hassan les avait pourtant toujours entendu afficher leur préférence pour la côte Est. « Ils se font du souci pour toi. » avait-il finalement argué, avec une certaine douceur malgré tout. « Je ne dis pas qu'ils s'y prennent de la meilleure façon, mais ... je suis certain qu'ils essayent. Ils sont inquiets à ton sujet, c'est ce que les parents font de mieux. Sans quoi ils ne s'attarderaient pas ici. » Comme on tentait d'ignorer l'éléphant au milieu d'une pièce, Hassan s'était en tout cas gardé de faire le moindre commentaire direct quant à la séparation de Joanne. Elle ne s'attendait probablement pas à ce qu'il lui dise qu'il en était désolé, et pour cause puisqu'il ne l'était pas. Concernant un autre peut-être l'aurait-il sincèrement été, mais concernant l'homme auquel il avait fait face dans cet ascenseur d'ABC, il ne pouvait décemment pas l'être. « Mais tu as raison, cette maison vous sera bénéfique à tous les deux. Une page blanche aide toujours à remettre de l'ordre dans ses idées ... et ton sens de la décoration fera le reste, j'en suis certain. » Ou au moins cela lui permettrait-il de s'occuper l'esprit, raison déjà invoquée quant au fait qu'elle se soit occupée de donner à chasser de la maison d'Hassan les allures de chantier dans laquelle il l'avait laissée en partant.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Bien qu'il nappréciait absolument pas le père de l'enfant, Hassan semblait tout de même s'être pris d'affection pour Daniel. Surtout parce qu'il était le fils de Joanne. Et dire que ça aurait très bien pu être le leur enfant. Mais les choses ont été bien différentes. Elle avait laissé entrer Hassan dans la maison, le laissant constater à quel point elle était loin d'être installée pour le moment. Joanne en avait un peu honte, mais elle ne pouvait pas vraiment faire autrement. "Justement, tu aurais très bien pu te dire qu'en étant la personne qui a pu réaménager ta maison, tu te serais attendu à ce que ce soit un peu plus... en forme que ça ne l'est actuellement." dit-elle embarrassée, en haussant les épaules. "J'attends mon salaire de ce mois, je vais commencer par meubler le salon, un petit peu. Histoire que ça soit un peu plus convivial et accueillant." Qu'elle puisse recevoir des personnes un peu plus dignement. Rien que pour la baby-sitter de Daniel. "Mais la salle de bain, à l'étage, et quasiment neuve. Les propriétaires précédents l'avait refaite, et la cuisine deux ans avant ça." C'était déjà des travaux en moins, surtout qu'ils semblaient avoir bon goût. Du moins, cela correspondait à Joanne. Elle lui montrait ensuite la notice qu'elle avait laissée près des planches, des vis et des clous. Elle rit à la remarque d'Hassan. "Quoi que chez Ikea, ils font des efforts." lui rétorqua-t-elle. Mais cette bibliothèque n'était pas de cette marque là. Le petit jouait tranquillement sur son tapis de jeux, avec ses jouets. Pendant ce temps, Joanne racontait à son ex-mari que Jamie avait rompu avec elle. Elle avait parfaitement conscience qu'Hassan ne se sentait pas désolé, c'était certainement quelque chose qu'il souhaitait. Parce que tout ce qu'il voulait, c'était qu'elle soit saine et sauve. Et à ses yeux, elle ne l'était pas en restant accrochée à Jamie. "Non, il... Il faut qu'elle soit montée. Que ça ressemble un peu plus à quelque chose ici." répondit-elle la voix nerveuse et tremblante. "Je pourrai enfin déballer quelques cartons. Mes livres et mes DVDs. Quelques photos de Daniel, aussi." Il ne s'agissait là que de quelques cartons, mais le salon paraîtrait un peu plus organisées, avec une bibliothèque rangées et quelques cartons en moins. "Ils l'ont plus ou moins décidé lorsque Daniel est né. J'avoue qu'ils m'aident beaucoup, lorsqu'ils peuvent le garder lorsque j'ai des choses à faire. Mais ils ont gardé la maison à Perth, je crois qu'ils songent à passer un semestre ici, puis un autre là-bas, et ainsi de suite." expliqua-t-elle. "C'est leur seul petit-enfant après tout, je suppose qu'ils veulent passer un maximum de temps avec lui." C'était pourquoi il ne refusait jamais de le garder. "Ils en deviennent envahissants. Comme si je n'était restée qu'une adolescente à leurs yeux, à me demander systématiquement où je veux aller, à vérifier que je n'ai effectivement plus aucune marque sur mes poignets, et j'en passe des meilleurs." soupira-t-elle. "Et je finis par leur en vouloir, à la longue. Je sais que ce n'est pas ce qu'ils recherchent mais... Je ne sais pas, on ne doit pas être sur la même longueur d'onde." Cependant, Hassan pensait que c'était une bonne chose qu'elle ait pu se trouver une maison et l'aménager et la décorer. "Ca se fera par étape. Ma chambre en dernier." Parce qu'elle était la seule à pouvoir y aller, elle ne comptait pas ramener un homme tous les soirs à la maison, Hassan était bien placé pour savoir que ce n'était absolument pas son cas. Elle le laissait terminer de compter clous et vis pour voir si tout y était. Une fois fait, il étudiait les planches. Comme tout le monde, Joanne finit par s'asseoir par terre. Son fils la vit, et, peluche en main, il se précipita à quatre pattes vers elle pour se mettre sur ses genoux, et reprendre son jeu adossé contre elle. "Tu sais ce que Jamie m'a dit ?" finit-elle par lui dire, bien qu'il ne voulait certainement pas entendre par lui. "Il m'a dit que cette séparation était comme son dernier geste d'amour pour moi." Quelque chose qui était bien familier entre eux aussi. Même si les circonstances avaient été totalement différentes. "Je ne sais pas si c'est moi qui ne le mérite pas ou lui qui ne me mérite pas." dit-elle en baissant les yeux, désemparée. "Je me remets beaucoup en question. Encore une fois." Joanne était en partie fautive de ce qu'était devenue cette relation entre Jamie et et elle. "Je me demande ce qui cloche chez moi." dit-elle avec un rire nerveux, essayant de dédramatiser un peu, alors qu'elle se questionnait véritablement sur sa vie amoureuse.
A dire vrai Hassan ne s'attendait à rien de spécial concernant la nouvelle adresse de Joanne, sans trop savoir pourquoi l'aspect ou le contenu de la maison ne lui avait même pas traversé l'esprit, sans doute parce que ce n'était pas vraiment important. Lui avait campé dans son salon et dormi sur son canapé pendant presque un mois, au fond, alors il aurait été mal placé pour faire - ou penser - le moindre commentaire. « Justement, tu aurais très bien pu te dire qu'en étant la personne qui a pu réaménager ta maison, tu te serais attendu à ce que ce soit un peu plus ... en forme que ça ne l'est actuellement. » Mais comme il venait de le dire elle n'y était pas du tout, et n'avait pas à s'inquiéter à ce sujet. « J'attends mon salaire de ce mois, je vais commencer par meubler le salon, un petit peu. Histoire que ça soit un peu plus convivial et accueillant. Mais la salle de bain, à l'étage, est quasiment neuve. Les propriétaires précédents l'avait refaite, et la cuisine deux ans avant ça. » Hassan aurait aimé pouvoir en dire autant de la sienne, refaite à leur goût par les anciens propriétaires, certes ... mais sur une période désormais vieille de vingt ans. Mais enfin, cet achat n'avait été en rien dicté par une quelconque préoccupation matérielle, c'était même tout le contraire. « Tu n'as pas gardé quelques meubles de ton ancien appartement, qui pourraient te dépanner en attendant ? » Il ne savait pas grand-chose de cet appartement, pour des raisons évidentes, mais l'adresse de Pine Rivers mentionnée sur les papiers du divorce - ceux d'Hassan, réduits en confettis peu de temps après leur signature - lui suffisait à savoir que cet appartement avait bel et bien existé. A en juger par le fait qu'elle était toujours en pièces détachées, la bibliothèque ne faisait en tout cas pas partie de ces vestiges de la période ayant suivi leur séparation. « Quoi que chez Ikea, ils font des efforts. » Sans doute. Dommage qu'ils n'aient toujours pas songé à l'idée d'en faire sur les prix.
S'obstinant quelques instants à tenter de déchiffrer la notice, Hassan avait jeté l'éponge et récupéré ses lunettes dans son sac avant de poursuivre son comptage des pièces. Laissant couler la mention de Jamie avec une indifférence feinte, il avait préféré s'en remettre aux deux sujets mentionnés ensuite, à commencer par la bibliothèque dont elle ne devrait plus être un problème pour longtemps « Non, il ... Il faut qu'elle soit montée. Que ça ressemble un peu plus à quelque chose ici. Je pourrai enfin déballer quelques cartons. Mes livres et mes DVDs. Quelques photos de Daniel, aussi. » De quoi transformer la pièce en quelque chose de plus chaleureux et moins impersonnel, il comprenait le principe « Non, ce que je voulais dire c'est que je ne repartirais pas d'ici sans que cette bibliothèque soit sur pieds, alors ça fera un problème à rayer de ta liste. » avait-il alors simplement répondu en esquissant un léger sourire. La volonté des parents de Joanne à s'attarder en ville laissant en tout cas penser à Hassan qu'ils avaient décidé de s'installer à Brisbane, fait assez surprenant pour le brun qui se rappelait d'eux autant que de leur attachement à Perth. « Ils l'ont plus ou moins décidé lorsque Daniel est né. J'avoue qu'ils m'aident beaucoup, lorsqu'ils peuvent le garder lorsque j'ai des choses à faire. Mais ils ont gardé la maison à Perth, je crois qu'ils songent à passer un semestre ici, puis un autre là-bas, et ainsi de suite. C'est leur seul petit-enfant après tout, je suppose qu'ils veulent passer un maximum de temps avec lui. » C'était même probable, et parfaitement compréhensible de son point de vue, bien qu'il imagine aisément que cela puisse devenir un poil envahissant, et d'ailleurs Joanne avait repris presque aussitôt « Ils en deviennent envahissants. Comme si je n'était restée qu'une adolescente à leurs yeux, à me demander systématiquement où je veux aller, à vérifier que je n'ai effectivement plus aucune marque sur mes poignets, et j'en passe des meilleures. Et je finis par leur en vouloir, à la longue. Je sais que ce n'est pas ce qu'ils recherchent mais ... Je ne sais pas, on ne doit pas être sur la même longueur d'onde. » Sans doute, mais Hassan ne pouvait pas leur jeter la pierre concernant leur inquiétude, lui aussi était inquiet. Mais si ses propres parents ne parvenaient pas à lui faire entendre raison ce n'était pas lui, qu'elle semblait actuellement ranger dans le même panier, qui parviendrait à changer la donne.
Repérant les deux parois latérales parmi la pile de planches posées à côté de lui, Hassan s'était emparé de l'une des deux, s'interrompant un instant pour froncer les sourcils devant la marche à suivre illogique - de son point de vue - proposée par le mode d'emploi. De l'intérieur vers l'extérieur, on lui avait toujours appris à procéder ainsi, c'était l'une de ces choses que son père répétait lorsque pas plus haut que trois pommes Hassan l'observait bricoler dans son garage avec les chutes de bois récupérées à la menuiserie. Tentant de revenir à un sujet moins sensible, il s'était contenté de parler décoration comme d'une futilité, tandis que le bébé crapahutait à quatre pattes jusqu'à sa mère. « Ça se fera par étapes. Ma chambre en dernier. » Attrapant deux vis moyennes et la clé de montage, Hassan avait coincé l'une des deux entre ses lèvres de temps de s'occuper de fixer la première, attentif à ce qu'il faisait mais attentif également aux paroles de Joanne bien qu'il ne puisse pas à la fois avoir les yeux sur l'étagère et les yeux sur elle. « Tu sais ce que Jamie m'a dit ? » Non, bien sûr il ne savait pas. Tout ce qu'il savait c'était qu'avant de partir pour Téhéran, et de manière un peu maladroite, il avait tenté de lui faire comprendre que lui jeter Jamie au visage à la moindre occasion était plus blessant qu'elle ne l'imaginait ... Et il était à nouveau là, pourtant, au cœur d'une conversation qu'Hassan n'avait aucune envie d'avoir, mais dont la blonde semblait ne pas vouloir se défaire. « Il m'a dit que cette séparation était comme son dernier geste d'amour pour moi. Je ne sais pas si c'est moi qui ne le mérite pas ou lui qui ne me mérite pas. » Il se demandait si c'était les mots de Jamie, ou simplement la manière qu'avait Joanne de le définir. Mais Hassan avait presque la nausée qu'elle ose les comparer tous les deux, comme si les situations avaient quoi que ce soit de comparable. « Je me demande ce qui cloche chez moi. » La vis qu'il gardait calée entre ses lèvres avait chuté sur le parquet et roulé aux pieds de Joanne avant qu'Hassan ne puisse la rattraper. Un peu agacé de s'être ainsi laissé troubler, il avait secoué vaguement la tête « Qu'est-ce que tu espères que je te dise, Joanne ? » La question était posée à voix basse, sans animosité mais avec une certaine résignation, en revanche. « Que je suis désolé ... ? Je le suis pas, tu le sais. » Et elle savait sans doute aussi pourquoi, elle devait savoir que ce n'était pas contre elle, au fond.
Terminant de fixer la première vis, il s'était finalement interrompu, retirant ses lunettes et passant une main sur son visage en soupirant, un peu las. Non pas de Joanne, mais de cette situation inextricable dont il lui semblait que seule la volonté de la jeune femme l'empêchait de s'en sortir. « Je peux pas avoir de compassion pour lui, j'ai même pas envie d'essayer, parce que la manière dont il s'est comporté avec toi je trouve ça inacceptable. Et je sais, tu vas me dire qu'il est pas toujours comme ça, et j'te crois ... mais ça suffit pas. » Ça ne voulait pas dire qu'il ne recommencerait pas, en réalité même si Hassan ne jugeait pas utile de le mentionner, le comportement de Jamie durant leur face à face dans l'ascenseur lui laissait même penser exactement le contraire. Il n'avait vu qu'un type instable, incapable de raisonner autrement qu'avec colère, obligé d'abattre son poing sur le cadran de l'ascenseur parce que l'abattre sur la mâchoire d'Hassan lui aurait donné encore plus mauvais rôle. « Et c'est pas ce que tu mérites, vivre dans l'incertitude de savoir s'il s'en reprendra à nouveau à toi, rester avec quelqu'un qui veut que tu sois à lui plutôt qu'avec lui, je suis désolé mais tu ne mérites pas ça. Personne ne mérite ça. » Et quelque part c'était peut-être ce qui lui faisait le plus de peine, l'idée qu'elle pense ne pas pouvoir métier autre chose, ou mériter mieux. Silencieux, le bébé avait un temps donné la - fausse - impression d'écouter la conversation, mais bientôt il avait recommencé ses babillages et reporté son attention sur sa peluche. « Mais je sais que tu penses que je me trompe, tout comme je pense que toi tu te trompes ... Alors je suppose qu'on ne tombera jamais d'accord là-dessus. » Elle ne parviendrait pas plus à le convaincre que lui à la convaincre, c'était ça la vérité, peu importe qu'elle ne soit plaisante ni pour lui, ni pour elle. Récupérant la vis qui avait roulé jusqu'au pied de Joanne, il avait entrepris de la fixer à son tour, chaussant à nouveau ses lunettes sur son nez et quittant la jeune femme des yeux, mais ajoutant malgré tout « Mais je veux pas que tu penses que la situation me fait plaisir non plus ... Ça ne me plait pas, de te savoir malheureuse. » Et s'il se sentait obligé de le dire à voix haute c'est parce qu'il craignait réellement qu'il ne se satisfasse de sa situation. Elle n'était pas heureuse, ce n'était en rien une victoire ou une satisfaction à ses yeux.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Au moment où Joanne avait à nouveau emménagé avec Jamie, elle ne s'était pas vraiment posée la question concernant son appartement et ses meubles. Elle avait rendu les clés, et vendu le mobilier. Il ne lui était jamais venu à l'esprit qu'elle pourrait à nouveau en avoir besoin étant donné que Jamie avait déjà bien plus que nécessaire, et il était prêt à lui offrir tout et n'importe quoi. Elle avait été bien aveugle et naïve pour penser qu'elle n'aurait plus jamais besoin de tous ces meubles. Et jamais elle n'avait songé à louer un endroit où les stocker, juste au cas où. Elle était pourtant une personne très préventive, elle avait toujours une roue de secours. C'était alors un peu honteuse, qu'elle secoua négativement la tête. "Non." répondit-elle tout bas. "Je... Je ne pensais pas en avoir besoin." Et la jeune femme ne se voyait pas non plus utiliser les mêmes meubles achetés après sa première séparation pour les réutiliser après la seconde. Au fond, ce n'était pas plus mal. "Mais ça me permet de repartir de zéro. Ca serait très progressif, et ça se montera petit à petit, ce n'est pas plus mal comme ça." ajouta-t-elle. Et pour preuve, elle venait déjà de s'acheter une bibliothèque. Certes, elle n'arrivait pas à la monter, mais Hassan lui avait assuré qu'elle n'avait plus à se faire de soucis de ce côté-là. Bien qu'il ne semblait pas comprendre grand chose à la notice également. Joanne savait qu'il parvenait toujours à se débrouiller, et il utilisait tout son bon sens afin de comprendre comment monter ce meuble. Joanne le regardait avec une reconnaissance sincère. Néanmoins, les sourires et tout autre émotion positive furent vite évincés de leur conversation. Joanne regretta très vite d'avoir eu ce besoin de parler. Elle se sentait si bête, elle savait combien Hassan n'aimait pas lorsqu'elle pouvait le mentionner lui. Elle ne les comparait absolument pas sur la séparation, elle trouve surtout étrange le fait que les deux l'aient pu quitter par amour. Aucun des deux ne voulait qu'elle souffre. Et Hassan la connaissait suffisamment pour savoir qu'elle n'aurait jamais pu supporter son veuvage si les choses s'étaient déroulées comme Hassan le pensait. La vis qu'il avait malencontreusement lâché roula jusqu'aux pieds de la jeune femme. Elle l'observa, bien que son regard semblait particulièrement vide. Daniel avait fini par quitter ses genoux, ayant vu au loin un jouet qui l'intéressait. Le ton employé par Hassan était bien différent de celui qui l'avait d'habitude. Il fallait bien le connaître pour remarquer le contraste qui lui pinça vivement le coeur. Il parlait tout bas, mais c'était comme s'il la fusillait du regard, comme s'il lui en voulait beaucoup. Elle déglutit difficilement sa salive et baissa les yeux, honteuse de son erreur. Elle n'en ratait pas une. A fleur de peau, les larmes étaient très vite montées au bord de ses yeux. Elle restait muette, et lui continuait de parler, disant tout ce qu'il pouvait penser, même entre les lignes. Pourtant il était rare qu'elle fonde en larmes devant son fils, elle faisait véritablement de son mieux pour qu'il ne souffre pas de cette situation à cause d'elle. Heureusement, il était occupé avec sa peluche, bien qu'il avait eu un moment où il semblait écouter la conversation. Elle restait longuement silencieuse. "Je suis désolée, je ne voulais pas t'importuner, ou même t'offenser." dit-elle tout bas, la voix plus que tremblante. Elle s'en voulait terriblement. Pourtant, c'était certainement ce dont elle avait besoin, de parler. Mais certainement pas à un psychologue, Dieu sait comment l'on réagirait si on savait que l'on avait face à soi la femme que Jamie Keynes avait violenté. Joanne ne voulait pas de ces regards là. Le fait qu'Hassan s'était autant braqué était légitime, elle en avait pleinement conscience. Mais cela ne faisait que continuer de creuser ce trou qui devenait sans fin et qui ne faisait qu'accentuer ce sentiment de solitude. Depuis des semaines, Joanne se sentait particulièrement seule, et ça n'allait pas en s'améliorant. Il avait raison sur bien des points, notamment sur le fait que Jamie préférait largement dire qu'il était à lui plutôt qu'avec lui. Joanne mentirait si elle disait que ça ne lui plaisait pas. Elle avait trouvé un certain réconfort dans cette possessivité, dans le fait d'appartenir à quelqu'un. C'était devenu quasi contagieux. Mais Hassan avait pointé du doigt cette différence là, et ça avait interpellé Joanne. Songeuse, elle se renfermait peu à peu sur elle, le montrant avec le réflexe de se recroqueviller sur elle-même en pliant ses genoux contre elle et en les entourant de ses bras. Elle posait son menton sur ses genoux, et regardait dans le vide. "Je suis désolée..." répéta-t-elle, toujours en larmes. Elle ne savait pas vraiment pour quoi elle était désolée, mais c'était la seule chose qu'elle pensait à ce moment là. Elle était navrée pour tellement de choses vis-à-vis d'Hassan. Elle s'en voulait de s'être comportée ainsi, d'avoir ramené ce sujet là alors qu'il n'était vraiment pas la personne avec qui il fallait parler de ce genre de choses. Désormais, Joanne n'osait plus vraiment dire quoi que ce soit, de peur de froisser une nouvelle fois son ex-mari. L'on entendait plus que Daniel se divertir avec ses jouets, et les bruits de planches et de vis qu'Hassan fixait et montait au fur et à mesure. "Tu ne t'attendais certainement pas à ce que je termine comme ça, pas vrai ?" lui demanda-t-elle finalement, rongée par une sorte de culpabilité. "Tu dois être si déçu..." Et pour Joanne, c'était la pire des choses pour elle, de décevoir une personne qui lui est particulièrement proche. C'était l'une de ses pires craintes. Hassan le savait. C'était encore plus dur pour elle de remonter la pente tout en sachant qu'elle en avait déçu plus d'un. Ses parents, par rapport au fait de s'être laissée aveuglée par les sentiments qu'elle avait pour Jamie, Jamie lui-même avait été déçu d'elle, Saul aussi, certainement. Et pour elle, Hassan s'ajoutait logiquement à cette liste. Et qu'est-ce que c'était douloureux pour elle.
Hassan avait posé la question un peu sans y réfléchir, et en avait regretté la formulation de sa question à peine avait-il croisé le regard défait et incertain de Joanne, comme si elle y avait vu une forme de jugement qu'il n'avait pourtant eu aucune intention de porter. « Non ... Je ... Je ne pensais pas en avoir besoin. » Évidemment, et ce n'était pas quelque chose que l'on pouvait légitimement lui reprocher, aussi secouant légèrement la tête il s'était repris « Non, tu as raison. Excuse-moi. » On ne s'investissait pas dans une relation dans l'optique d'en voir la fin, ce n'était fort heureusement jamais le but, et Hassan avait simplement fait l'erreur de mettre dos à dos leurs emménagements respectifs en oubliant momentanément que leurs situations, en revanche, n'étaient pas similaires. « Mais ça me permet de repartir de zéro. Ça serait très progressif, et ça se montera petit à petit, ce n'est pas plus mal comme ça. » Il avait acquiescé légèrement, elle avait probablement raison. Parole de personne qui avait loué un appartement à la va-vite et acheté le minimum de meubles, dans l'optique de ne probablement pas en voir la couleur bien longtemps. Continuant de dompter cette bibliothèque pour laquelle la blonde l'avait appelé à la rescousse, il gardait les yeux rivés sur ce qu'il était en train de faire mais les oreilles attentives à ce que lui disait Joanne, bien qu'au fil de ses phrases une pointe d'agacement finisse par s'insinuer en lui alors que le sujet dérivait - sans surprise - sur l'ex-fiancé de la jeune femme. Celui-là même auquel Joanne continuait de donner le beau rôle en lui trouvant tout un tas d'excuses qu'Hassan ne pouvait pas cautionner.
Un agacement qu'il n'avait finalement pas été capable de garder pour lui, tant le stoïcisme et la manière dont Joanne se laissait subir la situation le révoltait. Ce n'était pourtant pas après elle qu'il en avait, ou pas directement du moins, c'était ce qu'elle semblait être devenue au contact de cet homme qui le laissait perplexe, ce qu'il avait réussi à faire d'elle en l'espace d'un an et demi, deux ans, ou peu importe à quand remontait leur rencontre à tous les deux. Mais, peu habituée sans doute à se retrouver au centre des contrariétés du brun, Joanne avait bafouillé « Je suis désolée, je ne voulais pas t'importuner, ou même t'offenser. » d'un air confus, pourtant inconsciemment capable de comprendre ce qui, dans ces propos, pouvait effectivement avoir quelque chose d'offensant. De blessant, même, parce qu'il se sentait blessé de la voir ainsi les mettre sur le même pied d'égalité Jamie et lui, comme si leurs comportements étaient équivalents, comme si ces actes qu'il condamnaient avec véhémence ne valaient pas mieux que la situation à laquelle il avait confronté la blonde presque trois ans plus tôt, en pensant pourtant lui laisser l'option la "moins pire". Est-ce que cela l'était à ses yeux, alors ? Équivalent. Hassan n'avait pas osé poser la question, par peur sans doute de quelle pourrait être la réponse. « Je suis désolée ... » avait-elle pourtant répété à nouveau, Hassan sentant son cœur se serrer en voyant les larmes rouler sur ses joues et ses jambes se replier contre elle tel un mécanisme de défense inconscient. « Ne me fais pas passer pour le méchant, Joanne ... » avait-il soupiré avec une pointe de tristesse, et l'impression que si elle laissant Jamie faire d'elle sa poupée de chiffon sans broncher, lui n'avait pas le droit véritable d'exprimer une opinion qu'elle savait pourtant d'avance être déplaisante à entendre pour elle.
Amer quant à l'impression de se retrouver dans une impasse face à elle, Hassan n'avait plus rien dit et artificiellement reporté son attention sur le montage de la bibliothèque, le silence pesant de la pièce troublé uniquement par les babillages du bébé, l'assemblage des panneaux de bois et Joanne qui reniflait doucement en tentant de sécher ses larmes. « Tu ne t'attendais certainement pas à ce que je termine comme ça, pas vrai ? » avait-elle fini par questionner, persuadant Hassan d'interrompre à nouveau sa besogne lorsqu'elle avait ajouté « Tu dois être si déçu ... » Reposant la clef de montage au-dessus du sachet de vis qui trônaient près du meuble à demi-monté, Hassan avait pivoté d'un quart tout en restant assis sur le parquet du salon, mais faisant ainsi face à Joanne « Je ne suis pas déçu, je suis ... triste. » Son état quasi-permanent depuis plusieurs mois, serait-on tenté d'ajouter, mais la situation tendait à se compliquer légèrement « Je ne sais pas si tu peux t'imaginer ce que ça m'a coûté de te dire que je voulais divorcer. L'effet que ça peut faire de regarder dans les yeux la personne que tu aimes, et de te dire que c'est terminé ... de repenser au dernier baiser, aux dernières caresses, au dernier "je t'aime" et de savoir qu'il n'y en aura pas d'autres, parce que tu t'apprêtes à y renoncer. » Elle ne saurait jamais vraiment, non, mais si elle l'avait réellement aimé autant qu'il l'avait aimée elle pouvait en avoir une vague idée. « Mais je pensais vraiment que c'était ce qu'il y avait de mieux à faire, que ce serait plus simple pour toi, et que tu retrouverais quelqu'un de bien ... quelqu'un qui prenne soin de toi. Maintenant j'ai simplement l'impression de t'avoir laissée à la merci du premier manipulateur venu, et d'avoir fait pire que mieux. » Et il s'en voulait, quelque part. D'avoir cru comme l'évangile à la parole des ces médecins qui ne cachaient même pas leur pessimisme à son sujet, d'avoir voulu prendre les devants et finalement réussi uniquement à mettre Joanne dans la situation qui était la sienne actuellement. Attirée par un type instable, probablement dangereux, comme un papillon de nuit attiré par une source de lumière. « Et je ne sais juste plus quoi faire ou quoi dire pour te faire comprendre que c'est trop facile, pour lui, si tu acceptes sans broncher et sans te poser de question que tout est de ta faute. Que c'est toi qui l'a énervé, qui n'a pas dit ou fait ce qu'il fallait, qui pose trop de questions ou Dieu sait quoi d'autre encore ... J'ai vu comment il raisonnait. Mais tout ça c'est de fausses excuses. C'est pas toi qui a un problème. » Il avait vu, dans cet ascenseur, la façon qu'avait Jamie de se justifier en pointant les fautes des autres, simplement pour ne pas avoir à affronter les siennes. La manière dont il minimisait ses actes envers Joanne en parlant de "mauvais jours" comme si s'en prendre physiquement à elle n'était qu'un détail insignifiant ou d'une banalité affligeante. « Et le pire c'est que je crois que quoi que je dise, à la seconde où il décidera de te récupérer tu accourras vers lui. » Et les choses ne changeraient jamais, parce que Jamie aurait la preuve que peu importe son comportement envers Joanne elle lui pardonnerait tout, même l'impardonnable. Sentant sa gorge se serrer, il avait détourné le regard et préféré à nouveau s'en remettre à la bibliothèque, récupérant dans le sachet les vis de fixation pour les coins du meuble. Il se demandait à quoi bon, s'il n'était là que pour monter ce foutu meuble et donner des conseils qu'elle ne suivrait pas, et dont elle n'avait probablement que faire.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"J'ai toujours l'argent que nous avions chacun récupéré lorsque nous avions vendu la maison." dit-elle alors, se souvenant subitement qu'elle avait ce compte bancaire là qui dormait et auquel elle n'avait jamais toucher. Ce serait certainement une belle opportunité pour l'utiliser, son aménagement prendrait donc moins de temps que prévu. "Je n'ai jamais vraiment osé y toucher." avoua-t-elle. "Dans ma tête, cette somme là reste la nôtre, et non la mienne." Elle haussa les épaules. "S'il venait à être utilisé, je ne voudrais pas l'utiliser pour n'importe quoi." Juste après le divorce, Joanne avait fait ce qu'elle pouvait pour se raccrocher à lui. Il y avait sa bague de fiançailles, son alliance, ces quelques photos. Et finalement, cette somme d'argent avait fini par avoir une certaine valeur sentimentale aussi. Après quoi, la jeune femme avait bien compris à quel point le beau brun était agacé. Elle le prenait directement pour elle et préférait s'en excuser plus d'une fois, rongée par une certaine culpabilité. Hassan avait pivoté sur place afin de se retrouver face à elle, et il captait son regard pour lui avouer qu'il ressentait de la tristesse plutôt que de la déception. Suite à quoi il se lança dans une tirade, lui expliquant combien il avait été difficile pour lui de demander le divorce alors qu'il l'aimait encore, et de devoir renoncer à tout ce qui alimentait leur couple. "J'y ai renoncé aussi en disant tout de suite que j'étais d'accord." lui répondit-elle avec un regard compatissant, la voix douce. "Peut-être que tu t'attendais à ce que je me batte plus, à ce que je refuse cette séparation, mais je ne voulais pas que ça se termine sur un désaccord. Que si tu voulais mettre fin à notre idylle, c'est que tu devais avoir de très bonnes raisons et je ne voulais pas devenir celle qui te mettait des bâtons dans les roues. Ca ne m'a peut-être pas autant coûté que toi, parce que j'imagine qu'être la personne qui demande la séparation doit être la pire position qui soit." Difficile de se mettre à sa place, en effet, mais Joanne le comprenait. "Nous avons tous les deux renoncé à beaucoup de choses, ce jour-là." Et tout ça, par amour. "Ce n'est pas de ta faute, Hassan, s'il m'est arrivé tout ceci, si j'ai rencontré Jamie." Parce que sa phrase laissait largement sous-entendre le contraire. "Je suis touchée que tu aies pensé à moi de cette manière. Que tu te doutais que je m'en sortirai peut-être mieux en étant divorcée plutôt que veuve." Même si tout ne s'était pas passé comme prévu, Joanne avait fini par lui être reconnaissante. "Et tu en veux à nouveau, des baisers, des caresses et des mots d'amour ?" lui demanda-t-elle, ayant bien conscience que sa vie amoureuse semblait être le cadet de ses soucis. "Je ne pense pas forcément à moi, hein. Mais tu y as déjà songé, de retomber amoureux ?" Avoir un soutien quasi quotidien lui ferait du bien, Joanne n'en doutait pas. Mais peut-être qu'il ne se sentait pas encore prêt à s'engager dans quoi que ce soit. "Comment ça, tu as vu comment il raisonnait ?" lui demanda-t-elle, alors. Il était facile de supposer qu'ils ne s'étaient pas que croiser dans les couloirs du studio ABC pour qu'il dise ça. Joanne restait ensuite longuement silencieuse. Peut-être qu'Hassan n'était pas le plus objectif dans toute cette histoire, mais ses paroles restaient toujours justes, il s'empêchait de trop entrer dans un jugement. Et lui était bien sûr de lui lorsqu'il disait que ce n'était certainement pas son ex-femme qui avait un problème, que ce n'était pas sa manière de faire qui justifiait les réactions de Jamie. Peut-être qu'il avait raison. Elle le fixa longuement, plongée dans ses réflexions, à répéter sans cesse cette phrase dans sa tête. Et la confrontation à sa propre réalité fut d'autant plus brutal lorsqu'Hassan disait être persuadé qu'elle retournerait vers Jamie la seconde où il voudrait la récupérer. Et Joanne était subitement loin d'appréciée d'être ainsi à la merci d'un homme, alors que tant de personnes s'évertuaient à lui dire qu'elle avait tout pour elle. "Dis comme ça, ça ne donne pas très envie." dit-elle, un peu honteuse. Elle avait été plus que ça avec Hassan, elle ne parvenait pas à expliquer tout ce qui s'était passé pour en arriver là. "Je ne dis pas que je ne ferai plus d'erreur avec lui, mais..." Elle soupira. "Il a voulu cette séparation, et il l'aura. Même si c'est encore très difficile d'être dans la même pièce que lui." Elle était alors prise d'une certaine faiblesse dont elle n'arrivait pas à se défaire. Cette paire d'yeux verts qui pouvait lui demander encore presque n'importe quoi. "Je te crois, Hassan, dans tout ce que tu viens de dire. Et j'aimerais m'y détacher aussi facilement, être capable de tout éteindre, et d'essayer de repartir d'un bon pied. Là, je me sens engluée, et ça m'empêche d'avancer. Je... Je crois que j'ai besoin de recul, mais ça reste impossible. Pas avant qu'il puisse avoir la garde de Daniel." Il restait le père de cet enfant, et Joanne avait beau vouloir s'arracher d'elle ses sentiments pour lui, il restait l'homme avec qui elle avait pu avoir un enfant. C'était un lien indéfectible. "Il vient le voir plusieurs fois par semaine, et je ne vais pas l'en empêcher, je ne veux pas que Daniel grandisse sans père. Si tu voyais combien l'ambiance est étrange, presque, malsaine. Et l'avoir là, pendant deux, trois heures, ça n'aide pas vraiment." Et à côté, Jamie semblait tout faire pour toucher les points sensibles de la jeune femme, jusqu'à prétendre qu'elle serait une mauvaise mère. "Il aura peut-être un droit de garde pour Daniel d'ici quelques mois." Peut-être que moins le voir lui permettrait enfin d'avancer, et d'arrêter de sentir son coeur se serrer à chaque fois qu'il apparaissait dans son champ de vision. "J'aimerais être plus forte que ça." dit-elle en appuyant sa tête contre le mur. "Peut-être partir une ou deux semaines en vacances avec Daniel. Pour bien me détacher avant que je ne me fasse de nouveau avoir." Et qu'elle tombe dans le piège. La jeune femme resta ensuite longuement silencieuse alors qu'Hassan avançait bien sur le montage de la bibliothèque. "Tu veux rester manger, ce soir ?" lui demanda-t-elle finalement, alors que Daniel s'approchait à nouveau de sa mère pour avoir droit à quelques câlins. "Je comptais faire un gratin, avec un peu de viande. Je le conçois, le cadre n'est pas ce qu'il y a de plus fameux, mais il paraît que ma cuisine n'est pas si mauvaise que ça." dit-elle avec un léger sourire.
La blonde disait vouloir prendre son temps pour réaménager cet appartement et le remplir à sa guise, faire les choses de manière progressives sans doute pour avoir le temps de s'y faire en douceur. Une volonté qu'Hassan ne pouvait que comprendre puisque lui avait fait l'erreur d'agir de façon inverse, ce qui, il en était pratiquement certain, n'avait pas aidé sa situation. Pourtant contre toute attente, Joanne avait avoué « J'ai toujours l'argent que nous avions chacun récupéré lorsque nous avions vendu la maison. » arrachant à Hassan une légère expression de surprise « Je n'ai jamais vraiment osé y toucher. Dans ma tête, cette somme là reste la nôtre, et non la mienne. S'il venait à être utilisé, je ne voudrais pas l'utiliser pour n'importe quoi. » Il se demandait bien ce que "n'importe quoi" pouvait être à ses yeux, mais secouant légèrement la tête il avait assuré « Pouvoir vivre dans un appartement qui te plaise et où tu te sente bien ce n'est pas n'importe quoi ... Et ce n'est pas notre somme, c'est la tienne. Vraiment. » Il avait eu sa propre part et Joanne avait eu la sienne, et au fond ce n'était pas tant une question d'appartenance que l'idée de voir fondre la somme qui avait jadis servi à leur construire un chez-eux, qui serrait le cœur. « Si ça peut t'aider à t'en détacher, j'ai utilisé ma part pour l'apport de la maison de mes parents. » C'était bizarre, cette manière dont il n'arrivait pas encore à se dire pleinement qu'il s'agissait de sa maison, et non plus de celle de ses parents. Mais, tout cela pour dire que si lui avait fini par se détacher de cette somme et la réutiliser, elle n'avait plus de raison de ne pas en faire de même.
Sans grande surprise Jamie était pourtant rapidement venu s'immiscer dans la conversation, Hassan partagé entre la colère que lui inspirait l'homme et la tournure prise par sa relation avec Joanne, et celle que réveillait chez lui le fait que la blonde continue à se sentir responsable de tout, surtout du pire. Elle le pensait déçu, lui se sentait surtout triste, et coupable. Coupable de ne pas avoir deviné que leur divorce minerait suffisamment la confiance de Joanne pour que développer une emprise excessive envers elle devienne trop simple. Il pensait avoir sacrifié pour le mieux, mais avait le sentiment d'avoir sacrifié pour le pire, en fin de compte « J'y ai renoncé aussi en disant tout de suite que j'étais d'accord. » Sa gorge s'était serrée, il n'était pas certain de vouloir réveiller la rancœur qui s'y rattachait ... Et c'est sur ce terrain là que la jeune femme s'était aventurée pourtant. Il entendait ses arguments ... Mais cela restait une blessure pour lui, elle avait abdiqué, elle ne s'était pas battue, tout comme ce divorce qui lui était tombé dessus sans crier gare restait une blessure pour elle. C'était indélébile, et le mieux qu'Hassan puisse tenter de faire de son côté c'était de tout faire pour parvenir, un jour, à laisser cela derrière lui. Sa,s chercher à l'effacer, mais sans continuer à en souffrir comme actuellement. « Nous avons tous les deux renoncé à beaucoup de choses, ce jour-là. Ce n'est pas de ta faute, Hassan, s'il m'est arrivé tout ceci, si j'ai rencontré Jamie. Je suis touchée que tu aies pensé à moi de cette manière. Que tu te doutais que je m'en sortirai peut-être mieux en étant divorcée plutôt que veuve. » Mais la vérité c'est que cela avait moins d'impact, maintenant qu'il avait fait mentir les chiffres et les médecins, et que tout cela avait été fait pour rien, ou presque. « Et tu en veux à nouveau, des baisers, des caresses et des mots d'amour ? Je ne pense pas forcément à moi, hein. Mais tu y as déjà songé, de retomber amoureux ? » Qu'elle se sente obligée de préciser qu'elle ne parlait pas d'elle était d'une ironie presque cruelle, mais sa question pas entièrement dénuée de sens, sans doute « Je sais pas où j'en serais dans six mois, dans un an ... je sais pas. C'est toujours l'angoisse à chaque fois que je reçois des résultats d'examens, et je suis même pas encore à la moitié du temps après lequel on peut réellement dire qu'on est "guéri" de ce genre de saloperies ... j'ai pas le droit d'imposer ça à quelqu'un. » Et puis, parait-il que l'on ne pouvait pas être bien avec quelqu'un tant que l'on n'avait pas réappris à être bien avec soi-même ... Les idées noires s'étaient calmées, un peu, mais Hassan était encore loin de l'optimisme et de la légèreté pour lesquels Joanne l'avait connu, douze ans plus tôt.
Laissant pour une fois les mots quitter ses lèvres sans en peser chacun avec hésitation, un léger rictus était passé sur ses lèvres lorsqu'elle avait relevé « Comment ça, tu as vu comment il raisonnait ? » Mais à quoi bon au fond, que son Jamie se retrouve au coeur des journaux à scandale et dans le collimateur de la police était la preuve que rien ne l'arrêtait, pas même de savoir que quelqu'un était au courant de ses agissements. Faute de mieux Hassan avait espéré que son secret ne soit plus sain et sauf le pousse à revoir ses actions ... Erreur. « Notre trajet commun en ascenseur chez ABC ne m'a pas aidé à revoir mon opinion à son sujet. » C'était même tout le contraire, en vérité. « Mais je te rassure, c'est entièrement réciproque. Je ne reste que le sale étranger d'ex-mari, qui n'a aucun droit de s'inquiéter pour toi. » Reste qu'aux yeux d'Hassan, les surnoms un brin racistes et la technique du "c'est toi qui a commencé" n'avaient fait que renforcer le peu de crédit qu'il était désormais prêt à accorder aux paroles de Jamie. Absence de crédit qui valait aussi pour les "mauvaises jours" derrière lesquels il cachait ses accès de colère sur Joanne. Et pourtant ... pourtant, comme il avait fini par l'avouer avec amertume, baissant à nouveau les yeux sur le meuble, il restait persuadé que ses airs de beau-parleur donneraient toujours à cet homme plus de crédit aux yeux de Joanne que les mots de n'importe qui d'autre. « Dis comme ça, ça ne donne pas très envie. » Sans doute pas, non. « Je ne dis pas que je ne ferai plus d'erreur avec lui, mais ... Il a voulu cette séparation, et il l'aura. Même si c'est encore très difficile d'être dans la même pièce que lui. » Et ce qu'elle voulait, elle ? Encore une fois il n'était question que de ce que Jamie voulait, sa volonté, toujours la sienne. « Tu vois ... c'est lui qui t'a frappée, mais c'est lui qui agi comme si tout était de ta faute. » Cela ressemblait presque à un mauvais refrain, dont l'ex-fiancé de Joanne tirait les ficelles entre mauvaise foi et absence de remise en question. « Je te crois, Hassan, dans tout ce que tu viens de dire. Et j'aimerais m'y détacher aussi facilement, être capable de tout éteindre, et d'essayer de repartir d'un bon pied. Là, je me sens engluée, et ça m'empêche d'avancer. Je ... Je crois que j'ai besoin de recul, mais ça reste impossible. Pas avant qu'il puisse avoir la garde de Daniel. » Machinalement les yeux d'Hassan s'étaient déposés sur le bébé. Il jouait, trop jeune, inconscient de ce qui secouait ses parents, et même son existence ... L'exemple parfait - et malheureux - de ce qui se faisait en terme de dommage collatéral. Il aurait aimé trouver quelque chose à dire, une solution, un conseil, mais au fond il n'en avait pas et il ne pouvait pas lui reprocher de ne pas vouloir priver son fils de l'un de ses deux parents, quand bien même le parent en question avait un comportement à l'opposé d'irréprochable. « J'aimerais être plus forte que ça. » avait-elle finalement confié d'un ton éteint « Peut-être partir une ou deux semaines en vacances avec Daniel. Pour bien me détacher avant que je ne me fasse de nouveau avoir. » Hassan avait fini par se remettre debout, pour poursuivre le montage de la bibliothèque, mais avait reposé les yeux sur Joanne avant de s'y remettre « Personne ne te reprochera de prendre un peu de temps pour toi ... et puis ça te permettrait de souffler un peu vis-à-vis de tes parents, aussi. » Puisqu'elle semblait également en avoir cruellement besoin, à en juger parce qu'elle avait précédemment dit à leur sujet.
Le silence s'était à nouveau installé dans la pièce, moins lourd que le silence précédent, et Hassan avait tenté d'enclencher la vitesse au-dessus concernant la bibliothèque, désireux de ne pas y passer des heures et avoir l'impression d'accaparer le temps de Joanne. Alors qu'il ne lui restait plus à ajouter que la planche qui allait au fond et permettait de fermer le meuble sur l'une de ses faces, la blonde avait proposé « Tu veux rester manger, ce soir ? Je comptais faire un gratin, avec un peu de viande. Je le conçois, le cadre n'est pas ce qu'il y a de plus fameux, mais il paraît que ma cuisine n'est pas si mauvaise que ça. » Remettant le meuble debout, Hassan avait esquissé un sourire, à la fois pour sa réflexion et en l'observant récupérer Daniel, qui réclamait à nouveau ses bras « Il parait, oui. » Et si, de par les horaires de travail respectifs, Hassan cuisinait plus souvent qu'elle à l'époque où ils étaient mariés, il ne rechignait jamais lorsque Joanne se mettait derrière les fourneaux. « C'est d'accord, mais à condition que ça ne dérange pas petit homme ici présent. Il avait peut-être envie d'un dîner en tête à tête avec la femme de la maison. » Amusé, Hassan s'était d'ailleurs occupé de terminer avec le meuble, tandis que Joanne préparait le repas et s'occupait de faire manger Daniel. Il avait pris quelques secondes pour observer le résultat terminé, avant de chercher des yeux un endroit où déplacer la bibliothèque en attendant que Joanne lui dise où elle avait envie de la mettre. Mais bientôt, le fil de ses pensées avait été interrompu par un jappement léger, à mi-chemin avec le couinement qui ne ressemblait en rien à ce qui avait pu sortir de la bouche du bébé jusqu'à présent. Les sourcils froncés, Hassan avait fait quelques pas en arrière pour jeter un œil à travers la baie vitrée du jardin, et découvert les deux boules de poils aux couleurs opposées et qui se battaient gentiment pour la même place devant la vitre, malgré le fait qu'il en reste plein à côté. « Tu ne m'avais pas dit que tu avais deux passagers clandestins ? » avait-il lancé à l'adresse de Joanne, dans la pièce d'à côté, tandis qu'il entrouvrait la baie vitrée et mettait un genou à terre pour caresser le pelage des deux chiots. La silhouette de Joanne, réapparaissant de la cuisine, lui avait finalement fait relever la tête.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Non seulement Joanne voulait prendre son temps, mais elle était également dans l'incapacité de faire tout vite. Oui, elle avait rapidement trouvé ce logement. C'était une aubaine : peu de travaux à faire, un prix convenable malgré tout, et tout ce qu'il fallait à proximité. Le grand soucis de Joanne était aussi de trouver des meubles pour remplir chacune de ses pièces, y coller une âme qui serait semblable à la sienne. Elle avait des difficultés de se projeter ainsi depuis son divorce. Qu'on la laisse ainsi tout choisir. Lorsqu'elle avait aménagé avec Jamie, il y avait déjà tout, elle n'avait pas d'avis à émettre de toute façon. La jeune femme avait confessé à son ex-mari que sa part récoltée après avoir vendu la maison dans laquelle ils avaient vécu n'avait toujours pas été dépensée. Hassan fut surpris qu'elle ait pu laisser dormir cet argent pendant presque trois ans. "Tu es sûr ?" lui demanda-t-elle tout de même. Suite à quoi, il précisa qu'il avait dépensé sa part pour la maison qu'il venait tout juste d'acquérir. "Je suppose qu'il y aura largement de quoi faire, avec cette somme là, peut-être même qu'il m'en restera un peu." lui dit-elle en souriant, après un instant de réflexion. C'était même sûr, surtout que ce compte qu'elle avait laissé bien loin de sa vue avait été gonflé par les intérêts. Quelque part, Joanne se sentait soulagée qu'il lui donne en quelque sorte le feu vert pour dépenser cet argent. Il était clair que ça lui enlevait une sacrée épine du pied et qu'elle allait pouvoir se faire plaisir. Faire les magasins sans trop compter allait l'aider à lui vider l'esprit. La mine d'Hassan devint plus grave lorsqu'ils venaient à parler du divorce. Il était vrai qu'elle ne s'était pas battue pour sauver leur couple, et elle venait d'expliquer pourquoi. Il semblait être peu convaincu par ce qu'elle lui avançait. "Qui parle d'imposer quoi que ce soit ?" lui rétorqua-t-elle doucement, en le regardant avec une certaine affection. "Je sais que tu es terrorisé de chaque rendez-vous ou examen que tu vois passer. Ca se voit, là, rien qu'en en parlant. Mais tu ne t'es jamais dit, que, pour une fois, tu pourrais emmener quelqu'un avec toi ? Avoir quelqu'un qui te soutiendrait quoiqu'il arrive ? Tu te sens seul face à ta propre maladie, et tu ne veux pas la faire subir aux autres, ça, je l'entends bien. Mais il y a ces gens là qui reviennent quoi que tu fasses, et tu ne peux pas passer ton temps à les rejeter ou à les maintenir éloigné de toi. Ca t'épuise, ça te met plus à bout que tu ne l'es déjà." Joanne le regardait toujours, elle lui souriait. "Je ne suis plus l'une de ces personnes qui comptent énormément pour toi; je ne suis plus ton épouse. Mais je tiens à toi, Hassan. Tu auras toujours une place importante dans mon coeur et je ferai n'importe quoi pour que tu sois heureux, à nouveau. Que tu aies l'esprit libre comme tu l'avais. Alors, si je peux faire quoi que ce soit pour toi, dis le moi. Que ce soit maintenant, ou plus tard." Elle voulait qu'il sache qu'il pouvait compter sur elle. Elle ne devait pas être la première à lui dire ça, peut-être qu'il en avait assez d'entendre, peut-être qu'il en avait besoin. Mais désormais, il savait, c'était à lui de décider ce qu'il comptait en faire. Le beau brun révéla ensuite à Joanne qu'il avait discuté avec Jamie dans les studios d'ABC. Une discussion qui avait apparemment creusé davantage l'écart entre les deux hommes, qui se détestaient mutuellement. Joanne ne savait pas trop comment réagir face à cette situation. Elle ne savait même pas si elle devait ou pouvait véritablement se positionner. Il ignorait que Jamie puisse également si montrer si raciste envers Hassan à moins que ce soit la haine de base qui ne faisait qu'alimenter cet autre sentiment. Médusée, la petite blonde ne parvint à dire quoi que ce soit. Hassan laissait comprendre à Joanne que c'était elle qui aurait du rompre et non l'inverse. Elle baissa les yeux, l'air désolé. "Je vais déjà finir d'aménager la maison, je verrai ce que je ferai ensuite. Ca ne me semble pas mal, comme premier objectif." dit-elle lorsqu'il lui assura qu'elle pouvait se permettre d'avoir un peu de temps pour elle. Mais il était clair qu'elle avait besoin de prendre une certaine distance vis-à-vis de Jamie, et de ses parents, pour qu'elle puisse prendre du recul et reprendre sa vie d'un meilleur pied. A nouveau debout avec son petit dans les bras, elle avait proposé à Hassan de rester dîner, y ajoutant une petite note d'humour. Elle rit doucement à sa remarque. "Il a droit à des dîners en tête à tête quasiment tous les midis, et tous les soirs, tu sais." ajouta-t-elle avec un sourire. "Et il a l'air de largement s'en satisfaire, de n'avoir que sa mère pour lui." Mais il aimait tout autant passer quelques temps à la crèche, elle l'y emmenait deux fois par semaine. "Il ne peut pas être contre une présence masculine supplémentaire, pour une fois." Après quoi, Joanne expliqua à Daniel qu'Hassan allait rester manger avec eux. Le petit le regarda alors avec interrogation. Elle était allée dans la cuisine pour commencer à préparer le repas, jusqu'à ce qu'Hassan ne l'interpelle. "Ah oui." dit-elle en rejoignant le séjour.[color=#006699] "C'est quand j'étais chez Nanny cet été, ils avaient été abandonné près de la plage. Deux bergers suisses. Ils étaient vraiment tout petits, j'ai du leur donner le biberon pendant plusieurs semaines." On voyait bien qu'ils n'avaient encore que quelques mois. "Nunki, c'est le blanc. Et Sirius, le noir, celui qui s'emmêle toujours les pattes lorsqu'il court. Il tombe tout le temps, ça fait beaucoup rire Daniel. Ils ne se lâchent pas, tout autant qu'ils ne me lâchent pas." Elle les regardait jouer dehors, et ouvrit en grand la porte-fenêtre. "Ils grandiront avec Daniel, je trouve ça plutôt chouette." Les deux chiens arrivèrent et accueillirent dignement l'invité du jour en venant lui gratter et mordiller le pantalon pour avoir quelques caresses. Ca aussi, ça faisait beaucoup rire Daniel. Joanne s'accroupit et mit son fils debout entre ses jambes- il se maintenait sur ses cuisses à l'aide de ses deux mains. Hassan et Joanne étaient suffisamment proches l'un de l'autre pour que le petit puisse tendre les bras pour toucher le beau brun. Forcément, il voulait s'approche de l'objet de sa convoitise : les chiens. Il s'agrippa alors comme il pouvait au pantalon d'Hassan pour faire des petits pas on ne peut plus maladroit. Il tomba sur ses fesses plus d'une fois, mais continuait de se relever avec persévérance en s'appuyant sur lui pour pouvoir approcher Nunki et Sirius, en lançant parfois des regards complices à Hassan, tant il était ravi de voir qu'il aimait ces deux chiens. "Je crois que Daniel t'aime bien." lui dit-elle en souriant, après avoir un peu analysé le comportement du bébé face à lui.
Hassan était véritablement surpris d'apprendre que Joanne n'avait pas touché à la part qui lui était revenue à la vente de leur maison, et surtout d'en connaître les raisons. Aurait-elle conservé cette somme indéfiniment si tous les deux ne s'étaient jamais revus ? S'il avait passé l'arme à gauche comme prévu initialement, et qu'elle avait reçu sa lettre ? « Tu es sûr ? » Évidemment qu'il était sûr. « Je suppose qu'il y aura largement de quoi faire, avec cette somme là, peut-être même qu'il m'en restera un peu. » Il avait acquiescé doucement, en soit il n'essayait pas de la pousser à tout dépenser, il trouvait simplement le fait de se priver quand une telle somme d'argent dormait sur l'un de ses comptes totalement superflu. « L'important c'est que tu retrouves vite un environnement où tu sois à l'aise. » Il avait failli dire un environnement où elle se sentirait sereine, mais il se doutait bien qu'elle ne l'était pas et ne le deviendrait pas en un claquement de doigts, simplement avec deux ou trois meubles supplémentaires. Il le savait bien, lui, qu'une maison en ordre n'était pas la réponse à tous les problèmes ... Tout comme son problème à lui ne tenait pas exclusivement dans les freins qu'il mettait sciemment à sa vie affective. « Qui parle d'imposer quoi que ce soit ? » Plus que la question, c'était le ton qu'elle avait employé qui avait attiré son attention « Je sais que tu es terrorisé de chaque rendez-vous ou examen que tu vois passer. Ça se voit, là, rien qu'en en parlant. Mais tu ne t'es jamais dit, que, pour une fois, tu pourrais emmener quelqu'un avec toi ? Avoir quelqu'un qui te soutiendrait quoiqu'il arrive ? Tu te sens seul face à ta propre maladie, et tu ne veux pas la faire subir aux autres, ça, je l'entends bien. Mais il y a ces gens là qui reviennent quoi que tu fasses, et tu ne peux pas passer ton temps à les rejeter ou à les maintenir éloigné de toi. Ça t'épuise, ça te met plus à bout que tu ne l'es déjà. » Non, c'était de voir les autres s'épuiser pour lui, qui l'épuisait. Et bien sûr qu'il était seul, être entouré n'y changeait rien ... c'était lui qui avait rédigé un testament à trente-deux ans à peine, qui passait chaque événement annuel de type fête ou anniversaire se demandant s'il s'agissait du dernier, et qui ne trouvait plus quel sens donner à tout cela. A sa vie. « Je ne suis plus l'une de ces personnes qui comptent énormément pour toi; je ne suis plus ton épouse. Mais je tiens à toi, Hassan. Tu auras toujours une place importante dans mon cœur et je ferai n'importe quoi pour que tu sois heureux, à nouveau. Que tu aies l'esprit libre comme tu l'avais. Alors, si je peux faire quoi que ce soit pour toi, dis le moi. Que ce soit maintenant, ou plus tard. » Est-ce qu'elle le regrettait, elle aussi, celui qu'il était avant ? Parfois il se manquait à lui-même. La personne qu'il était avant tout ça, avant son divorce, elle lui manquait. « Je serais jamais plus ce type-là. » avait-il alors simplement objecté, avec une certaine douceur mais néanmoins une apparente certitude « Faut que je me fasse une raison ... faut que tout le monde se fasse une raison. » Elle, son frère, les Khadji ... tout le monde. L'aider c'était peut-être aussi accepter pour de bon cette donnée, plutôt que d'espérer un retour en arrière qui ne viendrait jamais. « Et je te reproche pas de vouloir m'aider, je ... ça me touche, d'autant plus parce que je sais que je ne le mérite pas et que plus rien ne t'y oblige. » Parce qu'elle n'existait plus, cette promesse faite l'un à l'autre de s'épauler même dans le pire, Hassan avait délibérément choisi d'y mettre un terme et rien que pour cela Joanne n'avait plus aucune obligation morale envers lui. « C'est juste que ... » Il avait marqué une vague hésitation « Rien. C'est juste que tant que je peux, j'ai besoin de me prouver que je peux gérer les choses seul sans que ça tourne au fiasco. » Pas comme la dernière fois, pas en enfouissant le problème dans un coin pour finalement se le reprendre en pleine figure un soir, sans crier gare au volant de sa voiture.
Tentant d'ignorer lui-même le fait qu'il s'était repris juste à temps pour ne pas dire à Joanne ce qui lui avait traversé la tête en premier lieu, Hassan oscillait entre amertume et fausse ironie tandis que Jamie s’immisçait à nouveau dans la conversation. Une conversation qui tournait un peu en rond en fin de compte, Hassan avait son opinion, Joanne ses certitudes, le brun également persuadé que peu importe le cœur et l'effort qu'il y mettrait ses mots se contenteraient de glisser sans rien changer ... Et il n'avait pas la force de s'acharner, celle de tenter de faire plus, de faire mieux. Raison sans doute pour laquelle il s'était contenté d'un hochement de tête qui voulait tout et rien dire à la fois, lorsqu'elle avait conclu « Je vais déjà finir d'aménager la maison, je verrai ce que je ferai ensuite. Ça ne me semble pas mal, comme premier objectif. » Son objectif à lui, à cet instant précis, résidait dans le fait de terminer de monter cette bibliothèque puisque c'était ce qui à la base justifiait sa présence chez la jeune femme. Surpris par la proposition que lui faisait Joanne de rester pour le dîner, mais sans réel désir de refuser, le brun avait accepté non sans glisser un commentaire amusé destiné au bambin qui faisait office d'homme de la maison « Il a droit à des dîners en tête à tête quasiment tous les midis, et tous les soirs, tu sais. » avait alors fait remarquer sa mère avec douceur « Et il a l'air de largement s'en satisfaire, de n'avoir que sa mère pour lui. Il ne peut pas être contre une présence masculine supplémentaire, pour une fois. » Gazouillant dans les bras de sa mère, le bambin avait observé Hassan un instant tandis que la blonde le lui désignait, et un léger sourire sur les lèvres il avait commenté « J'espère que ça veut dire que tu es d'accord. » Mère et fils gagnant finalement la cuisine, Hassan en avait lui profité pour terminer sa besogne et déplacer la bibliothèque contre l'un des murs en attendant que Joanne décide où elle voulait la mettre.
Mais sa curiosité soudainement piquée par des couinements provenant de la baie vitrée, le brun avait découvert avec surprises deux boules de poils dont il n'avait pas encore remarqué la présence « Ah oui. » de retour de la cuisine Joanne avait expliqué « C'est quand j'étais chez Nanny cet été, ils avaient été abandonné près de la plage. Deux bergers suisses. Ils étaient vraiment tout petits, j'ai du leur donner le biberon pendant plusieurs semaines. » Il avait grimacé légèrement. Avant Spike il n'avait jamais eu le moindre animal de compagnie, mais pour autant il ne comprenait pas comment on pouvait décider d'abandonner de pauvres bêtes « Nunki, c'est le blanc. Et Sirius, le noir, celui qui s'emmêle toujours les pattes lorsqu'il court. Il tombe tout le temps, ça fait beaucoup rire Daniel. Ils ne se lâchent pas, tout autant qu'ils ne me lâchent pas. » Confirmant ses dires, les deux chiots avaient déboulé dans le séjour à peine la baie vitrée grande ouverte, sautillant entre Joanne et Hassan avec un mélange de vitalité et de curiosité « Ils grandiront avec Daniel, je trouve ça plutôt chouette. » Mettant genou à terre, le brun avait laissé les deux boules de poils venir renifler ses doigts avec curiosité puis finalement réclamer des caresses, tandis qu'entre les jambes de sa mère Daniel tendait ses petites mains lui aussi, comme pour signifier son désir de participer « On dirait des peluches. » Particulièrement remuantes, cela dit « Comment quelqu'un a pu avoir le cœur à les abandonner ? » Particulièrement près d'une plage, là où leur sort le plus probable aurait été de finir noyés ou mort de faim, probablement. Entre deux mouvements pour tenter d'enfouir ses petites mains dans le pelage conséquent des animaux, Daniel avait attrapé l'un des doigts d'Hassan en babillant à nouveau, arrachant à sa mère un léger sourire tandis qu'elle commentait « Je crois que Daniel t'aime bien. » Presque intimidé par la constatation - probablement parce qu'Hassan n'avait aucun mal à imaginer le père du bambin piquer une colère ou écraser à nouveau son poing dans un mur (ou pire) à la simple idée "l'homme des sables" ait eu le moindre contact avec sa progéniture - le brun avait laissé le bébé jouer avec son index quelques instants avec un vague sourire, avant de relever les yeux vers Joanne « Les infirmières de pédiatrie disent que j'ai un truc avec les tous petits ... je dois avoir une voix qui leur plaît. » Et au final cette heure de lecture deux fois par semaine c'était un peu donnant-donnant, elle permettait d'obtenir un peu de calme et d'attention chez ceux que l'enfermement quotidien dans cet hôpital rendait grognon ou turbulent, quant à Hassan il y trouvait lui un certain apaisement. Maintenant qu'il y pensait, il n'était pas certain den avoir déjà parlé à Joanne. « Je continue d'y penser, parfois. À celui que tu ... » À celui qu'elle avait perdu. Celui qu'ils auraient peut-être eu, si les événements avaient été autres. Pinçant ses lèvres avec amertume, il avait secoué la tête comme pour s'excuser d'avoir laissé échapper une pensée qui n'aurait pas du être partagée à voix haute. « Qu'est-ce que tu dirais de me laisser préparer les gamelles de ta ménagerie pendant que tu termines de faire manger le petit homme ? » En soit cela ne devait pas différer beaucoup d'avec Spike. Il lui manquait, d'ailleurs, Hassan n'aurait jamais imaginé que la maison puisse lui sembler si vide sans son compagnon à quatre pattes ... Il avait hâte que Qasim le lui ramène en janvier. Tandis que tout le monde rejoignait la cuisine le brun s'était donc occupé de préparer la nourriture des deux chiots, qui jappaient autour de lui avec impatience après avoir compris de quoi il était question.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Tout ce qu'Hassan souhaitait, était de savoir que la petite blonde finisse par se retrouver dans un environnement qui lui correspond et qui lui permettait de reprendre les choses correctement. Pendant longtemps, ne pas toucher un centime de ce compte bancaire était justifié pour elle, ça avait tout son sens. Que cet argent là appartenait encore un peu à Hassan. On ne pouvait pas dire que les billets avaient fini par avoir une certaine valeur sentimentale. Mais c'était tout ce qui résumait leur neuf ans ensemble, avec son alliance et sa bague de fiançailles qu'elle avait précieusement conservées. Joanne avait espéré qu'il retrouve espoir dans ses paroles, mais le beau brun préférait conclure qu'il n'était tout simplement plus le même homme qu'elle avait épousé. Elle le regarda, ne sachant vraiment que lui dire face à une telle fatalité de sa part. Mais Hassan semblait bien sûr de lui en disant qu'il aurait désormais éternellement ce terrain dépressif. Il avait comme perdu en vitalité. Avec sa leucémie, il avait laissé partir quelque chose en lui que Joanne avait toujours adoré. Ca ne le rendait pas méconnaissable. Elle le connaissait trop bien pour ne pas retrouver des traits qui lui étaient propres. Mais il ne voulait pas être aidé, il ne voulait pas être ce qu'il avait toujours été avec elle. C'était loin d'être facile à entendre pour elle. Ca la rendait triste, surtout. Elle se sentait inutile, que tout ce qu'elle avait pu dire et faire ne servait à rien. Du moins, ça n'avait rien de bénéfique. "Arrête de dire ça." dit-elle doucement. "Arrête de dire que tu ne mérites pas mon aide. Ce n'est pas vrai." Bien qu'elle souriait, son regard la trahissait, comme toujours. Joanne était bien incapable de dissimuler ses émotions, encore moins devant une personne qui la connaissait bien. Ses yeux étaient tristes. Triste de ne pouvoir rien faire. "Il faut juste me dire si en veux, ou pas." Elle haussa légèrement les épaules. "Et me dire ce que je peux faire pour toi, si je peux faire quelque chose qui te permettrait de continuer de... gérer tout ça seul, comme tu dis." Parce que Joanne n'avait plus vraiment d'idée pour faire quoi que ce soit pour lui. Elle avait l'impression que quoi qu'elle fasse, elle empiétait sur ce qu'il ne voulait pas qu'on touche. "C'est juste que quoi ?" demanda-t-elle doucement, se rendant bien compte qu'il avait intentionnellement avorter sa phrase. "Je sais que je peux pas faire grand chose pour toi, mais je peux t'écouter." Ils s'étaient toujours confiés l'un à l'autre, qu'est-ce qui pourrait bien le bloquer cette fois-ci ?
Hassan ne se rendait certainement pas compte de l'impact de ses mots sur elle. Parce que c'était encore frais, que ça n'avait pas eu le temps de faire le tour de ses pensées. Mais une fois qu'il sera parti, que Daniel sera au lit, Joanne aura plein de temps libre pour y repenser, encore et encore. Ca allait la conduire jusqu'à une énième insomnie. Et les répercussions seront proportionnelles au nombre d'heures passées à y songer. C'était quelque chose qui avait apparu après le divorce. Joanne réfléchissait énormément, elle pensait, elle avait des idées parfois bien sombres. Et plus elle ressassait, plus elle s'enfonçait. Il n'était jamais bon de laisser Joanne seule avec ses pensées. Hassan avait ensuite constaté qu'il y avait un peu plus que deux êtres qui étaient abrités par le toit de cette nouvelle maison. Deux chiots, revenus de très loin. "Ca m'a fait si mal au coeur, de les voir. Ils n'étaient vraiment pas plus grand que ça." dit-elle en montrant avec ses mains. "Ils grelottaient, alors je les avais emmitouflés dans mon gilet. Impossible de les faire sortir de là après ça." Ils s'étaient faits à l'odeur de Joanne, la considérant certainement comme leur mère désormais. Ils traînaient constamment avec elle. Ils n'étaient donc absolument pas fuyards. Daniel était tenté de faire la même chose qu'Hassan, et faisait donc son possible pour s'approcher de lui. Le premier contact physique se passait merveilleusement bien, sous le regard attendri de Joanne. "Ca ne m'étonne pas vraiment." lui dit-elle avec doux sourire. "Mais... qu'est-ce que tu vas faire dans un service de pédiatrie ? C'est pour y voir les enfants ? Tu passes du temps avec eux ?" demanda-t-elle, réalisant seulement un peu plus tard toutes les données qu'il avait laissées dans sa phrase. Joanne était un peu surprise qu'il pense toujours à l'enfnat qu'ils auraient pu avoir tous les deux. Elle se disait qu'il avait préféré l'oublier. "Moi aussi." dit-elle avec un sourire triste "Ca ne me quitte jamais vraiment." Ca laissait des marques indélébiles. Joanne n'avait aucun doute quant au fait qu'ils auraient été de très bons parents. Ils avaient tous les deux un bon feeling avec les gosses. Et ils désiraient tant un enfant, ils en voulaient tellement un. "Ca me va." dit-elle avec un sourire plus sincère, avant de se lever pour récupérer Daniel. Il y avait ce tableau de semblant de famille. Entre Hassan qui s'occupait des chiens, elle qui gérait Daniel. Comme convenu, elle le faisait manger. Elle le trouvait étrangement fatigué, malgré la sieste de l'après-midi. Mais lorsque Daniel ne demandait qu'à se coucher, c'était qu'il était prêt à démarrer sa nuit. Le réveil serait certainement un peu plus matinal que d'habitude, mais de peu. On lui souhaita bonne nuit, lui avait déjà la tête posée sur l'épaule de sa mère, se laissant bercer par sa chaleur. "Qu'est-ce qui t'a fatigué comme ça, mh ?" lui demanda-t-elle tout bas en montant à l'étage pour le changer et le coucher. Elle lui chanta une berceuse une fois qu'il était en pyjama et dans sa turbulette. Le petit s'endormit sans broncher. Joanne retrouvait Hassan quelques minutes plus tard, à s'occuper avec les chiens. "C'est rare qu'il demande à aller se coucher si tôt." dit-elle alors. "Il est vraiment adorable, je n'ai jamais eu de soucis avec lui. Quand j'entends les mères à la crèche qui se plaignent de leur bébé, du même âge que Daniel, qui ne font pas leur nuit, ou qui refuse de manger les petit pots, ça me fait presque culpabiliser." Elle rit un petit peu. "Je ne t'ai pas encore remercié, pour la bibliothèque." dit-elle ensuite, en se rendant à la cuisine. "Merci beaucoup." Elle était reconnaissante, vraiment. "Ca me fait plaisir, de te revoir un peu plus souvent." dit-elle en mettant alors le gratin au four pour le réchauffer. "Mes parents me demandent régulièrement de tes nouvelles, depuis qu'ils ont juré t'avoir vu, l'autre fois. Je ne leur dis rien, pour le moment. Je me suis dit que tu as bien assez à gérer pour devoir expliquer en plus à mes parents tout ce qui s'est passé. Je ne veux pas que tu les aies sur le dos à cause de moi. Ils ne sont vraiment pas en colère contre toi, ils veulent juste... comprendre."
Si la situation avait été inverse pas une seule seconde Hassan ne se serait posé la question, il se serait inquiété pour Joanne sans l'ombre d'un doute, comme il avait d'ailleurs toujours eu tendance à le faire ... mais pourtant les choses ne lui semblaient pas aussi limpides, dans la situation qui était la leur. « Arrête de dire ça. Arrête de dire que tu ne mérites pas mon aide. Ce n'est pas vrai. » Vraiment ? Encore un point sur lequel ils ne tomberaient pas d'accord, sans doute. Qu'il estime avoir agi comme il l'avait fait pour de bonnes raisons n'était pas la question, et ne changeait rien aux promesses qu'il avait fait à Joanne sans pouvoir les tenir. Aux dommages irréversibles causés à la confiance en elle de la blonde, point sur lequel Jamie lui-même avait douloureusement appuyé, Hassan se sentant suffisamment attaqué pour comprendre que là-dessus au moins, le britannique avait visé juste. Et ça le rendait malade de l'admettre, mais cela n'y changeait rien. Mais sur Joanne cela semblait ne pas avoir d'emprise, tandis qu'elle reprenait « Il faut juste me dire si en veux, ou pas. Et me dire ce que je peux faire pour toi, si je peux faire quelque chose qui te permettrait de continuer de ... gérer tout ça seul, comme tu dis. » et qu'il éludait en détournant légèrement le regard. Si elle avait toutes les cartes en main sans doute comprendrait-elle mieux pourquoi Hassan agissait comme il le faisait, mais le brun n'était assurément pas résolu à les lui donner. Par pudeur, peut-être, ou par honte. « C'est juste que quoi ? Je sais que je peux pas faire grand chose pour toi, mais je peux t'écouter. » Il n'en doutait pas, là n'était pas la question ... Mais à elle il ne pouvait pas tout dire. Et puis, n'était-ce pas le boulot de son psy ? Celui chez qui il avait l'impression de jeter de l'argent par les fenêtres, même s'il ne pouvait pas nier qu'il était beaucoup plus capable que celle qu'il voyait avant son accident. « Rien d'important. » Il avait adopté un ton volontairement catégorique « On a qu'à dire que tu t'inquiètes un peu moins pour moi, et en échange je m'inquiète un peu moins pour toi ... deal ? » Ou tout du moins il tâcherait d'essayer, bien que cela reste un peu contraire à sa nature profonde.
Laissé un moment seul, tandis qu'il terminait son bricolage pendant que Joanne s'occupait de faire manger son fils, Hassan avait trouvé à nouveau son attention détournée par l'apparition des deux chiens qui, occupés dans le jardin, ne s'étaient pas manifestés jusqu'à présent. Bien qu'Hassan n'ait au premier abord pas été des plus emballé à l'idée de posséder un chien, il en avait tout de suite compris les contraintes et les responsabilités, mais aussi les points positifs, et il peinait à comprendre que l'on puisse abandonner deux bêtes inoffensives à une mort quasi-certaine, sans le moindre remord. « Ça m'a fait si mal au cœur, de les voir. Ils n'étaient vraiment pas plus grand que ça. Ils grelottaient, alors je les avais emmitouflés dans mon gilet. Impossible de les faire sortir de là après ça. » Le brun avait esquissé un sourire, son regard lâchant Joanne pour se reporter à nouveau momentanément sur les deux animaux. « Ils ont eu de la chance que tu passes par là. Je suis sûr que les chiens sentent ce genre de choses. » Du moins, il avait cru remarquer assez rapidement chez Spike une intelligence et une conscience de son environnement bien supérieure à celle qu'il attribuait aux animaux à l'origine. Souhaitant s'amuser aussi, Daniel s'était manifesté à nouveau comme pour redevenir le centre de l'attention, Joanne visiblement surprise de la curiosité candide avec laquelle son fils observait son ex-époux. Hassan, lui, ne s'en étonnait ni ne s'en félicitait, commençant à avoir l'habitude que son charme opère sur les plus jeunes. « Ça ne m'étonne pas vraiment. Mais ... qu'est-ce que tu vas faire dans un service de pédiatrie ? C'est pour y voir les enfants ? Tu passes du temps avec eux ? » Presque surpris de n'avoir jamais partagé ce détail, qui en soit n'avait pourtant rien d'un secret, il avait hoché doucement la tête avant d'expliquer « C'est du bénévolat, je fais la lecture deux fois par semaines ... Le temps devient vite long, quand on reste des semaines sans mettre le nez en dehors de cet hôpital. » Il était bien placé pour le savoir. « Mais il y a des enfants qui gèrent ça presque mieux que certains adultes ... c'est une vraie leçon d'humilité. » Et une raison valable de ne pas s'apitoyer sur son propre sort quand face à vous un enfant se contentait, lui, de souffrir en silence. Cette leçon d'humilité était l'une des autres raisons qui faisait que ces deux heures de lectures hebdomadaires lui tenaient à cœur ... Et puis, inconsciemment peut-être cela faisait-il aussi partie du processus concernant le deuil qu'il était supposé faire de son désir d'avoir, un jour, ses propres enfants. Et c'était dans ce contexte que sa pensée malheureuse lui avait échappé, ses lèvres se pinçant presque avec regret tandis que Joanne répondait tout de même « Moi aussi. Ça ne me quitte jamais vraiment. » Est-ce qu'il se sentait mieux, de savoir qu'il n'était pas le seul à ressasser à ce sujet ? Pas vraiment, en fin de compte. Pas autant qu'il l'aurait pensé.
Plutôt que de laisser s'enliser le silence lourd de sens qui s'installait suite à ce double aveu, Hassan avait proposer plus trivialement de s'occuper de nourrir les animaux, tandis que Joanne terminerait d'elle de faire manger le bébé. « Ça me va. » Gérant sans trop de mal l'impatience des deux boules de poils, relativement semblable à celle exprimée par Spike lorsque l'heure de la gamelle arrivait et qu'Hassan semblait tarder un peu trop à s'en rendre compte, il terminait de se laver les mains dans l'évier de la cuisine lorsque la blonde était redescendue, ayant finalement mis Daniel au lit. « C'est rare qu'il demande à aller se coucher si tôt. Il est vraiment adorable, je n'ai jamais eu de soucis avec lui. Quand j'entends les mères à la crèche qui se plaignent de leur bébé, du même âge que Daniel, qui ne font pas leur nuit, ou qui refuse de manger les petit pots, ça me fait presque culpabiliser. » Hassan avait esquissé un sourire. Au fond mieux valait cela que le contraire. « Je ne t'ai pas encore remercié, pour la bibliothèque. Merci beaucoup. » Agitant une main avec nonchalance, il avait secoué vaguement la tête « Pas de quoi, tu sais que je ne suis jamais contre un peu de bricolage. » Au contraire, elle devait même savoir depuis le temps qu'il aimait ça, et qu'avoir un marteau ou un pinceau à la main était pour lui une très bonne manière de rentabiliser un jour de congé. Croisant les bras, il était allé s'adosser contre le plan de travail de la cuisine pour ne pas être dans les pattes de Joanne tandis qu'elle mettait son gratin au four « Ça me fait plaisir, de te revoir un peu plus souvent. » à nouveau il avait sourit, mais été pris de court avant de pouvoir avancer que lui aussi lorsqu'elle avait ajouté « Mes parents me demandent régulièrement de tes nouvelles, depuis qu'ils ont juré t'avoir vu, l'autre fois. Je ne leur dis rien, pour le moment. Je me suis dit que tu as bien assez à gérer pour devoir expliquer en plus à mes parents tout ce qui s'est passé. Je ne veux pas que tu les aies sur le dos à cause de moi. Ils ne sont vraiment pas en colère contre toi, ils veulent juste ... comprendre. » Un peu surpris, le brun avait froncé légèrement les sourcils « Tu ne leur as rien dit ? » Devant l'initiative de la mère de Joanne de l'appeler et de lui laisser un message sur son répondeur lorsque sa fille s'était retrouvée à l'hôpital, Hassan aurait en effet juré qu'elle ne puisse s'y être résolue qu'en connaissant la vérité. Après tout, Hassan s'était toujours imaginé assez aisément les Prescott changeant leur fusil d'épaule et brossant un portait de lui peu flatteur, une fois leur benjamine divorcée de lui. « Tu aurais pu ... J'veux dire, à partir du moment où ça n'a plus été un secret pour toi, ça n'a plus été un secret tout court. » Et au fond il n'était pas certain que cela change quoi que ce soit. Pinçant légèrement ses lèvres, il avait repris avec un peu d'hésitation « Tu vas trouver ça bête ... mais vis-à-vis de tes parents aussi, je me suis senti un peu honteux. Ils ont toujours été adorables avec moi ... j'ai eu l'impression de trahir leur confiance, à propos de toi. » Encore plus lorsque l'on savait qu'Hassan, porté par les valeurs un peu vieux jeu véhiculées par ses parents mais également par les Khadji, avait eu à cœur de demander au père de Joanne la main de sa fille, avant d'oser lui en faire la demande à elle. nul doute qu'après leur divorce express, Prescott senior avait du regretter d'avoir donné son accord les yeux fermés. « Mais peut-être que ... oui, peut-être que je devrais aller m'excuser auprès d'eux, un jour. » Un jour, oui, bien qu'il ne saurait pas dire quand ... Il ne se sentait pas forcément prêt à réitérer une fois supplémentaire son histoire, et à encaisser les regards et les questions qui suivraient, peut-être.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Bien que sur certains points le caractère d'Hassan était méconnaissable comparé au temps où ils avaient vécu ensemble, le souci qu'il se faisait constamment pour autrui était toujours bien présent. Peut-être plus pour Joanne que pour les autres. Ils avaient été ensemble, après tout. Ils s'étaient mariés et aimés et il avait certainement espéré que cette petite blonde qui avait longuement traîné avec lui s'en sortirait bien mieux une fois qu'ils avaient été divorcés. Il n'en était rien, et cela laissait un goût amer dans la bouche d'Hassan. Peut-être que son inquiétude pour elle s'était décuplée considérablement. Ils avaient tous les deux bien changé, ils avaient tous les deux traversé des expériences bien singulières qui n'aidaient pas vraiment à remontrer la pente. Ils se faisait du souci pour l'un l'autre, retrouvant une infime de ce qu'était leur relation auparavant - sauf qu'ils ne se faisaient pas autant de mouron pour l'un l'autre à cette époque là. "Je veux bien essayer, oui." lui répondit-elle alors, avec un sourire amical et attendri. Moins s'inquiéter allait être une tâche bien difficile, mais pas insurmontable. Ils allaient certainement être bloqué tous les deux, à un moment ou à un autre. Joanne voulait tellement pouvoir faire quelque chose pour lui. Ils préféraient ensuite se concentrer sur les deux chiots de la jeune femme plutôt que de s'éterniser sur un sujet de conversation qui n'aurait que tourné en rond. "Je pense aussi. Pour preuve, ils ne me quittent pas d'une semelle. Ils veulent même dormir avec moi dans la chambre, mais j'essaie de limiter un petit quand même, pas que ça ne devienne trop une habitude." Parce que deux chiens dans un lit, ça prend quand même pas mal de place, même s'ils n'étaient pas encore arrivés à l'âge adulte. "Je suppose que c'est grâce à ça qu'ils ne sont absolument pas fuyards. Ca ne leur ai jamais venu à l'esprit jusque là." Joanne était devenue leur mère de substitution en quelque sorte. Hassan racontait ensuite l'un de ses passe-temps, qui consistait à lire des histoires à des enfants malades. "Ca ne doit pas être facile non plus, de voir des enfants malades." dit-elle tout bas, songeuse. Des petits bouts de chou de quelques années déjà porteurs de cancer ou d'autres maladies que personne ne méritait. Il fallait avoir le coeur bien accroché, pour se rendre si régulièrement dans ce genre de service. C'était apparemment le cas d'Hassan. "Ils doivent être heureux de te voir toutes les semaines alors, tu fais partie de leur combat quotidien aussi." Ce doit être valorisant, ou peut-être parvenait-il à se mettre un peu à leur place du fait du cancer qu'il avait eu. "C'est un belle cause." conclut-elle avec un sourire touché. Forcément, parler d'enfants leur rappelait celui qu'ils avaient pu avoir tous les deux si les choses s'étaient passées autrement. Ils voulaient tellement construire une famille et tout était passé sous leur nez. Au lieu de se laisser happer par une certaine tristesse, ils se programmèrent la suite des événements. Joanne s'était donc occupé de nourrir et de coucher Daniel avant de revenir cuisiner pour Hassan et elle. Joanne était heureuse d'avoir un peu renoué avec elle, bien que ça n'avait rien semblable de ce qu'ils avaient vécu ensemble. Elle repensait régulièrement à leur dernier baiser, aussi. "Je ne savais pas si... Je le pouvais. Par rapport à toi." dit-elle d'un air sincèrement navré. "Je ne savais pas si tu approuverais que je leur en parle, si tu préférais le faire toi-même, ou si tu préférerais que je ne dise rien." Hassan culpabilisait énormément vis-à-vis des parents de la jeune femme, le courant était toujours bien passé entre eux trois, depuis le début. "Ils t'aimaient beaucoup. Ils t'aiment toujours, Hassan." lui assura-t-elle. "Quand j'arrivais à parler de toi, avec eux, ils n'étaient pas en colère, ils ne t'en voulaient pas. C'est juste... qu'ils ne comprenaient pas, parce que tout allait si bien entre nous deux." Joanne avait eu, l'espace d'une seconde, ce sourire nostalgique. Un instant où leur relation lui manquait énormément, où tout était si simple, avec lui. "Ce serait une bonne idée, oui." lui assura-t-elle avec un sourire confiant. "Ils comprendront, si tu leur expliques, que tout ça... c'était pour moi." Bien qu'au début, elle-même aurait voulu être à ses côtés jusqu'au bout, Joanne réalisait peu à peu qu'elle ne se serait jamais remise de sa mort, en tant que veuve. Ils s'étaient bien trop aimés pour qu'elle puisse traverser tout ça d'elle-même. Hassan avait vu juste, la Joanne qu'elle était n'aurait pas survécu, cela aurait été encore plus désastreux que ça ne l'était. Elle se serait bien proposée d'être avec lui le moment venu, mais il avait dit peu de temps avant qu'il voulait faire certaines choses seul. Cette discussion en faisait très certainement partie. Mais en attendant, il y avait ce gratin au four qui ne demandait qu'à être mangé durant dîner agréable. Les discussions sérieuses attendront encore un peu.