Fall is here, hear the yell, back to school, ring the bell. Brand new shoes, walking blues, climb the fence, books and pens. I can tell that we are gonna be friends. Walk with me, through the park and by the tree. We will rest upon the ground and look at all the bugs we found. We don't notice any time pass, we don't notice anything. And when I wake tomorrow I'll bet that you and I will walk together again.
C’est dans l’atelier, un peu après la fin des classes, alors que le bleu se mêlait au vert que je l’ai réalisé. J’étais heureuse, j’étais bien, j’étais exactement là où il fallait que je sois. J’entendais la voix de Matt qui s’esclaffait dans ma tête, entre deux neurones effervescentes d’avoir passé la journée à créer, mais j’avais trouvé ce qu’il me fallait, je savais exactement où se poserait la suite et les chapitres à venir. Le pinceau entre les doigts, la tête qui se penche tout naturellement pour détailler les courbes sur le canevas, les rayons du soleil qui caresse ma nuque dévoilée. J’avais les vêtements tachés, le sourire facile, le bonheur qui ensorcelait mes lèvres et j’étais en retard. Merde. Le regard qui se pose sur les aiguilles qui défilent, la main qui attrape le sac qui traîne, les pas qui se succèdent devant l’urgence d’être arrivée 10, 20, 30 minutes plus tôt. L’excuse bidon qui se dessine du bout des lèvres, je file par le bus ou par le métro, j’oublie dès que mon billet a plaidé mon entrée, et je laisse le wagon m’amener à destination sans même douter de sa bonne foi, comparée à la mienne. Encore, l’art m’avait retenu. Encore, j’avais passé plus de temps qu’il n’en fallait à l’Académie, à discuter avec mes palettes, à rêver devant mes dégradés, à me laisser charmer par le bruissement des poils sur la toile, seul bruit qui arrivait à ramener mon attention ailleurs que dans un monde que je créais du revers de mon fusain. Quelques minutes de trop, quelques remontrances qui suivraient sûrement. Les parents déçus de voir la tournure que je prenais, espérant que les finances, que le droit, que la politique prendrait le pouls sur le reste, chasserait à un moment ou un autre mon amour pour les belles choses, pour le passé, pour la nostalgie des peintres, des sculpteurs, des auteurs, des créateurs tous et chacun. Mais non, même après 18 ans à tenter de leur faire comprendre, rien n’y ferait. Le souvenir du soupir qui suivi la lettre d’acceptation à l’École d’Arts de Brisbane, la pression occasionnée, les remontrances, les non-dits, les déceptions, les secrets ; j’avais tout vu, tout entendu. Et pourtant, je continuais. J’y croyais, les notes me supportant, la passion qu’on pouvait voir se dessiner dans mes yeux faire le reste.
Je dévale les escaliers à l’instant où papa s’installe à table, détaillant la place vide que j’avais laissée. Un autre dîner avec des associés, un autre moment où démontrer quel type de famille soudée nous pouvions bien avoir, et voilà que j’étais complètement à côté de la plaque. Les regards qui se braquent sur ma maigre silhouette alors que je passe le pas de la porte, maman qui se cherche une excuse pour pallier à mon absence, papa qui s’abstient, et Matt qui, toujours, laisse le rictus moqueur se dessinant sur ses lèvres faire office de salutations. Merde, bis. J’ignorais ce qui justifiait ma présence tant demandée, j’ignorais pourquoi la famille devait sembler si soudée, si forte, si lyrique devant les collègues, collègues qui changeaient aux trimestres, mais voilà, il le fallait. Apparences, règles, regards à la volée. C’était typique, c’était normal, c’était notre quotidien et il fallait s’y plier. La suite, pour être honnête, s’est doucement évaporée à travers les coups de coude que je recevais de Matt à chaque fois où un mot tout droit sorti de l’encyclopédie des finances était prononcé. Et ouais, ce fût beaucoup. Tout ça pour finir par démaquiller ce qui me restait de peinture à l’huile sur la peau, et me glisser sous les draps avec la réédition d’un Emily Brontë qu’Ezra m’avait déniché dans un thrift shop effacé de Logan City. Tout se serait bien terminé, mes gaffes du jour se seraient doucement envolées de mon esprit au vue de mon activité innocente du soir si… si Tad ne s’était pas faufilé par ma fenêtre comme le dernier des bandits. Wait, what?!
« Tu nous fais quoi là!? » que je m’étonne, voyant sa tête s'extirper de la vitre entrouverte, attirant les couvertures jusqu’à mon menton par pudeur.
Dans sa tête, il chantonne le refrain des dernières promotions dès que le jingle se met en route. C’est devenu mécanique, une rengaine qui s’infiltre et qui reste si bien qu’il sait tout de ce qu’il se passe quelque chose au rayon hygiène et à la poissonnerie. Finalement, ça devient son rythme de travail, de ranger les rayons au rythme de la chanson des promotions, c’est même amusant parfois, quand il n’essaie pas de penser par lui même ou qu’il ne lutte pas contre autre chose. Évidemment, travailler dans un supermarché n’est pas la façon dont il voit sa vie, et sans l’excuse de l’argent de poche, on pouvait se douter que sa mère ne l’aurait jamais laissé se faire exploiter de la sorte pour un salaire de misère. Mais il y’a quelque chose dans le fait d’être larbin de supermarché qui fascine Tad, c’est si facile, pourquoi les gens s’entêtent t-il à vouloir faire autre chose quand on peut travailler honnêtement pour le moindre effort ? Certes, la question de la rémunération n’entre pas dans ses pensées et sa question dispose d’une réponse toute trouvée. Et pourtant, il sait que là maintenant, s’il pouvait, il dirait adieu à l’école de médecine pour vivre simplement à poser des conserves sur une étagère. Mais ce n’est pas le plan prévu pour lui, et puis ça voudrait dire que le jingle resterait coincé à vie dans sa tête et ça, c’est bien tout ce qui le dissuade.
Après que le magasin eut fermé, on retrouve le jeune Tad à pédaler comme un dératé sur son vélo à travers Brisbane pour retourner chez lui. La météo est pourtant agréable, il pourrait presque s’accorder de prendre son temps pour profiter du temps qu’il fait. Mais non. Il ne veut pas perdre plus de temps et faire en sorte d’avoir quelque chose à raconter de sa journée. Sur le chemin, il passe devant la maison des MacGrath et freine assez violemment compte tenu la vitesse à laquelle il roule. Il observe la maison quelques secondes avant de se décider s’il doit s’y arrêter ou non. La silhouette des parents dans le salon le dissuade un peu de tenter de signaler sa présence. Malgré toutes les années passées à fréquenter leurs enfants, Tad n’avait jamais été sûr d’avoir un semblant d’estime de leur part et même âgé de dix neuf ans, il avouera sans mal qu’il a un peu peur d’eux. Cela dit, ils ne sont pas bien différent de sa propre mère.
Après avoir caché son vélo derrière les buissons qui bordent la propriété des McGrath, Tad décide de se faufiler à l’arrière pour voir si Matt est là, ou à défaut d’apercevoir quelque chose, Ginny. C’est chez cette dernière que la lumière semble allumée, et bien qu’il n’est pas fait ça depuis plusieurs années, il se prend à escalader le mur grâce au lierre qui entoure la maison. C’est le moment pour lui de se rendre compte qu’il n’est plus aussi svelte qu’il ne le fût adolescent et que la maladresse ne l’avait pas quittée pour autant. Un gros bruit s’échappe du mur, le lierre sur son poids s’était détaché. Il n’allait sûrement pas attendre que ça alerte quelqu’un et en quelques secondes, il s’empresse de se faufiler à travers la fenêtre de son amie.
« Tu nous fais quoi là!? » demande Ginny en le regardant faire, il attend d’être bien à l’intérieur avant de lui répondre, et observe par derrière si aucun des parents n’est sorti pour voir d’où provenait le bruit qu’il a fait. Dès qu’il accorde un regard à Ginny, c’est pour la voir se réfugier sous les couvertures, comme s’il était dangereux. “J’avais envie de voir si j’étais encore capable de faire ça.” dit-il, réjoui de savoir que oui, il peut encore sous réserve de ne pas trop abuser du mcdo. “Puis, je viens de finir au magasin et je savais que tes parents me laisseraient pas entrer vu qu’il est tard, et j’avais envie de te voir.” explique t-il, depuis qu’il avait commencer à travailler à côté de ses études, ils se voyaient trop peu à son goût. Toujours au même endroit, il la regarde qui ne bouge pas. “Merde ! J’arrive au mauvais moment, t’étais nue ? Tu veux que je me tourne ? J’serais bien allé chez Matt, mais y’avait pas de lumière.” justifie t-il, tout en se retournant quand même, au cas où. Il se dit qu’il a peut être fait une connerie.
Fall is here, hear the yell, back to school, ring the bell. Brand new shoes, walking blues, climb the fence, books and pens. I can tell that we are gonna be friends. Walk with me, through the park and by the tree. We will rest upon the ground and look at all the bugs we found. We don't notice any time pass, we don't notice anything. And when I wake tomorrow I'll bet that you and I will walk together again.
N’allez pas croire à tort que j’étais fâchée de le voir, c’était bien le contraire. Seulement, la Ginny sage comme une image avait assez fait de dégâts dans la journée pour pouvoir tolérer une nouvelle erreur de parcours. S’il avait fallu que mes parents entendent, qu’ils déboulent dans ma chambre en s’imaginant le pire, qu’ils ramassent Tad au passage, j’en aurais bien fait une attaque. J’avais encore un peu trop la frousse de l’autorité pour faire autre chose que me plier, et malgré les longs soupirs de Matt qui n’hésitait pas à ajouter au passage que j’étais maintenant une adulte, une vraie avec tout ce que ça implique, je restais quand même la petite fille apeurée des conséquences, au fond. Pathétique, oui, mais c’était ancré si profondément en moi que je ne songeais même pas au jour où je penserais à m’émanciper un tant soit peu. Pourtant, mon air surpris flirtant avec la réprimande s’efface de suite lorsque je vois la tête que tire mon ami, empli de culpabilité, prenant la faute sur ses épaules. Il m’achève direct en ajoutant qu’il avait envie de me voir, mon petit cœur s’attendrissant devant cette confession qui tombait pile. Je ne comptais plus le nombre de fois depuis le retour des classes ou mes débuts précaires avec Ezra où j’avais repoussé Tad à plus tard. Mon plus vieil ami, le mec qui avait toujours été là, le cœur sur deux pattes auquel je ne laissais plus autant de place qu’il le méritait dans ma vie. Je laisse mon expression s’adoucir, ma voix aussi, avant d’ajouter, bienveillante « Oh, y’a pas de mal, c’est simplement ma façon bien gentille et polie d’accueillir mon meilleur ami à ma fenêtre. La prochaine fois, si tu es chanceux, y’aura une batte de baseball pour combler le reste. » je garde ma voix basse, murmures, le sourire moqueur qui se dessine sur mes lèvres en guise d’excuses. Il ne m’a jamais reproché de faire passer mes cours et mon petit ami secret avant lui, même si c’était tout sauf mon intention, et malgré mes remords plus que naissants, j’apprécie maintenant chaque seconde de sa visite improvisée, m'amusant de nouveau un peu plus de lui alors qu’il recule, interdit, à l’idée de me retrouver dans une tenue plus que légère. « Complètement nue, oui. » j’hausse exagérément le sourcil, provocatrice au possible, me jouant de sa timidité qui frôle bien trop souvent la mienne. « Pas besoin de te retourner, on se connaît depuis si longtemps, c’est rien de nouveau. J’imagine que tu as certainement dû peaker à un moment ou un autre à travers la porte de la salle de bain, non ? » Connaissant Tad et sa pudeur, jamais ce genre d'idée n’aura pu lui traverser l’esprit. Une amitié pure, sans aucune équivoque se dessinait entre nous deux, et malgré les hormones et l’adolescence qui ne nous avaient pas épargné, rien ne laissait transparaître qu’il me voyait de cette façon là, ou l’inverse. Son silence, sa mine livide et sa respiration qui s’accélère me donnent le signal dont j’ai besoin, et je m’hisse d’un geste du lit, dévoilant pour son plus grand plaisir… mon pyjama orné de cupcakes et de licornes. So much pour la jeune adulte de 18 ans que je personnifiais de peine et de misère. Je laisse un éclat de rire, fin, subtil s’échapper de mes lèvres, scellant ma petite victoire et sa presque crise cardiaque. Voilà qui rattrape bien la frousse qu’il m’a filée avec son entrée à la Dawson’s Creek.
Je sens maintenant son regard détailler le tissu et les motifs enfantins qui le décorent. De suite, je me raidis, froussarde « Tu parles de ce pyjama à Ezra, t’es mort. » mon regard veut tout dire, et même si mon ton est au plus bas, mes intentions n’en sont que mauvaises. Il avait déjà fait fi de l’élément alerte rouge numero uno, à savoir que j’étais la petite sœur de son meilleur ami, tout élément me rendant le moindrement enfantine à ses yeux suffiraient à rendre le tout encore plus awkward. Valait mieux prévenir. Laissant mon bouquin sur la table basse, je me promets de revenir au fantôme de Catherine et aux hallucinations d’Heathcliff à un autre moment, parcourant des yeux la pièce pour offrir quelque chose à boire à Tad. La presque bonne hôte que je suis repère une tasse d’earl grey infusé de la veille, et un verre de jus de fruits tiède qui semble avoir passé la journée à chercher un sens à sa vie. « Je t’offrirais bien quelque chose à boire pour la forme, mais je n’ai que quelques cadavres à ma disposition… alors tu devras te contenter de boire mes paroles. » mon humour lui aussi semble être au beau fixe, et je l’invite à venir se déposer sur mon lit le temps qu’on discute un peu à fleur de chuchotements, qu’on rattrape le temps perdu, tout en éliminant au possible la distance d’une extrémité de la pièce à une autre pour m’assurer que nos voix ne s’élèvent pas trop. Le suivant pour me réfugier entre les oreillers qui s'y empilent, je finis par le détailler du regard, curieuse, insistante. « Tu n’aurais pas apporté un snack surprise du supermarché, si ? »
Le sentiment qu’il n’aurait pas dû faire ça lui vient après, en observant la réaction de Ginny. Pourtant, Tad est vraiment content de son exploit et en fait part tout d’suite, de même qu’il est content de la revoir parce qu’entre les études de médecine, son travail à l’épicerie et ses visites à Chelsea, il reste très peu de temps pour qu’il puisse voir Ginny. Seulement, à voir sa réaction, il est un petit peu perdu. Elle ne semble pas partager la même joie que lui, comme s’il avait fait une bêtise. Il s’en veut dès qu’il s’en rend compte et prend un air penaud, voilà que maintenant, il se sent con. Il propose naturellement de se retourner – s’il perturbe un moment gênant mais qu’elle souhaite qu’il reste – il hésite à proposer de partir, ça, ça ne lui ferait pas plaisir même s’il se prépare à ce qu’elle le demande. « Oh, y’a pas de mal, c’est simplement ma façon bien gentille et polie d’accueillir mon meilleur ami à ma fenêtre. La prochaine fois, si tu es chanceux, y’aura une batte de baseball pour combler le reste. » finit-elle par répondre, enlevant ainsi un poids sur la poitrine de Tad, elle avait vraiment l’air inquiétant. « Sounds fun. » rétorque t-il, aussi bas qu’il le peut pour faire comme elle, c’est vrai qu’il vaut mieux que les parents McGrath n’entendent pas ce qu’il se passe dans la chambre de leur famille, parce que, ami d’enfance ou pas, relation platonique ou pas, il sait qu’il serait chassé d’un bon vieux coup de pied au cul. Il n’empêche qu’il finit par se retourner en observant la manière dont Ginny se cache sous les couvertures, l’idée qu’elle soit nue à faire dieu sait quoi sous la couette l’intimide grandement et le faire rougir comme une tomate. Il se sent bête de pas y penser. . « Complètement nue, oui. » répond t-elle en créant un nouveau malaise dans la tête de Tad. « Pas besoin de te retourner, on se connaît depuis si longtemps, c’est rien de nouveau. J’imagine que tu as certainement dû peaker à un moment ou un autre à travers la porte de la salle de bain, non ? » Ilse sent rougir. Voilà bien le genre de ton et de conversation qu’il n’aurait jamais pensé avoir avec elle. Il y’a des secrets qui selon lui ne se partage qu’entre homme. « Non. Nonnonon. » dit-il en essayant d’être catégorique, mais en bégayant quand même. Il est clairement mal à l’aise. Il ne comprend pas pourquoi Ginny se décide soudainement à se la jouer à la basic instinct. Il se racle la gorge, prêt à prendre la parole pour lui dire qu’il ne pensait à rien de mal en montant là, mais avant qu’il ne le fasse, elle prend les devants en soulevant sa couette, provoquant un mouvement de recul chez le garçon, qui n’a pas le temps de mettre ses mains sur ses yeux que le geste est stoppé dès qu’il discerne le pyjama de la jeune femme. Une onde de soulagement se propage en lui. Qu’est-ce qu’aurait dit Matt dans cette situation ? Il reste bien silencieux à se remettre de ses émotions tandis qu’elle se moque de lui bien ouvertement. Il se fâcherait, s’il n’était pas vert. « Par Céline ! Tu m’as fait peur ! » dit-il alors qu’elle se moque toujours. « C’était vraiment pas sympa, j’allais m’pisser dessus rien qu’en imaginant Matt ou tes parents entrer dans la pièce, on aurait l’air fin. » Là, il est un peu plus fâché. Il aime les farce, mais pas quand il en est la victime. « Tu parles de ce pyjama à Ezra, t’es mort. » Elle finit par interrompre sa séance de récupération d’oxygène. Il lève les yeux vers le pyjama, c’est vrai qu’il n’avait pas fait gaffe aux motifs. « Pourquoi ? T’es tellement mignonne dedans. Je suis sûre que tu ferais un malheur sur pedo.com. » répond t-il en riant, en même temps, Ginny est si fine, elle parait si innocente, ajoutez lui des licornes et elle a douze ans. Il se retient tout d’même de rire plus. La soirée ne sera pas bonne longtemps s’ils la passent à s’envoyer des vannes à la tronches. « Je t’offrirais bien quelque chose à boire pour la forme, mais je n’ai que quelques cadavres à ma disposition… alors tu devras te contenter de boire mes paroles. » dit-elle tandis qu’il obéit à son invitation à venir s’asseoir sur le lit à ses côtés. Tout cela est bien étrange pour lui, à vrai dire, depuis l’époque où il était petit garçon, il n’avait jamais remis les pieds dans la chambre de Ginny et soudainement, il se retrouve à détailler chaque élement de la pièce qui a évolué avec les années. « Tu n’aurais pas apporté un snack surprise du supermarché, si ? » « Haha » dit-il sur un ton de mystère avant de se pencher pour ramasser son sac à dos à ses pieds. « Du jus de pomme. Et des chips. » dit-il en sortant les objets, bon, la vérité c’est qu’il s’agit de son diner, mais c’était avant qu’il ne décide de se la jouer Bran Stark sur la maison des McGrath. « Voilà pour toi. Et sinon ? Tu ne m’as toujours pas raconter, comment ça va l’école ? Tes parents sont cools maintenant avec ou c’est toujours tendu ? »
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Ce n’était pas dans notre dynamique, les allusions grivoises. Jamais vraiment eu le besoin, déjà, l’idée qui allait derrière, les intentions qui se voilaient. Je dis ça simplement pour clarifier le reste : reste étant que Tad et moi étions comme frère et soeur. On se taquine, on s’agace, on se teste. Et l’air gêné, inconfortable, presque au bord d’une séance de tremblements causés par un malaise certain est habituellement le déclencheur pour la suite, pour la partie moqueries de notre programme principal. Le sourcil haussé, les jambes qui s’agitent sous les draps, je m’amuse du haut de ma presque position de pouvoir en espérant que jamais, au grand jamais, il ne me renvoie la balle. La tension commence pourtant à être tout sauf soutenable, et j’achève bien vite sa souffrance en sautant du lit, couverte de la tête aux pieds d’un pyjama des plus ridicules. Il rit, jaune au départ, mais un peu plus soulagé par la suite, et je retrouve le meilleur ami avec qui tout va, tout roule, tout est simple, tout est drôle. Il laisse même Céline se glisser dans la conversation alors que mes rires étouffés accompagnent à merveille son soupir spontané. Maligne, je secoue la tête alors que Tad invoque maintenant Matt, mes parents, et le résultat de ma mauvaise blague du moment. Bah voyons, ils n’auraient pas pu entrer, se faufiler, s’essayer, la porte est… merde. Les yeux gros, l’instinct de pseudo-félin qui fait le reste, je m’élance vers la poignée question de verrouiller la serrure et ainsi de me laisser l’ombre d’un peu de tranquillité. Ma maladresse servira à couvrir ce geste, et ils seront ralentis si vraiment leur curiosité et nos voix forment le pire des combos. Soufflant, je sens mes arrières être un peu plus couvertes face à cette nouvelle effraction - jeune adulte rebelle, quand tu nous tiens - et je retourne à Tad l’esprit un peu plus léger. « Relaxe, c’est simplement pour les retenir le temps que tu files s’ils entendent quelque chose. » je sentais déjà Tad se raidir de stress face à une seconde avance mal calculée. Mon sourire et le clin d’oeil l’accompagnant disparaissent pourtant plus vite que prévu, lorsqu’il menace de dévoiler mon accoutrement à Ezra. Maintenant, c’est à moi de paniquer, et pour des raisons évidentes. La différence d’âge étant déjà un sujet tabou entre nous deux, toutes mentions, allusions ou ressemblances avec une gamine lui venant aux oreilles risquent de casser bien vite l’image mature et responsable que j’essayais de dégager devant lui… au mieux de mes compétences de nerd à l’humour glauque. Bref, connaissant mon ami, il rigolait fort mais il protégeait tout autant ceux qu’il aimait. Tout devrait être ok dans le meilleur des mondes pour ce tissu recouvert de gâteaux et d’arc-en-ciel à sabots. Pour cette fois-ci, du moins. Mon accueil se place donc doucement, alors que je lui dévoile, honnête, désolée, que les restes de ma chambre ne feront pas office de collation ou de rafraîchissement décents. Heureusement, Tad a prévu la donne en exhibant son butin, à savoir un jus de pommes et un sac de croustilles. « Ne me dis pas que tu as encore omis la portion de fruits et de légumes dans ton lunch, si? » l’air de maman inquiète ne me va pas du tout et je le laisse aller d’un hochement de tête, misant sur le carton de jus qui contient au moins un pourcentage décent de pommes. Ça fera, que je pense. Un sourire ravi s’installe alors sur mes lèvres maintenant qu’il s’installe à mes côtés, empressée de discuter, de prendre des nouvelles, de renouer un brin avec lui. Je l’ai dit et je le pense encore, Tad a toujours été très important pour moi, du plus loin que je me souvienne, assez pour que je regrette de l’avoir autant délaissé depuis le début des cours, depuis Ezra aussi. Parlant d’école, le voilà qui aborde le sujet question de commencer en force. Mes parents, mon art, mes ambitions… ce genre de roue qui tourne et qui ne changera pas de sitôt. Je roule des yeux, laissant l’expression annoncer mes couleurs d’elle-même, avant de rapprocher mes jambes un peu plus. « L’école en soi, c’est probablement la meilleure chose qui me soit arrivée. Tout va vite, tout va bien, tout est tellement… je me sens enfin à ma place, et pas juste au fond de la bibliothèque à relire Sylvia Plath encore et encore après les heures de cours. » le regard qui s’illumine, je poursuis, m’emballant un peu trop je le sens déjà. « Et les professeurs, ils sont complètement géniaux. Si tu les voyais, ils savent TOUT sur leurs sujets, ils sont plus qualifiés encore que j’aurais pu l’espérer. C’est vraiment motivant. » il écoute, patient, la main lorgnant vers les chips qui font office d’excellent public. Le tout pourrait être la parfait conte, la finalité tant espérée qui avait bercé mes rêves les plus fous au lycée… mais évidemment, les parents revenaient assombrir le tableau. « Pour eux, par exemple, ce n’est qu’une phase. Un en attendant, un passe-temps, un plan de secours avant que l’illumination vienne et que j’entre en droit ou en architecture, comme Matt. » Matt qui lui, semblait maintenant être tout sauf emballé par son choix de carrière après avoir réalisé que ça ne suffisait pas de vouloir construire des tours tirées de Star Wars comme la Sea Tower fièrement japonaise… M’enfin, je m’égare. « Je me dis qu’ils finiront par voir que c’est plus que ça, que ça me rend heureuse, que je m’y plais vraiment. Ils disent vouloir mon bien… et je sais pertinemment que ça, c’est la bonne voie. » voilà qui semble plus logique, que le temps fasse son oeuvre sur eux et sur leurs préjugés. Lueur d’espoir que je garde en tête les journées plus difficiles, où leur appui me manque. « Et toi? T’as fini par mettre la main sur cette guitare dont tu rêvais tant? J’en peux plus d’attendre cette composition que t’as promis sur le mec des fruits et légumes! » curieuse, c’est à mon tour d’entendre ce à quoi ressemble son quotidien ces jours-ci.
Pour le coup, Ginny le met carrément mal à l’aise. Oui, c’est un mec mais cela n’empêche pas qu’entre eux il n’y a jamais eu quelque chose qui dépasse les frontières de l’amitié, jamais rien de non-chaste s’est glissé dans leur relation et au moment où elle le taquine, Tad a juste l’impression de se faire allumer par sa sœur – ou sa mère plutôt, parce qu’il n’a pas de sœur – et c’est vraiment très étrange, au point que c’est sûr, si elle lève ce drap, sa tête explose. La conviction qu’un truc de malsain est en train de se passer ne le quitte pas. Fort heureusement, lorsque Ginny se sauve de sa couette, cette dernière laisse apparaître un pyjama - tellement enfantin que Peter Pan pourrait surgir de suite pour l’emmener au pays imaginaire – au lieu du corps nu de Ginny. Il faut un temps à Tad pour se remettre de sa peur, ou plutôt de la situation d’extrême inconfort qu’elle vient tout juste de lui faire vivre. Il se remet un coup de frayeur en imaginant la scène si tout autre McGrath était rentré. Non parce que là, tant que tout l’monde a ses habits, il risque qu’un coup d’pied au cul mais s’il y’a du nu. Il préfère ne pas savoir. A cette illusion d’ailleurs, Ginny s’empresse d’aller verrouiller la porte, comme quoi, il a quand même un peu tort de s’inquiéter. . « Relaxe, c’est simplement pour les retenir le temps que tu files s’ils entendent quelque chose. » Il échappe un rire, si ses parents entendent quelque chose, il sait que son réflexe sera de sauter par la fenêtre trop vite et de se casser un truc. Plutôt bête la bête. Mais l’instant devient plus léger, et Tad essaie de se convaincre qu’il n’y a aucune raison pour qu’ils soient entendus par les parents. Ils parlent bien assez silencieusement. Et puis, face à ce pyjama, son esprit taquin reprend très vite le dessus et il n’épargne pas la jeune fille, même si bien sûr, il ne le fait pas sérieusement, et même si, il voit bien à la mine sur son visage qu’elle serait contrariée qu’il parle de ce sujet à son copain – sûrement que le copain serait très contrarié de savoir comment Tad a vu ce pyjama – et cela suffit à la dissuader. Au lieu de ça, il se contente d’observer les restes en décomposition qui traîne dans la chambre de Ginny, signe que s’il n’avait pas prévu le coup, ils auraient bien crevé la dalle ce soir. Fort heureusement, de son sac, il sort le nécessaire. « Ne me dis pas que tu as encore omis la portion de fruits et de légumes dans ton lunch, si? » Il hausse les épaules avant de rétorquer, un peu piqué « Et le jus de pommes c’est quoi ? C’est pas un fruit peut-être ? » Forcément que pour lui, ça en est, même s’il sait que ce genre de produit devrait surtout être rebaptisé jus de sucre à l’arôme de pomme. Mais bon, on est pas bien sérieux à vingt ans. « En plus, je suis sûre que y’avait une feuille de salade dans mon burger à midi, t’es vraiment médisante ! » ajoute t-il, plus pour blaguer qu’autre chose, malheureusement lui contrairement à Ginny se cogne un peu de tout ce qu’il mange. Rapidement, il vient prendre place à ses côtés. C’est enfin l’occasion de rattraper des semaines sans avoir pu papoter, il compte bien la saisir et n’y va pas en douceur avec ses questions. « L’école en soi, c’est probablement la meilleure chose qui me soit arrivée. Tout va vite, tout va bien, tout est tellement… je me sens enfin à ma place, et pas juste au fond de la bibliothèque à relire Sylvia Plath encore et encore après les heures de cours. » Voilà une bonne nouvelle. Après ses mésaventures au lycée, il est bien content de l’entendre parler positivement de l’école. . « Et les professeurs, ils sont complètement géniaux. Si tu les voyais, ils savent TOUT sur leurs sujets, ils sont plus qualifiés encore que j’aurais pu l’espérer. C’est vraiment motivant. » explique t-elle, Tad en profite pour l’interrompre. « D’ailleurs, je t’avais jamais dit que mon oncle travaille là-bas ? Le professeur Wyler. Faudra que tu sois sage si je dois le soudoyer pour toi ! » Bon, en vrai, il sait que y’a pas moyen. Sauf si Tad arrive à suffisamment lui taper sur les nerfs, mais maintenant qu’il est un grand garçon, il sait que son oncle a l’autorisation de l’abandonner au milieu d’un carrefour si jamais il est trop chiant donc. Il continue donc de l’écouter discrètement, tout en dégustant son dîner de chips. « Pour eux, par exemple, ce n’est qu’une phase. Un en attendant, un passe-temps, un plan de secours avant que l’illumination vienne et que j’entre en droit ou en architecture, comme Matt. » Il n’est pas convaincue que ça arrive un jour, pour lui, il a toujours été logique que Ginny vivrait d’un métier artistique et rien d’autre. « Je me dis qu’ils finiront par voir que c’est plus que ça, que ça me rend heureuse, que je m’y plais vraiment. Ils disent vouloir mon bien… et je sais pertinemment que ça, c’est la bonne voie. » Honnêtement, il en doute mais il ne veut pas la décourager, ou lui faire de la peine. Malheureusement, les parents de Ginny sont comme sa propre mère. Seul le prestige compte. « Qui vivra verra ! Et puis au pire, si jamais ils refusent que tu continues, tu n’as qu’à t’enfuir avec moi, on vivra d’amour et d’eau fraîche et si je suis le prochain Eric Clapton, on sera riche toi et moi. » dit-il, avec une moitié de sérieux tout d’même, Ginny aura toujours refuge chez lui si besoin. « Et toi? T’as fini par mettre la main sur cette guitare dont tu rêvais tant? J’en peux plus d’attendre cette composition que t’as promis sur le mec des fruits et légumes! » « Pas encoooore » lâche t-il, vachement déçue. « T’sais c'était l'anniversaire d'Elias cet hiver, et bon maintenant qu'il commence à bien marcher, baah je lui ai offert un vélo pour qu'il apprenne, donc la guitare attendra encore un peu, mais promis, je l'achète et je fais la compo avant Noël. » En théorie. Avec Tad, il y’a toujours une nouvelle priorité qui apparait à chaque fois qu’il commence à rassembler l’argent. « Mais tu sais, j’hésite à me lancer dans un band cette année. C’est pas trop compatible avec la médecine, mais si je dois attendre la fin des études avant de me lancer, je serais vieux et j’aurais l’air pédo pour draguer les filles. »
Fall is here, hear the yell, back to school, ring the bell. Brand new shoes, walking blues, climb the fence, books and pens. I can tell that we are gonna be friends. Walk with me, through the park and by the tree. We will rest upon the ground and look at all the bugs we found. We don't notice any time pass, we don't notice anything. And when I wake tomorrow I'll bet that you and I will walk together again.
La feuille de salade fait monter direct un éclat de rire, que je retiens du revers de la main, le regard qui se jette vers la porte comme par précaution. Si j’avais toujours été celle qui écoutait les règles alimentaires qu’on lui imposait, Tad, lui, était encore en phase fiesta de l’assiette. Remarquez, ça avait du bon, j’avais pu tester à ses côtés les meilleurs milkshakes de la ville, comparer 5 sortes de frites différentes en une soirée et avoir l’heure juste sur ce que la moitié des coffee shops de la ville avaient dans le ventre niveau pâtisseries, mais autrement, la blague remontait souvent à savoir combien de fruits ou de légumes il pouvait ingérer, en une année. Je pouvais probablement les compter sur le bout de mes doigts et encore, passons le tout à travers son attitude de musico badass en plein processus créatif et ça ajoutera de la profondeur au personnage. Personnage qui me laisse maintenant m’emporter sur l’école, sur les cours que j’ai tout juste commencé, à travers lesquels je m’adapte, je m’étends. Je rêvasse à voix basse des classes où je reste scotchée sur ce que les enseignants ont à dire, ce qu’ils nous font comprendre entre les lignes. Je laisse aller mon entrain en maîtrisant les niveaux vocaux, comparant à l’avant, au lycée et à toutes les horreurs qui s’y rattachaient. Tad me rattrape même au vol, mentionnant professeur Wyler - et je m’arrête dans mon élan, le sourire aux lèvres. « Hen! Professeur Wyler est ton oncle?! » Malgré notre proximité au fil des années, j’en connaissais très peu sur la famille de Tad. Bien sûr, j’étais plus qu’au courant de sa relation avec sa mère, et surtout du profil plutôt strict et pointu qu’elle dégageait, mais le reste de la famille me semblait bien inconnu. Alors qu’il passait le plus clair de son temps à traîner avec moi, avec Matt, à notre table, voilà qu’une nouvelle culpabilité naît, prenant la place de mes remords précédents à savoir ma nouvelle relation avec Ezra qui gobait tout mon temps libre, ou presque. Mince, là je ne suis pas fière de moi. « Honnêtement, je crois qu’il est mon enseignant préféré. Il a cette façon de partager, il en impose tellement, il est super droit et sérieux et professionnel, mais quand il parle on voit tout de suite l’émotion et… je m’emporte, pardon. » Il avait l’habitude de mes envolées lyriques lorsqu’on parlait d’art de toute façon. Aucun malaise à avoir ici. L'emportement se calme bien vite de lui-même, alors que je ralentis la cadence lorsque le sujet des parents est abordé. En soi, ils ne voulaient que s’assurer que mon avenir m’offrirait tout ce dont j’avais besoin. En soi, ils n’étaient pas méchants, simplement inquiets. J’avais des preuves à leur faire, je devais leur montrer qu’il s’agissait de la bonne voie pour moi, et si la lueur qui ne quittait plus mes prunelles depuis mon entrée à l’Académie ne suffisait pas, je finirais bien par trouver. Je trouvais toujours. Je me replace, attrapant le jus de pommes qui me fait finalement plus envie que ce que je croyais, et l’ouvre alors qu’il m’expose son plan de match au cas où les McGrath n’approuvent jamais le plan de vie de leur cadette. Le pire, c’est que ce genre d’idée m’irait à plein dans l’optique où ils m'interdiraient de poursuivre un jour. Presque rebelle, dans l’attente d’une émancipation, me retrouver exactement où ma place était me donnait doucement une nouvelle confiance qui m’effrayait autant qu’elle m’intriguait. « On ira vivre sur la promenade et je gagnerai ma vie en faisant des portrait exagérés des touristes pendant que tu enfiles les solos… » et là, juste là, les regards se croisent et la complicité reprend exactement où on l’avait laissée. Avec Tad, ça avait toujours été simple, facile. On pouvait ne pas se voir pour quelques jours, être pris chacun dans notre quotidien, lorsqu’on se retrouvait, c’était toujours facile de retomber exactement dans le délire de la dernière fois. Mine de rien, j’espère, je demande, je supplie pour que cette relation reste aussi naturelle, aussi candide pour le reste de mes jours, malgré la vie qui s'interposera, malgré la distance, malgré tout ce qui pourra nous être lancé en pleine figure. Comme Elias, et cette relation qu’il apprivoise en douceur depuis des mois déjà, relation qu’il mentionne alors que je lui demande des nouvelles de cette fameuse composition que le Clapton en lui m’a promise - et de la nouvelle guitare qui ira avec. « Oh, mais c’est tellement une bonne idée le vélo! Il arrive à grimper dessus tout seul? Il se tient bien déjà ou Chelsea t’en veut à mort pour les coups et blessures que ça lui a infligés? » ma priorité musicale est bien vite passée au second rang alors que j’imagine le bonhomme tout fier tenter d’escalader l’immense amas de ferraille que doit représenter la bicyclette pour lui, étant haut comme trois pommes. Malgré l'immaturité plus qu’assumée de Tad, je ne pouvais pas mentir et dire qu’il me décevait depuis l’entrée du garçon dans sa vie - au contraire, à chaque nouvelle anecdote, il me rendait encore plus fière de le considérer comme l’une des personnes les plus importantes dans ma vie. L’entendre me donner le pouls sur son quotidien dérive évidemment vers ses études particulièrement ardues, et même si je l’envie d’avoir su combler la passion d’un côté et la fascination de l’autre, j’ignore comment il arrivera à reléguer la musique au placard le temps qu’il se concentre sur ses livres. « En vrai, je pense quand même que tu devrais tenter, quitte à leur dire au départ qu’il y aura certaines périodes où tu seras un peu plus occupé. J’ai pas envie de te retrouver en sanglots dans les toilettes de l’université quand tu réaliseras qu’il te manque tes gammes hebdomadaires pour te sentir complet! » la blague est là, mais la vérité toute autant. Je savais à quel point Tad prenait ce hobbie au sérieux, à quel point il y tenait plus que tout, et en bonne copine, il m’apparaissait impossible de l’encourager à lâcher le tout quitte à devoir redoubler d’ardeur et de productivité pour pallier au reste. « Je me propose pas pour les crises de larmes, mais tu sais que je suis là pour t’aider pour toutes tes révisions… j’apporterai tes cahiers dans les coulisses, et on repassera dessus entre les chansons s’il le faut. » il roule des yeux, je poursuis, sur ma lancée. « Ou pendant tes séances de bodysurfing, je te suivrai et on répètera ensemble les noms des os à ne pas oublier pour le lendemain. » mes épaules se soulèvent, le rire en sourdine qui les accompagne. Voilà qui est mieux, et pas seulement parce que le scénario me fait mourir de rire, mais surtout parce que je suis entièrement sérieuse. Pas question que la musique passe au second plan sous ma surveillance. « Mais bon si après tu veux vraiment te consacrer qu’à la médecine, on demandera à Ezra de te donner ses meilleures astuces pedo friendly et on laissera les jeunes minettes apparaître par centaines à tes côtés ensuite. » c’était lui qui avait commencé en parlant du Beauregard comme un prédateur face à mon pyjama de licorne ambulant - peut-être aurait-il quelque chose à apprendre de lui pour la suite.
Pour sûr, le régime de Tad avait toujours été un sujet de moqueries entre eux. Un running gag dont ils n’étaient visiblement pas prêts de se défaire, et si dans le fond, il sait que Ginny a raison de s’inquiéter ou du moins de lui faire des réflexions sur son alimentation, lui préfère continuer à profiter de sa vingtaine tout fraiche et de continuer à jouer des blagues sur le pourcentage de sucre et de gras qu’il peut accumuler en une journée. Force lui reste de constater qu’il arrive toujours à la faire rire de cette façon et ça a un côté rafraichissant de savoir que cette complicité-là, elle est toujours là entre eux et qu’elle ne faiblit pas sous le poids des semaines sans se voir. Il reste attentif à ses propos quand elle lui parle de sa nouvelle vie, dans sa nouvelle école. Il s’amuse un peu de ses airs d’enfant qui vient de découvrir Disneyland. « Hen! Professeur Wyler est ton oncle?! » Il acquiesce. Il aurait pensé qu’elle avait fait le lien, sa mère portant toujours son nom de jeune fille, identique à celui du professeur. Mais il est vrai que Tad avait toujours veillé à ce que son entourage en sache moins sur sa mère. Un personnage bien trop étrange et autoritaire qui ne gagne pas forcément à être connue. « Honnêtement, je crois qu’il est mon enseignant préféré. Il a cette façon de partager, il en impose tellement, il est super droit et sérieux et professionnel, mais quand il parle on voit tout de suite l’émotion et… je m’emporte, pardon. » ajoute t-elle, et bien, heureusement qu’il sait qu’il y’a Ezra parce qu’il en croirait presque que Ginny entretient une relation avec son oncle. Il garde cette pensée pour lui, tout en riant de son emportement. « Y’a pas de mal, je suis content pour toi que ça se passe mieux dans cette école plutôt qu’au lycée. » Oui, c’est un point dont Tad est satisfait, et étant donné que leur vie va très probablement les amener à moins se voir dans les semaines à venir, il préfère partir serein. Evidemment, le sujet des parents tombent sur le tapis. Tad n’est pas convaincu qu’un jour, ils laisseront Ginny poursuivre ses ambitions. Il est sûr et certain que le jour où elle fera ses preuves, ils trouveront un moyen à l’amener faire ce qu’ils veulent, mais il préfère ne rien en dire, ce sont les parents de Ginny. Même lui, malgré sa mère bien spéciale, il n’aimerait pas qu’elle la médise. Alors, il ne dit rien, au lieu de ça, il lance des plans sur la comète. Elle et lui. « On ira vivre sur la promenade et je gagnerai ma vie en faisant des portrait exagérés des touristes pendant que tu enfiles les solos… » « Et on aura un petit singe qui danse pour distraire le public, comme dans Rémi Sans Famille » dit-il en chantonnant un peu, pour plaisanter un peu. Bien que, l’image à un côté très bohême et non prise de tête. Ça vend certainement plus de rêve qu’à lui, sa future carrière de chirurgien. « Je déconne. » dit-il en apercevant son regard, certain que l’idée d’avoir un chimpanzé comme compagnon la gêne horriblement. La conversation finit par aller sur Tad, et les promesses ratées qu’il lui a fait : une compo sur laquelle il est censé être depuis des mois. Mais, il a une très bonne excuse. Il a encore voulu gâter le fils de Chelsea. « Oh, mais c’est tellement une bonne idée le vélo! Il arrive à grimper dessus tout seul? Il se tient bien déjà ou Chelsea t’en veut à mort pour les coups et blessures que ça lui a infligés? » Il ravi que Ginny comprenne son sens des priorités. « Oh tu sais, il marche maintenant donc il arrive à se mettre dessus. Le truc, c’est que comme y’a un manche pour le pousser, il a pas le réflèxe de pédaler. Mais c’est très drôle à voir. » explique t-il avant de reprendre sérieusement. « Voyons, tu sais bien que si y’avait des coups et blessures, Chelsea se serait déjà assurée que je ne sois plus de ce monde. » ça, la jeune femme pouvait se montrer particulièrement violente quand il s’agit de son fils. Et à juste titre. Il finit par lui parler de ses plus grandes préoccupations du moment : le fait d’avoir à mettre la musique de côté, avec ses études qui ne sont que trop prenantes et l’envie de fonder un band, de donner une chance à cette passion, sans forcément en faire une carrière mais de se donner à fond pour ça tant qu’il en a le temps. « En vrai, je pense quand même que tu devrais tenter, quitte à leur dire au départ qu’il y aura certaines périodes où tu seras un peu plus occupé. J’ai pas envie de te retrouver en sanglots dans les toilettes de l’université quand tu réaliseras qu’il te manque tes gammes hebdomadaires pour te sentir complet! » Il se marre. Bon, il n’irait pas jusque là, le mélodramatique n’étant pas une passion mais elle marque un point. Ça va le souler de devoir choisir. « Je me propose pas pour les crises de larmes, mais tu sais que je suis là pour t’aider pour toutes tes révisions… j’apporterai tes cahiers dans les coulisses, et on repassera dessus entre les chansons s’il le faut. » Il apprécie, même s’il doute qu’elle puisse l’aider en quoi que ce soit avec la médecine. « Ou pendant tes séances de bodysurfing, je te suivrai et on répètera ensemble les noms des os à ne pas oublier pour le lendemain. » « Tout à fait, puis au pire, si je suis pas prête t’iras passer l’exam à ma place parce qu’à force de m’avoir fait révisé, tu sauras mon cour par cœur. » Il reste toujours interdit, même s’il en rit, il s’agit d’une question qui le turlupine depuis un moment, entre la médecine, l’épicerie, la musique et si Chelsea a besoin d’un coup de main. Malheureusement, il sait quel point il devra sacrifier. « Mais bon si après tu veux vraiment te consacrer qu’à la médecine, on demandera à Ezra de te donner ses meilleures astuces pedo friendly et on laissera les jeunes minettes apparaître par centaines à tes côtés ensuite. » « Oh oui, j’ai hâte que ton copain m’amène faire la sortie des écoles. Dis lui que j’apporterais le jus de pomme. Je vois que ça marche. » dit-il en la désignant après qu’elle ait bu une bonne partie de son dîner. « Non mais au pire, les filles ça attendra que je sois chirurgien, si ça marche dans Grey Anatomy, ça doit marche dans la vraie vie nan ? »
Fall is here, hear the yell, back to school, ring the bell. Brand new shoes, walking blues, climb the fence, books and pens. I can tell that we are gonna be friends. Walk with me, through the park and by the tree. We will rest upon the ground and look at all the bugs we found. We don't notice any time pass, we don't notice anything. And when I wake tomorrow I'll bet that you and I will walk together again.
C’était beau à voir. Cette passion pour la musique qu’il avait, la façon dont il parlait des guitares qui le faisaient rêver, les yeux qui scintillent au passage. C’était probablement ce qui nous avait rapproché au départ, lui et la musique, et moi et l’art. Si de son côté il avait tâché de me traîner dans tous les magasins de musique de la ville, cumulant les heures d’écoute des derniers albums qui le faisaient vibrer, qui génèraient par obligation un mouvement répétitif de ses doigts sur n’importe quelle surface à proximité, imitant le bruit des guitares et des percussions, Tad avait eu autant son lot avec moi. De musées en expositions, en passant par les librairies et les vieilles bibliothèques de Brisbane, il m’avait suivie avec patience, pas toujours avec la joie qui déborde du coeur, mais le silence qui respecte la suite. C’était grâce à lui que mes goûts en musique étaient aussi bons, aussi variés, aussi complets - du moins, à notre impression commune, fallait-il dire. Et c’était grâce à moi qu’il avait des noms d’artistes, de peintres, d’auteurs à name dropper lorsqu’une jolie demoiselle lui faisait de l’oeil et qu’il voulait sortir du lot des autres mecs usant des mêmes pickuplines encore et toujours. On faisait un bon duo en vrai, et même si les derniers mois avaient été plus durs pour notre amitié faute de ne plus avoir de temps à mettre en commun, je sentais que les choses finiraient par changer, par se calmer, par être plus douces, plus faciles pour nous. Il fallait simplement prendre nos racines, il fallait simplement ne pas se perdre à travers tous ces stimuli qu’on nous lançait à la tronche, et tout irait bien. C’est probablement pour cela que je ne lâche pas le morceau, que je l’implore de laisser une place à la musique, autant qu’à la médecine. Deux passions diamétralement différentes, mais qui faisaient de Tad le Tad que j’appréciais, le tout, l’entité. Brimer l’une aux dépends de l’autre ne ferait que le blesser, et il s’en tiendrait probablement rigueur, regrettant peut-être pas tout de suite, mais très certainement dans quelques années le choix cornélien qu’il avait dû faire. La blague revient bien vite sur le tapis, mettant en scène un Ezra en position bien gênante pour le kinder garden qui s’est établi face à sa demeure il y a 3 semaines déjà, et rappeler son nom de nouveau avec mon meilleur ami me donne envie de les mettre tous les deux dans la même pièce, et pas seulement pour parler de minettes n’ayant pas encore la majorité non, pour vrai. Organiser une soirée avec les deux tiers des hommes de ma vie, officialiser le tout peut-être un peu trop vite j’en conviens, mais l’idée de ne pas avoir à cacher à tout le monde le temps d’un moment cet amour naissant, un peu trop fort, un peu trop gros pour mon petit coeur me semble être une excellente idée, un plan gagnant. « Tu sais, ça me brancherait que vous vous rencontriez, en vrai. Bon, tu gardes ton jus de pommes pour l’intimité, mais à parler de lui comme ça, il me semble que vous auriez tout à gagner à vous connaître, et pas juste pour qu’il te passe ses tactiques infantiles. » en espérant que Tad ne pousse pas la blague jusqu’au moment où il rencontrera Ezra en vrai, calepin de notes en main, peluches à proximité pour agir en véritable étudiant modèle. L’idée est douce et j’espère secrètement que je pourrai la concrétiser sous peu. Puis j’enchaîne, le coeur léger, le ton qui l’est tout autant, sa mention de révision m’ayant fait penser que ouais, quand même, il doit bien commencer à se plonger dans le vif du sujet et à voir plus que la pointe de l’iceberg là. « Et sinon, pour les cours en soi, est-ce que tu le sens bien? Est-ce que justement, c’est aussi cool que dans Grey’s Anatomy, ou finalement ça craint? » l’avoir entendu citer la dernière saison de l’émission en grande totalité, utilisant les phrases des blocs opératoires pour catégoriser la moitié de nos conversations depuis des semaines, il fallait que je vois si l’idée était aussi cool que la réalité. Et si je me fiais à ma propre consécration à l’Académie, je n’en doutais pas une seule seconde. « Tu réalises? » que je demande, question rhétorique, laissant mon corps s’écraser sur le lit, mes jambes qui s’étirent d’elles-même. « On a réussi. Bon, il reste encore le papier et les notes et les examens et le volet difficile pour vrai mais… toi tu es en médecine, moi je suis en arts, ta musique reste et… et tout va bien. On a trouvé notre place. » le sourire qui se dessine sur mes lèvres est doux, tellement doux. Plein d’espoir. Invincible.
Il n’était pas forcément venu la voir pour la souler avec ses histoires de carrière. La musique avait toujours une partie intégrante de sa vie, mais jamais il n’avait nourri l’espoir d’en vivre et cela sans pour autant se dire qu’un jour, il la mettrait de côté. Ginny avait amené le sujet d’elle-même et forcément, Tad avait fini par lui exposer la question, l’avis de la jeune femme ayant toujours été très important pour lui. A vrai dire, il sait déjà qu’il ne s’orientera jamais vers un choix qu’elle désapprouve. Il parait que chaque homme a besoin d’une femme dans sa vie pour lui montrer le chemin, et bien, avec absolument aucune ambiguïté, Ginny était cette femme pour Tad, son guide, son phare en eau trouble. Il peut paraître manquer d’initiative mais au final, il a juste besoin qu’on lui dise qu’il ne fait pas de la merde, et fort heureusement la jeune femme est là pour ça dans sa vie. L’idée de tenter sa chance dans un band se laisse tenter, même si elle consiste en un risque pour sa future carrière. Mais Ginny a raison et après avoir presque pris sa décision, il se remet à plaisanter et à quitter ce visage sérieux qu’il avait pris pendant les quelques minutes où il s’était confié. Il n’était pas encore sûr de comment il allait s’organiser, ni de pourquoi, ni de rien du tout mais demain, quand il sera réveillera, il partira à la recherche d’une bande de sacré zinzin pour fonder un groupe où il pourra cultiver son talent (et pécho des meufs).Il était déterminé. Ginny finit par rebondir en lui parlant de son copain actuel, le fameux Ezra, qu’il n’avait jamais rencontré mais dont il avait beaucoup entendu parlé. Forcément, avec toutes les jokes que les deux font à son sujet, il est déjà un sacré personnage dans la tête de Tad. « Tu sais, ça me brancherait que vous vous rencontriez, en vrai. Bon, tu gardes ton jus de pommes pour l’intimité, mais à parler de lui comme ça, il me semble que vous auriez tout à gagner à vous connaître, et pas juste pour qu’il te passe ses tactiques infantiles. » Il hausse les épaules. Pourquoi pas ? Sortie de cette manière de la bouche de Ginny, il se sentirait presque comme un parent forcé de rencontrer un jeune premier avant qu’il n’emmène la donzelle au bal, mais peut-être que là, c’est le Tad qui a regardé trop de teen movie qui parle. « Je pense, Matt parle de lui parfois. Ça m’a l’air d’être un bon pote, mais bon tu sais avec Matt, j’ai encore l’impression d’être le petit garçon qui lui court après avec un vélo à roulette en pensant que ça me ferait entrer dans le gang du VTT » lâche en riant « Enfin, c’est bien le même Ezra ? » Il a toujours supposé, comme si dans le monde de Tad, c’était impossible que deux personnes aient le même prénom. Elle enchaine ensuite en rebondissant sur sa blague. . « Et sinon, pour les cours en soi, est-ce que tu le sens bien? Est-ce que justement, c’est aussi cool que dans Grey’s Anatomy, ou finalement ça craint? » « Baaaah en fait… »commence t-il à dire en hésitant, parce que c’est pas hyper intéressant ce qu’il a dire. « Vu que je ne suis qu’en cours, c’est très barbant. Mais j’entend plein d’histoire de baise dans l’amphi donc ça doit rejoindre l’idée de la série. Faudrait qu’on regarde les derniers trucs qui se sont passé un jour. » lance t-il en s’disant que c’est vraiment le genre de contenu sur lequel il aime bitcher à ses côtés, à un point qu’il n’a pas continué sans elle. (Oui, Tad c’est un peu une gonzesse parfois) « Je pense que les détails croustillants viendront quand je serais en internat. » Et, c’est pas pour demain. « Tu réalises? » demande alors Ginny, question qu’il ne comprend pas au premier abord. Que doit-il réaliser au juste ? Qu’il pourra un jour pécho autant que le docteur Mamour ? « On a réussi. Bon, il reste encore le papier et les notes et les examens et le volet difficile pour vrai mais… toi tu es en médecine, moi je suis en arts, ta musique reste et… et tout va bien. On a trouvé notre place. » « J’avoue. » lâche t-il en pensant déjà à ce fier avenir flamboyant qui se dresse devant eux. Il a bon espoir que tout deux deviennent de chouettes adultes. Ouais, l’avenir semble cool. « Je crois que faut qu’on profite, on est au moment de notre vie où on a aucun problème. C’est chill ! » dit-il en levant le jus de pomme, comme s’il allait trinquer.
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Je connaissais Tad d’aussi loin que je me souvienne. C’est probablement ce qui me frappe, alors qu’un rictus se dessine sur son visage, qu’un pli, infime, accompagne son sourire, ses rires. Tad et ses blagues douteuses, Tad et son humour qui contraste, Tad et son histoire si loin de la mienne, sa famille et ses rêves et ses ambitions, mais sans qui je ne verrais tout simplement pas ma vie telle qu’elle est vraiment. Telle que je l’aime. Tad qui est plus qu’un meilleur ami, un frère sans doute, plus même. Il s’était greffé à notre famille le plus normalement du monde, il s'installait à notre table, il partageait notre quotidien, il nous connaissait par coeur. Et voilà que j’ai envie de l’inclure encore plus, de lui offrir une place que même mon propre aîné, mon sang, n’a pas droit. Rencontrer Ezra, rencontrer ce gamin que je ne devrais pas aimer, mais qui a déjà pris une place plus importante dans ma vie que je ne l’aurais cru, qu’il n’aurait dû. Accentuant la confession, je baisse volontairement le regard, ajoute au secret, au mystère. « Oui… Ezra... » Tad savait que depuis un long moment, j’éprouvais plus que la simple amitié banale face au Beauregard qui était l’un des meilleurs amis de mon frère. Mais si l’évidence était que Matt ne pardonnerait jamais à Ezra de rôder autour de moi, j’étais toute aussi fautive sinon plus dans l’histoire. « Matt ne sait rien. » je chuchote, dans mon malaise. « C’est lui, c’est le même. » ici, pas besoin de demander à Tad de se taire, je le connais assez pour savoir qu’il sera une tombe et jamais n’osera révéler quoi que ce soit sur les allusions que j’ai bien pu faire au sujet d’Ezra depuis des semaines, et surtout maintenant qu’elles sont plus que des idées en l’air. Il y a quelque chose qui se forge, qui se construit, et le crush d’adolescente bien émerveillée tangue doucement vers plus, plus fort. « Ça tu vois, c’est le genre de truc pour lequel ça vaut la peine d’avoir verrouillé la porte. » au rayon des confidences, je ne pouvais pas faire mieux. Un peu moins bavarde puisqu’il s’agit d’une des premières fois que j’aborde le sujet franchement, j’attrape une couverture à proximité pour m’y enrouler, comme si cela me protégerait de quelque chose, des remontrances de Matt peut-être, s’il venait à savoir. « M’enfin. Si je dois cacher ça aux autres, à toi je peux pas. » j’hausse les épaules, mes rétines s’accrochant aux siennes. Avec lui, c’était différent. Tad comprendrait, Tad comprend toujours. Assez dit pour Ezra, et je change volontairement de sujet de conversation en rendant la parole à mon ami, et en lui laissant toute la place du monde pour parler de ses études, de la médecine, de ce rêve de gamin qu’il vit aussi depuis plusieurs semaines. Son bonheur suffit à chasser mes idées noires, et lovée contre les coussins qui épousent mon dos, je l’écoute déblatérer connerie sur connerie, un fin sourire se dessinant sur mes lèvres. La mention de notre retard horrible sur la dite série m'arrache une rire, rire que je retiens de suite, regard apeuré, retenant mon souffle quelques secondes en espérant rien n’entendre de l’autre côté de la porte. Sauve, je poursuis à voix basse. « La dernière fois, qui avait embrassé qui dans la salle d’urgence déjà? Je me souviens plus tellement ils ont tous couchés ensemble. » je secoue la tête, amusée, prunelle encore bien pure qui se laisse bercer par les histoires charnelles que la télévision peut bien lui offrir question de se faire un idée sur ce dont ce moment là, intime, doit vraiment avoir l’air. L’internat, justement. C’est là où les personnages semblent être le plus portés sur la chose, guidés d’adrénaline et de cortisol et d’idées de contrôle, de pouvoir. Je frissonne, sachant qu’un jour ce sera mon tour et aussi effrayée je peux être face à la possibilité de laisser entrevoir plus que quelques parcelles de ma peau à quelqu’un, il me semble que mon histoire avec Ezra tournera bien vite autour de ces questionnements. En espérant que Tad sera là pour m’écouter lorsque je paniquerai sur l’avant, et surtout sur l’après. Mais pas le pendant, oh gosh non, jamais je n’oserais lui en toucher un mot. Un soupir plus tard et je reviens à la charge, rêveuse, détendue. Ces espoirs qu’on avait dessinés, qu’on avait imaginés depuis tellement longtemps prenaient doucement forme, et je ne pouvais pas être plus heureuse d’être spectatrice de tout cela avec lui. Tad étant Tad, il n’ajoute que l’essentiel et c’est bien assez que je réalise. L’essentiel nous convient à tous les deux. « Chill de chez chill. » que je répète, attrapant le jus de pommes au vol pour en prendre une gorgée à mon tour. « Et si on faisait un pacte? » je me sens joueuse, maintenant que j’ai mis carte sur table avec Ezra, qu’il a choisi et la médecine et la musique et que l’aube d’une carrière en arts me faisait de l’oeil. Je me lève du lit, n’attendant pas sa réponse pour farfouiller à travers mes affaires, jetant un coup d’oeil par-dessus mon épaule alors qu’il observe la scène de derrière. « Ris pas, ce sera con, mais ce sera drôle. J’espère. » pauvre de lui, toujours à devoir me suivre dans mes jeux, toujours à devoir se plier à mes questionnements et à mes rituels. De retour à ses côtés, je lui tend un crayon, une pile de papier et mon plus grand sourire. « Écris sur ta feuille 5 trucs que tu veux absolument réaliser. » je me dépêche de terminer ma phrase avant qu’il ne roule des yeux et refuse de se plier. « Dans 10 ans, on ressortira ces papiers, et on les lira. Pour voir ce qu’on voulait faire. » l’idée me semble parfaite, maintenant que nous avions un pied et même plus dans la bonne direction. « De toi ou de moi, celui qui aura réussi à accomplir le plus de trucs aura le droit de demander un gage à l’autre. N’importe quoi. » voilà, intérêt rattrapé au vol, ses prunelles qui brillent de nouveau. « Tu veux? »
« Oui… Ezra... » lui répond t-elle tout en lui donnant la sensation d’avoir mis le doigt sur quelque chose de sacré. Il l’observe intensément, observant sa petite mine de petite fille (parce que oui, elle ne fait pas encore très adulte) en attendant qu’elle crache le morceau d’elle-même. « Matt ne sait rien. » Voilà qui explique la grimace. D’apprendre que Ginny puisse avoir un secret pour Matt l’étonne, et la façon qu’elle a de l’avouer en le chuchotant lui indique bien qu’il a raison de ne pas trouver cela normal. Cela dit, ça le met au moins sur la voie de savoir que c’est vraiment top-top secret ce qu’elle lui avoue. « C’est lui, c’est le même. » « Je vois, il fait vraiment les sorties d’école en fait le salopiaud. » lâche t-il pour déconner, pour qu’elle sache que la situation est moins grave que ce qu’elle tente de se faire croire et puis parce qu’il ne peut pas se priver de sortir la blague. « Ça tu vois, c’est le genre de truc pour lequel ça vaut la peine d’avoir verrouillé la porte. » « Haha, je sais pas si pour tes parents le pire est de savoir avec qui tu sors ou me voir dans ton lit alors qu’il est tard. » « M’enfin. Si je dois cacher ça aux autres, à toi je peux pas. » Ouh, c’est que Ginny arrive à émouvoir le petit cœur tendre de Tad avec ses annonces. Sans trop le montrer à la manière d’une nana, il tend un bras autour d’elle pour l’amener à lui et la remercier de ce trop d’confiance. « Parce que j’suis une tombe. Je ne dirais rien à Matt. » dit-il avant que le sujet ne change pour quelque chose de plus léger, les histoires de médecines qui fidèle à leur réputation ne sont que des potins entre les coucheries des uns et des autres, un monde que Tad n’a pas encore eu l’extrême honneur de rencontrer même s’il en est certain que ça ne tardera pas. Les plaisanteries vont de bon train, comme il sait le faire. « La dernière fois, qui avait embrassé qui dans la salle d’urgence déjà? Je me souviens plus tellement ils ont tous couchés ensemble. » Il prend une mine réflective. Il s’agit du genre de série que Tad observe pour rire avec elle mais qu’il ne prend pas assez au sérieux pour s’en rappeler six mois plus tard. « Je crois que y’en avait un avec une tumeur au cerveau, un truc du genre. Je pense qu’on va être obligé de reprendre en cours de route. » soupire t-il, pas vraiment motivée à devoir tout rattraper. Le silence passe, jusqu’à ce que Ginny lui fasse remarquer qu’ils sont en train de marquer des points pour réussir leur vie, ce qui plait bien au garçon de pas avoir à se prendre la tête. « Chill de chez chill. » dit-elle alors qu’il plonge la main en grand dans son paquet de chips pour profiter des dernières miettes. « Et si on faisait un pacte? » demande t-elle, le surprenant par le côté girly de sa proposition. « Attends ! On est pas assez pour faire comme dans Quatre filles & un jean » « Ris pas, ce sera con, mais ce sera drôle. J’espère. » Okay. Il reprend un air sérieux en l’observant. « Écris sur ta feuille 5 trucs que tu veux absolument réaliser. » Euuuh … Il la regarde en grand, cinq, c’est beaucoup quand même. Tad ne voit pas aussi. « Cinq ? Tu vois large ! » lui dit-il en se concentrant sur sa feuille de papiers. « Dans 10 ans, on ressortira ces papiers, et on les lira. Pour voir ce qu’on voulait faire. » « Et on s’paiera nos propres gueules si on a raté ? J’espère qu’on aura toujours le sens de l’humour dans dix ans. » « De toi ou de moi, celui qui aura réussi à accomplir le plus de trucs aura le droit de demander un gage à l’autre. N’importe quoi. » explique t-elle, lui ne peut s’empêcher de penser qu’il y’a plus facile pour gager l’autre. « Attends, on a d’autres jeux qui prennent moins de temps pour les paris stupides. » « Tu veux? » finit t-elle par demander, avec ses petits yeux de petites surmotivées que Tad ne voudrait pas ternir. Il soupire. « Okaay. On va faire ça. Faudra que je fasse en sorte d’être canon dans dix ans si tu me gages de me foutre à poil. » dit-il en s’marrant avant de se mettre sérieusement à écrire ses objectifs. Cela lui prend quelques minutes. Ceci fait, il lui tend la feuille pliée en deux. « C’est ton jeu, je te fais confiance pour ne pas lire. » Il se lève. « Je confie le soin de cacher nos écrits, moi, je dois repartir avant que ma mère ameute le quartier et appelle la police. » Il dépose un baiser sur sa joue. « Allez, tu m’appelles pour rattraper la série, pas six mois hein ! » ordonne t-il avant de filer par la fenêtre, de l’exacte même façon dont il est venu.
Fall is here, hear the yell, back to school, ring the bell. Brand new shoes, walking blues, climb the fence, books and pens. I can tell that we are gonna be friends. Walk with me, through the park and by the tree. We will rest upon the ground and look at all the bugs we found. We don't notice any time pass, we don't notice anything. And when I wake tomorrow I'll bet that you and I will walk together again.
Je laisse échapper un rire supplémentaire à la remarque de Tad, bien d’accord pour la peine. Autant je pouvais adorer mes parents et leur être reconnaissante pour tout ce qu’ils faisaient quotidiennement pour que ma sœur, mon frère et moi soyons heureux et accomplis, il était plus que vrai qu’ils avaient cette tendance à se mettre le nez dans mes affaires – surtout de cœur – depuis un moment déjà et que si mon amitié avec Tad avait toujours bien passé à leurs yeux, à distance, l’idée qu’il se faufile par la fenêtre de ma chambre la nuit venue ne leur ferait pas plaisir, très certainement. Pourtant, ils savais bien qu’entre Jill, Matt et moi, j’étais la plus sage du lot et qu’ils n’avaient absolument rien à craindre – m’enfin sur papier du moins. Parce qu’en pratique, je me doutais que je devrais le leur démontrer encore et toujours. Une inspiration plus tard et je m’avance à tâtons sur cette relation justement, sur ce lien qui se dessine entre Ezra et moi et qui me fait autant frissonner d’envie que de malaise. Je savais que quelque chose de beau, de doux pouvait se tisser entre nous, encore fallait-il que j’arrête d’en douter et que surtout, je me fasse à l’idée que peu importe ce qui suivrait, je les décevrais. Restait à ne pas me décevoir moi-même et à assumer mon choix, ma décision, mon amour aussi. Tad en profite pour m’enlacer alors que j’articule à quel point il compte, à quel point j’ai besoin de l’avoir dans le secret, à quel point son avis et sa présence valent tout. « Une tombe, ou bien parce que ta mémoire de poisson rouge te fera tout oublier d’ici demain. » que je blague, détendant un peu l’atmosphère probablement trop sentimentale pour le garçon. Ses pertes de mémoire sélectives m’avaient autant fait rire que fâchée depuis le début de notre amitié, et si cette confession était probablement la plus importante de ma petite vie jusqu’à maintenant, tout me disait que ça, il ne l’oublierait pas. Je me blottis un peu plus, petite sœur dans ses bras rassurants, maintenant plus qu’à l’aise avec ce contact physique fraternel qui m’avait soutenu à des nombreuses reprises. On est bien là, sans stress, sans doute, juste nous deux. Nous deux et nos goûts ridicules en matière de séries télé apparemment. Si les épisodes merdiques s’étaient succédés un peu dans l’ordre et dans le désordre, la mention me fait réaliser que nous n’avons pas organisé de visionnement depuis un long moment et voilà que je m’ennuie de ces soirées à monopoliser le salon familial et à reprendre les dialogues ou les mises en scène complètement tirées par les cheveux – mais qui nous amusaient plus encore que nous ne voulions l’admettre. « Pas question qu’on recommence de la première saison. Je me remets encore à peine de l’enfant caché et de l’autre qui se prenait pour son père… » que je laisse alors souffler, confirmant ses paroles. La drama pure et dure qui faisait mal de trop rouler des yeux au passage. Le silence doux et confortable qui s’installe, les aises qui se prennent. J’entends les craquements des chips que Tad descend sans demander son reste et je laisse mon regard dériver vers la fenêtre et les bribes de la nuit qu’on voit s’y dessiner. Puis l’idée du jour, le délire inspiré par ce moment où l’avenir semble vouloir nous sourire me donne l’envie, l’impulsion de proposer un pacte, un truc bien con, bien ridicule, mais tellement cocasse que ça me semble être le plan du siècle. Tad comme à son habitude y va à la blague et j’éclate de rire, sachant très bien que peu importe, il finira par s’y plier après avoir râlé un peu. J’étais pas du tout du genre à lui proposer ce genre de chose au quotidien, et voilà que ça ajouterait un nouvel argument sur la pile du pourquoi tout ceci serait drôle, dans 10 ans. Et très probablement là, de suite, alors que je lui tends un bout de papier et un crayon, et qu’il se penche sur la chose. « 10 ans top chrono pour avoir un 6 packs. » je tapote distraitement son ventre à peine rebondi, mais rempli à rebord de chips. « Et ce ne sera pas que pour moi. Tu poseras comme mannequin à poil pour ma classe de fusain. » j’essaie de tenir l’expression sérieuse le plus longtemps possible, mais son air un brin apeuré me fait éclater de rire devant la blague trop tôt pour que l’effet en soit optimal. Voilà que finalement mon ami se penche sur la question, et je perds bien vite plusieurs secondes à simplement l’observer. Tad et ses sourcils froncés, Tad et sa mine concentrée, Tad et son corps recroquevillé qui reste presque immobile le temps de brainstormer avec lui-même. Curieuse, je me retiens tout de même de porter attention à ce qu’il écrit pour me concentrer sur mes propres objectifs, mes devoirs, ces missions que j’ai envie de me donner pour les prochains mois, pour les prochaines années. Que voudrais-je accomplir ? Où est-ce que j’aimerais me propulser ? Avec qui ? Et comment ? Des mots qui se gribouillent presque d’eux-mêmes et des aspirations qui s’entrecoupent, ce sont quelques minutes qui nous prendront tout ce que notre tête et notre cœur ont envie de vivre et de voir durant la prochaine décennie. Tad me sort de ma rêverie en me tendant ses propres confessions savamment pliées, que j’attrape pour les déposer dans une boîte de baskets qui traînaient près de ma poubelle. J’y lance les miennes aussi sous son regard curieux, amusé. « Mission acceptée. Je range ça à double-tour dans mon placard, et on leur dit à dans 10 ans. » un baiser sur la joue plus tard et voilà que le jeune homme s’extirpe du lit pour regagner ses chaussures, et maintenant la fenêtre. Ses adieux m’arrachent un énième éclat de rire étouffé, avant de tracer une croix de promesse sur mon cœur. « Pas 6 mois, pas 10 ans. On se parle demain ! » et le plus beau, c’est que c’est vrai. Petite promesse de gamins encore pleins d’avenir, promesses de meilleurs amis à qui la vie sourit ce soir, la lune bien haute, les étoiles qui lui répondent.