Look around everywhere you turn is heartache. It's everywhere that you go, look around. You try everything you can to escape the pain of life that you know. When all else fails and you long to be something better than you are today. I know a place where you can get away.
Hannah Siede. J’essaie d’accuser ses gestes, de comprendre ses expressions. Je suis le parcours de sa main du revers des prunelles, caresse les tissus, détaille les mouvements, la tombée. Elle est belle, il n’y a aucun doute. La mâchoire fine, arrêtée, les boucles naturellement soignées, la silhouette gracieuse, délicate. Elle relève le menton, attrape la concentration d’une autre femme, un peu plus loin d’elle, à l’extrémité de la boutique. Les deux se renvoient questions, réponses, concertations, avant de retourner à ce qui les intéresse l’une l’autre. Je sens qu’on m’observe à mon tour et je détourne donc les yeux, mécanisme d’auto-défense, consciente de l’apparence douteuse de la scène. Pourtant, c’est bien malgré moi que je me suis retrouvée ici, devant cette vitrine, l’esprit absorbé, l’intention d’analyser. C’était il y a un mois. Le clic répétitif dans mon dos, les appels à l’attention qui glissent comme s’il ne m’étaient pas adressés – comme c’est assurément le cas. Mais ils insistent, ils agressent, et l’un d’eux finit même par déposer sa main sur mon épaule, intensifiant le contact de trop. Puis la surprise, la déception. « Oh, vous n’êtes pas elle. » Qui, quoi, hen ?! Je secoue la tête, retrouve mes pensées, repart dans ma direction et la mienne uniquement, et j’oublie. Jusqu’à la fois suivante, puis l’autre d’après. Des similitudes, des proximités, des airs, et pourtant l’avoir sous les yeux ne me convainc pas d’une ressemblance quelle qu’elle soit. Beaucoup plus digne, beaucoup plus droite. Des pupilles pétillantes, un sourire qui ensorcèle, une posture qui impose. Et moi? Les mèches folles, le visage à nu, les vêtements trop simples, trop classiques, de ceux dont on ne se souviendra pas plus que d’autres. Je n’avais jamais été de ces filles-là, jamais eu ce charisme, cette prestance. J’étais la brune sympa, la bonne amie, la maman. Celle qui passait des nuits complètes à se creuser les méninges, celle qui se tachait du moment où elle passait la porte de son atelier, celle qui avait relégué la séduction au placard depuis un peu trop longtemps pour oser l’y ressortir sans la moindre séquelle. Et voilà qu’eux, les photographes, les intrus, avaient fait germer cette graine, cette idée, cette impression que j’étais peut-être à quelques meilleurs plis d’elle. D’Hannah. La trouver ici, la voir au tournant d’une allée, la découvrir alors qu’elle n’avait pas la moindre idée de mon existence avait laissé une drôle d’impression, une drôle d’envie. Comme une inspiration, une curiosité, malsaine bien probablement. La connaître, voir jusqu’où ce pourrait être vrai. Stupide, stupide idée que je balaie avant même de l’avoir pleinement considérée. Ce n’était que le hasard qui l’avait mise sur mon chemin, un hasard qui se moquait bien de la suite, un hasard qui mine de rien m’avait fait oublier la raison première de ma visite ici. Passer par la boutique pour gamins, trouver une jolie chemise, un pantalon correct, un ensemble qui redonnerait un peu de couleur, un peu d’amour, un peu d’attention à Noah. Plus les jours avançaient, et plus je sentais la rencontre avec Ezra imminente. Craignant que la petite chemise d’hôpital ne lui donne un air un peu trop crève-cœur pour le Beauregard, je m’étais donné pour mission bien futile, bien ridicule d’habiller le gamin de façon à ce qu’il soit à son meilleur pour ce premier face-à-face fatidique. A savoir si je mettais mes priorités au bon endroit, ou si j’évitais simplement de réfléchir à ce qui comptait vraiment – ici, es révélations qui suivraient – la réponse s’imposait d’elle-même. Je rebrousse donc chemin, laissant ce faux alter-ego à sa vie bien à elle, à son existence si loin de la mienne, pour poursuivre mon chemin. Jusqu’à ce qu’on m’arrête d’un nouveau « Hannah! Du nouveau sur ta collection? » bien senti, bien intrusif, qui fait écho à mon dos, tourné, ignorant le reste. Puis c’est sa voix, à elle qui répond finalement. Curieuse, interdite, je fais lentement, doucement volte-face pour voir la scène, pour l’entendre, elle, et personne d’autre. Oubliant ma promesse de l’oublier elle-même. Mauvais, mauvais plan.
« Celui-ci... celui-ci… et … définitivement celui-ci. » Il fallait bien observer Hannah pour se rendre compte qu’elle n’allait pas bien et que son retour à Brisbane n’avait pas été des plus simples. Pourtant, rien dans l’attitude de la brune ne laissait sous entendre que sa dernière conversation avec Saul avait été des plus houleuses ou qu’elle évitait tout le monde comme la peste depuis son retour. Non, ses mèches brunes étaient toujours aussi bien soignées, son rouge à lèvres toujours aussi bien en place et aucun détail n’avait laissé au hasard dans sa tenue du jour… comme d’habitude. Pourtant ce fut bien avec plus d’enthousiasme que nécessaire qu’Hannah tendait les vêtements à Audrey, aillant la ferme intention de se rendre en cabine et de dévaliser la boutique s’il le fallait. Il y avait bien entendu dans le monde d’Hannah plusieurs type de shopping : celui qui était ponctuel et qui avait pour but de trouver la tenue parfaite pour un prochain gala ou un quelconque événement mondain; il y avait celui qui était nécessaire en début de saison pour ne pas se retrouver sur la touche et il y avait ce qu’Hannah en train de faire depuis quelques jours. C’est-à-dire trouver la moindre excuse pour ne pas réfléchir et s’en prendre verbalement à tous les employés qui ne trouveraient pas l’article désiré à la bonne taille, à la bonne couleur ou avec le bon timing. C’était très sain, chose que lui avait déjà fait remarquer sa gouvernante, la Siede avait préféré ignorer les commentaires et ne pas se concentrer sur le coeur du problème, ignorant les coups d’oeil désespérés qu’elle jetait de temps à autre à son téléphone ou la façon que sa main droite avait de revenir se poser sur son collier de diamants… comme si. Hannah roula des yeux alors qu’elle se surprenait à effectuer le geste encore une fois et elle se maudit intérieurement et se dirigea vers les cabines. La Siede changea d’avis, ce n’était pas vraiment la première fois que cela arriva et elle remit ses lunettes de soleil, sortant du magasin. Hannah ne savait pas vraiment ce qu’elle cherchait, elle avait assez de vêtements pour ouvrir sa propre boutique de luxe et elle était certaine qu’elle allait recevoir un coup de fil de Nathan dans la journée. Il ne voyait définitivement pas Valentino et Chanel comme des investissements sûrs. « Peut-être qu’il serait temps de rentrer Miss Siede, nous avons assez de sacs pour aujourd’hui, non ? » Hannah fit brusquement volte-face aux mots d’Audrey, sa gouvernante avait déjà les bras bien chargés, là où Hannah se contentait de porter un seul et unique sac de chez Chanel ainsi que la boisson qu’elle avait acheté un peu plus tôt pendant leur ballade -histoire de rester hydratée car oui le shopping était du sport. En temps normal, Hannah aurait hoché la tête et serait rentrée, les conseils d’Audrey étaient toujours avisés et c’était bien pour ne pas se retrouver seule avec sa déprime que la brune l’avait fait venir de New York. Sauf que cette journée n’avait rien de normal et Hannah la gratifia d’un roulement des yeux avant d’articuler les mots suivants : « Oh non Audrey, la séance shopping sera terminée quand j’aurais décidé qu’elle sera terminée… Je ne rentre pas sans des nouvelles chaussures. » Était-ce simplement parce qu’elle venait d’apercevoir une paire de talons vertigineux du coin de l’oeil ? Probablement. Hannah poussa un profond soupir, elle n’était pas complètement sans coeur et elle s’empara de sa carte de crédit au fin fond de son sac et tendit le reste de son porte-feuille à Audrey. « Très bien, si tu es si fatiguée que cela, pourquoi est-ce que tu ne vas pas nous trouver une table dans le restaurant de ton choix pendant que je vais admirer des Jimmy Choo et que je ne vais pas considérer te remplacer… Go, now. » Le ton d’Hannah était sans appel et la Siede regarda la gouvernante s’éloigner, les bras toujours aussi chargés et finit par reprendre sa marche, confortée par le bruit de ses talons. Hannah avait presque réussi à se convaincre qu’une nouvelle paire de chaussures serait effectivement une bonne idée lorsqu’elle entendit son prénom. Sauf qu’on ne lui parlait pas à elle mais à une autre brune à la silhouette fine et aux mèches brunes incontrôlées. La Siede fit remonter ses lunettes de soleil sur ses boucles et eut un sourire radieux pour cette parfaite inconnue. « Oui Hannah, comment avance donc ta collection ? » La personne qui posait la question, un journaliste de toute évidence à en juger par sa dégaine et l’appareil photo qu'il avait autour du cou, eut pour un elle un regard surpris et Hannah battit des cils dans sa direction avant d’ajouter. « Hannah Siede… la vraie…. Oui, j’en attends peu des journalistes de votre genre mais vous pourriez au moins faire semblant de faire votre travail, non ? » Il s’apprêtait à ouvrir la bouche, l’actrice en était certaine, mais elle le congédia d'un simple regard. Une fois seule avec cette étrangère, Hannah croisa les bras sur sa poitrine, un regard un peu trop serein sur le visage à présent. Quelque part, ça l’irritait que la nouvelle de sa prochaine collection s’était déjà ébruitée, elle avait fait de son mieux pour être discrète, mais l’autre brune en face d’elle avait piqué sa curiosité. « Voilà donc mon double… je me disais bien que je n’avais pas été aussi présente que cela à Brisbane ces dernières semaines. » Hannah avait prévu de se pencher sur l'affaire, elle avait bien remarqué que depuis plus d'un mois, on lui prêtait des allées-venues qu'elle n'avait pas eu. Hannah fit rapidement le tour de la jeune femme, son regard se promenant partout et enregistrant le fait qu'elle ne se tenait pas du tout droite, qu'elle avait de la peinture sous les ongles et qu’il y avait un léger air de ressemblance entres elles. Hannah finit son tour et se planta devant la jeune femme. « Je suppose que quitte à être confondue avec quelqu’un d’autre, il y aurait pu avoir plus insultant… » conclut Hannah avec un sourire suffisant. Elle fit glisser sa paille entre ses lèvres et après avoir bu une brève gorgée, elle prit sa décision. « Walk with me. » lança la Siede, s’éloignant déjà, certaine que l'autre brune la suivait. C’était toujours le cas avec Hannah.
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J’allais tourner le coin, j’allais laisser à d’autres cette envie d’espionner, de comprendre, d’analyser, de mimer quoi que ce soit, retrouvant mon quotidien, mes idéaux, mes défis lorsque l’ironie se charge du reste pour moi. Prise à observer celle pour qui on me prenait, prise les deux pieds, les deux mains, les deux yeux sur le fait. Et prise sous son propose nez, qui plus est. Je sens mes pieds qui s’ancrent dans le sol, mon corps qui arrête tout mouvement, la respiration qui entre, les mains qui se crispent. Sa voix, ces paroles coupées, nettes, directes, tout sauf hésitante. Et encore un point qui nous sépare, alors que même en pensée je cherche mes mots, je cherche la suite, je perds le fil. Sa voix qui claque, qui résonne dans le couloir attire sans grand étonnement mon intérêt, et je tourne la tête, suspendue à ses lèvres, assistant à la suite comme une enfant cachée derrière les rideaux du salon à la veille de Noël. Je ne peux que me sentir mal, très mal, visée face à sa question. Comme si mon silence, l’ignorance du journaliste, la scène grotesque qui se jouait devant elle était entièrement ma faute. Ridicule, cette sensation d’imposteure, de voleuse, de mensonge qui me prend par le ventre, qui serre, qui retient. Anxieuse, je reste immobile, attendant la suite, ma punition, son commentaire, sa demande brève, incisive, au fameux journaliste qui se confond vite en excuse d’un silence poignant, avant de la laisser là, de nous laisser là, muettes, observatrices. J’avais plus de courage maintenant, plus de force, d’ancrage. Mais ce genre de situation où le pouvoir est diffus bien loin de moi, où les rennes ne me reviennent absolument pas me ramène directement au lycée, aux moqueries, à ma silhouette cambrée qui ne voulait que passer inaperçue, encore et toujours. J’en attends d’elle qu’elle me demande de la laisser seule aussi, que ce petit jeu l’ennuie, ou pire, la fâche. J’en attends qu’elle me demande de sortir de sa vie, là où j’aurais tout sauf voulu m’inclure il y a encore quelques minutes, avant ce fatidique tournant, avant ces quelques secondes à l'étudier. Mais pire, elle esquisse un pas puis un autre dans ma direction déversant toute son attention, tout son amusement aussi, sur ma petite personne. Je me sens bien vite comme un animal de cirque, comme une petite poupée de chiffon, vulgaire distraction alors qu’elle m’adresse la parole ses prunelles se vrillant aux miennes. Elle n’est pas méchante en soi, elle n’est pas acide, acerbe, mais son ton est sans équivoque. Je m’oblige à soutenir tout de même son regard, cachant au mieux de ma force les quelques spasmes de stress qui parcourent mes doigts enlacés les uns aux autres. Ridicule, complètement ridicule et pourtant je reste ici, figée, paralysée, interdite à la mention de son double, de cette personne que je semblais faussement vouloir être. « Je… ce n’était pas du tout mon intention. » que ma voix enrouée arrive à affirmer, sous le choc de mon propre manque de constance. Voyons… j’avais réussi à survivre à bien pire, à bien plus horrible, à d’autres extrêmes des plus difficiles, et pourtant je restais scotchée au sol sentant ses iris qui me détaillait comme s’il n’y avait que cela à voir. Elle en profite pour ajouter que le tout n’est pas si insultant et à ce moment précis, j’ai l’impression d’être catapultée dans une comédie romantique de bas étages, le genre qui joue encore et encore sur la télévision de la salle de groupe à l’hôpital. Comme si je devais me prouver à elle, comme si j’en avais quelque chose à faire, comme si je n’étais pas une personne à part entière pour qui cette histoire semblait être complètement absurde et caricaturale et n’importe quoi et… mes pieds finissent enfin par réagir et je me retrouve à la suivre non sans regretter chacun de mes pas comme une concession, comme un charme sous lequel ils n’ont pas le droit d’obéir. Mais qu’est-ce qui m’arrive? « Ils sont toujours comme ça? » ma voix essaie de retrouver en contenance alors que je tente de me distraire de la bourde que je suis en train de commettre, ou du moins, que j’ai commise quelques mètres plus tôt. Comme si une question nous rapprocherait, comme si la complicité ne naîtrait que de ça, comme si ma frousse, ma peur, mon anxiété n’avaient pas lieu d’être. Véritable adolescente en manque de confiance, en manque d’approbation. « Honnêtement, je ne sais pas comment vous faites à les avoir toujours aux trousses. Ils sont un peu plus insistants depuis les derniers jours, et déjà je me retiens de ne pas les envoyer promener le plus poliment du monde. Avec une chaise. » la blague fait probablement plus que mouche alors que je ne dénote aucun rictus ni sur son visage, ni à travers ses gestes. C’est que mon poids plume a tôt fait d’être tout sauf convainquant ici. Elle finit toutefois par ralentir un brin, pour ultimement s’arrêter. Je vois là la fin de notre moment ensemble, si cela est bien ce qui vient de se passer. Honnêtement, je préfère me dire qu’il s’agit là simplement d’une faille dans nos vies respectives qui bientôt prendront deux chemins complètement à l’opposé pour ne plus jamais s’entrecroiser. Fière d’avoir su tenir tête, alors que la réalité en est tout autre, je finis par articuler « Je n’ai rien dit d’incriminant, au cas où ça puisse vous intéresser. » qui sonne comme une conclusion bien évidente. Jamais je ne pourrais croire qu’il puisse y avoir une suite, ni même l’espérer. Quelques minutes passées avec elle et déjà je comprends que la ressemblance n’est que physique et encore, minime, minuscule lorsqu’on nous observe côte à côte. Je m’apprête donc à tirer ma révérence, et surtout à disparaître de son champ de vision pour finir par retrouver mon quotidien en tentant du mieux possible d’effacer cette sensation de what the fuck bien présent avant qu’elle ne me fasse signe de passer devant elle. D’entrer dans une de ces boutiques que je ne connais que de nom, pas de budget, aussi riche mes parents et mon mari puissent être.
Hannah n'avait même pas eu besoin de se retourner pour vérifier si l'autre brune la suivait, l'actrice savait déjà que c'était le cas. Ça avait toujours été le cas, moins elle en disait et plus les gens avaient envie de la suivre, de la déchiffrer et de comprendre qui elle était vraiment. L'ironie du sort était qu'il était souvent impossible de manquer Hannah, que ce soit dans la presse, ou lorsqu'elle était suivie d'une horde de paparazzi, ou simplement sur une affiche publicitaire à un arrêt de bus, elle était littéralement partout, et peu pouvait avoir la prétention de dire qu'ils la connaissaient vraiment. La brune ne faisait pas en sorte de cultiver le mystère non, en couverture des magazines ou pas, Hannah restait une personne très privée. Elle donnait très peu d'interview pour cette raison, parler d'elle ne l'intéressait pas, elle aurait pu jouer la comédie mais à quoi bon ? Ce n'était pas vraiment ça que voulait les gens au final, ils voulaient lire des inepties sur elle dans les magazines, ils voulaient du rêve, ils voulaient imaginer que sa vie était bien meilleure que la leur sinon à quoi ? Pourquoi est-ce que c'était elle en couverture des dits magazines et pas eux ? Ça, Hannah l'avait compris, depuis très longtemps, à l'époque où elle arpentait encore les rues de New York avec son uniforme d'écolière. Même plus jeune, Hannah avait eu peu de personnes proches d'elle et encore moins d'amis, la plupart des adolescents de l'époque savaient juste que le compte en banque de son père était plus important que celui de leurs parents à eux et la respectaient pour cela, Hannah avait l'habitude de lire seule et de déjeuner seule à cette époque... Tout avait changé à partir du moment où elle avait fait sa première campagne Chanel à ses 16 ans. Soudainement, un bon nombre de filles gravitaient autour d'elle, avec les mêmes livres qu'elle, les mêmes chaussures et le même sac à main. Hannah à l'époque s'était contentée d'un léger sourire et avait continué ses mêmes petits rituels, sans jamais répondre à leurs questions ou en leur donner plus, et pourtant les gens n'avaient pas cessé de la suivre. Comme quoi, peu de choses avaient changé depuis, mis à part la taille de son compte en banque, mais elle semblait toujours prendre les mauvaises décisions en matière d'homme... La brune s'interdit de penser à Saul, fermant son esprit du mieux qu'elle le pouvait, histoire de ne pas remuer le couteau dans la plaie, littéralement, et finit par ralentir la cadence pour cette parfaite inconnue. Elle allait lui demander son nom, ou à quand remontait la dernière fois qu'elle s'était achetée des vêtements qui étaient vraiment à sa taille, quand l'autre brune reprit la parole. Hannah roula intérieurement des yeux, intérieurement seulement, son expression réelle toujours indéchiffrable tandis qu'elle répondait. « Oh ça ce n'était rien... il y a des jours où c'est bien pire. » Ainsi elle ne s'était pas dit que toute cette attention était absolument fantastique et qu'Hannah avait de la chance ? Un bon point pour elle. « Je doute que vous puissiez dire quoi que ce soit d'incriminant mais merci pour la précision... après vous. » Hannah s'était enfin arrêtée dans la boutique de son choix, la brune avait été très sérieuse quand elle avait dit à Audrey qu'elle voulait s'acheter une nouvelle paire de chaussures mais ce n'était définitivement pas pour elle. Oh que non. Le regard d'Hannah était sans appel et un fin sourire se dessina sur son visage quand elle referma enfin la porte sur elle et la jeune femme. Ses yeux couleurs noisettes scannaient déjà l'élégante boutique et les modèles qui se trouvaient là, quand elles furent accostées par une des vendeuses, qui connaissait bien Hannah et ses choix capricieux. « Mesdemoiselles bienvenue... Ravi de vous revoir Miss Siede, nous avons reçu des nouvelles collections, et je vous ai déjà réservée une paire de chaque modèle. Est-ce que je peux vous offrir quelque chose à boire, à vous et à votre amie, une coupe de champagne peut-être ? » « Ce sera de l'eau pour moi s'il vous plait. » répondit automatiquement Hannah. Elle tendit son gobelet en plastique désormais vide à l'employé et se mit à arpenter le magasin, son regard inquisiteur se promenant partout. Elle finit par capter le regard de l'autre brune sur elle et répondit à la question silencieuse qu'elle pouvait entendre. « Oh et nous ne sommes pas là pour moi, je tiens à préciser. » Hannah lui lança un clin d'oeil avant de s'emparer d'une paire de Jimmy Choo bleue foncée, un classique, aucun moyen de se tromper avec une paire pareille, et 7 centimètres de talons c'était bien pour commencer non ? Elle doutait de la capacité de son nouveau double à pouvoir marcher sur 14 centimètres comme elle le faisait en permanence mais... ça serait un bon début. « Je sais reconnaitre une bonne opportunité quand j'en vois une et je pense que passer pour moi pourrait être bénéfique... pour nous. » Hannah revint vers elle avec la paire de chaussures au bout de son index, et un sourire presque sincère sur le visage. Il était vrai que Hannah pouvait prendre une pause de la presse qui la suivait en permanence, et la brune ... eh bien elle aurait des nouveaux vêtements et elle pourrait profiter un peu de la notoriété d'Hannah et le fait que les gens faisaient tout ce qu'elle demandait sans poser de questions. « Mais essayons de rendre l'illusion parfaite. » Quitte à se faire passer pour Hannah, autant le faire dans une robe de créateur et les bonnes chaussures aux pieds, n'est-ce pas ? « Elles devraient être à ta taille, oh et pendant que tu y es, essaye aussi une de ces robes, les cabines d'essayage se trouvent par là. » Hannah fourra le tout, les chaussures et le seul sac qu'elle avait dans les mains de la brune, sur un ton plus que naturel. La vendeuse choisit ce moment-là pour réapparaitre, avec un verre d'eau pour Hannah. Elle se laissa élégamment retomber sur un des sièges en cuir, plus que satisfaite. «Oh merci je meurs de soif... Ne me regarde pas comme ça, on doit faire la même taille non ? » Encore une fois le ton de la brune était sans appel et elle lui indiqua une nouvelle fois les cabines. Cruelle ? Non pas vraiment, et puis Hannah avait toujours rêvé d'avoir une poupée grandeur nature.
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Complètement hors de ma zone de confort, de mon univers, même. Déjà, la situation était assez loufoque pour que je ne trouve aucun point de repère - et pour que je ne fasse que suivre la vague. Moins compliqué que de m’arrêter pour tenter de comprendre ce qui se passe, moins épuisant surtout. À ce stade, j’avais simplement besoin de me laisser guider, qu’on choisisse pour moi dans une certaine limite. Les derniers événements avaient drainé le peu d’énergie qu’il me restait, et apparemment mon cerveau et mes réflexes avaient été mis en berne par la bande. Alors oui, je la suis. Pantin, marionnette, à l’écoute de la suite, de sa suite surtout. Elle parle peu, elle demande sans rien dire, elle exige et je me plie, hypnotisée par autant de pouvoir, attirée comme un aimant par cette énergie qu’elle dégage. Cette femme émane autre chose, une autre dimension qui gravite autour de ses gestes, ses décisions, ses paroles, et je tente encore de voir où la ressemblance a pu nous confondre. Jamais je ne verrai où ils ont pu nous prendre l'une pour l'autre, jamais je ne capterai ce qu’ils ont pu me trouver qui se rapportait à elle, à cette silhouette droite, imposante, rayonnante qui me précède. Alors je meuble la conversation, je tente de me rendre utile, je tente de me persuader que la situation n’est pas aussi étrange que je le perçois et que tout ça est aussi normal que possible. Elle répond même, blasée, de cette vie à laquelle elle semble être exposée. Et à travers la femme stoïque, je vois une brèche, fine, à peine, possiblement imaginée même, d’un ennui. Un ennui bien profond, bien dur, bien difficile. Normal que je pense, si j’étais moi aussi épiée à ce point, si on me suivait, si on savait tout ce qui se passait dans mon quotidien, dans mes journées, dans ma vie. Non, ce n’est pas de la pitié que je ressens maintenant, mais de l’empathie. J’arrivais à peine à supporter le regard parfois pesant de Bailey par-dessus mon épaule alors qu’il suspectait le prochain geste, qu’il anticipait la suite, qu’il tentait de lire dans mes pensées. La pression de mes parents qui tentent de tout savoir sur tout, de tout maîtriser aussi, évidemment. Et malgré ses bonnes intentions, les coups d'oeil d’Ezra, ses paroles, ses gestes, furtifs, tentant de décoder ce que mes non-dits et mes soupirs pouvaient bien cacher. Alors oui, cette ombre qui vous suit en permanence, ces curieux qui ne se lassent pas d’exposer vos secrets, ces irrespectueux qui font passer vos problèmes, vos erreurs, vos mauvais plis à même les tabloïds, oui, ils étaient terribles. Aussi pires jour après jour, selon moi. Selon elle aussi, apparemment. Voilà une ressemblance. La discussion s’abrège le plus normalement du monde lorsqu’Hannah s’arrête, me faisant signe de passer devant elle. Une boutique, tiens. Si le portefeuille avait toujours suivi, ce n’était pas particulièrement l’envie qui avait fait le reste et qui m’avait entraîné dans ce genre d’endroits. Je finissais toujours par tacher mes vêtements, les déchirer, les perdre. Alors y mettre des centaines de dollars pour du tissu qui se verrait torn apart, ça ne me semblait pas la plus grande des logiques. Bref, je fais 1 + 1 en emboîtant son sillage, voyant là simplement un arrêt sur sa liste et une façon de repousser la mienne. Je fais, je suis, j’adapte, donc. Silencieuse, j’assiste à la scène de nouveau fascinée, médusée par le discours de la dame, par sa manière de s’adresser à Hannah, de lui offrir tout ça et plus encore. Évidemment, je me doutais qu’elle avait une certaine réputation, un certain halo autour d’elle et à la vue du commentaire reçu plus tôt, à savoir sur sa collection, j’en déduis qu’elle devait être bien connue du monde de la mode. Logique, à voir sa tenue, la coupe, les matériaux, l’ensemble complet. Les portes lui sont ouvertes et déjà son regard se perd sur les différents items à la vue. On me demande si je veux boire quelque chose à mon tour, mais je suis déjà ailleurs, tentant de démystifier le reste, de comprendre ce qui arrive, alors que je me doute déjà de ce qui vient. Elle précise d’une nouvelle demande, tranchante, qui m’est adressée. Surprise, j’attends qu’elle me confirme du regard qu’elle parle bien de moi avant d’ajouter, embêtée « Je… merci, vraiment, mais je ne crois pas avoir besoin de quoique ce soit. » Gênée, tout sauf à ma place, oui voilà où je me situe. Les mains se glissent tranquillement dans les poches de mon jeans, la fatalité qui s’y accroche. Un coup d’oeil autour de moi et je réalise que rien ici ne m’irait de toute façon. Toutes les chaussures que je vois défiler devant moi sont hautes, cirées, colorées, criardes, bien loin de mes baskets traditionnelles, et de mes escarpins de bibliothécaire qui ont servi à me donner le moindrement de posture lors des événements mondains où j’ai dû accompagner mon cher mari. Je pense sincèrement qu’elle lâchera l’affaire, ennuyée par mon refus de gamine presque irrespectueux, mais voilà qu’elle se reprend, parlant d’opportunité, de bénéfices… et honnêtement, je suis perdue, complètement perdue. Qu’est-ce qui pourrait bien lui bénéficier? Me bénéficier? Les sourcils froncés d’incompréhension, j’essaie de jouer à l’adulte quelques secondes avant de voir le grand dévoilement, la fameuse paire choisie par la jeune dame, et un mystérieux sac qui se retrouve de ses mains aux miennes. Je ne dis toujours rien, muette, choquée, inquiète. Dans quoi est-ce que je m’étais encore emmêlée? Qu’est-ce que toute cette mascarade pouvait vouloir dire? Après avoir vécu 6 ans derrière un masque, voilà que j’en enfilais un autre, celui d’une femme à des kilomètres de celle que j’étais. Étais-je si mal que ça dans ma peau? Étais-je si inconfortable avec la Ginny que j’étais devenue, pour songer une seule, une simple seule seconde à son plan, apparemment bénéfique pour nous deux? Et si le bénéfice allait au-delà des vêtements et des accessoires de luxe pour moi? Et si l’aube d’une nouvelle vie, la caresse d’une identité complètement à l’opposé de la mienne pouvait me donner la liberté, l’espace dont j’avais besoin pour me remettre de toutes mes émotions, pour faire une pause du reste, pour oublier ce que j’avais pu accumuler durant toutes ses années avant de me retrouver? L’idée semble folle, l’idée semble complètement ridicule, l’idée semble vouée à l’échec, pourtant, mes pas me dirigent doucement vers l’une des cabines d’essayage, docile, comme si la réflexion avait amené l’action le plus naturellement du monde. J’ignore ce que je fais, lorsque je laisse passer mon t-shirt par-dessus ma tête. Je suis complètement dépassée alors que je sens le poids du jeans s’entasser sur mes pieds, entièrement retiré. Frissonnant devant les miroirs éclairés aux néons, je laisse mes mains farfouiller l’intérieur du fameux sac pour en extraire une robe que j’enfile sans un mot, le geste lent, calculé, délicat, impressionnée par la douceur, par le contact du tissu contre ma peau, comme s’il s’agissait de la première fois. Mes pieds se glissent à l’intérieur des chaussures comme un charme et je laisse même échapper un rire de surprise, dépassée. Doutant qu’Hannah s'attend à ce que je reste cloîtrée dans la cabine pendant des heures, je n’ose même pas regarder le résultat en avant-première avant de mettre un pied, puis un autre hors de ce petit lieu cloîtré. Occupée à discuter avec un nouveau visage que je ne reconnais pas, j’attends qu’on finisse par se retourner vers moi pour comprendre que déjà, le changement d’attirail de tout à l’heure à maintenant a le moindrement d’effet. L’oeil avide d’Hannah scrute le tout, je lisse les pans de la robe comme par réflexe, et notre nouvelle amie s’excuse, se retirant à son tour, voyant que la suite ne nous regardait que toutes les deux. J’inspire profondément, teintée des réflexions qui bouillonnent dans ma tête depuis ces premiers mots échangés. Apercevant un énorme miroir sur le mur face à Hannah, j’en profite pour doucement m’en approcher, dos à elle, détaillant à mon tour le résultat, ou du moins, le processus. La couleur dégageait classe, noblesse. Cintrée à la taille, épousant à merveille ces courbes que je cherchais toujours à travers mes pulls trop grands et mes collants vieillots. La hauteur était respectable au niveau des souliers, et je ne me sentais pas particulièrement grossière non plus. Silence, pesant, pourtant, j’ose le casser, reprenant le moindrement de constance depuis nos derniers échanges. « Vous l’avez dit, bénéfique pour toutes les deux. » que je répète, retrouvant l’usage de la parole, attrapant ses iris à travers la glace. « Pour vous, j’imagine que ce sera l’occasion de vous délester des objectifs trop curieux qui vous suivent à la trace. » Il ne fallait pas être particulièrement brillant pour comprendre que c’était bien évidemment ce qu’elle recherchait dans ce petit jeu. « Mais que croyez-vous que je peux retirer d'un tel arrangement? » un peu plus assurée, je me retourne vers elle, qui semble déjà encore plus attentive. « Et avant que vous pensiez que je suis ici pour l’argent, sachez qu’il s'agit là du dernier de mes soucis. » ma nouvelle confiance m’étonnait moi-même à vrai dire. À croire que la tenue y était pour quelque chose.
Elle n’allait pas faire demi-tour. Hannah le savait, elle n’en doutait pas une seule seconde aussi elle ne fut guère surprise quand l’autre brune finit par se diriger vers les cabines d'essayage avec une démarche mesurée. Hannah ne connaissait que trop bien ce regard qu’elle avait vu passer sur le visage de l’autre femme, cette incertitude, ce sentiment de doute, qui parfois était trop fort et lui donnait envie de faire ses valises pour New York et ne jamais revenir. Vivre loin de tout ça, de Brisbane et de toutes ces émotions trop fortes et jouer les princesses de Manhattan pendant des années sans jamais quitter son trône. Là-bas, on lui donnait sans s’interroger, tout était acquis, il n’y avait absolument aucun challenge, aucune motivation. C’était bien pour toutes ces raisons qu’Hannah avait fini par mettre fin à son séjour… parce que c’était la bonne chose à faire et qu’elle devait continuer de se battre pour ce qui était bien. Même si son coeur lui faisait un peu trop mal quand elle pensait à sa propre vie, à Saul, au fait qu’elle tournait en rond, se cacher n’arrangerait rien dans son cas, il fallait qu’elle aille de l’avant. Mais alors pourquoi offrir une issue de secours à une parfaite inconnue ? Un geste qui ne faisait absolument aucun sens, cependant Hannah avait besoin de distraction et dans le fond, elle avait besoin de compagnie. Oh si les gens savaient… ils devraient surement mettre ça dans leur magazine, Hannah était juge et bourreau les trois quarts du temps et ses opinions tranchées la poussaient à éloigner tout le monde de sa vie, c’était un quotidien bien solitaire auquel elle s’était facilement habituée mais qui lui pesait parfois. Hannah poussa un profond soupir et posa son verre d’eau, penser à tout ça ne servait à rien, ce n’était pas comme si elle pouvait faire revenir Saul à elle d’un simple claquement de doigts non, il était beaucoup plus judicieux de demander à la vendeuse si elle avait le temps de lui montrer ses fameux modèles. Parce qu’une paire de chaussures n’arrangerait peut-être pas les choses mais elle en avait besoin. Hannah était en pleine conversation avec l’employée au moment où l’autre brune fit enfin son apparition. L’actrice retint le sourire qui menaça de passer sur ses lèvres et détailla la tenue choisie par son presque-double. Il n’y avait pas de doute qu’elle était née pour porter des robes de créateur et non l’immonde tenue dans laquelle Hannah l’avait trouvée. Comme Hannah, elle possédait une silhouette et élancée qui était mise à son avantage sous la qualité du tissus. « Hmmm… Pas mal… pas mal du tout même. » murmura Hannah en se relevant, prête à faire quelques modifications. Pas mal ne signifiait pas parfait et Hannah ne sortait pas de chez elle avant de s’assurer que ses tenues étaient justement parfaites. Elle alla récupérer le sac encore rempli de nombreux articles et se rapprocha de la brune. « Je peux ? » Elle n’attendait pas vraiment de réponse, non, Hannah avait déjà pris sa décision et finit passer une ceinture faite de tissus autour de la taille de l’autre jeune femme et marqua encore plus sa silhouette par un élégant noeud. Voilà qui était mieux se dit l’actrice avant de faire face au nouveau reflet de l’apprenti mannequin dans le miroir. « Comme quoi il suffit bien de mettre une jolie fille dans une robe de chez Valentino pour qu’elle devienne une véritable reine. » Et là, il s’agissait d'un compliment et pas d’une remarque sarcastique déguisée, non, Hannah était sincère. Mais ce n’était pas encore ça… La Siede se pencha vers son sac pour y dénicher son propre gloss rosé de chez Chanel et en appliqua légèrement sur les lèvres de la jeune femme. « Pince toi les lèvres… » murmura Hannah avant de reproduire le geste elle-même. Pour la touche finale, Hannah ôta ses lunettes de soleil de sa chevelure pour les placer sur son nez. Enfin satisfaite, elle laissa enfin l’autre femme s’observer dans le miroir, restant à quelques centimètres d’elle. « Voilà. » Hannah s’autorisa enfin un sourire, fière d’elle. « J’avoue que maintenant c’est assez perturbant…et je vois définitivement la ressemblance. » Un sac Chanel sous la main, une démarche droite et qui pouvait dire s’il s’agissait d’Hannah ou pas ? Surtout quand on était journaliste, ou quand on prétendait déjà l’avoir croisée alors que ce n’était pas le cas. Hannah se tourna de nouveau vers elle, prête à répondre à ses questions, elle n’avait pas fait la sourde oreille non, elle souhaitait juste finir de s’amuser avec sa nouvelle création. « Et soyons réaliste, on ne se connait pas et pourtant tu m’as suivie jusqu’ici sans poser aucune question, sans protester ou me donner ton nom. Je pense que tu as besoin de ça. » Elle haussa un sourcil, bien certaine d’avoir capté toute l'attention de l'autre brune et poursuivit : « C’est vrai ce qu’on dit à propos de se glisser dans la peau de quelqu’un d’autre, juste pour quelques heures, ça n’a absolument aucune conséquence et ça permet de remettre beaucoup de choses en perspective. » Là c’était l’actrice qui parlait. Hannah n’exerçait pas ce métier pour rien, en plus de son amour du théâtre, la scène avait toujours été son exutoire personnel, un endroit où il était sécurisant d'essayer de nouvelles choses et un endroit où personne ne pouvait la juger. « C’est ta chance. » Elle avait dit cela en posant une main sur l’épaule de la brune. « Je suis certaine que si l’envie t’en prend et que tu … finis malencontreusement à un gala de charité ou quelque chose d’aussi pompeux tu n’auras pas à lever le petit doigt pour obtenir ce que tu veux… Parce qu’on donne toujours tout à Hannah Siede, sans jamais poser de questions. » Elle insista bien sur le tout, son regard très sérieux, ce n'était pas quelque chose à prendre à la légère, les gens se pliaient toujours en quatre quand elle le leur demandait. Un privilège de gosse de riche ? Oui, mais pas que, la réputation de perfectionniste d’Hannah la précédait toujours. « Pour ma part, je joue ce rôle depuis 32 ans, prendre une pause me ferait le plus grand bien. » Elle était brutalement honnête avec cette femme qu'elle ne connaissait pas, trop honnête ? Surement. « Qu’est-ce que tu en penses ? … Et il va définitivement me falloir ton prénom. »
Look around everywhere you turn is heartache. It's everywhere that you go, look around. You try everything you can to escape the pain of life that you know. When all else fails and you long to be something better than you are today. I know a place where you can get away.
J’ignore où je trouve le courage, mais il est bien là, stoïque, rassurant, et voilà que je sors de la cabine d’essayage, la fameuse robe enfilée, les escarpins ajustés. Hannah est occupée à finaliser je ne sais quelle conversation, ce qui me laisse amplement le temps de jeter un coup d’oeil à ce que la réalisation du moment donne en taille réelle. Du moins, avant que la brunette ne se lève pour venir me rejoindre, ajustant la taille d’une ceinture fine, manipulant mon corps et le tissu comme une marionnette, comme un chiffon qu’on replace, qu’on peaufine. Si la comparaison est choquante, elle n’est pas moins inhabituelle pour ma part. À voir la façon dont on m’a trimballée d’un côté à l’autre du globe, à sentir l’anneau qui enserre mon doigts, à repasser les dernières années au peigne fin, je crois bien avoir été la personne la plus jouée dans cette pièce et au moins, par chance, le traitement que me réserve la Siede est plus clair et plus honnête encore que celui de quiconque aurait agi ainsi avant, avec moi. Elle ne s’en cache tout simplement pas, et la parure qu’elle glisse sur ma peau, qu’elle acquiesce d’une phrase ou deux, convaincue du haut de ce trait de rouge qu’elle utilise pour colorer mes lèvres, ne fait que confirmer un peu plus cette impression qu’elle ne me cache rien. La mention du designer plus tard, et je réalise qu’encore une fois, de grandes différences se glissent entre cette ressemblance physique qu’on nous prête. Malgré le fait que les noms de designers ne sonnaient pas faux à mes oreilles, encore était -il que je me considérais tout sauf intéressée, apte à les reconnaître avec facilité. Mon uniforme plus qu’assumé se composant jour après jour d’un jeans, d’un t-shirt et de baskets complète la pensée, et elle, elle use de compliments pour caresser ce sourire que je vois doucement se dessiner sur sa bouche. La touche finale, ces lunettes de soleil qui assombrissent ma vue, me garde tout de même de croire en la transformation, d’imaginer que quelques accessoires, un peu de maquillage et une grande volonté ont suffit à faire de moi une femme toute autre, mais un coup d’oeil vers la glace qui se dresse derrière elle me souffle l’inverse. Alors que je croyais y voir une silhouette familière, alors que je m’attendais à une déception presque, réalisant que je ne pourrais tout simplement jamais être comme ça, c’est tout sauf ce que je vois, que je capte, essayant un pas puis un autre vers le miroir, moi-même incrédule. Nous ne sommes maintenant que deux, Hannah ajoutant qu’elle commence à voir quelque chose se dessiner, que les similitudes se dégagent un peu mieux. Pantin, poupée, il me faut plusieurs minutes pour réaliser ce dans quoi je me suis mise à pleins pieds, ce qui résultera de ce changement physique qui est loin de ressembler à tout ce que j’ai pu être et dégager durant les 27 dernières années. C’est probablement cette impression de renouveau, phénix qui renaît, qui suffit à redresser un peu plus ma posture, allonger chacune de mes vertèbres, offrir ce gain de confiance inespéré qui guide mes paroles, mes questions. Qu’allais-je retirer de ceci, au fait? Quels résultats seraient l’argument de vente final face à cette cause qui me semble déjà perdue d’avance? La jeune femme semble toutefois avoir réponse au reste, se servant de mes interrogations et de mon comportement pour me ramener à ce que j’ai démontré depuis nos premiers échanges. Le simple fait de l’avoir suivie, la seule idée que j’en ai besoin à ses yeux fait écho à mes propres pensées qui flirtaient entre elles quelques minutes plus tôt. Aucune surprise ici, la thérapie dont elle parle me fait sourire, attirant mes iris aux détails de la tenue qui prend un peu plus sa place sur ma silhouette incertaine. La suite s’immisce d’elle-même, et je me demande bien évidemment le rôle que je prendrais, si on me l’offrait, si j’avais à jouer, si Hannah me prêtait sa scène le temps d’une poignées de secondes. Comment serait la version plus forte, plus confiante? Comment serait la version fatale, pulpeuse? Comment serait la version exigeante, caractérielle? Plutôt que de douter, que serais-je si j’osais, vraiment? Hannah complimente mes incertitudes en m’assurant qu’en aucun cas on remettra en doute mes demandes, mes paroles, mes gestes. Et si l’idée de jouer pour moi commence doucement à me plaire plus qu’elle ne devrait, la simple possibilité de jouer des autres me répugne au nez sans la moindre hésitation. Mutée depuis un long moment, je laisse mon regard s’accrocher de nouveau au sien, concise. « S’ils ne me demandent rien, je ne répondrai rien. Je veux dire, mentir pour moi, même pour vous, ça peut être une possibilité. Mais leur mentir directement, à eux… c’est impossible. » j’avais fait beaucoup d’erreurs dans ma vie, de grandes à petites, mais le mensonge lui, était ce que je tentais le plus possible de garder bien loin. Encore marquée des secrets que j’avais pu cacher à Noah tout ce temps, il m’apparaissait impossible d’entrer dans ce jeu en prévoyant déjà me moquer des pauvres spectateurs. Si j’accepte, ce serait simplement pour pouvoir me cacher derrière sa façade, et non l’alimenter. Si j’acceptais, dis-je. Un silence vient tout naturellement se glisser entre nous, le fil de mes réflexions s’étirant encore et toujours. J’encaissais fallait croire, j’essayais de voir si le fameux masque qu’on agitait au-dessus de ma tête était une véritable bénédiction, ou une malédiction habillée de Valentino bien ajusté. Sa dernière question finit par revenir à mon attention, et je laisse glisser, consciente que cela aurait dû venir plus tôt pour la forme « Ginny… pour Virginia. » mon prénom complet était utilisé qu’en cas d’extrême urgence - ou de mariage forcé… - et voilà que je me reprenais pour une raison qui me semblait encore bien obscure. Interrompue par les pas de la vendeuse qui revient à nos côtés, je remarque l’écrin qu’elle a sous la main, boîte marine mystérieuse qu’elle ouvre d’une main, faisant approuver à Hannah avant de s’avancer à mes côtés. C’est un collier fin, long, argenté qu'elle vient déposer autour de ma nuque, l’attachant d’un clic vif, rapide. Le bijou à lui seul rend justice à la robe, complément d'un décolleté manquant d’une touche de féminité supplémentaire. Ma main vient d’elle-même s’y poser, attirée par le reflet qu’il renvoie dans la glace. « Dans la colonne du pour, il y aurait définitivement la liberté, la vie complètement inventée et loin des autres responsabilités. » j’ignore si elle m’écoute, du moins, le fait de réfléchir à voix haute me semble justifiable maintenant que nous sommes de nouveau toutes seules. « Et dans la colonne du contre… le déni… la fuite, offerte sur un plateau. » la vérité était que ma décision était déjà prise, et qu’il fallait simplement que je tourne le tout le plus possible dans ma tête pour m’en faire une réalité. J’avais définitivement besoin d’une pause, d’un arrêt sur image, d’une occasion de tout laisser de côté le temps de reprendre mon souffle et de voir à long terme. Bénéfique, aussi vague ce terme pouvait-il être. « Et qu’arriverait-il pour la suite? Est-ce qu’on doit réfléchir à quoi dire, quoi faire? Est-ce que je dois signer quoi que ce soit? » je m’interromps, enflammée, alors que je reconnais l’air malicieux d’Hannah, pensive, face à mon emportement. « Hannah Siede ne demanderait jamais tout ça, pas vrai? » les épaules qui roulent vers l’arrière, le dos qui s’allonge un peu plus.
Hannah avait presque oublié qu'elles n'étaient pas les seules personnes dans cette boutique. Presque. Pourtant, face à cette nouvelle version d'elle-même, il était facile de se perdre et de s'imaginer ailleurs. Peut-être que Ginny aurait plus de chance qu'elle sous le flash incessant des caméras et qu'elle resterait saine et sauve. Même si dans le fond... Hannah en doutait. Son monde, de luxe, de drapés coûteux et de privilèges restait un monde cruel pour qui que ce soit et sans des épaules bien droites, n'importe qui pouvait craquer. Hannah en personne en était le plus bel exemple. Mais la brune n'avait qu'un seul talent, elle savait bien jouer la comédie et cela l'avait sauvée à plusieurs reprises, surtout en dehors de la scène. Sinon comment supporter les conversations hypocrites, les remarques incessantes et surtout les regards, près à détailler le moindre comportement, la moindre action. C'était un monde où si son coeur se brisait, il devait de nouveau être entier le lendemain, pour qu'elle puisse se relever, encore et encore. Hannah, plus que quiconque, comprenait l'expression vivre dans une cage dorée. Une cage qu'elle avait fait en sorte de rendre confortable au fil des années, mais qui restait une cage tout de même. La femme en face d'elle paraissait tellement innocente, on aurait dit elle avec des années de moins, cette jeune fille de 19 ans, qui arpentait encore les rues de Broadway, avec le coeur déjà brisé par un autre et pourtant avec des rêves plein la tête. C'était à cette époque qu'elle avait rencontré Saul pour la toute première fois d'ailleurs, juste après une performance. Le sourire du metteur en scène résonnait toujours dans sa mémoire et encore plus quand la vendeuse passa une parure, presque similaire à celle d'Hannah autour du cou de son double. L'ironie était grande, surtout quand on savait que Saul lui avait prié de ne surtout pas enlever le collier avant de disparaitre. Comme si elle en était capable. Comme si elle pouvait se défaire d'un bien aussi précieux et continuer de prétendre, comme si... Hannah poussa un profond soupir avant de battre des cils, presque pour revenir à la conversation présente et fermer la porte à clé sur ses propres blessures. Pour le moment, se dit la brune, c'était mieux comme ça. « Eh bien ravie de faire ta connaissance Ginny. Hannah, mais ça tu le savais déjà je suppose. » répondit simplement la mannequin. Ginny. Enfin un prénom, plus qu'original c'était certain et Hannah l'observa pendant les prochaines minutes de son débat intérieur, légèrement amusée. Elle se permit de récupérer ses lunettes de soleil avant de se laisser retomber sur un fauteuil. Ginny ne disait toujours pas non. Preuve qu'elle aussi avait vécu des choses qu'elle aurait voulu oublier. Se jeter comme ça dans la vie d'une autre... Hannah aurait sans doute du poser plus de questions, mais elle savait que ça ne l'intéressait pas, du moins pas maintenant, pour l'instant, Ginny n'était qu'un outil pour parvenir à ses fin aujourd'hui. Être amies semblait complètement exclu.« Non je ne demande pas en effet, je me contente de prendre... une habitude qui te viendra très vite j'en suis certaine. » Un sourire plus froid se dessina alors sur le visage d'Hannah, elle pouvait la mettre davantage en garde, lui dire que c'était une vie bien solitaire, là perdue au milieu des diamants. C'était le prix à payer pour tout ce que le commun des mortels ne pouvait pas avoir. Pendant un temps, cette condition-là avait été suffisante pour Hannah, cela ne l'avait pas empêchée de continuer, elle avait tenu pendant 31 ans... maintenant il restait à savoir si Ginny pouvait tenir plus de quelques heures. « Tiens, donne moi ton numéro de téléphone. » Hannah lui tendait à présent son propre téléphone portable, un air serein sur le visage. « On va dire qu'à un moment, dans les deux prochains mois qui viennent, je risque de t'envoyer une invitation, pour l'ouverture d'une galerie ou juste un simple événement de charité, une invitation à mon nom bien entendu. » La brune n'avait pas l'intention de lui mettre la pression maintenant, l'offre était sur la table, Ginny pouvait décider d'accepter ou faire demi-tour, ni plus ni moins, et elles continueraient d'être des étrangères l'une pour l'autre. « Ça sera à toi de me dire oui ou non... Encore une fois, la décision finale t'appartiens. » dit Hannah se relevant enfin, et récupérant son téléphone portable. Elle se passa une main dans les cheveux, avant de tendre les fruits de son shopping du jour à Ginny. « Et tu peux garder les vêtements... pour cette fois.»
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Hannah ne questionne pas, Hannah ne demande pas. Hannah prend, tout court. Je ne peux retenir le petit rire qui suit, soupir camouflé, alors que je sens mes nerfs faire le reste. Si je n’avais pas eu le pouvoir sur grand chose depuis les 6 dernières années, la simple idée d’avoir accès à une bribe de liberté, à une parcelle de puissance décisionnelle me rendait aussi mal à l’aise qu’impatiente. J’ignorais par où je commencerais, si ce rôle s'étirait à plus qu’une simple apparence, je ne savais pas ce que cela déclencherait en moi, ce qui en résulterait si, oui, en effet, j’agissais à la Siede avec cette puissance, cette force, ce caractère, cette agonie. Je ne m’en était jamais donné le droit, refusant tout bonnement les faux espoirs qui viendraient par la bande, réalisant que dans ma vie, dans ma réalité, dans mon quotidien à moi, je ne pouvais rien faire, rien changer, rien remettre en question. Prend, prend, prend et ne rend rien. N’ose surtout pas, accepte tout, n’avance aucune question et tout ira bien. Ce qu’elle m’offre là, c’est l’occasion d'avoir à nouveau le tout en main, même s’il s’agissait d’une autre conscience, même si je n’y jouais qu’un rôle. C’est pourtant mon reflet qui me confirme la suite, silhouette plus droite, plus définie. Elle m’intrigue, cette image que je renvoies, elle m’inspire presque, et je ne me lasse pas de la détailler dans ses moindres recoins, découvrant pour la première fois une facette étrangère à la Ginny que je jouais par défaut, reconnaissant certains traits pour en déceler de nouveaux, surprenant une expression, un mouvement, un tic, une portée. J’avais encore tant à apprendre, tant à apprivoiser de cette idée qu’elle me tendait, néanmoins j’y entrais avec un peu trop d’aise pour ne pas en être effrayée, pour ne pas avoir l’impression de perdre pied. Hannah, la vraie, reste tout de même stoïque devant mes nombreuses réflexions masquées, ne laissant aucune de mes piètres excuses l’arrêter dans son élan laissant ce plan maintenant confirmé et expliqué se faufiler avidement vers mon cerveau, vers mes interrogations soudaines, idée que je refusais au départ qui s’enracine un peu trop aisément dans mes pensées. Mes doigts se laissent alors guider par ses mots, entrant le numéro de téléphone où elle pourra me rejoindre, et encore une fois mon corps en berne ne réalise que trop tard le geste que je viens de faire, concillainte. C’était comme si je croyais pertinement que d’ici deux mois, elle s’en serait lassé. Comme si je démentissais toute possibilité, comme si je me laissais convaincre qu’elle aurait un nouveau jeu d’ici là, une nouvelle poupée, une autre cible. C’est probablement ce qui apaise ma conscince le temps de quelques secondes, sachant en effet qu’elle n’en aura plus grand chose à faire de cette pâle imitation, pitoyable mère de famille sans contenu qu’elle a croisée par pitié un certain après-midi pour finir par la ranger dans un dossier qu’elle n’ouvrira que 3 ans plus tard, accompagné d’un aigre sourire qui soulignera ce moment où j’avais pensé pendant une fraction de secondes que je pourrais en être une autre. J’hoche de la tête, suivant ses explications, acceptant qu’elle laisse vivre le rêve pour aussi longtemps que je le tiendrai. J’ajoute mon nom, simple Ginny, aux quelques chiffres qui illuminent son écran, après un blanc qui me fait remettre en question ce que je représente pour elle, à ce moment précis. La tête qui remonte, les regards qui se croisent, les souffles qui s’agencent, et c’est les toutes premières bribes d’un pacte avec le diable que j’ai l’impression de signer en lui tendant à nouveau son portable. How can something so wrong makes me feel so right? La soirée, cette soirée qu’elle me promet, ce moment, ce secret. Une poignée, soufflée, dans ma propre vie pour refaire le point, pour tout ignorer, pour laisser de côté le reste le temps de m’enraciner, de revenir plus forte. À quand remontait la dernière fois où j’avais laissé mon quotidien loin, bien loin, le temps de m’amuser, de vivre tout simplement? Une certaine soirée au McTavish me revient en tête, et j’essaie de chasser le souvenir aussi vite qu’il vient, la culpabilité de cette sensation si salvatrice qui m’attrape aux entrailles. Vive, je laisse mon corps faire un énième volte-face vers la glace, profitant de l'aperçu une dernière fois avant de repasser par la salle d’essayage pour laisser ces vestiges à qui de droit. Mais Hannah m’immobilise dans mon mouvement, me tendant le sac qu’elle tenait depuis son arrivée dans la boutique. Indécise, c’est muette que je dévisage le sac, comme un cadeau empoisonné, comme une énième attache qui n’en est évidemment pas une. Mais Hannah n’accepte pas le non, n’accepte pas le doute, n’accepte pas mon silence alors qu’elle insiste, appuyée. « Je… c'est... merci. » ma voix enrouée prend la maigre place qu’il lui reste avant de sentir le poids des achats passer de sa fine main à la mienne. J’ignore ce qui adviendra de ces vêtements, j’ignore si je les rangerai, interdite, au fond de mon placard, ou si je les porterai, cachée, l’atelier masquant cette autre pour qui je me prendrai. D’une façon ou d’une autre, ils me semblent être à leur place, et je m’en étonne, curieuse de voir qu’elle n'est pas plus déçue que cela de m'en faire cadeau, de me refiler ce déguisement qui lui sied à ravir. Voyant la fin de cet entretien des plus étranges, salvateurs, se terminer, je profite de son silence pour conclure, encore perdue dans mes pensées. « J'y réfléchirai. Je... j'attendrai votre appel. » la simplicité veut que ma réponse en soit la plus logique. J’ignorais encore quoi, mais je savais que cette altercation changerait quelque chose de bien important, dans un avenir très, très rapproché.