Ce jour-là était un jour radieux. Qu'importe le temps qu'il faisait dehors, qu'importe l'humeur de chacun et les nouvelles qui défilaient à la télévision. Même si l'on annonçait grêle, vent, pluie ou neige, même si l'on disait que c'était un lundi. Un début de semaine comme un autre pour le reste de tout Brisbane. Oui, une nouvelle semaine de travail, oui, un jour plus proche de l'hiver. Mais cela n'avait aucune importance. C'était donc avec un souire au bord des lèvres que Joanne s'éveilla tout en douceur. Allongée sur le côté, elle avait les yeux rivés sur son bébé qui dormait. Elle voulait qu'il dorme avec elle, cette nuit-là. Il y a un an de ça, ce n'était pas la nuit la plus agréable qui soit. Les heures de travail étaient interminables et son petit bout de chou avait pris beaucoup de temps pour pointer le bout de son nez. Mais le voilà. Adorable, curieux, un véritable bébé sourire qui ne demandait qu'à aimer et à grandir. Il apportait tant à Joanne, il n'en avait même pas idée. Leur relation fusionnelle était toujours bien présente, mais le fait que Joanne ne soit plus constamment collée à lui à longueur de journée leur était déjà bénéfique. Ils profitaient plus tous les deux des moments ensemble. Le petit dormait encore, bien heureux d'être dans les mêmes draps que sa mère. Il bougeait un peu la nuit, mais rien qui ne puisse risquer une chute du lit. La jeune femme observait longuement son petit, elle lui caressait parfois délicatement la joue. Daniel finit par se réveiller de lui-même. "Bonjour, mon trésor." lui dit-elle tout bas avec un large sourire. Forcément, Daniel le lui rendit, avant de se frotter adorablement les yeux pour qu'il puisse émerger. "Joyeux anniversaire." lui souffla-t-elle avant de le surprendre en le prenant dans les bras et pour le chatouiller un peu. "Un an, tu te rends compte ? T'es presque un ado." plaisanta-t-elle avant de le déposer sur son torse et embrasser sa tête. Lui n'était pas contre être câliné. Il n'avait certainement pas conscience de la particularité de ce jour, mais qu'importe. "Maman va faire un bon gâteau, et quelques gaufres à côté ? Elle a aussi acheté des ballons, des cadeaux, une belle bougie pour mettre sur le gâteau... On va décorer la maison tous les deux. Papa arrive tout à l'heure, et ce weekend on fêtera ça avec tes grand-parents. Ils sont très occupés en ce moment." La vie de retraité, en somme. Joanne jouait encore un peu avec lui avant que le ventre du petit ne crie famine. En route pour s'habille, et prendre le petit-déjeuner. Les jours de congés, où lorsqu'elle ne travaillait que l'après-midi, c'était qu'une fois tout le monde, chiens compris, on partait tous en promenade. Surtout que le temps était radieux, autant en profiter. S'en suit l'étape du gonflage de ballon. Joanne lui avait confié un pas trop gonflé afin de le laisser découvrir. Mais Daniel commençait à jouer avec sans grande délicatesse, ce qui effraya tous les hommes de la maison. Après un sursaut, le bébé de un an se mit à sangloter, tendant les bras vers sa mère pour un peu de consolation. C'était ce que Joanne fit, prenant bien le temps de lui expliquer que ce n'était pas grave, que c'était surtout le bruit qu'il faisait peur, afin qu'il ne devienne pas craintif d'absolument tout. Joanne avait un peu avancé sa sieste, afin de pouvoir profiter au maximum de l'après-midi. Jamie ne devrait plus tardé. Elle avait cuisiné un gâteau aux poires et chocolat. Pas quelque chose de bien compliqué et elle ne voulait pas se plonger dans la crème pâtissière ou autre recette du genre, tenant à ne pas faire manger Daniel trop sucré, même si c'était son anniversaire. Un tel gâteau relevait déjà de l'exceptionnel. Poire et chocolat, après tout. Bien qu'elle se doutait que Jamie opterait pour du thé, la jeune femme avait tout de même acheté une bouteille de champagne pour les plus grands, et quelques jus de fruits, au cas où. Il y avait une multitude de ballons multicolores qui étaient au plafond, ça laissait les chiens très perplexes. Joanne avait vêtu Daniel d'une petite chemise bleu et d'un pantalon de couleur anthracite. Il n'avait pas vraiment passé le cap de la marche, privilégiant encore largement être à quatre pattes. Cependant, il aimait se tenir debout au salon, en s'appuyant sur la table basse lorsqu'il jouait là-bas. Joanne finissait de tout préparer lorsque la sonnette retentit. Ce bruit interpellait toujours le petit, et cherchait du regard sa mère. "Mais qui ça peut être ?" dit-elle avec un large sourire. "Moi je pense que c'est Papa qui vient d'arriver, tu ne crois pas ?"[/color] l'interrogea-t-elle. Elle rit doucement en voyant le sourire de Daniel s'élargir d'un coup avant qu'il ne se précipite à 4 pattes vers l'entrée. Jamie s'était permis d'amorcer l'ouverture de la porte. "Attention, Daniel et les chiens arrivent vers toi." dit-elle afin de le prévenir, s'essuyant alors ses mains humides avec un torchon, en veillant bien à ce qu'il n'y ait pas d'accident de parcours.
I am the product of her sacrifice I am the accumulation of the dreams of generations And their stories live in me like holy water
Même si la nouvelle maison de Joanne a le don pour me rendre nerveux, j’ai toujours cette curieuse hâte de m’y rendre, plus pour voir mon fils que la jeune femme. Je ne pense plus à ce qu’il s’est passé le week-end dernier dans ce qui est désormais notre ancienne maison de campagne, encore moins au soir où elle m’a quasiment bordé comment un enfant parce que l’alcool ne me rendait plus capable de me gérer moi-même. J’occulte ces instants, et la vie continue. La vie, d’ailleurs, nous mène jusqu’à cet anniversaire. Un an. C’était un jour de joie autant que d’angoisse, la naissance de Daniel. Je me souviendrai toujours de notre premier contact, le moment où je l’ai porté, et j’étais tellement hébété que la seule chose que je parvenais à me dire n’était pas tant que j’avais enfin mon fils dans mes bras, mais que cet être était incroyablement petit et fragile. Lorsque ce constat nous frappe, il est impossible de ne pas se découvrir un certain instinct protecteur. Soudainement, tout est concret. On donnerait notre vie pour la leur. On devient véritablement une famille. Il est là, et tout change. Tout a encore changé depuis. Je me gare en bordure de ce petit jardin relativement bien entretenu, le sac à l’épaule, et m’approche de la porte d’entrée. Attendu, je n’attends pas longtemps avant de l’entrouvrir ; j’entends immédiatement Daniel et les chiens qui acclament cette venue. Nunki et Sirius ne sont pas des fuyards, mais je prends quand même le soin d’entrer sans que personne ne finisse dans le jardin ou les doigts dans la porte. Puis je prends mon fils dans mes bras, serré bien fort, et la joue estampillée d’un long baiser. “Joyeux anniversaire petit bonhomme.” J’ai droit à un câlin débordant d’affection. Il me rend même mon baiser –à peu près. “C’est un jour spécial, tu le sais hm? C’est pour ça que maman t’as fait tout beau.” dis-je en ajustant le bas de sa petite chemise qui est remontée sur son bidon pendant sa cavalcade, puis je lui tapote le bout du nez. “C’est le jour où tu es né, ça fait un an. Mais vu que tu ne comprends pas ce que je te raconte, je te l'expliquerai encore une fois l'année prochaine.” Et sûrement l'année d'après, et la suivante. Mais pour le moment, Daniel est surtout content parce que ses parents ont l'air de l'être, ça lui suffit. Sans oublier que maman a fait un gâteau, l’odeur est partout dans l'air, et ça aussi, ça lui parle. Le portant toujours, je rejoins Joanne d'un pas tranquille, le petit toujours très intéressé par mes paroles -plus par les sons que par leur sens. Je pourrais être en train de lui expliquer la conjoncture australienne qu'il aurait la même bouille passionnée. Quoi qu’il comprenne quelques mots clés désormais. “Et pour cette occasion, donc, tu vas avoir des cadeaux. Tous les ans, oui. On va commencer par ça.” N’ayant pas pris le temps de me défaire de mon sac, je l'ouvre d'une seule main et en extirpe une large carte de voeux musicale -en forme de canard évidemment- qui fait gigoter Daniel de joie au premier coup d'oeil. Chercher quelque chose d'aussi précis m’a fait découvrir le principal désavantage d'avoir un enfant né pendant la période de la Saint-Valentin : difficile de trouver quoi que ce soit qui ne soit pas lié à ce thème. “Tiens. Ta maman va me détester d'ici dix minutes mais c'est pas grave, amuse-toi. Tu auras le reste plus tard. Ça fera plein de papier à déchirer.” Ça y est, Daniel n’écoute plus vraiment, toute son attention est happée par la carte, et lorsqu'il l'ouvre, la musique le fait sursauter. Puis il éclate de rire en secouant le carton, n'ayant aucune idée de comment cela fonctionne, mais ravi de faire du bruit ; il le montre d'ailleurs fièrement à Joanne. Une fois près d'elle, je lui fais une bise courtoise et furtive. “Je vois que tu n’as pas lésiné sur les ballons.” je plaisante en voyant son salon submergé par toutes les couleurs. Puis, faisant mine de parler à Daniel –qui n’en a plus rien à faire, la musique est tellement plus intéressante- je reprends ; “Et vu qu'il y a un an c'est quand même maman qui a fait tout le travail, elle mérite aussi un cadeau, tu crois pas ?” Le petit lève le nez lorsqu’il m’entend mentionner sa mère, et il suit du regard le petit paquet que je tends à celle-ci en le faisant glisser sur l’un des meubles de la cuisine. Pas de bijou pour cette fois, ou d’acte de propriété de quoi que ce soit, juste un parfum, différent de celui qu’elle porte habituellement, pour le geste.
Daniel n'avait jamais eu besoin de grand chose pour être heureux. Que ce soit la présence des chiens, l'annonce d'une séance de jeux ou de promenade, ne serait-ce que le simple sourire de sa mère le rendait particulièrement ravi. C'était un bébé qui savait se contenter de peu, et c'était une valeur importante aux yeux de Joanne. Elle faisait son possible pour ne pas trop le gâter bien qu'elle était tentée en permanence de lui offrir de nouvelles choses. Elle parvenait à se retenir. Et dès que le petit devina la présence de son père, il était aux anges. Jamie le prit volontiers dans ses bras pour l'embrasser longuement. Un bébé sourire, peu de choses le contrariait -quoi qu'il était bien jaloux pour les quelques fois où Joanne se mettait à jouer avec d'autres bambins lorsqu'elle venait le chercher à la crèche. C'était toujours un drame, de partager sa maman, il ne le supportait d'ailleurs pas du tout. Il ne comprenait certainement pas pourquoi ce jour était si particulier. Ce jour là, c'était lui le roi. Jamie le montrait bien en lui offrant déjà quelque chose. Une petite carte de canard musicale, le genre de produits où la pile ne s'usait jamais. Daniel l'adorait, et sa mère en avait déjà plein les oreilles. Mais elle allait accepter un telle vacarme pour cette journée si spéciale. Ca la faisait rire de le voir surpris à chaque fois qu'il ouvrait la carte et entendait la musique redémarrer. Elle était curieuse du nombre de cadeaux que Jamie comptait lui offrir - quelque chose lui disait qu'il y en avait beaucoup. Elle rit nerveusement à sa remarque. "Daniel a eu la chance de découvrir ce qu'il se passait si on serrait trop fort un ballon, il a sacrément sursauté." dit-elle. "Mais ça lui plait, tout à l'heure, les chiens s'étaient mis à côté de lui, et ils ont admiré le plafond pendant dix minutes, facile. Regarde." Forcément, Joanne avait eu le temps de prendre un cliché de ces trois têtes qui regardaient en l'air, et elle la montra à Jamie. La petite blonde lui fit les yeux ronds lorsqu'il faisait comprendre qu'il avait un cadeau pour elle. Sur le moment, Joanne se demandait un bref instant si ce n'était pas encore un autre cadeau de mariage dont il voulait se débarrasser en le déguisant d'une autre façon. Elle prit délicatement le paquet, qu'elle déballa avec ça. "Tu n'auras pas du." dit-elle avec un sourire gêné. Certes, il y a un an de ça, elle était la seule à souffrir pendant des heures malgré la péridurale, mais elle n'était pas certaine de mériter quoi que ce soit en échange. Son plus cadeau, c'était bien son fils, en bonne santé, qui fêtait ses ans. C'était un flacon de parfum qu'elle ne connaissait pas. Il y avait tout de même une certaine intimité dans ce cadeau. Jamie se devait de savoir ce qu'elle aimait comme parfum, ce qui correspondrait le plus à l'odeur naturelle de sa peau. Beaucoup de critères entraient en jeu. "Merci beaucoup, Jamie, ça me touche." dit-elle avec un regard doux et sincère. "Je n'ai rien pour le papa, et pourtant, lui aussi a fait un sacré boulot." Il avait été là tout du long, c'était lui qui avait ce courage dont elle avait tant besoin alors qu'elle était à deux doigts d'abandonner, désespérée de voir que tous ses efforts ne changeaient rien à la situation. "Enfin, si on peut faire office ça de cadeau, je suis en train de préparer des gaufres. Ca ne vaut certainement pas un parfum, mais je me suis dit que ça plairait à tout le monde. Ce serait aussi l'occasion d'en faire goûter à Daniel, je ne l'ai pas encore fait." dit-elle avec un sourire tout en ouvrant avec précaution la boîte du parfum afin d'en saisir le flacon. Elle se vaporisa le poignet et approcha celui-ci de son nez. "J'adore. Il sent très bon." A la fois frais et délicieux, tout ce qu'elle aimait. "Merci encore." Elle rangea le flacon dans son emballage avant de se reconcentrre sur le héros de la journée. "Daniel, mon chéri, est-ce que tu veux prendre le goûter ?" demanda Joanne. Le petit leva les yeux vers sa mère - toujours comme s'il la vénérait. "Mammammamm..." Joanne rit doucement. "Oui, c'est ça :mam. On va manger oui. Papa va t'installer sur la chaise haute, je finis juste de tout préparer, j'arrive bientôt." Sans attendre, Joanne terminait de cuire ses gaufres et en même temps, elle plaça la toute première bougie sur le cadeau de Daniel - qu'elle avait nappé de chocolat noir. Elle avait trouvé par hasard un tube de paillettes comestibles qu'elle avait saupoudré sur l'ensemble du gâteau. Une fois que tout était prêt, les deux ex se mirent à chanter joyeux anniversaire à tue-tête. Daniel ne semblait pas comprendre ce qu'il se passait, mais ça semblait lui plaire. Il était bien plus perplexe par le gâteau posé devant lui, avec cette bougie.[color=#006699] "Et maintenant, il faut souffler, Daniel."[:color] lui expliqua-t-elle une fois qu'elle s'était installée sur sa chaise.
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Voilà que la mélodie électronique de la carte de voeux résonne subitement et se tait de manière toute aussi soudaine de manière anarchique à cause des grands gestes enthousiastes de Daniel. Malgré toute notre bonne foi, notre patience de parents sera mise à rude épreuve d'ici une dizaine de minutes. Mais c'était une petite intention nécessaire, non, la première carte ? C’est un peu kitsch, mais cela a l'air de lui faire déjà tellement plaisir. Pendant que le petit s'agite, Joanne me montre une photo sur laquelle il est subjugué par les ballons au plafond, entouré des chiots aussi songeurs que lui. Adorables tous les trois. « J’en connais un qui va attendre impatiemment ses anniversaires juste pour ça. Et des chiots qui vont se faire un plaisir de tout exploser plus tard. » Il suffira que les ballons se dégonflent un peu pour tomber et être à leur portée, alors nous aurons sûrement droit à un feu d'artifice d'intérieur -sans la lumière, uniquement le vacarme. Avant de nous dédier à Daniel, je me permets de glisser le petit cadeau de Joanne. À mes yeux ce n’est pas grand chose, ce n'est qu'une petite intention. Il y a bien la fête des mères pour ce genre de choses, mais je doute d'être invité à cette occasion là. Ce sont ses un an de maman, à elle aussi, quoiqu'elle en dise Joanne mérite qu'on pense à elle. « Bien sûr que si. Regarde ça, pareil chef d’œuvre mérite une récompense. » je rétorque en tournant le visage de Daniel vers sa mère en appuyant sur ses grosses joues pour lui faire faire la grimace. De toute manière, Joanne n’a pas le choix, un cadeau est un cadeau. Quitte à marquer le coup de cet anniversaire, autant le faire bien auprès de quelqu'un qui s'en souviendra. En revanche, je ne pense pas avoir fait quoi que ce soit qui mérite une récompense le jour de la naissance de Daniel, si ce n’est prendre sur moi la frustration de ne pouvoir justement rien faire. « T’entends ça Daniel ? Tes premières gaufres ! Faites par la championne incontestée des gaufres d’ailleurs. » j’adresse un clin d'œil complice à Joanne. Elle sait que j'ai toujours adoré les après-midis où nous prenions un goûter d'enfants dans ce genre. J'aimais faire le zouave avec les garnitures sucrées. C’est toujours le cas, mais je me montrerai sûrement plus civilisé cette fois. Curieuse de connaître la senteur du parfum que je lui ai offert, la jeune femme le teste rapidement sur sa peau. Au moins, il lui plaît. « Je peux ? » je demande en prenant délicatement sa main pour porter son poignet à mon visage, le temps d'humer le parfum mêlé à son odeur naturelle. « Oui, parfait. J’ai assez longtemps hésité, mais j’ai l’impression d’avoir visé juste. » Faux, je n’ai pas eu le moindre doute, il était absolument évident qu'il lui irait. Néanmoins je préfère la version alternative des faits qui ne donne pas l'impression que je la connais toujours par coeur, jusqu'à son odeur. À son signal, je vais installer Daniel sur sa chaise haute. Ayant déjà l'impression de saigner d'une oreille à force d'entendre les notes aiguës de la carte de voeux, je la subtilise des mains du petit. « Je te l’enlève juste quelques minutes, tu pourras le récupérer plus tard. » Ou pas, nous verrons s'il la réclame. Le garçon semble sentir le gâteau en approche, car son regard tombe immédiatement dessus lorsque Joanne arrive dans le salon avec celui-ci orné d'une bougie. Il a les yeux ronds d'étonnement, néanmoins il semble bel et bien réaliser que tout ceci est pour lui. Après la traditionnelle chanson, pendant laquelle il fixe la petite flamme de la bougie, il nous regarde avec le sourire, attendant la suite. Souffler, il ne sait pas trop ce que c'est. Je tente de lui montrer, mais ce n’est pas particulièrement concluant. Alors avant que le gâteau soit couvert de cire, je m'occupe d'éteindre la flammèche -sous les applaudissements enthousiastes de Daniel. Je crois bien avoir deviné Joanne prenant des photos pendant ce temps, en souvenir. Armé d'un couteau, je me charge de couper les parts et de les servir. C’est l'une des rares fois où Daniel à la permission de manger avec des doigts s'il le veut, mais à nous voir avec nos cuillères, sa seule envie est de faire pareil. Eh, il est un grand maintenant. Là encore, ce n’est pas un franc succès et aucun morceau ne parvient jusqu'à sa bouche, alors avant d'essuyer un chagrin je prends ma part avec les doigts -ce qui l'incite à faire de même. Rapidement, toute sa frimousse est tartinée de chocolat. « Regarde-toi. Tu es trop jeune pour avoir de la barbe comme papa. » dis-je avec un petit rire en m’essayant à une vaine tentative de réduire les dégâts. Il a du chocolat plein les doigts, jusqu'au bout du nez, et cela semble le ravir. Nager dans le gâteau, c'est un peu nager dans le bonheur, non? « Ce n’est plus la petite crevette qu’il était l’année dernière. » dis-je avec un sourire en léchant mes doigts. Rien à voir avec ce que j'avais dans les bras quelques minutes après sa venue au monde. « Curieux, hein, la vitesse à laquelle ces petites choses évoluent ? »
Joanne était assez contente de son idée avec les ballons, ça avait son petit succès, autant pour les petits que pour les grands. "Il y aura droit tous les ans si c'est ce qu'il veut." répondit-elle en riant. Puis elle secoua négativement la tête, en pensant aux chiens. "Pas sûre de vouloir les laisser éclater quoi que ce soit. C'est pas toi qui nettoie tout, après." dit-elle en riant. Les débris de ballon qui traîneraient sur le sol et que les chiens se plairaient bien à mordiller encore un peu ou à avaler. C'était même un peu trop risqué, en y repensant. Touchée par le présent de Jamie, la petite blonde se permit tout de même de vaporiser un peu du parfum sur son poignet, histoire d'en connaître l'odeur. Elle ne pensait pas mériter un quelconque cadeau, ce n'était pas son anniversaire à elle après tout. Mais pour Jamie, cela semblait être la date idéale pour fêter les mères, du moins, une en particulier. Elle rit en voyant la tête de Daniel. Son air adorable. Ce gamin allait faire des ravages auprès de la gente féminine, c'était ce que tout le monde lui disait. Jamie semblait tout aussi réjouit d'avoir droit à quelques gaufres. Autant rendre cette journée agréable au possible, que tout le monde puisse en profiter malgré le contexte bien particulier. Il révélait également son côté enfantin qu'il avait toujours dès qu'elle lui cuisinait ce genre de gourmandises. Ca la faisait toujours sourire, de le voir ainsi, se contenter de peu. Le bel homme désirait aussi sentir le parfum sur la peau de Joanne. Il prit délicatement sa main dans la sienne afin de la porter jusqu'à son visage. Lui parlait même de perfection, ce qui fit sourire timidement la jeune femme. Elle se demandait s'il avait véritablement hésité. Il la connaissait trop bien pour ça, à moins qu'il avait déjà oublié ce genre de détails comme l'odeur de sa peau. Suite à quoi, il était grand temps de commencer véritablement les festivités. Le petit ne savait pas vraiment quoi faire devant cette bougie. Ce fut finalement son père qui la souffla pour lui. Il s'en sortirait déjà beaucoup l'année suivante, pour ses deux ans. "Tu as fait un voeu, j'espère, mon trésor." dit Joanne en caressant la joue de son fils, en riant. Il s'enthousiasmait d'un rien. Il suffisait de voir à quel point il s'amusait avec le gâteau, cherchant absolument à manger comme ses parents. Ce n'était pas un grand succès, alors Jamie lui avait montré l'exemple en prenant les doigts. Un jour exceptionnel demandait des mesures exceptionnelles. Daniel en avait partout sur le visage, s'étant étalé le nappage partout, il y en avait même un peu sur le front. "Il va aussi y avoir un bain d'anniversaire ce soir, je le sens bien." s'exclama Joanne. "Comment est-ce que ça pourrait être un bain d'anniversaire ? Avec la machine à bulles juste à côté de la baignoire, peut-être ?" dit-elle en lançant un regard complice à son fils. "On fera des bulles, après ?" Un autre mot qu'il connaissait bien tant il aimait ça. Elle répondit ensuite à Jamie. "Eh bien, même la petite crevette qu'il était a été assez compliqué à sortir." dit-elle en riant. "Peut-être qu'il a du se dire, au moment où j'ai perdu les eaux, ça y est, je suis prêt. Mais dès que le véritableme moment est venu, il a du se dire que finalement, c'était pas si mal que ça que d'être dans le ventre de maman." dit-elle en riant. "Elle en a pleuré, des larmes bien différentes, ta mère. Toutes ces larmes rien que pour toi." Elle se rappelait qu'il tenait dans les mains de Jamie. "On va se dire ça chaque année, à quel point il grandit vite. On n'aura pas eu le temps de réaliser ça qu'il sera déjà à l'école." dit-elle en riant. "Même là, ça me fait un peu bizarre de le voir se tenir debout, même s'il s'appuie encore sur les meubles. Tu te dis que demain il marchera, il ira corrir avec les chiens, etc. Chaque progrès est émouvant pour moi. De voir que tout va bien, qu'il n'a rien, si ce n'est une excellente santé." Joanne finit par retirer l'assiette avec les miettes de gâteau que le petit ne voulait pas manger. En échange, elle lui donnait un quart de gaufre sans garniture. "Goûtes-en une déjà nature." lui dit-elle. Déjà, il était bien fier de pouvoir mordre de lui-même dans la gaufre. Il la mâchouilla longuement, perplexe, jusqu'à ce qu'il réalise qu'il aimait bien. Cela avait pris quelques minutes et pendant ce temps, Joanne et Jamie s'étaient aussi servis en gaufre. Joanne avait de la chantilly sur la sienne. Le petit interpella ses parents pour en avoir un autre morceau. "Tel père, tel fils, on dirait." dit-elle en lui en donnant un autre quart. "Profites-en, ce sera pas tous les jours comme ça, Daniel." ajouta-t-elle en riant. "Je ne t'ai pas demandé, qu'est-ce que tu veux boire ? Du thé ? Sinon j'ai acheté une bouteille de champagne, elle est au frais. Je me suis dit, que pour l'occasion..." Elle haussa les épaules, cela lui semblait être une bonne idée lorsqu'elle l'avait acheté.
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La différence en un an est frappante. Du vermisseau qui ouvrait à peine les deux et passait vingt heures par jour à dormir, nous sommes passés à un bébé bien curieux et communicatif, qui est aujourd’hui un vrai petit bonhomme qui n’a besoin que de prendre un peu plus confiance en lui pour commencer à vadrouiller partout et surtout, faire ce que les enfants font de mieux : des bêtises. Comme le souligne si bien Joanne, nous ne verrons pas le temps passer jusqu’à ce qu’une réalité nous saute à la gorge, celle de sa première rentrée scolaire, où nous devrons le laisser à la maternelle avec sa première maîtresse, sa première classe, et son premier cartable. « M’en parle pas. » je souffle, gagnant déjà de nombreux cheveux gris et quelques rides à cette idée. Oui, l’une des caractéristiques des enfants, c’est qu’ils soulignent le temps qui passe, non seulement pour eux, mais aussi pour leurs parents. Ils mettent en lumière notre éphémérité. On y pense peu, mais donner la vie donne une bonne idée de l’approche, année après année, de la mort. Ce n’est pas tant une mauvaise chose en soi, qu’un petit coup de cloche qui nous rappelle tout ce que nous pouvons et devons encore accomplir, ce qui est nécessaire pour être heureux. Je me vois bien aller chercher Daniel à la sortie de l’école, et l’écouter raconter sa journée sur le chemin de la maison. C’est un détail qui me rendrait heureux. Je sors de ma rêverie lorsque Joanne me propose à boire. « Du thé fera l’affaire pour le moment, si tu m’indiques où est le nécessaire je vais m’en occuper. On peut garder le champagne pour un peu plus tard. » Je ne laisse pas le choix à la jeune femme qui, je le sais, préférerait faire la bonne hôtesse jusqu’au bout ; je suis déjà levé de ma chaise et j’ai déjà un pied dans la cuisine. Je me charge donc de mettre l’eau à chauffer, le thé dans une théière, et j’en profite pour faire un gobelet d’eau à Daniel. « papa ! » lance-t-il, à demi interrogateur, en remarquant que je ne suis plus à table –et que j’y manque cruellement. « Juste ici trésor. » Il tourne la tête et m’aperçois dans la cuisine ; comme soulagé, il me sourit et retourne à son bout de gaufre avec entrain. Une fois le thé prêt, j’apporte le tout et confie le verre à hanses au petit. « Tiens, pour toi. On évite l’excès de sucre, sinon maman n’arrivera jamais à te coucher ce soir. » Ca ne semble pas le déranger outre mesure –en revanche, il avait bien soif et se jette sur l’eau. « Ca sera sûrement le seul anniversaire tous les trois. » dis-je une fois à ma place et après avoir savouré un nouveau morceau de gaufre débordant de sucre glace. « La prochaine fois il faudra inviter ses copains, et leurs parents. La maison sera pleine de bambins qui hurlent et courent partout. » Quelque chose me dit que, comme la carte de vœux, cela ne sera pas un problème les dix premières minutes, et ensuite ce sera une autre affaire. Je nous imagine bien, parents aux petits soins que nous sommes, redoubler chaque année d’imagination pour lui offrir une belle fête –tout en essayant de nous persuader que nous ne le pourrissons pas. « Je crois que le plus gros inconvénient dans le fait d’être parent, ce n’est même pas le manque de sommeil, c’est les autres parents. » je plaisante avant de prendre une gorgée de thé –un peu chaud, mais cela ne m’a jamais dérangé. Daniel s’agite un peu sur sa chaise haute, les bras tendus vers on-ne-sait-où ; je suis la direction du regard et tombe sur son ourson qu’il ne quitte jamais, l’indétrônable. « Tu veux ton doudou ? » Il secoue énergiquement la tête dans un oui sans équivoque. J’effectue donc quelques pas pour le récupérer, et revient le lui mettre dans les mains. Il faut bien partager ce moment avec sa peluche aussi, et… essayer de lui faire goûter de la gaufre –ce qui, dans mon imagination de bébé, n’a pas l’air si vain que ça. « Hé, et si on déballait tes cadeaux, hm ? » je demande une fois la gourmandise de tous satisfaite. Le petit bat des pieds d’approbation. « Il est déjà trop gâté, il reconnaît trop bien le mot cadeau. » je pouffe. « Toi d’abord. » j’ajoute à l’intention de Joanne avec un sourire.
Joanne à la fois hâte et pas hâte de voir son fils aller à l'école. Hâte de voir ses premiers progrès en terme de lecture, de mathématiques, de logique, d'écriture. Mais la scolarité était aussi un premier pas vers l'indépendance. Cela semblait être un grand mot, mais c'était une vérité indéniable. Après quoi, il pourra lire les histoires tout seul, montrer fièrement ses savants calculs à sa mère pour prouver qu'il se débrouillait bien. Peut-être qu'une vocation naîtra durant ses années à l'école, et qu'il saura rapidement ce qu'il veut faire plus tard - ou ne pas faire. En voyant grandir un enfant, on se rendait compte combien le temps passait vite, combien il fallait savoir profiter des choses. Ces dernières semaines, la jeune femme n'avait pas eu l'impression de profiter de quoi que ce soit. Elle vivait pour son fils. Quoi que son nouvel emploi lui avait permis d'ouvrir les yeux et d'avoir un entrain certain lorsque son réveil retentissait le matin. La jeune femme, comme tout bon hôte, proposa à boire à Jamie. Mais celui-ci ne comptait certainement pas se laisser servir et s'était même déjà levé pour aller chercher le nécessaire pour préparer son thé. "Les tasse sont dans le placard au dessus de l'évier. La théière est déjà sur le gaz, mais il faut mettre de l'eau dedans et les sachets de thé se trouvent dans le placard du haut, sur ta gauche." expliqua-t-elle brièvement, comprenant bien qu'il ne lui laissait pas le choix. Alarmé, le petit appelait son père, ayant une soudaine crainte qu'il ne soit plus là. Il retrouva son sourire dès que Jamie signala sa présence. Sa mère lui caressa délicatement la joue, échangeant un sourire avec lui. "Je ne lui donne jamais de boissons sucrées, de toute façon. Ce n'est pas recommandé par le pédiatre et je ne tiens pas à ce qu'il finisse comme ces gamins de dix ans qui approchent les soixante-dix kilogrammes, à ne boire que des sodas et manger des chips à longueur de journée." Joanne sera suffisamment prudente pour que Daniel ne tombe pas dans ce piège là et elle savait qu'avec Jamie comme père, il y avait peu de chance que cela arrive. "Il a toujours su se contenter de l'eau. Quoiqu'il est toujours particulièrement ravis d'avoir son biberon du matin et du soir." dit-elle en riant. "Peut-être que ce sera encore un anniversaire à trois l'année prochaine, qui sait." Du moins, Joanne l'espérait, d'avoir une occasion de fêter un anniversaire de façon plus intime, avant de se lancer dans la compétition -malgré elle- des parents les plus doués en matière d'organisation d'anniversaire. Elle en entendait parler au travers, ils prenaient ça très au sérieux. Même si elle était maman, la petite blonde ne comprenait pas vraiment. Elle avait bien en tête de faire plaisir à Daniel, c'était tout ce qui comptait pour elle, mais de là à chercher à être la meilleure, cela lui semblait un peu excessif. Avant qu'il ne puisse avoir son doudou, Joanne eut juste le temps d'essuyer les mains et la bouche de Daniel avant qu'il ne salisse sa peluche. Vint ensuite l'ouverture des cadeaux, Jamie tenait à ce que Joanne soit la première. Elle prit le petit dans ses bras et ils s'installèrent tous ensemble dans le salon, par terre, sur le tapis. Joanne confia son cadeau à son fils. "Tu déballes, Daniel ? Tu peux déchirer le papier, regarde." Joanne initia une petite déchirure, ce qui laissait toujours aussi perplexe le petit. Il prit un bout de temps avant de comprendre et de suivre le mouvement. Joanne lui avait acheté un cube de jeux, comprenant cinq faces : à son sommet, il y avait un boulier, sur l'un des côtés, des trous de formes dans lequel il devait mettre la pièce correspondante, sur une autre, une petite horloge où il pouvait faire tourner les aiguilles, un autre où il pouvait détacher et refixer des pièces en bois aimantées. Joanne n'aimait pas trop les jouets électroniques, de base. Non pas à cause du bruit, mais elle trouvait les jeux en bois mieux, plus esthétiques, peut-être. Il fut immédiatement attiré par le boulier, et Joanne lui montra également comment faire glisser l'une des formes à l'intérieur. Que la pièce en question disparaisse laissa longuement perplexe, avant que ça ne le fasse rire. "Il sera trop gâté par mes parents, c'est certain." Ils n'allaient pas lui acheter qu'un seul cadeau, c'était évident. Jamie et Joanne laissaient un peu jouer avec le cube avant de passer au cadeau suivant. "Daniel, tu veux voir ce que Papa t'a offert ?" lui demanda-t-elle en éloignant délicatement le cube afin de laisser la place pur le cadeau suivant.
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Daniel est bien intrigué ; tiré hors de sa chaise haute, voilà que les choses sérieuses commencent, le déballage de cadeaux –et c’est toujours bien drôle d’arracher, déchirer, déchiqueter le papier qui les emballe. Je crois qu’aucun bébé ne fait exception à la règle. Un premier paquet lui est mis sous les yeux, assez haut, assez large, de quoi éveiller sa curiosité, même si le meilleur reste à l’intérieur. Joanne donne l’exemple, et après un petit test fort concluant, le bruit du papier froissé et les petits cris de joie du garçon sont tout ce que nous entendons. Quoi que nous pouffons aussi parfois de le voir les mains pleines, s’en mettre sur la tête, partout autour de lui, et réagir à chaque son avec étonnement, car chaque déchirure en émet un différent du précédent. Il se retrouve face au cadeau de sa mère, ce gros cube d’éveil orné de jeu sur toutes les faces, et l’espèce de montagnes russes pour billes en bois qui connaîtra bien des allers-retours dans un sens et dans l’autre. Nous le laissons longuement découvrir chaque activité proposé par chaque face du cube, la jeune femme lui donnant toujours l’exemple, et lui observant attentivement avec la bouche en rond. Malheureusement pour Daniel, en nous ayant comme parents, il n’aura pas spontanément de notre part les derniers jouets ultra-technologiques. Nous ne sommes pas des fanas d’électronique, et cela promet, à l’avenir, quelques petites crises par souci du petit garçon de ne pas passer pour un has been auprès de ses copains qui, eux, ont eu le dernier robot télécommandé à Noël. Et la tablette, ce n’est pas pour tout de suite non plus, loin de là. Joanne récupère l’attention du petit pour le prochain cadeau. Les prochains cadeaux. « Eh bien, je n’ai pas de parents pour le gâter alors… » Je le ferai pour eux, aussi triste cela soit-il. Je me lève et retourne à ma voiture, le temps d’y récupérer les paquets dans le coffre, puis je reviens et dépose le tout devant Daniel. Le premier a la forme toute simple d’une boîte. « Tiens bonhomme, déchire-moi tout ça. » Cette fois, il y va franchement, et sans hésiter. Lorsqu’il a terminé, il analyse la boîte –toute lisse, il ne comprend pas le concept du jeu, parce qu’il n’y en a pas, pas encore. « Je te monte la piscine à balles ? » C’est une question de papa, alors même sans comprendre, par défaut, le petit fait oui de la tête. Je suppose que d’autres enfants feraient spontanément un non, des bébés plus craintifs, mais Daniel est un curieux qui n’a peur de rien si maman est dans le coin. J’ouvre le carton et en sort les différents éléments qui constituent la petite piscine. Ce n’est pas bien grand, sûrement pas bien profond non plus, et pas compliqué à monter. En quelques minutes, le tout prend forme sur le tapis du salon ; je dépose Daniel dedans et libère les balles en plastique autour de lui. Nunki et Sirius ne manquent pas de faire preuve eux aussi de curiosité et s’approchent en prenant appui sur les rebords du parc pour avoir une vue imprenable sur tous ces projectiles qui promettent des heures de va-chercher. « Tu peux aussi la mettre dehors si tu veux, pour qu’il joue à l’extérieur. » dis-je à Joanne, car cela prend un peu de place à l’intérieur malgré tout. Au moins, dans cet espace délimité, il ne risque pas de se faire mal, de filer, ni de s’ennuyer. Le prochain cadeau est beaucoup plus gros. L’imposant paquet est en réalité composé de trois cartons. Je me pince les lèvres, un brin gêné -je sais que j’en fais un peu trop en matière de cadeaux, mais comment résister lorsque l’on tombe sur quelque chose pareil ? J’en aurais rêvé quand j’étais petit -mais dans ma période Indiana Jones, pas Superman. « C’est un tipi. » j’avoue presque à voix basse avec un petit air coupable. « Je pense que les chiens auront aussi envie d’en faire leur maison, mais je me suis dit que s’il est un peu comme sa mère, Daniel apprécierait d’avoir son petit monde… concrètement. » Il a la grande ouverture, et une fenêtre, pour choisir son degré d’insertion dans le monde réel. Mais il peut tout fermer, pour jouer seul, ou tout ouvrir pour jouer avec elle. Il peut réunir tous ses jouets, en faire son empire, et y faire quelques siestes à l'improviste. « Est-ce que tu veux que je le monte aussi ? » je demande timidement, le grand enfant en ayant de toute évidence vraiment très envie.
Fort heureusement, Daniel ne faisait pas encore de caprices avec cette histoire de jouets électroniques. Ce genre d'objets dont les piles sont infatigables. Il était encore bien trop jeune pour les écrans, il était déjà bien heureux lorsque sa mère lui mettait un fond musical lorsqu'ils étaient tous les deux à la maison. Il viendra bien un jour où il verra les jouets de ses copains. A moins qu'il n'y montre qu'un intérêt mineur, sachant se contenter de peu - ce qui est peu probable, mais elle espérait toujours. La jeune maman ne lui avait acheté qu'un cadeau, ce qui lui semblait être le plus raisonnable. Un jouet qui était également un outil pour son développement moteur. Coloré, pas trop compliqué, ça lui plaisait beaucoup. On lui laissait un temps pour découvrir ce nouveau jouet, avant de commencer à déballer ce que Jamie lui avait ramené. Pas un, mais plusieurs cadeaux. Et beaucoup de papier cadeau à déchirer pour le bébé, qui s'en donnait à coeur joie. Le premier cadeau n'était pas une petite babiole, au contraire, c'était même bien grand. Une piscine à balles. Un cadeau qui ressemblait beaucoup à Jamie. Elle lâcha un rire en voyant le cadeau déballé, mais une foule de questions et d'interrogation lui traversait déjà la tête : où le ranger, s'il fallait fréquemment nettoyer les balles, comment faire pour que les chiens ne se jettent pas dedans, etc. La maison de Joanne n'était pas bien grande. Même le séjour semblait avoir grandement rétréci lorsque Jamie avait fini par monter la piscine, et qu'il y ait mis les balles dedans. "Il faudra tout de même que je trouve un endroit pour le ranger. Je ne vais pas la laisser constamment dehors." répondit-elle en riant. Peut-être qu'elle pourrait tenter de réaménager un peu le garage, pour la mettre dans un coin. Ce n'était que le début d'un casse-tête chinois. Du moins, c'était ce qu'elle réalisa en voyant arriver l'autre paquet cadeau. Un tipi. Le genre de choses rêvées par les enfants, pour avoir son propre petit chez soi, son propre petit monde. "Je ne sais pas si Daniel tient beaucoup de moi." dit-elle avec un rire nerveux. Certes, il arrivait à jouer seul, mais elle se demandait s'il était comme elle. S'il se créait aussi tout un univers dans lequel il se réfugiait. Joanne s'en était construit un en toute pièce dans son imagination - un endroit que son frère ou sa soeur ne pouvait cerner ou l'y embêter. C'était à elle, rien qu'à elle. "Merci pour lui, il va adorer." dit-elle avec un sourire. "Tu l'as sacrément gâté." Au point où Joanne trouvait son propre cadeau bien ridicule et qui mit en doute un instant son rôle de mère. Mais elle ne voulait pas dépenser à tout va, préférant garder l'argent récemment acquis pour plus tard ou pour pouvoir indemniser le moindre imprévu. "Si c'est le monde de Daniel, je ne laisserai pas les chiens y entrer." dit-elle. Autant faire les choses bien. Jamie mourrait d'envie de le monter, elle l'avait vu avant même qu'il ne le lui demande avec ses yeux d'enfants qu'elle connaissait si bien. "Tu peux le monter, oui." répondit-elle de sa voix douce. "Tu peux le mettre au coin, à côté de la bibliothèque. Ca sera bien, là." dit-elle en indiquant le meuble monté par Hassan. "Daniel, reste près de moi le temps que papa sorte tout du carton, viens." Le petit s'approcha à quatre pattes de sa mère et celle-ci le prit sur ses genoux. Elle le laissa regarder ce que faisait Jamie, qui lui sortait tous les éléments du tipi. "On mettra quelques une de tes peluches dedans, tu crois pas ? Tu en as beaucoup dans ta chambre." Il était émerveillé par le savoir-faire de son père. "Tu pourrais lire des histoires, jouer avec ton canard dedans. Ton petit monde rien qu'à toi. Maman a le sien aussi, tu sais. Depuis toute petite. Parce que c'était le seul moment où mon frère voulait bien me laisser tranquille." dit-elle tout bas, en riant. Et ce frère n'était en aucun cas un oncle. Joanne lui avait envoyé une carte pour l'avertir de la naissance de Daniel, elle n'avait jamais eu de réponses. "Et tu sais quoi ? Je pourrai même acheter une petit guirlande de lumière qu'on attacherait à l'intérieur, qu'est-ce que tu en dis ? Des petites étoiles, peut-être ?" Joanne nota cette idée dans un coin de sa tête. Une fois que Jamie commençait l'assemblage, elle laissa à nouveau vagabonder Daniel, qui était bien admiratif devant ce papa qui semblait savoir tout faire. "Tu veux que je te serve encore un peu de temps ? Que je cuise quelques gaufres ?" Autant alimenter le travailleur, qui ne prenait pas cette construction pour une corvée, loin de là. Elle se dit que Daniel était bien trop gâté, mais il savait se montrer reconnaissant. "Mon trésor, quand papa aura terminé, je pense que tu pourras lui un très gros câlin pour le remercier de tous ces cadeaux. Et plein de bisous, tu lui en feras, hein ?" dit-elle avec un sourire.
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A chaque fois, je me répète que pourrir un enfant, ce n'est dans l'intérêt de personne. Personne ne veut être l'esclave d'un petit prince mal élevé et trop exigeant, on ne fait pas plus raté en matière d'éducation. Et puis, je passe dans ce magasin, au hasard ou la recherche d'un cadeau, ou même en traînant sur internet, je tombe sur cette peluche, ce jouet, cette piscine à balles, ce grand tipi, et je n'ai même pas besoin de réfléchir, de me demander si cela est raisonnable ou non, je ne fais que dégainer la carte bleue en pensant que cela fera plaisir à mon fils, qu'il en a peut-être besoin, que j'aurais aimé avoir la même chose quand j'étais petit. Comme on dit, l'enfer est pavé de bonnes intentions, et vouloir toujours le meilleur pour son enfant, vouloir lui épargner les déceptions, les manques, est finalement le meilleur chemin vers cette éducation complètement ratée. Est-ce que je suis sur ce mauvais chemin ? Sûrement. Je le sais bien, j'aimerais pouvoir me refréner, je ne suis pourtant pas du genre à manquer de volonté. Mais la situation est loin d'être facile, je ne vois plus mon petit tous les jours depuis des mois, cela se résume parfois à quelques heures une fois dans la semaine, et ce n'est pas ce que je voulais. Ce n'est pas comme ça que je voyais les choses. J'ai cette hantise du père absent, cette peur qu'il m'en veuille de ne pas être là. Daniel m'accueille toujours avec un sourire jusqu'aux oreilles, il me saute au cou comme un petit météore d'affection. Mais qu'est-ce qui me dit qu'un jour il ne fera pas la tête, il ne me donnera pas le dos au lieu d'un baiser ? Est-ce que c'est si mal de vouloir lui donner de quoi penser à moi, savoir que je suis là, même quand il ne me voit pas ? Pourtant il est sûrement trop petit pour penser ainsi, demain il aura oublié qui lui a offert quoi. C'est une de ces peurs de grandes personne qui, en réalité, ne nous concernent que nous et notre conscience. “Tu peux garder la boîte pour ranger le tout une fois démonté. Ça se monte vraiment en clin d'oeil.” j'assure à Joanne qui s'inquiète de la place que prend la piscine à balles. Elle était moins grande, dans mon imagination, mais il est vrai que le salon de la maison de la jeune femme n'est pas si grand que ça et n'est pas ponctué d'espaces vides comme celui de Logan City. Il faudra également pousser les murs pour accueillir le second cadeau. “Il tient toujours plus de toi que de moi, crois-moi.” je fais remarquer. Tant qu'il ne braille pas constamment à la mort, qu'il ne court pas partout sans jamais s'arrêter, qu'il ne fait pas de caprices pour rien pour le principe d'attirer l'attention, ne se roule pas par terre en hurlant sans raison, alors il ne tient pas de moi. Il n'a pas que les yeux de sa mère, j'en suis convaincu. “Si c'est son monde, c'est à lui de décider qui peut y entrer, non ?” je rétorque avec un sourcil arqué, taquin. C'est quand même maman qui décide de bien de choses, c'est son rôle de veiller sur le petit monde de son garçon. Joanne me donne la permission de monter le tipi également, et je m'exécute immédiatement. Je sors les demi-baguettes d'un carton, les assemble pour former les grandes baguettes de la structure. Je tire ensuite la toile du paquet dans laquelle enfiler chaque bâton. Ce n'est pas bien compliqué, la seule difficulté est de fixer la structure de la tente sur celle du sol. Pendant que je me débats avec le tout, Daniel et sa mère observent. “Non merci, ça ira. En revanche je pense qu'on pourra ouvrir le champagne après ça, qu'est-ce que tu en dis ?” je propose en me battant un peu avec le tissus et la structure, mais avec le sourire d'un enfant qui monte un nouveau jouet. Un peu plus tard, le tipi prend forme. Il ne me reste qu'à déposer l'épais plaid par terre, à l'intérieur, et vérifier que tout soit solide. “Et voilà !” Daniel, qui s'occupait avec son nouveau cube, lève les yeux, intrigué, puis lève la tête pour observer la construction de haut en bas, curieux comme tout. A mes pieds, je sens quelque chose gigoter et grogner. C'est un des petits chiens qui pense déjà à tout abîmer. “Non, Sirius, si tu fais tes dents dessus je te jure que je te vends au traiteur chinois comme farce à nems.” dis-je en l'attrapant et en l'envoyant jouer plus loin. Entre temps, appuyé aux meubles, Daniel s'est approché sur ses deux jambes jusqu'à moi. Puis il se remet à quatre pattes pour inspecter le tout de plus près, et mettre une main à l'intérieur. Je m'accroupis pour l'encourager à y aller. “Vas-y, c'est pour toi.” Ca ressemble à un accord, alors le petit s'engouffre dans le tipi. Il me suffit de lui donner son doudou dedans, et le voilà comme chez lui. Je m'assois à côté de l'entrée, en tailleur, la tête appuyé sur une main, observant le petit un instant. Bien sûr qu'il tient de sa mère. Comment pareil concentré de tendresse, un garçon sage et joueur, pourrait avoir la moindre de mes tares ? Il est parfait. Il ne devait pas être fils unique, ce n'était pas le rêve. Mais il est un rêve en lui-même, je peux parfaitement m'en satisfaire. “Mon petit bonhomme…” je souffle avec un sourire distrait. Il y a quelques mois, il apprenait à tenir assis. Avant cela, il ne tenait même pas sa propre tête. Je le laisse à son petit monde et me relève ; allant à la cuisine, j'y trouve le champagne dont Joanne parlait, et les coupes sur lesquelles j'étais tombé un peu plus tôt en cherchant les tasses pour le thé. J'apporte le tout dans le salon et fait sauter le bouchon de la bouteille sans catastrophe. Le ''pop'' surprend néanmoins Daniel qui décide de remettre le nez dehors et de jouer avec les chiens autour du gros cube en bois. Il est sage, nous n'avons qu'à garder un œil sur lui. Je tends une coupe à Joanne et m'assois à côté d'elle. “Trinquons. À notre chef d'oeuvre. On a fait du beau travail.” dis-je avec un sourire complice. Nous sommes, quoi qu'il en soit, bien plus capables vis-à-vis de notre fils que de notre relation.
C'était surtout la taille des cadeaux qui impressionnaient Joanne. Le bel homme l'avait bien remarqué et préféré préciser que la piscine à balles pouvait être facilement rangée. Elle sourit, sans rien ajouter de plus. C'était le genre de cadeaux qui pouvaient être placée n'importe où sans avoir besoin d'être rangé, s'ils étaient encore à Logan City, ou si Jamie préférait l'emmener avec lui à Bayside. Leur maison montrait davantage le clivage entre leur monde. Bien que le compte bancaire de Joanne s'était soudainement gonflé, elle ne se voyait pas réinvestir, chercher plus grand. Elle avait d'autres ambitions et la jeune femme appréciait beaucoup cette petite maison, elle s'y sentait véritablement chez elle. Jamie semblait toujours aussi persuadé que leur fils tenait bien plus de la mère que du père. Physiquement, on pouvait croire le contraire. Daniel commençait à avoir certaines caractéristiques physiques, en grandissant, aussi. Il était plus facilement différentiable et l'on devinait plus facilement si les traits venaient du paternel ou pas. Il avait bien hérité des yeux de sa mère, nul doute là-dessus, mais Joanne trouvait que pour le reste, il tenait énormément de Jamie. Effectivement, point de vue caractère, il n'était pas aussi turbulent que lui à son âge. La seule grosse colère qu'il avait faite était à Londres, et Joanne ne saurait dire si Daniel avait fini par se rendre compte combien il l'avait blessé ce jour-là. "Sauf que pour le moment, il a du mal à refuser quoi que ce soit aux chiens." rétorqua-t-elle avec un léger rire. "Ca ne te rappelle personne ?" [color=#006699]Jamie n'avait pas eu de franches autorités sur les chiens et recueillerait tous les chiens abandonnés si ça ne tenait qu'à lui. "Je lui impose certaines choses le temps qu'ils parviennent à mieux s'exprimer auprès de Nunki et Sirius." Elle s'imposera moins lorsque Daniel comprendra qu'on ne pouvait pas tout permettre aux canidés et lorsqu'il saura leur dire non lorsqu'il le faut. Sans attendre plus longtemps, Jamie se hâta de monter le tipi pour son gatçon. Pendant ce temps, elle lui proposa de boire à nouveau quelque chose et il fut bien motivé de boire un peu de champagne. Une fois qu'il avait fini de monter le tipi, il invita Daniel à y entrer. Il y trouvait tout de suite ses aises, surtout lorsqu'il avait sa peluche avec lui. Sa mère le regardait d'un air particulièrement attendri, touché de voir que lui aussi, avait besoin de son petit monde à lui. Joanne était bien placé pour comprendre toute son importance, et qu'elle n'allait pas y entrer s'il ne lui en donnait pas la permission. Ses parents l'observèrent longuement avant que Jamie ne se décide de se lever et de chercher le nécessaire pour boire ce fameux champagne. Il voulait trinquer à leur petit trésor, leur plus belle réussite, certainement. Elle sourit et ils firent tinter les verres à leur petit trésor. Joanne n'osait pas vraiment avouer à haute voix que parfois, en regardant Daniel, elle avait envie d'avoir un autre enfant. D'avoir cette chance tomber à nouveau enceinte, de voir son ventre grossir de jour en jour. Mais ce bonheur là lui semblait bien lointain, voire même impossible. Elle ne se voyait pas tenter de construire une famille avec quelqu'un d'autre, faire de Daniel une sorte de pièce rapportée. Elle l'aimait plus que tout et ne voulait pas qu'il soit négligé ou considéré de moins important par qui que ce soit. Ces pensées laissaient Joanne longuement rêveuse, buvant de temps en temps quelques gorgées de son champagne. "C'est une preuve que nous pouvions faire des choses bien, pas vrai ?" dit-elle, un brin nostalgique. Qu'au final, ils n'avaient peut-être que su mettre en avant tous les mauvais moments de leur relation pour qu'elle leur semble impossible, au final. "Nous avons de la chance de l'avoir." Daniel restait leur petit miracle, la dernière chose qui leur permettait de se rappeler qu'ils s'étaient tant aimés. Et désormais, que leur restait-il ? "Je l'aime tellement.." dit-elle en le regardant, un brin rêveuse. Cela lui semblait ridicule de le dire à haute voix, ce n'était pas quelque chose qu'elle avait besoin de prouver ou de démontrer. Elle ne savait pas trop quoi dire, désormais. Ce qu'elle pouvait lui raconter ou non, faire passer le temps. "Tu ne veux pas aller jouer un peu avec lui ?" suggéra-t-elle après de longues minutes de silence. "Ce serait l'occasion, ça lui ferait plaisir." Passer un maximum de temps avec son père tant que ce dernier accepte de le voir et de passer quelques heures avec lui. "Si tu veux rester jusqu'à ce soir pour le dîner, le bain, et le coucher... c'est comme tu veux." Elle souriait, espérant quelque part qu'il accepte, en pensant avant tout à Daniel qui ne voyait que trop rarement son père ces dernières semaines.
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On peut sûrement dire que Daniel est ce que nous avons fait de mieux. Un beau bébé, sage et souriant, parfait en tout points à nos yeux. Ce n'est sûrement pas objectif, tous les parents ont le bébé le plus réussi, le plus mignon, le plus intelligent du monde, c'est bien connu. Mais s'il faut parler à notre mesure, on prenant en considération toutes nos tares, qui ne sont pas des moindres, oui, Daniel est un garçon réussi, bien plus que nous ne pouvons l'espérer. La preuve, comme le dit Joanne, que nous étions capables de faire des choses bien, même si cela coûte aujourd'hui de l'admettre. « Je suppose, oui. » je murmure au bord de ma coupe de champagne. Rien à voir avec ce qu'il nous a été servi par le passé dans des cocktails et des galas, mais le budget de la jeune femme n'est pas comparable. Il n'est pas question de faire la fine bouche. A vrai dire, je suis déjà content de pouvoir en siroter un peu en sa compagnie, simplement assis par terre, en observant Daniel. Nous pourrions sûrement le regarder ainsi pendant des heures, sourire et rire au moindre de ses exploits, et continuer de nous auto-congratuler pour avoir donné au monde un petit garçon aussi exceptionnel. Nous pourrions parler, avec nostalgie, de l'odeur des premières couches, de son coup de foudre pour son doudou, de son premier après-midi à la crèche, des moments où il tombait à la renverse à force de rire pour rien, et même de ce body bleu dans lequel il était si adorable mais dans lequel il ne rentre absolument plus du tout. Nous pourrions pousser le vice jusqu'à sortir des albums photos et les contempler avec autant d'émotion que s'il devait quitter le nid pour aller à l'université à l'autre bout du pays le lendemain. Mais c'est le silence qui l'emporte sur toutes ces possibilités. Un sourire attendri, un regard attentif, et les petits rires de Daniel qui fait glisser les billes d'un bout à l'autre du circuit en montées et en descentes de son nouveau jeu. Voulant sûrement s'éviter la corvée de faire la conversation sans envie, Joanne m'invite à aller jouer avec lui, puis me propose de rester jusqu'à ce qu'il soit couché. « Pourquoi pas. » je réponds avec un petit sourire. Je termine ma flûte et me ressert pour emporter ce petit stock avec moi un peu plus loin, auprès de Daniel. Je dépose la coupe sur la table basse, hors de sa portée, afin de pouvoir en boire une lapée de temps en temps. « Ne bois pas la bouteille toute seule. » je lance à la jeune femme pour plaisanter, puisqu'elle se retrouve en tête-à-tête avec le champagne. Puis je porte mon attention sur Daniel qui découvre les formes différentes sur une facette du cube. « Alors mon grand, est-ce que tu crois vraiment que ce rond va rentrer dans ce carré par la seule force de ta volonté ? » Ce n'est pas à force d'insister que cela risque de marcher. Je lui montre où la forme doit rentrer pour qu'elle disparaisse. De la magie. Nous jouons tous les deux un long moment. A vrai dire, jusqu'à ce que son petit ventre commence à réclamer de la nourriture. Le goûter est un peu loin désormais. Je prends le petit dans mes bras et me cache derrière-lui, debout devant sa mère, en prenant une voix franchement ridicule ; « Est-ce qu'on peut dîner des gaufres et du gâteau maman ? » Bien sûr que non. Ca sera un repas équilibré pour tout le monde. Mais un peu de gâteau en dessert, une nouvelle occasion pour Daniel de s'en mettre plein les doigts. Puisqu'il ira directement à la douche après le dîner, je m'amuse même à lui faire du maquillage de sioux sur les joues avec du chocolat. J'essaye de lui apprendre à faire le cri des indiens en tapotant sur sa bouche, et même s'il s'amuse beaucoup, le résultat n'est pas encore là. Encore une fois, le bain n'est qu'à base de jeux dans la mousse. Joanne a installé la machine à bulles dans la salle de bains et s'amuse un peu avec nous à les éclater dans l'air. C'est un bébé propre à qui j'enfile son plus joli pyjama -d'après sa mère- et à qui je lis une histoire avant de dormir. Nous manquons d'essuyer un chagrin en effectuant un aller-retour éclair dans le salon pour retrouver son doudou dans le tipi et le lui donner pour lui tenir compagnie dans son lit. Apaisé, il se laisse bercer par une chanson avant de s'endormir profondément, bien fatigué par une longue après-midi d'anniversaire. La maison semble soudainement bien calme et vide, malgré tous les jouets qui jonchent le sol, la piscine à balles, la cabane. Les ballons ont commencé à se dégonfler et planent plus bas. J'aide Joanne à les dégonfler sans trop faire de bruit, à tout ranger, en sifflant une gorgée de chamagne de temps en temps. Je ne suis pas pressé, et je ne compte pas partir en la laissant tout faire. Une fois que le salon a repris une allure correcte, eh bien, la fête est officiellement terminée. Je souffle. Je suppose que je n'ai plus rien à faire ici désormais. Je me retrouve encore une fois face à Joanne, comme un idiot, sans savoir quoi dire. Pourtant j'aimerais articuler quelque chose. Que le point final de cette journée ne soit pas qu'un banal bonsoir. Mon coeur se serre, les mots ne viennent pas, comme d'habitude. Frustré au possible, je me résigne à opter pour ma dernière option ; prendre la petite blonde dans mes bras un instant, et murmurer maladroitement près de son oreille ; « Merci. C'était une belle fin d'après-midi. »
Joanne n'avait pas souvenir que quelqu'un ait pu pointer un quelconque défaut de Daniel du doigt. Tout le monde adorait sa bouille d'ange, sa gentillesse. Il était facile à vivre. Quoi que certaines mères à la crèche trouvait qu'il était encore trop attaché à la sienne, mais Joanne ne voyait pas vraiment ça comme une critique. Certes chaque mère adorait son enfant, du moins presque toutes, mais personne ne comprendrait la valeur de Daniel aux yeux de la petite blonde, ni à ceux de Jamie. Elles n'avaient pas idée de combien il leur était précieux, à quel point ils étaient chanceux de l'avoir avec eux. C'était une donnée que Joanne ne partageait pas à n'importe qui et elle voulait garder un certain contrôle là-dessus, de choisir qui pouvait savoir ou non ses quelques problèmes de santé. Mais apparemment, certaines personnes estimaient nécessaires d'en parler à d'autres de leurs amis, des gens que Joanne ne côtoyait pas forcément, et c'était quelque chose qui lui déplaisait énormément. Mettant rapidement ces pensées de côté, la jeune femme proposa à Jamie de rester jusqu'au coucher de Daniel. S'il était là, autant qu'il profite de passer un maximum de temps possible avec son fils. Il accepta volontiers, se rapprochant alors du petit pour jouer avec son nouveau cube ludique. Joanne, elle, se retrouvait seul à seul avec la bouteille de champagne, qui n'était pas de la meilleure qualité que ce qu'elle avait déjà pu connaître, mais elle n'aurait jamais pu se permettre mieux. Même si Jamie plaisant sur ce sujet, c'était un peu ce qu'elle faisait par la suite, à siroter fréquemment sa coupe, remplissant de temps en temps celle de Jamie pour faire bon hôte. Elle commençait à ressentir l'effet de l'alcool sur elle lorsqu'il était temps d'aller dîner. "Non, rien de tout ça, en dessert, peut-être, si vous videz bien vos assiettes." répondit-elle d'un ton léger, suivi d'un léger rire. Mais il fallait bien que Daniel mange quelques légumes, protéines et sucre lent, même si c'était son anniversaire. Il aimait bien presque tous les légumes, ce n'était pas une corvée pour lui non plus. Le dîner se déroulait sans encombre et Jamie se chargeait de prendre un bon bain au petit. Bien qu'elle assistait de temps en temps, la petite blonde restait particulièrement effacée et ne s'interposait pas durant les échanges entre père et fils. Pendant que Jamie commençait à bercer le petit avant de le mettre au lit, Joanne revenait au rez-de-chaussée pour commencer à faire un peu de rangement. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il ne vienne lui prêter main forte une fois que Daniel s'était endormi. "C'est gentil, merci beaucoup." dit-elle tout bas alors qu'il s'attelait à la tâche sans poser de questions. Tout était étrangement si calme lorsque la maison était intégralement rangée. On ne devinait qu'il y avait un anniversaire que par la présence de la piscine à balles et du tipi. Aucun des deux ne savait quoi dire, ni même quoi faire. Contre toute attente, le beau brun finit par s'approcher d'elle pour la prendre délicatement dans ses bras. Là, Joanne pouvait à nouveau y sentir sa chaleur, sa tendresse. Il lui chuchota quelques mots à l'oreille, certainement histoire de dire quelque chose pour justifier son geste. Elle prit un certain moment avant de déposer à son tour ses mains sur son dos avec une certaine timidité. C’était étrange, qu’il ait eu envie de ce rapprochement soudain, qu’il ait fait un pas vers elle alors que cela faisait des mois qu’il ne voulait pas le moindre contact physique avec elle. Joanne n’était pas contre, mais ça la déroutait. “Merci pour lui. Il était si heureux de te voir.” lui souffla-t-elle tout bas en posant sa tempe contre son torse. Elle finit par retirer ses mains de son dos, se disant que ce n’était pas trop raisonnable de rester ainsi. Au fond, quelque part, sans qu’elle en veuille le reconnaître, elle aurait bien voulu qu’il reste encore un peu - à moins que ce ne soit le champagne qui ne parle pour elle ? “Heu… Tu veux pas rester encore un peu ? Il me reste un tas de pâte à gaufres, j’ai vu un peu gros je crois. Et du vin blanc aussi. Mais… je comprendrais que tu préfères rentrer à la maison.” Joanne ne savait pas trop ce qu’elle faisait. Pourtant, il n’y avait plus d’amour, il n’y avait plus rien, alors pourquoi ?
I am the product of her sacrifice I am the accumulation of the dreams of generations And their stories live in me like holy water
Il y a toujours eu une manière de se parler que seuls Joanne et moi comprenions. Et cette fois, comme cela a été le cas de nombreuses fois depuis que nous nous connaissons, ce n'est que moi qui ne sait plus quels mots employer pour remercier la jeune femme. Pourtant je sais dire merci, et je le lui souffle tout bas, mais ce n'est pas un mot chargé d'assez de signification. Aujourd'hui j'ai fait partie de quelque chose. Peut-être pas une famille, mais d'un environnement dans lequel j'étais le bienvenu. J'ai pu fêter cette occasion spéciale, profiter de mon fils pleinement. Et Joanne ne me fuyait pas dans sa chambre, ne me regardait pas de travers, n'était pas là par obligation à cause du jugement. Nous étions juste tous les trois, en train de créer de bons souvenirs, de rire, l'esprit léger, de profiter de l'instant. Je ne sais plus à quand remonte la dernière fois que je me suis senti si bien, au point d'en oublier l'étiquette sur mon front et de sentir que j'avais le droit d'être quelqu'un de normal, et un père pour mon fils. Tout ça, ça ne se décrit pas dans un simple merci, et ça ne s'explique pas sans user trop de mots. Mais une étreinte, après tout ce temps passé à garder une distance entre nous, peut en dire bien plus. Peut-être a-t-elle oublié, peut-être qu'elle ne comprend pas. Je devine au temps qu'elle met à me serrer légèrement à son tour qu'elle est déstabilisée – et je le suis aussi un peu. Je ne voulais plus que sa présence m'inspire ce genre de vague d'émotion. J'imagine que, aujourd'hui, c'est un peu autorisé. L'étreinte ne dure pas plus longtemps que nécessaire. Nous nous détachons l'un de l'autre, gênés par un contact banni depuis des mois. Joanne propose que je reste un peu. Sur le moment, je peine à peser le pour et le contre, je veux simplement dire oui et me tenir à distance de ma solitude encore un peu. « Je... Je ne sais pas. Je suis un peu fatigué, et je dois prendre le volant... » est ce qui traverse mes lèvres à la place d'un oui franc et sincère. « Je ferais mieux d'y aller. » Même si je n'en ai pas la moindre envie, que je prendrais bien trois ou quatre gaufres supplémentaires avec assez de vin pour baisser les barrières et pouvoir rire avec elle d'idioties. « Mais j'ai vraiment passé un moment agréable. » Quelque chose me dit que je dois faire un pas en arrière. Comme à chaque fois. Garder de la distance, du détachement. Je ne peux pas approcher plus, je ne peux pas rester plus. Je le veux, mais une autre force me tracte vers la porte. Je récupère mes affaires en passant dans l'entrée, pose mon sac sur mon épaule. La main sur la poignée de la porte, je me tourne légèrement vers Joanne, mais mon regard n'ose pas se pose sur elle ; « Je voulais te dire… Je suis désolé d'avoir été vraiment dur avec toi parfois. Il y a des choses que j'ai dites, et que tu ne méritais pas. Les choses n'ont pas été faciles, et je ne voulais pas les rendre plus difficiles. Tu es une bonne mère, et une bonne personne. Je suis content qu'on parvienne à garder un bon contact, toi et moi. » Enfin, tout est relatif. « Plus ou moins. Selon les jours. » je corrige avec un petit rire nerveux. A vrai dire, ce n'est as bien souvent le cas. Mais lorsque ça l'est, nous pouvons avoir des moments comme celui-ci. Nous pouvons être dans la même pièce sans avoir l'impression de livrer une bataille tacite, nous pouvons nous regarder sans nous asperger de rancoeur, et parler sans cracher notre animosité. Être simplement deux personnes qui ont de rares points communs, qui s'apprécient, mais qui ne sont pas faites pour être ensemble. « J'espère que ça restera comme ça. » dis-je avec un fin sourire. C'est une question d'équilibre, de trouver la bonne manière d'avancer sur le fil sans trop pencher d'un côté ou de l'autre. Un exercice difficile qui demande patience et volonté. « Tu sais où me trouver si tu as besoin de quoi que ce soit. Je suis toujours là. » j'ajoute. Tant que nous aurons Daniel, nous serons toujours dans le même bateau.
L'étrangeté de ces derniers moments était palpable, bien que ce n'était pas complètement désagréable. Seulement, Jamie peinait à trouver les mots, et Joanne le voyait bien. Elle lui laissait toujours le temps nécessaire pour s'exprimer pour dire ce qui était tout juste sur le bout de sa langue. Mais encore une fois, les actions semblaient être plus faciles pour lui parce qu'il préférait la prendre dans ses bras avant de dire quoi que ce soit. Joanne, perdue par un tel élan de tendresse, avait pris un certain temps à réagir. Restant dans l'incompréhension la plus totale. Que voulait-il exactement dire par cette étreinte ? Elle n'en savait trop rien. Ils ne restaient pas trop longtemps collés l'un à l'autre, juste avant que cela ne puisse créer un certain malaise. La jeune femme ne savait pas trop quelle mouche l'avait piqué pour qu'elle vienne à lui proposer de rester encore peu. Il n'y verrait aucun intérêt, se dit-elle. Daniel était au fond de son lit, il n'avait plus aucune raison de rester avec elle. "Ah oui, bien sûr, je comprends." dit-elle tout bas, avec un rire nerveux, se sentant bien bête de lui proposer ce genre de choses. La jeune femme se mit à jouer nerveusement avec ses doigts, ne sachant plus trop quoi dire désormais. Lui préférait rajouter qu'il préférait passer un bon moment durant cette journée qui n'était que centrée sur leur fils. Pas de fausse, aucun ratage. C'était effectivement une belle journée, un beau treize février. Joanne sourit et acquiesça d'un léger signe de tête, bien d'accord avec lui. Pas de malaise, de remarques désobligeantes ou de regards assassins. Jamie récupérait toutes ses affaires en se rapprochant de l'entrée. Les bras croisés, elle le regardait faire en restant bien silencieuse. Alors qu'il comptait ouvrir la porte, il se tourna vers elle, sans oser la regarder dans les yeux. Le léger sourire qu'elle avait aux lèvres s'effaça peu à peu. S'il avait dit toutes ces méchancetés, c'était qu'à un moment donné, il devait plus ou moins les penser. Elle se demandait s'il comptait regretter ces excuses, le jour où tout flanchera à nouveau. Mais Jamie semblait déterminé à arrondir les bords et à se rattraper sur certains points. Elle lâcha un rire nerveux lorsque le bel homme corrigea la fin de sa phrase. "Plus de mauvais jours que de bons." dit-elle tout bas, avec un sourire gêné. C'était une bien malheureuse vérité, pourtant. "Je suis contente que nous ayons pu passer une belle journée, tous les trois. Nous en avons tous su en profiter, pour le plus grand bonheur de Daniel." Et aux yeux de Joanne, c'était ce qu'il y avait de plus important. Le beau brun espérait qu'il y ait plus de moments comme celui-ci, et moins de querelles, de reproches. Peut-être pour que chacun puisse guérir leur coeur brisé sans avoir peur de le voir retourner poussière à cause d'un nouveau regard, d'un autre faux pas. "Je l'espère aussi." Du moins, c'était ce qu'elle souhaitait, elle n'était pas certaine de la stabilité de leur équilibre soit des plus fiables pour le moment. C'était encore bien fragile, incertain. Même dans ces cas là, ils semblaient incapable d'avoir une bonne base pour éviter que tout ne s'effondre. Joanne savait qu'il était là, qu'il était là, malgré tout, prêt à l'aider en cas de besoin. "Merci beaucoup, Jamie. C'est gentil." dit-elle avec un sourire reconnaissant. Elle aurait certainement pu lui dire la même mais elle ne voyait pas en quoi elle pourrait l'aider dorénavant. Elle ne pouvait plus rien faire pour lui. Il était certainement temps qu'il parte, il n'y avait plus grand chose à se dire .Au moment où il enclenchait la poignée de la porte, Joanne intervint. "Jamie..." Elle bégaya un moment avant de dire. "J'espère que tu parviendras à être heureux. Vraiment." Les choses n'avaient pas été faciles pour lui non plus. "Je suis certaine que tu te trouveras quelqu'un qui te conviendra, et qui saura te rendre heureux." Peut-être que cette Emma la satisfaisait plus qu'il ne voulait l'admettre, même s'il disait que ce n'était rien de sérieux. Parce qu'elle avait été chez lui après tout. Et Jamie avait déjà raconté à Joanne qu'il n'emmenait jamais de femmes chez lui. Du moins, elle pensait qu'il n'avait pas trop changé de politique à cet égard. L'avis de Joanne n'entrait vraiment plus en compte, quoi que lui puisse penser. "Je ne te retiens pas plus longtemps, si tu es fatigué. Rentre bien, fais attention à toi sur la route." dit-elle après plusieurs minutes de silence. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle ne voulait pas le voir partir. Une belle journée qui s'achevait. Qu'allait-il advenir de leur prochaine rencontre. Elle craignait qu'il ne puisse pas y avoir mieux. Joanne le regardait s'éloigner de la maison, en restant adossant contre le cadre de la porte d'entrée. Une fois qu'il était rentré dans la voiture, elle était retournée à l'intérieur, et avait fermé la porte. Elle était restée longuement éveillée après ça. Il restait un peu de champagne, alors elle avait vidé la bouteille. Mais malgré cette journée bien remplie, comme beaucoup de fois, elle peinait bien à trouver le sommeil. Mais il le fallait bien, parce qu'elle devait se lever de bonne heure le lendemain.