To make things right you need someone to hold you tight and you'll think love is to pray but I'm sorry I don't pray that way. Once I ran to you, now I'll run from you. This tainted love you've given. I give you all a boy could give you.
« Hey chéri. » « Hey Vee. » Nous n'avons pas parlé depuis son petit coup monté et le petit feu de poubelle que j'ai lancé dans son bureau en réponse. La rédactrice en chef a pourtant tenté de me joindre plusieurs fois -de nombreuses fois-, a laissé bien des messages d'excuses, des invitations à déjeuner, à dîner, à me joindre à elle lors de galas et de défilés, et jamais n'aies-je décroché le téléphone ni répondu de quelque manière que ce soit. Je suis un homme rancunier, et cela, elle ne peut plus en douter. Style Magazine ne tardera pas à l'apprendre à ses dépends également, les poursuites ont débuté, et qu'importe si cela me fait passer pour un procédurier à la recherche d'un punching-ball ou d'un moyen de passer pour la victime, frapper dans quelque chose, quoi que cela ne soit ni humain, ni matériel, ni concret d'aucune façon, fait beaucoup de bien. Je n'ai personne à blâmer pour l'état pitoyable de ma vie depuis bien longtemps et ce qu'il y a d'avantageux à cette petite stratégie, c'est qu'elle me permet d'avoir le droit d'être en colère pour quelque chose, de décharger cette émotion, et d'envoyer un message très clair ; je ne compte pas laisser cette histoire me poursuivre pendant des années, je ne serai pas le fer de lance du Queensland en matière de punition envers les violences domestiques, ni celui des féministes qui râlent encore parce que Johnny Depp s'en est mieux sorti qu'Amber Heard lors de leur divorce qui incluait également des agressions physiques -parce que les hommes, surtout médiatisés, s'en sortent toujours, et trop bien. Cela n'arrivera pas ; j'irai de l'avant et je me battrai pour avoir ce droit, du mieux que je le peux. La radio est entre parenthèses pendant ce temps ; j'accepte et prépare des interviews devant avoir lieu la semaine prochaine dans le but de me dévoiler un peu plus, sur le conseil de Joanne. Je ne parlerai pas de mon frère, de mes parents, de tous ces sujets sensibles qui sont pourtant les fondations de ce déluge intérieur, et je ne mentionnerai même pas mon ex-fiancée plus que nécessaire. A vrai dire, je me suis trouvé une association à soutenir, l'Australian BPD Fondation, qui me permet de rendre ces confessions plus légitimes que sur le divan de je ne sais quelle Oprah australienne dans le seul but d'arracher de la compassion. Ce n'est pas mon genre. Visiblement, encore une fois, en période de trouble, de retourne toute ma vie et la concentre dans le travail. Tout devient professionnel. Quoi qu'il en soit, la distance que je mets entre moi et ABC et qu'eux-mêmes s'évertuent à mettre en eux et moi commence à faire parler d'elle, et c'est bien parce que l'appel de Victoria est strictement professionnel que j'accepte cette fois de lui parler. « Tu sais que nous voulons toujours de toi ici, Jamie. » Peu de préliminaires, plus de rentre-dedans. Je n'ai pas de temps à perdre, je suis attendu dans une poignée de minutes à quelques blocs de là. « Tu n'as qu'un mot à dire et la place chez GQ est à toi. Le nouveau rédacteur en chef ne fait pas l'unanimité, il durera sûrement aussi peu de temps que son prédécesseur, c'est une question de mois avant que le siège se libère. Je sais que tu serais parfait. » Le plan serait sûrement que je dise que je suis intéressé afin qu'elle puisse immédiatement tirer quelques ficelles afin d'accélérer le processus. « Je vais y réfléchir. » je réponds d'une voix complaisante, histoire de lui faire plaisir. « Tu ne le feras pas, n'est-ce pas ? » « Non, en effet. Mais merci d'avoir appelé. Je dois vraiment y aller. » Ma sacoche est déjà sur mon épaule à vrai dire, et à peine ai-je prononcé ces mots que je raccroche et ferme la porte du bureau derrière moi. Je conduis jusqu'au tribunal, trouver mon chemin jusqu'aux affaires familiales, et retrouve dans le couloir Nathan Siede, qui me représente pour la dernière fois -je ne tiens pas à ce que ce nom soit constamment accolé au mien désormais-, le psy, mais aussi Joanne, à qui j'adresse un sourire furtif par politesse, et Daniel qui joue dans sa poussette. Le rendez-vous a lieu en fin d'après-midi et doit déterminer, enfin, si oui ou non j'obtiens la permission d'être seul avec mon fils quelques jours par semaine. L'entretien avec le juge n'a rien de très cérémonieux. Nous sommes simplement invités à entrer dans son bureau, nous asseoir, et écouter sa décision. « Vous prenez bien le traitement que je vous ai prescrit ? » demande tout bas le docteur avant que nous pénétrions dans la salle. J'acquiesce d'un signe de tête, ne souhaitant pas trahir toute mon animosité à ce sujet juste avant un moment aussi crucial. Ce n'est pas le moment de le faire changer d'avis. « Comment vous sentez-vous ? » Humilié, triste et en colère, mais si la question est de savoir si mon poing pourrait atterrir dans le mur ou sur sa face en cas de mauvaise nouvelle, je dirais que les cachets ne m'en empêcheront pas. « Bien ! » je mens avec enthousiasme, un beau sourire de façade sur les lèvres, ayant pour seule hâte d'en finir. Dans le cabinet, le juge fait mine de relise pour la quinzième fois le rapport à mon sujet dans un silence lourd et ennuyeux. Seul Daniel est source de bruit pendant qu'il joue avec son doudou sans comprendre ce qu'il se passe autour de lui. Je n'adresse pas de regard à Joanne, non pas par condescendance, mais parce qu'à cet instant je ne sais pas quelle serait la manière la moins bizarre de poser mes yeux sur elle. La moindre trace d'affection semble à proscrire, autant que la rancoeur ou les regrets s'il en est. Je n'en ai aucune idée. J'attends, distrait par les gazouillis du petit garçon, lui rendant ses sourires, jusqu'à ce que la voix du juge parvienne à mes oreilles ; « … Nous allons donc appliquer un délai de deux mois supplémentaires. » Et mon coeur s'arrête. « Pardon ? » « Sur les recommandations de votre psy, puisque vous venez tout récemment d'être soumis à un nouveau traitement et qu'il est trop tôt pour juger des effets et donc tirer des conclusions, nous avons décidé de conserver le status quo encore deux mois, le temps d'observer l'évolution des choses et d'être certains que vous pouvez assurer la garde de votre fils seul. » Ma gorge se serre afin de freiner les larmes qui bordent soudainement mes yeux. « Mais je... » J'ai fait tout ce qu'il fallait, docilement, j'ai suivi toutes les instructions, j'ai été sage, et je mérite d'être traité légitimement comme le père de mon propre enfant. Sauf qu'aucune objection ne sera véritablement utile, la décision n'est pas discutable. Reclus dans une bulle qui se forme autour de moi instantanément, je ne fais plus attention aux voix devenues lointaines et encore moins aux faux regards désolés qui se posent sur moi. Dès que nous sommes libérés, je fuis à l'extérieur du bâtiment. Cela n'est pas arrivé, cela n'a pas pu arriver. Au bout de quelques minutes, j'entends derrière moi les roulettes de la poussette avancer jusqu'à moi, conduite par Joanne. Encore une fois, mes yeux ne se posent pas sur elle, mais cette fois par pudeur. « Est-ce que… Est-ce qu'il est possible de passer la soirée chez moi ? » J'ai besoin de me réfugier dans la sécurité de ma propre maison, me rend chez Joanne n'est pas une épreuve que je peux surmonter aujourd'hui. Pas après ceci. « J'ai terminé la chambre de Daniel, j'aurais aimé la lui montrer. Je t'aurais volontiers épargné l'obligation d'être présente, mais il semblerait que je ne sois toujours pas considéré comme un père signe de ce nom. » j'ironise avec un faux rire. Tout ceci me semble tellement injuste.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Daniel s'était endormi tout contre elle et Joanne ne voulait pas vraiment s'en séparer. Elle avait déjeuné chez ses parents et ils venaient tous de s'installer dans le salon après avoir mangé un copieux repas. Même avant avoir été invitée, la jeune femme leur avait raconté ses retrouvailles avec Hassan, leur expliquant bien que les choses étaient bien différentes d'avant. Tant de choses s'étaient passées, difficile de s'y retrouve, pour l'un comme pour l'autre. Jane se leva et tendit les bras, avec l'intention d'emmener son petit-fils dans la chambre. Les parents de Joanne avait changé une pièce pour en faire sa chambre, il s'agissait avant d'un bureau peu utile. "Il sera bien mieux installé dans son lit, ma chérie." dit doucement sa mère, voyant bien que Joanne eut un léger mouvement de recul. Elle finit par la laisser le prendre. Une fois partie, son père lui demanda. "Tu es bien silencieuse aujourd'hui. C'est le rendez-vous avec le juge qui te rend nerveuse ?"Joanne sourit faiblement, comme pour faire mine que tout allait bien. "Non, non. J'espère juste que Jamie aurait le droit de garde, il le mérite. Il s'est donné beaucoup de mal pour ça."répondit-elle. "Tu es malheureuse, Joanne." "Ca va aller, c'est passager." Elle baissa les yeux, se mit à jouer nerveusement avec ses mains. "C'est juste que..." Joanne hésita à poursuivre, mais elle préférait couper court à sa propre phrase. Elle aurait bien voulu lui dire, qu'elle se sentait seule et que c'était forcément de sa faute, d'une façon ou d'une autre. Ses iris bleus se bordèrent spontanément de larmes lorsqu'elle les releva vers son père. "Viens par là." dit-il en se levant et en l'incitant à faire de même en la prenant par la main. Il la prit dans ses bras et embrassa sur sa chevelure. "Tu sais, il en faut du courage pour être une mère célibataire. Certes, ta situation professionnelle aide à faciliter les choses, mais ça ne fait pas tout. Je sais que ça a été compliqué entre nous, mais tu sais que tu peux toujours compter sur nous. Nous confier Daniel pour quelques jours, ou même si tu as envie de rester ici, tu es toujours la bienvenue, Joanne." lui assura-t-il doucement, en lui caressant les cheveux, le temps qu'elle retrouve son calme. Cela devait être déchirant pour lui, de voir sa propre fille ainsi.
Difficile de comprendre cet enchaînement de mots après tant d'attente. Et ce n'était pas ce qu'ils attendaient, ni Joanne, ni Jamie. Celui-ci ne lui avait pas adressé un seul regard depuis le début de l'entrevue. Il ne voulait certainement plus la regarder du tout. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, Joanne avait refusé sa proposition particulièrement osée et inadaptée pour elle. Les ponts étaient peut-être véritablement coupés, cette fois-ci, elle n'en savait rien. Cela ne l'empêchait pas d'avoir de la peine pour lui après avoir entendu l'avis du juge. Encore deux mois supplémentaires. Jamie ne cherchait même pas à se justifier, à tenter de faire changer d'avis. C'était perdu d'avance. D'ailleurs, dès la fin de l'entretien, il ne se fit pas prier pour quitter la pièce. Encore hébétée, Joanne restait assise un petit moment. "Vous aviez quelque chose à dire, Miss Prescott ?" demanda gentiment le juge. "Je trouve ça injuste, pour lui." dit-elle en haussant vaguement les épaules. "C'est ce qu'il y a de mieux à faire, pour vous et votre fils. Mr. Keynes a besoin de temps pour avoir la juste dose pour son traitement. C'est pour son bien." "Mais il a eu un comportement exemplaire, il venait tout le temps voir Daniel, et il n'y a jamais eu le moindre soucis avec lui." "Et avec vous ?" "Pardon ?" "Comment s'est-il comporté avec vous ?" Joanne était un peu déroutée par cette question, mais le juge attendait véritablement une réponse. "Il ne s'est pas montré violent, bien au contraire." "Quoi d'autre ?" Parce qu'il y avait forcément quelque chose d'autre. "Rien du tout." "Vraiment ?" insista le juge. Joanne se leva et se rhabilla, comptant sortir également du bureau. "Miss Prescott, je vous recommande de me le signaler, si quelque chose ne va pas." "La seule chose qui ne va pas, c'est que tout le monde me dit d'avancer, vous y compris. Et à côté de ça, vous imposez deux mois supplémentaires à Jamie. Vous nous empêchez d'avancer, lui, comme moi, en m'obligeant à être là pour qu'il puisse voir son fils. Ce n'est pas une vie pour lui, ni pour Daniel. Il a besoin de temps en étant juste avec son père, et vous les en empêchez. Sauf votre respect, c'est injuste." Le juge la regarda d'un air désolé. "Je comprends bien que ce ne soit pas facile pour vous, mais..." "Non, c'est ça le problème, personne ne le comprend. Et personne ne veut me croire lorsque je dis qu'il ne ferait jamais de malà Daniel. Mais je commence à avoir l'habitude." lui dit-elle, le regard à nouveau bien embué. Elle en avait assez, assez de tout. "Je ne voudrais pas vous retenir plus longtemps. Au revoir." dit-elle en prenant la poussette, alors que le juge se levait, espérant pouvoir l'interpeller pour discuter davantage. Mais Joanne n'en avait pas la moindre envie. Elle sortit un mouchoir pour essuyer ses larmes en sortant du tribunal. Il s'avérait qu'elle se dirigeait vers Jamie, encore bien désemparé et secoué par cette annonce. "Jamie, je suis désolé, je..." Mais il coupa la parole, demandant à ce qu'elle vienne -ou plutôt Daniel vienne- chez lui, dans le but de lui montrer sa chambre. Joanne n'avait pas prévu que ce rendez-vous se passe ainsi. Elle aurait bien aimé lui parler de la lettre de démission qu'elle avait reçu de l'un des employés de la fondation, mettant bien en avant, et sans le moindre tact, l'inexpérience et l'incapacité de Joanne à être au siège d'un tel poste. Il avait beaucoup de choses à lui critiquer vraisemblablement, et soulignait combien elle n'était pas faite pour ce poste et qu'elle ne parvenait pas à gérer les situations de crise. Ce n'était certes qu'une lettre, mais ça l'avait beaucoup blessé, et ça avait remis en question sa véritable place au sein de la fondation. Rien pour enjoliver le tableau de sa vie. Joanne n'était pas vraiment enthousiaste à l'idée devoir aller chez lui. Elle n'avait pas envie de voir la chambre parfaite qu'il aurait fait pour Daniel, dans sa maison parfaite, parfaitement meublée et décorée. Mais après cette entrevue, elle ne se voyait pas le lui refuser. "Oui, bien sûr." lui répondit-elle, avant que chacun ne rejoigne son véhicule. C'était pleine d'appréhension que Joanne s'approcha de sa maison. Jamie lui avait ouvert la porte afin de pouvoir la laisser entrer avec le cosy, le petit dedans. Elle le débarrassa de ses sangles pour pouvoir le prendre dans ses bras, puis le confier à Jamie. "Tu devrais lui faire visiter toute la maison, lui faire revoir Ben et Milo, je suis certaine que ça lui ferait plaisir." lui proposa-t-elle avec un vague sourire, mais le regard complètement vide - et ça, elle n'y pouvait strictement rien. "Je peux... préparer quelque chose à manger pendant ce temps, comme ça tu pourras passer un peu de temps seul avec lui. Ou je peux toujours commander quelque chose, si tu n'as rien dans le frigo." Autant rendre cette visite aussi agréable que possible, ou du moins, le moins oppressant possible pour elle.
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Être chez moi ne suffit pas à me faire sentir mieux. Néanmoins, sur mon bout de colline, en bord de mer, juste assez en retrait de la ville, et surtout éloigné de la juge et du tribunal, je me sens un peu moins oppressé et plus en sécurité. La seule chose qui me fait conserver une part de malaise est la présence de Joanne, et au fond, celle de Daniel elle-même. J'ai autant envie de passer du temps avec lui que de ne pas le voir à cet instant, de me réfugier dans une étreinte avec mon fils autant que de m'enfermer à double tour dans la maison et ramper sous une table. Il paraît que l'affection d'un enfant guérit bien des maux, et je ne devrais sûrement pas prendre mon fils pour un antidépresseur, mais quelque chose me dit que la solitude me ferait bien plus de mal que de bien, tandis que son sourire peut éventuellement me réchauffer le coeur pour la soirée. Un coeur que j'ai bien lourd et attristé. Jamais je ne me serais douté que la juge irait dans ce sens, ni même que le psy avait conseillé l'allongement de la durée de mon simple droit de visite. Je me sens arraché à mon rôle de père, et même si cela peut paraître curieux pour quelqu'un qui ne voulait pas d'enfants avant d'être mis devant le fait accompli, aujourd'hui, cela revient à me priver d'une partie de moi, de ce qui donne un sens à mes journées. Être un père fait partie de la définition de Jamie Keynes, et actuellement, cette partie est mise entre parenthèses, laissant le terme plus vague, incomplet, à l'heure où il n'est plus le fiancé ou l'amant de qui que ce soit, et où même le travail est un concept à redéfinir. Ce sont tant de repères qui s'effondrent, et celui-ci, le droit d'être avec mon fils, est celui sur lequel reposaient tant d'espoirs afin de commencer à voir le bout du tunnel. Mais je n'avance pas, je n'ai jamais vraiment avancé. Ce n'était qu'un mirage, l'illusion que le psy m'a fait miroiter. Je ressasse, encore et encore, triste et amer. Je jette mes affaires dans le salon d'un geste las et je soupire plusieurs fois. Il est tôt, mais je sors quand même la bouteille de vin entamée l'avant-veille et sers deux verres. Il n'y a rien à fêter, mais de quoi noyer, ou consoler. Je ne prends qu'une fine gorgée avant que Joanne ne me confie Daniel. « Merci. » je souffle avec l'esquisse d'un sourire déjà trop forcé. Un remerciement bien plus lié à leur présence ici qu'au geste en lui-même. Rien ne la forçait à accepter de passer la soirée chez moi, si ce n'est un peu de compassion après le coup qui vient de m'être donné. J'acquiesce à ses suggestions, même si je n'ai le coeur à rien. Parfois c'est en se forçant un peu que les choses viennent. Peut-être que sourire fera apparaître un rictus plus réel à faire. « … Je crois bien que le frigo est assez vide, en effet. Mais je t'avoue que tout ça m'a franchement coupé l'appétit, alors... » Je hausse les épaules. Autant tirer un trait sur le dîner. Cela ne me fera pas grand mal. J'ai repris les habitudes de célibataire, à savoir sauter des repas, en improviser d'autres à pas d'heure, et surtout, commander à manger plus que cuisiner. C'est pourtant quelque chose que j'aime faire, mais je n'en ai pas le coeur dernièrement -comme pour bien d'autres activités. « C'est gentil, mais du coup je me contenterai de lui donner à dîner plus tard. » j'ajoute. Car, m'attendant à pouvoir subtiliser Daniel à sa mère ce week-end, je n'ai rempli le frigo que d'aliments pour lui. Cet espoir, cette certitude paraît ridicule désormais. Je me détourne de Joanne pour faire visiter la maison à Daniel. Celle-ci est bien plus petite qu'à Logan City, plus adaptée à un homme seul cette fois. Pas d'étage, pas d'espace en trop, juste ce qu'il faut. Je n'ai même plus le luxe d'un atelier ; la chambre d'amis prend cette fonction tant que personne ne doit y dormir, cela change grandement d'un étage dédié. Le tour est donc vite fait. « Regarde trésor, ça sera ta chambre quand tu pourras venir à la maison. » dis-je à Daniel une fois dans la pièce, le laissant découvrir les jouets, les koalas accrochés aux branches sur les murs, un lit neuf. Afin qu'il puisse explorer l'espace comme il se doit, je pose le petit garçon par terre. Il n'a presque plus de mal à se dresser sur ses jambes désormais et peut faire plusieurs pas seul. Mais il reste accroché à ma jambe pour l'instant. « Tu peux, vas-y. » Top départ pour le prélude d'une nouvelle aventure, qui attendra encore deux mois. Alors qu'il gambade avec enthousiasme en s'accrochant aux nouveaux meubles, je l'observe, bras croisés. Lorsqu'il trouve un jouet qui lui plaît, il s'en saisit, me le montre et lâche un petit cri de joie qui me fait sourire. Il finit par réunir un petit tas au milieu de la pièce, composé de tout ce qui a retenu son attention ; alors je m'assois par terre avec lui pour lui montrer le fonctionnement de chaque jouet, lui présenter les peluches, faire un peu de bruit et de couleurs. Dans un coin de la chambre, il possède même un minuscule bureau, avec des feuilles, des crayons et des craies, pour les moments où il voudra gribouiller. Afin de ne pas laisser Joanne de côté trop longtemps -cela serait ingrat- nous retournons dans le salon où Ben et Milo se sont occupés de lui tenir compagnie en attendant. Daniel ne cache pas son ravissement lorsqu'il aperçoit ses deux copains. Aujourd'hui, il est même assez grand pour se mettre debout devant le golden retriever et s'accrocher à son cou, le nez dans le poil. Milo, bien trop excité, est fermement saisi dans mes bras qu'il ne quittera qu'une fois calmé. Au final, je dois installer un petit tapis de jeu par terre sur lequel installer le bébé afin qu'il puisse avoir un peu d'espace vital ; les chiens ont parfaitement compris qu'ils n'ont pas le droit d'approcher si le petit se trouve sur pareille surface, même si Milo aime flirter avec le danger en s'installant dans un coin de la couverture. Daniel s'occupe tout seul un instant. J'en profite pour m'asseoir à côté de Joanne. « Je suis désolé, à propos de la dernière fois. » La jeune femme sait parfaitement de quoi je veux parler. Des avances que je lui ai faites d'une manière bien peu appropriées à un moment qui l'était d'autant plus. C'était ridicule. Je ne comprends toujours pas comment j'ai pu me comporter de la sorte. C'était purement momentané. « Je suppose que… je me sens un peu seul. » j'ajoute, essayant une maigre justification. Je n'irais pas jusqu'à dire que je ne pensais pas mes mots. Je regrette juste de les avoir dit tout haut. Pendant que j'exprime cela, mon regard, lui, reste bien bas. « C'était déplacé, et tu mérites mieux que ça de ma part. »
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Joanne s'était sagement assise sur le canapé, sans prendre ses aises. Genoux serrés, les mains posées dessus, qui jouaient nerveusement entre elles. Elle entendait la voix de Jamie au loin et les petits cris ravis de Daniel. Elle n'avait pas de doute que cette chambre d'enfants était magnifique, parfaite pour le petit. Il Jamie avait certainement tout préparé pour lui, dans l'espoir d'avoir une réponse positive du juge. Le regard baissé, elle songeait à bien des choses, plus que ça ne l'a jamais été. Elle avait déjà eu une période semblable, avec toute cette histoire avec Hannah, mais cette fois-ci, tout semblait particulièrement décuplé. Elle avait trouvé un passe-temps, en plus de la danse. Elle se rappela qu'elle avait envoyé un mail et récupéra donc son portable en espérant avoir eu une réponse. C'était le directeur de recherches de l'équipe qui avait découvert l'existence d'un nouveau membre de la famille Borgia. "Miss Prescott, Je suis heureux de savoir que ces récentes découvertes puissent autant vous passionner. Tout ce que je suis en mesure de vous dire, c'est qu'un généreux donateur nous permet d'avancer dans nos recherches bien plus que nous ne l'avions imaginé. Cependant, je suis au regret de vous annoncer que je n'ai pour le moment aucun accord de divulguer l'avancée de nos recherches et de nos découvertes." Joanne désenchanta immédiatement. Elle ne savait pas trop pourquoi elle s'attendait tant à une réponse positive de leur part. Elle s'était beaucoup plus penchée sur cette famille, depuis Nouvel An. C'était bien la seule chose qui lui occupait l'esprit ces derniers temps et qui l'empêchait de pleurer. Et elle ne pouvait pas non plus aller cuisiner, il n'y avait rien dans le frigo, et Jamie n'avait pas d'appétit. Tout comme à Nouvel An, Joanne se demandait ce qu'elle faisait là. Elle se demandait ce qu'elle faisait tout court, elle avait l'impression d'enchaîner les erreurs. Ce n'était peut-être pas qu'une impression. La petite blonde sursauta lorsque les chiens se jetèrent sur elle pour avoir quelques caresses. Elle supposait qu'elle devait leur manquer un peu, à eux. Ils parvinrent à lui arracher un sourire et l'empêcher de rester dans sa solitude, ce qui n'était pas si mal que ça, au fond. Jamie et Daniel réapparuent bien des minutes plus tard. Après avoir géré Milo, il se permit de s'installer à côté d'elle, revenant sur un sujet fâcheux. "Ce n'est pas grave." répondit-elle tout bas. Pourquoi il était venu à lui proposer pareille chose, elle n'arrivait toujours pas à savoir. Jamie misait ça sur la solitude. "Tu l'as dit toi-même, c'était la seule chose qui avait réellement marché entre nous." Elle se souvenait bien de ces mots là. Ils avaient été blessants. "Je suppose que c'est normal que tu aies voulu t'y replonger, juste l'espace d'un instant." Joanne haussa vaguement les épaules. Elle ne lui en tenait pas vraiment rigueur, bien qu'elle avait toutes les raisons de le rejeter pour lui avoir fait une telle proposition. "Qu'est-ce que je mérite, alors ?" lui demanda-t-elle, avec un sourire profondément triste. "Ce n'est pas comme si tu me devais quoi que ce soit." Du moins, elle n'en avait pas l'impression. La petite blonde regardait Daniel s'amuser tout seul, il était adorable. Un long moment de silence régnait entre son père et sa mère. Les sujets de conversation commençaient à manquer. "Ewan m'a envoyée la lettre de démission d'un des employés de la fondation. Il te l'a aussi envoyé, mais je suppose qu'après une telle journée, tu n'as pas vraiment eu envie de lire ta boîte mail." Ca aurait pu être une simple lettre de démission, mais ce n'était pas le cas. "Il... Il pense que je ne mérite pas ma place, en gros." Ses critiques faisaient un paragraphe entier dans la lettre. Elle n'allait pas lui donner tous les détails, à lui de voir si ça l'intéressait un minimum ou pas. "Je suppose que ce ne sera pas la dernière fois que je reçois ce type de courrier, mais je dois avouer que ce n'est pas ce qu'il y a de plus encourageant pour continuer et faire comme si de rien n'était. Peut-être que ça ne se voyait pas, je n'en sais rien, mais j'ai tout donné en décembre, j'ai l'impression que je n'aurais pas pu faire plus et pourtant, ça ne lui a pas suffi." C'était suffisant pour se remettre en question, comme si elle ne le faisait déjà pas assez ces derniers temps. Joanne baissa à nouveau les yeux, ses doigts jouaient nerveusement entre eux, si bien qu'elle se faisait même mal de temps en temps. Elle finit par prendre le verre de vin qu'il lui avait servi préalablement et en but quelques gorgées. Elle ne devait pas trop non plus en abuser, elle allait conduire plus tard. Bien que Joanne avait toutes les raisons de se laisser plonger dans l'alcool par exemple, elle ne le faisait pas. Elle y avait songé, mais ça l'écoeurait par avance. Ce n'était pas son genre, d'être si désespérée au point de vouloir se saouler. Tout ce qu'elle voulait, c'était trouvé un moyen de s'en sortir, juste comme ça, en un claquement de doigt. Mais les miracles n'existaient pas. "Est-ce que... Est-ce que mon témoignage t'a été utile ?"
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J'ai bien des raisons d'être honteux pour bien des choses, et cela je peux l'admettre. Je suis plus désolé ces dernières semaines que je ne l'ai jamais été en une vie entière, demandant pardon à tout va pour la moindre erreur. Je pourrais, comme d'habitude, faire comme si de rien n'était ou me persuader de la parfaite légitimité de mes paroles ou de mes actes. Je pourrais m'exempter d'excuses à propos de ces avances de l'autre soir, parce que oui, je me sens seul, oui Joanne est une belle femme, et s'il est un point sur lequel nous nous sommes toujours entendus, aussi triste cela soit-il, c'était bien le sexe. Et je pourrais dire qu'il n'y a rien de mal là-dedans, qu'au final la jeune femme devrait se sentir flattée, et que l'on ne reproche pas à un homme d'être un homme. Mais franchement, quel manque de dignité cela serait. Autant pour elle que pour moi. Joanne mérite mieux que d'être réduite à un objet de désir, notre propre histoire mérite mieux que de se résumer à la qualité de nos ébats, et aujourd'hui, même si cette relation a pris fin et même si nous ne sommes plus l'un pour l'autre ce que nous fûmes il y a quelques mois, c'est au nom de tout ce qui a été que je ne peux pas me permettre de telles paroles. Au nom de ce qui a été beau, un jour, et que je n'ai pas le droit de salir de cette manière. Sur le moment, je ne peux pas expliquer à Joanne ce qu'elle mérite vraiment de ma part, pourquoi ces avances devraient finalement relever de l'insulte plus que de la flatterie. De toute manière, je doute qu'elle donne beaucoup de crédit à mes paroles. Alors lorsqu'elle soutient que je ne lui dois pourtant rien, je me contente de la contredire, sans donner plus d'explications. « Bien sûr que si. » j'articule avec un léger sourire, le regard tombant sur Daniel qui s'amuse parfaitement tout seul -il fait bien partie de la liste des choses que je dois à Joanne, entre autres. Le temps d'une gorgée de vin, le silence s'installe. Je garde constamment un œil sur le petit et surtout les chiens qui rêvent de jouer avec lui. Il s'amuse à leur lancer un de leurs jouets afin qu'ils aillent le chercher de temps en temps. Milo, décidément bien agité, se met en tête qu'il serait drôle de tirer sur l'une des pattes du doudou que Daniel tient en main, histoire de lancer un concours de force entre lui et son ami, mais le petit n'étant pas de cet avis manque de piquer une crise de larmes, agacé. Alors, pendant que Joanne me raconte cette histoire de démission, j'envoie Milo dans la salle de bains que dont je verrouille la porte. « C'est le seul courrier du genre, n'est-ce pas ? » je demande en revenant dans le salon, ayant malgré tout bien écouté mon ex-fiancée. Notre fils se remet rapidement de ses émotions et passe à autre chose avec le prochain jouet. « Un courrier, sur plusieurs dizaines d'employés. Ca n'a pas d'importance, pas de valeur. En tout cas, tu ne devrais pas lui en donner. Si tu penses que tu n'aurais pas pu faire mieux, et je doute que cet homme aurait fait mieux à ta place d'ailleurs, alors ta conscience est clean, tu n'as rien à te reprocher et tu ne dois pas le laisser te faire croire l'inverse. » Je me rassois à côté d'elle, maintenant une distance presque réglementaire, et récupère mon verre de vin. « Moi je suis satisfait de ton travail. » j'ajoute en espérant que ma qualité de supérieur hiérarchique suffise à rendre tous les autres avis caducs à ses yeux, ce qui est franchement utopiste concernant Joanne, mais à tenter malgré tout. Les silences fréquents entre nous ne me gênent plus autant qu'avant. Je les trouve moins lourds, plus supportables -peut-être est-ce l'habitude, une forme de résignation. Voilà ce que nous sommes désormais, il faut s'y faire, et trouver le moyen de penser que ce n'est pas trop mal. Ou que cela pourrait être pire, d'ailleurs. Nous ne sommes pas en guerre l'un contre l'autre. Nombreux sont les couples séparés qui se mettent en croisade contre leur ex-conjoint. Nous pouvons nous estimer chanceux de ne pas en faire partie et de ne souffrir que de silences. Joanne meuble celui-ci à son tour en évoquant son témoignage dans le cadre de ma plainte contre ce ridicule bout de papier. Mon défouloir en somme. « Nous le saurons bientôt. Je l'ai confié à mon nouvel avocat. C'est un bon ami avec qui ABC collabore souvent pour ce genre d'affaires. » Détail dont elle n'a sûrement rien à faire mais qui offre pas mal de crédit à Julian à mes yeux. Un homme de confiance qui connaît bien ce genre de cas de figures, c'était ce qu'il me fallait. C'est une affaire qui peut être même bénéfique pour son cabinet si elle est bien menée. Un échange de bons procédés. « J'ai décidé que j'allais suivre ton conseil, tu sais, de parler publiquement de… tout ça. » Et même de ne pas passer pour un type désespéré qui cherche à se justifier ou se faire pardonner par la même occasion. « Je ne compte pas vous impliquer, toi et Daniel, ne t'en fais pas. » Du mois, j'essayerai autant que possible, c'est également pour cette raison que je ne fais pas tourner les interviews autour de notre scandale mais d'une fondation ; parler de l'institution m'obligera à parler de moi, mais il sera avant tout question d'eux. C'est, malheureusement, une hypocrisie nécessaire à cet instant. Non pas que je sois désintéressé par une association visant à aider les personne telles que moi, mais je ne m'impliquerait pas dans ce genre de campagne si cela n'avait pas son utilité vis-à-vis de mes intérêts, et pour gagner ma tranquillité, cela me paraît être un moindre mal. Ce n'est que de la stratégie de communication, rien de thérapeutique. Je soupire. Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour mettre ces événements derrière nous. Et nous voilà encore bloqués dans la même situation pour les prochains deux mois. Cela ne semble jamais finir. « C'est épuisant, toute cette histoire. J'ai l'impression que chacun voit midi à sa porte et personne n'écoute vraiment, personne ne comprend. Et personne ne le peut, au fond... » Je soupire, les lèvres au bord du verre à pied.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne se souvenait parfaitement de ce que Jamie avait pu lui dire, bien avant cette conversation. Tous les mots qu'il lui avait craché à la figure et qu'il semblait avoir gardé pour lui pendant un très long moment. Ca venait des tripes, c'était quasi viscéral. Il ne pouvait pas dire qu'il n'avait jamais pensé tout ceci. Et voilà que le discours changeait radicalement, et qu'il disait qu'il lui devait quelque chose. Joanne ne savait véritablement plus quoi croire. Il avait suggéré qu'ils aient à nouveau une relation uniquement et purement sexuelle ensemble, cela venait bien de quelque part. Une envie, des moments dont il voulait se souvenir de cette manière là. Il n'avait retenu que ça. A moins que ce ne soit sa possessivité qui l'incitait à se comporter de la sorte. A faire en sorte qu'elle soit toujours un petit peu à lui, en quelque sorte. Avait-il donc détesté tous les autres moments de leur vie commune, ou ne les considérait-il que pour des mensonges ? La jeune femme ne savait plus véritablement pas croire, et elle n'avait pas la franche envie de le relancer sur un tel sujet, bien qu'elle se demandait à quoi il pouvait bien penser lorsqu'il la contredit avec ce sourire. Ses discours se contredisaient à chaque fois. Daniel, lui continuait de vivre dans son insouciance, ravi de retrouvé deux de ses copains de jeu, qu'il n'avait plus vu depuis bien longtemps. Jamie devait tout de même isoler Milo qui n'en faisait toujours qu'à sa tête, et qui s'approchait un peu trop dangereusement du petit. "Pour le moment, oui." lui répondit-elle. Le bel homme se réinstalla, exposant son point de vue. Joanne espérait que ce soit la seule lettre de démission qu'elle recevrait, mais elle craignait énormément en voir d'autres arriver, comme un effet de masse. Jamie espérait certainement lui remonter le moral en faisant part de ce qu'il pensait d'elle, d'un point de vue professionnel. Elle sourit faiblement à sa remarque. "Merci." dit-elle tout de même à voix basse. "J'espère juste que je n'aurais plus à vivre de mois comme celui de décembre, il y a de quoi en perdre la tête." ajouta-t-elle nerveusement. Si Jamie tolérait un peu plus ces moments de silence, Joanne les trouvait certainement pire qu'avant. C'était presque insupportable, et à chaque fois, elle se demandait ce qu'elle pouvait bien faire là. Alors pour éviter de prolonger ces instants, la petite blonde aborda un autre sujet, soucieuse de savoir si ses paroles avaient enfin été entendues ou non. Elle y plaçait peu d'espoir, mais elle pourrait bien être surprise. Elle était heureuse de savoir qu'il lui restait encore de bons amis. C'était quelque chose qui lui manquait cruellement à elle, ces derniers temps. Jamie était décidé à parler un peu plus de lui, de s'ouvrir un peu tout en faisant de son mieux pour ne pas mentionner Joanne ou Daniel. Elle savait qu'elle pouvait lui faire confiance là-dessus, lui avait bien conscience qu'elle voudrait conserver le plus possible cette petite vie qu'elle était en train de se reconstruire et qui était encore trop fragile pour être heurtée par quoi que ce soit. "C'est gentil. J'espère que tout fonctionnera pour toi, ça devrait aider à essuyer... tout ça." Jamie avait raison sur un point, c'était que personne ne comprenait. Personne ne voulait même entendre et personne ne faisait exception à la règle. "Non, en effet." répondit-elle dans un murmure, le regard dans le vide. Et son regard lui-même était particulièrement vide. "Ou du moins, certains pensent le comprendre, mais ensuite ne comprennent plus certaines réactions, certains faits." Ses yeux se bordèrent spontanément de larmes, malgré elle. "Et on reproche après de ne pas écouter ce que les autres ont à dire. C'est la sourde oreille dans les deux sens, et tout ne fait que s'enliser. C'est un cycle sans fin, et ça m'épuise." Joanne était fatiguée. C'était un tout, un sac de noeud qu'elle était incapable de défaire et qu'elle devait mettre de côté lorsqu'elle devait s'occuper de Daniel. "J'aimerais être capable de passer outre, et d'avancer. De mettre de côté ce qui pose problème et ne plus jamais y repenser. Faire abstraction de tout ça, de ce que l'on peut penser de ce que nous étions, de ce que nous sommes aujourd'hui." Joanne n'allait pas se plaindre de sa solitude, bien que ce sentiment, autrefois apprécié, commençait à lui être délétère. Certes, elle était déjà en meilleurs termes avec ses parents, ce qui était un très bon point. Mais ce n'était certainement pas suffisant. Ces derniers temps, elle pensait énormément à Sophia, elle ne savait pas trop pourquoi. Plongée dans ses songes, Joanne finit son verre de vin un peu trop vite. Le petit avait fini par marcher à quatre pattes jusqu'à ses parents et à se redresser en s'appuyant sur les jambes de sa mère. "Tu veux faire partie de la conversation des grands, c'est ça ?" lui dit-elle avec un sourire - parce qu'il était certainement le seul, avec Wesley, à pouvoir encore la faire sourire. Joanne le prit dans les bras et l'installa entre elle et Jamie, sur le canapé. Daniel, fier comme tout, laissa échapper un rire, son canard en peluche toujours bien contre lui. Par on ne sait quel moyen, elle parvenait à ne pas faire vivre ses tourments à son fils. Ce n'était que lorsqu'il était au lit, ou à la crèche, que tout empirait. "Je suis certaine que tout finira par s'arranger pour toi." dit-elle à Jamie. "Tu mets toutes les chances de ton côté, il n'y a pas de raison que tu n'obtienne pas ce que tu désires. Un peu de tranquillité, et la garde de Daniel."
To make things right you need someone to hold you tight and you'll think love is to pray but I'm sorry I don't pray that way. Once I ran to you, now I'll run from you. This tainted love you've given. I give you all a boy could give you.
Si la période n’est pas de tout repos, le mois dernier fut sûrement le pire, atteignant des sommets. Tout comme Joanne, j’espère qu’un peu de répits avant la prochaine catastrophe –voire un peu de pitié de la part du destin et que celui-ci cesse de me tourmenter pour les prochains dix ans car j’estime avoir eu ma dose. « Malheureusement on ne peut pas être certain d’y échapper pour toujours dans un environnement comme celui-ci. » je réponds néanmoins, pragmatique. Cela ne sert à rien d’enjoliver la réalité et dire que tout ira pour le mieux indéfiniment. Demain, un autre jeune peut prendre exemple sur l’adolescent qui s’est tué et nous pousser à gérer une seconde situation de crise à intervalle rapprochée. Tout comme cela peut se reproduire l’année prochaine, ou plus tard. Ca, ou un tout autre type d’événement, de scandale, d’accident. Je pense qu’il est désormais évident que nous ne sommes à l’abri de rien, et que nous pouvons nous attendre à absolument tout. Nous nous accordons à dire que notre histoire nous a reclus dans une bulle que nul ne sait appréhender. Quand une relation ne rentre pas dans le carcan des films à l’eau de rose, nul ne peut se projeter et comprendre, encore moins approuver. Nous pensions que notre style peu conventionnel était une force, cela est désormais on ne peut plus faux. Nous sommes isolés, exilés. « Il faut laisser le temps au temps je suppose. » je murmure dans mon verre sans conviction, quoi que cela doit sûrement être vrai. « C’est assez ironique de voir que nous sommes les seuls à qui nous pouvons nous adresser. » dis-je tout bas, sans me prononcer sur ce qui a été, ce qui est ou ce qui sera nous concernant. Le fait est qu’en ce moment, s’il faut évoquer cette affaire, nous ne pouvons véritablement compter que l’un sur l’autre –du moins, c’est l’impression que j’en ai. Daniel se manifeste afin d’avoir notre attention. Il se retrouve bien heureux entre ses parents dans le canapé. Je lui frotte affectueusement le haut du crâne, ébouriffant légèrement ses mèches brunes. J’aimerais me montrer moins attristé, mais le coup porté par la décision du juge rend presque difficile de ressentir quoi que ce soit de positif pour cette fin de journée. Ce n’est pas de la faute de Joanne ou de Daniel. C’est qu’à force d’être remis en question, de se sentir de moins en moins légitime, le cœur s’y perd et y est de moins en moins. Sûrement pour s’empêcher plus de peine. Après cette petite interruption, je reprends ; « J’aimerais pouvoir parler librement à quelqu’un d’autre. Ce n’est pas contre toi, mais c’est juste que je pense que cela me permettrait d’avancer un peu. Je ne sais pas si tu ressens la même chose. » L’impression de faire du sur place et d’y être condamné par les mêmes personnes qui nous encouragent à tourner la page, parfois malgré eux, parce qu’ils n’ont pas les mots ou leur manière de vouloir aider ne fait qu’empirer les choses. « Mais c’est un sujet qui met mal à l’aise, les gens n’ont pas vraiment envie d’en parler, même ceux qui disent qu’ils peuvent écouter. Ils ne savent pas quoi répondre, s’ils le peuvent, et quand je devine leur avis sur la situation juste dans leurs yeux, cela me fait sentir un peu plus seul. » Souvent, j’y lis de la désapprobation. Ils aimeraient compatir, prendre un peu ma défense, mais il est difficile de cautionner le comportement que j’ai eu, même pour un ami. Je ne blâme personne, je me sentirai tout aussi mal à l’aise à leur place. Mais en ce moment, je suis à celle du type qui devine le vide se former de plus en plus autour de lui. Je me dis que Joanne a bien plus de soutien que moi. Elle a ses parents, d’anciens collègues, peut-être de nouveaux amis, ou encore lui suffit-elle d’une courte recherche sur internet pour constater qu’elle n’est pas seule. La jeune femme tournera la page plus vite que moi, elle a tous les éléments pour passer à autre chose. Quant à moi, je me battrai encore quelques mois pour gagner ma tranquillité. Je hausse les épaules, le sourire triste. Adviendra que pourra. Ce soir, je ne saurais être optimiste. « Comment se passent tes cours de danse ? » je demande au passage, dans l’espoir d’embrayer sur un sujet plus joyeux, et d’entendre, qui sait, que Joanne s’en sort un peu mieux que moi, et qu’il demeure une chance que tout ceci ne soit pas qu’un immense gâchis généralisé de nos deux vies.
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Joanne avait bien conscience que, tout comme la démission, des situations telles que le suicide de Peter pouvaient tout à fait les reprendre de court. Mais elle se refusait à croire que cela arriverait dans les temps qui viennent. Elle avait déjà perdu bien des plumes en décembre, il ne serait pas étonnant qu'elle se démène de la même façon lorsque l'occasion se présentera. Il y avait de quoi en perdre la tête. Ils venaient ensuite à parler de leur relation, et du fait bien étrange qu'ils ne parviennent qu'à en parler entre eux. Joanne avait essayé avec Saul, avec Hassan, ses parents. Ils manquaient tous d'objectivité. Saul connaissait Jamie par son travail, sa relation houleuse avec Hannah, Hassan le connaissait pas le travail et quelques rencontres fortuites qui lui avaient donné une très mauvaise opinion du gentleman. "Ironique, ça doit être le mot, oui." répondit-elle doucement. Joanne n'était pas certaine que ce soit une bonne chose, qu'ils ne puissent que compter l'un sur l'autre pour ce genre de choses. Ca les bloquait dans leur position, leur empêchant d'élargir leur champ de vision et peut-être y trouver une issue, une façon d'avancer. Jamie fit la remarque en premier, qu'il préférait en parler à quelqu'un d'autre qu'elle. Ce qu'elle pouvait comprendre, en effet. Mais cela voulait aussi dire pour elle qu'elle devrait limiter ses confessions à Jamie, cela ne lui était certainement pas bénéfique de savoir où elle en était elle. "Si..." dit-elle dans un soupir, désespérée. Elle en avait parlé, mais les personnes à qui elle s'était adressée n'était pas suffisamment objective, bien qu'elle avait apprécié qu'Hassan se montre franc avec elle en mettant en avant son point de vue et ses conseils, qu'elle n'avait pas réussi à appliquer. Ou du moins, pas comme il le fallait. "Je suis un peu dans ce cas là." Ce n'était pas parce qu'elle était la victime dans l'histoire qu'on lui pardonnait toutes ses actions, loin de là. "Je commence à peine à renouer avec mes parents, je n'osais pas vraiment faire face à leurs regards et aux commentaires qu'ils laissaient échapper. J'avais besoin d'être seule, mais ce n'était pas le même type de solitude que lorsqu'on a personne qui parvient réellement à comprendre tout ça. C'est différent." dit-elle le regard bas, regardant ses doigts nerveux. "Mon cercle d'amis s'est largement amenuisé, et ce n'est pas comme si je pouvais faire appel à la baby-sitter tous les soirs pour sortir un peu. Je n'en ai pas vraiment le coeur, je préfère veiller sur Daniel." Il y avait moins de liberté à être parent, mais Joanne se réfugiait bien dans ses obligations, comme elle l'avait toujours fait. "Ce n'est facile pour personne, je suppose." Ni pour elle, ni pour Jamie, ni pour ses parents, ni pour Hassan, ni pour qui ce soit. Jamie préférait parler d'autre chose, se centrant sur une activité que Joanne avait toujours aimé mais dont elle s'était privée il y a quelques temps de cela. "Ca se passe bien, oui." lui assura-t-elle. "Wesley est mon partenaire de prédilection, on s'entend bien. La dernière fois, il m'a même appelée parce qu'il loue salle régulièrement, et on y a dansé ensemble. Ce n'était pas que de la danse de couple, ni de la danse classique, mais c'était chouette de découvrir son univers. On s'apprend chacun des choses et on en fait une chorégraphie, c'est un bel esprit d'équipe." Elle sourit légèrement. "Ce n'est pas facile dans son couple non plus, dernièrement. Son compagnon l'a trompé, après six ans de vie commune, alors... J'évite de lui parler de moi, il a déjà bien assez à penser en ce moment." Mais il était très optimiste, et il préférait qu'elle dise ce qu'elle avait sur le coeur plutôt que de parler de lui. Sauf que Joanne était pareille, à la différence qu'on pouvait toujours lire en elle comme dans un livre. Mais il préférait la faire danser, lui apprendre à se déhancher un peu plus sur les danses latines, là où elle était le moins à l'aise. Mais ils faisaient aussi tous les deux de la danse moderne, ils touchaient un peu à tout et ça leur permettait à chacun de se vider la tête. Elle ne l'avait rencontré qu'il y a quelques mois, mais il avait déjà une grande place dans sa vie, c'était un ami fidèle et qui la tirait constamment par le haut. C'était comme devenu un objectif pour lui, de la faire sourire, de la faire sortir de sa coquille. Et il était un homme particulièrement persévérant. Il ne cessait de lui dire combien il rêverait de son styliste photo lorsqu'elle aura un shooting. Et Joanne lui rétorquait à chaque fois que ce n'était pas prêt d'arriver, ne voyant toujours pas pourquoi on s'intéresserait à elle. "J'avoue avoir hâte à chaque fois, du prochain cours, ou de la prochaine fois où il réserve cette salle. Grâce à lui, l'espace d'un instant, j'arrive à tout laisser à la porte, et il se débrouille toujours pour que les créneaux tombent les après-midis où Daniel est à la crèche. C'est juste, lorsqu'on y ressort à chaque fois, que c'est le plus difficile, pour lui comme pour moi." Elle haussa les épaules. C'était ainsi, et ça, ils ne pouvaient rien y faire En dehors de ça, le temps était particulièrement long, et elle s'isolait beaucoup. "Sophia me manque." lâcha-t-elle dans un soupir. "Quelque part, je suis toujours dans l'espoir qu'elle me donne un peu de ses nouvelles, au moins qu'elle me dise où elle est et ce qu'elle y fait, mais rien." Cette séparation là, elle n'arrivait pas non plus à la digérer. "Et toi ? Tu as repris une activité ? Tu as pu te reconcentrer un peu plus sur le sport ?" lui demanda-t-elle en retour. Elle n'avait pas vu si Jamie disposait d'une piscine dans cette nouvelle maison, ou une sorte de salle de sport improvisée. Il devait bien avoir besoin de se défouler, de lâcher ses nerfs quelque part, avec ou sans médication. Il devait largement avoir le temps pour ça, désormais.
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Non, la situation n’est facile pour personne. Il faudra bien des mois pour espérer commencer à tourner la page. Croire qu’il serait aisé de passer à autre chose était utopiste, le monde ne veut tout simplement pas nous le permettre. De toute manière, étant les parents de Daniel, nous sommes condamnés à être liés pour bien des années. Ce n’est sûrement pas plus mal que nous puissions un peu compter l’un sur l’autre pour être compris. La diversité des interlocuteurs s’agrandira avec le temps. Peut-être ne sommes nous pas très enclins à offrir notre confiance non plus. J’envie Joanne de pouvoir s’occuper l’esprit en prenant soin de notre fils. C’est un petit garçon solaire, plein de bonne humeur, tout sourire, comme il l’a toujours été depuis sa naissance. Curieux comme tout, il est impossible de s’ennuyer avec lui dans les parages. Ici, j’ai bien les chiens, mais cela ne vaut pas le contact un minimum humain de mon enfant, cela n’a pas la même valeur. Je me souviens avoir plusieurs fois conseillé à Joanne de reprendre la danse, sachant qu’elle s’épanouirait dans cette discipline, ce qu’elle n’a jamais suivi jusqu’à aujourd’hui –faisant rouler des yeux une partie de moi qui saisit bien que la jeune femme n’applique les suggestions bienveillantes que des inconnus et non de ceux qui lui sont proches. J’écoute avec un sourire en coin, intéressé et un peu amer à la fois lorsqu’elle fait l’éloge de ce partenaire de danse qui semble lui avoir offert bien plus d’épanouissement en quelques semaines que moi en plusieurs mois avec moitié moins d’effort. Je suppose que ce n’est qu’une preuve de plus que la jeune femme sera bien plus heureuse ailleurs. « … bien. » je souffle, relativement convaincu que tout ceci est une bonne chose pour Joanne. Je ne peux que lui souhaiter de redresser la barre rapidement et être heureuse, n’est-ce pas ? C’est bien pour cette raison qu’il n’y a plus de nous. Il y a ces deux connaissances qui prennent des nouvelles l'un de l'autre comme on s'oblige à s'intéresser à la vie d'un ancien pote d’université perdu de vue. « Oui, je… je m’occupe. J’ai bien renoué avec la salle de sport, disons que les courbatures sont une sensation que les médicaments ne peuvent pas atteindre, et ça permet d’évacuer un peu la pression qui s’accumule. J’aimerais peindre mais l’inspiration ne vient pas vraiment… » Ce qui ne risque pas de s’arranger et me désole profondément. « Du reste, c’est beaucoup de galas et de cocktails histoire de montrer que je ne compte pas me laisser abattre. Je rencontre de nouvelles têtes, ce n’est pas plus mal. » dis-je en étant relativement enthousiaste à ce sujet. Je sais facilement me lier à de nouvelles personnes, rester ouvert, et cela me permet de me changer les idées. Je n’y vais jamais seul et je sais que cela fait jaser. Keynes reprend ses habitudes et ne se montre que rarement deux fois au bras de la même femme. Et pour la touche misogyne, elles sont bien plus souvent mannequins ou actrices que femmes d'affaires. De belles plantes dont personne ne s'imagine qu'elles soient capables de tenir une vraie conversation -et pourtant. L’avantage, c'est qu'elles n'attendent rien de plus de ma part que passer une agréable soirée, tandis que les autres se pensent trop bien pour les futilités. Or ce n’est pas en parlant travail, économie et politique de manière engagée que je me sens plus léger. Je reprends ; « Je pense que tout le milieu sent qu’il y a quelque chose qui s’est brisé entre moi et ABC depuis l’incident, il y a un certain malaise, et le travail me fait ressentir beaucoup de lassitude. Du coup je commence à recevoir des offres d’un peu partout. Vee a appelé aujourd’hui pour un poste chez GQ, mais je n’envisage rien pour le moment. » Je ne crois pas que cela intéresse Joanne outre mesure, mais elle savait que l'éditeur de ces magasines me faisait du pied depuis belle lurette, alors cela ne revient qu'à actualiser ses connaissances à ce sujet. Laissé en marge de la conversation, Daniel se manifeste en s'agitant et en grimpant sur mes jambes. Il fait rapidement comprendre que son estomac est vide. « Viens là mon bonhomme. Tu as faim ? » Il acquiesce en se blottissant contre moi tandis que je le porte jusqu'à la cuisine. Il possède même une chaise haute ici, dans laquelle je l'installe. Les plats tout prêts ne vaudront pas ceux de sa mère, c'est certain. « Oh, j’ai quelque chose qui pourrait t’intéresser. » je lance à la jeune femme tant que la pensée me traverse. Daniel se débrouille un court instant avec la cuillère, ce n'est pas bien grave s'il en met partout. Ce n’est que le temps que j'allume mon ordinateur et le dispose devant Joanne, ouvert sur un nouveau portrait de la Lady Grace, découvert la veille dans une petite ville du sud de l'Italie, Tricarico. Je la laisse à cette contemplation, quasiment devant un miroir, et retourne auprès de Daniel. « Elle te ressemble vraiment beaucoup. »
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Joanne avait bien du mal à se projeter. Elle n'y arrivait tout simplement. On lui disait parfois que ce n'était pas plus mal, de vivre au jour le jour. Mais pour elle, c'était particulièrement angoissant, et ça n'arrangeait rien. La simple présence de Daniel lui faisait oublier ces tracas, et elle pouvait ainsi l'aider complètement à grandir et s'épanouir chaque jour. Surtout en cette saison, elle passait beaucoup de temps dehors dans le jardin, avec les chiens. Pour le voisinage, c'était une petite vie de famille heureuse. Il y en avait certains qui savaient qui elle était, ce qui s'était passé, mais on n'osait pas venir l'importuner sur tout ceci. Joanne voulait mettre cette histoire derrière elle, elle n'avait jamais demandé à ce que Jamie se retrouve arrêté et accusé. Saul pensait bien faire, il espérait la mettre ainsi en sécurité. Avec un peu de recul, elle comprenait, mais elle trouvait ça injuste. La beau brun lui demandait comment se passait son activité. Elle avait repris la danse, il lui en avait parlé. Alors elle en parlait, ainsi que de sa nouvelle connaissance. Enfin Wesley était désormais plus un ami qu'une simple rencontre. Jamie avait préféré conclure ce sujet de conversation là par un seul mot. Elle avait alors eu l'impression de l'avoir bien ennuyé, avec tout son récit. Il était donc préférable que Joanne lui retourne la question. Jamie avait effectivement une pratique sportive plus courante et avait finalement vite retrouvé ses habitudes lorsqu'il n'était pas encore avec la petite blonde. Le sport, une présence régulière aux soirées mondaines, de quoi faire oublier ses démons et les faire oublier aux autres. Il avait l'air plutôt ravi de retrouver ce rythme de vie. Du moins, c'était ce que pensait Joanne en le voyant. Au niveau de son travail, en revanche, cela semblait bien plus compliqué. La scissure entre les studios et lui semblait s'agrandir de jour en jour. Elle devina qu'il ne s'y sentait plus à son aise. "Je trouve que ça ne sera pas plus mal, tu sais, de changer d'air." se permit-elle de dire. "Surtout si beaucoup te font de l'oeil et aimerait t'avoir dans leur équipe. Ce n'est pas comme si tu quittais ABC et que tu n'avais rien derrière." Il avait de nombreux points de chute. "Ce serait aussi une autre manière de repartir d'un bon pied, tu ne crois pas ? Tout comme tu t'es trouvé une nouvelle maison, un nouveau travail, dans de nouveaux locaux, et de nouvelles têtes, ça ne peut que t'apporter. Tu te sentiras plus à l'aise je pense, à un endroit où tu es convoité et attendu. Il doit forcément y avoir des offres qui t'intéressent plus que d'autres." Joanne haussa les épaules, ce n'était que son point de vue, elle pensait bien tard qu'il n'en avait peut-être rien à faire, de ce qu'elle pensait elle. Lorsqu'ils étaient ensemble, Jamie avait toujours apprécié ses conseils, et elle supposait que ça ne devait plus être d'actualité. Daniel commençait à avoir faim et son père n'attendit pas davantage pour aller préparer tout ce qu'il faut. Machinalement, Joanne le suivait jusqu'à la cuisine - bien qu'elle n'avait pas vraiment envie de s'aventurer davantage dans cette maison. Elle s'installa sur l'une des chaises de la cuisine. Et il s'avança vers lui avec son ordinateur ouvert sur une page. C'était avec grande surprise que la petite blonde retrouvait un nouveau portrait de la Lady anglaise. Joanne avait précieusement gardé l'article du journal, mais elle n'avait rien trouvé la concernant jusque là. La ressemblance était frappante, c'en était particulièrement déroutant, pour elle. Joanne resta longuement bouche bée, zoomant parfois sur certains détails du tableau : le regard, les bijoux qu'elle portait, le détail des tissus. Même Jamie souligna la ressemblance. "Je... Je croyais que ça ne t'intéressait pas." dit-elle tout bas, n'étant pas sûre de comprendre sa démarche. Puis elle retournait dans sa contemplation. "C'était vraiment une belle femme." admit-elle. Elle avait posé son coude sur la table et appuyé sa tête sur la main. Puis elle fronça les sourcils, bien perplexe. "Mais comment as-tu réussi à avoir une image de ce nouveau portrait ? J'avais envoyé un mail aux chercheurs, et ils m'ont répondu en me disant qu'ils n'étaient pas autorisés à divulguer leurs récentes découvertes." A moins que Jamie les ai payé pour l'obtenir, elle ne savait pas. Mais il n'y avait pas un seul instant où elle songeait qu'il était en vérité le fameux donateur qui avait permis, entre autre, cette toute récente découverte. Pendant ce temps, Jamie terminait de nourrir Daniel. Ce dernier ne manquait jamais d'appétit. Cela laissait le temps à Joanne d'être un peu rêveuse. "J'aimerais tant en savoir plus sur elle, et sur ce fameux Borgia. Ce doit être un sentiment incroyable de découvrir potentiellement l'existence de personnes qui avaient peut-être eu leur importance dans l'Histoire, ou peut-être même qui la modifieront. Il doit y avoir tant de choses que l'on a cherché à nous dissimuler, peut-être que ça en fait partie. De ces histoires effacées. Je trouve ça passionnant. J'espère qu'ils parviendront à retracer toute leur vie." Ca lui donnait encore plus envie d'aller en Italie, aller dans les musées, chercher des détails dans des musées qui pourraient avoir leur importance dans l'histoire de ce couple. Bien sûr que ça lui rappelait Dan et Lucy, bien sûr qu'elle espérait quelque part qu'il y ait une belle histoire d'amour qui se cachait derrière tout ça. Parce qu'au fond, elle y croyait toujours, en cette chimère.
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Bien que son avis ne lui soit pas demandé, ce qui ne signifie pas qu'il n'est pas le bienvenu, Joanne ne permet de me donner son point de vue sur cette situation professionnelle bancale ; elle sait à quel point j'aime mon travail et me perdre dedans, à quel point je suis capable d'y être dévoué sans compter mes heures quitte à m'oublier, et il faut dire que toute cette volonté et cette énergie semblent en ce moment gâchées par une chaîne qui, subtilement, me fait comprendre que je serais mieux ailleurs. C'est également ce que pense la jeune femme, mais ainsi articulé, tout haut, l'effet n'est pas le même ; ses paroles sonnent comme une évidence dont je me rends compte trop tard alors qu'elle scintillait juste sous mes yeux. Je me sens presque idiot que le malaise chez ABC m'ait tant rendu aveugle vis à vis de mes autres options. Je me suis laissé aller à ruminer et me renfermer dans cette frustration plutôt que de m'ouvrir aux moyens d'y mettre un terme. La radio a toujours été un repère dans ma vie à Brisbane, il faut dire que remettre pareil ancrage en question n'a rien d'évident, mais peu à peu cela semble nécessaire. “Tu n’as pas tort.” j'admets. “Peut-être que je perds mon temps. Je pourrais être quelque part où je sens que l'on veut de moi.” C'est aussi simple que ça. J'adresse un fin sourire à Joanne. Occupé avec Daniel, je la laisse devant le portrait de la Lady, sachant que cela lui occuperait l'esprit pendant le dîner du petit garçon. Elle paraît surprise que je me sois penché sur cette histoire dont je semblais parfaitement désintéressé à Londres. “Je suis juste curieux.” je justifie avec un haussement d'épaules. Après tout, il ne s’agit pas d’une petite découverte anodine lorsque l’on s’intéresse un minimum à l’Histoire. C’est toute une branche d’une famille emblématique qui manque, une grande remise en question sur les enjeux qui s’articulaient autour d’eux. L’obsession de la vérité prend le dessus, comme pour tout article. Peut-être qu’un homme a été traité d‘imposteur tout ce temps et peut enfin être réhabilité, retrouver sa place sur la frise chronologique. Je laisse échapper un léger rire en entendant Joanne s’extasier devant la beauté de la Lady. “Tu sais que tu parles de ton reflet?” je demande pour la taquiner, même si je sais bien que la jeune femme est bien incapable de faire preuve du moindre narcissisme. Quoi qu'il en soit, je ne peux lui donner tort ; l'une comme l'autre sont de grandes beautés intemporelles. Pris de court par les questions de Joanne concernant la manière dont j'ai obtenu le portrait, j'apprends qu'elle a elle-même contacté les chercheurs de son côté afin d'en savoir plus mais, suivant les instructions, ceux-ci l'ont déboutée. “Je leur ai secoué un certain titre sous le nez.” je réponds, sachant que pareille excuse ne donnerait lieu à aucune remise en cause. Cette clé ouvre bien des portes, c'est indéniable. Néanmoins je dois me montrer patient en attendant chaque nouvel élément au compte goutte. “Cela risque de prendre un certain temps, des années. Les chercheurs m'ont dit quelque chose de très juste à ce sujet : le problème de l'Histoire, c'est qu'on garde les livres de comptes, mais on brûle les lettres d'amour.” Cela rend notre vision froide et pragmatique des siècles passés, nous savons la politique et l'économie, l'architecture et les inventions, mais l'art est notre unique fenêtre sur l'atmosphère propre à chaque époque, pourtant, malgré tous ces éléments, nous n'avons pas les anecdotes des petites gens, toutes ces petites histoires qui font la grande. « Peut-être que nous ne saurons jamais tout. Ils ne savent toujours pas à quoi lui ressemblait d'ailleurs. » C'est une donnée manquante particulièrement frustrante. Il n'y a pas de visage à mettre sur ce nom, seulement un vague profil sur la peinture officielle du mariage. Mais dans la mesure où les chercheurs ne parviennent même pas à mettre la main sur un document officiel signé de sa main qui concrétiserait son règne, un portrait paraît actuellement être une découverte idéaliste. Daniel a terminé son plat. Avant d'attaquer le dessert, je retourne un court instant auprès de Joanne afin d'ouvrir un autre document. J'explique, le temps de mettre la main dessus ; « Visiblement, c'est lui qui a peint ce portrait de Grace. Le style correspond aux esquisses dans le carnet de voyage. » Je clique et lui permet d'observer l'une des pages de ce tout petit compagnon de route, noirci de nombreuses lignes incompréhensibles et d'un tas de croquis disposés un peu partout sur les pages, même sur les écritures. Je suis incapable de lire quoi que ce soit, mais l'on m'en a fourni le décryptage. En mettant les petits croquis préparatoires du visage de la Lady à côté du portrait terminé, la ressemblance de trait est évidente. Le seul détail admettant un point d’interrogation, c'est que la peinture n'est pas signée. « Je trouve que l'on devine qu'il était vraiment amoureux. » dis-je tout bas, un rictus presque attendri au coin des lèvres. Je décèle toute sa tendresse pour cette femme, tout son dévouement, dans la précision du reflet sur les lèvres par exemple, que je frôle sur l'écran du bout du doigt.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie semblait à avoir une véritable révélation suite aux propos de la jeune femme. Il arrivait que l'on ne voyait pas l'évidence lorsque l'on était trop plongé dans quelque chose. Des œillères s'érigeaient toutes seules et il fallait quelqu'un d'extérieurs pour les retirer. Et c'était exactement ce qui se passait. Lorsqu'ils avaient été en couple, elle l'avait toujours encouragé dans ses projets, sans l'y obliger. L'idée de repasser à l'antenne, par exemple, elle lui avait donné tout son soutien. "Et comme tu viens de le dire, tu es convoité." souligna-t-elle, en rendant son sourire. "Ce doit être valorisant, d'avoir des offres qui te sont directement adressées, ça n'arrive pas à tout le monde. Alors profites-en, c'est peut-être un signe." Joanne croyait difficilement au hasard. Tout était lié, d'une manière ou d'une autre. A force de se passionner sur les oeuvres et leur histoire, elle ne laissait que peu de place aux coïncidences. C'était une chose que Jamie savait bien, mais il n'y accordait plus vraiment d'importance. Après quoi, la petite blonde restait subjuguée par le portrait de la Lady. Il ne misait que sur sa curiosité pour justifier ce soudain intérêt pour un couple du passé, alors qu'il avait parfaitement rejeté l'histoire de Dan et Lucy. C'était un peu étrange, comme revirement de situation, mais ça s'entendait. Jamie était aussi passionné par l'histoire. Sans trop chercher davantage sur ses motivations, elle reprit sa contemplation, de quoi l'absorber pendant de très longues minutes. Si ça ne tenait qu'à elle, elle y resterait devant pendant des heures - quoi qu'elle préférerait se rapprocher du tableau original, l'avoir vraiment en face d'elle. Personne ne pouvait démentir le portrait de cette femme. Elle trouvait le tracé bien plus précis et réaliste que d'autres portraits de la Renaissance. C'était un artiste particulièrement talentueux. Les joues de Joanne rosirent un petit peu lorsque Jamie lui fit remarquer qu'elle était son portrait craché. Un compliment s'était glissé à travers cette question et elle aurait préféré ne pas sentir son visage légèrement rougir. Elle dissimula ses pommettes en mettant son deuxième coude sur la table et les deux mains sur lesquels était posée sa tête. "Oh... oui, ça doit sûrement aider." répondit-elle lorsque Jamie disait avoir mis en avant son titre de Lord pour accéder à certaines données. Il était certain qu'il avait bien plus de facilités qu'elle sur certains points, dont celui-ci. Avant de donner le dessert à Daniel, le beau brun tenait à montrer un autre document qui lui avait été envoyé. Une page d'un carnet de voyage, et bien le genre de gribouillis qui passionnait Joanne. Elle se pencha pour être un peu plus près de l'écran. "Il devait l'être, oui." répondit-elle d'un ton rêveur. "Il suffit de voir à quel point il se penchait sur de nombreux détails, ce n'était pas donné à tout le monde à l'époque. Et là, tu vois qu'il a été happé par son regard, par le trait de ses lèvres, même la ligne de son cou, c'est fascinant. Et regarde sa chevelure aussi. Il n'était pas simplement amoureux, il était fou d'elle. Un artiste qui peint pour une quelconque commande ne peut pas mettre autant de sentiments et d'émotions dans une de ses oeuvres." Joanne se permettait de zoomer ici et là, sur les croquis ou le portrait lui-même. Un sourire avait étiré un peu ses lèvres, elle ne s'en était même pas rendue compte. C'était un peu comme lorsqu'elle se replongeait à sa vie au musée, dès qu'ils recevaient de nouvelles oeuvres pour une exposition en devenir. Ca lui faisait plaisir, et il y avait ce brin d'excitation à l'idée d'en savoir plus, ou peut-être même de découvrir quelque chose par elle-même, ce qui en soit, pour elle, serait incroyable. "C'est étrange, qu'il ne l'ait pas signé." dit-elle alors, songeuse. "Peut-être qu'il voulait qu'on focalise sur ce qui était représenté et non la personne qui l'avait fait. Ca s'entend, s'il était éperdument amoureux d'elle. Ou alors peut-être qu'il ne voulait pas qu'on se souvienne de lui."[/color] supposa Joanne, avec un haussement d'épaules. De longues minutes passèrent, toujours à admirer cet écran d'ordinateur. Le petit était aussi calme, il ne voulait certainement pas perturber ce moment où ses parents semblaient complices. "Tout dépend qui avait les lettres d'amour. Si quelqu'un les avait gardé, par hasard." dit-elle alors, repensant à ce qu'il lui avait dit plus tôt. "Beaucoup de monde sous-estiment la valeur de ce qu'ils peuvent garder dans leur grenier. De génération en génération, sans jamais savoir quoi en faire. Jusqu'à ce que des antiquaires mettent le nez dedans, découvrent des choses de leur côtés, etc. Parfois, il ne faut pas grand chose pour déclencher un bouleversement de masse. Peut-être que ça prendra des années, peut-être que dans peu de temps, ils découvriront un élément fondamental qui débloquera tout le reste." Joanne se plaisait à y croire, du moins. "Et puis, même si les recherches prennent du temps, de base, tout dépend des fonds qui sont versés. Si ce mystérieux donateur s'est avéré particulièrement généreux. Et ces éléments que tu montres là, ça en poussera certainement d'autres, et ça va étoffer leur budget. Ils pourront avoir une plus grande équipe, encore plus de moyens, ils pourront se déployer plus facilement, qui sait. Il y en a qui ferait n'importe quoi pour se mettre en avant, à se vanter d'avoir investi pour de quelconques raisons. Ce qui est étrange, c'est que ce donateur tienne à rester anonyme, ce n'est pas très fréquent." Joanne avait hâte qu'ils avancent dans leurs recherches, qu'ils fassent d'autres découvertes. "J'espère qu'ils trouveront son portrait, d'autres écrits, n'importe quoi. A défaut d'avoir droit à des informations, j'ai fait plus de recherches sur les Borgia. Ca m'occupe." Joanne se rendait compte qu'elle divaguait, perdue dans ses rêveries et son enthousiasme d'en savoir plus. "Désolée, je m'emporte." dit-elle d'un ton bien plus calme et réservé qu'elle ne l'était il y a quelques secondes de ça. "Daniel t'attend sagement pour son dessert." ajouta-t-elle avec un discret rictus - un peu gênée- sur ses lèvres.
To make things right you need someone to hold you tight and you'll think love is to pray but I'm sorry I don't pray that way. Once I ran to you, now I'll run from you. This tainted love you've given. I give you all a boy could give you.
Les interrogations de Joanne vaguement satisfaites, je m'éloigne un peu plus de l'identité du donateur qui finance en grande partie les recherches historiques qui la captivent tant. Il y a sûrement mieux à faire avec mon argent que de me payer une lubie de ce genre, comme aider bon nombre de causes humanitaires qui se battent au sein de tous les conflits en Afrique et au Moyen-Orient, subvenir aux besoins de ceux qui ont faim, qui fuient la guerre, qui ont besoin de soins, ou quitte à demeurer dans les pays puissants, financer la recherche pour je ne sais quel cancer, Alzheimer, le sida. Les causes ne manquent pas, et s'il existe quelqu'un se trouvant assez bien pour les juger et les trier selon leur ordre de gravité sur l'échelle de la priorité, cette personne m'estimerait égoïste et franchement indifférent aux maux du monde. Pourtant j'estime faire ma part. La fondation d'un côté, WWF de l'autre, divers investissements ; mon argent ne dort pas, je le rends utile. Et même si aux yeux d'une majorité, l'Histoire se trouve bien loin derrière les problèmes contemporains, ça ne l'est pas aux miens. Ni à ceux de Joanne. A cet instant, je ne vois que son regard qui pétille devant les quelques éléments que je lui rapporte, et qui ne sont as grand-chose par rapport aux informations que je possède. Cela suffit à exalter son âme de passionnée. Attendri, je l'observe parler avec vivacité, montrer les détails du portrait ici et là, pleine d'admiration et d'intérêt. Je devine toute sa soif d'en savoir plus, de décortiquer cette histoire. “Peut-être qu'il n’a fait ce tableau que pour lui, ou pour elle.” je suppose, concernant l'absence de signature sur l'oeuvre. Si le portrait n'était pas fait pour être connu ou même pour sortir de l'atelier, s'il ne pensait pas non plus le laisser à une quelconque postérité, alors le peintre n'avait pas de raison de signer. Je laisse tout le temps à Joanne d'observer les deux documents, silencieux, puis de monologuer sur les recoins secrets de l'Histoire qui nous échappent et peuvent parfois bouleverser nos connaissances s'ils sont découverts, comme le carnet de voyage à l'origine de ces recherches. Je ne peux pas m'empêcher de la trouver adorable, prise par ce regain de passion pour ce sujet, retrouvant finalement une partie d'elle-même étouffée depuis sa grossesse. Elle semble presque moins pâle en parlant, et son regard plus vivant. “Oui, c'est curieux.” je commente à propos du mystérieux donateur. Qui ne voudrait pas avoir tout le mérite de ces découvertes pour soi, n'est-ce pas ? Ce n'est pas le but. En revanche, ma petite croisade visant à faire naître un sourire sur le visage de la petite blonde porte ses fruits. Qu'elle rêve un peu, qu'elle s'enthousiasme de quelque chose. Elle est si belle lorsqu'elle ne songe plus au reste, un court instant. Sans un mot, je retourne auprès de Daniel qui, adorable, ne s'impatiente pas pour son dessert, mais sourit en comprenant qu'il y a enfin droit. “Je suis là mon bonhomme.” Il est toujours aussi volontaire, il aimerait se débrouiller tout seul, mais il est bien maladroit encore. Il s'en met du nez au menton, c'est peut-être la moitié du yaourt qui termine sur le bavoir et non dans sa bouche. Mais il est satisfait à la fin, gagne un gâteau, et le grignote joyeusement. “Est-ce que tu as eu des nouvelles du musée ? Tu sais, ils songeaient à créer ce poste de consultante l'année dernière et ça ne s'était pas fait, mais peut-être qu'il y a eu de l'évolution.” dis-je en me retournant vers Joanne. “Tu devrais les contacter. Eux ou un autre musée. C’est ce genre d'environnement qui te rend heureuse, ça te ferait du bien d'y retourner. Quitte à laisser ton poste à la fondation. Je trouverai quelqu'un d'autre.” Ce ne sont pas les candidatures qui devraient manquer, de personnes parfaitement qualifiées, vivant sur place. Je suppose que Joanne prendra ces paroles comme l'équivalent d'une mise à la porte, une sorte de prélude au licenciement parce qu'elle n'aurait soit disant pas été à la hauteur face à la crise de décembre, parce qu'elle est ainsi, experte lorsqu'il s'agit de se monter la tête, oubliant au passage que je lui ai dit quelques instants plus tôt que son travail me satisfait. Cela n'a rien à voir. Je songe à ce qui serait le mieux pour elle : un retour à ce qui lui plaît vraiment, à un vie qui lui ressemble, puisqu'il semblerait que je ne soit parvenu qu'à l'y éloigner de plus en plus. Elle aime non seulement la danse, mais aussi son travail de conservatrice. Elle n'a jamais caché que cela lui manque. Elle aussi devrait changer d'air, prendre ce nouveau départ sur tous les plans. “Ce n'est qu'une suggestion.” je souffle timidement avant d'aller renflouer les verres de vin à un niveau raisonnable. Joanne ne donnera sûrement aucun crédit à mon propos, comme cela fut le cas concernant la danse. Si le conseil vient de moi, elle n'en a cure. Peut-être que le fameux Wesley devrait lui glisser un mot, ce nouveau grand bienfaiteur.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Ces palpitations dues à l'excitation de ces découvertes renaissaient en Joanne. Cela n'avait plus été le cas depuis Dan et Lucy, et, avant cela, lorsqu'elle travaillait au musée. Elle n'était plus la petite souris qui se baladait dans les réserves et dans les coulisses de chaque exposition pour découvrir en premier les oeuvres qui allaient être exposer, à la référencer, à passer des heures entières devant à les admirer. La jeune femme avait l'impression que ça remontait à une éternité, ce temps là. C'était un peu grâce à son métier qu'elle avait rencontré Jamie. Il avait suffi de quelques coups de poing dans un bar et d'une soirée de gala. "Pourquoi aurait-il fait ce tableau pour lui ? S'il était tant amoureux d'elle, je doute qu'il voulait se séparer d'elle un seul instant et un tableau n'aurait certainement pas suffi à la remplacer elle. Je pense qu'il l'avait peint pour elle. Elle était non seulement son amante, mais aussi sa muse." Du romantisme pur et dur qui charmait totalement Joanne et qui lui rappelait étrangement les fois où Jamie la peignait, avec bien peu de tissu pour la recouvrir. La jeune femme était d'abord très gênée durant ces sessions, mais elle avait fini par les apprécier. Ca la faisait sourire. Même plus que cela, ça la faisait rêver. Elle avait tellement hâte que l'n fasse de nouvelles découvertes. Elle espérait qu'il y ait d'autres fonds versés pour ces recherches, afin de les accélérer à l'aide de plus grands moyens. Si ça concernait un Borgia, cela ne devrait pas en laisser indifférent plus d'un. Tout le patrimoine italien en dépendait, il était évident que de grandes sociétés comptent avoir leur part dans ces recherches. Il était temps pour Daniel de manger son dessert, après un petit instant de digestion. Joanne ne le laissait pas encore trop faire seul, sinon c'était un véritable désastre à chaque fois. Elle finissait toujours par prendre le relais. Jamie, lui, préférait le laisser faire jusqu'au bout, même s'il en mangeait moins de la moitié. Cela laissait le temps à Joanne de se refocaliser sur sur les pages du journal et le portrait, jusqu'à ce que Jamie lui adresse à nouveau la parole. "Je... J'avoue n'y avoir pas pensé." reconnut-elle tout bas. Bien sûr que cette idée là lui plaisait. Le mieux serait qu'elle récupère son poste de conservatrice. "Mais lorsqu'ils m'avaient parlé de ce poste de consultante, ils m'avaient aussi dit que le secteur était assez bouché, j'ignore s'il y avait eu du changement ou non." Elle en doutait, mais elle n'était pas vraiment aller se renseigner depuis ses appels. En revanche, il y avait bien quelque chose qui l'empêchait de se lancer à l'aveugle dans une nouvelle vie professionnel, et c'était Daniel. Etre consultant ou conservateur rapportait beaucoup moins que d'être à la tête d'une fondation, et Joanne disposerait de moins de temps libre. Elle ne pouvait pas constamment demander à ses parents de garder le petit, et cela incluait qu'il fallait qu'elle le mette en crèche toute la semaine. Joanne serait beaucoup moins à l'aise d'un point de vue financier. D'autre part, la petite blonde se demandait si Jamie suggérait ça afin de couper tous les ponts entre eux de manière définitive. Que le dernier fil restant soit Daniel et que les contacts se limitent. Il avait pourtant qu'il était satisfait de son travail, alors pourquoi venait-il à proposer qu'elle claque la porte ? Elle ne voyait pas pourquoi il s'intéressait tant à son bonheur, à son bien-être, il n'avait rien à y gagner. "C'est une bonne idée, oui." admit-elle. "Il faut que j'y réfléchisse, que... que je fasse mes comptes. Mais j'avoue que ce n'est pas l'envie qui manque." Elle n'avait pas une réserve incroyable de fonds comme Jamie pouvait avoir. Elle avait encore sa maison à rembourser avec tous les frais qui sont engendrés, et les économies qu'elle avait laissé de côté après avoir vendu la maison dans laquelle elle vivait avec Hassan avaient été utilisé pour meubler son nouveau logement. Certes, remettre les pieds dans un musée la rendrait plus heureuse, mais elle ne ferait jamais ce pas là si ça finissait par léser son rôle de mère en ne parvenant pas à subvenir à tous les besoins de son enfant. Etre une mère célibataire lambda n'avait rien de facile. Il fallait qu'elle se donne le temps d'envisager cette possibilité, elle ne s'était clairement pas préparée à ce qu'il y ait ce genre de changements. Quelque part, elle enviait Jamie qu'il ait autant d'opportunités qui s'offraient à lui. Il n'avait qu'à en choisir un et on allait l'accueillir comme un roi. "En attendant, ça, ça me suffit largement." dit-elle en faisant un signe de tête en direction de l'ordinateur. Elle accepta volontiers un nouveau verre de vin, elle but une bonne gorgée. "C'est tout ce qu'on t'a pu te montrer, ou il y a d'autres documents qu'on t'a envoyé ?" demanda-t-elle, curieuse, alors que Jamie prenait le petit dans ses bras. Joanne ne se lassait pas de regarder les écritures indéchiffrables de l'artiste, ni de regarder les esquisses et croquis qu'il avait dessiné par-dessus, et encore moins d'admirer le portrait de la Lady.
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La fatigue, la lassitude face à la foule d'événements qui nous sont tombés dessus ces derniers mois nous empêchent tous les deux d'être complètement au fait de toutes les possibilités qui s'offrent à nous afin d'aller de l'avant et commencer à clore ce chapitre -en attendant que nous ne soyons plus menottes l'un à l'autre pour me permettre de voir Daniel quelques jours par semaine. Plutôt que de s'engouffrer dans la marrée des changements et des mutations de nos vies, il est tentant d'essayer en vain de remonter le courant et s'attacher, s'agripper le plus fort possible à des repères, des vestiges. La peur du changement ne provient que de la crainte de l'insécurité, de la précarité. Quitter un endroit pour aller à un autre, c'est accepter la possibilité de croiser des embûches sur le chemin, et d'être déçu par la destination. C'est prendre un risque sans pouvoir revenir en arrière. A l'heure où notre couple, notre foyer et notre famille ont explosés, et ma réputation cherche à se redresser, il n'est pas aisé de trouver le courage de faire face à encore plus de changements. Et pourtant, il n'y a pas meilleur moment pour faire table rase. Joanne n'est pas une femme avec plus de courage que la moyenne, et il n'est pas dans sa nature de foncer dans le tas. Elle ne se bat pas, elle n'envisage même pas les batailles mais plutôt toutes les stratégies pour les contourner. Changer de travail durant des temps pareils ne lui a pas effleuré l'esprit, et j'imagine que l'idée aura besoin de temps pour faire son chemin, même si la petite blond concède qu'elle n'est pas mauvaise et qu'elle lui plaît. Le coeur du problème est sûrement financier, à ce que je comprends, et je me fais violence pour ne pas prendre la jeune femme par la main encore une fois en lui assurant qu'elle pourra compter sur moi pour lui apporter toute l'aide nécessaire. Je lui enverrai plus d'argent pour elle et Daniel s'il le faut, la question ne se pose même pas à mes yeux, mais la connaissant cette donnée n'est pas prise en compte ; ce qu'elle veut, c'est s'éloigner de moi, et non pas dépendre un peu plus de mon argent. Je reste donc silencieux, je laisse Joanne prendre sa décision, et je note dans un coin de ma tête de penser à appeler le musée pour leur rappeler qu'ils ont une conservatrice dévouée qui n'attend que l'opportunité de revenir -et qu'ils doivent la lui donner. Elle ne peut pas se contenter de chasse aux fantômes sur internet. Ce n'est qu'une bribe de sa passion. Il faut plus. « Non, c'est tout ce que j'ai. » dis-je en prenant un air résigné, alors que le dossier de l'ordinateur est plein de photographies qui relatent chaque journée de travail. « Je te le dirai, s'ils m'en communiquent un peu plus. » Cela me permettra de lui offrir des informations au compte goutte, et, de temps en temps, lui envoyer un mail qui la fera sourire pour quelques heures. Daniel, dans mes bras, se blottit contre moi. C'est le coup de barre après le dîner qui laisse présager un endormissement dans peu de temps. Cela le rend toujours très câlin. « C'est l'heure de lire une histoire, qu'est-ce que tu en dis ? » Je l'embrasse sur le sommet du crâne et vais avec lui chercher un de ses petits livres dans sa chambre. Puis je l'installe sur mes jambes, adossé sur mon torse, dans le canapé du salon. Je lui lis le vilain petit canard, dans une version simplifiée pour les tout petits dont les phrases ne font que rarement plus de cinq mots, pleine d'illustrations naïves. Et lorsque le petit canard devient un cygne, la tête lourde de Daniel roule sur mon bras. « Bonne nuit trésor. » je murmure en le regardant s'assoupir. Je ne bouge pas pendant quelques minutes, sachant très bien que cela signifie que je dois me séparer de lui. Il est comme moi, imperturbable une fois endormi. Je peux frôler tendrement ses cheveux, ses grosses joues, et embrasser son front avant de l'installer dans mes bras pour le porter, sans oublier son doudou. « Je vais l'installer dans la voiture. » Dans le silence, Joanne m'ouvre le véhicule. Je dépose le petit dans le siège auto, bougeant toujours délicatement ses membres pour glisser les ceintures autour de lui et boucler le tout. Puis je ferme la portière et me tourne vers mon ex-fiancée. « Merci d'avoir accepté de venir. » Elle va enfin pouvoir rentrer chez elle, après avoir fait sa bonne action du jour en me permettant de voir Daniel chez moi.