La nouvelle année avait apporté son lot de bonnes résolutions. J’allais apprendre à cuisiner, dépenser moins d’argent, devenir plus sérieux avec les jumeaux, réparer le lavabo de la salle de bain , me racheter auprès de Kacey et de Matteo et… Trouver le moyen de présenter des excuses à Heidi. Et ce dernier point me semblait, sans aucun doute, le plus compliqué de toute ma liste. Depuis des mois maintenant Heidi et moi ne nous étions plus parlés, à peine de vagues bonjours quand nous nous croisions malencontreusement. Je faisais mon possible pour ne jamais être à la maison si je savais qu’elle pouvait potentiellement passer et j’étais persuadé qu’elle en faisait de même. Comme demandé, j’avais tenté de lui laisser un peu d’espace, celui que je lui avais refusé lors de la fête de Matteo en tentant de l’embrasser dans la cuisine. Avec le recule je me demandais encore ce qui avait bien pu me prendre, je ne reconnaissais pas l’homme que j’avais été ce soir là, ni la crise de larme, ni cette tentative désespéré qui ressemblait plus à une agression qu’à autre chose. J’avais pensé plus d’une fois lui présenter des excuses mais j’étais partagé entre ce besoin et celui de respecter sa demander et de rester à l’écart. Je ne savais presque rien de sa vie depuis ce fameux soir, pas une fois je n’avais pris de nouvelles ou osé interroger Kaecy à ce propos, sauf évidemment quand la tempête avait frappé Brisbane. J’avais eu le besoin de m’assurer qu’elle allait bien, mais je n’étais pourtant pas allé le voir en apprenant ses blessures, me contentant des infos que Kaecy me glissait entre deux conversations sans que je n’aie besoin de les lui demander. Elle me connaissait assez pour savoir que je n’oserai pas la questionner mais que mon esprit était évidement préoccupé par sa santé.
« Respire Elio ! » La main de Kaecy vient caresser mon dos alors que je me rends compte que je n’ai plus pris d’air depuis de longues secondes. Mon regard fixé sur l’horloge murale. Le stresse me tient, me donnant envie de changer d’avis, de revenir sur mes propos. « C’est peut-être pas la bonne journée. » Ca fait déjà une semaines que je repousse le moment, que je change d’avis que je ne fais pas le pas. « C’est toi qui décides... » J’essaye de décrypter le regard de Kaecy, qu’est ce qu’elle veut me dire ? Qu’est ce qu’elle sait ? Qu’est ce qu’elle pense ? Elle est restée silencieuse face à mon envie d’aller voir Heidi sans doute pour ne pas m’influer ou peut-être parce qu’elle ne connait pas plus que moi la marche à suivre dans ce genre de situation. « J’y vais… » Je suis décidé cette fois - j’arrête de faire marche arrière. Je regarde l’horloge pour la millième fois, c’est le moment si je veux arriver juste avant la fermeture de la boutique. Je quitte la maison en déposant un baiser sur le front de Kaecy et me rends devant la boutique. Je suis passé plus d’un fois devant, je lis son nom sur l’enseigne, reconnait la porte que j’ai plus d’une fois regardé en restant pourtant loin. Cette fois pas d’arrêt, pas d’hésitation, si je ne rentre pas directe je ne le ferais sans doute jamais. C’est rapidement que je pousse la porte avant de me stopper net en mettant un pied dans la boutique. L’endroit est chaleureux, il lui ressemble. Je fais quelques pas hésitant avant de la voir. Elle n’est pas seule - même si le magasin ferme dans deux minutes selon les horaires indiqués sur la porte. Elle semble prendre les mesures d’un homme, pour un pantalon de toute évidence et je reste un peu à l’écart croisant juste son regard étonné qui se pose sur moi. Je finis par me détourner un peu mal à l’aise, observant les quelques vêtements exposés dans la boutique, en reconnaissant certains de notre voyage à Paris. Je ne la regarde plus pendant quelques secondes, minutes peut-être, essayant de faire partir cette envie qui me prend de reprendre la porte dans l’autre sens et de continuer à la saluer vaguement quand je la vois. Rien de plus. Pourtant le bruit de la porte finit par me faire réagir et je me retourne pour voir son client partir dans la rue comprenant que nous sommes maintenant seuls. Je finis par poser mon regard vers l’intérieur de la boutique elle est là - son mètre toujours à la main son regard laisse percevoir son étonnement. « Hey… Salut… » Je tente de rester décontracté mais je doute que ma tentative soit fructueuse. « Est-ce que je te dérange je peux… Repasser ou… Pas… Comme tu veux. » Je joue nerveusement avec mes doigts tentant de sourire pour chasser la tension qui marque les traits de mon visage, ce qui doit provoquer un rictus un peu étrange.
« Je vous ai mis de côté quelques petits trucs qui devraient vraiment vous plaire » m’enjouais-je en tirant un portant à roulette sur lequel étaient pendus différents habits, en m’adressant à un client. « C’est une petite avant-première de la toute nouvelle collection que vous voyez-là. Vous faites partie des quelques privilégiés à en voir un avant-goût en avant-première » dis-je en lui adressant une petite moue taquine, clairement amusée et de bonne humeur. J’avais passé une très bonne journée et je terminais mon travail du jour en compagnie d’un de mes clients les plus fidèles, avec qui j’avais noué une certaine proximité qui me permettait de faire quelques petites blagues. « Je vous laisse essayer tout ça » dis-je en l’invitant à s’installer dans une cabine. Devant le portant mobile, je sélectionnais tout d’abord un smoking très ajusté, gris perle, dans les finitions faisaient vraiment tout le charme. C’était la pièce avec laquelle j’étais certaine de faire un carton, connaissant l’attrait de mon client pour ce genre de vêtements – notamment parce que ça correspondait parfaitement à ce qu’il devait porter pour son travail. « Tenez, commencez par ça. Je pense que ça va vous plaire. Je ferais les retouches juste après ça » lui dis-je alors en lui passant le smoking dans la cabine. Alors qu’il se changeais, j’en profitais pour m’avancer dans clôture du magasin, vérifiant que tous les habits étaient bien rangés, bien exposés pour être mis en valeur, que tout soit parfait avant l’arrivée des prochains clients d’ici le lendemain matin. Lorsque le client en question sortait de la cabine, pour s’observer d’un peu plus loin dans le miroir, je m’approchais aussitôt de lui. « Alors qu’est-ce que vous en pensez ? » lui demandais-je aussitôt, attrapant le porte épingle qui se trouvait juste là. Le client exprimait tout sa satisfaction alors que j’entreprenais d’effectuer les quelques ajustements pour que le smoking soit parfaitement adapté à sa silhouette, plantant ça et là quelques épingles. « Là, c’est bien mieux ! » finis-je par dire, une fois les mesures prises alors que j’entendais la porte du magasin s’ouvrir. « Le magasin est… » commençais-je avant de m’interrompre en constatant que c’était en fait Elio qui venait de faire son entrée. Sur le coup, je me demandais sincèrement ce qu’il faisait là puisque, de un, ce n’était pas son genre de venir s’habiller ici et de deux, nous faisions respectivement comme si l’autre n’existait pas depuis quelques temps. Je décidais alors de faire comme si de rien n’était, retournant à mes occupations. « Ecoutez, Monsieur Robinson, c’est parfait pour moi, je vous laisse vous changer. Les retouches devraient être prêtes d’ici la fin de la semaine. Comme d’habitude, je vous enverrai un message pour vous prévenir » lui glissais-je alors qu’il disparaissait dans la cabine d’essayage. Il ressortait quelques instants plus tard, de nouveau habillé et me tendait la tenue avec les épingles, que je m’empressais de ranger dans une housse le temps de m’occuper des finitions. Alors que j’entendais le client disparaître, je me décidais finalement à me diriger droit vers la caisse pour terminer de faire le compte et de fermer boutique, ignorant plus ou moins délibérément Elio. Si j’avais été littéralement furieuse contre lui plusieurs semaines, avec le temps, la fureur était passée. Aujourd’hui, je n’étais plus que désespérée de la situation où nous en étions arrivés, sans pour autant vouloir faire les efforts nécessaires pour rétablir la situation. Pourtant, une fois derrière la caisse, je reste le mètre à la main, à observer Elio, sans pouvoir m’empêcher de me demander ce qu’il fait là, à une heure pareille. Pourtant une part de moi sait parfaitement qu’il est ici dans un but précis. Au fond, je sais parfaitement que s’il est ici, ce n’est pas pour boire le café mais pour tenter de s’excuser de ce qu’il s’est passé chez ma mère. Mais je ne dis rien, je me contente de le regarder, pas réellement décidée à lui faciliter la tâche. Je ne suis pas énervée, mais une part de moi, sûrement la plus sadique ne peut s’empêcher de vouloir le regarder essayer de se dépatouiller avec toute cette histoire. « Hey… Salut… » dit-il. « Bonsoir » Je répondais, me décidant finalement à ranger la caisse. « Est-ce que je te dérange je peux… Repasser ou… Pas… Comme tu veux. » Il balbutie, peine à trouver ses mots et ne pas manquer d’hésitation à chaque mot. « Non, c’est bon tu peux rester. Tu ne me dérange pas du tout. J’allais fermer boutique de toute façon » répondis-je, avec une voix toute calme et détendue. Je collecte les quelques billets qu’on a amassé en une journée, continuant de sentir le regard d’Elio sur moi. « Qu’est-ce qui t’amène par ici ? Tu t’es perdu ? » lui demandais-je alors. Au fond, je me réjouissais de le voir peiner à s’exprimer et je m’amusais clairement de ma position de force, pour une fois. Je mesurais cependant l’effort que cela devait représenter pour lui de venir se traîner jusqu’ici pour tenter de m’adresser la parole après ce qui s’était passé entre nous.
Passé le léger instant d’étonnement Heidi avait semblé prendre une posture beaucoup plus décontractée. Faisant contraste avec mon propre malaise et la façon dont je n’arrivais pas à tenir en place elle comptait sa caisse dans un silence presque brutal - répondant a mes salutations d’un ton neutre qui ne me donnait aucune indication sur son état d’esprit. Est-ce que je devais faire demi tour ? Est-ce que j’avais eu tord de venir - de penser qu’instaurer un nouveau dialogue était la solution. C’était peut-être trop tôt ? Ou trop tard ? Je n’étais plus sûr de rien et encore moins de la façon dont je devais agir. « Non, c’est bon tu peux rester. Tu ne me dérange pas du tout. J’allais fermer boutique de toute façon » C’était bien pour cette raison que j’étais là - parce que j’espérais pouvoir avoir un instant avec elle dans un endroit un peu plus neutre que son appartement ou le mien. Même si je me rendais bien compte maintenant que j’étais là que je pénétrais dans un territoire qui était exclusivement le sien - au milieu de son magasin je n’étais qu’un invité plus ou moins toléré. « Qu’est-ce qui t’amène par ici ? Tu t’es perdu ? » Hésitant quelques secondes à répondre positivement j’avais finalement hoché la tête de droite à gauche me raclant un peu la gorge ce qui n’avait pas suffi à rendre ma voix moins rauque alors que je lui répondais. « Non… Non je suis venu pour te voir. » Attendant une réaction de sa part j’étais resté pantois devant son calme absolu. Elle me donnait presque l’impression d’être un étranger - comme si nous n’étions que de vagues connaissances. C’était peut-être au final là où notre relation en était rendue même si j’étais encore incapable de totalement l’accepter. « Est-ce qu’on peut… S’assoir un moment ? » J’aurais bien pu me lancer maintenant - j’aurais peut-être du même - comme avec un pansement l’arracher d’un coup et ne plus en parler - mais je continuais à avoir envie de faire les choses bien. Je n’y croyais pourtant pas trop ma capacité a faire foirer les choses dépassant bien souvent mes bonnes intentions. Se détachant de sa caisse elle avait finalement accepté de venir s’assoir avec moi - pour ne pas l’oppresser ou lui donner l’impression que j’étais venu avec certaines intentions derrière la tête j’avais pris place en face d’elle - gardant une certaine distance entre nous. « Ecoute Heidi je... Je suis juste venu pour m’excuser. » Pinçant un peu les lèvres j’avais relevé mon regard vers elle comprenant qu’elle en attendait évidement un peu plus. « Je pense que ses excuses auraient du venir il y a bien longtemps mais je n’ai pas su trouver le timing - je voulais te laisser l’espace que tu m’as demandé et en même temps je crois que je peux pas continuer de faire comme si je te connaissais pas quand je te croise et que je ne regrettais pas mon attitude… » Je n’étais pas sûr non plus que ses excuses changent grand chose à ça mais au moins je l’aurais fait. Quelque part peut-être que c’était plus pour moi que pour elle - peut-être même qu’elle n’allait pas manquer de me le lancer à la figure mais mon instinct me disait que c’était la bonne chose à faire - la seule. « Je suis conscient que j’ai beaucoup de choses à me faire pardonner et que j’ai été un vrai con et… Je regrette de ne pas avoir su faire mieux parce que tu n’es pas n’importe quel fille et je l’ai sans doute pas vraiment montré mais je me préoccupe de te savoir heureuse, vraiment… Bref… » Je n’étais pas là pour lui dire ce genre de choses mais la conversation semblait dévier un peu sans que je ne m’en rend compte. « C’est pas le point… J’aurais du t’écouter, depuis le début, j’aurais jamais du mentir ou penser que je pouvais tromper les autres parce que je t’ai mis dans un position vraiment désagréable et en plus de ça je t’ai forcé à y rester. C’est pas faute d’avoir été prévenu que ça me reviendrait dans la figure pourtant… T’avais raison sur toute la ligne et je suis désolé pour le mal que j’ai pu te faire. » J’avais presque hésité sur les mots - tenté de parler du mal que j’avais pu potentiellement lui faire - mais j’avais vu sa peine de mes propres yeux et je ne pouvais décemment pas la nier. « Et plus que tout je suis vraiment désolé pour… cette dernière soirée… Pour le baiser et… Jamais j’aurais du faire ça - surtout pas dans ces circonstances. » La discussion que nous avions eu juste avant, la fête de Matteo, tous nos amis présents, sa famille, l’alcool…Matteo… « Tu avais été très claire et j’étais juste… » Marquant une seconde de pause j’avais cette fois baissé le regard presque incapable d’assumer mes propres propos et émotions « Pas prêt à te perdre. » J’avais dégluti, retenant difficilement l’émotion qui venait serrer ma gorge. « Je m’attends pas à ce que ça efface ce qui c’est passé… Ou que ça change vraiment quelque chose… Je voulais juste que tu le saches… » Je n’étais pas assez idiot pour prétendre que toute cette histoire m’avait changé ou que j’étais aujourd’hui un autre homme. Pas assez idiot pour tenter de récupérer une histoire qui nous avait fait souffrir tous les deux. J’étais toujours cet imbécile incapable de prendre les bonnes décisions au bon moment - j’espérais juste que pour une fois mes actions ne soient pas interprétées d’une mauvaise manière.
Voilà qu’Elio se trouvait là, dans ma boutique, après plusieurs semaines d’un silence quasi-total. Et pourtant, je n’étais pas plus étonnée que ça de le trouver face à moi, l’air penaud, comme si une part de moi n’avait jamais vraiment douté qu’il se décide à faire son come-back pour me présenter les excuses que j’attendais de sa part. Il avait la chance de son côté, j’avais passé une bonne journée, les affaires tournaient à plein régime et de l’eau avait coulé sous les ponts, me permettant de ne plus être furieuse contre lui. Face à lui, dans un silence presque d’or, je m’amusais un peu de ma position de force. Pour une fois que c’était moi qui menait la danse, je devais avouer que je comptais pas bouder mon plaisir et voir Elio revenir, la queue entre les jambes, était on ne pouvait plus qu’appréciable quand on savait à quel point la fierté du garçon l’empêchait souvent de reconnaître ses torts et admettre ses erreurs. Je restais face à Elio, le laissant se débrouiller et je ne faisais aucun effort particulier pour essayer de le guider doucement sur la voie de ses explications et éventuelles excuses. Mais voyant qu’il ne parvenait pas à sortir de son mutisme, je me décidais à lui demander s’il était égaré en ville pour atterrir ici. « Non… Non je suis venu pour te voir. » bredouillait-il alors que je le fixais du regard, tâchant de garder une expression la plus neutre possible afin de ne pas l’influence d’une quelconque façon. Mon absence de réaction sembla d’ailleurs le perturber un peu plus parce que je voyais ses traits s’affaisser légèrement. « Est-ce qu’on peut… S’assoir un moment ? » me demandait-il finalement, pas réellement serein et je devais faire un effort de concentration pour ne pas esquisser un petit sourire face à son comportement. « Oui bien sûr, suis-moi » J’avais fait volte-face pour passer derrière la caisse et passer la porte qui s’y trouvait derrière afin de rejoindre l’arrière-boutique qui contenait l’atelier de confection, nos bureaux ainsi qu’une salle de réunion et une petite cuisine pour les repas du midi. Je choisissais du coup d’aller en direction de la petite cuisine, qui était un endroit un peu moins impressionnant que la salle de réunion. Je m’installais sur une chaise et Elio qui me suivait de près s’asseyait en face de moi. « Ecoute Heidi je... Je suis juste venu pour m’excuser. » se lançait-il aussitôt. Cette fois-ci, je ne pouvais réprimer un petit sourire amusé et satisfait. Déjà parce que je savais à quel point cela devait lui coûter de venir jusqu’ici présenter ses excuses, mais également parce que ses tentatives pour essayer de minimiser le fait qu’il vienne présenter ses excuses en employant le mot « juste » était assez attendrissant. Si c’était un grand pas en avant pour Elio, j’en attendais néanmoins un peu plus, je voulais qu’il exprime les raisons pour lesquelles il était désolé, sinon ça ne valait rien. « Je pense que ses excuses auraient dû venir il y a bien longtemps mais je n’ai pas su trouver le timing - je voulais te laisser l’espace que tu m’as demandé et en même temps je crois que je peux pas continuer de faire comme si je te connaissais pas quand je te croise et que je ne regrettais pas mon attitude… » enchaînait-il alors, devinant sûrement mes pensées et anticipant mes réactions. « Il vaut mieux tard que jamais.» lui glissais-je alors, continuant de le regarder, sans réellement sourire mais avec le regard légèrement pétillant de quelqu’un amusé. « Je suis conscient que j’ai beaucoup de choses à me faire pardonner et que j’ai été un vrai con et… Je regrette de ne pas avoir su faire mieux parce que tu n’es pas n’importe quelle fille et je l’ai sans doute pas vraiment montré mais je me préoccupe de te savoir heureuse, vraiment… Bref… » Et voilà qu’il était lancé et on ne l’arrêtait plus et ce n’était pas moi qui allait m’en plaindre. C’était peut-être la deuxième fois qu’Elio me parlait avec autant de franchise depuis que j’étais de retour à Brisbane, alors je préférais le laisser s’exprimer pleinement. Forcément, mon ego se gonflait un peu lorsqu’il évoquait l’importance que j’avais à ses yeux. De nouveau, un petit sourire avait étiré mes lèvres le temps d’un instant. « C’est pas le point… J’aurais dû t’écouter, depuis le début, j’aurais jamais du mentir ou penser que je pouvais tromper les autres parce que je t’ai mis dans un position vraiment désagréable et en plus de ça je t’ai forcé à y rester. C’est pas faute d’avoir été prévenu que ça me reviendrait dans la figure pourtant… T’avais raison sur toute la ligne et je suis désolé pour le mal que j’ai pu te faire. » Enfin, il le reconnaissait. A ce moment, j’avais envie de le prendre par les épaules et de le secouer en lui criant que je lui avais dit et que c’était du beau gâchis pour rien, qu’on aurait pu éviter tout ça. Néanmoins, je me contenais, pinçant légèrement les lèvres pour lui signifier qu’en effet, c’était bien qu’il reconnaisse ses torts sur ce point-là. Je gardais cependant le silence, sachant qu’il n’avait pas aborder le point le plus important de toutes ses excuses, le point qui avait dû le pousser à venir ici, là où il avait vraiment merdé. « Et plus que tout je suis vraiment désolé pour… cette dernière soirée… Pour le baiser et… Jamais j’aurais dû faire ça - surtout pas dans ces circonstances. » Nous y voilà donc. Ce geste que je lui reprochais par-dessus tout, celui pour lequel je tenais réellement à des excuses. « Tu avais été très claire et j’étais juste… Pas prêt à te perdre. » avouait-il, penaud. « Parce que tu pensais que ça me pousserait à rester de cette façon ? » C’était une petite pique, mais je ne pouvais pas m’en empêcher. Au fond, le temps m’avait permis d’encaisser le coup et je n’étais plus aussi énervée contre lui à ce propos que j’avais pu l’être par le passé. « Je m’attends pas à ce que ça efface ce qui s’est passé… Ou que ça change vraiment quelque chose… Je voulais juste que tu le saches… » ajoutait-il, rompant finalement le petit silence qui s’était progressivement installé entre nous deux. Alors que je continuais de le regarder comme depuis qu’il avait commencé à parler, je me décidais à lui glisser un petit mot : « Merci » C’était une façon subtile de lui faire comprendre que j’appréciais son geste et que je mesurais l’effort que cela représentait pour lui de venir m’avouer tout ça aujourd’hui. « Je t’avoue que je commençais à en avoir marre de devoir t’éviter, on a beaucoup trop d’amis en commun si tu veux mon avis. » Je tâchais de détendre un peu l’atmosphère parce que j’étais fatiguée de tous ces drames autour de moi et que je me rendais de plus en plus compte qu’Elio et moi étions liés, qu’on le veuille ou non et qu’il allait falloir que, coûte que coûte, nous apprenions à gérer tout ça sans déclencher une véritable guerre froide entre nous à chaque désaccord. « Sans vouloir trop me jouer l’avocat du Diable et minimiser ta responsabilité dans ce qui nous arrive, il est évident que j’ai ma part de responsabilité. On en est arrivé là tous les deux, c’est donc que nous sommes responsables tous les deux » déclarais-je alors. Je ne pouvais nier que, tout en sachant qu’Elio n’était pas prêt à avouer ce qu’il se passait encore nous à nos proches, j’avais persisté, insisté, j’avais plus d’une fois fait pencher la balance du côté du mal en sachant pertinemment à quoi je m’exposais. C’était moi qui, au départ, avait laissé Elio me contraire au silence. « Et si je pense toujours qu’avoir été honnêtes dès le début avec nos proches nous aurait évité bien des disputes, je ne suis pas certaine que ça aurait pourtant écarté tous les problèmes quand on voit comment Matteo réagit » Clairement, la colère de Matteo à l’égard d’Elio était impressionnante. Evidemment, les circonstances dans lesquelles il avait appris pour nous étaient loin d’être idéales, mais les semaines passaient et il ne décolérait toujours pas. « A ce propos, t’as eu l’occasion de le croiser récemment ? Il est toujours furax ? » lui demandais-je alors. J’avais pour ma part pris le parti de ne plus aborder le sujet Elio en présence de Matteo.
J’avais tout déballé d’un coup - comme on arrache un pansement sans trop réfléchir - sans me poser plus de questions. Je m’en étais déjà posé assez et j’avais pu me rendre compte par le passé que ressasser mes questionnements n’était pas gage de meilleure réussite pour moi. Alors je m’étais lancé, sans trop oser observer les réactions d’Heidi, de peur qu’elle ne me stoppe dans mon élan. Quand pourtant mon regard avait croisé le sien la lueur presque amusée que j’avais pu y lire m’avait légèrement déstabilisé. Est-ce que c’était si amusant de me voir tenter de présenter des excuses ? Certes, j’étais clairement hésitant et pas forcement habitué à mettre mon ego de côté pour avouer que j’ai eu tord mais tout de même. Et pourtant alors que ma première réaction avait été d’être piqué dans ma fierté je m’étais bien vite radouci en rendant à Heidi un léger sourire avant de continuer mes excuses. Pour finalement en venir à un point qui m’avait fait perdre mon sourire. Si je pouvais aborder les autres avec un peu plus de légèreté - mon comportement lors de la fête organisé pour Matteo était une vraie honte pour moi. « Parce que tu pensais que ça me pousserait à rester de cette façon ? » Baissant la tête toujours aussi honteux j’avais joint mes mains dans une tentative desserrée pour arrêter de jouer nerveusement avec mes doigts. « Non… » Relevant les regards un peu perdu je l’avais observé sans trop savoir comment répondre à cette question. « Oui… J’en sais rien… C’était idiot mais j’avais l’impression que je devais tenter quelque chose parce que sinon c’était vraiment fini - que j’avais finalement franchi la ligne de non retour et… Je sais aujourd’hui que j’aurais jamais du - que tous les signaux pointaient le non et que… Tu ne voulais pas… Mais ce soir là c’était le bordel dans mon esprit et… c’est pas une excuse, je sais bien, c’était une attitude juste d’imbécile et j’en suis désolé. » Je n’étais pas sûr qu’elle attende de moi n’importe quelle justification idiote au final… J’étais venu pour présenter des excuses pas pour essayer de me faire plaindre. J’étais bien conscient d’avoir provoqué la situation dans laquelle je m’étais trouvé et je ne blâmais que moi pour ça.
J’attendais le verdict maintenant - avec un soupçon d’anxiété. « Merci » A ce simple mot tout mon corps avait semblé d’un coup se détendre. Mes épaules s’abaissant et mes mains se déliant comme pour reprendre vie l’une sans l’autre. Je me rendais alors compte que j’avais serré bien trop fort mes poings, rendant presque la circulation du sang impossible. « Je t’avoue que je commençais à en avoir marre de devoir t’éviter, on a beaucoup trop d’amis en commun si tu veux mon avis. » Un léger rire était sorti de ma bouche alors que je hochais la tête pour montrer mon approbation. Et encore Matteo avait été supprimé de cette liste entre temps… A mon grand regret. « Sans vouloir trop me jouer l’avocat du Diable et minimiser ta responsabilité dans ce qui nous arrive, il est évident que j’ai ma part de responsabilité. On en est arrivé là tous les deux, c’est donc que nous sommes responsables tous les deux » Même si je n’avais rien ajouté - entendre ses mots me faisait du bien. Depuis des semaines j’avais l’impression d’être devenu le seul fautif de toute cette histoire - le grand méchant qui avait poussé Heidi à la faute. Pourtant, si je n’avais pas tenté de me défendre devant les autres - j’étais heureux d’entendre Heidi me dire qu’elle connaissait aussi sa part de responsabilité dans cette histoire. Evidement j’avais conscience aussi qu’elle avait tenté de faire mieux - de me convaincre de faire les choses autrement - et que j’étais resté borné et persuadé d’avoir raison ce qui diminuait son implication et augmenté grandement la mienne. « Et si je pense toujours qu’avoir été honnêtes dès le début avec nos proches nous aurait évité bien des disputes, je ne suis pas certaine que ça aurait pourtant écarté tous les problèmes quand on voit comment Matteo réagit » Si Heidi avait semblé depuis le début penser que Matteo se ferait une raison - j’avais pour ma part toujours été persuadé qu’annoncer une quelconque relation avec sa soeur était synonyme de fin pour notre amitié… Encore plus quand la relation était aussi bancale que celle que j’avais pu entretenir avec Heidi.
« A ce propos, t’as eu l’occasion de le croiser récemment ? Il est toujours furax ? » Je n’étais pas sur d’avoir envie d’aborder le sujet. Depuis quelques mois entre Heidi que j’évitais autant qu’elle le faisait, Kaecy avec qui la relation était encore tendue, bien qu’elle ne laisse trop rien paraitre devant les jumeaux et Matteo j’avais l’impression que mon monde avait complètement tourné… « J’ai essayé plusieurs fois de lui parler… » Le plus récent devait remonter à une ou deux semaines seulement - mais je n’en gardais pas un très bon souvenir. « Il me hait et ne veut plus jamais entendre parler de moi. » Il avait dit les mots aussi clairement - de quoi me donner l’impression de crever à l’intérieur tellement ça me faisait mal de le voir tirer un trait sur des années d’amitié aussi facilement. « Il se sent trahi et je ne peux pas vraiment lui en vouloir… C’était sa seule condition, pas touche à sa petite soeur. Et je l’ai toujours su… » Mais le fruit défendu était devenu bien trop tentant - encore plus quand Matteo n’avait plus été là pour me rappeler cette promesse faite. « En plus les conditions dans lesquels il l’a appris n’étaient clairement pas les meilleurs… Je suis passé de l’un de ses meilleurs amis à agresseur de petite soeur. » Un rire un peu triste était sorti de ma bouche, parce que si j’avais eu ce geste désespéré je n’avais pas non plus forcé Heidi contre son gré – quand elle m’avait repoussé j’avais accepté… J’avais juste refusé de voir le signaux qui me disaient que je n’aurais jamais du tenter de prime abord. « J’ai même pas pu tenter de lui expliquer quoi que ce soit… Il refuse de m’écouter et de toute façon… Je ne serais sans doute pas quoi lui dire. » Que j’étais désolé ? Est-ce que je l’étais vraiment ? Que tout ça ait tourné de cette façon pour sûr - d’avoir perdu son amitié et trahi sa confiance oui j’en étais désolé… Pour le reste je ne pouvais que me dire que si j’avais été un peu plus sûr de moi et de ce que je voulais, il m’aurait suffi de me battre un peu pour Heidi - pour qu’on ait au moins une chance. Mais les choses n’avaient jamais su être aussi claires dans mon esprit et quelque part j’avais sans doute peur de m’enfermer - de nous enfermer dans quelque chose qu’on était pas fait pour vivre ensemble. « Je regrette pas mal de choses… Mais pas ces moments qu’on a passé ensemble… Et je ne crois pas qu’il ait envie d’entendre ça. » Et pour ma part je n’avais pas envie de encore lui mentir. « Et avec toi ? Est-ce que ça va ? » Je n’avais jamais eu envie que cette relation impact sur celle de Matteo et de sa soeur et je me doutais qu’en un sens - et même si ce n’était pas aussi radicale que pour la notre - il ne pouvait en être autrement.
C’était une entrevue que nous avions tous les deux, sans aucun doute, redouté. De toute façon, c’était toujours risqué avec Elio, quand nous ne nous sautions pas l’un sur l’autre, nous passions davantage notre temps à nous entretuer. Pourtant, contre toute attente, tout se déroulait plutôt bien quand on pensait à ce dont on était habituellement capables. J’étais pour ma part étonnamment détendue, presque désinvolte même. Je m’amusais de le faire hésiter et savourais ma position de force dans notre duo, pour une fois. Je m’étais finalement rendue compte que le temps avait joué son rôle et avait apaisé mon ressentiment à son égard. Et bien que je fisse preuve de beaucoup d’indulgence vis-à-vis de lui, je ne pouvais m’empêcher de lui lancer une pique à propos de ce baiser qu’il avait tenté de me voler et ce devant le reste de ma famille. Pour le coup, je ne tardais pas à me rendre compte qu’Elio était encore très mal à l’aise à propos de cette fâcheuse histoire. Ses épaules s’étaient aussitôt affaissée alors qu’il baissait la tête. « Non… Oui… J’en sais rien… C’était idiot mais j’avais l’impression que je devais tenter quelque chose parce que sinon c’était vraiment fini - que j’avais finalement franchi la ligne de non-retour et… Je sais aujourd’hui que j’aurais jamais du - que tous les signaux pointaient le non et que… Tu ne voulais pas… Mais ce soir-là c’était le bordel dans mon esprit et… c’est pas une excuse, je sais bien, c’était une attitude juste d’imbécile et j’en suis désolé. » avouait-il penaud et j’hochais brièvement la tête pour lui signifier que j’avais bien entendu sa réponse et que j’en tenais compte, ne sachant de toute façon pas trop quoi dire d’autre. Les choses étaient malheureusement ce qu’elles étaient et il était bien trop tard pour nous, pour faire marche arrière. Finalement, Elio se taisait, attendant mon avis, ma décision finale de le pardonner ou non. Occasion sur laquelle je sautais pour lui faire part de mon propre ressenti de tout ceci. Et Elio semblait se détendre à mesure qu’il comprenait que je n’étais plus aussi furieuse qu’il pouvait bien le croire, puisqu’il alla même jusqu’à rire un peu à une de mes remarques.
J’abordais ensuite presque aussitôt le sujet épineux qui concernait Matteo et sa relation avec Elio. « J’ai essayé plusieurs fois de lui parler… Il me hait et ne veut plus jamais entendre parler de moi. » me répondait-il, l’air profondément malheureux. Je pinçais les lèvres, clairement désolée de savoir que les choses en étaient arrivées là entre eux deux. « Tu sais comme il est. Il faut lui laisser du temps, mais ça va lui passer » l’encourageais-je, persuadée qu’ils ne pouvaient tous les deux pas en rester là à tout jamais. « Il se sent trahi et je ne peux pas vraiment lui en vouloir… C’était sa seule condition, pas touche à sa petite sœur. Et je l’ai toujours su… » insistait-il et je ne pouvais me retenir de soupirer. « Je ne suis pas une poupée de porcelaine. » J’adorais mon frère et je pouvais donner ma vie pour lui, tout en sachant qu’il pouvait exactement faire la même chose pour moi. Néanmoins, son côté ultra protecteur avait ses inconvénients. D’autant plus qu’ils allaient contre mes instincts qui me poussaient à rester une jeune femme indépendante et libre de ses choix et de ses actes. Que pendant notre adolescence, Matteo mette en garde ses potes contre le fait de s’intéresser à moi était quelque chose de naturel. Mais j’allais bientôt avoir 30 ans et je n’avais besoin de rien, ni de personne pour prendre soin de moi. Elio lui-même pouvait témoigner que j’avais mon caractère qui me permettait de me défendre moi-même avec efficacité. « En plus les conditions dans lesquelles il l’a appris n’étaient clairement pas les meilleures… Je suis passé de l’un de ses meilleurs amis à agresseur de petite sœur. » Je me mettais aussitôt à rire, accompagnée par Elio. « Clairement, c’est sûr que les circonstances n’aident en rien » lui dis-je alors dans une petite moue désolée. N’importe qui n’aurait pas spécialement apprendre une relation entre deux proches de cette façon déplorable.
« J’ai même pas pu tenter de lui expliquer quoi que ce soit… Il refuse de m’écouter et de toute façon… Je ne saurais sans doute pas quoi lui dire. » confiait alors Elio. « Je t’ai dit, il faut que tu lui laisses un peu de temps. Il est borné mais je ne pense pas qu’il soit suffisamment bête pour gâcher des années de relations pour quelque chose d’aussi futile, surtout pas avec tout ce qui se trame en ce moment. » Il fallait die qu’au sein de notre petite bande d’amis, il y avait pas mal de conflits et de rebondissements. Néanmoins, je ne pouvais m’empêcher de noter qu’une fois de plus l’indécision d’Elio lui jouait des tours. « Tu devrais peut-être simplement lui dire la vérité. » lui dis-je alors en m’approchant doucement de lui. « Que ça n’avait rien d’un rapprochement calculé et planifié. Que ça nous est seulement tombé dessus. Et que ce baiser volé n’était, en réalité, pas aussi terrible que cela pouvait être perçu d’un point de vue extérieur ? » Car si je n’excusais pas le geste d’Elio, celui-ci semblait bien moins dramatique quand on connaissait la nature exacte et complexe de notre relation à tous les deux. « Je regrette pas mal de choses… Mais pas ces moments qu’on a passé ensemble… Et je ne crois pas qu’il ait envie d’entendre ça. » Je ne pouvais empêcher mon cœur de se serrer un peu en entendant Elio admettre qu’il ne regrettait pas notre histoire bancale et foireuse. Parce que c’était peut-être la première fois (du moins sobre et bien éveillé) qu’Elio admettait clairement apprécier ce qui avait pu se passer entre nous. « Parce qu’on ne lui a pas laissé le temps de se faire à l’idée. On est passés d’amis en tout bien tout honneur à une véritable scène de ménage en pleine soirée sans signe avant-coureur d’un quelconque rapprochement. Ca n’aide pas Matteo à te considérer autrement que comme un type qui fera souffrir sa petite sœur. » dis-je alors avec un petit sourire en coin, contrit. Une part de moi restait persuadée que si Elio avait réellement voulu que quelque chose de stable puisse avoir lieu entre nous, il aurait pu mettre en œuvre les moyens de pousser Matteo à comprendre qu’il voulait réellement être avec moi. Si le jeu ne valait réellement la chandelle, Elio aurait pu essayer de montrer à Matteo qu’il avait changé et qu’il pouvait être à la hauteur de ses exigences. Seul problème : pareil scénario nécessitait qu’Elio sache ce qu’il recherchait dans la vie.
« Et avec toi ? Est-ce que ça va ? » me demandait Elio aussitôt et j’hochais la tête positivement. « Oh tu sais, on n’en parle pas vraiment tous les deux. On fait plutôt comme s’il ne s’était rien passé. De toute façon, Matteo refuse de comprendre que je ne suis pas qu’une simple victime dans cette histoire et que ce n’est pas parce que je n’étais pas consentante cette fois-là que je ne l’étais pas les fois précédentes. Alors on évite le sujet. » J’haussais les épaules, en faisant une petite moue désolée. Parce que j’étais sincèrement désolée que Matteo ne rende pas tout ceci un peu moins difficile pour Elio et moi. « En dehors de ça, la vie reprend son cours. Je passe ma vie ici en ce moment, le boulot fourni à Paris a vraiment donné un coup de pouce à la marque, c’est excellent pour mes affaires » avouais-je avec un petit sourire fier. « D’ailleurs, je voulais te dire… » Je marquais une petite pause, baissant un instant le regard en jouant un peu nerveusement avec une mèche de mes cheveux bruns avant de relever le regard vers Elio à nouveau. « Je ne regrette pas non plus ce qu’il s’est passé entre nous. Les circonstances étaient loin d’être idéales, mais je crois que je serai suffisamment folle pour recommencer si c’était à refaire » confessais-je alors. Il me semblait important de confier à Elio tout ceci. Ce n’était pas parce que nous étions tous les deux paumés dans nos vies et incapables de nous fixer quant à nos sentiments respectifs que je regrettais pour autant tous ces moments passés avec lui. « Et je voulais m’excuser aussi de ne pas t’avoir prévenu que j’avais lâché la bombe à Kaecy à propos de Paris… D’ailleurs, ça en est où vous deux ? » lui demandais-je finalement, bien consciente que notre histoire avait mis beaucoup de bazar dans sa vie à lui.
Reparler de la détérioration de ma relation avec Matteo me peinait évidemment. Nous en étions au point que j’avais absolument voulu éviter et que je n’avais au final fait que de rendre plus intense. Nous n’étions plus rien l’un pour l’autre - pas un mot - pas un regard j’étais comme mort à ses yeux. « Tu sais comme il est. Il faut lui laisser du temps, mais ça va lui passer » Je n’en étais pas aussi sûr, pas cette fois. « Ca fait des mois Heidi et je n’ai même pas eu le droit à un mot. » A cette allure si il me pardonnait un jours ça ne serait pas avant que je pourrisse en maison de retraite en mangeant uniquement de la compote et de la soupe. Heidi était sa petite soeur et la personne qui comptait le plus à ses yeux - de toute évidence même coucher avec sa fiancée était moins grave à ses yeux. « Je ne suis pas une poupée de porcelaine. » Un sourire un peu amusé avait fendu mon visage alors que je relevais un regard encore attristé sur Heidi. « Il veut te protéger Heidi… Garder sa place de grand frère dans ta vie. » Celle qu’il n’avait pu jouer pendant des mois - perdu à l’autre bout du monde alors que nous le pensions tous mort. « Mais je n’hésiterais pas à lui glisser à l’occasion que tu n’as pas eu besoin de lui pour me jetter. » J’avais cette fois sourit amusé alors que je lui adressais un petit clin d’oeil. Elle avait prouvé à plusieures reprises qu’elle n’était pas une petite chose fragile et savait très bien se défendre toute seule quand il le fallait. Du moins elle me l’avait prouvé à moi - mais aux yeux de son frère les rôles étaient bien plus compartimentés - prédateur et victime c’est ce que nous étions.
Le plus dur dans cette histoire était sans doute de ne même pas avoir la parole. Au final Matteo ne savait rien de la relation qui nous avait lié, en dehors de ce baiser. Il ne connaissait rien de nos attirances, des nos sentiments si complexes ou de nos envies. Il avait vu un partie de l’histoire et décidé qu’elle était suffisante pour me condamner sans même un procès. « Je t’ai dit, il faut que tu lui laisses un peu de temps. Il est borné mais je ne pense pas qu’il soit suffisamment bête pour gâcher des années de relations pour quelque chose d’aussi futile, surtout pas avec tout ce qui se trame en ce moment. » Ces même circonstances qui ne faisaient que d’augmenter ma culpabilité. Il n’avait bien évidemment pas besoin de ça, pas en ce moment alors qu’il tentait de retrouver une place dans cette vie qui ne lui appartenait plus vraiment. « Tu me connais… Je suis pas le mec le plus patient… » Et pourtant j’avais réussi à l’être avec Heidi, à patienter le temps qui me semblait nécessaire pour que l’on ait cette conversation sans remuer plus de mauvaise choses que de bonnes. Mais avec Matteo, la situation me pesait de plus en plus au contraire de s'améliorer avec le temps. « Tu devrais peut-être simplement lui dire la vérité. Que ça n’avait rien d’un rapprochement calculé et planifié. Que ça nous est seulement tombé dessus. Et que ce baiser volé n’était, en réalité, pas aussi terrible que cela pouvait être perçu d’un point de vue extérieur ? » Si je rejoignais son propos je ne pouvais m'empêcher de me demander si cette histoire nous était vraiment tombée dessus comme elle le prétendait… Nous l’avions cherché pendant des années, des années de flirt innocent qui nous avait finalement mené à cette relation compliquée et passionnée. « Pour ça il faudrait qu’il veuille bien m’écouter. » et ce n'était pas gagné pour le moment. Mais je ne comptais pas faiblir, s’il ne voulait jamais me pardonner, qu’il sache au moins pourquoi il me détestait exactement. « Parce qu’on ne lui a pas laissé le temps de se faire à l’idée. On est passés d’amis en tout bien tout honneur à une véritable scène de ménage en pleine soirée sans signe avant-coureur d’un quelconque rapprochement. Ca n’aide pas Matteo à te considérer autrement que comme un type qui fera souffrir sa petite sœur. » Un sourire en coin j’avais légèrement haussé les épaules. Peut-être n’avait-il au final pas tord. C’est tout ce que j’avais réussi à faire en fin de compte, et c’était injuste pour Heidi de l'entraîner avec moi dans une histoire que je n’étais pas prêt à assumer - dans ce flou qu’était ma vie le plus souvent. « Tu crois que j’aurais pu être autre choses que ce type ? » Question rhétorique parce que j’avais bien compris son stop clair et net et je ne comptais pas revenir à la charge. Mais ses mots lors de cette soirée me revenaient en tête - cette idée que nous ne pouvions nous apporter que des mauvaises choses et que nous saurions mieux chacun de notre côté, avec une autre personne. Plus j’y pensais et plus il me semblait improbable que je sois capable de faire mieux avec une autre.
Mais si les relations semblaient tendues entre nous je ne savais au final rien de celles qui liaient aujourd’hui Heidi et son frère. Mon inquiétude n’était pourtant qu'à demie-teinte, je savais Matteo incapable de s’éloigner de sa soeur et Heidi capable de tout pour ne plus jamais perdre son frère et avoir à vivre à nouveau sans lui. « Oh tu sais, on n’en parle pas vraiment tous les deux. On fait plutôt comme s’il ne s’était rien passé. De toute façon, Matteo refuse de comprendre que je ne suis pas qu’une simple victime dans cette histoire et que ce n’est pas parce que je n’étais pas consentante cette fois-là que je ne l’étais pas les fois précédentes. Alors on évite le sujet. » C’était peut-être mieux comme ça au final - même si j’étais bien placé pour savoir que le silence n’était pas toujours la meilleure arme face aux sujets compliqués. J’étais de toute façon bien mal placé pour donner un quelconque conseil à Heidi sur comment gérer sa relation avec Matteo. « En dehors de ça, la vie reprend son cours. Je passe ma vie ici en ce moment, le boulot fourni à Paris a vraiment donné un coup de pouce à la marque, c’est excellent pour mes affaires » J’en étais sincèrement heureux pour elle. « C’est mérité, tu fais un travail exceptionnel. » Elle m’avait scotché à Paris et maintenant que j’étais assis un milieu de sa boutique je sentais une pointe de fierté me saisir - comme un père peut être fier de sa fille, parce que j’avais vu Heidi évoluer et concrétiser petit à petit un rêve de petite fille. « D’ailleurs, je voulais te dire… » Le ton avait changé cette fois et j’avais senti mon coeur s'accélérer sensiblement, démontrant bien que j’appréhendais la suite. « Je ne regrette pas non plus ce qu’il s’est passé entre nous. Les circonstances étaient loin d’être idéales, mais je crois que je serai suffisamment folle pour recommencer si c’était à refaire » Je m’étais contenté de lui sourire tendrement de peur de gâcher cette révélation en ouvrant la bouche. Sincèrement touché par ses mots, j’avais l’impression qu’ils me donnaient un crédit que je méritais à peine. « Et je voulais m’excuser aussi de ne pas t’avoir prévenu que j’avais lâché la bombe à Kaecy à propos de Paris… » « Si je n’avais pas menti dès le débuts ça aurait sans doute simplifié les choses… Mais merci… » J’avais attendu ses excuses le soir de la fête de Matteo parce qu je pensais les mériter, mais maintenant qu’elles étaient là je me rendais bien compte qu’elle n’étaient pas si importantes au final et pas aussi méritées que je l’aurais pensé. « D’ailleurs, ça en est où vous deux ? » soupirant légèrement je m’étais redressé pour tenter de trouver comment répondre à cette question. « J’en sais trop rien, on fait comme si tout allait bien je crois. » Ce qui laissait bien sous entendre que ce n’était qu’illusion au final. « Mais je crois que ça va aller… Il lui faut du temps à elle aussi. » Profondément blessée par mon mensonge à propos de Paris la confiance que Kaecy avait en moi s’était étiolée et je tentais de recoller doucement les morceaux. « Je mets un peu d’argent de côté depuis plusieurs mois. » J’avais même quitté mon job de traducteur pour pouvoir faire plus d’heures au bar sans être dans un méli mélo d’horaire trop compliqué. « Je voudrais lui offrir un voyage, quelques jours loin des jumeaux et de… moi… Je crois qu’elle mérite de souffler un peu. » Qu’elle en a besoin aussi.
Finalement je m’étais levé pour m’aventurer un peu dans sa boutique. « J’ai de la peine à croire que c’est à toi ici… Tu l’as fait… » Et je ne doutais pas qu’elle avait encore bien des projets. « Tout se passe bien ? » Elle avait l’air heureuse ici - à sa place. Continuant de déambuler dans la boutique j’étais finalement tombé sur une tenue qui ne m’était pas inconnue. « Tiens, je connais ça. » Une de celle que j’avais porté à Paris, sans doute une de mes préférées d’ailleurs. Touchant du bout des doigts le tissus je m’étais laissé happer momentanément par mes souvenirs de ce week-end avec elle. « Quand je repense à Paris parfois j’ai l’impression que c’est presque irréel. » Cette tenue c’était comme un rappel, pour me dire que ça avait bel et bien existé, que je n’avais pas tout révé. « Je m’étais pas senti aussi heureux depuis… Longtemps. » Ce qui était sans doute injuste pour les jumeaux et Kaecy parce qu’ils m’apportaient pourtant beaucoup de bonheur, mais dans la ville de l’amour je m’étais à nouveau senti libre - comme si plus rien ne me retenais d’être qui je voulais et de faire ce dont j’avais envie. « C’est pour cette raison que je l’ai dit… » J’étais de dos toujours a observé cette tenue que j’avais porté sans trop oser continuer. « Que je t’ai dit que je t’aimais… Pas parce que j’avais bu… » Ou en tout cas pas que, sans doute que ce facteur avait un peu aidé. Me retournant doucement j’avais non sans peine remonté le regard pour faire face à sien. « Mais parce que dans un monde où je n’ai aucune obligation j’aurais voulu rester là bas pour toujours… Heureux avec toi. » C’était comme se mettre à poil et même ça je le faisais avec beaucoup plus de facilité. Mais puisque l’on se disait tout aujourd’hui alors je lui devais bien une explication un peu plus honnête que le “j’étais bourré, j’ai fait un erreur” que je lui avais servi.
Je venais de nous aventurer sur le terrain glissant qu’était le sujet Matteo. Si avant notre dernière altercation, le sujet était déjà sensible, c’était encore bien pire depuis que Matteo avait découvert ma relation avec Elio et qu’il avait aussitôt arrêté d’adresser la parole à ce dernier. « Ça fait des mois Heidi et je n’ai même pas eu le droit à un mot. » se plaignait-il et je pinçais les lèvres, en soupirant un peu, désolée de la situation. « Tu sais comme moi qu’il peut se montrer assez borné quand il en a envie, mais il finira par revenir à la raison. Sois en sûr et certain. » J’essayais tant bien que mal de le rassurer, face à la consternation dont il faisait preuve. Une amitié comme celle qu’avait Matteo et Elio ne pouvait simplement par prendre fin de cette façon, pas après toutes les épreuves qu’ils avaient surmontées. Et je ne pouvais m’empêcher non plus de me plaindre de l’attitude surprotectrice que Matteo continuait d’avoir vis-à-vis de moi. Si j’avais toujours su me défendre sans son aide, c’était d’autant plus le cas depuis que j’étais majeure et vaccinée, et à l’aube de ma trentaine. « Il veut te protéger Heidi… Garder sa place de grand frère dans ta vie. » répliquait-il et je soupirais de nouveau, un peu plus fort cette fois. « Me protéger je veux bien. M’étouffer, en revanche, ce n’est pas nécessaire. » Parce qu’à ce rythme, j’allais finir veille fille. Même Dean, à l’époque, avait dû faire ses preuves auprès de Matteo pour que celui-ci lui lâche un peu les baskets et je n’étais pas certaine de rencontrer beaucoup d’hommes prêts à montrer patte blanche de la sorte à Matteo pour sortir avec moi. « Mais je n’hésiterais pas à lui glisser à l’occasion que tu n’as pas eu besoin de lui pour me jeter. » avait-il répondu en souriant un peu et un sourire en coin s’était également affiché sur mon visage, en echo. « C’est très aimable de ta part. Qui sait, peut-être que bientôt c’est toi que Matteo surprotégera. » plaisantais-je en faisant allusion à ce qu’Elio venait de dire sur la façon dont j’avais mis fin à notre relation précédente. « Tu me connais… Je suis pas le mec le plus patient… » ajoutait-il cependant, pour revenir au sujet principal de la conversation et, malgré son ton morne, sa réplique m’arrachait un petit rire sincère. « C’est le moins que l’on puisse dire. Mais ça te fera un bon entraînement comme ça. » Car si en effet, je devais citer deux principaux défauts d’Elio c’était avant tout son côté impatient et son caractère impulsif qui, ensemble ne faisaient pas forcément bon ménage et le propulsaient bien souvent dans toutes sortes d’histoires, comme c’était le cas à présent avec Matteo. « Pour ça il faudrait qu’il veuille bien m’écouter. » soupirait-il. Je levais les yeux au ciel, en souriant un peu, face au caractère complètement défaitiste du jeune femme. « Eh bien oblige-le à t’écouter. » insistais-je, persuadée que lorsque le destin forcerait un peu les choses entre les deux hommes, les choses ne tarderaient pas à rentrer dans l’ordre. Je confiais finalement à Elio que la façon dont nous avions annoncé officiellement notre relation n’avait pas facilité les choses pour Matteo qui devait donc uniquement considérer Elio comme un véritable goujat, qu’il n’était pourtant pas. « Tu crois que j’aurais pu être autre chose que ce type ? » De nouveau, je soupirais un peu, en secouant négativement la tête. « Tu n’es pas un agresseur de petite sœur alors oui, bien sûr que je suis persuadée que tu aurais pu être autre chose. » Si je ne savais pas exactement la nature de ma relation avec Elio et que je savais encore moins ce que j’avais espéré pour nous deux, il était certain que j’avais pendant un moment pensé que nous aurions pu essayer quelque chose tous les deux, pas forcément une relation ultra sérieuse, de celles qui se concrétisent en mariage et en enfants. Mais j’étais persuadée que nous aurions pu faire notre petit bonhomme de chemin, tous les deux, évoluant au jour le jour, profitant du soutien de l’autre le jour et mettant à profit ce magnétisme qui existait entre nous pour occuper nos nuits. Mais les choses ne s’étaient pas déroulées de cette façon et je restais parfois persuadée que les choses arrivaient pour une raison, même si ce n’était pas toujours quelque chose d’évident.
La conversation finissait néanmoins par dévier sur un sujet moins sensible, pour se concentrer sur mon travail et mes créations qui avaient un certain succès ces derniers temps. Succès qui me permettait de pouvoir faire perdurer ma maison de couture, tout en gardant la tête hors de l’eau en termes de trésorerie. Ce n’était pas facile tous les jours, de monter sa propre boîte, tout en ayant à côté un appartement à payer, mais pour l’instant, ça tenait bon. « C’est mérité, tu fais un travail exceptionnel. » me disait-il alors et je lui accordais un sourire, touchée. « Merci. » Et encouragée par le fait que la discussion se passait plutôt bien et que nous semblions réconciliés, je me décidais à lui avouer que je ne regrettais rien de ce qu’il s’était passé entre nous, même si aujourd’hui les choses avaient pris fin. J’en profitais également pour lui présenter mes excuses au sujet de ce que j’avais révélé à Kaecy sans le tenir au courant. « Si je n’avais pas menti dès le débuts ça aurait sans doute simplifié les choses… Mais merci… » Je souriais en coin, ne pouvant m’empêcher d’apprécier ce Elio plein d’humilité et de bonnes résolutions. « J’en sais trop rien, on fait comme si tout allait bien je crois. Mais je crois que ça va aller… Il lui faut du temps à elle aussi. » répondait-il, lorsque je lui demandais où il en était avec sa meilleure amie. « Il lui en faudra bien moins qu’à Matteo, elle non plus ne peut pas vivre sans toi, tu sais. » Leur relation était si intense que je me demandais même parfois comme leurs vies amoureuses respectives parviendraient à trouver une place au sein de ce cocon qu’ils s’étaient créés. « Je mets un peu d’argent de côté depuis plusieurs mois. Je voudrais lui offrir un voyage, quelques jours loin des jumeaux et de… moi… Je crois qu’elle mérite de souffler un peu. » avouait-il et j’hochais la tête, attendrie. « Quelle adorable attention, elle en sera touchée. Mais elle t’aura déjà pardonné avant que tu n’aies économisé assez d’argent » répondis-je. Kaecy avait toujours eu une propension impressionnante à pardonner les gens. C’était un don. J’avais alors relevé le regard pour observer Elio qui faisait un petit tour dans la boutique, observant d’un œil intéressé tout ce qui s’y trouvait. « J’ai de la peine à croire que c’est à toi ici… Tu l’as fait… » déclarait-il, son ton illustrant parfaitement ses propos. « Incroyable n’est-ce pas ? Je vous ai soûlé avec tout ça combien de fois ? Un bon milliard non ? » Quiconque m’avait connu avant que j’ouvre cet établissement savait que c’était mon rêve d’enfance, un rêve qui venait de se concrétiser. « Tout se passe bien ? » me demandait-il alors. « Plutôt oui, les affaires avancent. Je commence à me faire un nom dans les environs et de plus en plus de grosses personnalités de la ville viennent maintenant s’habiller chez moi et commander des tenues pour leurs événements. » lui racontais-je alors, m’approchant un peu de lui, d’un air fier, avec un large sourire. « Financièrement parlant, en revanche, c’est un peu plus difficile. J’ai accumulé pas mal de crédits pour pouvoir acheter ce local et pour monter la maison de couture, amortir l’investissement du matériel qui coûte une véritable fortune. » soupirais-je en désignant d’un geste vague de la main l’ensemble de la boutique. « Les fins de mois sont ric-rac et les bénéfices ne sont pas conséquents, mais rien de bien dramatique. Il parait que c’est tout à fait normal lorsqu’on monte son propre business. » J’haussais les épaules, un peu vaguement. Ce n’était pas quelque chose qu’on faisait dans ma famille, monter sa boîte. Mon père et mon frère ayant tous deux été militaires et ma mère femme au foyer, je n’avais pas la fibre entrepreneuriale dans le sang. « Tiens, je connais ça. » Elio me tirait de mes pensées alors qu’il désignait un cintre sur un portant et je reconnaissais l’un des pantalons que je lui avais fait porter lors de notre séjour à Paris. « Quand je repense à Paris parfois j’ai l’impression que c’est presque irréel. » Un petit sourire nostalgique prenait place sur mon visage alors que j’hochais la tête. « Ça l’était presque. C’était bien nous, mais dans un autre monde où nous étions seuls et sans responsabilités. » C’était ce qui avait rendu ce séjour aussi magique et le retour à la réalité d’autant plus difficile pour nous. « Je ne m’étais pas senti aussi heureux depuis… Longtemps. » avouait-il, en faisant écho à mes propres pensées. Personnellement, c’était surtout ce sentiment de liberté ultime qui m’avait séduite à Paris. Jusqu’ici, j’avais toujours eu l’impression d’être restreinte dans mes actions par mon entourage. Si au début ça avait été par Dean et par les sacrifices que j’avais consenti à faire pour notre relation, c’était ensuite le souvenir de Matteo et la menace de représentait ma relation avec Elio vis-à-vis de son amitié avec mon grand-frère, qui m’avait empêché de faire ce que je voulais faire et qui je voulais le faire. A Paris, nous étions seuls au monde et uniquement guidés par notre envie de l’instant. Malgré moi, un petit frisson parcourait mon échine en souvenir des soirées que j’avais passé là-bas en compagnie d’Elio, notamment cette fameuse dernière nuit. « C’est pour cette raison que je l’ai dit… » Je relevais le regard pour observer Elio qui continuait de fixer une tenue. Je ne comprenais pas trop de quoi il voulait bien parler, me demandant même si, perdue dans mes pensées, je n’avais pas perdu le fil de la conversation, mais il ajoutait alors : « Que je t’ai dit que je t’aimais… Pas parce que j’avais bu… », éclairant ma lanterne. « Oh. » C’était tout ce qui m’était venu, à l’instant précis. Je ne m’étais pas attendue à ce qu’Elio revienne sur cet événement-là de sitôt. « Mais parce que dans un monde où je n’ai aucune obligation j’aurais voulu rester là-bas pour toujours… Heureux avec toi. » avait-il poursuivi, me prenant totalement de court. Il était clair que si de nous deux, Elio était celui qui gérait le moins bien ce genre de situations, je n’étais pas non plus une experte dans le domaine. Je ne m’étais pas préparée à évoquer cet instant-là avec lui et j’avais l’impression que cela venait mettre un peu de confusion dans mon esprit, alors que j’étais persuadée d’en avoir fini avec tout ça. Un part de moi, ne pouvait s’empêcher d’être satisfaite d’avoir enfin le fin mot de l’histoire, comme si je n’avais jamais cru à son explication à deux balles. « Pour être totalement honnête, je dois avouer que j’aurai moi aussi aimé pouvoir rester avec toi, à Paris, sans jamais revenir ici. » L’expression vivre d’amour et d’eau fraîche aurait alors pris tout son sens. Je savais au fond, qu’à l’autre bout du monde, simplement en compagnie d’Elio je serai pleinement heureuse. Parce qu’avec Elio, nous n’avions pas le moindre désaccord en dehors de cette sombre histoire concernant Matteo et qu’à Paris, loin de tout le monde, ce désaccord n’avait plus lieu d’être. « Vraiment, ce séjour compte beaucoup pour moi » avouais-je alors, avec un petit sourire. « Mais je dois également avouer que ce séjour a tendance à me retourner le cerveau. Comment est-ce possible que tout ait été si simple là-bas et que tout soit si compliqué ici ? » lui demandais-je alors, réellement curieuse de connaître la réponse. Pourquoi tout ne pouvait-il pas être aussi simple que cela nous l’apparaissait là-bas ?
La situation avec Matteo n’était pas des plus simple et si Heidi semblait croire que les choses finiraient par s’arranger je n’en étais pas si sûr. J’avais tout de même arrêté de contredire son optimisme, comprenant que nous ne tomberions sans doute jamais d’accord à ce propos, une fois de plus. Bien sûr pour elle c’était bien plus simple, elle avait au final le bon rôle. « Eh bien oblige-le à t’écouter. » Une fois de plus j’étais resté silencieux, préférant ne pas lui avouer que j’avais déjà tenté de camper devant chez lui mais que ça n’avait pas changé grand chose à son total désintérêt pour ma personne et j’étais peut-être fatigué de parler à un mur. Si c’était de temps dont il avait besoin alors je ne pouvais sans doute faire que d’attendre et de revenir à la charge dans quelques temps… Le tout était sans doute de savoir gérer ce timing. « Tu n’es pas un agresseur de petite sœur alors oui, bien sûr que je suis persuadée que tu aurais pu être autre chose. » Je n’étais pas sûr qu’elle réponde réellement à ma question… Parce que ce n’était pas ce qu’elle sous entendait et nous le savions tous les deux. Mais de toute évidence Heidi n’était pas plus prête que moi à parler de ça. Peut-être avait elle raison au fond - aujourd’hui c’était une histoire appartenant au passé et à part remuer le couteau dans la plaie il y avait peu de chance que ça nous amène grand chose. Le sujet avait d’ailleurs été balayé par un autre pas plus agréable pour moi cependant. Kaecy et notre relation ébréchée. « Il lui en faudra bien moins qu’à Matteo, elle non plus ne peut pas vivre sans toi, tu sais. » Une partie de moi en avait effectivement conscience. Nous étions un tout, une équipe, depuis si longtemps que je ne pouvais imaginer ma vie sans elle aujourd’hui. Du moins pas à long terme puisque je lui prévoyais tout de même un voyage loin de nous, qui au vu de nos finances actuelle, n’était pas prêt d’arriver de sitôt. « Quelle adorable attention, elle en sera touchée. Mais elle t’aura déjà pardonné avant que tu n’aies économisé assez d’argent » « Probablement oui. » A vrai dire elle agissait déjà comme si c’était le cas, ne parlant jamais de cette histoire - elle ne tentant même pas de me faire payer, ce type d’attitude étant bien loin de son tempérament… Mais la différence était pourtant bien là, je pouvais la sentir dans l’atmosphère. Une nouvelle fois pour chasser le sujet, je m’étais levé, arpentant son magasin avec intérêt. « Incroyable n’est-ce pas ? Je vous ai saoulé avec tout ça combien de fois ? Un bon milliard non ? » « Au minimum » J’avais ajouté un peu hilare en me rappelant de la petite fille qu’elle avait été. « Plutôt oui, les affaires avancent. Je commence à me faire un nom dans les environs et de plus en plus de grosses personnalités de la ville viennent maintenant s’habiller chez moi et commander des tenues pour leurs événements. » J’en étais sincèrement heureux pour elle et si la suite avait été un peu moins joyeuse, je ne m’étonnais pas non plus du fait que lancer sa propre entreprise ne soit pas si simple financièrement parlant. « Mince, moi qui était justement venu te demander de l’argent. » Je la taquine un peu évidement, en ce moment les affaires ne roulent pas si mal pour nous. « Je crois que je vais devoir me débrouiller sans toi. » Je lui adresse un petit regard complice. « En vérité, j’ai quitté mon travail de traducteur… » J’avais tout de même une légère pointe de regret dans la voix. « C’était devenu trop compliqué de gérer ça et le bar, sans parler des jumeaux. Et ça faisait des mois que je ne faisais presque plus de musique alors… » Évidemment l’aspect financier avait aussi penché dans la balance, mon job de barman payant mieux. « Et du coup je bosse plus au bar, mais j’ai plus de temps pour moi aussi et j’ai rejoins un groupe, en tant que pianiste, enfin je dirais plus homme à tout faire mais.. C’est sympa. Tu pourrais… Venir nous voir une fois. » Le ton hésitant de ma voix était sans doute la preuve que notre relation était encore entrain de se chercher - il fallait créer de nouvelles limites, de nouvelles opportunités… Presque tout semblait à refaire et pourtant nous avion déjà tant vécu. Entre autre ce voyage à Paris qui m’avait presque retourné la tête. Tellement que parfois j’avais de la peine à croire que nous avions vraiment vécu ces instants. « Ça l’était presque. C’était bien nous, mais dans un autre monde où nous étions seuls et sans responsabilités. » Un monde où nous aurions peut-être pu être heureux ensemble. Porté par l’instant je m’étais livré un peu plus - beaucoup plus même - finissant par avouer une vérité que j’avais pensé garder pour moi à jamais. Au final le dire n’avait pas été si dur - par contre affronté son regard après était une autre histoire. J’avais peur de ce que je pourrais y lire et pourtant je n’avais vu qu’Heidi, franche, entière et sans jugement. Une Heidi peut-être un peu chamboulée mais calme. « Pour être totalement honnête, je dois avouer que j’aurai moi aussi aimé pouvoir rester avec toi, à Paris, sans jamais revenir ici. » J’avais senti mon coeur s’accélérer sensiblement dans ma poitrine refrénant pourtant les envies ou les sentiments que ce genre de paroles faisaient inévitablement renaître en moi. « Vraiment, ce séjour compte beaucoup pour moi » Je lui rendrais son sourire, presque un peu timide, les mains toujours enfoncées dans mes poches. « Mais je dois également avouer que ce séjour a tendance à me retourner le cerveau. Comment est-ce possible que tout ait été si simple là-bas et que tout soit si compliqué ici ? » Haussant légèrement les épaules je n’avais vraiment su que répondre à cette question, laissant un léger silence s’installer avant de finalement tenté de formuler une réponse. « Je crois qu’entre nous, le problème ça n’a jamais vraiment été nous... » C’était tout le reste, les souvenirs, les proches, la peur, toutes ces variables qui avaient disparu à Paris parce qu’il n’existait que nous. Toujours un peu timide j’avais tendu la main vers elle, faisant un léger signe de tête dans ma direction en accompagnant mon geste d’un : « Allez viens là… » Qui laissait sous entendre que le sujet était clos mais aussi que j’avais envie de la prendre dans mes bras, et quand sa main avait effleuré la mienne, j’avais retenu un frisson pour l'attirer à moi et la serrer dans mes bras. Une étreinte calme et douce, comme on en ferait une à sa petite soeur. Restant tout contre elle quelques secondes je m'enivrais de ce contact retrouvé, déposant un baiser sur sa tempe. « Tu sais que tu m'as manqué quand même… Toi et ton caractère de cochon. » Je la taquine un peu en me séparant d’elle. « Je peux t’aider ici ? » J’ai l'impression que c’est déjà le moment pour moi de partir, mais je n’en ai pas l’envie. Pas alors qu’on vient tout juste de renouer.
C’était un peu étrange de recroiser Elio après autant de temps passés loin l’un de l’autre, à s’éviter consciencieusement. Non pas que cela ne nous était jamais arrivés, de nous réconcilier après une période de crise, mais c’était la première fois depuis mon retour en ville qu’une de nos disputes avait eu cette puissance. Cette fois-ci, il semblait que nous avions tous les deux assimilé le fait que nous ne pouvions pas être autre chose qu’amis et qu’il fallait que nous fassions une croix définitive sur nos espoirs d’idylle. Et avant cette conversation je n’aurai pas forcément cru ça possible, mais à nous entendre plaisanter tous les deux, j’étais tout d’un coup bien plus confiante. « Mince, moi qui était justement venu te demander de l’argent. Je crois que je vais devoir me débrouiller sans toi. » répliquait-il en m’adressant un regard et un sourire complices que je lui rendais sans une once d’hésitation. Ca faisait quand même franchement du bien d’entendre de nouveau le son de sa voix. « En vérité, j’ai quitté mon travail de traducteur… » confiait-il et j’arquais aussitôt un sourcil de surprise, sachant à quel point il appréciait ce travail. « Pourquoi ça ? » m’inquiétais-je aussitôt. « C’était devenu trop compliqué de gérer ça et le bar, sans parler des jumeaux. Et ça faisait des mois que je ne faisais presque plus de musique alors… Et du coup je bosse plus au bar, mais j’ai plus de temps pour moi aussi et j’ai rejoint un groupe, en tant que pianiste, enfin je dirais plus homme à tout faire mais... C’est sympa. » avouait-il alors et je me mettais à rire un peu. « Alors comme ça, on retourne à ses premiers amours ? » la taquinais-je. Elio avait toujours aimé la musique et encore plus particulièrement lorsqu’il s’agissait de jouer du piano. Plus jeune, nous suivions d’ailleurs tous les deux des cours à domicile de cet instrument. C’était grâce à ces cours que nous avions commencé à tisser une réelle amitié tous les deux, indépendante de Matteo et de Kaecy. C’était là que j’avais commencé à avoir un certain coup de cœur pour le jeune homme, transportée par sa façon d’interpréter les morceaux. « Tu pourrais… Venir nous voir une fois. » Elio était hésitant et ça me tirait un petit sourire en coin. « Oui bien-sûr, avec plaisir. » acceptais-je aussitôt. C’était de toute façon ce que faisaient des amis non ? Ils se soutenaient mutuellement dans leurs projets respectifs. Elio m’avait déjà tellement aidée avec la maison de couture que je pouvais bien consentir à faire une petite apparition à l’un de ses concerts un de ces quatre.
Doucement, la conversation avait glissé sur un sujet bien plus sensible : notre escapade clandestine à Paris. Le séjour qui nous avait à la fois autant rapprochés que séparés. Un week-end qui nous avait autant fait rêver qu’il nous avait aussitôt brusquement ramenés à la réalité. Celui qui nous avait mené droit à la situation dans laquelle nous étions aujourd’hui tous les deux. « Je crois qu’entre nous, le problème ça n’a jamais vraiment été nous... » déclarait alors Elio, mettant parfaitement le doigt sur notre problème à tous les deux. C’était tellement criant de vérité que je souriais un peu, d’un petit sourire laconique. « C’est ce qui rend tout ça à la fois terriblement frustrant et indéniablement rassurant. » répondis-je. En effet, il n’y avait rien de plus frustrant au monde que de savoir que nous ne pouvions pas être ensemble pour des raisons qui étaient totalement indépendantes de notre volonté. Nous avions au moins le réconfort de nous dire qu’entre nous les choses auraient pu être belles, fortes. Certes tourmentées et troublées, mais ô combien vivifiantes. « Allez viens là… » murmurait Elio, me tirant de mes pensées. Je venais alors me lover contre lui, sans me faire davantage prier que ça. C’était agréable de retrouver son étreinte chaude et rassurante, son doux parfum qui avait plus d’une fois hanté mes nuits. Et alors que je le serrais contre moi, j’espérais sincèrement que cette fois-ci c’était la bonne, que cette fois-ci nous ne nous retrouvions pas pour mieux nous déchirer ensuite comme nous l’avions fait jusqu’ici. J’étais vraiment lasse de devoir lui dire adieu à chaque fois, je refusais d’ailleurs catégoriquement qu’il quitte définitivement ma vie, j’avais bien trop besoin de lui. « Tu sais que tu m'as manqué quand même… Toi et ton caractère de cochon. » Je riais toujours contre lui, alors qu’il embrassait mon front. « Tu m’as manqué aussi Elio… » soupirais-je, comme apaisée. Finalement, nous nous séparions de nouveau et Elio me demandait alors : « Je peux t’aider ici ? » me ramenant brusquement à la réalité. J’observais alors le magasin. « J’allais fermer boutique après mon dernier client, donc non. Il faut juste que j’aille éteindre les lumières, fermer l’atelier et que je ferme boutique. » lui expliquais-je alors, commençant déjà à prendre la direction de l’atelier qui se situait en arrière-boutique et où se trouvait le panneau électrique. « Mais tu peux m’attendre et me ramener chez moi après, si tu veux. » lui lançais-je alors, avec un petit sourire amusé. J’éteignais les différents éclairages de la boutique et faisais mon petit rituel de fermeture avant de réapparaître dans la boutique où Elio se trouvait toujours. « Allez on peut y aller » lui dis-je alors en l’entrainant avec moi hors de la boutique, refermant derrière moi la porte d’entrée dont la pancarte indiquait désormais que nous étions fermés. « Tu acceptes de faire un petit détour pour me déposer chez moi ? Comme ça, tu pourras en profiter pour me raconter comment vont les jumeaux ! » lui dis-je alors, passant mon bras sous le sien, sans même attendre sa réponse, persuadée qu’il allait de toute façon accepter de faire ce petit bout de chemin en ma compagnie.
J’ai l’intuition d’avoir fait le bon choix en quittant mon travail, même si ça n’est pas simple de dire au revoir à une partie de ma vie qui a été si importante. Mon besoin de retour à la musique a finalement pris le dessus. « Alors comme ça, on retourne à ses premiers amours ? » Peut-être que sans le vouloir elle vient de faire un parallèle avec elle même, je suis revenu à elle des années plus tard et aujourd’hui c’est la musique que je retrouve « Je ne suis pas vraiment moi sans la musique. » Et quelque part j’ai l’impression que je me suis un peu perdu dernièrement, que je ne me reconnais plus vraiment. C’est peut-être ça d’évoluer mais ça a quelque chose d’effrayant et je ne suis pas encore prêt à laisser ma passion de côté. Tout comme je ne suis pas prêt à laisser Heidi sortir de ma vie. Au final ça n’a pas été si dur, peut-être même trop facile. Tellement que je me demande si je n’en ai pas fait toute une histoire pour rien. J’espère d’ailleurs sincèrement qu’elle vienne un jour voir le groupe, si la musique s’éloigne un peu de mon style habituel, elle est sympa. De plus travailler en groupe fait renaître ma créativité. Je finis par lui tendre la main pour l’amener à moi dans un étreinte qui m’a tant manqué. Peut-être ne pouvons nous pas être amant mais il est bien trop dur d’imaginer ma vie sans elle - une vie ou elle n’est rien. Je ne suis sans doute pas assez naïf pour penser que cette dispute sera la dernière, mais elle a marqué un tournant décisif pour nous. Elle a bien failli nous éloigner pour de bon et m’a, de ce fait, prouvé qu’à jouer le con je risquais de faire fuir les gens les plus importants dans ma vie. « Tu m’as manqué aussi Elio… » C’est bon de l’entendre et je sens mes épaules définitivement perdre leur crispation pour profiter de cette étreinte avant qu’elle ne s’en défasse. « J’allais fermer boutique après mon dernier client, donc non. Il faut juste que j’aille éteindre les lumières, fermer l’atelier et que je ferme boutique. Mais tu peux m’attendre et me ramener chez moi après, si tu veux. » Prenant un peu d’espace je la laisse retourner à ses affaires en articulant un mince. « Ca me va. » Alors que pour ma part je me remets à ma contemplation pendant qu’elle finit de fermer et d’éteindre les lumières. « Allez on peut y aller » Ouvrant la porte pour elle, je joue les gentlemens en souriant de toutes mes dents. « Tu acceptes de faire un petit détour pour me déposer chez moi ? Comme ça, tu pourras en profiter pour me raconter comment vont les jumeaux ! » Pas le temps de répondre que déjà elle attrape mon bras me tirant un sourire. « Avec plaisir. » J’ai l’impression durant quelques minutes sur ce chemin du retour que c’est possible - que les choses vont pouvoir reprendre leur place. Je parle des jumeaux, de cet anniversaire un peu fou qu’on leur organise, de leurs bêtises toujours aussi stupides mais qui nous font rire, de la façon dont ils me parlent d’elle parfois. Et je me dis que ça peut marcher comme ça entre nous. Il suffit juste que je mette mes pulsions et mes envies de côté, je dois bien pouvoir le faire. Je ne suis pas un animal tout de même et j’ai compris leçon cette fois. Je ne me permets d’ailleurs qu’un baiser chaste sur sa joue pour lui dire au revoir… Oui ça peut marcher cette fois… Ca doit marcher.