T'es dans le fond de ton canapé, une bière à la main devant la dernière saison de Murder quand ton téléphone sonne, t'es surpris en entendant la sonnerie – autant dire que ton épisode est prenant – t'attrapes ce dernier et jettes un œil au nom qui s'affiche sur l'écran et décroche  « Ouais ? » en réalité t'écoutes à moitié, plus intéressé par ton épisode que par la conversation, un gars de ton équipe raconte, ils sortent boire un verre d'après ce que tu comprends et t'es invité à faire la tournée des bars. Malgré ta motivation dès plus faible tu finis par céder  « J'serais là dans une trentaine de minutes » un bas de survêtement c'est clairement pas la tenue idéale. Tu éteins tout ça et file dans la salle de bain, tu prends une douche très rapide et fini par enfiler un jeans de couleur foncé et un t-shirt blanc que tu termines avec une veste en cuir. T'as dans l'idée de boire ce soir alors tu te commandes rapidement un Uber avant d'attraper de l'argent, ton téléphone, tes clés et d'autres affaires en tout genre. Une dizaine de minutes plus tard tu descends et monte dans ton taxi en direction de Fortitude Valley, le quartier le plus branché de la ville ou se trouve un bar ou tu as tes habitudes. Tu franchis finalement la porte du bar quelques minutes plus tard ; tu jettes un œil à la foule et rejoins ton équipe dans le fond du bar  « J'passe vers le bar et j'arrive » je retires ma veste et la pose sur une des chaises libres. Tu te glisses jusqu'au bar qui est plutôt pleins et en arrivant au comptoir tu bouscules un type  « Désolé mec » t'affiches un sourire sincère avant de croiser son regard, t'as déjà vu ce type et tu mets quelques secondes à le reconnaître  « Toi.. » il est clair que tu ne pensais pas le revoir un jour  « Tu t'souviens de moi ? » tu demandes et clairement ton sourire à disparu.

Ce soir là, Nino devait retrouver Roxy dans un bar qu'elle avait choisi. De toutes façons, Nino ne connaissait pas encore vraiment les bons spots où il pouvait passer de bonnes soirées alors il faisait confiance à  la jeune femme. Pour une fois, le voilà en avance. Il était arrivé plusieurs dizaines de minutes avant la jolie blonde et comme il avait encore un peu de liquide sur lui, liquide qui ne lui appartenait pas d'ailleurs, il pouvait se prendre quelques verres avant qu'elle ne soit là. Ensuite, il compterait sur elle pour lui payer quelques consommations.
Accoudé au comptoir, Nino en était déjà à sa 3eme pinte de bière. Il trouve ça bien trop cher et bien trop mauvais dans ce pays mais c'est encore bien moins cher qu'un quelconque autre alcool. Il fait comme il peut. Pour ça, il regrette l'Europe et son alcool peut cher, surtout en Italie, de laquelle il n'était jamais sortie avant de venir à Brisbane. On pourrait même dire "surtout Scampia". D'ailleurs, à Scampia, c'est surtout dans les épiceries miteuses du quartier qu'on se ravitaillait en alcool, c'était pas les bouteilles les moins chers, mais quand on a de l'influence comme Nino, quand on a les moyens de menacer, de faire peur, quand on marque son territoire, tout devient plus simple. Tout est à portée de main. C'est fini ces privilèges à Brisbane. Le voilà habitant lambda, un homme qui se fond dans la masse, un mec qu'on remarque à peine, au final, être monsieur tout le monde, c'est comme être monsieur personne et ça, Nino, il en avait pas l'habitude, sauf que là, il avait pas l'choix.

Un mec le bouscule, rien de bien méchant, vu le monde, c'est presque inévitable. Nino relève à peine ses excuses, il lève juste les yeux pour voir la tête du mec qui la poussé puis baisse les yeux à nouveau. Sauf que l'autre s'adresse à nouveau à l'italien. Nino ne semble pas tellement comprendre ce qu'il lui veut. Il lui dit bien quelques chose, comme on pourrait croiser un inconnu dans la rue et penser à quelqu'un de plus connu puis là, éclaire de lucidité. "Rugby, c'est ca? Nino savait à présent exactement à qui il avait affaire. Il allait jouer la carte du fan qui le reconnaissait, histoire de lui faire plaisir, mais il allait nier tout lien aux arnaques auxquelles il était complice à Naples. Arnaque dont ce Priam avait été une victime.

Tu attends ton tour, plutôt patiemment en baladant ton regard dans le bar ; cet endroit est tout à fait semblable au genre de bar que tu fréquentais dans ta jeunesse, il n'était pas là à l'époque de tes dix-huit ans mais tu aurais pu en faire aisément ton QG. Tu croises un type assis dans le fond essayant de draguer – du mieux qu'il peut – une petite blonde et tu te revois quelques années auparavant avec Cora. Aujourd'hui, à trente ans ta seule envie est de rester au fond de ton canapé, une bière à la main devant une série, mais tu prends sur toi et au fond tu es sur que la soirée va être sympa. T'es sur le point de commander un verre quand tu rentres dans un type, tu détestes ce genre de situation, surtout quand ça t'arrive mais tu t'excuses très sincèrement, prêt à payer le verre de ce type pour être quitte. Mais quand votre regard se croise, tu arques un sourcil, il te faut quelques secondes pour te rappeler mais quand tes souvenirs reviennent, tu sens que ta soirée ne va pas être aussi bonne que tu l'avais imaginé  « Ouais c'est ça, rugby… autre chose ? » tu demandes d'une voix glaciale, en une fraction de seconde tu as perdu toute ta sympathie et tout ce qui fait de toi quelqu'un ouvert de d'agréable  « Laisse moi t'aider à te rafraîchir la mémoire, l'Italie, cet été » ça n'avait clairement pas été les vacances de tes rêves, au contraire ça avait été un total cauchemar qui t'avait coûté une petite fortune. Tu l'as rencontré via une agence que tu pensais vraiment sérieuse, avec le recul tu te dis que tu aurais du te renseigné plus en profondeur mais le mal est fait et tu leurs a confié le soin d'organiser ton séjour – grosse erreur – et tu as fini l'été avec dix milles dollars en moins sur ton compte.

Qu'il se fatigue pas à vouloir lui rafraîchir la mémoire, Nino avait pas besoin de ça pour se rappeler très bien de lui. Un sportif qui touche plus que tout ce qu'il ai touché dans sa vie en un seul mois. A peine exagéré, bon, si un peu, on va dire, en 3 mois alors. Mais rien que pour ça, Nino le detestait sans avoir d'autres raisons valable. Du genre à jalouser tous ceux qui se branlent les couilles et brassent des millions. Même pas besoin de bouger le petit doigt, courir après un ballon, pour Nino, c'était pas suffisant. Ca justifiait pas de pouvoir claquer 10000€ pour passer une semaine dans une ville où tout le monde crève la faim. Du coup, si Nino pouvait se prendre une commission, même 10%, il disait pas non. C'est pour ça qu'il avait marché dans l'affaire de son pote, Lino. Lino c'était son voisin à Scampia. Il était doué en info, doué pour créer des documents qui avaient l'air d'être officiels, pour créer des sites bidons qui vous ferait gober n'importe quoi. Il avait monté son affaire d'arnaque aux vacances et Nino était de mèche. Nino c'était celui qui allait au contact du client, qui foutait un costard sur le dos pour faire plus crédible mais personne le trouvait crédible la dedans. Sauf peut être ceux qui y ont perdu pas mal de tune.

Il se tourne vers le grand brun et hausse les épaules pour jouer les naifs. " L'Italie?" il porte son verre à ses lèvres et se permet de boire quelques gorgée avec de lui répondre.  "c'est l'accent qui t'as mis sur la voie champion?" On pouvait pas lui retirer son accent chantant lorsqu'il baragouinait en anglais. Jusqu'à maintenant, ca avait tendance à l'excuser, à le faire passer pour un mec innocent et naïfs un peu paumé au pays des kangourous."Si non, beau match, l'autre fois..." Il ignorait s'il avait fait un match récemment, si même il jouait encore mais se faire passer pour un fan, plus ou moins au fait de sa carrière pourrait radoucir le rugbyman. Nino sentait la tension entre eux et n'avait en aucun cas envie de s’énerver. Il savait surtout que s'il devait s'en prendre une, ca risquait de faire très mal.

Contrairement à ce que beaucoup de gens avaient tendance a penser, tu n’es pas né avec une cuillère en argent dans la bouche, tu as grandi dans une famille aimante mais au revenu modeste, rien de très extravagant, vous n’avez jamais manqué de rien mais ton père tenait à t’inculper des valeurs qui lui semblait essentiel dans la vie. Évidemment les choses sont très différente aujourd’hui, tu gagnes plus d’argent que ce que tu aurais pu rêvé, mais tu es toujours la même personne, celui qui accorde une grande importance aux valeurs de son père. Tu imagines malheureusement que pour certaines personnes tu n’es qu’un pauvre sportif, qui cours avec une balle a la main et qui gagne quelques choses d’indécent pour ça, mais tu imagines également que ces personnes ne cracheraient pas sur une telle somme pour le même boulot. Au début, tu as culpabilisé d’avoir autant d’argent alors que d’autres galèrent mais tu travailles dur et tu estimes que tu n’as pas à t’en vouloir plus que ça ; alors tu te fais plaisir en particulier pour tes vacances et l’été dernier tu as opté pour l’Italie, un pays que tu as toujours rêvé de visiter mais tu n’en avais jamais eu l’occasion alors quand tu as du choisir une destination, ce pays s’est imposé de lui même. Désormais, tu associe ce pays au type qui se trouve devant toi, si ça ne tenait qu’à toi, il se serait déjà pris ton poing dans la figure mais c’est un comportement que tu ne peux pas te permettre – image oblige – tu tentes de rester calme, son air innocent te mets en réalité hors de toi  « On va dire ça... » tu as toujours été physionomiste, alors autant dire que tu n’étais pas prêt d’oublier le visage de la personne qui t’as fait perdre dix milles dollars ; mais il est vrai que tu ne pensais pas le revoir un jour, et encore moins ici à Brisbane. Il fait comme si de rien n’était, sans même t’en rendre compte tu exquise un faux sourire à son compliment  «Tu m’as déjà pris pour un con une fois, ça n’arrivera plus donc tu peux arrêter ce petit jeu » tu as horreur de ça, des personnes qui n’assument pas leur vrai nature et qui font semblant d’être quelqu’un d’autre. Comme tout le monde tu as fait beaucoup d’erreur dans ta vie mais tu les a toutes assumées, sans exception, tu oublies un peu ton verre et ta commande jusqu’à ce que le serveur pose ton verre devant toi  « C’est pour lui » tu dit-en désignant ton nouvel ami italien, tu attrapes ta boisson et plante ton regard dans celui de ce dernier  « On se reverra, très bientôt, on a des choses à régler » autant dire que cette affaire est loin d’être terminée et que ta revanche ne va pas tarder a arriver.  

Nino n'en a vraiment rien à faire que ce mec ai perdu 10, 100, 1000 ou 10 000€. Il savait que c'était qu'un grain de sel dans ses dépenses alors qu'à l'inverse, Nino avait eu sa paie du mois et elle était pas si élevée que ça. Il avait parfois la sensation d'agir comme robin des bois. Voler aux riches pour donner aux pauvres. Et pour ça, il ne regretterait rien, surtout que le pauvre c'était lui. On pourrait lui dire qu'il aurait pu avoir un vie meilleure s'il avait cherché à s'en sortir. On pourrait prendre son frère en exemple mais Nino est pas quelqu'un de très courageux. Finalement, il flippe pas mal de pas savoir où aller, de pas pouvoir contrôler son destin. Il aime manipuler, il aime que les choses files droit et pour lui il y avait qu'à Scampia que c'était possible. Dans ce quartier qu'il connaissait comme sa poche, croisant les personnes qu'il considérait comme sa famille. Personne ne lui donnerait le bon dieu sans confession mais tout le monde l'adorait. C'était le petit caïd qui jouait le gros poisson mais au fond, il était attachant et personne n'osait lui chercher les embrouillas à Scampia. Les vieux du quartier le voyait comme le môme qui courrait en culotte courte dans les ruelles à la poursuite de son grand frère. Scampia, c'était son confort. Il disait toujours vouloir se barrer de là mais jamais il ne l'aurait fait. Jamais avant d'y être vraiment contraint. Jamais avant décembre. Maintenant, il n'était plus le bienvenue là bas, il n'y serait plus chez lui et en même temps, il n'était pas chez lui ici non plus.

La façon qu'à ce Priam de se sentir supérieur fait bien rire Nino. " Tu te trompes mec." répond il quand le rugbyman lui dit qu'il le prend pour un con. Qui oserait prendre pour un con un mec comme lui. Nino devait lever les yeux pour le regarder, il était plus fin que lui et surtout il n'avait pas l'habitude de se faire rentrer dedans toutes les semaines sur un terrain. Mais Nino savait surtout qu'il ne lui ferait rien ici. Il y avait bien trop de monde autour d'eux et un scandale sur un rugbyman qui se bat dans un bar, c'était pas bon pour les affaires. Surtout que les témoins ne pourront pas dire que Nino l'aurait cherché étant donné qu'il ne fait rien de mal.

La générosité de Priam quand le serveur pose son verre sur le comptoir donne à Nino un air satisfait." T'es vraiment un mec sympa! " comme quoi, il devait pas courir tant après son argent s'il se permettait de lui offrir un verre en plus. Mais Nino n'allait bien sur pas cracher dessus. Il prend le verre et le tend vers son interlocuteur qui cette fois, tourne les talons en laissant le jeune italien avec une fausse menace. " J'ai hate de te revoir! " ajouta-t-il avec un sourire sur les lèvres. Il se demandait bien où ils pourraient se revoir. Brisbane semble être assez grand pour ne pas avoir à le recroiser de si tôt. Marchetti boit le verre offert par Strand d'un cul sec, prend sa veste et s'en va.