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“Quand vous disiez vouloir aider, nous ne nous attendions pas à une telle somme.” Le chercheur dont le visage surpris s'affiche sur l'écran de mon ordinateur ne se remet pas encore du nombre de chiffres qui viennent d'être envoyés à son équipe divisée entre l'Angleterre et l’Italie. Jusqu'à présent, leur intérêt pour le Borgia relevait de la passion financée au quart par l'Université, et du reste, de leur poche, comme un hobby. Les fonds de Cambridge ont beau être conséquents, dispatchés sur plusieurs enquêtes il ne reste finalement plus grand chose pour chaque équipe. Avec ces fonds, je fais d'eux une petite entreprise. Lorsque l'on demande pourquoi, je demeure muet. Est-ce que cela importe plus que le montant du virement ? “Dites-vous que ce n’est pas si énorme pour moi. Cela ne va pas me réduire aux pâtes au jambon pour les prochaines années.” je plaisante avec un fin sourire. On pourrait croire que je gaspille l'héritage de mon frère, pourtant ce sont uniquement les retours sur investissement de cette année qui me permettent de financer les historiens. L’avantage d'avoir une famille qui a toujours su où et comment placer son argent. Ce que j'en fais ensuite ne regarde que moi. Le doctorant à l'autre bout de l'écran ne m'interroge pas plus que cela d'ailleurs. “Je serai exigeant en revanche. Faites votre travail comme vous savez le faire, je n'interfère pas, mais je veux des avancées. Utilisez l'argent pour engager du personnel si besoin, néanmoins je veux approuver chaque profil. Et je veux être au courant de vos moindres faits et gestes, les lieux où vous enquêtez, les personnes que vous rencontrez, et chaque indice que vous trouvez, de même que toutes vos hypothèses. Je ne peux pas être présent à vos côtés, mais je compte sur vous pour m'en donner l'illusion depuis l'autre bout de la planète.” C'est un accord qui marche sans la moindre protestation. La vidéo se coupe après maintes remerciements et au revoir. Je ferme le clapet de l'ordinateur sur mes genoux. Il est trois heures du matin.
J’entre dans le cabinet du psy quelques heures plus tard, avant de me rendre au studio. Les séances individuelles ont toujours lieu tôt le matin, et les thérapies de groupe tard le soir. Encore deux semaines avant le verdict, dont une semaine de rendez-vous quasiment quotidiens. Peut-être que cela m'aide, mais mon obsession concernant la garde de mon fils m'empêche d'y prêter véritablement attention. Je ne suis là que pour lui, même si j'aime à croire et à faire croire que je le suis également pour tous mes concitoyens. À la fin de la séance, l'homme me tend un bout de papier, une prescription. “Non, non… Vous aviez dit…” “Pas de médication, je sais. Mais je suis persuadé que cela vous aidera.” Je reste bouche bée un instant, le coeur battant un rythme paniqué, et particulièrement tenté de déchirer la note illisible pour la jeter à la figure du docteur. “Vous aviez donné votre parole.” je murmure comme si cela avait encore de la valeur pour qui que ce soit. La vérité, c'est que ce n’est pas un choix qui m'est donné. C'est un ordre. Je froisse le papier entre mes doigts et le fourre dans ma poche. Je récupère le flacon de cachets à la pharmacie de l'hôpital. Mais c'est tout ce que mon courage me permet de faire pour aujourd'hui, déjà dépité par une journée qui s'annonce bien longue.
Janis récupère l'épais paquet de feuilles qui trône sur mon bureau afin d'aller en faire des montagnes de photocopies comme je le lui ai demandé. Son sourire taquin dissimule mal son amusement à la simple pensée de la plaisanterie qu'elle compte lancer et qui, elle le sait, me fera tiquer. “Si c'est le douzième meilleur parti de Brisbane qui le demande…” Je fronce les sourcils. “Qu'est-ce que tu racontes ?” D'un signe de tête, la jeune femme m'indique le magazine sur son bureau dans lequel se trouve le classement complet. En lisant le texte me correspondant, mon sang ne fait qu'un tour, provoquant un léger vertige. Dans la seconde, je m’arme de mon téléphone et d'autant de calme que possible -celui-ci part en fumée à la seconde où la rédactrice en chef décroche. “Je peux savoir ce qui vous est passé par là tête en laissant publier des mots pareils ?! Vous êtes complètement inconscient !” “C'est une plaisanterie Jamie, calme toi.” “Ta prétendue chroniqueuses me dit capable de meurtre ! Je me saigne pour que cette affaire ne me pourrisse pas plus la vie et toi tu édites ça en milliers d'exemplaires !” Son soupir dans le combiné me donne envie de l'étrangler. Mes doigts serrent le bord de mon bureau dans le seul but de ne pas tout saccager. Je ne mentionne même pas l'incitation au meurtre qui est également une blague du meilleur goût. Peut-être suis-je le seul lecteur qui ne soit pas hilare devant tant d’esprit. “Tu surréagis complètement. Pourquoi tu n’es pas tout simplement flatté d'être dans le classement, roh… C'est vrai que tu t'emporte facilement, hein.” Je surréagis ? Je vais lui donner des raisons de dire que je surréagis. “Je te jure que quand j'en aurais terminé avec vous, vous mettrez la clé sous la porte tant vous croulerez sous les dommages et intérêts. Et je pourrais vous racheter pour un dollar symbolique uniquement pour avoir le plaisir de réduire la rédaction en cendres moi même. Dis adieu à ton torchon.” Après avoir raccroché, fulminant de rage, prêt à exploser, je retrouve les cachets dans mon sac. Finalement, ça peut être utile.
À peine suis-je entré dans la maison de Joanne que Daniel m’accueille à bras ouverts. Je le serre tout contre moi, déchargeant dans cette étreinte l'accumulation de frustration de la journée. Il me fait retrouver le sourire le temps de le couvrir de baisers. Très vite, le bonhomme ne tient pas en place. Il bat des jambes afin que je le repose à terre et il gambade jusqu'à ses jouets pour réclamer que je joue avec lui. Il est très fier de me montrer sa petite composition sur son piano électronique pour bébé, ne consistant qu'en trois notes répétées à l'infini. Comme à chaque visite, je lui donne son dîner et reste jusqu'à ce qu'il s'endorme. Je le garde dans mes bras un moment, n’ayant pas encore envie de m'en défaire. Joanne et moi nous ignorons quasiment depuis notre retour de Londres. Les fêtes ont créé une cassure. Je fais de mon mieux pour ne pas penser à elle. Mon esprit est bien assez occupé pour ne lui attribuer qu'une minuscule place, et bientôt il sera trop engourdi pour me laisser l’aimer, la détester, ou ressentir quoi que ce soit pour elle. Prenant garde à ne pas réveiller Daniel, je sors le magazine de mon sac et le lui donne. “J'ai porté plainte pour diffamation. J’aurais besoin que tu témoignes en ma faveur en faisant bien comprendre que je n'aurais jamais été capable de te tuer. Si quelqu'un te fait une remarque à ce sujet, à une soirée ou dans la rue, il faudra en parler aussi.” Tout ce qui peut prouver l’absence de fondement de ces mots mais aussi le préjudice qu'ils causent. “Dit à haute voix c'est encore plus ridicule.” je murmure avec un petit rire ironique. Peut-être suis-je capable de perdre mes moyens, mais pas à ce point. Et peut-être que je surréagis bel et bien, mais au moins je peux diriger ma colère et ma frustration sur quelque chose que Joanne et ce fiasco que fut notre relation.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Ce début d'année n'avait pas manqué d'étrangeté. A croire que l'on forçait Joanne à rester dans son passé en croisant notamment Fatima, qui était pratiquement l'équivalent de son ex-belle-mère, et Yasmine. Deux rencontres singulières et bien différentes de l'une l'autre. Joanne s'était toujours demandée si les parents d'Hassan, disparus il y a bien longtemps, l'aurait apprécié et et aurait approuvé cette union que les Khadji. Qasim en était presque sûr mais la petite blonde avait toujours été un peu sceptique. D'autres diraient qu'il ne fallait pas se préoccuper de ce que les morts pourraient penser. Joanne était bien contente d'avoir retrouvé ses marques dans son pays, Brisbane lui avait bien trop manqué. Sa maison était désormais bien meublée, grâce à sa part d'argent de la maison vendue après son divorce. Elle n'avait jamais osé y toucher jusque là et Hassan lui avait bien fait comprendre qu'elle ne devait pas hésiter. Les intérêts avaient gonflé cette somme et il lui en restait même un peu, qu'elle gardait pour les événements inattendus. Elle s'y sentait bien, dans cette maison. Daniel et les chiens semblaient tout aussi satisfaits et la jeune femme avait fini par se convaincre qu'il était finalement possible de se construire une vie sans nécessairement être en couple. C'était le bien-être de Daniel qui lui permettait de maintenir le cap et de continuer à progresser. Jamie et elle se parlaient à peine, il n'y avait que le minimum syndical. Elle était toujours bien obligée de rester dans la même pièce que lui lorsqu'il passait du temps avec Daniel, mais elle trouvait toujours un moyen de s'occuper et d'oublier presque sa présence. Il était venu ce soir-là, comme un autre, à jouer, câliner, et s'occuper de Daniel. La jeune femme n'avait plus ce pincement au coeur, mais elle ne pouvait pas dire que cette sensations de malaise était totalement effacé. Les fêtes de fin d'année avaient étranges, elles aussi. Ce n'était pas comme ça qu'elle se l'était imaginée. Elle avait réalisé bien trop tard qu'elle avait surtout accepté cette invitation pour le Nouvel An, qui n'en était pas véritablement une pour elle, mais pour Daniel, pour éviter d'avoir ce sentiment de culpabilité et de cruauté que d'empêcher son fils de passesr du temps avec son père. Et rien d'autre. Finalement, elle avait eu ses propres pots cassés à force de mensonge et de supercherie. Bien que Cole avait été particulièrement gentil et s'était efforcé de faire en sorte qu'elle se sente à l'aise, ayant été dans le même bain. Le baiser qui avait conclu la soirée avait pratiquement tout ruiné. Joanne était persuadée que Jamie en voulait plus. Elle connaissait sa manière d'embrasser, ce qu'il voulait dire à chaque fois. Et il ne pouvait clairement pas mettre ça que sur le compte de l'alcool. Elle n'avait pas cédé, tout simplement parce que son coeur ne battait plus pour lui comme ce fut le cas un jour. Il avait tout fait pour qu'il en soit ainsi. Une fois Daniel couché, le beau brun lui tendit un magazine. Joanne le bouquina et tomba rapidement sur la page sur laquelle il s'était intéressé. Il ne fallait pas bien longtemps aux journalistes d'afficher les hommes riches célibataires et d'en faire une éloge - ou pas. Encore une fois, Jamie lui demandait un service. "Tu as été le premier à me dire de ne pas me soucier de ce genre de choses." Et voilà que lui en faisait une véritable obsession et qu'il était prêt à porter plainte. Elle avait l'impression qu'il était à fleur de peau. "Et tout le monde se fichait bien de ce que je pouvais dire par rapport à tout ça, qui te dit qu'on me croira cette fois-ci ?" Personne ne l'écoutait, tout le monde pensait qu'elle prenait sa défense comme toute autre femme battue, mais il n'en était rien. Joanne était parfaitement consciente de ce qu'elle disait et elle n'était forcée par personne, encore moins par Jamie. "Capable de meurtre. N'importe quoi." souffla-t-elle tout bas. Cet article en avait peut-être fait rire certains, mais c'était tout de même une blague de très mauvais goût. "Je veux bien témoigner en ta faveur, mais je ne veux pas que ça amène des journaliste venir dans le quartier pour m'interroger ou espérer retirer quelconque information. Je voudrais qu'on me laisse tranquille." Qu'elle puisse continuer de vivre sa vie de son côté et qu'elle reste en dehors des objectifs d'appareils photo. Joanne voulait un peu se détacher des soirées mondaines pendant quelques temps, elle en avait eu sa dose durant les deux derniers mois de 2016.
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Malheureusement, contrairement au traitement de Joanne, le mien, prescrit à nouveau depuis ce matin, ne prendra effet qu'après une ou deux semaines de prises quotidiennes. Puis il faudra en ajuster le dosage, ainsi qu'ajuster mes propres habitudes, ce qui prendra encore quelques semaines supplémentaires. Le tout constitue un retour à cet enfer que j'avais décidé de rayer de ma vie en pensant naïvement que le thérapie suffirait. Mais les médicaments rendent tout plus facile pour tout le monde, n'est-ce pas ? Ceux-ci sont faits pour le bien de tous, sauf le mien. Ce retour à la case départ est insupportable. Pourtant, il fut aisé de comprendre que ces cachets étaient soudainement devenues une condition sine qua non à l'autorisation de partager la garde de Daniel avec Joanne. Il n'est pas question que la situation actuelle perdure, celle qui fait de moi l'ombre d'un père. Je suppose que la jeune femme sera aussi soulagée de me savoir muselé à nouveau. Peut-être y aura-t-il une plaisanterie bien sentie à ce sujet dans ce foutu magazine si mon mal se sait. Je passerai d'assassin à chair à lobotomie. J'en entends déjà rire de cet humour morbide et malsain. Rien que de songer aux mots couchés sur le papier me donne la nausée. Cette intention néfaste et gratuite m'échappe, mais cela ne devrait pas m'étonner ; si les journalistes sont considérés comme des charognards, c'est bien parce que l'on fait une généralité d'une espèce qui existe bel et bien dans ces rangs. Je pas peut-être dans une ridicule croisade contre un adversaire que je ne parviendrai pas à faire taire, mais je sais qu'avec les bons arguments, il m'est au moins possible de les faire payer pour l'humiliation que je ressens. Je commençais tout juste à songer que ma vie pourrait reprendre son cours ; ces lignes m'explosent à la figure comme la preuve que cela ne sera pas le cas de si tôt. Joanne a été préservée de tout ceci, j'ai pris sur moi la totalité de la pression des événements, alors j'avoue qu'en échange j'attendais que la jeune femme accepte de témoigner comme je le lui demande sans émettre le moindre commentaire autre que « quand dois-je passer à la barre ? ». Non, au lieu de cela, elle s'en plaint. « Oh, désolé de ne pas maîtriser ce que les torchons racontent. » Est-ce qu'elle tourne autour du pot à la recherche d'une bonne excuse pour que je me débrouille tout seul encore une fois ? C'est l'impression qu'elle me donne lorsqu'elle fait mine de croire que personne ne l'écoutera. « Est-ce que c'est un refus, Joanne ? » je demande en croisant les bras. Au moins, la perspective de me voir dans la peau d'un tueur lui paraît aussi absurde qu'à moi. Il ne manquerait plus qu'elle hésite de peur de se parjurer. La seconde excuse qui fait sonner très faux son acceptation, c'est la peur d'être exposée. C'est vrai qu'il est tout de suite tellement plus facile de se reconstruire quand l'autre monopolise l'attention et encaisse seul ce genre de piques. Quand les internautes l'érigeaient en sainte, je me faisais fustiger par des millions des personnes. Et pas une fois je ne lui ai demandé la moindre déclaration. Rien du tout. « Tu sais quoi, moi aussi j'aimerais qu'on me laisse tranquille. » Mais l'on a pas toujours ce que l'on souhaite, c'est l'une des premières règles de la vie. « Je ne maîtrise pas non plus tous les journalistes de la ville, je ne peux rien promettre. » j'ajoute en haussant les épaules. Si certains veulent venir, ils viendront. Elle apprendra à composer avec ce genre de nuisances, l'attention passe très vite d'une personne à l'autre de toute manière, le monde tourne si vite. Fut un temps, je lui aurais assuré qu'elle n'avait rien à craindre, que personne ne l'approcherait, et j'aurais absolument tout mis en oeuvre pour que ce soit vrai. Plus maintenant. J'ai l'impression que Joanne accepte à reculons, ce qui m'offense beaucoup je l'avoue. Je l'aurai fait pour elle sans une once d'hésitation, et sans imposer la moindre contrainte. Je n'aurais même pas réfléchi. « Dis-le tout de suite si c'est trop demander. »
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Joanne savait que la situation était très compliqué à gérer pour lui. Il devait faire face aux moeurs, aux accusations, aux regards noirs. Parce que tout le monde ne lisait que ce qui était écrit, personne ne cherchait véritablement à connaître le fond de l'histoire. Pas une seule personne ne s'était posé la question. Pourquoi un couple qui semblait si parfait vire au drame ainsi ? Il n'y avait que supposition et spéculation sans que personne ne s'intéresse à un semblant de vérité. Et cette fausse réputation lésait énormément Jamie. La thérapie, l'attente de l'avis du juge pour espérer obtenir la garde Daniel. Vraisemblablement, cet article était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase et voilà qu'il s'emportait pour un rien, montant au quart de tour à la moindre remarque de Joanne. Celle-ci le regarda avec un sourcil arqué en le voyant réagir de la sorte. Jusqu'ici, elle avait été bien épargnée par toute cette affaire de jugement. L'anonymat lui manquait souvent, ces derniers temps. Mais apparemment, Jamie se défoulait bien sur elle en lançant des pics à tout va, à la moindre remarque de Joanne. Il devrait savoir qu'elle s'inquiète principalement pour Daniel, qu'on le laisse en dehors de tout ça. Lui aussi voudrait que son fils soit épargné de tout ce drame et qu'il puisse sereinement vivre son enfance sans avoir des dizaines de flash braqués sur lui, avec un article dans la presse people le lendemain en supposant qu'il vivait un calvaire après la séparation de ses parents. Joanne ne voulait pas qu'il ait cette vie-là. Il était bien trop jeune pour comprendre et n'avait pas besoin de ce poids là. "C'est bon, tu as terminé ?" dit-elle d'un ton particulièrement calme lorsqu'il en avait fini de faire des remarques désobligeantes. "Ce n'est pas moi qui ai écrit ou même mentionné ces foutus mots dans cet article, pas la peine de t'en prendre à moi." Elle fronça légèrement les sourcils. Il était certain qu'il pouvait oublier ce témoignage s'il continuait à lui parler de la sorte. "Je ne refuse pas. Je ne sais pas si tu l'as remarqué, mais depuis le début, on n'accorde aucune véritable attention à ce que je peux te dire. Tout le monde, même les policiers, me disaient que je racontais à cause du choc, des mes sentiments pour toi, ou à cause de cette sorte de syndrome qui consiste à ce que la femme soit disante battue défendra toujours son compagnon. C'est ce que tout le monde me disait." Alors, peut-être qu'avec le recul, on sera plus enclin à l'écouter. Si elle témoignait, ce n'était qu'au nom de la vérité, et rien d'autre. "Tu es en colère contre ce magazine, peut-être même envers tous les journalistes du pays, je le sais bien. Les mots utilisés ne sont pas corrects, et c'est injuste." Elle n'avait jamais voulu qu'il soit aussi mal vu, bien que certaines personnes avaient suffisamment d'esprit pour savoir que l'on exagerait à ce propos. Joanne savait que lui avait toujours fait beaucoup de choses pour elle, peut-être même des choses qu'elle ignorait encore. "Je témoignerai parce que je trouve ça inacceptable et injuste vis-à-vis de toi, et que personne n'a le droit de mentir ou d'exagérer à ton sujet, comme n'importe qui d'autre. Ce que je voulais dire, c'est que je ne suis pas certaine de l'impact de mes paroles, c'est tout." Son ton était à la fois doux, mais ferme. Elle avait très peu parlé à Jamie ainsi, elle ne lui avait jamais véritablement tenu tête. "Il n'y a vraiment que ça qui t'a énervé aujourd'hui ? Je peux comprendre que tu sois mécontent vis-à-vis de cet articles, et il en faut tout de même plus pour que tu sois là, à monter au quart de tour à la moindre remarque." De base, il montait vite dans les tours, mais c'était assez inhabituel qu'il le soit autant, et aussi rapidement. A moins qu'il ne préfère s'acharner sur elle à charge de revanche, pour en avoir parlé à Saul, qui lui avait jugé bon de le dénoncer aux autorités. Elle n'en savait trop rien. Mais c'était peut-être une suite logique après l'ignorance, et l'aversion, venait ensuite l'agressivité ? C'était plausible. Non pas qu'elle s'en fichait, mais elle ne lui en tenait pas rigueur. Du moins, ça ne l'atteignait plus autant qu'avant et ça lui permettait étrangement de mieux relativiser et d'avoir un petit peu plus de réparti - ce qui en soi, était une exploit lorsqu'on connaissait bien Joanne.
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Les bras croisent sembles être la seule barrière entre moi et Joanne capable de me contenir. Ils se pressent contre mon torse afin de garder mon coeur plein de rage dans ma poitrine et mes doigts serrent le tissu de ma chemise. Je vois bien que le fulmine trop, que les paroles m'échappent, mais je ne parviens pas à rattraper les mots avant qu'ils franchissent mes lèvres, et ils sont la maigre consolation de mes nerfs mis à rude épreuve depuis bien des semaines. M'en prendre à la jeune femme et à chacune de ses remarques me rend peut-être lâche, mais qui ne s'est jamais trouvé un bouc émissaire sur lequel se défouler un instant, même en sachant que cela est injuste ? Après tout, pourquoi être juste avec les autres si certains ne le sont pas avec vous ? Pourquoi y aller au cas par cas et tenter d'en épargner alors que l'on est blessé et que l'on peut tirer sur tout ce qui bouge pour soulager la peine ? Néanmoins, Joanne a raison. Je tente de me radoucir, ou du moins, de garder mes lèvres closes. Et dieu sait que je retiens derrière cette barrière bien d'autres phrases désobligeantes et désagréables qui me traversent l'esprit furtivement. Personne ne voulait vraiment écouter ce qu'elle avait à dire pour m'aider à me défendre, mais a-t-elle vraiment essayé de se faire entendre ? A-t-elle tout fait pour ça ? J'en doute. Est-ce qu'elle pourrait employer un mot plus réducteur que ''injuste'' pour qualifier ces lignes dans le magazine ? Il doit bien y avoir un mot fort quelque part dans le dictionnaire pour décrire le caractère quasi-criminel à mes yeux de la parution de pareils mots visant à dénigrer quelqu'un. Et dire que je devrais les remercier de me citer. Je devrais aussi remercier Joanne d'accepter de m'aider, mais j'avoue qu'à cet instant ce sont des syllabes qui ne veulent pas être prononcées. « Il faut au moins essayer. » dis-je simplement. Peut-être que sa parole ne vaudra rien, mais au moins aurai-je la sensation d'avoir quelqu'un de mon côté. « Je ne peux pas laisser passer ça sans rien dire. On aura beau me répéter que c'est une plaisanterie, je ne le vois pas de cette façon. C'est particulièrement blessant. » j'ajoute, quoi qu'encore une fois les mots ne soient pas à la hauteur de ce que je pense et ressens. J'accorde sûrement trop d'attention à un torchon qui n'en mérite pas. J'imagine Hannah balayer ces déclarations d'un revers de la main et m'assurer que si j'ai besoin d'un acolyte dans ma carrière de serial kiler, elle sera là pour m'aider à enterrer les cadavres. Enfin, j'imagine qu'elle l'aurait dit, avant. Habituée à la fragilité de mes humeurs, Joanne devine bien vite qu'autre chose appuie sur mes nerfs. « J'ai eu une longue journée. Je suis juste à fleur de peau. Et ce genre de choses… toute cette histoire me fatigue. » je réponds juste afin de ne pas lui montrer à quel point elle persiste à bien me connaître et lire en moi. Je m'assois, dépité, fatigué par des nuits trop courtes, lassé d'être une cible facile. Je m'engage sûrement dans une bataille contre un moulin à vent, mais au moins, je me débattrai face à cette image de moi que l'on veut faire circuler. Oui, il faut au moins essayer de rétablir un peu de vérité. « Je commence à croire qu'il faudrait rendre publique ma… mon problème. » Difficile de mettre un mot là-dessus. Un trouble, une maladie, une condition ; le lexique n'en manque pourtant pas, mais tous me semblent donner une dimension plus grave et dramatique à ce tempérament qui n'est pourtant pas en reste en matière de dangerosité pour mon entourage et pour moi-même. « Je ne sais plus s'il est préférable de passer pour un type instable ou un homme violent. » Je soupire, hausse les épaules. D'un autre côté, je passerai pour celui qui se cherche des excuses. On ne me fustigera sûrement pas moins. Peut-être est-ce sans autre issue que le temps. « Le psy me remet sous traitement médicamenteux. » je lâche finalement, parce que Joanne doit bien le savoir après tout. Il n'y a rien à en dire, je n'ai simplement pas le choix. Pour avoir le droit de marcher auprès des autres Hommes, je dois devenir l'ombre de l'un.
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Jamie avait toujours eu énormément de rage en lui, depuis toujours. Elle l'avait connu comme ça, et l'avait vu se débattre avec ses propres démons plus d'une fois. Il n'y pouvait rien. Les psychologues mettaient sur le compte de son enfance, du suicide d'Oliver, du manque d'amour parental. Les raisons étaient nombreuses et il n'avait jamais pourtant aimé les exposer. On lui avait appris à mettre des masques et il ne faisait plus que ça. Il se braquait ? Eh bien cette fois-ci Joanne comptait bien faire la même chose pour le remettre en place et surtout le calmer. Elle ne voulait pas être son souffre-douleur et subir ces joutes verbales à chacune de leur rencontre. Les disputes finiraient par renaître alors qu'ils n'étaient même plus en couple et Joanne ne voulait pas de ça, pas sous son toit, du moins. "Alors j'essaierai." dit-elle fermement bien que son ton à lui ne se soit radoucit. "Tu ne dois pas être le seul à le penser. Si c'est une blague, c'est franchement de mauvais goût. Tout le monde ne rit pas du malheur des autres et n'aime pas voir d'autres personnes se faire rabaisser de la sorte. Il y en aura forcément qui le reprocheront au magazine, tout le monde n'est pas foncièrement mauvais." Il n'y avait pas que des mauvaises langues, Joanne en était persuadée. Elle le laissait s'installer où bon lui semblait, elle préférait rester debout. Pour la première fois, le beau brun songeait à rendre publique ses problèmes. "Ce ne serait pas une mauvaise chose." répondit-Joanne après un moment de réflexion. "Peut-être qu'on ne croira pas à ta parole, mais les professionnels qui te suivent peuvent prendre ta défense." Et on se fiait toujours au corps médical pour ce genre de choses. "Mais il va falloir que tu acceptes toi de faire tomber tes masques. Si tu veux qu'ils comprennent, il va falloir que tu t'ouvres sur beaucoup de choses. Est-ce que tu te sens prêt à faire ça ?" la questionna-t-elle. Jamie n'aimait ni parler de ses parents, ni d'Oliver, ni de l'enlèvement, ni de son enfance d'ailleurs, mis à part lorsqu'il avait grandi dans le domaine qu'il affectionnait tant. Joanne ne lui souhaitait pas du mal et beaucoup seraient contre ce témoignage. A vrai dire, elle craignait déjà le regard d'Hassan s'il apprenait la nouvelle. Elle n'était pas certaine qu'il la croirait si elle lui certifiait qu'elle n'avait plus de sentiments pour Jamie et qu'elle lui rendait juste service pour qu'il y ait un minimum de justice dans cette affaire. Elle comptait déjà couper les ponts lorsque cette histoire sera réglée, il n'y aurait plus que les politesses express lorsqu'il aura la garde de Daniel, et rien de plus. Elle ne se sentait déjà plus engluée dans cette situation comme elle l'avait été juste après la rupture. Joanne n'avait jamais eu ce sentiment là après son divorce - du moins avant d'avoir rencontré Jamie. Pour la première fois, elle se sentait assez prête d'avancer toute seule, quoi qu'il advienne. Il y avait là tout une vie à reconstruire, une meilleure amie à trouver, un cercle d'amis à refaire. Toutes les connaissances de l'année passée avait été faite grâce à Jamie. Non pas qu'elle ne leur parlerait plus mais elle espérait faire des connaissances en dehors de son ancien couple. Quelqu'un qui ne prendra pas partie et voudra bien l'écouter tout comme Joanne sera prête à écouter également. Sophia lui manquait tant, elle y pensait encore régulièrement. Elle n'était pas vraiment surprise d'entendre qu'il était contraint de reprendre un traitement médicamenteux, encore moins de le voir si dépité. "Tu sais, ce n'est pas seulement pour les autres, c'est aussi pour toi. Tu te mets aussi en danger toi, plus souvent que tu ne puisses l'imaginer." Elle se rappelait parfaitement du soir où il lui avait montré les lacérations sur son avant-bras. "Peut-être que de t'ouvrir aux autres par rapport à tout ça te permettra aussi de t'accepter tel que tu es." Joanne était peut-être très mal placée pour lui dire ça, mais son problème à lui était aussi là. "Je pense que certains ont besoin d'entendre que mêmes les plus beaux, les plus riches, les plus célèbres - qu'importe - peuvent aussi avoir ce genre de problèmes. Montre leur que tu te bats contre ça depuis des années, dis leur que tu te bats pour Daniel, que c'est la seule personne qui compte pour toi et avec qui tu veux partager ta vie, être père. Il y aura des sceptiques mais il y en aura qui seront admiratifs et touchés de cette volonté que tu as. Ca aussi, les psy peuvent en témoigner, sinon tu n'irais pas à toutes ces séances, et tu auras encore moins accepté de prendre ce traitement."
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Non, le monde n'est pas un sac de vipères dans lequel on fourre la main tous les jours dans l'espoir d'en sortir indemne. Pour dix personnes qui auront ri de la soit disant plaisanterie du magazine, il y en aura autant qui s'en seront sentis outrés, peut-être plus. Quoi que je n'imagine pas tant de lecteurs que ça comprendre la portée de simples mots tournés en une maladroite boutade, la méchanceté gratuite entre les lignes aux empattements qui sont comme autant de coups de coeur. Ce ne sont que des mots, la chroniqueuse ne pensait pas à mal, me dira-t-on alors que je continuerai à prendre l'affaire au sérieux. Car j'ai toujours pris mon image au sérieux, je la soignée et je l'ai maîtrisée de A à Z toutes ces années. Inclure l'amour dans sa vie amène évidemment des facteurs variables ; les sentiments, les émotions, incohérentes, illogiques, spontanées. Tout ce que je peux faire c'est tenter de redresser la barre et me défendre comme je le peux pour sortir de la boue un peu moins tâché que je ne le devrais. L'idée de tout dévoiler me traverse l'esprit, mais Joanne a raison : à partir du moment où cela se saura, je ne pourrai plus me cacher derrière quoi que ce soit. Je n'aurai pas besoin de fournir les détails de cette condition, simplement expliquer ses conséquences sur ma vie quotidienne, les incendies et les torrents. Mais ouvrir mon passé à la vue de tous, le jeter en pâture au public ? C'est une décision que je ne peux pas prendre tout de suite, alors je hausse les épaules, et je la reporte à plus tard. Ce qui me travaille tout autant, c'est le flacon au fond de mon sac dont le cliquetis des cachets forme la mélodie d'une défaite de plus s'ajoutant à la longue liste connaissant un essor fulgurant depuis quelques temps. Je m'attends au discours habituel de Joanne à ce sujet, mais c'est une toute autre sauce qu'elle me sert, et mon regard rempli d'incompréhension se pose sur elle. Oui, j'attendais qu'elle me dise que ce traitement est l’équivalent d'un arrêt de mort, qu'elle sache que j'irais plus volontiers gravir l'Everest plutôt que de retomber dans cette spirale, et qu'il est injuste d'exiger de moi cette perte d'identité. Au lieu de cela, elle défend la décision du psy. Je demeure sans voix. Cette déception n'a pas de nom. Ce plan consistant à devenir une sorte de bête de foire me laisse un goût acide en bouche. « Accepté ? » je répète les yeux ronds en entendant un terme pareil assimilé à cette décision. « Je n'ai pas accepté quoi que ce soit. On me l'impose. C'est du chantage. Tais-toi, prends les médicaments, ou tire une croix sur Daniel. » A mes yeux, on me jette dans un autre type de prison, et d'une manière des plus cruelles. « Et le psy m'avait donné sa parole que nous n'en arriverions pas là, et que nous pourrons travailler sur ce problème uniquement avec la thérapie. » Joanne rira sûrement de mon indignation, moi qui ai manqué à ma parole plus d'une fois ces derniers temps, mais Dieu sait combien de promesses je n'ai jamais brisées à côté de cela. « Dis-moi, comment je suis supposé m'accepter tel que je suis, comme tu dis, si ce que je suis n'est plus qui je suis ? » La vérité, c'est que ceci n'est qu'une solution de facilité. On me remet en cage sous couvert que cela est pour mon bien, le bien de tous, mais le fait est que l'on ne veut tout simplement pas trouver d'autre solution. N'ai-je pas perdu le droit de militer pour ce qu'il peut me rester de bonheur ? « Tu es de leur côté... » je murmure, écoeuré par un goût de trahison. « J'ai cru en toutes les balivernes dont tu me berçais à ce sujet lorsque nous étions ensemble, ta soit disant compréhension et ta compassion, mais tu n'as jamais compris. » Et finalement, la seule raison pour laquelle elle fut bien contente que je cesse de prendre les médicaments, est que je n'étais plus trop fatigué et léthargique pour remplir mon devoir conjugal en rentrant du travail. « A vrai dire, tout ça ne serait pas arrivé si j'avais accepté de poursuivre sagement mon traitement, n'est-ce pas ? » Nous baignerions encore dans le bonheur familial si j'avais sacrifié le mien, n'est-ce pas ?
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Jamie ne manqua par de corriger la petite blonde en précisant bien qu'on lui a imposé le fait de prendre des médicaments. Revenir à la case départ, en quelque sorte. Pour lui, c'était on ne peut plus réducteur, offensant même. Il voyait ça comme un échec, une nouvelle fois, ne se rendant pas compte que, malgré la fatigue quotidienne, il ne se mettait plus en danger - il était bien trop épuisé pour cela. "Lui as-tu demandé pourquoi ?" demanda-t-elle alors. "Ou est-ce que tu as juste pris la boîte de cachets et parti en furie hors de son cabinet ?" Parce que c'était bien une chose dont il était capable. Poser les questions seulement ensuite, agira à tout prix. "Est-ce qu'il t'a dit si c'était définitif, ou provisoire ?" Autant de questions sans de véritables réponses. Etrangement, ils arrivaient à un stade où les rôles s'échangeaient. C'était Jamie qui semblait être au bord de la paranoïa en croyant à une quelconque théorie de complot et que tout ce que Joanne avait pu lui dire n'était qu'un tissu de mensonge. "Jamie, arrête." Il était presque ridicule. Il avait grand besoin de repos, et d'être apaisé, c'était certain. "Je ne suis pas de leur côté. Tu vois ça comme un combat, certes, mais il n'y a pas de camp à choisir, Jamie. C'est toi qui te bats contre toi-même, alors n'accuse pas tout le monde à tort et à travers." souffla-t-elle. Elle restait debout à faire quelques pas dans son séjour. "Je ne suis pas médecin, ce n'est pas moi qui suis en mesure de te dire si oui ou non ces médicaments sont ce qu'il y de meilleur pour toi, j'en sais fichtrement rien." Elle n'était pas médecin, et n'avait jamais travaillé dans ce domaine. "Je ne dis pas non plus que nous serions heureux et ensemble si tu avais continué de les prendre. J'étais même contente de savoir que tu aies pris l'initiative de te prendre en main par toi-même, c'était un geste que j'avais beaucoup admiré, et j'y ai encourage. Peut-être que je n'ai jamais rien compris, tant mieux, crois ce que tu veux. Ce n'est pas la première fois que nous tombons sur un désaccord, pas vrai ?" Et c'était certainement loin d'être le dernier quoi qu'elle était bien décidée à rompre tout contact avec lui une fois certaines affaires réglées. "Je me fiche des bleus, Jamie, de la gifle. Tu sais ce qui m'a vraiment le plus blessée ? Que tu aies pu songé un seul instant à te suicider, à être avec ton frère lorsque tu t'es fait de magnifiques marques sur ton avant-bras. Que l'espace d'un court instant, tu étais si désespéré que tu étais prêt à laisser Daniel derrière toi, et moi dans la foulée. Même si ce n'était qu'une fraction de seconde, même si tu ne comptais pas le faire. Tu y as pensé. S'il y a bien une chose que j'ai compris, c'était que je ne suffisais pas, que je n'étais pas celle qui pouvait te faire sortir la tête hors de l'eau. Ca a même fait l'effet inverse. Alors oui, peut-être que je ne t'ai jamais compris, mais ça, crois-moi, je l'ai bien enregistré." Bien sûr, Joanne avait le traumatisme des marques, des paroles, des faits. Pardonné, mais pas oublié, dirait-elle. "Tu es totalement différent sous traitement." dit-elle plus calmement. "Ce n'est pas toi, ce n'est pas l'homme que j'ai aimé. Alors certes, on te l'impose sans poser de questions. Mais il faut accepter que c'est de rigueur si tu tiens à pouvoir passer du temps seul avec Daniel. Tu ne penses pas qu'il vaille toutes les batailles du monde ?" Leur fils était la dernière chose qu'ils avaient en commun, la seule pour laquelle ils se battraient communément encore. "Demande lui pour combien de temps tu en auras besoin, si tu peux envisager de t'en passer à un moment donné, ou si tu peux faire autre chose pour éviter d'en arriver là. Questionne le." Il était toujours doué pour poser des questions pertinentes - c'était un journaliste avant tout. Il devrait donc se renseigner autant que possible. "Et je pensais chacun de mes mots, tu sais, de toutes ces balivernes, comme tu dis." Mais ça non plus, ça n'avait pas suffi. Tout poussait à faire croire Joanne qu'ils n'étaient effectivement pas compatibles. A force, elle se demandait comment ils avaient pu tomber amoureux l'un de l'autre, si ce magnétisme si puissant n'était finalement que physique. Où étaient les points communs ? L'Histoire ? Jamie ne s'était pas intéressé plus que ça à la révélation du nouveau Borgia, il ne voulait plus faire cette chasse aux fantômes. Alors quoi ? Est-ce que tous ceux qui lui avaient qu'ils ne devraient pas être ensemble avaient raison ? Certainement, oui. Ses parents, Saul, Hassan... tout le monde avait raison. "Laisse-toi le temps, Jamie." Il avait toujours été impatient, mais cette fois-ci il allait devoir redoubler d'efforts. Joanne se demandait s'il voulait récupérer la bague de fiançailles. Il lui avait offerte, elle valait certainement très chère, elle comprendrait qu'il exige qu'elle se défasse de ce bijou, ce n'était pas comme si elle allait la remettre un jour. Elle ne lui avait jamais dit qu'elle avait toujours garé la bague de fiançailles et l'alliance de son union avec Hassan, elle les avait toujours bien cachés.
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J'ai toujours été un brin paranoïaque, je dois l'admettre. Je suppose que cela va de paire avec ce besoin de contrôler chaque aspect de ma vie -et de celle des autres pour ne pas se mentir. C'est la peur de perdre la mainmise sur les événements qui le provoque, ou simplement la méfiance vis à vis de tout et de tout le monde. Ce doit être un des enseignements de mon père qui se sont profondément ancrés dans mes habitudes, à moins que ce soit mon environnement qui ait forgé cette obsession à force de craindre tous les couteaux qui pourraient m'être plantés dans le dos par mes propres parents. C'est une grande pression, le contrôle permanent. C'est une force qui s'applique à tous les muscles et les os comme l’apesanteur, mais plus oppressante et envahissante, plus consciente aussi. Elle force tous les sens et tous les neurones à être en éveil sans cesse, et ne leur laisse aucun repos. Cela créée une forme de fatigue chronique qui n'est guère bénéfique à des nerfs aussi fins et fragiles que les miens, mais cela fait partie de ma condition. L'obsession de la peur du contrôle, de l'abandon, de la perte. L'ironie, c'est que je peux quasiment contrôler tous les aspects de ma vie, excepté le plus important : moi-même. Mes émotions m'échappent, ce sont elles qui me trahissent. Il est vrai que je suis en combat contre moi-même, à chaque instant, et pourtant je ne peux qu'accuser ceux qui me blâment pour ce problème auquel je ne peux rien. Pour y faire quelque chose, prends la médication, me dira-t-on. Mais j'aimerais voir le psy, le médecin, et même Joanne être soumis à pareil traitement et en subir tous les aléas, le temps d'ajustement, les effets secondaires. Alors seulement ils comprendraient dans quel genre d'enfer on cherche à me jeter. Ca ne peut pas être si terrible que ça, pensez-vous ? Demandez à Olivier Bécaille ce qu'il a pensé de sa condition, car à mes yeux, ce traitement en est l'équivalent. A la différence près que dans la balance du mort-vivant, je pencherai du côté du vivant. Mais je suppose que peu de personnes peuvent saisir l'image, Joanne non plus, et elle se contente de me laisser avec le constat blasant qu'elle non plus n'a jamais compris. « Ouah, ça c'est un argument. » S'accorder sur un désaccord, voilà de quoi clouer des becs. Je croise à nouveau les bras, boudant comme un enfant, roulant les yeux au ciel comme un adolescent, en écoutant d'une oreille la jeune femme m'accuser d'avoir songé à mettre fin à mes jours malgré mes explications -et le suicide ne faisait pas partie des pensées qui m'avaient frôlé ce soir-là, mais là encore, que vaut ma parole contre la paranoïa dont elle peut également faire preuve ? « Comment aurais-tu pu me tirer la tête hors de l'eau alors que tu te noyais aussi ? » je me contente de demander. Si on me demande, je dirais que c'est elle qui m'a emporté dans sa noyade. Elle m'a tiré vers le fond alors que j'ai tenté désespérément pendant des mois de la sauver d'elle-même. Et l'ironie, c'est qu'elle me reproche aujourd'hui le mal que je me suis fait face à cette situation. Elle m'incite à me résigner. La chanson reste la même ; tais-toi et prends les médicaments ou tire un trait sur ton fils. « Ca serait une bataille si j'avais la moindre arme. Mais je n'ai rien. C'est une condamnation Joanne, rien de plus. » Cela fait partie de la peine. On me l'a juste dissimulé afin que je me montre docile jusqu'au moment où il sera trop tard pour que je refuse, comme on conduit un animal à l’abattoir en l’appâtant avec de la nourriture. Je questionnerai le médecin, c'est bien la seule parole valable de la jeune femme dans cette tirade, mais je sais d'avance que la condition ne sera pas négociable, et que cette peine sous-jacente durera bien des années. Je souffle, amusé par la manière dont mon ex-fiancée se sent obligée de justifier la sincérité de ses paroles du temps où nous étions ensemble. « Je suppose que c'est un désaccord de plus. » Elle confirme qu'elle pensait ses mots, je ne la crois pas, nous en resterons là. Je soupire. Suite au conseil final de Joanne, un silence s'installe. C'est le moment où je suis supposé partir pourtant je ne bouge pas. Mon regard reste rivé sur la jeune femme, l'impatience que je lui fais ressentir se devine dans toute sa gestuelle et dans ce regard sans plus une once de tendresse. Elle aimerait que je parte, que je cesse de gindre et d'être désagréable avec elle, je suppose qu'elle aimerait avoir un moment seule avant d'aller se coucher -et je me demande ce qu'elle porte sous sa robe, s'il lui arrive de mettre des sous-vêtements que je lui ai achetés ou qu'elle avait acquis pour me faire plaisir, ou si elle pense furtivement à moi lorsqu'elle tombe dessus dans son tiroir avant de me maudire et de regretter d'avoir placé son agent là-dedans. « Je t'ennuie. » dis-je en quittant le fauteuil où je m'étais installé. Je le vois bien, elle ne peut pas le nier. Je ne peux pas m'empêcher de sourire, amusé par la situation. C'est l'éclat que je cherchais à incruster dans ce regard bleu, ou plutôt le manque d'éclat, et pourtant il brûle. « Tu commences à te demander comment nous avons pu finir fiancées, deux fois soit dit en passant, n'est-ce pas ? Tu commence à voir quelle blague tout ceci fut. Et non, Daniel n'est pas une blague, je t'évite de me faire dire ce que je n'ai pas dit avant que ça te traverse l'esprit. » Parce que ce serait bien son genre, ce type d'amalgames outrageux. « Tu te demande comment ça a pu fonctionner, hein ? » Et comment nous avons réussi à supporter ces dysfonctionnements si longtemps. Face à Joanne, proche d'elle, mon regard continue d'observer avec quelle dureté ses yeux sont posés sur moi. « Je crois qu'il n'y a qu'une seule chose qui ait vraiment fonctionné tout ce temps. » Les nuits passées ensemble, les ébats, un peu partout dans la maison, à Sydney, à Melbourne, toutes ces fois où nous n'avions pas à parler, pas à penser, mais à déverrouiller les chaînes de nos corps afin qu'ils puissent se jeter l'un sur l'autre autant qu'ils le voulaient. « Et je crois que nous devrions essayer de… renouer ce lien. » Mon nez frôle le sien, mon souffle glisse sur ses lèvres. « Tu es terriblement sexy quand tu t'énerves. » C'est ce qui a déclenché le déclic, je l'avoue. Bien rares sont les moments où Joanne m'a tenu tête, et je lui ai toujours trouvé un gain de sensualité dans ces cas là qui éveillaient les papillonnements de mon bas-ventre. Mes lèvres glissent vers son oreille. « Tu me manques, et je suis sûr que je te manque. »
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La discussion devenait peu à peu conflictuel, c'était bien un sujet où ils resteraient bien en désaccord, c'était celui-ci. Il ne voulait pas l'écouter, il suffisait de voir comment il levait les yeux au ciel, presque exaspéré de n'entendre rien que la voix de son ex. C'était perdu d'avance et il était bien défaitiste pour ne pas avoir un minimum de volonté propre. Il l'exaspérait aussi, d'ailleurs, c'était bien réciproque. "C'est bien plus qu'une simple condamnation, Jamie, tu le sais bien. Surtout avec tous les enjeux qu'il y a derrière." lui répliqua-t-elle dans la seconde. Il ne devait pas se relâcher parce qu'il doit passer par une case qui le dérange et ne lui plait pas. "Ca fait presque trois ans que je me noie, Jamie." souffla-t-elle tout bas sans pour autant se plaindre sa condition. Elle devait être même pire que lui étant donné qu'elle ait une aversion certaine envers les psychologues. Alors elle gardait tout pour elle. Sophia n'était plus là, Hassan en avait assez de l'entendre parler de Jamie, alors autant tout garder pour soi et tenter de faire comme si de rien n'était. Voilà que tout était dit, il était peut-être tant qu'il parte. Il n'avait plus rien à faire ici, il avait tout dit, fait tout ce qu'il voulait avec Daniel. Puis Joanne s'était abonnée à Netflix et elle s'était faite une liste de tout ce qu'elle voulait regarder - elle était particulièrement longue. Jamie constata par lui-même l'impatience qu'elle avait de le voir déguerpir ici, mais il ne semblait nullement pressé. Le sourire aux lèvres, il se leva du fauteuil et s'approcha d'elle. Ils ne pouvaient pas prétendre être deux inconnus, ils connaissaient trop bien leur manière de pensée pour pouvoir s'ignorer éternellement. "Tu as raison. Et alors ?" dit-elle en croisant les bras, haussant les épaules juste après. "Mais je sais bien que Daniel n'est pas une blague, pas le peine de me le confirmer." Jamie parlait comme si elle était la personne la plus stupide qui soit. Elle était naïve, certes, mais pas stupide. Hassan, durant l'université, s'était d'ailleurs toujours plus à lui faire croire certaines choses avant de se moquer bien d'elle en voyant ses réactions. Le regard de Joanne était dur, impassible, et cela semblait plaire au beau brun qui se rapprochait de plus en plus d'elle. Elle savait parfaitement à quoi il faisait allusion - et il fallait admettre qu'il n'avait pas tout à fait tort. Joanne le laissait réduire cette distance, frôler son visage au sien, respirer juste à côté de ses lèvres. Elle ne quittait pas un seul instant ses yeux verts, toujours avec cette même lueur, qui était loin d'être de l'amour. Parlant d'amour, lui faisait une nouvelle fois bien comprendre qu'il avait envie d'elle. Il fallait dire que Joanne était même flattée de toujours lui plaire physiquement et au lit. "Oh, Jamie." dit-elle en riant doucement. "Je suis flattée que tu penses encore à moi de cette façon et même que tu me déshabilles du regard en tentant de deviner ce que je peux porter en-dessous de mes vêtements, mais... Tu devrais savoir que c'est pas trop mon truc, les coups d'un soir." Là, il ne pouvait pas miser sur l'alcool, il le faisait en pleine conscience. "Ce ne serait pas raisonnable que je cède, tu crois pas ?" Raisonnable, ils connaissaient ce mot par coeur. "Tu peux en rêver si tu veux ce soir dans ton propre lit." Et certainement pas dans celui de Joanne. "Quoi que je serai même un peu vexée de savoir que tu ne me trouves que sexy que quand je m'énerve, mais je suppose qu'il est trop tard pour faire ce genre de remarques." Joanne avait toujours les bras croisés et tenait toujours bien tête à son interlocuteur. Elle savait qu'il allait être frustré au possible et qu'il avait horreur de ça. "Va donc renouer ce lien tout seul dans ta chambre." lui dit-elle, toujours avec ce sourire assuré et amusé, en faisant une légère tape sur son bras. Qu'il ravale sa fierté et rentre chez lui, ce sera mieux pour tout le monde. Peut-être qu'il pensait qu'il avait encore un peu d'emprise sur elle, surtout de ce côté là, Joanne n'en savait trop rien. Mais il était tout de même étrange qu'il ose à ce point, n'est-ce pas ? A moins que ce soit véritablement ce manque de sexe que le fait parler ? Difficile à dire. Mais Joanne se devait d'admettre que c'était assez amusant de savoir encore le frustrer au possible même en étant séparé.
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« C'est vrai. Merci de rappeler que je n'y ai strictement rien changé. » je lance avec un sourire débordant d'ironie. Trois ans hein ? Alors je n'ai pas eu le moindre poids dans la balance, le soit disant amour de sa vie, contre la blessure infligée par celui qui l'a jetée du jour au lendemain. Le sourire, pincé, masque plus que jamais cette envie de hurler que mon coeur contient tant bien que mal. Je n'ai rien changé, je n'ai pas véritablement compté, pas assez en tout cas, et après c'est Joanne qui me déballe une grande leçon sur la manière dont je l'ai blessée parce qu'elle ne pouvait pas m'aider. Je n'ai pas de mots pour décrire le mal infligé par ses quelques mots. Trois ans. Voilà, encore une preuve que j'ai été pris pour un idiot. Peut-être bien que la jeune femme s'est soit disant entichée de moi uniquement parce qu'elle était persuadée que j'étais le seul en dehors de son ex-mari à pouvoir vouloir d'elle. J'ai été une roue de secours, un remplaçant. Et dire que je l'ai su dès le jour où elle m'a dit aller lui rendre visite à l'université. Je l'ai su. Mon coeur était si lourd, et elle se fichait du mal que cela pouvait me faire. Cela a encore moins d'importance aujourd'hui n'est-ce pas ? Définitivement, ce couple, notre prétendu couple, n'avait pas le moindre sens. « Je trouve amusant que tu adoptes enfin mon point de vue. » dis-je avec ce sourire toujours un brin amusé de la voir si impatiente que je parte. Rétrospectivement, je doute de plus en plus qu'il y ai eu de l'amour dans cette histoire à un moment donné. Je crois même, avec le temps, qu'une simple attirance physique nous a aveuglés avec brio. Quelque chose de puissant malgré tout, mais ne se résumant pourtant qu'à un magnétisme charnel. Malgré les événements, je ne peux pas regarder Joanne avec dégoût ou soutenir que ce n'est pas une belle femme, désirable, sensuelle. Plus directement que cela ne fut le cas au nouvel an, je réitère mes avances. « Qui parle d'un seul soir ? » dis-je en haussant les épaules, l'air innocent. Si Joanne le veut, nous pouvons avoir cette relation qui serait bien plus fidèle à ce que nous avons finalement toujours été. Elle préfère jouer la carte de la raison. « Voilà qui est nouveau. » Je me redresse, éloigne son visage du mien ; le message est déjà clair, c'est un refus, pour ne pas dire une moquerie. Mon visage se ferme. Tant pis alors. « Même quand je me montre flatteur tu parviens à déformer mes propos. C'est vraiment un talent inégalable. » Je soupire en roulant des yeux. Oh et puis, qu'elle pense ce qu'elle veule, qu'elle se vexe même, pourquoi en aurais-je encore cure ? Sa tape sur mon bras suffit à faire remonter toute l'animosité que ce soudain désir avait pourtant réussi à éclipser. L'ambivalence de mes émotions me perturbe moi-même, mais c'est la colère et la rancoeur qui l'emportent toujours. Trois ans. « Bien. » Non sans être un brin dépité, je récupère machinalement ma veste et l'enfile sur mes épaules. Dans l'entrée, je prends ma sacoche. Je laisse le magazine ici, Joanne en fera ce qu'elle voudra, comme rayer mon visage au feutre noir, me percer les yeux, me brûler ou simplement me faire rejoindre les ordures. Mais avant de sortir, la main sur la poignée de la porte, je me tourne vers la jeune femme. « Est-ce que c'est parce que tu vois quelqu'un en ce moment ? » je demande, même si je sais pertinemment que cela ne me regarde pas -ne me regarde plus. Joanne fait ce qu'elle veut, elle est désormais libre. Néanmoins la curiosité a toujours été l'une de mes caractéristiques et je ne peux pas m'empêcher de me risquer à poser cette question. Qu'importe la réponse, je la prendrai et m'en irai avec, sachant que dans un cas comme dans l'autre je me vexerai, soit pour m'avoir rejeté pour rien, soit pour m'avoir oublié si vite. Quoi qu'il n'est pas nécessaire d'oublier ce qui n'a jamais compté.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Peut-être qu'il y avait changé quelque chose et qu'elle refusait de l'admettre. C'était même une évidence parce qu'il avait réussi à la faire sourire, à lui faire plaisir, à lui donner des instants de bonheur. Mais tout avait été si sauvagement rasé que Joanne ne préférait pas se souvenir des bonnes choses, de tous les bons côtés de cette relation compliquée. Tout avait été piétiné, déchiré, éviscéré au possible. Elle n'arrivait même plus à se rappeler toutes ces belles choses. Elle arrivait pourtant à y mettre des mots, mais elle était dans l'incapacité de se souvenir du bonheur prodigué, des émotions ressenties. "Tu y avais changé quelque chose, je t'assure. Plus que tu ne pourrais le penser." Elle se fichait désormais qu'il la croit ou non, elle disait ce qu'elle pensait, et c'était vrai. "Mais ces derniers mois..." ont tout rasé, tout anéanti. Le comportement qu'il avait adopté avec elle était blessant. Impossible pour Joanne de se rappeler à quel point il n'avait pas aimé son cadeau de Noël, la manière dont il la rejetait ou l'ignorait à chaque fois qu'elle faisait une tentative d'approche. Elle n'avait pas besoin de finir la phrase, il savait de quoi elle parlait. Mais cela ne semblait pas vouloir le dissuader de mettre au clair l'idée qu'il avait. Ce qu'il songeait faire avec elle. La jeune femme arqua un sourcil. "Tu veux que je sois quoi, ta sex-friend ?" dit-elle d'un ton presque désinvolte. "Est-ce que j'ai une tête à pratiquer ce genre de trucs ?" Bon Dieu, qu'il la connaissait mal. Il devrait savoir que Joanne n'avait jamais couché avec quelqu'un juste pour le plaisir de la chair, sans sentiments. A ses yeux, c'était indissociable. Joanne était presque offusquée qu'il vienne lui proposer ce genre de choses. "Au moins, ça me fait un talent." rétorqua-t-elle avec un sourire au coin des lèvres, continuant de le regarder durement. Jamie finit par se résigner et récupérer ses affaires. Elle avait hâte qu'il parte, d'être enfin seule avec ses pensées - qui étaient un peu moins noires qu'habituellement, bien qu'elle avait largement matière à réfléchir. Il ouvrit la porte d'entrée. La main encore sur la poignée, il la regarda une dernière fois en posant une question plus que pertinente. Joanne croisa les bras, hésitant longuement à lui répondre. Après un long soupir, elle lui dit. "Non, je ne vois personne." Joanne aurait pu s'arrêter là, sans donner davantage de détails. "Je ne compte pas voir qui que ce soit pour le moment, c'est trop tôt." Joanne avait encore besoin de se recentrer et de mettre certaines choses au clair, tout en avançant avec son fils à côté. Il y avait pour commencer ce divorce plus qu'irrésolu qui traînait tous les jours derrière elle, sans trop savoir comment se positionner par rapport à Hassan. Difficile de décrire l'était de leur relation, si c'en est véritablement une. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'Hassan n'envisageait pas de se mettre avec qui que ce soit tant qu'il n'a pas pu se prouver à lui même ce dont il était capable. Capable de se gérer et de se débrouiller seul avant tout. Une envie de liberté et d'autonomie. Aussi, Joanne ne se voyait pas partir en chasse et espérer tomber sur l'homme parfait. Elle en avait déjà rencontré deux, une perfection qui leur était propre à chacun. Elle ne voulait pas faire entrer qui que ce soit dans sa vie, à cause de sa pudeur régénéré, mais aussi surtout par rapport à Daniel. Sa maison n'était pas un moulin, et, comme elle l'avait dit à Jamie plus tôt, ce n'était pas son style de se contenter d'un soir et d'une simple liaison charnelle. Elle tentait aussi de renouer un peu plus avec ses parents, quoi qu'ils commençaient déjà à penser qu'elle se sentirait mieux si elle trouvait quelqu'un d'autre. Joanne leur avait vite comprendre qu'il ne valait mieux plus évoquer ce genre de choses, en sa présence du moins. Joanne était tout de même surprise qu'il puisse un tant soit peu s'intéresser à elle, il ne l'était pas autant les mois précédents. Comme le jour où il était venu à l'hôpital uniquement pour lui dire des choses qui auraient bien pu attendre quelques heures voire quelques jours au lieu de lui dire de telles choses dès le réveil. Voilà que de la case premier amour, elle devenait une potentielle sex friend - c'était particulièrement dégradant. De déception en déception, Joanne ne savait plus quoi penser de leur couple. Où étaient ces genx jeunes gens particulièrement passionnés, prêts à affronter tout et n'importe quoi au nom de leur amour ? Ce n'était peut-être qu'un mirage, finalement. Juste un très beau rêve. Sauf que Daniel, lui, était bien réel.