Elle ne savait pas où accepter une nouvelle invitation de Tony au restaurant la mener. Si elle s’écoutait, elle l’aurait envoyé chier comme lors des deux dernières fois où il a jugé que ce serait une bonne idée de proposer une rencontre pour qu’ils discutent, au lieu de rester sur l’horrible dispute qui a fait rage quelques semaines plus tôt, mais Lene s’était sentie un peu coupable et Tony étant le seul membre de la famille avec lequel elle pourrait qualifier d’avoir une relation, elle se décide à faire une concession. Ça ne l’enchante pas, mais qu’est ce qu’on ne ferait pas pour les gens qu’on aime ? C’est donc forte d’appréhension qu’elle s’est mise en marche pour leur lieu de rendez-vous, cette fois-ci, un restaurant pas trop m’as-tu vu comme il en a l’habitude, ce qui est tant mieux pour elle et le fait marquer un point, pour une fois, elle pourra manger des frites avec les doigts sans choquer personne. Sur la route, elle ne sait pas trop ce qu’elle attend de cette discussion. Il n’y a pas vraiment d’excuse à faire, enfin, elle n’a pas à en recevoir et vu qu’elle n’en fera pas pour ses propos qui bien que limite-limite étaient très franc et criant de raison, elle peut déjà effacer ça sur la liste des choses à se dire. Bien sûr, il pourrait lui dire qu’elle a raison, comme toujours et qu’il a encore fait une connerie. Peut-être même que s’il met les bons mots, elle lui prêtera main forte. Mais Lene n’est pas aussi idiote ou bien rêveuse, il faut toujours trop de temps à Tony pour réaliser qu’il s’est surestimé et là, il lui en faudra bien plus, à la hauteur de sa bêtise elle dirait même. Sur tout le chemin, elle ne peut s’empêcher d’y penser. Evidemment, ça aurait été plus simple de démêler tout ça par texto, mais il avait insisté pour que cela soit un face à face, ce qui clairement sentait le piège pour Lene, mais plutôt que de se méfier, elle se préfère à croire que son frère n’aurait l’idée de lui faire une chose pareille. Ouais, comme quoi, ils sont peut être tous un peu naïf dans cette famille. Elle donne un coup d’pied dans un caillou avant d’arriver, elle hésite à entrer, vraiment, parce qu’elle sait que quoi qu’il arrive la conversation sera pénible et qu’il faudra vraiment aborder le fait que monsieur n’ait pas su même une capote. Elle prend un instant avant d’entrer, étant donné qu’il ne semble pas être là, elle se dit qu’elle peut prendre son temps. Elle ne le fait pas et se décide à crever l’abcès en passant la porte. Ça la fait cruellement chier, mais qu’est-ce qu’elle ne ferait pas pour Tony. Elle n’attend pas avant de s’asseoir là où un banquette est libre. Un coup d’œil, Tony est en retard, ce qu’elle ne manque pas de lui signaler dans un texto. Pendant ce temps, il y’a la fille sur la banquette d’à côté qui la dévisage bizarrement. Lene fait mine de ne pas l'avoir vu, mais ça l’agace quand même et toujours sans réponse de Tony, elle ne peut s’empêcher de ressentir le besoin de passer la petit bout de colère qui arrive sur quelqu’un, agressive, elle demande. « Quoi ? T’as besoin d’une photo ? Je croyais que les blondes avaient toujours la tête en l’air ! » Elle soupire, avant de sortir la carte, tant pis, si Tony paye, alors elle commandera un truc cher.
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C’était le cœur battant que je me décidais à pousser la porte du Burrow. Courage ! J’essayais de me booster mentalement et de me calmer peu à peu. Après tout, je ne risquais pas grand-chose n’est-ce pas ? Fébrile, je m’avançais et aussitôt un serveur venait me prendre en charge, m’installant sur une banquette à une table, lorsque je lui indiquais que j’attendais quelqu’un d’autre. Contrairement à ce que j’avais essayé de me persuader, entrer dans le restaurant n’avait fait qu’augmenter le stress que je ressentais à cet instant précis. Les quelques minutes d’avance que j’avais prise sur l’heure de rendez-vous ne seraient donc pas inutiles et me permettraient de me détendre un peu. La mâchoire toujours serrée, j’essayais tant bien que mal de respirer lentement et de me souvenir des raisons précises qui m’avaient poussées à accepter de rencontrer la sœur de Tony sans qu’il soit là à mes côtés. Je tentais de me souvenir avec précision des raisons qu’il avait avancé quelques jours plus tôt, mais étrangement plus aucune ne me semblait réellement valable et je me demandais de plus en plus pourquoi il n’était pas ici, avec moi. Il n’aurait tout de même pas le culot de me jeter délibérément dans la gueule du loup, si ? Pourtant, une discussion avec Camber me faisait de plus en plus douter de mon petit-ami : « Tu devrais avoir une discussion à leur sujet avec Tony. Si tu veux mon avis, tous ne seraient pas forcément enjoués à l’idée d’avoir une place aussi importante dans la vie du bébé » avait-elle laissé échapper à propos du frère et des sœurs de Tony. Comme si cela était encore possible, je sentais l’angoisse monter en moi, mon estomac se tordre, ma gorge se nouer alors que mes mains moites commençaient à trembler. Les surprises, les évènements inattendus, ce n’était vraiment pas pour moi. Je gérais assez mal les situations de crises et les imprévus qui avaient plutôt tendance à me paralyser qu’à faire sortir le meilleur de moi-même. Et ce trait assez handicapant de ma personnalité n’était pas aidé par ma récente grossesse. Si l’annonce en soi avait été un réel choc, c’était encore pire de vivre avec l’idée d’un petit Tony grandissant en moi. Serais-je seulement capable de mener à bien cette grossesse ? Serais-je une mère aussi incompétente que la mienne ? Serait-il au moins en pleine santé ? Et mon couple avec Tony au milieu de tout ceci ? Tant de questions qui ne trouvaient pas de réponses et que Tony se contentait de rejeter d’un bref mouvement de la main quand je me décidais à les poser à voix haute. Parfois, j’enviais son lâcher prise.
L’attente, était pire que tout. D’autant plus que je n’étais pas certaine d’être capable de reconnaître Lene si je l’apercevais. J’avais eu seulement l’occasion de l’apercevoir sur les photos de famille de Tony, dont la plupart dataient de plusieurs années en avant. J’avais posé quelques questions à Tony au sujet de sa sœur, curieuse d’en savoir un peu plus avant de la rencontrer en chair et en os, mais une fois de plus, il était resté évasif sur le sujet. Etait-ce annonciateur d’une mauvaise nouvelle ? Je commençais de plus en plus à le croire. Le serveur était revenu vers moi pour me demander si je souhaitais prendre quelque chose à boire pour patienter et je me laissais aller à lui demander un verre d’eau. Je jouais nerveusement avec un cordon de ma robe. J’avais opté pour cette dernière parce qu’elle dissimulait efficacement mes premières rondeurs de femme enceinte, permettant de cacher à ma grossesse à quiconque n’était familier avec ma silhouette habituelle. C’était déjà suffisamment étrange de rencontrer la sœur de Tony, de lui annoncer que nous vivions désormais tous les deux ensembles à des milliers de kilomètres de chez moi, après seulement un an et demi de relation parce que j’étais enceinte de plusieurs mois. Je ne voulais pas non plus lui imposer la vue de mon ventre rebondi. Finalement, le bruit de la porte du restaurant qui s’ouvrait me détournait de mes réflexions. Une jeune femme entrait dans le restaurant et venait s’installer sur la banquette non loin de moi et je ne pouvais m’empêcher de la fixer puisqu’elle avait une silhouette cohérente avec celle de Lene. Son visage et ses traits ressemblaient à ceux de Tony et à ce que j’avais pu apercevoir sur les photos. Je ne me rendais pas compte tout de suite que je la fixas étrangement jusqu’à ce que son regard croise le mien et qu’elle s’adresse à moi, sèchement : « Quoi ? T’as besoin d’une photo ? Je croyais que les blondes avaient toujours la tête en l’air ! » Je restais un peu sonnée sur le coup, prise de court par sa réaction vive. J’étais tellement prise de court que je ne me vexais même pas à sa remarque pourtant très limite concernant ma couleur de cheveux. J’avais de plus en plus l’impression que la fille qui se trouvait face à moi était celle que j’attendais depuis plusieurs minutes et je n’avais jamais autant espéré avoir tort qu’à cet instant. Les choses promettaient… « Euh… Non excusez-moi » répondis-je. « J’ai juste l’impression que c’est vous que j’attends. » Face au regard un peu dédaigneux de Lene, j’hésitais un instant à poursuivre, pas réellement sûre d’apprendre que j’avais bien Lene face à moi. Il était encore temps pour moi de faire demi-tour. Pourtant, je restais là, incapable de me carapater. Il faudrait bien que j’affronte les frères et sœurs de Tony un jour. « A tout hasard, ne seriez-vous pas Lene Adams ? La sœur de Tony Adams ? » lui demandais-je finalement, ayant un peu de mal à soutenir son regard.
Elle est tendue, et ça se voit. Le fait qu’elle n’aime pas attendre n’arrange rien à la situation et plutôt que de profiter de l’attendre pour trouver le calme, elle se met rapidement en quête de quelqu’un sur qui aboyer. Evidemment, son aîné a déjà pris cher par texto, mais le fait qu’il ne réponde pas ne l’aide pas à être calme. Elle sent qu’elle est venue là pour rien, et c’est encore pire. Un coup d’œil à l’horloge dicte de tout de même à sa raison de ne pas partir au quart de tour, que peut-être, il est juste très en retard, ce qu’elle compte bien lui faire payer sauf qu’en attendant, c’est sa voisine de table qui prend. Lene, sans filtre, frôle l’agression verbale, et pour cause, il faudrait que cette fille arrête de l’observer dans un moment où elle sent qu’elle pourrait commettre un fratricide. « Euh… Non excusez-moi » lui demande alors l’autre blonde, Lene est déçue que sa remarque ne l’ait pas détournée d’elle. « J’ai juste l’impression que c’est vous que j’attends. » Une grimace prend forme sur le visage de Lene. Qu’est ce qui lui fait croire ça ? Rapidement, elle rétorque. « Je ne crois pas, moi, c’est pas vous que j’attends. » Elle est clairement odieuse et elle se rend compte que cette fille prend pour le retard de Tony, mais après tout, qu’est-ce que le bien être d’une inconnu a à voir avec elle ? Elle jette un nouveau coup d’œil à la porte, mais non, des gens entre mais pas de visages familiers. Elle soupire. Il se rend pas compte de la colère qu’elle accumule quand il fait un coup comme ça, et qu’elle renvoie toujours la monnaie de sa pièce. « A tout hasard, ne seriez-vous pas Lene Adams ? La sœur de Tony Adams ? » La question de la demoiselle arrête ses pensées, le petit plan de vengeance qu’elle commençait à fomenter. Elle jette un coup plus en détail à la fille. Elle se dit qu’il n’a pas pu faire ça. « Si, c’est moi. » répond t-elle, un peu rageuse, un peu froide. « Il ne viendra pas c’est ça ? » Pure rhétorique. Elle sait qu’il ne viendra pas. Elle ne sait pas ce qui lui est passé par la tête, mais il a intérêt à ne pas faire le fier après ça parce qu’il va en entendre parler. Elle soupire à nouveau, sans ménagement et sans honte de montrer à la jeune blonde que ça la fait clairement chier d’être là, et après un temps de silence, elle se décide à la rejoindre sur sa banquette. Après tout, on va pas demander à la meuf qui a le ballon de se bouger. Elle s’installe de manière très relax sur sa nouvelle banquette avant de lâcher très franchement. « ça te fait rien à toi de te retrouver à vivre avec un gros lâche dans son genre ? » Elle ne sait pas quel est le but de cette entrevue, est-ce qu’elle est censée jouer la future tata très heureuse ou s’il l’a envoyé pour être infecte avec la blonde et la faire sortir de sa vie ( sisi, cette option fait parfaitement sens aux yeux de Lene, Tony pourrait très bien lui faire faire le sale boulot ) « Je sais pas pourquoi il m’a demandé de venir mais c’est pas glorieux de te laisse seule avec moi. Il t’a pas raconté la dernière fois qu’on s’est vu ? »
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Plus les minutes passaient et plus mon subconscient essayait de me convaincre que quelque chose était en train de se tramer. J’avais, de plus en plus, la sensation désagréable que Tony avait oublié de mentionner quelque chose d’important. Je le soupçonnais de m’avoir en quelque sorte jetée dans la gueule du loup, non seulement sans me prévenir mais sans me laisser le temps de me préparer à affronter sa sœur, qui semblait avoir un sacré caractère. Alors que je la fixais et que celle-ci m’aboyait dessus, je finissais par m’excuser avant de lui dire que j’avais l’impression que c’était, en fait, elle que j’attendais depuis toute à l’heure. « Je ne crois pas, moi, c’est pas vous que j’attends. » lâchait-elle aussitôt, brute de décoffrage. Je pinçais les lèvres avant d’inspirer un grand coup, pour me donner un peu de courage afin d’affronter ce qui m’attendait. De toute évidence, mon sixième sens n’avait pas failli et je me retrouvais donc dans la situation que je redoutais en arrivant ici. Je me félicitais intérieurement d’avoir pensé à mettre cette robe qui dissimulait ma grossesse à tout œil qui n’était pas aiguisé et je finissais par prendre mon courage à deux mains. Il était temps d’abattre mes cartes, de rencontrer la sœur de Tony. Si je ne le faisais pas pour moi, ni pour lui (de toute évidence, monsieur allait avoir droit à une scène de ménage en règle en rentrant ce soir), il fallait au moins que je le fasse pour ce petit être qui grandissait en moi et qui portait un peu de sang Adams en lui. Déterminée à abréger mes souffrances, je me lançais, demandant clairement à la jeune femme si elle n’était pas la sœur de Tony. Aussitôt, Lene se figeait et je savais à cet instant que je venais de viser juste. Je comprenais tout à coup beaucoup mieux pourquoi Tony s’était montré très évasif en répondant à mes questions sur sa sœur cadette la veille au soir. J’avais d’ailleurs l’intime conviction que je venais en fait de rentrer la sœur de Tony qui serait le moins disposée à faire de mon arrivée dans la famille Adams, un événement sans douleurs et sans histoires. « Si, c’est moi. » avouait-elle finalement, glaciale. « Il ne viendra pas c’est ça ? » me demandait-elle alors et je me contentais de pincer les lèvres, en secouant négativement la tête. Bien sûr qu’il ne viendrait pas. Il s’était assuré d’être occupé ce midi, pour ne pas avoir à se trouver ici quand les hostilités commenceraient. Il était beau le futur père de famille. Et à mesure que je comprenais ce qui était en train de m’arriver, que je prenais conscience que c’était quelque chose de tout à fait planifié par mon adorable petit-ami, la colère qui montait en moi m’en faisant presque oublier mes angoisses du départ. « Je suppose que vous ne vous attendiez pas à ce que je sois là » en déduis-je peu à peu. Clairement, c’était la guerre que Tony venait de déclarer et il ne savait pas ce dont était capable une femme furax contrôlée par les hormones. Les soupirs de déception et d’agacement de Lene ne m’atteignaient même plus, à ce stade de la conversation. « Ça te fait rien à toi de te retrouver à vivre avec un gros lâche dans son genre ? » me demandait alors Lene. Et sans préavis, je me mettais à rire, un rire que je n’avais même pas vu venir. « Je ne suis pas certaine que Tony survive à cette journée, pour être honnête. » répondis-je finalement, après m’être calmée. Pourtant, le jeune homme connaissait parfaitement mon goût pour les surprises, mes doutes quant à ma grossesse et à notre future vie et mes angoisses à l’idée de rencontrer sa famille. Pourtant, il n’avait pas hésité un seul instant à élaborer un plan machiavélique pour nous faire nous rencontrer avec Lene. « Je sais pas pourquoi il m’a demandé de venir mais c’est pas glorieux de te laisser seule avec moi. Il t’a pas raconté la dernière fois qu’on s’est vu ? » concluait finalement Lene et je secouais une fois de plus la tête négativement. « Étrangement, Tony n’était pas très loquace à propos de sa famille lorsque je lui posais des questions ces derniers jours. Quel merdeux, j’en reviens pas ! » lâchais-je finalement, extériorisant mes pensées. « J’espère qu’il ne m’a pas laissé le plaisir de t’annoncer la raison de notre arrivée à Brisbane, au moins ? » demandais-je alors à Lene, tout à coup prête à douter de Tony sur tout ce qu’il avait pu me raconter. Clairement, je n’avais pas envie d’être celle qui allait annoncer à la jeune femme que j’étais en fait enceinte de son frère. Non pas que je n’assumais pas ce bébé, ou l’erreur que nous avions dû commettre le soir de sa conception, mais comme première approche auprès de ma belle-famille, il y avait mieux que l’annonce de ma grossesse. « Ecoute, je suis désolée. Ce n’était vraiment pas comme ça que j’espérais te rencontrer » soupirais-je, amère. « Mais bon, les choses sont ce qu’elles sont alors… Ravie de faire ta connaissance, moi, c’est Eleanor Donovan. Mais tout le monde m’appelle Elea » Je lui tendais ma main, avec un petit sourire contrit. Il était désormais temps de faire avec les moyens du bord et de sauver les apparences. Clairement, aucune de nous deux ne semblait enchantée de se trouver là, il n’y avait donc qu’à faire en sorte de terminer tout ça le plus rapidement possible.
Elle est décontenancée. Elle est capable d’imaginer beaucoup de chose venant de Tony, le jeune homme a toujours été particulièrement imaginatif en ce qui concerne les situations chiantes dans lesquelles fourrer Lene, mais là, il avait posé un niveau et en observant sa bonne femme qu’elle n’avait eu l’intention de rencontrer, elle ne peut s’empêcher de se dire que si elle laisse passer ça, il serait très capable d’ajouter Eva à l’équation, et c’est ce qui rend ce piège encore pire à ses yeux. Désormais, il ne reste à Lene que de décide quel sera son prochain mouvement. Elle se fait rapidement au fait que Tony ne viendra pas. La fuite est une option, elle ne s’est pas engagée à rencontrer cette fille, si Tony ne vient pas, pourquoi resterait-elle ? Mais, Lene ne fuit jamais. Alors même si ça la fait chier, elle quitte sa banquette pour s’installer en face de la blonde et interagir avec elle, ce n’est pas pour autant qu’elle compte faire semblant. « Je suppose que vous ne vous attendiez pas à ce que je sois là » Au moins, elle semble être douée de déduction, on aura pas tout perdu. Lene prend la parole et pose déjà des questions sans filtres à Eleanor, après tout vu le coup que Tony vient de faire, elle est en droit de poser des questions sur sa lâcheté. « Je ne suis pas certaine que Tony survive à cette journée, pour être honnête. » dit-elle, ce qui ne fait pas rire ou sourciller Lene pour autant. Elle ne détache pas son regard d’elle en s’disant qu’elle a l’air en tout point comme elle l’a imaginé : certainement stupide. Lene préférait être honnête d’ailleurs, ce n’est certainement pas une excellente idée de lui avoir foutu Eleanor sous le nez. Elle n’est d’ailleurs pas plus étonnée de constater qu’il n’a rien de leur entrevue. Elle soupire, il n’a même pas cherché à lui donner tort. « Étrangement, Tony n’était pas très loquace à propos de sa famille lorsque je lui posais des questions ces derniers jours. Quel merdeux, j’en reviens pas ! » Bien polie cette demoiselle. « J’espère qu’il ne m’a pas laissé le plaisir de t’annoncer la raison de notre arrivée à Brisbane, au moins ? » Lene hoche la tête. Non, qu’elle se rassure, elle est bien au courant et c’est bien d’ailleurs la raison qui fait qu’elle n’avait aucune envie de cette entrevue. C’est pas qu’elle a envie de se la jouer vieille conne avec leur batard mais, pour elle, c’est une énorme erreur que d’avoir un enfant et elle n’en démordra pas. Au final, elle en vient à éprouver pas mal de pitié pour la jeune femme assise en face d’elle. « Ecoute, je suis désolée. Ce n’était vraiment pas comme ça que j’espérais te rencontrer » Elle arque un sourcil. Pourquoi Tony ne lui a pas dit la vérité ? Pourquoi toujours lui donner le rôle de la méchante ? « Mais bon, les choses sont ce qu’elles sont alors… Ravie de faire ta connaissance, moi, c’est Eleanor Donovan. Mais tout le monde m’appelle Elea » Elle baisse les yeux sur la main qu’elle lui tend et hésite à la prendre. Elle se résigne à le faire, ne voulant pas non plus paraître de mauvaise foi. « Lene, mais ça tu le sais déjà. » répond t-elle en s’demandant ce qu’elle peut bien avoir à lui dire. Rien. « Du coup, je dois comprendre que tu n’as pas encore rencontré le reste de la smala ? » Du moins, c’est ce qu’elle comprenait de ses propos. Et puis, elle est certaine que si ça avait été le cas, on l’aurait mis en garde contre elle. « C’est intelligent de la part Tony, au moins tu ne me rencontres pas pleine de préjugés mais il aurait quand même du te parler de l’échange que j’ai eu avec lui et je préfère être honnête avec toi, la conversation ne s’est pas bien passé. » explique t-elle avant de marquer une pause. « Non parce que ça. » Elle trace un cercle du doigts en pointant Eleanor. « C’est une très mauvaise idée. Encore plus pour toi que pour lui, tu n’as aucun intérêt à continuer là-dedans. Je connais mon frère. Il est très gentil, il ne pense jamais à mal, mais c’est un faible. »
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C’était clairement une situation assez embarrassante. J’étais ici, me faisant violence pour rencontrer quelqu’un qui ne savait pas qu’elle devait me rencontrer et qui, de toute évidence, n’en avait pas la moindre envie. Heureusement, la déception vis-à-vis de l’attitude de Tony et la colère de savoir qu’il m’avait menti (nous avait menti à toutes les deux pour forcer les choses), m’empêchaient de m’angoisser. Pourtant, une petite voix dans un coin de ma tête ne pouvait s’empêcher de se demander ce que cela donnerait avec les parents Adams, quand on songeait que c’était déjà tendu avec la petite sœur. Cette situation était un véritable cauchemar et si Tony se montrait particulièrement rassurant et sûr de lui, ce n’était pas mon cas. Je n’étais pas idiote et je savais bien à quoi les choses ressemblaient d’un point de vue extérieur. J’étais étrangère, issue d’une famille modeste et monoparentale et enceinte jusqu’au cou d’un jeune homme australien d’une famille réputée de Brisbane. N’importe qui aurait fait l’amalgame : j’étais la potiche qu’un jeune homme de bonne famille avait mis en cloque. Pourtant de mon point de vue, de celui de Tony les choses étaient tellement différentes, tellement plus profondes. Nous avions vécu beaucoup de choses en l’espace d’un an et je voulais vraiment croire que nous pouvions surmonter cette épreuve à deux. Il suffisait que je prenne mon mal en patience. A mesure que j’écoutais Lene cependant, des doutes naissaient en moi quant à Tony. J’avais l’impression qu’elle parlait d’une toute autre personne que celle avec qui je partageais ma vie depuis plus d’un an. Et pourtant, ce Tony que je croyais connaître ne m’aurait sûrement jamais laissé affronter Lene seule pour la première fois. J’en venais même à douter du fait qu’il ait pu lui annoncer la véritable raison de notre arrivée à Brisbane : notre bébé. Je ne pouvais retenir un petit soupir de soulagement lorsqu’elle secouait négativement la tête avec une moue qui m’indiquait clairement qu’elle savait tout de ma condition actuelle. Et comme de toute évidence, Lene n’était pas particulièrement enjouée à l’idée de devenir tante, je n’ajoutais rien à propos de cet enfant, retenant même un geste vers mon bas-ventre, petit réflexe que j’avais lorsque j’évoquais le petit être qui grandissant de jours en jours entres mes reins. Sentant néanmoins que si je n’alimentais pas un minimum la conversation, Lene, elle ne lâcherait pas un seul mot de plus, je me décidais à me présenter en bonne et due forme à la jeune femme, en lui tendant une main qu’elle hésitait à serrer. « Lene, mais ça tu le sais déjà. » répondait-elle finalement, d’un ton parfaitement neutre. Alors que cette entrevue devait au moins être embarrassante pour moi qu’elle l’était pour Lene, je ne pouvais pas croire que nous puissions en rester là-dessus. A quoi ressemblerait nos prochaines rencontres ? Si prochaines rencontres il y avait… Au regard de la façon dans les choses se déroulaient avec Lene, je commençais de plus en plus à douter de tout ce qui faisait ma relation avec Tony, à tel point que j’en avais le vertige. J’avais abandonné tellement de choses pour offrir une chance à cet enfant de grandir dans une famille stable et dans de bonnes conditions. « Du coup, je dois comprendre que tu n’as pas encore rencontré le reste de la smala ? » demandait finalement Lene, me tirant de mes pensées qui redevenaient angoissées. Je secouais alors négativement la tête. « Non pas encore. Et je t’avoue que notre entrevue me fait encore plus redouter les suivantes. » C’était là l’avantage avec Lene : bien que j’étais consciente qu’elle se fichait éperdument de mes états d’âmes et que mes inquiétudes ne lui faisaient ni chaud, ni froid, je savais néanmoins que je n’avais pas besoin de jouer un quelconque rôle fasse à elle. J’étais presque certaine qu’elle ne se vexerait pas parce que j’avouais que notre rencontre était un fiasco total. La jeune femme semblait être, elle-même, tellement nature et sans filtres que je pouvais me permettre de lui dire la vérité, non sans m’exposer à son avis sur la question, mais au moins il n’y aurait pas de non-dits entre nous. « C’est intelligent de la part Tony, au moins tu ne me rencontres pas pleine de préjugés mais il aurait quand même dû te parler de l’échange que j’ai eu avec lui et je préfère être honnête avec toi, la conversation ne s’est pas bien passé. » continuait alors Lene. « De toute évidence, oui… » acquiesçais-je, définitivement persuadée que oui, Tony aurait dû me parler de tout soucis avant de m’envoyer dans la gueule du loup. Mais l’attitude de Lene depuis le tout début me laissait bien comprendre qu’en effet, elle n’approuvait pas ce que nous étions en train de faire. Je ne savais pas encore exactement la nature de ce désaccord. Etait-ce simplement parce que selon elle, tout était beaucoup trop précipité ? Etait-ce parce qu’elle pensait que je ne venais pas ici pour les bonnes raisons ? Que j’avais une idée derrière la tête liée à sa famille ? Etait-ce seulement qu’elle n’approuvait pas ma relation avec Tony, compte tenu que j’étais irlandaise et clairement pas issue du même milieu qu’eux ? Ou simplement parce que ce bébé la dérangeait ? « Non parce que ça. » continuait-elle, me donnant la réponse à mes questions en désignant mon ventre arrondi par la grossesse. « C’est une très mauvaise idée. Encore plus pour toi que pour lui, tu n’as aucun intérêt à continuer là-dedans. Je connais mon frère. Il est très gentil, il ne pense jamais à mal, mais c’est un faible. » achevait-elle, me laissant un peu sous le choc. « Un faible ? C’est-à-dire ? » ne pouvais-je m’empêcher de reprendre, l’étonnement se faisant clairement entendre dans ma voix. De tous les adjectifs que j’aurai utilisé pour qualifier Tony, faible était bien le dernier. Non pour moi quelqu’un de faible, c’était quelqu’un qui fuyait à la moindre complication, qui ne faisait pas les efforts nécessaires pour faire ce qui lui tenait à cœur et réussir dans la vie. Pourtant Tony était un jeune homme brillant, qui menait aujourd’hui une brillante carrière politique et qui n’avait pas hésité à quitter l’Irlande avec moi pour permettre à notre enfant d’évoluer dans un certain confort de vie. Pourtant, un soir en particulier me revenait en tête à l’évocation du mot faible : celui où j’avais annoncé à Tony que j’étais enceinte de lui, annonce suite à laquelle il avait disparu pendant plusieurs jours avant de finir par revenir auprès de moi pour assumer son rôle. « Oh. » laissais-je échapper, malgré moi à l’évocation de ce souvenir que j’avais pourtant consciencieusement choisi d’enterrer au fond de ma mémoire. Si c’était de ce genre de faiblesse dont Lene voulait parler, je n’étais pas certaine de vouloir entendre ce qu’elle avait à me dire.
Elle reste fidèle à elle-même. Peut-être s’autorise t-elle une pointe d’effort, mais pas pour l’effort en soi, plutôt pour se persuader qu’elle a été sympa compte tenu de la situation et qu’on ne pourra rien lui reprocher à la suite de cette conversation. Elle se sera assises en face d’elle, elles auront papoté et échangé des banalités. Qui dira après ça que Lene est de mauvaise foi ? Personne, elle l’espère bien. Et pourtant, ce geste qu’elle a – parce que pour elle, il s’agit d’un geste – ne l’empêche d’être cruellement franche et de ne pas essayer de ménager la femme face à elle. Après tout, si elle voulait la connaitre, elle pouvait déjà en déduire le principal. Elle use un ton neutre. Elle n’a pas besoin de montrer plus qu’elle n’aime pas ce genre d’entourloupe, elle suppose qu’Eleanor a assez de neurone pour trouver ça toute seule. Et puis, si elle a déjà vu ses parents, ça ne ferait que l’aider encore plus. Ce point, Lene n’en est pas sûre pour autant. « Non pas encore. Et je t’avoue que notre entrevue me fait encore plus redouter les suivantes. » Elle n’a pas tort. C’est peut-être d’ailleurs là que se trouve le seul point intelligent dans la démarche de Tony parce même si une part d’elle accuse sa lâcheté, une autre part, attachée à son frère essaie de lui chercher des excuses. « Tu tomberas de moins haut comme ça. » fait-elle remarquer avec cynisme, après tout, si elle s’attendait à cinq paires de bras ouvert, c’était mal connaître les Adams. Mais bon, peut-être on t-ils changé en six ans. (Non, elle en doute) Elle se permet tout d’même d’applaudir l’initiative du grand frère, si les rencontre s’étaient passés dans l’ordre inverse, Lene aurait été qualifiée de tous les noms sans qu’Eleanor ait son propre avis (qui ne sera probablement pas plus glorieux cela dit) « De toute évidence, oui… » Elle confirme que Tony n’a pas osé raconter leur dernière conversation, ce qui provoque un soupir chez Lene, pourquoi les gens n’essaient jamais de lui prouver qu’elle puisse avoir tort ? Pourquoi Tony a-t-il fait le lâche encore ? Elle ne tarde pas à expliquer ce qui la dérange. En soi, le fait que Tony fasse n’importe quoi de sa vie, qu’il s’enferme dans une famille qu’il n’est pas prêt à avoir et que malheureusement pour elle, la jeune femme en face d’elle ne soit que le dommage collatéral de l’illusion que son grand frère se fait sur sa prétendue maturité. Elle décide de la mettre en garde. Ses mots sont forts, certes, mais sa grande honnêteté ne l’aide pas à trouver un autre qualificatif que « faible » « Un faible ? C’est-à-dire ? » demande t-elle, amenant Lene à lever les yeux au ciel. « Tu parles pas la même langue que moi ou quoi ? » Non, parce qu’elle n’allait tout d’même pas lui définir le mot. Faible. C’est pourtant simple, faible comme dans tu t’es faite engrossée par un lâche, débarasse t’en avant de finir ta vie à faire taire ton moutard au fin fond d’une caravane. C’était la grosse évidence pour Lene. Puis, soudainement, Eleanor semble voir où elle veut en venir. . « Oh. » fait-elle comme si ça venait de la heurter. Lene ne fait que soupirer et lever les yeux au ciel devant tant de mauvaise volonté. Elle tente de se reprendre. « Je vois qu’il t’a déjà montré ce dont je te parle. » Okay, peut-être devrait-elle arrêter le cynisme, là, c’est vraiment pas sympa, même pour elle. « Si je devais te donner un conseil. Ponds un fils, t’auras l’intérêt de mon père et même si Tony se barre, il assumera à sa place et fera en sorte que le gosse vive décemment. Papa a fait ça toute sa vie de couvrir le manque de maturité de Tony. » fait-elle remarquer avant d’ajouter d’un air détaché. « Enfin, tu peux encore décidé de pas le pondre, mais je sais que vous les irlandais, vous êtes hyper touchy quand il s’agit de ça et puis t’as l’air d’être de ces nanas qui ne pensent qu’au glorieux jour où un moutard leur sortira d’entre les cuisses donc. Mise tout sur daddy »
She didn't need to be saved. She needed to be found and appreciated, for exactly who she was.
« Tu tomberas de moins haut comme ça. » répliquait Lene lorsque je lui annonçais que c’était la première Adams que je rencontrais en dehors de Tony et que, par conséquent, j’appréhendais la suite. Sa réponse, bien loin de me faire rire ou de me rassurer, me conforta dans les craintes que j’avais jusqu’ici. Il y a donc tout à parier que les parents de Tony me considèreraient comme une arriviste de première qui profitait de leur fils pour mettre le grappin sur la fortune familiale en jouant la carte de la femme enceinte. Et à ce stade de la conversation avec Lene, je m’attendais presque à ce que les parents puissent me demander d’effectuer un test de paternité pour bien confirmer que ce bébé était celui de Tony et non pas d’un autre type. Je commençais à me demander si cette idée de venir ici, en Australie, à l’autre bout de mon chez moi, pour permettre à cet enfant de grandir dans un environnement sain et sans manquer de rien, n’était pas la plus mauvaise idée que je n’ai jamais eue. J’avais l’impression désagréable d’être dans une voiture lancée à pleine vitesse et qui fonçait droit vers un mur, sans que je ne puisse rien y faire. Ce n’était définitivement plus moi qui maitrisait la situation, ici, à Brisbane, c’était le terrain de Tony et du reste de la famille Adams. Je secouais la tête, pour réprimer les pensées de plus en plus alarmistes qui me venaient à l’esprit à l’instant même. Ce n’était pas le même, face à Lene, de faire une crise de panique parce que j’étais certaine que cela n’arrangerait pas mon cas. De toute façon, la jeune femme ne semblait pas avoir noté mon trouble, elle continuait de me poser des questions, évoquant alors la faiblesse d’esprit de Tony, ce qui me surpris sur le coup : « Tu parles pas la même langue que moi ou quoi ? » répliquait-elle avec son tact et son amabilité naturelle. Mais les piques de Lene ne m’atteignaient pas, parce qu’une pensée bien triste étaient parvenues à se frayer un chemin à travers le reste de mes pensées. « Je vois qu’il t’a déjà montré ce dont je te parle. » concluait-elle face à mon absence de réponse. La facilité avec laquelle Lene comprenait la nature des pensées que j’avais eue, m’effrayait un peu. Avait-elle vraiment raison ? Est-ce que le Tony que j’avais découvert ce soir-là, était réellement Tony ? Cette impression de sécurité que j’avais au creux de ses bras étaient-elle entièrement simulée ou exagérée par mon cerveau paniqué en manque de repères stables ? « Si je devais te donner un conseil. Ponds un fils, t’auras l’intérêt de mon père et même si Tony se barre, il assumera à sa place et fera en sorte que le gosse vive décemment. Papa a fait ça toute sa vie de couvrir le manque de maturité de Tony. » A mesure que Lene parlait, la fausse sérénité que j’affichais précédemment s’effritait peu à peu, laissant place à des doutes et des questions sans réponses. La sœur de Tony exagérait-elle les défauts de Tony, dans l’espoir de me faire peur et d’être débarrassée de moi ? Si c’était le cas, elle avait réussi à son coup parce que j’étais de moins en moins sûre de toutes les décisions que nous avions prises avec mon petit-ami. Ma main était posée de façon presque protectrice que mon ventre arrondi. J’ignorais encore si c’était une fille ou un garçon puisque nous avions demandé à garder la surprise avec Tony. « Et, par simple curiosité, comment les choses se passeraient s’il s’avérait que c’était une fille ? » J’évitais de relever la partie qui concernait Tony, ne souhaitant surtout pas poser de questions à ce sujet à Lene, uniquement de peur d’entendre ce que je redoutais. « Enfin, tu peux encore décider de pas le pondre, mais je sais que vous les irlandais, vous êtes hyper touchy quand il s’agit de ça et puis t’as l’air d’être de ces nanas qui ne pensent qu’au glorieux jour où un moutard leur sortira d’entre les cuisses donc. Mise tout sur daddy » enchaînait-elle finalement. A cet instant précis, je n’avais même pas la force d’être un tant soit peu vexée par les propos de la jeune femme, pourtant loin d’être politiquement corrects. Mais mon cerveau se posait un milliard de questions différentes et je commençais peu à peu à paniquer. Pourquoi Lene s’évertuait-elle à parler comme si Tony allait déserter ? Elle avait évoqué leur dernière conversation en date et le fait qu’elle ne s’était pas bien déroulée. Etait-ce parce que Tony lui avait avoué ne pas être prêt à élever cet enfant qui était pourtant le sien ? J’étais soudainement prise de nausées et cela n’avait rien à faire avec la grossesse. « Je… » Je commençais à trembler, le souffle court, j’étais à deux doigts de la crise de panique, rassemblant le peu de concentration qu’il me restait pour tenter de me contenir. Je ne parvenais cependant même pas à exprimer ce que je voulais dire. La vérité, c’était que même si c’était sûrement la meilleure solution à prendre, je n’étais pas capable de la prendre. Je n’avais pas assez de courage pour mettre un terme à ma grossesse ou même envisager de faire adopter ce petit-être qui grandissait en moi. Peut-être étions-nous un couple de fragiles après tout. L’idée même m’en rendait malade. J’avais toujours voulu que cet enfant ne connaisse pas l’enfance que j’avais moi-même connu, élevée dans la banlieue modeste de Dublin par une mère à côté de la plaque qui ne s’était jamais vraiment remise du départ du père. Je me refusais d’offrir cet avenir à mon enfant et à moi-même. « Je ne me sens pas très bien, je reviens. » avais-je lâché à Lene avant de me lever de mon siège, fébrile pour gagner rapidement les toilettes du restaurant. Je m’enfermais dans la cabine pour m’adosser à la porte, fermant les yeux en essayant de respirer à pleins poumons, avec la désagréable impression que pourtant l’air me manquait. Après quelques minutes, parvenant à respirer un peu mieux, je sortais pour m'observer dans un miroir, découvrant ma tête de déterrée. Des larmes avaient perlé aux coins de mes yeux, que j'essuyais rageusement avant de prendre une grande inspiration avant de sortir des toilettes pour rejoindre Lene à notre banquette. « Excuse-moi. » lui dis-je en m’asseyant de nouveau face à elle. « Merci de ton honnêteté » lui dis-je alors. Je ne savais pas encore quoi penser de ce qu'elle venait de m'apprendre, il allait donc falloir que je discute de tout ceci avec Camber ou même avec Tony afin de me forger ma propre opinion. Mais au moins, son franc parler était appréciable, bien que difficile à encaisser.
Elle peut voir le visage d’Eleanor se décomposer sous ses yeux et ne ressentir aucune culpabilité. Comme elle lui a dit, au moins, elle saura parce qu’elle ne pense pas que Tony lui ait prévenu qu’une rencontre avec le reste de sa famille allait davantage ressembler à jeter de la viande fraiche au milieu des lions. Lene se surprend un peu en réalisant qu’elle est quand même vachement avenante en faisant ça et qu’elle n’aurait jamais cru qu’elle finirait par lui rendre service. (Oui, tout est relatif) Alors elle poursuit ses mises en gardes, sur Tony, la famille, tout ça. Grosso modo, on a compris : elle prédit que tout ça finira en gros désastre. Elle n’a absolument aucune confiance quant au fait que Tony puisse assumer quoi que ce soit comme un adulte, et elle a encore moins confiance dans le fait qu’il soit capable un jour de s’investir dans une réelle relation et de ne pas aller butiner ailleurs. Eux, enfant Adams ne sont aucunement fait pour la monogamie et c’est un trait de caractère qu’elle a toujours su qu’elle partageait avec lui. Le visage d’Eleanor continue d’afficher une mine de plus en plus triste au fur et à mesure que Lene parle, elle le voit, mais elle ne réagit pas en conséquence ou ne cherche même pas à adapter son discours pour arrêter d’effrayer la future maman. Lene, elle dit la vérité, elle sait que son père ne risquerait pas d’avoir un scandale et que malgré tout, il est capable de couvrir les erreurs de son fils, un peu comme il avait couvert les siennes quelques années auparavant, d’une manière rageante à laquelle Lene s’efforce de ne pas penser. « Et, par simple curiosité, comment les choses se passeraient s’il s’avérait que c’était une fille ? » Elle termine sa phrase, avant d’hausser les épaules. Si c’est une fille, c’est quitte ou double. « Tu sais, mes parents commencent à se faire vieux et n’ont pas encore de petits enfants donc, je pense qu’ils arriveront à passer outre tes « origines » tout ça, bon, ça je m’en cogne, mais si tu as une fille, ma sœur aînée est tellement jalouse et soucieuse de garder sa place de préféré, qu’elle pourrait te le faire payer. » Le sujet d’Eva, peut-être que Lene aurait du commencer par ça. Elle en est l’exemple, il n’est pas bon d’être une fille Adams quand l’affreuse harpie est dans les parages. Lene reprend en haussant les épaules à nouveau. « Après, j’ai pas vu ma famille depuis sept ans, ils ont peut-être changé. Tu sais moi, ce que j’en pense c’est que t’auras pas longtemps à attendre avant de te retrouver mère célibataire, donc mise vraiment tout sur eux. » « Je… » Elle hausse un sourcil. Et bien, la voilà pâle comme un linge maintenant l’irlandaise. Lene reste immobile, se prépare tout d’même à réagir si l’autre se décide à faire un malaise. Encore une fois, elle est bien plus préoccupée par le fait qu’on ne dise pas d’elle qu’elle n’a pas voulu y mettre du siens. « Je ne me sens pas très bien, je reviens. » Elle avait envie de lui crier de ne pas accoucher là, mais à ce stade c’est pas possible, et la réflexion aurait été trop méchante et pas assez drôle. Après plusieurs minutes, l’idée d’aller voir ce qu’il se passait ne l’avait pas effleuré, mais une serveuse était apparu et Lene avait commandé un café, et pour être sympa, elle avait ajouté à la liste un verre de jus d’orange pour Eleanor. « Excuse-moi. » dit-elle en revenant, sortant Lene de ses pensées. « Y’a pas de mal. » « Merci de ton honnêteté » Elle affiche son premier sourire de la journée, peut-être qu’elle a un peu de pitié pour elle au final. « Tu sais, maintenant, ça ne tient qu’à Tony de me donner tort. Mais aujourd’hui ne va pas dans son sens, et bon, il a toujours été du genre à se surestimer. » Elle s’exprime avec beaucoup de détachement, après, si on lui pose la question, elle reconnaitra que son frère n’est pas emplie que défaut, il a des qualités aussi, mais il n’est jamais recommandé pour personne de ne voir que ça.
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Je commençais à ne plus me sentir très bien. Si j’avais été angoissée à l’idée de rencontrer Lene, les choses étaient loin de se passer comme je l’avais imaginé. Et si son franc parlé et l’absence totale de filtre chez la jeune femme n’étaient pas pour aider, c’était avant tout les réalités qu’elle m’exposait qui commençaient à faire remonter l’angoisse en moi. J’avais l’impression que la sœur de Tony m’ouvrait les yeux, appuyant un peu sadiquement là où ça faisait mal. Elle mettait en lumière tous ces petits détails que j’avais volontairement refoulé dans mon inconscient. Elle me mettait face à toutes ces choses que j’avais refusé de voir, ces problèmes que j’avais cru n’être que des détails insignifiants, nés de mes doutes paranoïaques. « Tu sais, mes parents commencent à se faire vieux et n’ont pas encore de petits enfants donc, je pense qu’ils arriveront à passer outre tes « origines » tout ça, bon, ça je m’en cogne, mais si tu as une fille, ma sœur aînée est tellement jalouse et soucieuse de garder sa place de préféré, qu’elle pourrait te le faire payer. » continuait Lene, faisant comme à l’accoutumée preuve d’une franchise à toute épreuve. « Voilà qui donne réellement envie » ironisais-je. Si en découvrant le caractère trempé de la jeune femme, j’avais espéré qu’elle soit la plus difficile à amadouer, je me rendais bien compte désormais que ce n’était que la partie immergée de l’iceberg. Clairement, le chemin de mon intégration au sein de la famille Adams promettait d’être semé d’embuches. Entre des parents conservateurs qui tireraient assurément grise mine en découvrant que le fils avait engrossé une roturière étrangère et hors mariage et une grande sœur prête à tout pour conserver sa place de favorite dans la famille, je n’étais pas certaine d’avoir le courage d’affronter tout ceci. Et ce qui me faisait le plus peur dans toute cette histoire, c’était le fait que Tony puisse se révéler ne pas être le soutien qu’il promettait d’être. Par amour pour lui et pour notre enfant à venir, j’avais tout quitté et j’étais prête à faire des pieds et des mains pour prouver aux Adams ma bonne volonté et que mes intentions étaient pures. Néanmoins, si même Tony ne parvenait pas à assumer son rôle en tenant tête à ses parents, je commençais sérieusement à douter de mes capacités pour affronter tout ça. J’avais tout à coup le vertige, l’impression de ne plus rien contrôler et c’était tout ce que je détestais. « Après, j’ai pas vu ma famille depuis sept ans, ils ont peut-être changé. Tu sais moi, ce que j’en pense c’est que t’auras pas longtemps à attendre avant de te retrouver mère célibataire, donc mise vraiment tout sur eux. »répliquait-elle. « Sans te vexer, j'espère que tu te trompes » Elle venait de m’asséner le coup de grâce, à tel point que je m’éclipsais pour reprendre mes esprits, seule, dans les toilettes. Le temps de calmer les tremblements de mes mains et une envie de vomir qui n’avait rien à voir avec les nausées matinales. Après quelques minutes, à tenter de me calmer, je finissais par le rejoindre de nouveau, m’excusant pour mon départ précipité. « Y’a pas de mal. » répondait Lene, dans un petit sourire presque compatissant. Nul doute que je lui inspirais avant tout de la pitié et peut-être n’avait-elle pas tort. Ne sachant plus trop où j’en étais, je ne trouvais qu’une chose à faire : remercier Lene de se montrer aussi honnête. Si la vérité n’était jamais facile à entendre, ses mises en garde avaient au moins le bénéfice de pouvoir me préparer à ces éventualités et de ne pas tomber des nues le jour où tout ceci me tomberait sur le coin du nez. « Tu sais, maintenant, ça ne tient qu’à Tony de me donner tort. Mais aujourd’hui ne va pas dans son sens, et bon, il a toujours été du genre à se surestimer. » continuait-elle. Néanmoins, j’avais atteint mon seuil de tolérance pour la journée. J’avais l’impression que l’air me manquait, je me sentais compressée dans cette robe, étouffée par l’atmosphère de ce restaurant. J’avais besoin de prendre l’air, comme si, ici, je m’asphyxiais. Parfaitement consciente que je n’étais déjà pas bien haut dans l’estime de ma belle-sœur, je n’avais pas plus envie que ça de me donner davantage en spectacle. « Ecoute, je ne vais pas te mentir. Je crois que j’ai eu ma dose pour la journée et qu’il me faut un peu de temps pour digérer tout ça. » glissais-je, fébrile. « Je vais rentrer. J’ai quand même été ravie de faire ta rencontre. Je suis désolée que Tony ait dû te mentir pour t’attirer ici. » concluais-je, sincère. Je fouillais dans mon sac à main à la recherche de mon portefeuille duquel je sortais un billet. « C’est pour moi » lui dis-je alors en déposant le billet sur la table pour payer nos différentes consommations, dont ce jus qu’elle m’avait commandé et que je n’avais pas touché, à deux doigts de vomir. En lui adressant ce qui se voulait être un sourire mais qui ressemblait quand même davantage à une grimace, je me redressais et attrapant mon sac à main, je m’engouffrerais dans la sortie, disparaissant dans la rue.