A cinq jours du D-Day, mon arbre de Noël reste vide de toute décoration. Et de tout cadeau... Ce sera le premier Noël que je vis dans mon petit studio, le premier où j’ai le courage d’édifier un arbre de Noël – miniature, alors autant jouer le jeu à fond ! Quoi de mieux que le marché de Noël de Brisbane pour régler ce petit détail technique ? Ma paie reçue, j’ai quelques dollars à mettre dans ces trucs-là et dans les cadeaux de Noël que j’offrirai à mes proches. Le cadeau de Gabriel, heureusement, est déjà acheté et emballé, sous mon Christmas Tree. J’espère que mes idées loufoques vont lui plaire, lui qui est plus cartésien. J’ai hâte de voir sa frimousse au moment où il l’ouvrira.
Gabriel est venu me chercher au bas de mon immeuble. C’était plus simple, même si se garer près du marché de Noël s’est révélé une véritable aventure. Mais enfin, je suis une aventurière, Gabriel aussi, alors n s’est débrouillés comme de superbes agents secrets. « Mission réussie, agent Jenkins. » le félicitai-je pour sa bravoure. Essayer de se garer dans le centre-ville en cette période, c’était courageux ou … inconscient. Je préférai la première option. Déjà les musiques de Noël envahissent les rues, les odeurs de vin chaud et de cannelle titillent nos papilles, et l’atmosphère de Noël se fait ressentir partout dans le coin. C’est aussi pour ça qu’il y a autant de monde : l’ambiance festive. Parce qu’acheter des cadeaux c’est bien, mais est-ce que vous pourriez trouver du pain d’épice en provenance directe d’Allemagne à un autre moment que Noël ? Pas sur. « En fait, j’ai peut-etre un peu faim. On pourrait se prendre un petit goûter avant de faire le tour ? » Et ici, il y a de quoi ! Sans attendre de réponse je me dirige vers le stand d’où provient cette merveilleuse odeur. « Bonjour ! Des croustillons, du vin chaud et… des crêpes au chocolat. S’il vous plaît. » Je fais mon plus beau sourire, celui que Liam affectionne tant et qui me fait paraître comme un ange tout droit sorti du paradis. « J’adore Noël ! Cette année tu crois qu’on pourra se faire un week-end en famille ? »
Gabriel avait quant à lui, un peu décorer sa galerie pour donner cet air festif et ainsi être dans l'esprit des fêtes. Ça lui arrivait même, lorsqu'il était de bonne humeur, de mettre un bonnet de Noël, histoire de faire rire ou parler les gens. Pour ce qui en été de la partie habitable à l'étage, il avait laissé faire son petit frère et c'était plutôt pas mal réussit dans le genre décoration un peu bancale mais originale. Suite à ça, ils avaient tous les deux entrepris de faire des cadeaux de Noël, ils débordaient d'idées ou pas du tout… Gabriel avait opté pour des choses qui serviraient à Hope dans son nouveau studio ainsi qu'une peinture qu'il n'avait pas encore tout à fait fini pour le décorer. Bref, à cinq jours de Noël, tout n'était pas encore vraiment prêt !
Prenant une pause en confiant sa galerie à sa secrétaire, Gabriel alla rejoindre sa petite sœur en bas de chez elle. C'est lui qui la conduisait au marché de Noël et ça leur ferait sûrement du bien de se retrouver tous les deux. Ça faisait d'ailleurs un bout temps qu'ils ne l'avaient plus fait. Hope était occupée avec son internat et Gabriel c'était autre chose, comme la grossesse de Rebecca. D'ailleurs ça n'allait pas être facile à dire à sa petite sœur étant donner qu'il n'en avait jamais parler puisque sa relation avec Rebecca était compliquée. L'expression « Suis-moi je te fuis, fuis-moi, je te suis. » était juste parfaite pour les décrire tous les deux. Lorsqu'elle arriva, Gabriel se mit à sourire en serrant sa sœur contre lui un bref instant puis ils montèrent dans la voiture. Difficile de trouver une place au marché mais pas impossible et une fois que la voiture fut arrêtée, ils sortirent tous les deux. Gabriel rigolait dû à la précédente réflexion de sa sœur puis il ajouta.
- Allons-y pour un petit goûter !
Mais elle était déjà partie. Gabriel roula des yeux avant de la rejoindre au stand. Il prit la même chose que sa sœur à l'exception de la boisson étant donner qu'il n'aimait pas vraiment le vin chaud, rien que l'odeur était pas top par contre la crêpe lui faisait bien envie. Il croqua dans sa part après avoir payer pour tous les deux et la bouche à moitié pleine il se mit à répondre.
- J'espère oui, si tu n'es pas trop prise par ton travail et que Logan n'est pas sur une affaire ça devrait le faire. On aurait pu aller dans la maison de campagne, il y aurait de la place pour tout le monde même Liam.
Gabriel haussa les sourcils à plusieurs reprises en souriant alors qu'il regarder sa sœur. Oui, il la taquinait un peu sur sa relation avec le chirurgien même si au début, il l'avait un peu mal prit vu leur différence d'âge. Mais sa petite sœur était assez grande pour savoir ce qu'elle faisait et finalement ça avait l'air d'être sérieux.
Étais-ce réellement la peine d’attendre la réponse de Gabriel quant à ce goûter improvisé ? Je présume que oui, ainsi je lui demandais son avis par acquis de conscience mais partais vite en reconnaissance pour la mission « remplissage d’estomac ». Nous ne devrions pas avoir de problème pour ça puisque le marché regorge de nourriture en tout genre. Il y a nos spécialités australiennes, bien évidemment, mais quel serait l’intérêt si nous ne mangions pas ds choses atypiques ? Ce n’est qu’une fois dans l’année, il s’agit d’en profiter. Et puis après tout, des estomacs pleins délient souvent les langues. Gabriel opte finalement pour autre chose que le vin chaud, ce que je peux comprendre. Je n’en ai goûté qu’une fois pour le moment. Il y a deux ans, lors de ma première visite au marché de Noël. Difficile de croire qu’il m’a fallu vingt-trois ans pour le visiter.
Je remerciai Gabriel de son généreux cadeau, son insistance finissant par m’achever. Impossible de lui refuser quoi que ce soit, à ce don juan. En même temps j’ai un peu faim donc je préfère éviter de discuter avec lui sur le pourquoi du comment je pourrais payer ma part. Inutile.
Les croustillons associés au vin chaud sont divins. « Miam… ch’est cro bon ! » dis-je la bouche pleine de sucre glace. En prenant du recul je me rends compte que je n’ai pas été une sœur ultra-chouette dans ces cinq dernières minutes à cause de mon obsession pour la nourriture. Cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus et je ne lui donne même pas une chance de s’exprimer. Heureusement le week-end annuel que nous organisons est une belle façon de débuter la conversation. - J'espère oui, si tu n'es pas trop prise par ton travail et que Logan n'est pas sur une affaire ça devrait le faire. On aurait pu aller dans la maison de campagne, il y aurait de la place pour tout le monde même Liam. - Hum… je devrais pouvoir, éventuellement, envisager de prendre du temps pour ça. Je fais mine de réfléchir un instant. Je plaisante, évidemment que j’ai le temps. Je fais des heures sup’ à n’en plus finir parce que Liam s’est mis en tête de faire de moi une chirurgienne cardio. Je peux bien prendre deux jours… en plus… vous me manquez beaucoup.
Je ris de ce travail acharné dont j’ai fait preuve ces dernières semaines. Ces dernières ont été instructives. Et fatigantes. Mais surtout instructives, en fait. « On pourrait changer d’endroit pour une fois ? Ce serait sympa de découvrir de nouvelles choses. » je lui propose avec enthousiasme. « J’en parlerai à Liam. » Le pauvre serait alors entouré de tout les membres de ma famille proche. Il allait croire à une embuscade, c’est sur. Ce serait pourtant marrant de le voir mal à l’aise. « Et toi Gab’, tes amours ? » je lui retourne la question, un sourire mutin sur le visage.
Gabriel avait lui aussi attraper une petite pâtisserie qu'il engloutit en quelques instants. C'était vraiment très bon, il adorait les fêtes d'hiver juste pour ça, toutes ces petites pâtisseries qu'il pouvait manger sans aucun remord puisque tout le monde en manger. Gabriel tourna son visage vers sa sœur lorsqu'elle lui fit part qu'elle n'aurait peut-être pas le temps mais c'était une blague ce qui le fit sourire. Passer les fêtes de fins d'années sans l'un des membres de sa fratrie était un peu dur. Être l’aîné était vraiment un rôle important et réunir les plus jeunes faisaient partie de ses missions. Il croqua de nouveau dans un croustillon en souriant.
- Alors tu as choisi la cardiologie, tu es vraiment certaine de ton choix ? Il ne faut pas que tu prennes cette décision juste parce que Liam te l'a soufflé à l'oreille…
Même si Gabriel ni connaissait pas grand-chose en médecine, sa sœur lui en avait beaucoup apprit. Et elle lui avait confié que le choix de sa filière était très important et que ce n'était pas un choix à faire à la légère. Il était donc un peu surpris qu'elle dise que c'était Liam qui s'était mit en tête de la faire bosser pour passer en cardio.
- Tu me manques aussi.
Gabriel ajouta ces quelques mots en faisant une légère moue décalant légèrement sa mâchoire sur le coté. Son « accident » devait probablement revenir tout droit à la figure de ses proches à chaque fois qu'il affichait ce genre d'expression. Gabriel se fichait un peu de l'endroit où ils se réuniraient tant qu'ils seraient tous ensemble, c'était le principal.
- Choisi l'endroit qui te fera plaisir, parles-en avec Phoebe, elle a toujours de bonnes idées pour trouver un lieu de « fête ».
Elle fit part qu'elle en parlerait à Liam, super. Gabriel ne pouvait pas dire qu'il portait cet homme dans son coeur puisqu'il lui enlevait plus ou moins sa petite sœur mais c'était un homme plutôt bien pour le peu de fois où il l'avait vu. Ça avait toujours été bref mais pas désagréable comme prise de contact. Il toussa un bref instant lorsqu'elle lui retournait la question. Inutile de dire qu'il n'avait pas tellement envie de lui raconter sa semaine de travail en dehors de Brisbane où il avait passé une semaine presque non stop dans les bras de Rebecca. Bon, il allait quand même parler d'elle parce que en ce moment quoi qu'il fasse, mange ou peigne, il pensait à elle en permanence.
- Si je te dis Rebecca Priest ça te dis quelque chose ou pas du tout ?
Elle était assez connue dans son milieu alors peut-être que Hope en avait entendu parler. En tous les cas, il espérait qu'elle ne se souvienne pas de la Rebecca du lycée qui faisait mal à son grand frère, sinon c'était mal engager mais Hope était vraiment petite lorsque Gabriel était au lycée.
Le fait que je mentionne mon choix de spécialité mets la puce à l’oreille de mon frère. « Alors tu as choisi la cardiologie, tu es vraiment certaine de ton choix ? Il ne faut pas que tu prennes cette décision juste parce que Liam te l'a soufflé à l'oreille… » Mon cœur se serre. Je sais de quoi ça a l’air : le prof qui s’éprend de son élève, lui apprend tout ce qu’il y a a savoir puis la laisse tomber quand il s’en lasse… C’est un cliché dont j’ai fait part à Liam plusieurs fois car j’ai peur qu’il ne s’ennuie de moi… il a su me rassurer à chaque fois quant à la place que je tiens dans son cœur et à mon tour je tente de rassurer mon grand frère : « Heu… c’est vrai, je sais de quoi ça a l’air. En fait il me forme en cardio parce qu’il a décelé un talent chez moi. Je suis restée assez méfiante au début, seulement j’adore cette spécialité alors… ça a été un peu une révélation pour moi. J’ai encore un peu de temps avant de choisir une spécialisation, alors je te promets de ne pas prendre de décision sans y réfléchir longtemps au préalable. Je continue de considérer d’autres spécialités comme la neurologie, ou la pédiatrie. »
Je deviens excitée comme une puce quand nous parlons de la fête de Noël. C’est toujous un merveilleux moment pour nous… excepté quand Alan s’incruste parmi nous malgré toutes les précautions que nous prenons. Parfois, malgré toutes les horreurs qu’il m’a faite subir, je culpabilise de l’éloigner autant de notre famille. Il n’a pourtant rien fait de répréhensible à Gabriel et Logan, pourtant je me sens comme la sœur qui oblige les autres à « faire comme elle » en éloignant Alan. Si ça se trouve, ils seraient contents que ce dernier vienne fêter Noël avec nous. Ces tristes pensées sont vite mises de coté, car l’ambiance est à la fête ! « Oh ça tu ne me le dira pas deux fois ! Phoebe va être hystérique quand je lui dirais que tu lui délègues le choix du lieu. Elle va finir par nous envoyer dans une plaine avec des licornes magiques. » dis-je en riant de bon cœur. La petite dernière est un rayon de soleil pour tous.
Il ne fait aucun doute que Gabriel est gêné lorsque je lui parle de ses amours. Hé bien, ça doit être compliqué pour qu’il réagisse de la sorte ! J’espère qu’il va bien malgré tout. Il finit par lâcher le morceau : « Si je te dis Rebecca Priest ça te dis quelque chose ou pas du tout ? » Je remonte loin dans ma mémoire. Rebecca Priest… Logan m’en avait parlé un jour, en des termes pas forcément élogieux, mais je ne me souviens pas exactement pourquoi. En revanche la dernière fois que ce nom a été prononcé c’était pour vanter sa position dans le monde de l’art. Monde auquel Gabriel appartient… peut-être est-ce sa nouvelle patronne ? Mais dans ce cas, pourquoi en parler alors que je lui demande ce qu’il en est de sa situation amoureuse ? « Oui un peu, j’en ai entendu parler brièvement il n’y a pas longtemps. C’est ta nouvelle copine ? » je demande maladroitement pour lui tirer les vers du nez – gentiment.
Gabriel se mit à sourire, un sourire de bienveillance quand sa petite sœur lui répondit. Il n'avait pas vraiment de mauvais sentiments à l'égard de Liam, d'ailleurs, c'était un homme plutôt charmant. Gabriel ne voulait tout simplement pas que Hope choisir la cardiologie parce que Liam lui avait dit que se serait bien pour elle. Peut-être qu'elle avait un don mais si c'était autre chose qu'elle aimait alors elle devait se donner les moyens de réussir même si c'était plus dur. Enfin, c'était son point de vue mais Gabriel avait comprit qu'une fois la spécialisation choisie, c'était un peu compliquer de faire marche arrière. Si Liam aimait vraiment Hope alors il comprendrait même si elle choisissait une autre voie.
- D'accord, je te fais confiance. Je dis ça pour toi tu sais, ce n'est pas moi qui aurait les mains dans une cage thoracique...
Il lui fit un petit clin d'oeil en souriant. Tous les deux marchaient à travers les stands quand Hope se mit à parler des fêtes de Noël. Franchement pour Gabriel, du moment qu'il était avec sa famille, le reste lui importer peu. Que ce soit pour le choix du lieu ou du menu. Quoi qu'il était un peu embêtant depuis qu'il ne mangeait plus de viande. Pour ce qui était d'Alan, il n'y pensait pas vraiment. On ne pouvait pas dire que son petit frère prenait beaucoup de nouvelles alors disons que c'était réciproque. Si personne ne lui parlait d'Alan, il n'engageait jamais la conversation sur ce dernier. Heureusement qu'il avait fini de manger, il aurait pu s’étouffer après la question de Hope.
- Non, ce n'est pas ma nouvelle copine. Si elle t'entendait dire ça, elle flipperait et moi-même, je commence à avoir un peu chaud…
Bien sur, il plaisantait, bien qu'il faisait chaud aujourd'hui. Lui ce qu'il le ferait flipper c'est dans quelques semaines quand la jeune femme lui annoncerait qu'il allait être papa. Oui, là, il aurait vraiment très chaud.
- Je plaisante mais y a deux semaines environ, je suis partie de Brisbane faire un vernissage tu te souviens ? Rebecca était en vacances, on s'est croisé et peut-être qu'on a passé un peu la semaine ensemble... Mais ce n'est pas ma copine.
C'était une façon un peu bizarre de dire à Hope qu'il s'était plus ou moins rapprocher de Rebecca mais franchement, il ne se voyait pas du tout expliquer dans les détails ce qui s'était passé là-bas…
- D'ailleurs en parlant de mon voyage pour le boulot, c'était top, j'avais un pass pour tout un tas de trucs, quand du champagne gratuit et le vernissage était vraiment très bien. Je me suis fait quelques contacts.
Comme noyer le poisson dans l'eau… Mais bon, il savait bien que Hope ne lâcherait pas l'affaire aussi facilement. Enfin, il l'espérait quand même.
Avoir les mains dans une cage thoracique peut paraître horrible pour lui, mais pas pour moi. Son métier, je ne saurais pas le faire. Il est excellent dans son domaine et j’aspire a être aussi excellente que lui dans le mien. Si je parviens à l’égaler, je m’estimerais la plus chanceuse du monde parce qu’il est parti de rien et qu’il s’est bâti une superbe réputation. « Mais j’adore ça ! » Je rétorque en chouinant un peu. « Tenir un cœur dans les mains c’est indescriptible. Même quand t’as l’impression que tu vas finir couverte de sang si tu ne colmates pas la brèche. Je te promets que j’envisage encore d’autres spécialités… Je me laisse des portes ouvertes on ne sait jamais ce qu’il peut se passer d’ici mon choix. » Ma main vient prendre celle de mon frère. J’ai beau utiliser l’humour et l’ironie comme mécanisme de défense, je prends tout ça au sérieux.
Rebecca… c’est l’une des premières filles dont il me parle. Ca doit vouloir dire quelque chose. Une sonnette d’alarme retentit dans mon esprit : lui tirer les vers du nez, objectif n°1. « Ah oui ? Pourquoi elle flipperait alors ? Vous êtes dans une relation du genre bizarre méga étrange et tu as besoin d’un petit coup de main de la part de ta sœur adorée ? Oh mon Dieu si tu veux je peux te donner des conseils. Qu’est-ce qu’elle aime ? » Mes paroles s’enchaînent les une après les autres dans un flot de mots ininterrompu. Ce n’est pas ma copine… oui, ils disent tous ça. Même moi je dis que Liam n’est pas mon copain. En même temps, c’est pour une raison tout a fait différente, genre le risque de perdre mon boulot si cette relation venait à se savoir.
« C’est génial, le pass. Je suis contente que tu ai si bien réussi… on peut dire que la prochaine génération de Jenkins sera à l’abri du besoin, contrairement à ce qu’on a pu vivre. » Du champagne, des vacances, des contacts, … je suis heureuse pour lui, tout simplement. Tout ce que je souhaite pour mes proches c’est le bonheur. Chacun y a droit. Réussir dans son métier – la galerie d’art – est un moyen d’y arriver, cependant ce n’est pas le seul, la vie privée y fait beaucoup. Il a essayé de noyer le poisson et je l’ai laissé faire. Mais il est hors de question que je n’en saches pas davantage sur les amours – ou pas – de mon grand frère. « Doooooooonc… tu as pu faire profiter du pass à Rebecca aussi ? Vous avez dîné ensemble, aux chandelles et tout ? »
Lorsque Hope lui présenta son choix ainsi alors Gabriel comprit qu'elle ferait le bon. Elle parlait de sa passion à elle et non celle de Liam donc forcément c'est qu'elle ne faisait pas ce choix pour lui. Et lui ? Il n'y connaissait rien en médecine, il ne saurait donc dire si une spécialité était mieux qu'une autre, d'ailleurs, elles devaient toutes être intéressantes à leur niveau. Sauver des vies donnait le droit d'être exceptionnel. Du coup, Gabriel lui faisait confiance pour son choix de bistouri comme elle devait lui faire confiance pour son choix de pinceau. Le sujet en revint tellement vite à Rebecca qu'il n'eut pas vraiment le temps de parler d'autre chose. Gabriel roulait des yeux tout en souriant par moment. Parler de Rebecca ne le mettait pas vraiment à l'aise car il s'était passé beaucoup de choses qui allaient changé sa vie.
- Elle adore me rembarrer.
Il se mit à sourire en coin, ce qui décala légèrement sa mâchoire sur le coté. Gabriel adorait également faire ça, la casser dans son ego. Ce n'était pas bien méchant car il n'était jamais blessant dans les propos qu'il avait. En fait, il avait simplement du mal à accepter le fait qu'il en pinçait pour une femme qui lui avait fait vivre un enfer lorsqu'il était au lycée. Il s'était juré de ne plus la revoir, de ne plus lui parler et surtout de l'oublier. Ce qu'il avait fait jusqu'à il y a quelques mois où la revoir l'avait mit dans un étrange état. Hope parla de la futur génération à venir et là Gabriel commença à avoir vraiment chaud et pas seulement à cause de la chaleur extérieur. Il s'arrêta tout en regardant Hope dans les yeux alors qu'il lui tenait la main.
- Puisque tu en parles, j'ai quelque chose à te dire. Je l'ai pas dit aux parents en fait je l'ai dis à personne car ça me paraît encore trop surréaliste pour être vrai mais je suppose que ça l'est.
Gabriel marqua une courte pause avant de reprendre.
- Rebecca est enceinte et elle dit que je suis le père du bébé. Je dois l'accompagner à une échographie dans quelques jours…
Il plissa légèrement les yeux pas vraiment sûr de la réaction que pourrait avoir sa sœur. Ses parents n'allaient pas apprécier, ça c'est sûr. Parce qu'il avait trente six ans et qu'il n'avait pas été fichu de se marier. Non, à la place, il avait fait un bébé à une femme avec qui il n'était même pas en couple. C'était pas le super modèle d’aîné qu'il avait pu être ces dernières années…
- Et pour répondre à ta dernière question, oui c'était plutôt paradisiaque là-bas. Mais la vie à Brisbane est différente.
L’attitude de Gabriel me fait penser en tout point à ce que Rafe me racontait il y a quelques jours, au détour d’un bloc. « Elle adore me rembarrer. » Rafe, mon allié de toujours, avait choisi d’autres mots pourtant assez similaires : « Elle me hurle dessus, elle me crie que j’ai tort devant tout le monde, et pourtant je l’ai trouvée si sexy pendant qu’elle s’époumonait sur mon incompétence… » Lui s’est éprit d’une infirmière. Et les infirmières sont… un peu comme les fourmis ici : on ne ferait rien sans elle. Elles ne se font pas trop montrer, elles n’ont certainement pas dix ans d’études et un doctorat en poche, mais elles sont indispensables à la vie de l’hôpital. Sans elles je serais perdue. C’est une infirmière qui m’a appris a piquer… pas un médecin. C’est aussi une infirmière qui m’a réconfortée la première fois que j’ai perdu un patient, alors que ce n’est pas forcément son rôle… Elles sont plus proches des patients que nous le sommes car elles vivent au quotidien avec ceux-ci : les repas, la toilette – parfois synonyme de gêne ou de douleur, les joies et les peines, les rechutes, les inquiétudes, la famille, et enfin si tout se passe bien : la sortie tant attendue. Je ne les vois pas comme des subalternes, car sans elles le St Vincent’ ne pourrait tout simplement pas fonctionner.
Ce petit sourire que Rafe avait en prononçant ces mots, je le retrouve en ce moment sur le visage de mon frère. Serait-il amoureux ? Ou sur le point de l’être ? Il est le seul à pouvoir me le dire. Je suis curieuse de ce qu’il a à me raconter et, en même temps, je ne le presserai pas comme un citron pour qu’il me vende la mèche. J’aimerais juste le voir heureux… « Puisque tu en parles, j'ai quelque chose à te dire. Je l'ai pas dit aux parents en fait je l'ai dis à personne car ça me paraît encore trop surréaliste pour être vrai mais je suppose que ça l'est. » Je hausse un sourcil interrogateur. Là il en dit trop ou pas assez. Je suis prête à lui proposer de l’aide pour planquer un corps quand il lâche le morceau après une pause : « Rebecca est enceinte et elle dit que je suis le père du bébé. Je dois l'accompagner à une échographie dans quelques jours… »
« Oh putain » est la première pensée un tant soit peu cohérente qui me vient en tete. J’ouvre la bouche, hébétée, au point qu’une mouche pourrait s’y faufiler sans problème. « Hein ? Tu as dis quoi ? » je lui demande pour etre sure. L’air que j’arbore doit etre mémorable pour lui. Il ne doit jamais m’avoir vu si… estomaquée. Mais bordel, il va etre papa ? C’est ce qu’il a dit non ? Bien sur que c’est ce qu’il a dit… Enceinte, père du bébé, échographie… le trio de la mort qui tue. « Nan attends, j’ai compris en fait je... » C’est tellement soudain que je ne sais trop comment prendre ça. J’hésite entre l’euphorie totale : je vais etre tataaaaaaaa ! Et la profonde inquiétude, parce que quand même, c’est arrivé brusquement. « C’est génial, nan ? Je sais que tu ne la fréquentes pas depuis très longtemps et tout mais… tu es content ? Je ne sais pas vraiment quoi dire là, je t’avoue. Qu’est-ce que tu en penses toi ? C’est plutôt une tuile ou une super nouvelle ? » je lui demande clairement pour effacer les malentendus qui pourraient se glisser dans la conversation.
En meme temps si il dit qu’elle affirme qu’il est le père du bébé, ça veut dire qu’ils ne sont plus forcément ensemble. Malgré tout je suis heureuse pour lui : devenir père doit être une expérience hors du commun. Il est mature, droit, franc, protecteur… il s’en sortira quoi qu’il arrive.
Alors qu'il lança cette bombe à sa sœur avec la plus grande délicatesse du monde, elle s'arrêta en la réceptionnant. Gabriel avait similairement la même tête lorsqu'il l'avait apprit sauf que lui, il était resté sur les fesses car après ça un bon nombre de nouvelles responsabilités lui étaient tombées sur les épaules et il en aurait encore des nouvelles jusqu'à la fin de sa vie désormais. Il regarda sa petite sœur en souriant.
- Ça va ? Je ne vais pas te perdre au moins ? Oui, tu vas être tata.
La prochaine étape serait de l'annoncer à ses parents. Il savait d'avance que sa mère serait ravi peut-importe la situation avec la mère car même si cet enfant n'avait pas été désirer sur le moment, Gabriel était très heureux de devenir parent. Par contre son père c'était une autre histoire mais peut-importe, il lancerait la bombe comme il l'avait fait avec Hope et ensuite il aviserait. De toute façon, il avait passé l'âge depuis longtemps de se faire sermonner par leur père.
- Non, non, je suis content. Sur le moment ça m'a fait bizarre mais je suis content.
Rebecca avait eu de gros problème à tomber enceinte, elle avait fait quelques fausses couches et c'était peut-être là un signe qu'elle tombe enceinte de Gabriel. Peut-être que leurs différences les avaient rapprochés et que ce bébé leurs feraient ouvrir les yeux, qui sait ? Gabriel regarda sa sœur dans les yeux autant bien lui expliquer les choses que de garder des pseudos mystères sur sa relation avec Rebecca.
- En fait, ma relation avec Rebecca est compliqué. Elle vit dans un monde en dehors du bien, dans une classe supérieur et j'ai vite compris que les apparences comptaient pour elle. Je mentirais en disant que je n'ai pas de sentiments pour elle mais je crois pas qu'on sera un jour un couple tu vois ?
Il fit une grimace tout en regardant Hope. Il préférait lui dire la vérité avant qu'elle ne sorte le campagne pour le convaincre de l'épouser et que toute cette historie finisse en conte de fée. Peut-être qu'un jour Rebecca passerait outre tous ces préjugés, peut-être qu'elle s'en ficherait que Gabriel ne descende pas d'un riche milliardaire mais pour le moment ce n'était pas le cas.
J’apprends que ce n’est pas une blague : je vais bien devenir tata. Et dire que je ne savais rien de sa relation… peut-être qu’il va m’annoncer demain qu’il se marie et va habiter au fin fond du Canada, avec les ours polaires, qui sait ? Mais non, quand mème, ça fait assez d’émotions pour aujourd’hui. Je suis heureuse pour lui. Les questions me brûlent les lèvres et sortent sans filtres. Je pousse un soupir de soulagement quand il avoue enfin être content. Sous le choc, certes, mais content. J’imagine sans mal le choc que ça a du être pour lui. « Ouf ! Je ne devrais pas t’aider à planquer un corps alors. C’est une bonne nouvelle. » j’essaie pour détendre l’atmosphère. Je m’arrête de marcher un instant pour le prendre dans mes bras. « Félicitations » je lui dis simplement. Les mots sont inutiles. Il sait que quoi qu’il se passe, je serai honnête avec lui et l’épaulerai. La famille, c’est ce qu’il y a de plus important. Après un moment je m’éloigne un peu et continue de marcher lentement. Nous marchons sans réellement regarder les étals, juste intéressés par les nouvelles.
« Wow… un bébé, quand même. Tu fais pas les choses à moitié ! Qui est au courant ? » Nos parents ne le sont probablement pas, sinon ils en auraient parlé pendant des lustres… connaissant papa, ce sera une longue conversation pour Gabriel. Mais pitié, qu’il ne lui refasse pas la conversation sur les préservatifs et la contraception. On est tous assez grands pour assumer nos responsabilités. Un accident, ça peut arriver. Quoi qu’est-ce qu’on peut réellement appeler un bébé « un accident » ?
La relation que Gabriel me décrit semble jonchée d’obstacles. « Merde. C’est dommage. Les apparences sont souvent trompeuses en plus, les gens font tous semblant et finalement tu te retrouves à ne pas reconnaître les gens que tu côtoie. » fais-je, dépitée. Un bébé va entrer dans l’équation, ce n’est pas anodin. Si ils l’élèvent à « tour de rôle », les divergences pourraient l’affecter de façon indélébile et causer de lourdes incompréhensions. Je suis certaine que Gabriel fera un père excellent, qui donne sans compter pour son enfant et lui transmet amour, loyauté, franchise, … Et l’histoire entre Gabriel et Rebecca n’est peut-être pas vouée à l’échec, finalement ? « Mais du coup, tu l’aimes malgré tout… c’est qu’il y a bien quelque chose qui t’a attirée chez elle. Je me trompe ? Si vous étiez du même monde, ça réglerai les choses tu penses ? »
Ils marchèrent tous les deux cote à cote au travers des étales mais leur attention respective était ailleurs. D'ailleurs le silence ne resta pas bien longtemps entre eux. Gabriel fit une légère grimace car, il avait encore pas mal de gens à prévenir surtout leurs parents mais ça Hope l'avait très certainement deviné.
- Logan le sait, parce qu'il vit avec moi, tu te doutes bien. Mais je lui avais dit de ne rien dire avant que j'en parle moi-même au moins aux parents alors ne lui en veut pas. Je pense que je vais avoir le droit à un discours bien pompeux sur les enfants hors mariage. Ou alors ils vont me demander la date du mariage et le choc sera le même.
Leur famille était assez traditionnelle comme vous l'imaginez cinq ans, ce n'était pas rien. Malgré tout et heureusement d'ailleurs, les enfants Jenkins n'avaient pas grandit avec l'obligation de quoi que se soit et donc, Gabriel devrait s'en sortir plutôt indemne. De toute façon, il savait qu'il aurait leur mère dans la poche le jour où elle prendrait sa petite fille dans ses bras pour la première fois.
- Ce n'est pas bien grave, tu sais ce que je dis toujours ? Si ça doit arriver et bien ça arrivera. Je ne sais pas vraiment si je l'aime ou non. En tous les cas, je l'apprécie assez pour ne pas regretter avoir un enfant avec elle.
Franchement, si Rebecca n'avait été qu'un coup comme ça en passant, sans importance, sans rien. Il aurait fait attention et oui son père n'avait pas besoin de lui donner, enfin redonner un cours sur la contraception. Sans le savoir, ce bébé ferait leur bonheur, c'était une certitude. Ils continuèrent leur balade au travers des étales en parlant chacun de leur vie respective. D'ailleurs, Gabriel prit même des nouvelles de Liam, le petit ami de Hope. D'ailleurs, il lui fit part qu'elle n'était pas obligé de suivre son exemple et que lui, et bien il avait amplement l'âge d'avoir un bébé. Il s'était mit à rire puis ils avaient fini la journée ensemble dans les rues de Brisbane.
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