Can’t you just go somewhere on vacation? I could book your flight and pack your bags if you want. A one way ticket out of my life, watching you fly away. △
« Eh bah tu m’rattraperas jamais ! » Adam me tirait la langue avant de se mettre à courir embarquant avec lui le dernier cookie au chocolat et noix de macadamia. « On parie ? » répliquais-je aussitôt en courant après le garçon qui filait à toute vitesse sur la plage. Je lui courais aussitôt après, hilare, alors qu’il zigzaguait à tout va pour me distancer. Et Dieu que c’était épuisant de courir après un enfant dans le sable ! Heureusement, je parvenais rapidement à rattraper le garçon, à grandes enjambées. Je finissais par me pencher au passage pour l’attraper par la taille avant de l’entraîner avec moi, en douceur dans une chute sur le sable. Adam riait à gorge déployée et j’en faisais de même, reprenant mon souffle en même temps. « Je t’ai eu ! » lui glissais-je, victorieuse avec un petit clin d’œil. Je me redressais alors, le bonhomme sur mes genoux et je lui piquais le cookie des mains. « Mais comme tu t’es bien défendu, je suis prête à partager le prix avec toi. » Je cassais le fameux cookie, objet de tant de convoitises, en deux avant de lui tendre la plus grosse moitié, enfournant la deuxième dans ma bouche. Je finissais par jeter un coup d’œil à ma montre, histoire d’avoir un peu une notion de l’heure qu’il était, le temps filant toujours à toute vitesse lorsque je le passais en compagnie d’Adam. « Il va être l’heure de rentrer, mon grand. » lui dis-je alors, passant mes doigts dans ses cheveux. Il faisait alors une petite moue qui m’arrachait un sourire attendri. « Déjà ? » J’hochais la tête, en signe d’affirmation. « Ton père sera content de te revoir. » J’avais en effet offert à Ben une soirée et une journée complète, seul, qu’il était libre d’occuper comme il le souhaitait. C’était quelque chose que je faisais souvent, appréciant de passer du temps en compagnie de son fils et sachant pertinemment que même s’il ne l’admettrait pas, avoir quelques moments où il pouvait penser à lui-même lui faisaient sûrement un bien fou. C’était aussi une façon de montrer au garçon qu’il n’avait rien à regretter de sa maison en banlieue et qu’en centre-ville aussi, il y avait pleins de choses à faire et de gens à rencontrer. Le fait de vivre à seulement quelques rues les uns des autres, nous permettait de nous voir bien plus souvent. Cependant, l’après-midi touchait à sa fin et il était temps pour Adam de rentrer prendre une douche. Une fois son cookie terminé, nous prenions le chemin du retour, parcourant à vélo les quelques rues qui nous séparaient du tout nouvel appartement de Ben. Le trajet avait été court et rapidement, nous arrivions à destination. Je laissais mon vélo à l’extérieur de l’immeuble, l’accrochant à un grillage à l’aide d’un antivol puis je soulevais celui d’Adam pour le monter avec nous, déverrouillant la lourde porte d’entrée à l’aide du double des clés que Ben m’avait confié aussitôt qu’il avait emménagé. Adam s’engageait dans le hall et essayait d’appuyer sur le bouton de l’ascenseur qui ne réagissait pas. « Je suppose que le réparateur n’a pas eu le temps de passer depuis hier » soupirais-je, réalisant que nous allions devoir, comme la veille, monter les étages à pieds. « Le premier qui arrive en haut gagne ! » lançais-je alors à Adam, qui filais aussitôt en trombe dans la cage d’escaliers. Je le suivais de près, ralentie par le poids de son vélo, veillant tout de même à ce qu’il ne se fasse pas mal. Néanmoins, l’avantage avec Ben, c’était que je savais que ce n’était pas non plus le genre de parent à surprotéger son fils, quitte à l’étouffer un peu et à l’empêcher de profiter pleinement de sa jeunesse. Ce qui me permettait de ne pas trop me poser de questions en compagnie d’Adam. Sentiment sûrement renforcé par le fait que j’avais en partie élevé cet enfant aux côtés de mon meilleur ami. Adam arrivait, sans grosse surprise, en premier devant la porte de chez lui et j’arrivais quelques instants plus tard, pour lui ouvrir la porte. Il s’engouffrait aussitôt dans l’appartement et je le suivais, déposant le vélo dans l’entrée avant de refermer la porte. « Papa ! » s’exclamait le petit en pénétrant dans le salon et m’attendant à trouver Ben devant la playstation je tombais alors nez-à-nez sur… « Ginny ? » La jeune femme se tenait au milieu du salon, face à Ben et je ne pouvais m’empêcher de manifester mon étonnement à voix haute. Mais bon sang ! Que faisait-elle là ? Ginny, c’était ma Marla, ma tumeur, cette petite écorchure du palais qui ne pouvait cicatriser que si on ne cessait de la lécher, mais on ne pouvait pas, songeais-je sombrement. Elle était toujours là, au moindre tournant de ma vie, derrière moi, à me suivre, sans réellement le faire. Tout le lycée j’avais dû la supporter, la voir se pâmer devant Soren. Et si je ne lui avais jamais rien dit, c’était uniquement parce que c’était la petite sœur de Matt. Puis, elle semblait également s’être accrochée récemment à Ezra aussi puisque je l’avais déjà aperçue devant chez lui. C’était à se demander si elle ne faisait pas exprès d’être toujours là, partout où je me trouvais. Pourtant si j’étais prête à lui accorder le bénéfice du doute jusque-là, la voir en compagnie de Ben commençait réellement à me faire douter de ses intentions. Néanmoins, face à mon meilleur ami et son fils, je tenais ma langue. Je m’avançais, pour embrasser Ben sur la joue. « On s’appelle dans la semaine d’accord ? » lui dis-je avant de me tourner vers Adam, m’agenouillant devant lui pour le serrer dans mes bras et déposer un bisou sur son front : « Allez va te laver ! » Je le lâchais et lui donnais une petite tape sur les fesses avant de le regarder filer en direction de la salle de bain. Je me retrouvais de nouveau face à Ginny, avec la terrible et ô combien désagréable impression d’interrompre quelque chose entre les deux. « Au plaisir de te recroiser » adressais-je à Ginny, avec une pointe d’ironie dans la voix, persuadée que ça ne saurait tarder, compte tenu du caractère collant de la jeune femme, avant de prendre la direction de la sortie. Ben avait beau être mon meilleur ami, je n’avais pas à valider tous ses choix, et heureusement.
BesidetheCrocodile
Dernière édition par Heidi Hellington le Lun 12 Juin 2017 - 11:12, édité 1 fois
Got a big plan, maybe this mindset is right. At the right place and the right time, maybe tonight, and the whisper or handshake sending a sign. Late night and passing, mention it flipped her. Friend? Saying maybe it slipped, but the slip turns to terror and a crush to light. When she walked in, she froze up, believe its the fright. It's cute in a way, till you cannot speak. An escape is just a nod and a casual wave.
« Heidi, attend! » rien que de m’entendre, et déjà je sais qu’elle soupire à l’intersection du trottoir, attendant la signalisation pour laisser son vélo la mener bien loin de moi. Incapable de laisse aller, je pédale un peu plus vite vers celle qui n’en profite pas pour s’arrêter, qui ne pense même pas une seconde à s’immobiliser le temps d’écouter ce qui peut bien justifier mon empressement à attirer son attention. C’était con, au final. Le bon sens aurait voulu que je laisse couler, que je roule des yeux, que je ne m’acharne pas, comme d’habitude, mais il y avait cette petite voix à l’intérieur qui me disait qu’il était grand temps de régler ce compte-là, de mettre un point sur le passé, d’arrêter de fuir, de m’écraser, d’encaisser simplement parce qu’elle me faisait comprendre que c’était ce qu’elle attendait de moi. Ça remontait à loin au final, le lycée, mes premiers élans amoureux, ou absence de. Si j’avais succombé au voisin, au mystérieux Soren et à ses yeux océan, il n’en avait pas fallu longtemps pour qu’Heidi se retrouve sur mon chemin, le sourcil bien haut, le jugement qui l’accompagne. Elle n’était pas méchante en soi, elle ne l’avait vraiment jamais été, et c’était probablement pour cela que je profitais de l’occasion pour tenter d’enterrer la hache de guerre – si c’était bien cela qui décrivait au mieux notre situation –. Mais voilà qu’elle n’avait jamais caché le fait qu’elle trouvait pathétique mes ribambelles d’adolescente incertaine face à mon crush de l’époque. Un crush trop vieux pour moi, trop différent, trop inaccessible qui avait fini par disparaître dans la brume, laissant dans son sillage un premier cœur brisé, le mien, d’avoir espéré pour rien au final. L’histoire typique de la gamine qui tombe dans le panneau, après s’être bien entendu enrobée de fausses attentes et d’illusions d’attraction, ponctuées des romans en commun qu’on lisait, et des quelques minutes qu’on avait pu passer ensemble à l’extérieur de ce qui semblait être politically correct. J’avais même tenté, une fois, d’user de courage et de confiance pour lui demander de m’accompagner à une fête, stupide, le jour de mes 18 ans, à son retour dans ma vie le temps d’un week-end. Offre qu’il a bien sûr laisser aller, ajoutant un point de plus au tableau des incohérences et des arguments contre qu’Heidi prenait sûrement plaisir à étrenner. Si ce souvenir d’une amie n’approuvant pas les yeux doux qu’une petite écervelée pouvait faire en direction du West était disparu au fil du temps pour cause de je-m’en-fiche-carrément-j’ai-des-problèmes-un-peu-plus-grands-là une fois ma carcasse déménagée à Londres, tout avait repris son cours lorsque je l’avais croisée sur le pallier d’Ezra. Une visite de courtoisie, un passage dans le voisinage, une idée comme une autre d’y aller en douceur avec lui, et voilà qu’Heidi m’attendait au quart de tour, constatant qu’encore une fois, je rôdais de trop près. J’ignorais la relation qui se dessinait entre eux deux, et honnêtement je m’autorisais tout sauf d’y porter le moindre intérêt, mais cette altercation entre nous deux avait fini par ressortir les comportements d’avant, les mauvaises habitudes. Celle de me sentir de trop, celle de coller, d’être trop présente, incohérente surtout. Puis il y avait eu Ben, ou du moins, ce que Ben pouvait représenter. Aux yeux d’Heidi, je n’étais qu’une fille de plus, qu’un pot-de-colle de plus, j’avais pu le comprendre direct dans ses iris, j’avais pu le ressentir de ses paroles à ses gestes, en passant par son regard appuyé. Force était d’admettre que je n’étais plus en mode carpe, ou du moins, que j’étais parvenue avec les années à accumuler assez de constance pour vouloir le moindrement mettre de côté cette relation étrange, tout sauf amusante avec elle. La voir avec Adam, la voir entrer dans l’appartement, la voir au quotidien, comme ça, me confirmait qu’elle occupait une grande, une très grande place dans la vie de Benjamin et la simple idée qu’elle croit que j’y sois pour les mauvaises raisons avait suffit à me donner le petit élan supplémentaire pour réduire de beaucoup la distance entre nous. « Heidi tu… » je réussi enfin à la rattraper, alors qu’elle est ralentie par un feu rouge. « Tu voudrais qu’on aille prendre un café? » la température chaude de la journée me semble être le meilleur alibi pour qu’elle refuse poliment, et je la coupe dans son élan en ajoutant, maligne « Glacé, bien sûr. » j’hausse le sourcil, voyant qu’elle ralenti un brin la cadence, le temps de tourner la tête vers moi, vers mon vélo, vers mon expression plus ou moins certaine de la suite. La logique aurait voulu que je la laisse faire, que je ne daigne même pas la poursuivre, que je reste avec Benjamin à discuter avec des étoiles dans les yeux de sa nouvelle Switch, de Zelda et de son score impressionnant de poivrons grillés mais, mais… c’était plus fort que moi. Peut-être que l’opinion d’Heidi comptait bien plus que je le croyais, au final. Peut-être que d’avoir quelqu’un à dos, qui gravite si près d’Ezra, de Ben, de gens qui comptent autant, qui prennent autant de place dans ma tête et dans mon cœur, faisait une différence là, de suite. Elle finit par rouler des yeux et me faire signe d’avancer dans la même direction qu’elle et déjà je me sens un peu plus légère. Ou pas du tout, compte tenu de la discussion qui risque de suivre, et de l’envie presque absente de la brunette d'être à proximité pour les quelques minutes qui suivront. Je remarque un petit coffee shop à quelques enjambées de nous et, quelques minutes plus tard, je finis par rejoindre l’enseigne et y stationner mon vélo. Inquiète, je tourne la tête pour m’assurer qu’Heidi était bien derrière moi, et qu’elle n’ait pas profité de l’invitation pour filer derrière mon dos, mais je vois bien vite sa silhouette sur roues qui me rattrape, et qui arrive bien vite à ma hauteur. J’inspire, faisant le plein de courage et de positivisme pour la suite. Même si je suis partie de loin avec Ezra et Amelia et tous ceux qui sont restés derrière, que je fais des efforts quotidiens pour tenter de racheter ma place à leurs côtés... j’ai comme l’impression que ce ne sera pas particulièrement simple de faire table rase avec celle-là.
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Une part de moi, certainement la plus sage d’entre toutes, savait parfaitement que mon aversion pour Ginny n’avait rien de bien rationnel. Après tout, je ne connaissais même pas vraiment cette fille. Tout ce que je savais sur elle, c’était qu’elle avait, selon moi, l’air bien trop naïve pour pouvoir faire partie de mon cercle de connaissance. Pourtant, elle semblait s’accrocher à tous les hommes de mon entourage. Je songeais avec une certaine ironie que seuls Elio et Dean semblaient avoir été épargnés par les tentacules gluantes de candeur de Ginny et, j’espérais en mon for intérieur que cela resterait le cas encore longtemps. Je m’étais toujours refusée à avouer à Ginny le fin fond de ma pensée, ce qui n’était pourtant pas réellement mon genre puisque je n’aimais pas spécialement les non-dits. Mais ma relation avec Matt, son grand-frère, m’avait toujours poussée à tenir ma langue, de peur sûrement que le jeune homme ne prenne le parti de sa petite sœur. J’avais donc supporté en silence de la voir courir après Soren, j’avais supporté ses sourires dégoulinants de maladresse, j’avais même accepté le fait de la voir traîner devant l’appartement de mon voisin du dessous. Mais là, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Si Ginny se décidait à mettre également le grappin sur Ben, je ne comptais pas rester là pour admirer ça et j’alliais l’action à la parole en fuyant l’appartement de mon meilleur ami le plus rapidement possible, bien décidée à mettre le plus de distance possible entre ce pot-de-colle et moi. Mais c’était bien évidemment sans compter sur la ténacité de la jeune femme qui se lançait à ma poursuite : « Heidi, attend ! » Je l’entendais bien m’interpeller alors que je venais de détacher mon vélo et de l’enfourcher pour m’éloigner d’elle rapidement, rapidement stoppée par un feu rouge. Je me fichais bien d’avoir l’air désagréable, d’avoir à feindre de ne pas l’entendre parce que je n’étais pas décidée à l’écouter. Le feu passait finalement au vert : délivrance. Je pédalais à toute vitesse, aidée par la colère et l’agacement qui montaient en moi, comme à chaque fois que j’étais forcée de constater que Ginny se frayait inexorablement une place dans ma vie alors que je faisais tout pour la repousser sans ménagement. Je n’osais même pas me retourner pour vérifier si elle avait abandonné sa course poursuite ou non, doutant quand même qu’elle ait eu le culot de me poursuivre après l’accueil glacial que je lui avais offert chez Benjamin. Feu rouge. Je freinais brusquement, déposant un pied à terre, le regard rivé sur le feu tricolore dans l’attente de le voir enfin changer de couleur. Mais pourquoi est-ce que c’était si long ?« Heidi tu… » La voix de Ginny me parvenait aux oreilles et je me crispais. Cette fille était définitivement un cauchemar, mon enfer personnel. Qu’avais-je donc bien pu faire pour mériter un tel acharnement de sa part ? Ne pouvait-elle simplement pas comprendre tous les signaux que je lui jetais à la figure depuis que je l’avais croisée pour la première fois aux côtés de Soren ? « Tu voudrais qu’on aille prendre un café ? » demandait-elle, alors, un peu essoufflée par la course qu’elle venait de faire, par ma faute. Alors que j’avais décidé de faire comme si elle n’existait pas, je finissais pourtant par me tourner vers elle pour lui lancer un regard lourd de sens. Un café ? Par ce temps-ci ? « Glacé, bien sûr. » ajoutait-elle comme si elle semblait lire mes pensées. S’en suivait un long silence de ma part, tandis que je la jaugeais d’un regard sévère. « Tu ne me lâchera pas tant que je n’aurai pas accepté, n’est-ce pas ? » devinais-je alors, sans pour autant me faire plus aimable. De toute façon, cette situation ne pouvait plus continuer. J’ignorais tout de la nature de sa relation avec Ben, mais si elle comptait être aussi présente à ses côtés qu’elle l’avait été de Soren et qu’elle semblait l’être d’Ezra, j’allais devoir la supporter bien plus que régulièrement. Et si sa relation avec Ezra ne me dérangeait pas outre mesure, dans le sens où je n’avais qu’à la croiser dans la cage d’escalier, les choses en seraient bien différentes avec Ben. Depuis que ce dernier avait déménagé en centre-ville, je passais un temps considérable en sa présence. Pour sûr, je ne ferais pas que croiser Ginny. Enfer et damnation. A reculons, je m’étais laissée guider par la jeune femme dans le coffee shop le plus proche, non sans manifester ma mauvaise volonté et ma mauvaise humeur. Je m’étais installée, raide comme un piquet sur une chaise en terrasse alors que Ginny avait pris place face à moi. Brisant un silence de plomb, un serveur était rapidement venu prendre nos commandes avant de repartir. J’observais Ginny avec ce même regard dur, mes traits crispés, les bras fermement croisés sur ma poitrine. Si mon discours n’était pas suffisant, tout dans mon langage corporel laissait clairement entrevoir que je n’étais pas ici par plaisir et que je n’allais rien faire pour faciliter la conversation. La jeune femme, elle, semblait avoir un peu de mal à savoir par où commencer, se confrontant à mon amabilité de porte de prison. Si j’étais habituellement une jeune femme très souriante et très sociable, lorsque quelque chose me contrariait, je me fermais hermétiquement, telle une huître, rendant le dialogue on ne pouvait plus compliqué. Cependant, n’y tenant plus, je me décidais à lancer la première offensive. « Alors comme ça tu connais Ben. » claquais-je, ma voix aussi sèche que le claquement d’un fouet. J’avais tout de l’attitude piquante et mordante d’une petite-amie jalouse d’une rivale potentiellement dangereuse. Pourtant, je n’avais pas le moindre sentiment amoureux pour mon meilleur ami. Et c’était justement là le problème, Benjamin représentait tellement plus pour moi qu’une amourette. Mes sentiments pour lui, mon attachement à cet homme étaient ancrés en moi, ils faisaient partie de moi et n’étaient pas éphémères, comme pouvait l’être la passion et le désir. Si Ben venait à disparaître de ma vie, je ne savais pas ce que je deviendrai. Et pour la toute première fois de ma vie, j’avais peur de Ginny. Et clairement, je n'aimais pas ça du tout.
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Mais pourquoi, pourquoi? Je me répète encore et encore, pourquoi cette soudaine envie de repartir à zéro? Pourquoi cette intrusion? Pourquoi la suivre, pourquoi l’agresser de la sorte? Si on m’avait fait le même stratagème, si on m’avait mise aussi vite au pied du mur, très probablement que je me serais moi-même enfuie, incapable de poursuivre, dégoûtée par la suite et par les possibles intentions. Mais voilà qu’elle accepte et qu’honnêtement, je suis tout sauf soulagée. Parce que je sais que je viens de m’enliser dans un terrain beaucoup trop glissant, parce que ma parole a été plus vite que ma pensée, et parce que ce raisonnement qui roule encore et encore dans ma tête, à savoir que ç’aurait pu attendre, que la confrontation n’était pas la clé, que tout ceci était trop compliqué pour en faire un cas résonne d’un côté à l’autre de mon esprit. Je croyais pertinemment qu’elle me glisserait entre les doigts et la défaite anticipée est rapidement remplacée par ce stress croissant qui grandit à chaque coup de pédale vers notre destination. Je l’avais cherchée, je l’avais méritée. La nouvelle Ginny qui s’affirme un peu plus depuis ce divorce qui prenait doucement forme, la nouvelle Ginny qui voulait repartir sur de bonnes bases, qui espérait, essayait de toutes ses forces de réparer ce qui était cassé, dans le but de se prouver quelque chose, de se prouver que tout ce qu’elle touchait ne devenait pas automatiquement foutaise, mensonges et désillusions… m’enfin. Le pied qui touche la terre, le coeur qui bat la chamade, la respiration qui se calme doucement, je vois la silhouette d’Heidi qui approche et mes résolutions qui se renforcent, qui retrouvent leur place, les doutes faisant de l’air, laissant entrer quelques bribes de confiance. Je faisais la bonne chose. Pas pour elle, pas pour Ben, pas pour les autres, mais pour moi. Pour arrêter de reculer, arrêter de craindre, arrêter de fuir tout et rien, tout et quoique ce soit. Commençons avec ce grudge qui dure depuis aussi longtemps que je me souvienne, cette relation étrange qui grandit entre Heidi et moi et qui a tout de l’exaspérer sans que je n’y ai mis le moindre effort volontaire, la moindre malice. Évidemment, elle ne semble pas particulièrement heureuse de me retrouver, ce que son corps, son ton, sa voix et surtout ses silences me confirment sans que je n’ai besoin de chercher bien loin. Aucune surprise, ce ne sera pas facile avec elle, encore moins que je l’avais prévu. Je finis par m’installer, elle m’imite, et pendant une seconde je me dis que le soleil, l’air frais, la journée, tout rendra la scène un peu moins difficile… jusqu’à ce que je pose mon regard sur elle, et sur ce qu’elle dégage. Complètement fermée, ennuyée, blasée, rageuse. Jamais je n’aurais cru pouvoir susciter autant de sentiments négatifs en une seule personne, et souvenez-vous que j’ai su d’une main de maître me mettre mon ex-petit ami et toute sa famille à dos pas plus tard que durant les 6 dernières années. À voir le tout se jouer sous mes yeux, force est d’admettre que j’ai dû merder aussi gravement si ce n’est plus avec elle. J’inspire doucement, rassemblant mes forces, ne sachant pas trop par où commencer maintenant qu’elle est devant moi, attentive, dans l’attente surtout. Commande passée, retour au programme principal. Puis voilà qu’elle me simplifie la chose et aborde Benjamin de but en blanc. Oh. De tout le passé qu’on a partagé, de tout ce qui a pu arriver depuis, c’est de lui qu’on parlera en premier? Le malaise ne fait que s’intensifier, la logique voulant qu’on commence par la fin, et honnêtement, je jure que j’avais un discours tout prêt, quelques répliques bien polies, diplomates, réfléchies qui allaient suivre, mais être devant le fait accompli me scie un peu plus la langue. Allez Ginny, tu l’as supplié pour qu’elle te laisse une chance, pas le temps de te confondre dans tes idées noires et tes doutes stupides. « Oui, c’est Debra qui nous a présentés et... » je m’arrête, elle se fiche sûrement de qui, de quoi, de quand. La question est implicite, le regard est accusateur, et je reconnais cette expression qu’elle avait jadis lorsque la gamine que j’étais avait pu espérer, croire, fabuler que quelque chose puisse se produire avec Soren. Cette même expression qui était revenue alors que devant la porte d’Ezra, j’étais tombée sur une Heidi complètement dépitée, dégoûtée, surprise. Rapidement, plus que je ne l’aurais cru, l’addition se fait et je relie les points non sans me redresser sur ma chaise, attirant mon verre, avalant le reste. « Et toi aussi, à ce que je vois. Vous êtes amis depuis longtemps? » ma voix m’étonne un peu pas mal, plus calme encore que je ne l’aurais cru, plus posée. Évidemment qu’ils se connaissent depuis longtemps, ça crève les yeux. Son entrée dans l’appartement, Adam à ses côtés, cette facilité entre eux, aucun tabou, naturels. C’est probablement ce qui fait qu’elle aborde le tout en premier, qu’elle saute direct sur ce fameux sujet, sachant les quelques souvenirs que l’on partage toutes les deux, connaissant exactement le tracé qui me mène toujours à graviter autour d’elle, autour des hommes qui s’en approchent. La stupidité même, la coïncidence qui se moque, puisqu’au final, il n’y en a eu si peu, que deux, un que je me sois autorisé, et un qui m’ait été forcé. Rien d’autre, jamais rien d’autre que des idées, des envies, de brèves illusions qui n’avaient jamais été plus. Je ne suis pas idiote, et malgré la position où je me trouve, j’en comprends une partie, infime partie. « Ce n’est pas comme ça, Heidi... avec lui. » Ça a été mis au clair, et officiellement c’est simplement nous, deux accroches, approches, et ce que ça signifie. Même si ces quelques paroles échangées ont projeté plus loin, même si cette petite promesse, à demie-voix, a vraiment voulu dire quelque chose, sur le coup. Pour moi, du moins. Le timing dirons-nous. Mais je suis mariée, je suis entre deux, je suis à des kilomètres d’être une rivale, d’être là pour ça, d’en vouloir plus. Et si ce que je comprends est vrai, c’est sur son propre territoire que j’ai remis encore une fois les pieds, et qu’il serait bien vu de m’en retirer. Et probablement que c’est ce qu’elle souhaite, veut, mérite d’entendre. « Je sais que ça peut sembler être autre chose. » je m’emporte dans la suite, devant son silence, ses observations, je lui prête des intentions, et je me surprends moi-même. « On est juste amis. » l’hésitation fait place à l’importance du terme. Amis. J’espère qu’elle y voit la base de mes bonnes intentions.
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Aimable comme une porte de prison, je fixais Ginny d’un regard mauvais, clairement méfiante. Je songeais avec ironie que j’avais accepté de boire un café en sa compagnie en espérant qu’une discussion entre nous pourrait me débarrasser d’elle une bonne fois pour toutes, mais je me rendais compte maintenant que je n’étais pas disposée à avoir une réelle conversation avec elle. Rien que sa présence face à moi suffisait à me hérisser les poils et à m’exaspérer au plus haut point. Ginny déclenchait toujours chez moi des réactions épidermiques que je ne m’expliquais pas. Même lorsque la jeune femme ne parlait pas, je trouvais encore le moyen d’être agacée par elle et c’était encore pire à cet instant où son silence m’irritait. C’était elle qui avait choisi d’avoir cette confrontation avec moi, il était temps qu’elle l’assume. Mais n’y tenant plus, je n’avais pu retenir une réplique cinglante, dans un ton très sec. « Oui, c’est Debra qui nous a présentés et... » répondait-elle à une question qui était purement rhétorique. Je ne pouvais retenir un soupir agacé, ce qui était sûrement la raison de son interruption brusque. Je me fichais bien de la façon dont elle avait rencontré Ben puisque ce qui m’agaçait, une fois de plus, c’était uniquement le fait qu’elle le connaisse. Comme toujours, Ginny semblait s’évertuer à graviter autour de mon entourage masculin, marchant ouvertement sur mes « plates-bandes » (qui n’en étaient pas vraiment puisque ni Soren, ni Ezra et encore moins Ben n’avaient été mes petits-amis). « Et toi aussi, à ce que je vois. Vous êtes amis depuis longtemps ? » demandait-elle finalement. Cette fois-ci, je levais les yeux au ciel, presque vexée qu’elle en vienne à se poser la question. « Plutôt oui. » lâchais-je de nouveau, toujours aussi sèche. Benjamin faisait partie de ma vie depuis ce qui me semblait être une éternité. Voilà dix ans que je partageais son quotidien, dix ans que je n’étais séparée de lui que quelques mois tout au plus, dix ans qu’il s’était immiscé dans ma vie et s’était creusé une place immuable au sein de mon cœur, à mon propre désarroi. Au cours de ces dix ans, j’avais assisté à toutes ses aventures, j’avais suivi son évolution, suivi ses péripéties pour obtenir l’examen du barreau. Depuis six ans, ma place au sein de sa vie avait pris une toute autre dimension lorsque je l’avais aidé à élever Adam, son fils, que j’aimais comme s’il était le mien. C’était quand même un comble que Ginny, qui venait d’entrer dans la vie de Ben, ose me demander à moi, si je le connaissais depuis longtemps. Comprenant visiblement que je n’étais pas décidée à m’étendre davantage quant à ma relation avec Ben, Ginny enchaînait alors : « Ce n’est pas comme ça, Heidi... avec lui. » Toujours les bras fermement croisés sur ma poitrine je l’observais en arquant un sourcil, feignant de ne pas comprendre où elle voulait en venir. « Je sais que ça peut sembler être autre chose. » précisait-elle et je levais les yeux au ciel de nouveau, si fort que j’avais presque l’impression qu’ils faisaient un tour complet. « Ben voyons… » Je n’y croyais pas, pas un seul instant. Non seulement parce que depuis le temps, j’étais persuadée d’avoir compris comment Ginny fonctionnait mais surtout parce que depuis dix ans que je connaissais Ben, je savais surtout comment lui fonctionnait. « On est juste amis. » insistait-elle face à mon air dubitatif. « Je crois que tu oublies l’essentiel : je connais Ben. » D’aussi loin que je pouvais me souvenir mon meilleur ami n’avait jamais cru en l’amitié fille garçon, sûrement parce que j’étais la seule amie avec qui il n’avait pas tout gâché, celle qu’il n’avait jamais touché, celle avec qui il ne s’était même pas autorisé le moindre jeu de séduction ou sous-entendu scabreux. Et Ginny ne pouvait pas être suffisamment importante à ses yeux pour être épargnée elle aussi, n’est-ce pas ? Une part assez égoïste de ma part, refusait tout bonnement que Ben puisse réserver se traitement de faveur à quelqu’un d’autre que moi. Et si je tâchais de ne rien laisser paraitre et d’oublier ces interrogations, je n’en étais que plus agacée contre Ginny. Si elle avait cru s’épargner mes foudres en avançant cette théorie, c’était loupé. « Et il faut croire que je commence à te connaître aussi. Soren, Ezra maintenant Ben, ça commence à faire beaucoup tu ne crois pas ? » l’attaquais-je aussitôt. « Parce que si tu es aussi amie avec Ben que tu l’étais avec Soren et que tu sembles l’être avec Ezra, permet-moi de douter de tes intentions » répliquais-je, avant de pincer les lèvres. Si je n’avais jamais apprécié qu’elle tourne autour de Soren à l’époque et que c’était de là que mon animosité envers elle était née, que je n’avais pas plus le droit de lui faire des reproches quant à sa relation avec Ezra, c’était tout à fait différent lorsqu’il s’agissait de Ben. Cet homme avait une véritable importance dans ma vie, et forcément la présence de Ginny a ses côtés aurait une incidence sur ma vie à moi. Je ne pouvais pas refuser à Ben de côtoyer Ginny, néanmoins, je n’étais pas prête à jouer la comédie en prétendant l’apprécier. « D’ailleurs, j’y pense, tu veux peut-être la liste exhaustive de toutes mes connaissances masculines, ça te facilitera la tâche ? » C’était bas et petit, mais j’étais tellement agacée par sa présence face à moi que j’espérais secrètement parvenir à la faire déguerpir avant d’avoir à réellement tenir cette conversation avec elle. Une petite voix me soufflait néanmoins que le seul homme qui ne souffrirait pas de l’obstination de Ginny à suivre mes traces serait Matt, puisque celui-ci était son frère. Si je ne trouvais pas Ginny particulièrement futée, néanmoins je doutais qu’elle en vienne à ce genre de choses dans le but de suivre de me suivre.
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Évidemment qu’elle était fermée. À quoi est-ce que je pouvais bien m’attendre d’elle, autre que cette envie de voir une confrontation qu’elle n’avait même pas demandée se dérouler sous ses yeux, orchestrée par une fille incapable de mettre un mot devant l’autre tellement le tout la sciait sur place? Habituellement, j’aurais pris ce rejet, cette attitude, ces silences pour le feu rouge, pour le signal de départ, pour une belle et grande fuite de ma part, laissant le compliqué à d’autres, évitant comme la peste la simple idée de multiplier les occasions d’être en présence l’une de l’autre. Absolument allergique à la confrontation, il s’agissait bien souvent de ma kryptonite, justifiant ma propre disparition le temps que tout se calme, que je me calme surtout. Mais la brillante idée de mettre cartes sur table avec Heidi et de nous situer l’une face à l’autre une fois notre bagage d’avant derrière nous - à mon sens - ne s’alignait pas pour être particulièrement facile et aisé - à son sens. J’y vais pourtant en douceur, m’installant tranquillement à notre table, la laissant reprendre son souffle, cherchant mes mots pour ne pas aborder ce qui pique trop au départ, disposant avec délicatesse mes intentions humbles et sans malice… mais c’était sans prendre pour acquis sa première question, et tous les sous-entendus qui s’y reliaient. Benjamin avait été mis sur mon chemin par le plus grand des hasards nommé Debra, à travers un plan ridicule qui était à des miles de la personne que j’étais, et que je serais toujours… et pourtant il avait su rester, s’y accrocher, et surtout se reveler être beaucoup plus que ça. À savoir qu’entre nous, même si le courant avait un peu trop bien passé à mon goût, il ne se dessinait qu’un avenir platonique à mon sens, encore beaucoup trop occupée à graviter autour de mon fils, de mon mari, et de tout ce qui s’y greffait. Pourtant, Heidi ne voyait pas du tout notre rapport sous le même oeil, et si je me fiais à la façon dont ses paroles claquaient, ce n’était pas qu’une simple question de routine, qu’un reproche de base, ordinaire, normal. Il y avait plus, et malgré la chaleur du soleil qui caressait mes pommettes, je ne pu m’empêcher de ressentir un frisson parcourir mon échine. Si elle semble si investie, si elle monte si vite ses couleurs, si elle insiste sur le fait qu’elle le connaît, et tout ce que cela peut sous-entendre... Pourtant, ce n’est pas de la jalousie qui colore mes joues, qui s’esquisse dans mes pensées, mais bien de la compréhension. Elle le protégeait, whatever that means. Elle agissait en filtre, en bonne conscience, en amie et probablement plus, avec la simple réflexion de bien faire, de le garder de se frotter à une fille qui n’en valait pas la peine. Si elle savait à quel point je pensais comme elle, si elle savait à quel point j’avais voulu être honnête avec Ben dès nos premiers échanges pour cette même raison, si elle savait comment je me surprenais à tenir à lui au point de ne pas vouloir lui foutre toutes ces merdes qui me tombaient dessus encore et toujours depuis trop longtemps… mais bien sûr, elle ne savait pas. Et pire encore, elle ne voudrait jamais savoir. Alors oui, je comprenais. Beaucoup plus qu’Heidi pouvait le voir, même. Reste que malgré tout, elle marque un point, dans toute sa logique. Si la Ginny que je dégageais à ses côtés - ou plutôt aux côtés de Soren à l’époque, et maintenant d’Ezra - était celle-là même qui rôdait autour du Brody, elle pouvait bien avoir ses réserves. Être protectrice, y voir un envahissement certain. Surtout si, comme mon impression me souffle de plus en plus fort, Ben n’était pas qu’un ami pour elle, qu’un simple pote. Il y avait autre chose, à savoir les sentiments que je n’oserais jamais creuser, mais ils étaient là, ils guidaient sa pensée et ses paroles et… et ils m’effrayaient. Il en faut un temps avant que je fasse le trajet en inverse, avant que je comprenne que ce qui avait été l’élément déclencheur à l’époque du West se répétait ici, et que ma présence sur sa plate-bande bien verdoyante de complicité certaine était tout sauf bienvenue. Je me rétracte, physiquement et mentalement surtout, je me fais violence alors qu’elle attaque un peu plus fort, je perds pied et la seule chose qui me rattrape au vol reste cette mention, maligne, vive, piquée, d’une possible liste des autres hommes de sa vie. Là, bien sans que je ne le veuille, un sourcil s’hausse et je laisse l’incompréhension la plus certaine ravir mon visage. Moi, croqueuse d’hommes?! Même si les faits étaient là pour la brunette, je crois bien qu’Heidi manquait d'indices sur le tableau officiel, le big picture. Ce que je dégageais devant elle devait sonner si faux, si injuste, si horrible que je suis mal, affreusement mal un instant. Cette image qu’elle se fait d’une Ginny amourachée, coeur d’artichaut, incapable de se poser, ne vivant que pour la gente masculine m’arracherait presque un éclat de rire tellement elle était parodiée si je n’étais pas aussi alarmée, dégoûtée. Je laisse une pause presque raisonnable, le temps d’encaisser chacune de ses paroles, avant d’arquer la tête, dépitée. « Heidi… je… Je ne sais pas si tu as remarqué depuis le temps, mais je n’ai rien de la fille qui charme. Je n’ai aucun charisme, aucune facilité en public. J'évite le flirt. Je cherche mes mots à chacune de mes phrases, j’hésite, je tremble. Je me balade avec des t-shirts tachés, j’ai des cernes de la grosseur de mon visage, j’ai un humour de merde, j’ignore comment draguer et je serai probablement toujours cette silhouette fuyante au sex appeal tout aussi absent. » une longue inspiration suit ma tirade, venue avec l’impulsion. « Alors ta liste, tu peux bien la garder. » je ne me veux pas tranchante, mais la simple réflexion qu’elle me prenne pour ce genre-là me scie sur place. « Je suis la candidate parfaite au friend zoning. Et ça me va amplement. Celle avec qui on rigole, celle qu’on raccompagne chez elle avant d’aller rejoindre ses vraies conquêtes. Celle à qui Ben a prêté son vieux jeu de Pokemon Stadium pour que je puisse y jouer avec mon gamin qui en est fan. » je me suis emportée, mais pourtant mon timbre reste posé, déçu, las. À savoir si cela était relié à la maladie de Noah, à la déception qui flottait dans l’air, ou à cette réalisation qui me confirmait que malgré les quelques allusions romanesques de Benjamin, nous ne serions jamais plus. Le temps qu’il en trouve une autre, probablement. Une qu’Heidi approuverait. Je balaie cette pensée hideuse de mon esprit, tout sauf autorisée à l’avoir, avant de conclure. « Et si tu veux tout savoir, je n’ai absolument pas le temps, ni l'envie d'être avec qui que ce soit en ce moment. C'est ça, mon intention aujourd'hui. Ça fait très longtemps qu’il y a eu quelqu'un dans ma vie, et je doute sincèrement que ça arrive de nouveau, rapidement ou non. » Le serveur revient avec nos commandes et se trouve face à deux mines renfrognées, épuisées, tout sauf à l’aise. Le voilà qui repart aussi vite qu’il est venu. « Je n’ai jamais eu le besoin, ou l’impulsion ou même l’envie de te piquer tes mecs. Et même si… jamais je n’aurais pu me comparer, jamais je n’aurais pu me battre. Soren était un crush d'adolescente naïve, qui ne m’a jamais remarquée, Ezra est complètement ailleurs maintenant et je le comprends et le respecte amplement, et Ben… Ben reste simplement parce que je l’amuse. La journée où il trouvera une vraie bonne fille pour lui, je ne serai même plus d’actualité. Je ne suis pas là pour ça, je ne l'ai jamais été, et j’ose espérer qu’un jour tu le comprendras. » l’espoir se glisse en fond d’iris, alors que je lève la tête vers elle, totalement impuissante. Ce n’est pas de la pitié que je veux lire en elle, mais de l’évidence.
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Plus la conversation avançait, plus je me rendais compte que j’aurais mieux fait de renoncer à toute conversation avec Ginny. J’aurai eu meilleur temps de ne pas m’arrêter à ce feu rouge, de tracer ma route jusqu’à ce que la jeune femme ne soit plus qu’un lointain et mauvais souvenir. Cette conversation était vouée à l’échec, elle ne mènerait à rien puisque je ne faisais pas le moindre effort pour tenter de m’ouvrir à la conversation. De toute façon, Ginny, elle, étant d’un naturel fuyant, évitant toute confrontation, que ce n’était pas sur elle que je pouvais réellement compter pour m’obliger à mener cette discussion à bien. Face à Ginny, la tentation de rebrousser chemin, de la planter là, face à son café pour m’en aller de mon côté et m’épargner cette conversation, se faisait de plus en plus présente. Une petite voix au fin fond de mon cerveau me criait de fuir, d’enfourcher de nouveau mon vélo pour disparaître au loin, de mettre le plus de distance possible entre cette femme et moi. Mais pourtant, je n’arrivais pas à esquisser le moindre mouvement. Je restais là, face à elle, rigide, aimable comme une porte de prison à lui balancer des amabilités à la figure sans la moindre cérémonie. Je ne parvenais pas à quitter ce café, parce qu’une part de moi crevait d’envie de savoir ce qui la liait à Benjamin, au moins autant que je redoutais de connaître la véritable nature de sa relation avec mon meilleur ami. Pour la première fois de ma vie je me sentais réellement menacée, effrayée par la présence d’une autre femme dans la vie de Ben. Pourtant, même Loan, la mère d’Adam, n’avait jamais réussi à instaurer en moi ce doute, cette appréhension que j’avais aussitôt ressentie en découvrant Ginny dans le salon de mon meilleur ami. Et cela n’avait rien de bien rationnel au fond, je le savais. De tous les hommes que je connaissais et autour desquels la jeune femme avait gravité, aucun n’avait réellement répondu positivement. Elle avait toujours eu ce côté maladroit, une sorte de timidité paralysante que j’avais toujours jugée durement. Je refusais cependant de croire que tout ceci n’était que le pur fruit du hasard, que Ginny et moi avions le même goût en matière d’hommes : je rejetais en bloc tout ce qui pouvait me relier à cette jeune femme. Je me montrais sèche, même carrément dure envers elle dans l’espoir de la voir abandonner ce soudain courage que je ne lui connaissais pas, elle qui avait longtemps fuit mon regard lourd de reproches. Et alors que j’espérais avoir abattu ma carte maîtresse, être allée suffisamment loin pour la faire prendre ses jambes à son cou, il semblait en réalité que je venais de réveiller la bête. « Heidi… je… Je ne sais pas si tu as remarqué depuis le temps, mais je n’ai rien de la fille qui charme. Je n’ai aucun charisme, aucune facilité en public. J'évite le flirt. Je cherche mes mots à chacune de mes phrases, j’hésite, je tremble. Je me balade avec des t-shirts tachés, j’ai des cernes de la grosseur de mon visage, j’ai un humour de merde, j’ignore comment draguer et je serai probablement toujours cette silhouette fuyante au sex appeal tout aussi absent. » répondait-elle d’une traite, me prenant au dépourvu. J’étais presque certaine de n’avoir jamais entendu Ginny parler aussitôt longtemps, du moins pas en ma présence et la découvrir tout à coup si loquace me surprenait plus que je ne le laissais paraître sur le coup. Ce fut cependant ce qu’elle ajouta qui fit mouche, me clouant le bec sur le coup, me poussant à ravaler une réplique cinglante : « Alors ta liste, tu peux bien la garder. » Je l’observais, le sourcil arqué, seule manifestation physique qui trahissait ma surprise. Faisant fi de ses remarques sur l’absence totale de sex appeal chez elle et ses nombreuses « tares », je ne pouvais m’empêcher de me demander d’où venait l’intérêt que Ben semblait lui porter. La jeune femme était tellement aux antipodes des femmes qui attiraient habituellement mon meilleur ami que c’en était encore plus perturbant pour moi de constater que, malgré tout, quelque chose les liait, lui et elle, à mon plus grand dam. Définitivement perturbée par cette révélation, je ne trouvais pas tout de suite quoi répondre à la jeune femme, si bien qu’elle enchaînait aussitôt : « Je suis la candidate parfaite au friend zoning. Et ça me va amplement. Celle avec qui on rigole, celle qu’on raccompagne chez elle avant d’aller rejoindre ses vraies conquêtes. Celle à qui Ben a prêté son vieux jeu de Pokemon Stadium pour que je puisse y jouer avec mon gamin qui en est fan. » Cette fois-ci, mes lèvres se pinçaient, trahissant mes réactions et mes pensées. Ainsi donc, Ben en venait même à prêter l’un de ses jeux préférés à la jeune femme. C’était donc encore pire que ce que je croyais ? A cet instant précis, l’éventualité que mon meilleur ami puisse avoir de véritables sentiments pour la jeune femme me frappa. Etait-ce possible que Ginny McGrath soit cette jeune femme que j’avais espéré tant de fois qu’il rencontre enfin ? C’était une nouvelle aussi terrifiante que réjouissante bien que définitivement perturbante et contraignante pour ma personne. « Et si tu veux tout savoir, je n’ai absolument pas le temps, ni l'envie d'être avec qui que ce soit en ce moment. C'est ça, mon intention aujourd'hui. Ça fait très longtemps qu’il y a eu quelqu'un dans ma vie, et je doute sincèrement que ça arrive de nouveau, rapidement ou non. » La jeune femme ne semblait plus prête à s’arrêter maintenant qu’elle avait ouvert la bouche. Elle entretenait la conversation, me permettant peu à peu d’y voir un peu plus clair dans mes pensées troublées. Au fond, que Ginny trouve un jour l’amour ou non m’importait bien, je n’étais pas cruelle au point de lui souhaiter du malheur. Tout ce que je souhaitais c’était simplement qu’elle aille trouver son bonheur loin de moi et de mon entourage, qu’elle me laisse Benjamin. Elle pouvait bien récupérer Soren, se mettre avec lui que ça n’avait plus la moindre importance pour moi aujourd’hui. Mais Ben… Ben, ça, ça changeait tout… « Je n’ai jamais eu le besoin, ou l’impulsion ou même l’envie de te piquer tes mecs. » ajoutait-elle et je la coupais aussitôt d’une voix rauque : « Ce ne sont pas mes mecs. » Ce qui était la stricte vérité bien que mon attitude vis-à-vis d’eux puisse laisser supposer autre chose. « Et même si… jamais je n’aurais pu me comparer, jamais je n’aurais pu me battre. Soren était un crush d'adolescente naïve, qui ne m’a jamais remarquée, Ezra est complètement ailleurs maintenant et je le comprends et le respecte amplement, et Ben… Ben reste simplement parce que je l’amuse. La journée où il trouvera une vraie bonne fille pour lui, je ne serai même plus d’actualité. Je ne suis pas là pour ça, je ne l'ai jamais été, et j’ose espérer qu’un jour tu le comprendras. » continuait-elle avant de relever son regard vers le mien. Pendant quelques instants nous nous jaugions du regard, sévèrement (enfin surtout pour ma part) dans un silence de mort. Je finissais néanmoins par soupirer avant d’ouvrir la bouche pour lui répondre : « C’est bien que tu ne te fasses pas d’illusions sur ta relation avec Benjamin. » Clairement, si à cet instant précis, j’avais pu m’observer moi-même, je me serai sûrement giflée. Ce comportement froid de petite copine jalouse ne me ressemblait tellement pas que j’en aurais été horrifiée. Mais sur le moment, je ne parvenais pas à prendre le recul nécessaire sur la situation pour voir tout ça d’un point de vue plus neutre. J’étais furieuse et je me sentais acculée, prise en traître par cette situation que je n’avais jamais voulu. Ben était ma bulle d’oxygène, mon rocher, ma bouée de secours, mon repère quoi qu’il se passe dans ma vie. Et savoir que Ginny, cette même personne qui avait autrefois gravité autour de Soren, pouvait mettre ma relation avec Ben en péril, ça me faisait perdre toute notion des choses. Je détestais ce sentiment d’insécurité et d’incertitude qui s’était insinué en moi à l’instant même où j’avais découvert la McGrath dans l’appartement de l’irlandais. « Du coup, je suppose que si vous en êtes à l’étape de l’échange de jeu vidéo, c’est que vous vous connaissez depuis un moment ? » m’aventurais-je, tout en me demandant pourquoi je m’évertuais à me faire du mal en essayant d’en savoir plus sur sa relation avec le jeune homme. « Et Ezra, c’est aussi en attendant qu’il trouve une fille pour lui ? » enchaînais-je aussitôt. Après tout, quitte à être coincée avec elle, je pouvais bien en profiter pour crever tous les abcès et découvrir tout ce que j’avais toujours voulu savoir sur cette jeune femme qui s’évertuait à marcher sur mes plates-bandes.
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Je ne reconnaissais pas cette tonalité, cette voix, cette fille qui s'affirmait un peu trop haut, un peu trop fort, devant Heidi. Si de base j’espérais simplement mettre cartes sur table et régler ce malaise que je sentais si pesant, la juste mention de ces noms auxquels j'attirais tant d’importance m’avait refroidie et remontée assez pour m’élancer dans une jérémiade, discours de potence qui devait la rassurer, l’éloigner peut-être. La calmer. Elle se moque en implicite, liste qu’elle m’offre me donnant accès à tous les hommes de sa vie apparemment, et je me défends du revers en instistant sur le fait que non, au grand jamais, je ne piochais là volontairement. Si coïncidence faisait trop fort, j’y voyais tout de même le fruit du hasard qui avait su nous pourchasser l’une l’autre depuis plusieurs années, trop, me remettant sur son chemin là où je n’aurais apparemment pas dû mettre les pieds. La gorge sèche, le coeur lourd, je prends une pause de toutes ces paroles, essoufflée, dépassée, étonnée d’avoir autant assumé ce que j’avais à dire, position qui ne lui a même pas fait un pli. Son visage n’a pas changé, ni même son discours. Heidi s’en balance. Pourquoi alors, est-ce que je tente si fort? Benjamin. Encore une fois, son nom frôle les lèvres de la brunette et je sens mes doigts qui se resserrent sur le gobelet de plastique renfermant le reste de café glacé. Petite parcelle de folie que j’avais gardée bien loin, que j’avais repoussée d’une certaine façon, en le tenant à proximité tout de même. Je savais que je ne jouais pas fairplay avec celui-là, et que je m’y brûlerais bien vite sans même y toucher, mais j’osais espérer être la seule à le réaliser en temps et lieu, et non me faire étaler le tout en long et en large, par les remarques acerbes de mon interlocutrice qui en a vu d’autres. La réputation de charmeur invétéré du bonhomme m’avait bien été présentée par Debra, néanmoins, entendre ce qu’Heidi pensait de tout ça, le voir noir sur blanc, l’encaisser en acquiesçant doucement, c’était plus que ce que je ne me croyais capable d’accepter. « Il n’y a aucune illusion à se faire, de toute façon. » la sentence était donnée, et bien au-delà de la vulgaire pitié sans fond dont je ne voulais absolument pas, je m’étais juré de ne pas laisser le tout aller vers là, vibrer comme ça, avec le Brody. Pas de place, pas de temps, pas de force. La réaction d’Heidi était sûrement bien compréhensible de son côté, pourtant je la jugeais excessive, pensant que quelque chose se tramait probablement entre eux et que, m’enfin. Si c’était le cas, elle n’aurait qu’à contempler mon dos s’éloigner dans la direction opposée. Les confrontations, très peu pour moi règle générale. J’avais déjà donné à de trop nombreuses reprises. Silence pesant, la table à nos côtés qui se libère, et la terrasse qui me semble bien vide, bien esseulée tout d’un coup. Si la présence de voisins me rassurait un brin quant à la scène que nous leur mettions en avant, la chaleur du jour commençait à doucement serrer ma gorge et mes sens plus les accusations montaient. « Quelques semaines, un mois tout au plus. » quelle est l’importance? S’il ne m’avait pas mentionnée à cette fille qui semblait être si importante dans sa vie, celle qui traînait à même son toit, qui prenait si mal ce rapprochement même s’il n’en était pas un sérieux, cela en disait bien long sur la perception qu’il avait de moi. Comme je le pressentais, comme je le savais pertinemment, je n’étais que passagère, amusement tacite, idée satisfaisante qui s’atténuerait lorsqu’il en aurait assez. De ce fait, je sens l’importance de le lui souligner, juste au cas où cette information pourrait suffire à remonter la pente dans son estime. « S’il ne t’a rien dit à mon sujet, c’est probablement parce qu’il n’y a rien à dire, non? » question rhétorique, qui valait tout de même la peine d’être affirmée. Soulagement appuyé, et je me demande sincèrement si je suis ravie par cette révélation, ou déçue. Un peu des deux probablement. L’égo n’était jamais bien rassasié de savoir qu’on passait inaperçue, restait tout de même le soulagement que je n’aurais pas à m’épancher dans de nouveaux discours larmoyants sur mon incapacité à aimer pour avoir eu le coeur brisé une fois de trop, coeur qui maintenant se donnait de toutes ses forces à Noah et à personne d’autre. Pas par besoin, pas par envie. Elle semble satisfaite un temps de cette réponse, et si son calme et son lâcher prise aurait dû me signaler que la deuxième ronde commencerait sous peu, c’était bien malgré moi et mes bonnes intentions que je baissais mes gardes trop vite. Le nom d’Ezra qui roule sur ses lèvres me frigorifie sur place, pire encore que tout le reste, et je suis incapable de placer un mot pendant de longues minutes, tétanisée par ce qu’elle vient d’avancer. De où, de quand, de comment? Je me souviens bien de cette fameuse fois où je l’ai croisée sur le palier du Beauregard, de ce regard entendu échangé, mais jamais je n’aurais cru qu’elle ramènerait le tout ici et ainsi, surtout de cette façon. Heureusement, Ezra ne lui avait donc jamais parlé de moi lui non plus, et j’essuie la plus mince des déceptions en tentant de reprendre un semblant de force au passage. À quand pourrais-je enfin souffler face à cet interrogatoire qui me clouait à ma chaise, comme si je n’étais qu’une pile de doutes, de regrets et d’erreurs qu’elle observait au microscope? « Je… » l’idée était claire, dans ma tête. L’idée était limpide, évidente, simple. Lui dire pour notre passé commun, peut-être même y glisser Noah. Lui expliquer cette relation brisée sur de fausses promesses, sans trop en mettre, évitant la larme hypocrite qui roulerait sur sa joue. Y aller avec honnêteté, authenticité. Lui donner exactement ce qu’elle veut, à savoir mon coeur brisé sur un plateau pour qu’elle soit en mesure de le disséquer et de s’assurer que je ne lui volerais plus jamais le fruit de ses désirs. Mais ma réserve est à sec. À croire que j’ai tout donné précédemment, et que le flot de mes paroles s’emportant est réduit à sa plus simple expression, celle de n’avoir rien de plus, rien de mieux à ajouter. Alors je procède, faiblement. « Qu’est-ce que j’ai fait de si mal, Heidi? Vraiment? » si ma voix est légèrement enrouée, je retrouve bien vite le peu de constance qui me reste, espérant qu’elle soit assez digne, assez correcte pour me répondre. « Je veux dire… autant pour Soren, que Ben ou même Ezra... » la simple formulation de tout ceci me donne le tournis, et je me jure de bien vite retourner me planquer dans mon atelier à double tour, m’isolant de tous et de tout le temps de me remettre de ce bain faussement de foule, masculine, tout sauf appréciable. « Qu’est-ce qui t’agresse autant? Que j’existe auprès d’eux, ou que j’existe tout court? » l’un ou l’autre ne nous avancerait pas plus, mais il fallait se rendre à l’évidence. « Tu prends cela tellement à coeur, et je ne suis pas là pour t’en empêcher. » haussement d’épaule résigné, je préfère terminer mon café avant de poursuivre. Elle risque d’être de nouveau acide, pour nous avoir laissé autant de place, à mes affirmations et à moi. « T’as qu’un mot à dire, et je dégage. Ils seront à toi Heidi. Je déclarerai forfait. » malgré toutes ces années et cette confiance qui naissait dans mon ventre, je restais toujours la bonne vieille Ginny peureuse, celle qui refusait de tenir tête. Celle qui refuse encore.
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Je ne m’expliquais pas cette attitude que j’avais à l’égard de la jeune femme, cette aversion irrationnelle qu’elle provoquait chez moi. Ginny McGrath, cette jeune femme maladroite, toujours souriante, appréciée de tous. On lui aurait donné le bon Dieu sans confession. Et bon sang, ce que ça m’agaçait ! Quand bien même, je savais que j’étais dans la démesure et l’exagération la plus totale face à elle, rien chez elle ne m’aidait à agir de façon plus raisonnée. Tout, même dans ses mimiques, me donnait envie de prendre mes jambes à mon cou pour ne pas avoir à faire à elle. La vision d’elle plantée au milieu du salon de Ben, mon Ben, me donnait envie de la voir s’étouffer avec son café. Je n’avais jamais été réputée pour avoir ma langue dans ma poche, ni même pour avoir un sang-froid à toute épreuve, bien au contraire. Mais rares étaient les personnes qui parvenaient à me faire perdre pied comme la jeune femme était capable de le faire. J’étais acide, presque cruelle avec elle. Une Heidi que je ne me connaissais pas. Ce qui était complètement absurde, puisque je savais parfaitement que Ben n’était pas prêt à se caser, que je savais également que Ginny n’en valait pas la tête, qu’elle n’était pas faite pour lui, qu’elle ne serait jamais à la hauteur du standing exigé par mon meilleur ami. Et pourtant, cette boule qui s’était formée dans mon estomac venait contredire toutes mes certitudes, me rendant un peu plus froide vis-à-vis de cette pauvre innocente qui avait fait l’erreur d’oser la confrontation avec moi, après toutes ses années de cordiale mésentente. « Il n’y a aucune illusion à se faire, de toute façon. » Les lèvres pincées, les bras toujours croisés sur ma poitrine, je l’observais d’un œil torve. « Je ne te savais pas lucide. » C’était clairement une pique dissimulée, faisant référence à cet acharnement que je n’avais jamais compris pour Soren malgré les réticences du jeune homme à l’époque. Pourtant Ginny était restée fixée sur le beau brun, réitérant ses essais pour le séduire, maladroitement. Je me savais en tort, et pour sûr Ben me passerait un savon s’il apprenait le coup que j’étais en train de faire à Ginny. Mais c’était plus fort que moi, je ne pouvais pas rester face à elle, à jouer les hypocrites comme je le faisais depuis des années déjà. Elle pouvait bien avoir tous les hommes de la terre, le seul dont dépendait ma survie ici était celui sur lequel elle venait de jeter son dévolu. Bien au-delà d’une relation amoureuse, Ben était mon ancre, ma stabilité, une constance dans ma vie. Et puis il y avait Adam, qui représentait bien plus encore. Un garçon adorable auquel je m’étais accrochée, attachée, comme une mère. L’idée même d’être potentiellement poussée vers la sortie par la jeune femme me rendait malade. Pourtant je m’évertuais à me faire du mal, m’inquiétant de savoir depuis quand ils se connaissaient : « Quelques semaines, un mois tout au plus. » Si cela était encore possible, je me crispais un peu plus, mes traits du visage se tirant un peu plus également. Un mois. J’en avais la tête qui tournait presque, le nœud dans mon estomac se resserrant aussitôt. Ainsi donc, j’avais mes raisons d’être méfiante, d’avoir peur. Un mois, c’était beaucoup. D’autant plus que jamais Ben n’avait eu la présence d’esprit de m’informer de la présence de cette jeune femme dans sa vie. « S’il ne t’a rien dit à mon sujet, c’est probablement parce qu’il n’y a rien à dire, non ? » demandait alors Ginny faisant écho à mes pensées, me clouant sur place. J’aurai aimé lui cracher à la figure qu’en effet, le silence de Ben, valait mille mots concernant ses intentions, que cela attestait sans détour qu’elle n’était qu’une femme de plus sur la liste à rallonge de ses conquêtes sans importance. Si seulement. Pour ma part, je connaissais suffisamment Ben pour me poser la question, douter de ses intentions. Car Ben voyait rarement une femme aussi longtemps, sans m’en parler. Même quand c’était des amourettes sans lendemain, j’étais toujours mise au courant d’une certaine façon. Il me balançait l’information nonchalamment, me demandant par moments de bien vouloir prendre en charge son fils le temps d’une soirée ou d’un week-end pour qu’il puisse profiter. Mais son silence pouvait indiquer tout autre chose. Je connaissais suffisamment Ben pour savoir que son silence pouvait être plein de réponse. Il peinait souvent à exprimer ce qu’il ressentait réellement et j’en étais la première consciente. C’était comme un accord entre nous, nous nous aimions, d’un amour fort et fraternel mais nous ne l’avouions que rarement, presque contraints. Parfaitement consciente d’être déstabilisée, me rendant compte que je perdais un peu le contrôle de la discussion, je me décidais à attaquer Ginny sur un autre terrain, m’éloignant du sujet Ben qui me retournait les entrailles. J’attaquais alors, sournoise, sur sa relation avec Ezra, retournant ses propres paroles contre elle. « Je… » Touchée coulée. Pour sûr, c’était la pique de trop, l’attaque fatale qui faisait déborder le vase. Je la sentais déstabilisée, regrettant amèrement de m’avoir poussée à venir boire un café avec elle. Sous mon regard accusateur, je la voyais chercher quoi répondre, comment rebondir. « Qu’est-ce que j’ai fait de si mal, Heidi ? Vraiment ? » demandait-elle finalement, me prenant de court. Qu’avait-elle fait si ce n’était être présente dans ma vie, constamment, malgré mes réticences à la voir fréquenter mon entourage. « Je veux dire… autant pour Soren, que Ben ou même Ezra... » continuait-elle. « Qu’est-ce qui t’agresse autant ? Que j’existe auprès d’eux, ou que j’existe tout court ? » La question à un million de dollars, celle-là même où je n’étais pas capable de répondre. Ce n’était pas dans mes habitudes d’avoir de l’aversion pour quelqu’un, surtout pas comme j’en avais pour Ginny à l’instant où j’avais compris qu’elle s’était frayée un chemin dans la vie de Ben et par conséquent dans la mienne. Son existence m’importait peu, tant qu’elle se faisait loin de moi, loin de Ben et d’Adam et qu’elle me laissait tranquille. Ne pouvait-elle pas disparaitre ? Pourquoi avait-il fallu qu’elle quitte l’Angleterre ? « Tu prends cela tellement à cœur, et je ne suis pas là pour t’en empêcher. » enchaînait-elle, comme prise d’un soudain élan de courage qui la poussait à me confronter réellement. « Venant de ta part, je trouve ça assez ironique. » claquais-je, toujours aussi déstabilisée par ces questions auxquelles je n’étais pas capable de répondre. « T’as qu’un mot à dire, et je dégage. Ils seront à toi Heidi. Je déclarerai forfait. » J’avais envie de lui crier de dégager à la figure, de la sommer de disparaître de ma vie, d’éloigner ses tentacules gluants de mon meilleur ami. Mais aucun son ne sortait de ma bouche, mes yeux fixant alternativement les siens en silence. J’avais le vertige rien que de songer à tout ça, de me dire que les choses étaient beaucoup trop compliquées et que je ne comprenais pas moi-même ma réaction épidermique. Etait-moi le problème ? « Tu sais quoi Ginny ? C’est moi qui déclare forfait. » Et d’un bond, j’étais de nouveau sur mes pieds. Je déposais un billet sur la table. « C’est pour moi. » l’informais-je, le cœur au bord des lèvres et l’envie de fuir irrépressible. J’étais douée dans ce domaine, fuir les doutes, les conflits et les complications. Ma vie était un enchaînement de fuites, d’éloignements pour tenter de remettre de l’ordre dans mes idées. Et parfois, répéter les erreurs du passé avaient du bon. Il fallait que je m’éloigne, que je mette le plus de distance possible entre la jeune brune et moi, pour mon bien et pour le sien. J’avais fait volte-face et avec une rapidité impressionnante, je m’étais précipitée hors du café, me jetant sur mon vélo que j’enfourchais aussitôt pour pédaler plus vite que je ne l’avais jamais fait, comme si j’avais la mort aux trousses. J’avais envie de crier, de pleurer, mais rien ne sortait. Alors je me contentais de pédaler plus vite, espérant que peut-être si j’allais assez vite les choses se remettraient d’elles-mêmes en ordre dans ma tête.