« Je n'en sais rien. T’es contente ! Parce que tout ce que je fais te concernant te touchant de près ou de loin, c’est juste irréfléchi, stupide et pourtant ça compte, parce que je t’ai aimé dès ce premier de foutu regard et parce que je pensais que ça allait durer, car t’était la seule et l’Unique ! J’étais fou dès que j’étais avec toi et ma folie m’a fait faire de drôles de choses ! Et toi alors, pourquoi avec accepté hein ? » Ma colère s’était radoucie, j’avais presque eu envie de rire alors que j’entendais son petit cri à moitié étouffé parmi ceux des enfants. J’étais hésitant, je ne savais pas quoi dire ni quoi répondre après tout car tout ce qui touchait de près ou de loin Ophélia me faisait faire des choses incertaines. J’ignorais pourquoi je l’avais demandé en mariage, pourquoi j’avais fait cet enfant, ça s’était juste passé comme ça, c’est tout. La fin de ma phrase était plus douce, la colère avait disparu aussi rapidement qu’elle était venue, j’avais réussi à attiser les braises l’espace d’un instant, tout simplement parce que je voulais savoir la vérité, qu’elle me réponde franchement et pas par une réponse dissimulée sous sa haine. « Écoute, j’ai fait mes erreurs et tu as fait les tiennes. C’est juste que… » Je me pinçais les lèvres et passais une main sur mon visage d’homme fatigué. Je réfléchissais à mes paroles, je devais les choisir avec tact. Je soufflais alors, elle ne me laissait pas le temps de terminer, reprenant sur une autre partie de notre grande conversation. J’écoutais, bouche bée, ce qu’elle venait de dire. Je tentais presque de dissimuler un frisson. C’était ça le problème, lorsqu’elle était sincère, lorsqu’elle était à fleur de peau et qu’elle semblait si fragile, c’était dans ces moments-là que je n’arrivais pas à lui résister, que j’avais envie de tout recommencer. Je me tournais alors, l’espace d’un instant, il fallait que je la quitte du regard pour ne pas replonger la tête la première dans cette tourmente. Je reprenais alors mon point de vue interrompue de tout à l’heure. « C’est juste que… lui il n’a pas à subir nos erreurs. C’est pour lui que je suis là, pour qu’il voit sa mère, il en a besoin, il en a le droit… » Bien sûr, c’était pour moi aussi, pour voir si tout était terminé une bonne fois pour toutes ou non. Je me retournais coûte que coûte vers elle et je baissais la tête, ne sachant pas quoi dire de plus.
Ezeckiel s’énerve de nouveau, cette fois sur un sujet bien plus douloureux encore. Sur eux, sur leur amour et ce qu'il en reste. De nouvelles larmes se forment dans les yeux d'Ophelia, les paroles de sont mari la touchent, naturellement. Partir n'a pas été simple, et dire qu'elle n'a aucun état d'âme, aucun regret ou aucun remord serait mentir. Elle n'a pas cessé d'aimer son mari en entrant dans ce taxi pour l’aéroport, elle n'a pas arrêté d'être attaché à lui en prenant la décision de partir. Elle pleure. Ce qu'il dit la ramène d'un seul coup des mois en arrière. A leurs disputes, et même avant, quand tout allait encore bien. Elle se souvient du jour de leur mariage, de l'arrivée de Caleb. Qui aurait pu croire que tout se casserait la gueule après ça ? La belle veut lui répondre. Sa colère s'est rétractée avec les confession d'Ezeckiel, alors elle veut s'adoucir davantage, lui dire pourquoi elle a accepté sa demande en mariage .. Mais à la place, elle garde le silence. Elle est au clair avec sa décision de partir, mais pour ce qui est de cette histoire d'union et de sentiment, elle est encore complètement paumée. C'est quelque chose auquel elle n'a plus pensé depuis des mois, qu'elle a soigneusement enfoui dans un coin de sa tête. Écoute, j’ai fait mes erreurs et tu as fait les tiennes. C’est juste que… Ophelia donne ses explications quant à un divorce et le regarde, interdite. Les mains posées sur le banc, la tête tournée vers lui, elle attend qu'il poursuive sa phrase prononcée plus tôt. Elle sait que cette fois, il le fera. C’est juste que… lui il n’a pas à subir nos erreurs. C’est pour lui que je suis là, pour qu’il voit sa mère, il en a besoin, il en a le droit… finit-il par dire, après avoir pris un petit temps pour se reprendre. Ophelia soupire. Bien. Cette conversation, cette nouvelle engueulade la vident. D'un coup, la belle se sent extrêmement fatiguée, lourde, et complètement perdue. Elle savait que les retrouvailles la remuerait profondément, mais certainement pas qu'elles seraient aussi émotionnellement riches. Bien, d'accord. On peut .. on peut essayer de trouver une solution. Elle n'aime pas l'idée, de se dire qu'après des mois de liberté, sa vie d'avant la rattrape sans crier gare et qu'elle ne peut plus fuir. Sentir qu'elle n'a pas le choix est quelque chose de très difficile à vivre pour elle. Qu'est-ce que tu proposes ? C'est un pas en avant, un gage de bonne fois.
Elle ne répond pas. J’étais là, devant elle, abasourdi et elle, elle se contentait de ne pas répondre. Comment je pouvais évoluer, comment je pouvais m’occuper de moi-même ainsi que de mon fils, correctement j’veux dire, si elle-même, elle ne savait pas ce qu’elle ressentait pour moi. Elle était partie, elle avait fui, cependant elle ne voulait pas annuler notre mariage ? Je n’y comprenais plus rien. En même temps, je n’y comprenais jamais rien lorsqu’il s’agissait d’elle. Il y a quelques mois, j’avais bien succombé à une femme séductrice en pensant qu’elle allait consoler mon cœur, ou du moins l’endurcir. Mais à chaque fois que je posais mes mains sur elle, j’imaginais que c’était la peau si douce d’Ophélia que je touchais. Je secouais légèrement la tête à cet instant, aucun mot, aucun son, toute cette scène me laissait plus que perplexe et je ne savais plus où donner de la tête. J’entendais déjà des gens discuter de la scène que nous venions de leur offrir mais à vrai dire, je m’en foutais royalement, pour l’instant il n’y avait qu'Ophélia et moi en ce bas monde. « Bien. » C’est tout ce que je pouvais répondre. Le problème était posé, la solution était une idée mais un nouveau problème s’installait sur notre joyeux bordel : est-ce qu’une réelle solution existait ? Je venais d’arriver en Australie et mes terres d’Irlande me manquaient terriblement. Ici il faisait chaud, la terre était aride, le soleil mordait quotidiennement ma peau de jeune roux bien trop fragile. Est-ce que j’allais rester ici ? Je l’ignorais, mais je n’étais pas prêt de partir, infliger un nouveau déménagement à Caleb n’était pas une bonne idée, il fallait qu’il retrouve un peu de stabilité. Mais est-ce que moi j’allais réussir à vivre correctement avec Ophélia dans les parages ? Je l’ignorais. Je soupirais, qu’est-ce que je proposais… Je n’avais pas d’idée pour l’instant, cette situation me déplaisait, la voir coincée tout ça uniquement parce qu’elle ne voulait pas assumer sa vie. Parfois j’aimerais être un peu plus insouciante, comme elle, me détacher de mes démons et repartir dans une autre vie, mais bordel, on n’est pas dans un soap américain de Noël à la con ! « Je n’en sais rien, pour l’instant, je crois que l’on en a suffisamment fait. Je vais rentrer avec le petit, on va réfléchir chacun de notre côté, faire le point et on se retrouvera pour en discuter calmement. »
Elle lui laisse la possibilité de choisir cette fois, la possibilité de proposer des solutions. C'est un pas en avant, et de toute façon le seul qu'elle puisse faire, vu qu'elle, elle n'a aucune idée. Elle ne veut pas dire qu'elle souhaite serrer son fils dans ses bras, le voir, passer du temps avec lui .. parce que si l'envie est là, elle peut ne pas durer, et Ophelia n'a pas envie d'infliger un nouvel abandon à son fils. La belle détache le regard de son mari pour observer à nouveau Caleb. Il n'a rien remarqué, il joue, il rit avec la jeune femme, dans sa petite bulle d'innocence. Et dire qu'elle a pu lui faire autant de mal, à lui, qui n'a rien demandé .. Je n’en sais rien, pour l’instant, je crois que l’on en a suffisamment fait. Je vais rentrer avec le petit, on va réfléchir chacun de notre côté, faire le point et on se retrouvera pour en discuter calmement. Elle se retourne. Tu as raison. La belle a des airs de petite fille, le visage sérieux, la mine résignée, comme si elle venait de se faire gronder pour une grosse bêtise. Je .. tiens ! Elle prend son sac, fouille dedans, déchire un bout de papier de l'un de ses livres et écrit son numéro dessus, avant de le tendre à Ezeckiel. C'est mon numéro, contacte-moi quand .. quand tu penseras ce que ce sera le bon moment. Elle n'ajoute rien, elle ne dit pas qu'elle habite à deux pas d'ici et ne demande pas les coordonnées d'Ezeckiel. Ophelia sait qu'il a les cartes en main à présent, et qu'elle ne doit pas bousculer les choses.
Je voulais mettre fin à cette histoire qui s’était transformée en guerre. Mais pas tout de suite, pas maintenant alors que tout s’embrouillait dans mon crâne. Je proposais donc de mettre les choses au clair plus tard. « D’accord, on fait comme ça. » J’attrapais le petit bout de papier qu’elle venait de me tendre et je m’attardais une fraction de seconde sur les numéros. Prenant une grande respiration, je lui adressais un énième regard. Il y avait tant de choses à dire… pourtant je n’en avais ni l’envie, ni la force, tout était si confus… « Au revoir Ophélia. » Ces mots, j’aurais tant aimé les prononcer il y a des mois. Les dires aujourd’hui ça me fendait le cœur mais ça ne me faisait pas autant d’effets que si j’avais pu m’exprimer lors de son départ, tout simplement parce que mon cœur était déjà brisé. Je venais poser le papier dans le fond de ma poche puis d’un léger geste de la tête, je la saluais. Je retournais alors dans un pas lourd, près de mon fils. Automatiquement, je me mettais à sourire et je me dirigeais vers la balançoire où il se trouvait. Je l’attrapais et ébouriffais sa coiffure déjà bien désordonnée, après tout je n’étais pas coiffeur, il n’y avait qu’à voir ma coupe, à moi. Je profitais encore quelques secondes en le poussant par la suite sur une balançoire puis alors que le froid tombait doucement, je choisissais de rentrer pour le goûter ainsi que pour débriefer avec la nounou.