Are we crazy? Living our lives through a lens. Trapped in our white picket fence, like ornaments. So comfortable, we're living in a bubble, bubble. So comfortable, we cannot see the trouble, trouble. Aren't you lonely? Up there in utopia where nothing will ever be enough. Happily numb, we can’t do better than that.
Le soleil de Brisbane est à son paroxysme alors que je tourne le coin, vélo attentif au moindre de mes mouvements. J’entends Rose qui s’exclame devant les couleurs qui colorent la rue, les murs, les jardins. Bailey a vraiment tout donné lorsqu’il a déniché ce petit loft dans Logan City, au centre d’une artère mélangeant idées, inspirations et cultures. Additionnée aux murales bariolées et aux différents événements qui animent les ruelles tout l’été, c’est la nature du quartier qui m’a tout de suite séduite. Quelques parcs par ci par là, le port qui se dessine à l’horizon, les chants et les rires qui lui font échos. Brisbane avait toujours été ma ville, mon oasis, et ces quelques années passées à Londres, même avec toute la meilleure volonté du monde, m’avaient semblé être une éternité, alors qu’une année ici s’était déjà écoulée et que mon retour semblait dater d’hier seulement. Je fais signe à Rose que l’immeuble après le coin est notre arrêt, puis je ralentis doucement la cadence, sentant mon front et mes joues brûler sous l’effort et la chaleur. Le pied à terre, j’appuie mon vélo sur la rambarde avant d’échanger un sourire avec un couple voisin qui sort de la porte adjacente à la mienne. Andy et Isla, deux californiens ayant posé pied en Australie il y a 6 mois, rêvant de vivre de leur passion du surf qu’ils m’avaient dit un jour. Ils saluent Rose aussi, probablement étonnés de voir quiconque m’accompagner dans cette antre qui semble être refusée à tous, sauf quelques privilégiés. Puis leur journée continue, tout comme la nôtre. « Tu connaissais déjà ce quartier ? » que je demande, curieuse, réalisant que j’en sais très peu sur l’histoire de Rose, sur sa nationalité même. Et elle semble si émerveillée que j’en déduis qu’elle n’y est peut-être pas tout à fait familière. Je rejoins la serrure de la porte au sol, pour soulever le tout vers le haut et libérer un mur complet, laissant l’air entrer dans le maigre loft qui me sert d’atelier. Tiens, on jouera avec la porte complètement ouverte aujourd’hui, question de circuler un peu mieux. Rose finit par entrer à ma suite, et je laisse tomber mon sac sur le coin d’un mur filant au passage vers le réfrigérateur pour attraper deux bouteilles d’eau. La gorge sèche, les esprits qui s’en remettent, j’en tends une à la jeune fille, ne l’attendant absolument pas pour me désaltérer. « Je crois qu’on gardera le thé pour une autre fois. » j’ajoute un clin d’œil à mes paroles, amusée. « Mes habitudes anglaises ont la vie dure en Australie. » je rigole, sentant tout de même l’ironie de la chose s’immiscer dans ma tête et mes pensées. Ce à quoi ressemblait ma vie à Londres est loin, très très loin de ce à quoi elle ressemble maintenant, ici.
Je chasse cette nostalgie mal placée en faisant un pas sur le côté rejoignant une table où quelques esquisses sont éparpillées, résultat d’une soirée où Saul est passé me tenir compagnie à l’atelier. « Ah tiens, j’ai menti. J’ai quelques croquis qui ne datent pas de si longtemps que ça… » je repasse sur le tout, ressassant les souvenirs reliés à ces dessins, traçant du bout de l’index les lignes qui s’entrecoupent, qui forment des visages, des silhouettes, des mémoires doucement calligraphiées. Rien de parfait, tout d'humain. Laissant Rose constater par elle-même je finis par détailler l’atelier rapidement, à la recherche d’un plan de match, d’une inspiration quelconque, d’une idée à lui proposer. La technique suggérée tout à l’heure me revient à l’esprit et je laisse mes iris s’accrocher à ma palette de pinceaux, qui trône près de la bibliothèque. Mon atelier est dans un tel désordre que je le nie complètement, faisant probablement passer le bordel sur mes quelques élans de créativité passés, élans qui me rassurent doucement sur la place qu’a gardé l’art dans ma vie malgré les moments plus sombres. « Attrape quelques feuilles si tu veux, on pourrait essayer de jouer avec les volumes un peu. » les bases, toujours. Aaron, enseignant à l’Académie, répétait toujours à quel point la technique primait sur tout le reste sur papier, mais à quel point l’âme gagnait sur toute la ligne lorsqu’on lui laissait sa place. L’un n’allait pas sans l’autre, et les deux aspects devaient être entièrement maîtrisés selon lui si on voulait assurément réussir dans ce domaine. Autant jouer sur la technique alors, puisque l’âme, elle, est un peu plus difficile à traiter, à jouer, à étaler de l’avant. Je prends donc place au sol, attroupant papier, pinceaux, couleurs et coussins près de moi pour rendre l’endroit un brin plus chaleureux. « À toi les honneurs! » que je m’exclame enfin, lui tendant la palette à aquarelle pour qu’elle choisisse ses teintes.
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Rouler sous les rayons chauds du soleil, les cheveux au vent, avait détendu les nerfs de Rose, mis sous pression un peu plus tôt par l’incident du cours d’aquarelle. Il y avait bien des avantages à être une girouette des sentiments, parfois en tout cas. La lumière reflétait sur sa chevelure de feu, donnant l’impression d’un brasier ardant et brillant. Voir ses cheveux s’enflammer était probablement l’unique raison qui empêchait la rouquine de s’aventurer dans de nouveaux terrains, tenter du blond, du châtain ou une toute autre couleur. Avec une fierté assumée, elle avait retiré le pinceau qui retenait son chignon et laissait ses mèches folles voler au gré du vent, le visage heureux, le corps détendu. Sans grande surprise, sa nouvelle amie semblait l’amener dans un quartier charmant où couleurs et bon vivre demeuraient. Loin de ressembler à son quartier, Rose se laissa rêver, s’imaginant sortir d’une maison jaune, appelant son chien qui s’amusait dans le jardin où l’herbe fraichement tondue resplendissait. Elle manqua presque de rater le geste de la main que Ginny lui fit, indiquant l’immeuble dans lequel elles allaient bientôt s’arrêter. C’en était presque dommage, elle s’amusait bien, malgré la chaleur étouffante et la pression grandissante à l’intérieur de ses cuisses. Suivant l’exemple de son interlocutrice, Rose déposa son vélo contre la barrière, admirant avec curiosité les lieux. « Tu connaissais déjà ce quartier ? » D’un geste de la tête, elle répondit. « Non c’est la première fois que je viens par ici, et j’espère que ça ne sera pas la dernière maintenant. C’est vraiment super agréable, tu as de la chance d’avoir ton atelier ici » De la chance, et sûrement un peu d’argent, mais ça, ça la dépassait. Un peu intimidée de pénétrer dans son antre secrète, la rouquine se fit discrète et resta muette face à la pièce qui se dessina face à elle. Tout n’était que lumière. Les yeux brillants, l’étudiante resta immobile sur le palier, bien incapable de remarquer le désordre, elle-même habituée à travailler ainsi. Tout ce qu’elle voyait, tout ce qu’elle sentait, c’était l’aura qui se dégageait de cet atelier. Une aura positive et inspirante. « C’est génial ce que tu as fait de cet endroit » souffla-t-elle en reportant son attention sur Ginny qui s’était échappée vers le frigo, duquel elle sortit deux bouteilles d’eau. « Je crois qu’on gardera le thé pour une autre fois. Mes habitudes anglaises ont la vie dure en Australie. » Rose attrapa la bouteille, amusée par la remarque qu’elle venait de lui faire. « Merci, j’en mourrais d’envie. Même si on m’a toujours dit que boire chaud était plus désaltérant, je crois que je ne m’y ferais jamais » Elle leva les yeux au ciel en rigolant, profondément désolée de ne pas être en mesure de faire les choses correctement.
Quand elle fut hydratée, Rose reprit son souffle, se tournant vers Ginny qui semblait observer les croquis étalés sous ses yeux. « Ah tiens, j’ai menti. J’ai quelques croquis qui ne datent pas de si longtemps que ça… » Ravie d’entendre cela, la rouquine ne perdit pas une seconde pour s’avancer à son niveau et jeter un œil aux dessins auxquels elle faisait allusion. Si la brune avait déjà bougé ailleurs, Rose ne se gêna pas pour rester, prêtant une grande attention aux croquis qu’elle lui avait montrés. Certains étaient à peine commencés et pourtant, déjà on pouvait y voir un début de sentiment, une intention. Les mains douces de l’étudiante feuilletèrent les tas posés sous ses yeux, encore ébahie par le talent dont elle faisait preuve. « Attrape quelques feuilles si tu veux, on pourrait essayer de jouer avec les volumes un peu. » Encore un peu perdue dans la contemplation des croquis, elle répondit par un rapide oui qui se perdit presque dans l'espace, tant il fut léger. Puis voyant Ginny s’activer à installer le matériel, préparant des coussins pour qu’elles puissent être à l’aise, Rose comprit qu’il fallait penser à la rejoindre cette fois. Elle s’empara néanmoins de quelques travaux qui avaient retenus son attention, puis vint s’installer en tailleur face à elle. « À toi les honneurs! » La voir si souriante à l’idée de peindre lui donna du baume au cœur. L’artiste dans la retenue avait laissé place à quelqu’un de plus inspiré, de plus dynamique, à son plus grand plaisir. « Il y a tellement de choix, je ne sais pas quelles teintes utiliser ! » s’exclama-t-elle et levant les mains comme une enfant remplie d’excitation, incapable de choisir la poupée avec laquelle elle allait jouer. « Celle-ci est jolie… » Sa main vint attraper une palette dont les couleurs étaient pastels, douces, à l’instar de Rose. Malgré tout, ses yeux ne cessèrent de se poser d’une palette à une autre, cherchant celle qui ferait chavirer son cœur. « C’est marrant, utiliser des couleurs sombres ne me vient même pas à l’esprit, pourtant on peut faire des choses magnifiques avec. J’ai vu une aquarelle que tu as fait avec des teintes de gris, elle était belle, attends » Alors qu’elle se coupa dans sa phrase, Rose reprit en mains le paquet de feuilles où divers croquis et débuts d’aquarelle se trouvaient. Tandis qu’elle cherchait la peinture en question, son attention s’arrêta sur le croquis d’un visage, celui d’un enfant. « Celui-ci est superbe aussi. Les traits du garçon sont tellement… criants de vérité. Tu le connais cet enfant ? » Son regard azur s’était relevé vers le visage de Ginny, la fixant avec interrogation. « On dirait qu'il te ressemble un peu » ajouta-t-elle maintenant qu'elle avait vu le visage de Ginny à côté.
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Dernière édition par Rose Leoni le Dim 23 Avr 2017, 13:49, édité 2 fois
Are we crazy? Living our lives through a lens. Trapped in our white picket fence, like ornaments. So comfortable, we're living in a bubble, bubble. So comfortable, we cannot see the trouble, trouble. Aren't you lonely? Up there in utopia where nothing will ever be enough. Happily numb, we can’t do better than that.
J’avais vu juste, la jolie Rose n’était pas familière avec le quartier. En même temps, on pouvait habiter Brisbane depuis des années et ne pas du tout savoir quelle rue menait à quelle intersection - on finissait bien vite par trouver ses propres endroits fétiches, ses traditions qu’on invente et qu’on garde, ses lieux qui sont bercés de nos souvenirs, et qui compensent pour les restes inexplorés dont on n’a finalement pas besoin. Logan City avait toujours été mon coin de prédilection, mon petit oasis. Adolescente, je passais des heures au parc coin Melroe et Scott à cumuler les lectures à l’ombre, les fins rayons du soleil qui ne caressaient que mes mollets et encore. Les cafés du quartier m’avaient reçus presque chacun leur tour, entre les révisions pour les divers examens du lycée, puis de l’Académie. Les rues m’avaient vue tourner encore et toujours, vélo agile, regard perdu sur l’horizon. Et aujourd’hui, ce loft qui était maintenant mien faisait tout son sens, bâtiment adorablement coloré qui prenait part à sa façon à la vie ambiante, à tout ce que cela impliquait. Bailey avait vu juste, il avait su cibler exactement l'endroit où je me sentirais enfin à ma place, et malgré nos différends et nos difficultés, ce geste voulait en dire beaucoup à sa façon. Rose laissant son vélo de côté, je l’invite à entrer avant de lui tendre une bouteille d’eau, gage de victoire certaine. Le soulagement sur son visage m’arrache un doux éclat de rire, ravie moi aussi de laisser aller la vague de chaleur le temps de quelques gorgées glacées. Me voilà déjà revigorée, et prête pour la suite, suite que j’ai moi-même instiguer ce qui m’étonne encore lorsque j’y pense. Il fallait croire que j’avais vu en Rose quelque chose, une lueur, une lumière qui faisait du bien, qui calmait, qui adoucissait surtout. Les remords de laisser Noah à l’hôpital sont toujours là, bien présents au creux de mon ventre, de mon coeur, mais je sais qu’il reste tout de même entre bonnes mains, qu’il a la chance d’être entouré d'infirmières compétentes et adorables, et qu’un peu d’air loin de sa mère à la silhouette fuyante ces jours-ci ne peut que lui faire du bien. Pour me racheter ne serait-ce que j’en ai besoin, je prévois déjà faire une razzia au BD shop du coin question de lui faire la lecture des aventures de ses super-héros préférés au petit-déjeuner de demain. L’idée laisse un baume sur mon coeur et la suite n’en est que plus douce alors que Rose partage son enthousiasme débordant encore un peu, avide de commencer, de se salir les mains, de colorer cet univers de blanc et de désordre que je nomme mon atelier. Après avoir fait le tour du loft et des quelques croquis que j’ai laissé traîner du regard, elle me rejoint finalement au sol, désarmée devant le choix de couleurs que je lui propose. Les cours de peinture me reviennent de suite en tête, et je me revois, toujours portée sur les mêmes teintes, le bleu doux, le vert clair, le blanc qui scintille, qui rattache. Il en avait fallu du temps avant que je me tâte à aller vers d’autres camaïeux, vers des combinaisons qui n’étaient pas familières, pas rassurantes, plus difficiles à mes yeux. Mais l’exercice avait eu tôt fait de me motiver et de me donner un défi supplémentaire, un challenge qui m’avait permis d’en apprendre sur mes limites et surtout sur l’erreur qu’on répare en quittant le plan initial pour un version en constante évolution. Son choix se porte finalement sur des pastels, évidemment. Je sourie, comprenant sa réflexion. « J’étais pareille avant… » que je me souviens, pensive, alors qu’elle cherchait à son tour la fameuse aquarelle plus sombre qu’elle a retenue. « Un professeur m’avait dit d’oser, d’arrêter de choisir la facilité. Que je m’en lasserais trop vite, et que l’intérêt me coûterait l’inspiration à la longue. » voyez ici la pire crainte de tout peintre, musicien, écrivain et j’en passe. Perdre l'inspiration, perdre le goût, les idées, les pulsions, c’était bel et bien la chose la plus horrible qui pouvait arriver. Pour sûr, je l’avais vécu, et ironiquement à un stade de ma vie où la facilité était bien loin de tout le reste, où les défis s’imposaient d’eux-mêmes et où je ne pouvais pas les éviter. Rose revient bien vite, croquis en main, tout autre que celui qu’elle mentionnait au départ. Tiens, parlant de défi… je sens mon corps se raidir, signe qu’elle approche d’un sujet un peu plus délicat. Le doux visage de mon petit préféré, de Noah, et de son sourire on ne peut plus naturel. Son fameux sourire, celui qu’il arbore fièrement du matin au soir, celui qui fait sa renommée à l’hôpital, celui qu’il ne quitte pas, malgré les déceptions et les impasses auxquelles il est exposé depuis trop longtemps maintenant. « C’est… Noah. » que je réponds, naturellement, cachant au mieux la fine tristesse qui se glisse dans ma voix. « Mon fils. Il a 6 ans, et il risque probablement de prendre la grosse tête si tu lui dis que tu as assisté à ses débuts en mannequinat. » gamin curieux, joueur, qui adorait plus que tout quitter son lit pour passer par toutes les poses inimaginables dans sa chambre privée, me demandant de le dessiner avec une cape, avec un chapeau de sorcier, avec une épée, à dos de mammouth. Avoir une mère qui savait manier le crayon était probablement l’une des choses qu’il adorait le plus de sa courte vie, et je ne comptais plus le nombre de fois où il m’avait supplié de l’immortaliser dans les situations les plus loufoques, tirant ses idées de son imagination ou des films qui jouaient en boucle à la télé. « Si tu cherches bien, tu risques même de le trouver en mission avec James Bond, ou à sillonner la galaxie en mode Jedi. » une petite parcelle de folie dans sa vie teintée d’examens de routine, de prises de sang, de formulaires à remplir.
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Pénétrer dans l’antre d’un artiste relevait plus encore de l’intimité que son lieu d’habitation. Il fallait créer pour comprendre ce sentiment de gêne, de timidité. Lorsqu’on autorisait une personne extérieure à découvrir ses créations, son refuge, ce n’était pas seulement ses œuvres qu’on dévoilait; c’était son être entier. Derrière chaque chanson, chaque peinture, chaque vêtement se cachaient les sentiments de son créateur, ses soucis, ses rêves. On pouvait y lire les pensées profondes de son âme, ses secrets les plus inavouables. Rose savait pertinemment qu’être invitée dans l’atelier de Ginny n’était pas anodin, s’apparentait à un privilège et un honneur. D’autant que durant leur cours, la jeune femme avait montré une certaine retenue vis-à-vis de de ses créations. En l’amenant ici, la brune lui faisait une entière confiance et il n’était pas question pour l’étudiante de lui faire regretter son initiative. Alors que la peintre semblait souffrir d’un manque d’inspiration, la rouquine en rentrant dans la pièce fut elle envahie d’idées, d’illuminations. Ce lieu avait quelque chose d’apaisant et d’inspirant à ses yeux. La curiosité d’en découvrir davantage l’avait immédiatement submergée, cependant Rose avait attendu une autorisation de la part son hôte pour se permettre de regarder avec plus d’attention. Ce qu’elle fit à sa plus grande joie, l’invitant à venir observer ses derniers croquis. Ces dessins n’étaient pas forcément terminés, mais déjà ils resplendissaient de beauté.
Si Ginny n’avait pas attiré son attention ou ne l’avait pas appelée pour la rejoindre, il ne faisait aucun doute que Rose aurait pu se perdre dans sa contemplation un long moment encore. Elle prenait plaisir à observer chaque esquisse avec minutie, imaginant chaque intention derrière chaque coup de crayon, chaque sentiment derrière chaque touche de peinture. Il y avait surtout de la mélancolie qui se dégageait de ces dernières pièces qu’elle lui avait tendues, un sentiment qui la bouleversa presque. Gardant en main les croquis qui l’intéressaient, Rose s’empressa de rejoindre la brune, s’activant à chercher la palette de ses souhaits pour commencer sa nouvelle leçon. Son choix avait été trop basique, ce qu’elle ne manqua de faire remarquer à Ginny, un peu déçue par le manque de risques qu’elle tendait à prendre. « J’étais pareille avant… Un professeur m’avait dit d’oser, d’arrêter de choisir la facilité. Que je m’en lasserais trop vite, et que l’intérêt me coûterait l’inspiration à la longue. » Le regard fixé sur la bouche de Ginny qui se mouvait au rythme de ses paroles, Rose enregistrait les conseils qu’elle lui donnait. Prendre des risques, ce n’était pas la première fois qu’on le lui disait. Néanmoins dans le cadre de son école, l’étudiante ne cessait de craindre cette prise d’initiative qui pouvait parfois déplaire aux plus classiques. Et puisque son but était d’obtenir son diplôme, elle s’était maintes fois rangée du côté de la sûreté pour ne pas manquer de tout rater. Quant à son travail de costumière pour le théâtre de Brisbane, on ne pouvait pas réellement dire qu’il lui laissait beaucoup de place à la créativité. Simple assistante, elle ne faisait qu’obéir aux instructions qu’on lui donnait. A l’inverse, il y avait bien une opportunité qui s’offrait à elle pour laquelle ce conseil pouvait valoir de l’or. L’actrice Hannah Siede lui avait demandé de la surprendre avec des vêtements, c’était là l’occasion de sortir de ses habitudes et de son confort. « C’est vrai, on n’y pense pas assez. Enfin si, mais… c’est effrayant. Pourtant réussir dans ces conditions est beaucoup plus plaisant que quand on se contente de ce qu’on connait déjà » répondit-elle les yeux dans la vague, se convaincant elle-même d’aller encore plus loin dans ses idées. « Je vais prendre celle-ci alors » Sa main pâle s’était portée sur la dernière palette qui avait attiré son attention, celles où des teintes plus sombres avaient déjà été entamées. « Mon défi va être de créer quelque chose de joyeux avec cette palette. Tu penses que c’est faisable ? » demanda-t-elle en rigolant timidement à l’intention de son interlocutrice. Pour appuyer son désir de créer un contraste entre les teintes utilisées et le sentiment final, Rose voulu retrouver une des peintures réalisées par Ginny dans le tas qu’elle avait apporté avec elle. Mais avant qu’elle ne puisse l’atteindre, c’est le portrait d’un enfant qui retint son attention. Loin de se douter de l’identité du garçon, elle interrogea la brune à son sujet et leva le dessin au niveau de son visage, analysant les similitudes entre eux deux. « C’est… Noah. » Le visage de la jeune femme était devenu moins joyeux, ses traits s’étaient aussitôt affaissés lorsqu’elle avait aperçu le visage dessiné. Légèrement gênée, la rouquine baissa la feuille et la reposa, consciente qu’elle venait probablement de faire une bêtise, pour changer. « Mon fils. Il a 6 ans, et il risque probablement de prendre la grosse tête si tu lui dis que tu as assisté à ses débuts en mannequinat. » Même si cette révélation parut étonner Rose, elle dû se résoudre à avouer qu’en réalité elle ne savait rien de Ginny. Son âge, sa situation familiale, rien. Pourtant avec son visage si juvénile elle ne l’aurait pas cru mère d’un enfant de six ans. « Oh tu as un fils ! Promis je ne lui dirais pas » Son rire s’envola en éclats dans l’espace aéré de la pièce. Elle espérait au fond d’elle que sa bonne humeur allait chasser les pensées tristes que l’évocation de son fils avait apporté. « Si tu cherches bien, tu risques même de le trouver en mission avec James Bond, ou à sillonner la galaxie en mode Jedi. » Ses yeux s’étaient mis à briller de mille feux, entre admiration pour cette mère fantastique qu’elle semblait être et jalousie envers Noah qui pouvait apparaitre comme bon lui semblait. « Cette chance qu’il a, ça doit être génial pour un gamin de se voir dans ces costumes. Ça me fait penser à ce monsieur qui travaille dans les effets spéciaux et qui a fait des vidéos de son fils dans des situations de films. Je sais pas si tu connais, je suis tombée sur ça en me baladant sur youtube une fois, c’est juste génial ! » Sans réaliser, Rose s’était enflammée, un sourire radieux aux lèvres. « Je suis sûre qu’il doit penser que tu es la maman la plus cool du monde » termina-t-elle en lançant un regard chaleureux vers la brune. « Est-ce qu’il dessine aussi bien que toi ? J’ai remarqué que la fibre artistique était héréditaire. Ou alors c’est une question d’habitude parce que les enfants voient leurs parents faire… va savoir » Aussi bavarde qu’à son habitude, l’étudiante n’avait pas pu s’empêcher de continuer sur le sujet, sans imaginer que parler encore de son fils n’était pas forcément ce qu’elle désirait. « Une chose est sûre, je ferai tout pour développer la créativité de mes enfants » s’exclama-t-elle, pourtant bien loin d’être mère.
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Personne ne venait ici. Du moins, personne ne venait vraiment pour traiter ce loft comme l’atelier qu’il était. Edward se tenait à distance, sachant que l’endroit devait rester mon oasis, mon lieu d’isolement, ma forteresse de solitude où sa présence sonnait plus que faux. Saul était déjà venu une fois ou deux, brièvement, pour faire amende honorable. Lui plus que quiconque savait à quel point cet appartement devait rester sacré si je risquais d’un jour, peut-être, le relancer comme l’atelier qu’il devrait être. Ça viendrait, en temps et lieu. La présence de la jeune femme ici ne me le confirmait que trop. Rose avait cette étincelle, ce sourire, cette inspiration qui m’avait de suite accroché plus tôt dans la journée, et qui ne se lassait pas maintenant que nous avions troqué la classe en extérieur pour un semblant d’apéro chez moi. Apéro à l’eau, dirons-nous, puisque cette journée chaude d’été était tout sauf idéale pour lui offrir un café, ou un thé. La conversation se relance aussi naturellement que dès nos premiers échanges, et c’est devant son air étonné que j’explique mes choix de couleur, et mes réflexions tout autour. La mention du professeur Wyler me fait sourire, nostalgique, et Rose répond à sa façon, toute autant effrayée par l’inconnu que j’étais jadis, que je suis toujours. « Ou alors on ne veut simplement pas y penser. » je rebondis sur ses mots, le clin d’oeil qui suit, amusée. « On devient si douée à se mettre des obstacles au quotidien que lorsqu’on tombe sur de vrais défis, ils nous apparaissent encore plus immenses. » j’hausse les épaules, relatant ma vie dans son entièreté avec ces quelques mots. J’avais tellement l’impression de stagner, de tourner en rond, d’éviter d’oser, ayant peur que le résultat soit pire, ou mieux, pour même y réfléchir trop longtemps. Fière comme une aînée de voir la rousse se pencher vers une palette plus difficile selon elle, j’hoche positivement de la tête, souriant pour la peine. Voilà qui est un pas dans la bonne direction et sa simplement présence ici me confirme que moi aussi, j’ai bien su me défendre aujourd’hui. « Absolument pas. » que je blague, sarcastique au possible, laissant mon visage de marbre l’effrayer un brin. « Ce sera une horreur. » puis, je pouffe de rire, incapable de me contenir devant sa mine apeurée. « Je rigole! » L’ironie faisant partie de mon vocabulaire depuis toujours, la voir ressortir maintenant était signe que j’étais de plus en plus à l’aise avec la jeune artiste. Elle n’avait plus rien de l’inconnue à laquelle je m'étais présentée des heures plus tôt. Non, maintenant, elle me faisait beaucoup plus l’impression d’être une amie. « Et moi, j’irai avec la palette pastel. J'essaierai de te faire honneur. » c’est le monde à l’envers lorsque je retrouve ces couleurs qui jadis avaient guidé toutes mes oeuvres à l’Académie. Je ne me souviens plus de la dernière fois où j’ai choisi des teintes claires pour exprimer mes idées, mais aujourd’hui semble être une belle journée pour retourner aux sources, et peut-être puiser justement sur ces vieilles habitudes de quoi forger une inspiration nouvelle. Allez savoir. Je m’apprête à tracer doucement au crayon d’abord sur une grande feuille que j’ai étendue devant moi, avant d’être interrompue dans mes pensées par Rose qui farfouille à travers mes croquis. Même si l’idée d’une paire de prunelles emplies de curiosité faisant défiler mes esquisses me paralyse momentanément, la simple mention des dessins mettant en vedette mon fils me fait sourire. Sourire et soupirer doucement, mais ça, c’est pour une autre histoire. Je présente donc Noah à mon amie, à travers ses traits qui se répètent sous une multitude de costumes tous plus rigolos les uns les autres. « Un grand garçon qui m’impressionne un peu plus chaque jour. » au-delà de sa maladie et des nombreux mois qu’il avait passé cloué dans un lit d’hôpital, mon fils en soi était une source inépuisable de fascination pour moi. Bien sûr, son courage y était pour beaucoup, mais il y avait aussi tous ses petits comportements, ses expressions, ses mimiques, ces bribes de vie que j’avais la chance de partager avec lui depuis plusieurs années déjà et que j'espérais, si fort, continuer à percevoir un peu plus chaque jour. Avoir un enfant avait été l’un des plus gros traumatismes de ma vie, pourtant, je ne changerais pour rien au monde ma décision, celle de l’accueillir malgré la surprise qu’il constituait. Il était beau, il était drôle, il était intelligent, il était vif, il était mon tout, et l’amour de ma vie. Ma plus grande fierté. Rose laisse échapper quelques rires à la découverte des fameux personnages qu’il incarne et je me lève pour la rejoindre, souhaitant partager ces souvenirs une nouvelle fois, rigolant à ses paroles, constatant au passage qu’il n’y avait pas que Noah et moi qui adorions l’idée de le mettre en scène dans des rôles de super-héros. « Le premier dessin, c’est celui-là. » j’extirpe un croquis où Noah est bien installé sur le dos d’une tortue, clin d’oeil à ce quatuor de ninjas qui donne l’impression de faire 10 fois la taille de mon gamin. « Il venait d’écouter le premier film des Ninja Turtles trois fois de suite. Cet enfant connaît ses classiques. » je rigole de plus belle devant l’expression affamée que je lui avait tracée. C’était simplement pour faire écho à la boîte de pizza bien fumante qui trônait dans le coin droit du dessin. « Il me trouve cool quand c’est l’heure du cookie au chocolat quotidien. » je retourne doucement à ma place, le bras ballants, la tête ailleurs. « Puis il retire ses mots quand je l’empêche d’écouter les infopubs jusqu’au milieu de la nuit. » c’était la seule chaîne qui semblait rouler en boucle dans sa chambre d’hôpital, une fois les dessins animés de fin d’après-midi tous écoulés. « Il… il avait commencé à dessiner, quand on habitait à Londres. » tout seul, comme un grand, à barbouiller mes restes de canevas sous mon oeil attendri. « Mais pour le moment on a mis ça un peu en veilleuse. » sa maladie étant le premier - et le seul - de nos soucis, il me semble que l’idée ne serait pas mauvaise de lui changer les idées en amenant de nouveau cahiers et crayons dans sa chambre pour qu’il recommence. La santé de mon fils étant toujours un sujet délicat à aborder pour moi, et à traiter pour les autres, je change volontairement le sens de la discussion pour le bien de tous. « Tu penses à avoir des enfants? » je pose la question sur le ton de la confidence, confidence heureuse bien sûr. Rose me semble encore toute jeune, mais ce n’est pas ce qui m’avait empêché de tomber enceinte, à l’époque.
Are we crazy? Living our lives through a lens. Trapped in our white picket fence, like ornaments. So comfortable, we're living in a bubble, bubble. So comfortable, we cannot see the trouble, trouble. Aren't you lonely? Up there in utopia where nothing will ever be enough. Happily numb, we can’t do better than that.
Plus leurs conversations avançaient et plus la théorie que la rouquine avait construite autour de sa nouvelle amie devenait concrète. Elle ne semblait pas s’être trompée lorsque son instinct lui avait soufflé qu’un nuage sombre semblait noircir la douceur naturelle de cette femme. Il suffisait de l’écouter parler pour comprendre que quelque chose l’avait blessée un jour et continuait aujourd’hui de peser dans sa vie. Maintenant qu’elle avait pu entrer dans son refuge, Rose ne pouvait que confirmer cette sensation qu’elle avait eu en la voyant pour la première fois cet après-midi. Elle voyait en Ginny une artiste douée dont les ailes étaient retenues par un secret trop lourd qu’elle ne saurait deviner, et qu’elle n’espérait pas particulièrement creuser. La curiosité malsaine n’avait jamais été son fort, néanmoins, elle pouvait se rendre utile et désirait plus que tout l’aider à se libérer. Une femme capable de peindre de si belles œuvres ne méritait pas de rester enfermée à ses yeux. « Ou alors on ne veut simplement pas y penser. On devient si douée à se mettre des obstacles au quotidien que lorsqu’on tombe sur de vrais défis, ils nous apparaissent encore plus immenses. » L’étudiante avait encore du mal à se faire à cette vision. Entendre des mots si emprunts de dureté sortir de la bouche si délicate d’une jeune femme comme elle. Silencieusement, l’étudiante l’avait observée, respectant ce qu’elle croyait être un moment de souvenir et d’intimité.
Puisque Ginny l’avait avant tout invitée ici pour continuer à apprendre un peu en peinture, dans la mesure où le cours d’aquarelle ne s’était pas déroulé de la meilleure façon, Rose reporta bien rapidement le sujet de conversation sur leur petit atelier et son choix de palette. Plus motivée que jamais à se surpasser grâce aux paroles sages de sa professeure, elle se lança un défi qui lui paraissait à cet instant infaisable. Elle tenta de se faire rassurer par son interlocutrice quand celle-ci lui donna une réponse à laquelle elle ne s’était pas du tout attendue. « Absolument pas. Ce sera une horreur. » Perdue en confusions, la rouquine resta muette, faisant bouger son regard entre la palette et le visage infaillible de Ginny. « Je rigole! » Quelques secondes furent nécessaires à la jeune femme pour réaliser que la brune s’était une nouvelle moquée d’elle, gentiment, mais avec un jeu d’actrice qui l’impressionnait. Rose n’avait jamais été très douée pour déceler l’ironie, et bien souvent, cela lui jouait des tours. Sa naïveté légendaire lui donnait cette tendance à croire tout ce qu’elle entendait, même si cela pouvait paraitre démesuré ou tout simplement bizarre. Elle tentait parfois de se rassurer en se disant que l’anglais n’était pas sa langue maternelle et qu’il lui arrivait de ne pas comprendre toutes les nuances que les gens pouvaient utiliser, mais la réalité était simplement qu’elle était trop facile à avoir. « Je ne vais jamais m’y faire ! » avait-elle répliqué à Ginny dans un petit rire, désormais que le stress s’était dissipé et qu’elle pouvait se moquer d’elle-même. « Et moi, j’irai avec la palette pastel. J'essaierai de te faire honneur. » Touchée par l’intention, Rose sentit les couleurs prendre possession de ses pommettes. « Je suis sûre que ça va être magnifique » Bien plus que ce qu’elle allait faire, car pour le moment, elle n’était toujours pas convaincue de réussir ce défi fou qu’elle s’était lancé.
Toujours douée pour faire des bourdes, Rose avait eu la mauvaise idée de montrer un dessin du fils de Ginny, alors qu’elle était pourtant à la recherche d’une aquarelle qu’elle trouvait inspirante pour sa palette de couleurs sombres. Et si le début de leur conversation laissait présager qu’il n’y avait rien de bon à continuer sur cette voie et qu’évoquer Noah auprès de son interlocutrice semblait plus raviver de mauvais souvenirs qu’autre chose, la situation prit une tournure différente. Rapidement, la tristesse sur le visage de la brune s’était transformée en une fierté joviale, donnant en quelque sorte le feu vert à Rose pour continuer d’en parler. Et donner à la rouquine la possibilité de s’exprimer c’était un peu signer son arrêt de mort lorsque que l’on se rendait compte qu’il n’y avait pas plus bavarde qu’elle. C’était ainsi qu’elle s’était lancée sur les enfants, la capacité à dessiner qui se transmettait ou non. « Le premier dessin, c’est celui-là. » Curieuse, elle s’était approchée de Ginny, penchant son visage illuminé vers le dessin qu’elle lui présentait. « Il venait d’écouter le premier film des Ninja Turtles trois fois de suite. Cet enfant connaît ses classiques. » Un éclat de rire fendit la pièce, Rose imaginant le petit garçon devant le film en question. Le dessin était comme toujours réalisé à la perfection et la présence de la pizza sur un bout de la feuille l’avait amusée. « Okay, cette fois je suis vraiment jalouse. » Même si Rose n’avait jamais eu à se plaindre de ses parents qu’elle aimait plus que tout, elle ne put s’empêcher de confier à Ginny à quel point elle devait être une mère formidable, le genre de mère que tout le monde rêvait d’avoir. « Il me trouve cool quand c’est l’heure du cookie au chocolat quotidien. Puis il retire ses mots quand je l’empêche d’écouter les infopubs jusqu’au milieu de la nuit. » Plutôt étonnée qu’un enfant ait le désir de regarder les informations toute la nuit, la rouquine fit une moue d’incompréhension et retourna s’asseoir sur les coussins que son hôte avait installés un peu plus tôt. « Il… il avait commencé à dessiner, quand on habitait à Londres. Mais pour le moment on a mis ça un peu en veilleuse. » Une nouvelle fois, l’expression qu’elle avait pu observer lorsqu’elle lui avait montré le dessin de Noah la première fois revint sur son visage. Tout en se mordillant la lèvre, Rose réfléchit à une façon positive de lui répondre. « C’est dommage. On pourrait peut-être faire des ateliers tous les trois ? Je suis sûre qu’avec une mère comme toi il est meilleur que moi et qu’il aurait beaucoup à m’apprendre. Et puis ça pourrait être amusant » plaisanta-t-elle en regardant une nouvelle fois le dessin sous ses yeux. « Les enfants sont une énorme source d’inspiration, ça me manque un peu de pas en avoir partout autour de moi, je trouve leur présence apaisante. Ils sont si simples » Ils l’étaient en tout cas pour elle, ce qui n’avait rien d’étonnant puisque sa mentalité pouvait parfois plus s’apparenter à celle d’un enfant que celle d’une jeune adulte. Elle eu alors une petite pensée pour tous ces enfants qu’elle avait l’habitude de côtoyer au cirque et qui parfois, lui manquaient terriblement. « Tu penses à avoir des enfants? » Ses yeux azur se levèrent vers le plafond dans un air rêveur. « J’adorerais » Son regard se porta de nouveau vers Ginny, brillant et vif. « Je n’ai jamais eu de petit ami alors je me dis qu’à ce rythme-là je risque de mettre du temps à avoir un enfant à moi un jour, mais je sais avec certitude que j'en veux » Il était clair qu’en termes de praticité, ses expériences avec les femmes n’étaient pas ce qu’il y avait de mieux pour donner la vie. Si il lui était déjà arrivé de tomber amoureuse d’un garçon, jamais elle n’avait fait quoi que ce soit avec le sexe opposé. « Et puis même si j’arrive à avoir des enfants, je veux adopter. Je sais qu’il y a plein d'orphelins qui n’attendent que ça et j’ai tellement d’amour à revendre ! Je ne serais peut-être pas en mesure de les dessiner comme tu le fais mais je pourrais leur coudre des robes de princesse ou des costumes de super-héros, oh oui j’adorerais » La tornade de parole était lancée, incapable de s’arrêter. « Oh, je viens d’avoir une idée. Est-ce que tu crois que ça ferait plaisir à Noah que je lui fasse un costume ? C’est qui son personnage préféré ? Ça me ferait tellement plaisir de pouvoir lui faire ça. Dis-moi oui ! » avait-elle demandé avec plus d’excitation qu’il n’en fallait. C’était tout Rose, elle et Ginny ne se connaissaient que depuis quelques heures seulement mais elle s’imaginait déjà à ses côtés dans le futur, tout simplement parce qu’elle l’aimait bien.
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Recevoir Rose dans mon atelier, la connaître à peine, la découvrir même, me faisait l’effet d’un vent de fraîcheur. Elle était douce et belle et brillante et allumée, et je me surprenais à avoir foncièrement envie de peindre maintenant qu’elle était à mes côtés. De gribouiller un truc, d’avoir son avis, de la regarder détailler les formes du bout de ses couleurs. Comment arrivait-elle si facilement et sans me forcer à m’aider à ce point, autant? Le fait qu’elle ne connaissait rien ni sur ma vie, la vraie, tout autant que l’inventée me semblait la plus plausible des raisons et je rebondis même sur ses questions que, de base, j’aurais entièrement évitées. Noah et ses croquis, Noah et son amour du dessin, Noah et… le reste. Londres vient sur la discussion et ce que le bambin y avait doucement appris, pinceau en main. « Un jour, ce serait bien. » que je l’arrête dans son élan, ne la blâmant pas du tout de ne pas savoir, mais tâtant le terrain pour ne pas non plus lui briser le coeur, et l’étincelle qui colore ses iris. « Je le lui proposerai, pour sûr. » et c’était vrai, honnête. Il adorerait et l’activité, et Rose, et vivrait le tout avec le plus grand et le plus beau des sourires accroché à ses lèvres, alors oui, je le mettrais à ma liste. Lorsqu’il irait mieux. Une expression à la fois fière et nostalgique passe sur mon visage, la jeune rousse parlant d’inspiration, d’enfants, de simplicité. Évidemment, le visage de mon fils, ses rires, ses manies, ses mots, sa candeur me rattrapent tout et chacun, et tant mon coeur se serre devant un éventail de souvenirs et d’images de lui, tant je comprends exactement ce qu’elle veut dire. « J’ai l’impression que tu pallies pour ça en ayant gardé toi-même ton coeur d’enfant. » la douce Rose, la belle Rose et sa voix qui tinte, ses pupilles qui rêvent, ses phrases qui s’envolent. Elle avait tout d’une gamine pleine de promesses et avide de surprises, et j’aurais facilement pu envier toute cette innocence dont elle savait savamment faire preuve. Distraitement, je trace sur le papier à mes pieds en la regardant faire, ne posant pas plus de questions, ne voulant pas, à mon tour, entrer trop loin sans invitation. Ses paroles supposent autre chose, un passé peut-être, et comme à ma place, je la sens se dérober volontairement - ou non - le temps de changer de sujet, d’attraper ses couleurs, de se lancer à son tour. L’interrogation vient toute seule, délicate, lorsque je lui demande si elle y pense, aux enfants. J’ignore si elle en veut, si elle en espère, mais le timbre de sa voix me semble répondre bien avant qu’elle ait articulé ses mots. « C’est assez essentiel, il paraît. » que j’éclate de rire à la mention du petit ami, ironique au possible. J’étais la preuve vivante qu’on pouvait le faire seule et avec d’autres, et il me semblait que de nos jours les possibilités étaient infinies pour être mère sans devoir à tout prix trouver l’homme - ou la femme, de notre vie. « Et puis, s’il se cache trop longtemps, tu seras très facilement en mesure de faire toute seule. Avec un peu d’aide de la science, ou alors en adoptant. » j’hausse les épaules. Trop de femmes attendaient la perle rare pour s’aventurer dans la maternité, et je n’en serais que plus déçue d’en voir une nouvelle laisser passer un rêve auquel elle tenait autant sous prétexte qu’elle le vivrait seule. Voilà qu’elle ajoute à son tour tout ce qu’elle pense de l’adoption, et je ne peux qu’hocher vivement de la tête, partageant entièrement sa position. « Oh, mais tu as tellement raison. Et cette idée est absolument adorable! » elle en parle avec tellement de passion, tellement d’amour, que je l’écouterais encore et toujours. Petite boule de bonheur qui n’attend que de pouvoir se donner, partager, chérir. « J’ai toujours voulu adopter. » que j’avance dans la confidence, commençant à appliquer un doux rose pastel sur les zones identifiées au préalable sur le canevas. « Avant Noah, et même après. Ça a toujours été évident pour moi, de m’occuper de ceux et de celles qui sont déjà là. » bien avant Ezra, encore enfant, j’étais fière d’annoncer à qui voulait l’entendre que je sauverais tous les bébés mal-aimés de ce monde, tous le enfants malmenés, attaqués, à part même. Séquelles d’une jeunesse où je n’avais pas été la préférée des autres gamins qui rôdaient autour de moi, et qui avait laissé ce profond besoin, cette nécessité de redonner aux enfants qui ne l’avaient pas eu facile. « Je suis certaine que tu feras une excellente maman. Aucun doute ici. » et je suis tellement honnête. Elle a tout de la jeune femme patiente, avenante et utopiste, tout de ce qu’un enfant a besoin, tout ce qui lui permettra de grandir fort et bien, beau et doux. « Oh, prend déjà pour acquis qu’il passe commande! » sa proposition de costume n’est pas tombée dans l’oreille d’une sourde et je vois déjà Noah se ruer sur les paquets que je pourrais lui apporter, moyennant le talent de Rose. « Pour lui, je te laisserais carte blanche. Il adore tout, tant que tu lui inventes une histoire. Une cape pour voler au-dessus des montagnes, des collants pour courir plus rapidement à travers les immeubles, un logo pour rassurer les passants lorsqu’ils le croisent… c’est un rêveur, mon bonhomme. » le petit homme raffolait des histoires de super-héros et même des contes de fée depuis tellement longtemps. Il les implorait ses histoires au coucher, et dévorait des tonnes de livres et de bandes dessinées depuis son hospitalisation, la lecture ayant été son univers bien à lui où la magie et l’aventure lui étaient toutes deux accessibles. « Ça lui ferait tellement plaisir… » que je commence, voyant l’issue venir à toute vitesse. Devant tant de générosité, d’enthousiasme et d’ouverture, il me semblait devenu essentiel de lui partager plus personnel aussi, de m’ouvrir à elle encore un peu, alors qu’elle y allait all in depuis son entrée dans ma vie. « Il est malade. » que je commence, statuant le tout le plus simplement, ne voulant pas trop jouer sur la corde sensible de Rose, mais souhaitant la préparer à une potentielle rencontre avec Noah. Cela arriverait, j’en étais sûre. Je voulais de sa lumière dans la vie de mon fils. « C’est pour ça que nous avons quitté Londres. Il est hospitalisé à Brisbane depuis un peu plus d’un an. Malfonction de ses reins, il est dans l’attente d’un donneur pour une greffe, mais c’est impossible de trouver quelqu’un de compatible alors… alors il attend avec toute la patience et la force du monde. Ce genre de cadeau, le costume, ça tomberait du ciel, tu sais. »
Are we crazy? Living our lives through a lens. Trapped in our white picket fence, like ornaments. So comfortable, we're living in a bubble, bubble. So comfortable, we cannot see the trouble, trouble. Aren't you lonely? Up there in utopia where nothing will ever be enough. Happily numb, we can’t do better than that.
« Un jour, ce serait bien. Je le lui proposerai, pour sûr. » Rencontrer des gens, tisser des liens, tout cela paraissait si naturellement simple pour Rose. Lorsque le courant passait, elle était la première à tout faire pour ne pas perdre le contact, pour aller au-delà d’une simple rencontre. On pouvait dire que cela lui avait toujours réussi. Elle n’avait rencontré Ginny que quelques heures auparavant et déjà elles avaient convenu de se revoir, mettant en jeu une personne extérieure. Avoir l’occasion de faire la connaissance de son fils était une idée qui l’emplissait de joie, elle si à l’aise avec les enfants. « J’ai l’impression que tu pallies pour ça en ayant gardé toi-même ton cœur d’enfant. » La jeune femme n’avait pas idée. On ne pouvait pas faire plus enfantine que la rouquine, qui par moment, regrettait parfois d’avoir quitté l’âge de l’innocence. Ou en tout cas juste en termes biologiques et physiques dans la mesure où on ne pouvait pas considérer que son esprit l’avait un jour quitté lui. « Le monde est toujours plus beau vu à travers les yeux d’un enfant » répondit-elle le regard dans le vide, pas contrariée pour le moins du monde qu’on la considère comme telle. C’était au contraire un compliment qui sonnait à ses oreilles. Visiblement tout aussi curieuse, Ginny l’interrogea sur son désir à elle de devenir une mère, ce à quoi Rose s’était empressée de répondre dans son flot de paroles habituel. Si d’ordinaire elle avait déjà le bavardage facile, il était encore plus compliqué de la retenir lorsqu’il s’agissait de sujets qui lui tenaient à cœur. Les enfants et la famille en faisait bien évidemment partie. « C’est assez essentiel, il paraît. Et puis, s’il se cache trop longtemps, tu seras très facilement en mesure de faire toute seule. Avec un peu d’aide de la science, ou alors en adoptant. » Dans une parfaite harmonie, la rouquine s’était esclaffée à la plaisanterie de son interlocutrice. Elle appréciait constater que tout doucement, la brune laissait échapper sa réelle personnalité, enchainant alors les blagues avec un humour bien particulier qu’elle commençait à assimiler. Lui parler de ses rêves d’adoption, de maternité l’excitait grandement, d’autant plus que la lumière dans les yeux de la brune ne faisait que l’encourager. « Oh, mais tu as tellement raison. Et cette idée est absolument adorable! J’ai toujours voulu adopter. Avant Noah, et même après. Ça a toujours été évident pour moi, de m’occuper de ceux et de celles qui sont déjà là. » Entièrement d’accord avec ses propos, l’étudiante hochait simultanément la tête à chaque phrase qu’elle articulait, le sourire aux lèvres et les yeux pétillants. « Je suis certaine que tu feras une excellente maman. Aucun doute ici. » Ses lèvres rosées s’étirèrent plus largement encore. « Tu ne pouvais pas me faire plus beau compliment, merci Ginny. Je ferai tout pour en tout cas, tout. » Un peu comme une maman lionne, prête à tout pour protéger sa progéniture. Bien que Rose avait un peu de mal à s’imaginer endosser le côté agressive de la mère féline.
A force d’observer les dessins, aquarelles et autres créations que Ginny avaient pu réaliser de son fils dans les accoutrements et les situations les plus folles, une idée lui vint à l’esprit. Si elle n’était pas en mesure de dessiner quoi que ce soit à son niveau pour lui faire plaisir, elle avait malgré tout d’autres talents. C’est ainsi qu’elle s’était empressée de faire part de son projet de réaliser un costume au jeune Noah. « Oh, prend déjà pour acquis qu’il passe commande! Pour lui, je te laisserais carte blanche. Il adore tout, tant que tu lui inventes une histoire. Une cape pour voler au-dessus des montagnes, des collants pour courir plus rapidement à travers les immeubles, un logo pour rassurer les passants lorsqu’ils le croisent… c’est un rêveur, mon bonhomme. » Incapable de tenir en place, la rouquine fit un bond de quelques centimètres sur son coussin, tout en remuant les bras dans les tous les sens. « Défi relevé ! » s’écria-t-elle, tandis que les idées affluaient déjà par dizaine dans son esprit créatif. Cependant la joie ne semblait résider que de son côté, car bien rapidement, la tristesse avait fait son retour sur le visage de Ginny. Gênée, la rouquine ravala son excitation et l’observa silencieusement. « Ça lui ferait tellement plaisir… Il est malade. » La stupeur avait pris possession des traits fins de son visage. « C’est pour ça que nous avons quitté Londres. Il est hospitalisé à Brisbane depuis un peu plus d’un an. Malfonction de ses reins, il est dans l’attente d’un donneur pour une greffe, mais c’est impossible de trouver quelqu’un de compatible alors… alors il attend avec toute la patience et la force du monde. Ce genre de cadeau, le costume, ça tomberait du ciel, tu sais. » Tout ce qui s’approchait à la maladie, à la mort, avait le don d’effrayer Rose. Plus encore lorsque des enfants étaient concernés. Lorsque cela arrivait, elle ne pouvait que se sentir démunie, sans arme face à un destin qu’on ne pouvait contrôler. La maladie faisait partie de ces choses qui la ramenaient à la réalité et lui faisait réaliser que les humains n’étaient que de petites choses vulnérables face à la vie. « Je me doutais qu’il y avait quelque chose à son sujet mais… » Sa voix s’était arrêtée, encore troublée par cette révélation et le regard peiné de son interlocutrice face à elle. « Je n’aurais pas pensé à si grave. Je suis désolée de t’y avoir fait penser et d’avoir insisté en plus… » Maintenant, elle se sentait particulièrement idiote et s’en voulait d’être parfois si maladroite. « Je suis persuadée qu’il va trouver quelqu’un, il le mérite et toi aussi. Tout ira bien » glissa-t-elle dans une esquisse de sourire. Rester positive coûte que coûte était son mot d’ordre. « Le plus important c’est de rester positif avec lui » Plus facile à dire qu’à faire, probablement, mais elle restait persuadée que les mauvaises ondes étaient tous aussi contagieuses que les bonnes. « Tu sais quoi ? Je vais lui préparer son costume très vite, comme ça tu pourras lui offrir et il lui donnera toute la force nécessaire pour se battre » Ni une ni deux, Rose leva serra les poings, soulignant son propre désir de se battre et s’allongea au sol sur le ventre. Avec motivation, sa main s’empara d’un pinceau qu’elle humidifia avant de tremper dans une des couleurs de sa palette. Avec une grande concentration, elle se mit à dessiner une silhouette, celle d’un enfant, un petit garçon. Noah, bien évidemment. Très rapidement, la silhouette fut habillée d’un costume auquel une cape vint s’ajouter, flottant dans le vent derrière lui. Sur son torse apparut un logo, encore vide de toute inscription. « Est-ce qu’il a surnom particulier ? » demanda-t-elle à Ginny en levant les yeux vers elle. « Si tu me valides mon croquis avant que je parte, je pourrais même le coudre ce soir ! » continua-t-elle sur sa lancée avec toujours autant d’enthousiasme. « Il faudrait juste que je regarde les tissus qu’il me reste, au pire je fais un détour par la boutique… » Ses pensées s’exprimaient à voix haute, ce qui arrivait bien souvent lorsque la rouquine ne parvenait pas à contenir son énergie. « Je pourrais même t’en faire un assorti si tu veux » plaisanta-t-elle auprès de Ginny. Avec sa belle peau et son joli sourire, elle n’avait aucun mal à l’imaginer dans un joli costume de princesse.
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Le visage de Rose qui dépeint sa surprise, son malaise, n’est qu’une raison de plus qui motive ma décision de garder tout ce qui peut toucher la vie de Noah secret. Je n’aime pas avoir à rassurer les gens, je n’aime pas avoir à les conforter dans le fait que non malheureusement, ils ne peuvent rien faire pour la situation du gamin, et que par ma faute, la conversation se trouve voilée d’un semblant de pitié tout sauf bienvenue. Pourtant, la douceur de Rose est comme un baume, et ces quelques mots d’espoir, même s’ils sont particulièrement utopiques à mon sens, valent tout l’or du monde sur l’instant. Je laisse un sourire se dessiner sur mes lèvres, les pinceaux qui se passent nerveusement entre mes doigts. « Il est entre bonnes mains. C’est pas facile tous les jours, mais on s’accroche. C’est mon petit super-héros à moi. » parlant de super-héros, voilà que la rousse s’emballe particulièrement sur l’idée du costume, et que je dois retenir un rire ou deux d’accompagner son engouement. « Tu es adorable… » qui complimente ses paroles, maintenant qu’elle brainstorm à voix haute, et que je vois transparaître sur ses rétines ses milliers d’idées pour faire de mon fils la vedette d’une bande dessinée digne de Marvel. Je sais déjà que Ben sera particulièrement jaloux de nous voir gambader dans les couloirs de l’hôpital habillés de la sorte Noah et moi, et ce n’est qu’une motivation supplémentaire pour encourager la rousse à voir gros, et à poursuivre son envie de nous habiller. S’il elle se ravissait face à ce que je pouvais dire sur la peinture, voilà qu’elle était absolument incroyable à voir évoluer du moment où on lui parlait de couture, de vêtements, de design. À savoir que l’art, la créativité, l’inspiration, soulageaient, reliaient les âmes plus facilement encore qu’on ne pourrait le croire.
« Ah, le surnom. J’ai essayé, mais il est dans la phase du “non maman, pas de petit nom, c’est ridicule”. » que je finis par lâcher, accompagné d’un soupir, alors que Rose me demande si Noah a un pseudonyme particulier. 7 ans et déjà si mature pour son âge, la crise d’adolescence qui le guette, et la crainte de ne pas faire partie de la bande des cool à la cafétéria de l’hôpital. Petit bonhomme, tout de même. « Je… merci Rose. Vraiment. Ça fait longtemps que quelqu’un s’est autant enthousiasmé, ici, dans ma vie. Ça fait du bien. » ce n’est que lorsque la jeune fille penche de nouveau la tête sur ses croquis, crayon à la main, que je finis par prendre le temps de la remercier vraiment. Elle n’a pas idée à quel point ceci tombe à point. Entre les différentes rechutes, entre les donneurs qui se font attendre, entre les résultats négatifs reçus par Ezra, elles étaient rares les lueurs d’espoir actuellement, et un peu de folie dans la vie de mon fils ne lui ferait que du bien. Dans la mienne aussi, définitivement. La voilà qui s’affaire maintenant à barioler des feuilles et des feuilles, imaginant Noah dans toutes sortes d’accoutrement, du plus éclaté au plus sérieux. Je l’entends déjà hurler de joie lorsque ses yeux tomberont sur le précieux cadeau, et je me retiens de la préciser à Rose une fois de plus question de ne pas lui mettre aucune pression tout sauf nécessaire sur les épaules. Il sera heureux peu importe le résultat, peu importe le look du costume, tout simplement parce que ce serait le sien, et que déjà ça sera plus que la consécration à ses yeux. « Je… je serais heureuse de te laisser toute la place si tu veux passer. Pour dessiner, pour coudre, ce que tu veux. J’imagine que tu dois avoir un atelier déjà, ou du moins, un endroit où créer, mais… il y aura toujours une place pour toi ici. » un sourire de plus, et la proposition qui reste en suspens. Rose mérite plus que tout de pouvoir venir tirer profit de ces lieux, et égoïstement je pense déjà à tout le bonheur, à toute la légèreté qu’elle amènera lors de chacun de ses passages. Le croquis déjà avancé, je ne tarde pas trop à rejoindre ses côtés, curieuse, commentant ce qui me plaît le plus, ce qui enchantera sans aucun doute Noah.