Il attrape son fils, les clefs de la maison tout en jetant un dernier regard vers l’horloge murale - il est en avance - comme toujours mais il se presse quand même. Peine à fermer la porte qui coince un peu en se promettant de regarder ça de plus près de qu’il rentrera. Sur la table prône un mot pour Liviana qui l’informe qu’il est à l’hôpital pour son contrôle neurologique. Depuis la tempête il y va fréquemment, même si aujourd'hui les séquelles sont presque inexistantes, l’élocution est bonne et les oublies de mots presque un vieux souvenir. Avec un peu de chance c’est le dernier rendez-vous, tout du moins il croise les doigts. Non pas qu’il n’aime pas le personnel médical mais il ne serait pas mécontent de tracer ses rendez-vous de son agenda et peut-être enfin pouvoir mettre cette soirée horrible derrière lui. « Bonjour Mathilde. » Il salut la réceptionniste qu’il commence un peu à connaître, il faut dire qu’au delà de ses visites, il vient souvent ici dans le cadre de son travail pour l’association Beauregard. « Bonjour James, toujours en avance. » Un sourire amical et il monte les escaliers pour se rendre au service de pédiatrie. Puis qu’il est là il en a profité pour prendre rendez-vous pour les vaccins de Mathis et le service l’a informé qu’il pouvait déposer le petit dans la salle de jeu pendant qu’il passait ses propres examens. Après avoir pris le temps de parler quelques secondes avec une infirmière de l’étage il regarde sa montre. Mathis joue tranquillement dans la salle de jeu sous la surveillance de la responsable et il a encore un peu de temps. Il en profite pour rendre visite à l’un des enfants que la fondation suit mais ne s’éternise pas avant de se rendre à son propre rendez-vous.
« Tout est parfait monsieur Beauregard, je suis vraiment satisfait de votre rémission. Je pense qu’il serait bon qu’on se revoit encore une fois - peut-être d’ici un mois, j’ai tout de même pu constater quelques troubles de la mémoire persistants et je voudrais m’assurer que tout s’arrange. Mais sinon vous êtes libre. » C’est un soulagement et il ne le cache pas. « Si il y a le moindre problèmes n'hésitez pas à joindre le service. » Il sert sa main avec vigueur un sourire satisfait sur le visage. « Merci docteur. » L’esprit libéré il rejoint le service de pédiatrie jetant rapidement un oeil sur son fils qui apparemment s’est fait un nouvel ami. Il a quelques années de plus que lui mais la scène est attendrissante. Attrapant les formes avec lui, le jeune garçon aide Mathis à les mettre dans le bon trou - le rire du petit garçon raisonnant dans la pièce à chaque fois que la pièce tombe à l’intérieur. « Il a été sage ? » Evidement que oui et ça ne l’étonne pas - plutôt éveillé pour son âge Mathis pose peu de problème et il adore la compagnie des autres enfants.
C’est de loin que James observe son fils pendant quelques seconde jusqu’à ce que les grands yeux bleus de son fils ne se posent sur lui. James serait bien incapable de dire qui se trouve dans la pièce à part les deux petits garçons, son regard rivé sur son bébé. Il se rapproche finalement de lui alors que Mathis lui tend une étoile. « Salut mon bébé. » Pose un baiser sur son front. « Tu n’as pas besoin de moi - ton nouvel ami t’aide bien. » Il observe le petit garçon. Son regard ne lui semble pas inconnu mais il se dit qu’il a déjà du le croiser dans les couloirs de l'hôpital, l’état de ses bras laissant deviner qu’il n’est pas un patient d’un jour. Peut-être lui-même étant atteint d’un cancer - il n’a en tout cas pas l’air en très grande forme malgré son sourire d’enfant qui à de quoi faire fondre le coeur. « Salut bonhomme, comment tu t’appelles ? » D’un geste un peu tendre il passe sa main dans les cheveux blonds du jeune garçon en les ébouriffant un peu. Les choses semblent toujours plus simple avec les enfants qu’avec les adultes pour lui. Il ne remarque pas de suite la silhouette qui s’approche d’eux… Il ne sait pas encore que bientôt la conversation va devenir toute autre.
I don't wanna go there, we should never go there. You're hearing rumors about me and you can't handle the truth. He’s so close to my heart, I won't deny what they are saying. Most of it is fake, the rest of it is not about you. So please don't judge me and I won't judge you. Cause it could get ugly before it gets beautiful.
« Il est plutôt stable, c’est très rassurant. » docteur Cohen accompagne ses paroles d’un sourire entendu, soutenant doucement mon regard. « Malgré la récente mauvaise nouvelle, Noah semble garder espoir, ce qui sera crucial pour la suite. » mon gamin, mon fils, ce petit être d’à peine 6 ans qui m’impressionne un peu plus chaque jour. Mon héros, stoïque, qui ne se laisse pas abattre par un petit obstacle sur son chemin, qui garde le regard vissé vers l’avant et vers des bribes de guérison. « C’est un battant. » que je conçois, la fierté qui colore mes mots, les larmes qui se retiennent d’elles-mêmes. Depuis le Nouvel An, les journées avaient été ponctuées d’examens et de paperasses, s’assurant que Noah ne dérivait pas trop, que la maladie était en berne le temps de nous permettre de trouver un moyen de pallier, une solution. Je gardais Ezra au courant des grandes lignes, il insistait pour que je n’hésite pas à lui demander si j’avais besoin de quoi que ce soit. Ce n’était pas facile, c’était tout sauf ce à quoi on s’était attendu en arrivant l’an dernier, mais ce n’était pas une raison pour tout abandonner, pour lâcher prise face à une nouvelle défaite. C’était une occasion supplémentaire de se retrousser les manches, et de montrer à Noah à quel point l’amour pouvait tout changer, pouvait aider du moins. « Avez-vous des nouvelles du dossier dont vous m’aviez parlé la semaine dernière? » je me doute que le médecin n’a pas demandé cette rencontre pour simplement me féliciter sur le courage de mon fils – il doit probablement avoir un statut positif ou négatif face à ce potentiel candidat qu’il m’a mentionné précédemment. Il hoche de la tête, direct, vif. J’appréciais de lui qu’il allait toujours à l’essentiel, non sans une pointe d’empathie. « Il a passé les tests ce matin même. Nous devrions être fixé d’ici la fin de la semaine. » Encore quelques jours à attendre, encore quelques jours à tourner en rond. Pas que je me plaigne, bien au contraire, le sentiment d’avoir toujours une nouvelle option, un plan de rechange qui me rassure un peu plus. Simplement, chaque jour correspondait à quelques heures supplémentaires au compteur, un cumulatif qui n’allait pas en s’améliorant mais plutôt en se dégradant. Noah ne laissait pas voir beaucoup de signes de faiblesse, mais mon œil aguerri avait commencé à déceler quelques petites anomalies, un comportement plus changeant, un sommeil plus fréquent. Il faisait du mieux qu’il pouvait, néanmoins son corps ne lui donnait pas toujours la force nécessaire pour passer à travers sans la moindre anicroche. « Je sais que le temps passe, Virginia. » accuse l’homme à mes côtés, comme s’il lisait dans mes pensées. « Mon équipe fait de son mieux pour vous fournir les résultats le plus vite possible. » j’hoche de la tête, reconnaissante. Il ne s’embourbe pas dans les banalités, il ne me donne pas de faux espoirs, il n’embellie pas la vérité, et c’est probablement pourquoi je suis aussi à l’aise de savoir mon fils entre ses mains. Je n’ai pas besoin d’histoires à l’eau de rose, je veux tout sauf me faire protéger, le sentir au centre d’un cercle de pitié. Nous nous quittons bien vite, promesse d’une conversation qui suivra avec un peu plus de clarté, et je me dirige vers la cafétéria au bout du couloir. Un café plus tard, quelques regards et salutations échangés avec la poignée d’employés que je connais depuis par leur prénom, et je file maintenant vers la salle de jeu où Noah a passé une partie de la journée. Maria, son infirmière attitrée, a cru bon de le faire sortir un peu de sa chambre, de lui faire prendre l’air et rencontrer d’autres enfants, et en bonne mère poule que je suis en train de devenir, je compte les minutes depuis son départ pour aller l’arracher de cette salle et le garder seulement pour moi. M’enfin, je finis par m’approcher à pas délicats, ne voulant pas interrompre la scène que je vois se dessiner devant mes yeux. Noah était un petit garçon sociable et souriant, il avait su dès ses premières journées de classe se faire des amis presqu’automatiquement. Un trait typique d’Ezra qui me revient en tête alors que je le vois aider le petit homme qui se trouve à ses côtés, lui expliquer calmement le jeu, lui montrer comme s’en sortir en champion. Attendrie, je me rapproche tranquillement des deux nouveaux amis, contente de voir que Noah a su profiter de cette journée de sortie improvisée pour se faire un nouvel ami, et horrifiée d’avoir pu être celle qui l’aurait empêché de vivre ce petit bonheur tout simple. Une gorgée de café plus tard et je me surprends à pouffer en voyant les deux garçons échanger un éclat de rire, avant de dénoter une silhouette masculine se joindre à eux. J’imagine qu’il s’agit du père du petit bonhomme et à mon tour, je m’approche du tapis de jeu pour en apprendre un peu plus sur cet enfant qui semble être devenu le nouveau meilleur ami de Noah. La tête arquée, j’entends tout de même l’homme demander le nom de mon fils, et tout sourire, je réplique naturellement pour lui « Il s’appelle Noah. » la réaction qui suit est probablement tout sauf celle à laquelle je m’attendais, alors que mon nouvel interlocuteur lève les prunelles vers moi, au ralenti, lentement, trop lentement. « James… » je souffle, interdite, ouvrant de grands yeux devant la suite des choses. Il… je… mais… perdue dans ma surprise, je sens pourtant le regard de Noah qui cherche le mien, amusé. « Maman... tu fais encore ce truc, ne pas finir ta phrase. » je ris, jaune, très jaune, avant de passer une main dans mes cheveux pour me ressaisir, et déposer le gobelet de café sur la table près de nous. « Voulez-vous jouer avec nous? » qu’il renchérit, non pas à mon attention, mais à celle de l’inconnu, pas si inconnu que ça finalement. James Beauregard, le frère, l’ancien beau-frère surtout. Ses yeux croisent les miens et je tente de le supplier, du mieux que je peux, de ne pas faire de scène, de ne rien ajouter, de ne rien briser. Tant de secrets, tant de mensonges, tant de doute d’un coup et j’ignore ce qu’il sait, ce qu’il ne sait pas, par où commencer. J’y vais donc par le début. « Je crois qu’il est l’heure de la sieste Noah, tu ne penses pas? » dépitée, je tends mes deux bras vers mon fils, sachant très bien qu’il n’a pas sommeil, et qu’il souhaiterait rester ici encore un peu. Pourtant, je ne peux pas imaginer la suite des choses si James, lui et moi restons dans la même pièce. « Encore un peu, s'il-te-plaît! » qu’il implore, les yeux brillants, le plus jeune à ses côtés tirant sa manche pour attirer son attention quelques blocs plus loin. Je soupire, incapable de refuser, hochant lentement de la tête, conciliante. À mon tour, je dépose ma silhouette au sol, venant m’installer près d’eux, persuadée que de toute façon James ne voudra pas rester une seule minute de plus près de moi, sentant déjà ses traits se serrer devant tant de révélations d’un coup. Noah finit par dériver avec son ami vers la droite, nous laissant un peu d’espace pour régler nos comptes tout bas. « Si la suite pouvait se dérouler de façon civilisée, ce serait très apprécié. »
« Il s’appelle Noah. » La voix ne lui est pas inconnue – elle lui arrache même un léger frisson. Il n’a pas envie de relever le regard, pas envie de faire face et pourtant fini par planter ses yeux dans ceux d’un fantôme de son passé. Son sourire a disparu et tout once de bienveillance aussi, il sent son coeur se serrer un peu, comme le vieux souvenir d’une amitié qui a volé en éclat. « James… » Il prend son temps, se relève pour être à sa hauteur, qu’elle ne manque rien du mépris qu’elle peut lire dans ses yeux. « Ginny. » Le ton est sec, presque amer et sans plus aucune pointe de l’amitié qu’il lui a porté un jour - avant qu’elle ne fuit avec son neveux - qu’elle ne détruise son frère en n’étant faible et égoïste. « Maman... tu fais encore ce truc, ne pas finir ta phrase. Voulez-vous jouer avec nous? » Son regard se pose à nouveau sur le petite garçon qui s’adresse à lui et cette fois ça lui saute à la figure… C’est lui ! L’enfant d’Ezra, celui dont il a été privé, celui qu’il n’a pas vu grandir, cette petite frimousse est son neveu. Son rythme cardiaque s’accélère et il manque sans doute un bout de conversation entre Ginny est son fils. Il n’est plus attentif, serre les poings pour ne rien dire qui pourrait troubler ce petit bout qui n’a rien demandé. Il la savait en ville pourtant - se doutait qu’un jour il finirait bien par la croiser - par faire face à cette situation mais pourtant il ne s’est pas préparé. Ne sait pas cacher la rancoeur et la colère. Il est entier James, comme ça, il se présente presque nu avec ce côté rancunier qui lui a pourri la vie plus d’une fois. « Je crois qu’il est l’heure de la sieste Noah, tu ne penses pas? » Se reconcentrant finalement sur la conversation il comprend qu’elle veut partir - fuire encore comme une lâche. C’est ce qu’elle est de toute façon non ? Alors pourquoi en attendrait-il plus d’elle ? « Encore un peu, s'il-te-plaît! » Son regard noir retourne se poser sur Ginny alors qu’il articule à nouveau. « Oui Ginny, laisse les encore s’amuser un peu. » Il voit bien son regard suppliant et il ne lui fait rien, rien que d’attiser encore plus la colère qui gronde en lui. Lâche, elle est lâche et ça lui donne presque envie de vomir d’y repenser. Il regard ce gamin qu’il ne connaît pas, qui est pourtant de sa famille sans comprendre comment Ezra à pu laisser faire ça, comment il peut être si docile, presque idiot… Pour Ginny aujourd’hui, lui n’a plus que de la haine… Pourtant à une époque il l’appréciait, vraiment, il se disait même qu’un jour elle ferait partie de leur famille, qu’elle était la bonne pour son frère. Il n’aurait pas pu se tromper plus.
Quand elle prend place aux côtés de son fils il en fait de même avec Mathis, reste silencieux pendant quelques minutes. Pas pour lui faire plaisir mais parce qu’il ne veut pas mêler deux enfants innocents à cette histoire. Pourtant quand les enfants s’éloignent un peu il reste toujours muet, pas un mot, pas un regard vers elle. Il observe les petits avec attention, essaie presque d’oublier sa présence. Il n’a pas envie d’avoir cette conversation avec elle - pas aujourd’hui - jamais peut-être parce qu’il a déjà vécu une scène identique des mois auparavants quand son ex est elle aussi réapparue - qu’il sait ce que c’est que de tout jeter à la figure et de déverser sa haine et qu’il n’est pas sûr que ce jour là ça lui ait fait du bien - alors pourquoi avec Ginny les choses seraient différentes. Pourtant quand elle prend la parole il sent son sang froid le lâcher petit à petit. « Si la suite pouvait se dérouler de façon civilisée, ce serait très apprécié. » Il rit un peu, machinalement comme si elle venait de lui dire quelque chose de vraiment drôle, comme si elle blaguait parce que sincèrement pour dire ça elle aurait eu meilleur temps de se taire. « Je m’en moque bien de ce que tu apprécies ou pas Ginny. » Il tourne son regard vers elle, les lèvres scellées puis hochant un peu la tête repose les yeux sur Mathis pour retrouver le silence. Comme si elle avait perdu tout intérêt pour lui. Il n’est pas sûr que ce soit le cas, mais sait que, le jour où elle a quitté la ville avec Noah, elle a perdu le respect qu’il lui portait et sans ça elle n’est plus rien pour lui - qu’un silhouette floue qui revient troubler la vie de son frère. « Il est malade ? » Il garde le regard sur son neveu, sentant cette fois pourtant une nouvelle émotion le saisir, il connaît déjà la réponse à cette question, là su dès qu’il a posé le regard sur lui, bien avant qu’il ne connaisse son identité. « Je ne suis pas idiot, je sais bien que ce n’est pas l’endroit pour avoir une conversation de fond. » D’ailleurs il n’a pas haussé le ton et ne compte pas le faire. Il ne sait même pas ce qu’il aurait à lui dire au fond - lui n’est qu’un dommage collatérale rien de plus, pas le centre du problème. Cependant pour prononcer le reste de la phrase il tient à la regarder dans les yeux. « Mais saches que tu me répugnes ! Ce que tu as fait à Ezra il pourrait bien te le pardonner mais moi jamais, et si ce n’était pas pour son fils, j’aurais mis tout ce qui est en mon pouvoir pour t'éloigner de lui. » Noah était son bouclier d’une certaine façon parce qu’en tentant de repousser Ginny il craignait de la voir fuir à nouveau avec ce fils qu’Ezra avait enfin la possibilité de connaître. « Tu es poison pour lui… » Toujours le ton bas, toujours cette sécheresse amère pour lui parler. Il ne baisse pas le regard il veut qu’elle sache, qu’il assume, qu’il n’a pas peur de la haïr… Plus aujourd’hui. Elle est ce poison, celui qui a coulé dans les veines de son frère pendant des années en l'empêchant d’aller vraiment de l’avant et qui revient au pire moment… Celui qui finira par l’achever parce qu’elle n’est bonne qu’à ça et que sa lâcheté l’emportera à nouveau… Il ne croit pas à son repentir - n’est même pas sûr qu’elle est là pour ça d'ailleurs.
I don't wanna go there, we should never go there. You're hearing rumors about me and you can't handle the truth. He’s so close to my heart, I won't deny what they are saying. Most of it is fake, the rest of it is not about you. So please don't judge me and I won't judge you. Cause it could get ugly before it gets beautiful.
J’étais épuisée. Brûlée, vidée, lessivée. Si la nuit n’avait pas été si longue, si le sommeil n’avait pas été si dur à trouver, si la vie n’avait pas ce talent si subtil et si cynique de se moquer, probablement que j’aurais été plus apte à une nouvelle joute verbale avec l'un ou l'autre. James, Amelia, Ezra, Heidi, quiconque avait quelque chose en travers de la gorge et voulait que je rende des comptes aurait pu facilement trouver réponse et répit dans de meilleures conditions. Mais voilà. Mon corps me faisait souffrir, ma tête menaçait d’exploser, ma respiration se bloquait d’elle-même et mes prunelles brûlaient sans le moindre effort. Ça n’allait pas, tout en moi me le criait, et pourtant, il fallait encore que je passe en mode survie, il fallait encore que je justifie quelque chose, il fallait encore que je me plie devant les reproches, devant les remarques, devant l’acide d’un grand frère bafoué face aux horreurs que j’avais pu faire vivre à son pauvre benjamin. Non, je ne minimise en rien le geste et oui, j’en prenais amplement la faute, si ce n’était que nous étions deux, et maintenant trois dans l’histoire. Simplement compliquée, terriblement arrache-coeur, mais surtout la nôtre, notre merde, nos conneries, nos erreurs. L’idée d’un divorce germait de plus en plus, Camber travaillait doucement sur le dossier depuis le Nouvel An et tout en ses gestes me ramenait encore et toujours à mon centre, à Ezra, à Noah et à moi, et à personne d’autre. Tant de gens s’en étaient mêlé, tant d’histoires, de secrets, de gestes tout en manipulation avaient été posés que j’en avais assez, affreusement assez des mains étrangères, des oreilles indiscrètes, des avis non-nécessaires sur tout ce qui entourait cette histoire. Pourtant, semblerait-il que je n’avais pas reçu par la tête tout ce qui avait été accumulé durant les 6 dernières années - et que James en bon chevalier servant se réservait le coup final, le dernier clou, le poignard enfoncé en me regardant bien à travers les iris. Chaque mot qu’il articule, chaque inspiration qu’il prend, tout dans ses gestes, ses paroles me signifie l’orage, la tempête, le tsunami qu’il prépare. Alors je m’installe doucement au sol, j’anticipe en soupirant faiblement, je rassemble le peu de forces qu’il me reste pour lever la tête dans sa direction, lever les armes, le bouclier surtout. Pourtant, les rires de Noah, les babillages d’un gamin qui me semble fortement être relié à James lui-même, la légèreté de leurs échanges et leur douce innocence me terrasse d’un coup. Seigneur, faite qu’il reste décent dans ses propos, qu’il ne laisse pas la rage parler, qu’il supprime au possible cette agressivité que je sens transparaître de tous les pores de sa peau le temps que nous ne sommes pas seuls. Devant moi et seulement moi, je me contrefiche de la violence qu’il peut me cracher avec ardeur - devant mon fils, et par le sang son neveu, je ne le tolérerai tout simplement pas. Je l’exige même, lui glissant la requête qui déclenche le tout, lui qui profite de cette accroche pour frapper à son tour, vil, cruel, amer. Son rire, ce rire, cette méchanceté que je remarque sans le moindre effort, comme s’il avait attendu ce moment pour déferler sur moi tout ce qu’il avait gardé à l'intérieur, son venin. La suite m’effraie, autant qu’elle m’anime. Vas-y, frappe, montre-moi à quel point j’ai détruit la vie de tout le monde et comment je m’en suis si bien sortie moi-même par la suite. L’attitude que je sens vibrer à travers mon corps, dans mes veines, dans mon sang me fait frissonner d’effroi, comme si je ne me reconnaissais plus. Hélas, cela faisait bien longtemps que j’avais eu le moindre comportement logique. La moindre douceur, devant l’agressivité pure. En période de crise, on s’adapte semblerait-il. Puis son attention dévie, évidemment la logique reprend le dessus et il calcule le reste, curieux. Il déduit, surtout. « Oui. » réponse logique, maladie dévastatrice, mes paroles précédentes ont reçu telle réaction de sa part que je ne m’aventure pas à plus, presque terrorisée de ce que je pourrai lui envoyer s’il s’emportait de nouveau. Le silence, le calme, l’écoute suffiront pour contrôler mes poings qui se serrent, ma mâchoire qui se contracte. Tenir la rage assez longtemps, calmer cette chaleur qui brûle de l’intérieur, instinct défensif, agressif, maternel, primal. James a complètement détourné son regard, détaillant Noah dans toute sa candeur d’enfant, le suivant de la tête alors qu’il se faufile tout autour à la recherche de pièces manquantes, de jouets qui pourraient augmenter un peu plus leur moment à deux. Évidemment, je remarque quelques traits, les yeux, les cheveux, les mains - ressemblances infimes que seul un parent pourrait déceler, qui rend les deux garçons un peu plus similaires, attachés, adorables. Jusqu’à ce que le jeune homme revienne au programme principal, faisant écho à ma respiration qui doucement s’était adoucie. Le début de l’échange me semble respectueux, décent. Je ne lui avait prêté aucune mauvaise intention, seulement j’avais su cerner dans son expression à mon arrivée l’envie brusque de mettre cartes sur table. Cartes qu’il finit par faire exploser, chassant tout ce qu’il avait pu apporter comme amende honorable quelques minutes plus tôt. Voilà que je le répugne, que je le dégoûte, que je ne suis rien, rien de mieux qu’un vulgaire poison, à la base de tout ce qui a pu détruire Ezra, cause de la conséquence, dommage collatéral par défaut. Aucune surprise ici, rien de nouveau, rien de déstabilisant, rien que je n’aurais pu entendre de ceux et celles qui ne connaissent qu’un côté de l’histoire, qui n’ont rien vu, rien su, rien entendu. Je commence à peine à y voir clair après quelques semaines de recherches à travers ce contrat de mariage signé de la main de mes parents et qui me semble de plus en plus louche, et voilà que James se targue d’être juge de tout, juge de pardon, de pouvoir, de tout ce qui reste. Alors que l’impulsion du moment m’hurle de lui dire de se mêler de ce qui le regarde, d’aller au fond de l’histoire des deux côtés et pas seulement du mien, je sens que peu importe la finalité de mes paroles, il ne voudrait rien entendre. Vaut mieux y aller dans son sens, à lui. Même violence, même agression, même arrogance. Voix douce, murmures, contact visuel qui ne se perd pas pour autant. « C’est bon. Avis reçu et enregistré. » il semble surpris, comme s’il s’attendait à ce que j’hausse, à ce que je morde. Ce qui viendra, en temps et lieu. Son silence s’agence au mien, qui se complète d’un « Qu’est-ce que tu voudrais que je te réponde honnêtement, James? » je sais pertinemment que chacun de mes mots ne vaudra jamais rien à ses oreilles de toute façon. « Que j’ai passé les 6 dernières années à vivre dans le bonheur, dans le luxe, dans l’opulence? Que je n’ai pas pensé à lui une seule fois, que je n’ai pas imaginé ce qu’aurait été ma vie, notre vie, s’il en avait fait partie comme il aurait dû? Que je me suis réjouis de mentir à un gamin qui n’a jamais rien mérité de la sorte? » je ne m’emporte pas, je reste posée, calme, dangereusement calme. Il n’a pas à savoir toutes les nuits d’horreur, les regrets, les crises, la panique, l’entièreté d’une vie, d’une certitude que l’on s'est fait voler pour avoir cru que tout se passerait autrement. Il n’a pas besoin de savoir et surtout, il ne veut pas. « Rien de ce que je pourrai dire ou faire ne changera ta façon de voir les choses, alors à quoi bon? » Voilà que je le laisse gagner, par dépit. Mon énergie n’a pas à aller dans sa direction quand c'est le petit ange au coin de la pièce qui a besoin de tout ce qu’il me reste.
Il est partagé entre l’envie de l’ignorer et celle de jeter son venin , de dire ce qu’il pense. Ses yeux se posent sur ce petit garçon , son neveu, malade, affaibli, il sent un élan d'amour le saisir, quelque chose presque d'animal qui le prend aux trips. Pour James la famille c'est tout - ce qu’il y a de plus cher à ses yeux, sa raison de vivre, de se lever tous les matins, d’aller de l’avant même quand les choses vont mal, même quand lui a mal au plus profond de son être. Et ce petit garçon fait parti de sa famille, peut-être que ce n’est pas son combat aux yeux des autres, mais ils se trompent et James se moque bien qu’il ne soit que son neveu et pas son fils, si Ezra ne veut pas mener le combat lui le fera, quand il s’agit de sa famille c’est une rage sans nom qui le tient. « Oui. » Le mot est meurtrier et pourtant attendu, c’est l'évidence.. « Qu’est ce qu’il a ? » Elle ne répondra peut-être pas et pourtant il se sent le droit de savoir, de comprendre. Trop longtemps ils ont été privés de contact avec ce petit. Évidemment il pense à son frère, est-ce qu’il le sait ? Est-ce qu’il a rencontré son fils ? Ezra est resté réservé face à cette histoire, peut-être trop, peut-être au point de garder les choses pour lui et de ne pas en parler à sa famille. Alors James pense même à poser la question l’espace d’un instant mais se ravise, pas prêt à rouler sur les plats de bandes d’Ezra pour autant, à s’initier dans une équation qui ne le concerne vraiment pas pour le coup. Il reste même silencieux un instant, quelques secondes peut être quelques minutes à regarder les enfants jouer avant de lâcher pour finir, de lui livrer ce qu’il a sur le coeur - ce qu’il pense d’elle aujourd’hui et qui contraste avec l’amitié qui les a lié à une époque - une époque qui semble si lointaine aujourd’hui. « C’est bon. Avis reçu et enregistré. » Il ne s’attendait pas à cette réponse mais s’en accommode, ne lache pas le regard de la brune pour qu’elle ne croit pas qu’il faiblit, parce que ça n’est pas le cas et et que la colère qui gronde en lui est toujours aussi intense. « Qu’est-ce que tu voudrais que je te réponde honnêtement, James? ». « Rien. » Le ton est froid et dur, il n’attend plus rien d’elle et ce depuis de longues années maintenant. Il n’est pas plus que ça disposé à l’entendre non plus. « Que j’ai passé les 6 dernières années à vivre dans le bonheur, dans le luxe, dans l’opulence? Que je n’ai pas pensé à lui une seule fois, que je n’ai pas imaginé ce qu’aurait été ma vie, notre vie, s’il en avait fait partie comme il aurait dû? Que je me suis réjouis de mentir à un gamin qui n’a jamais rien mérité de la sorte? » Il se moque bien de ses mots là, mais elle le sait aussi bien que lui et ajoute même. « Rien de ce que je pourrai dire ou faire ne changera ta façon de voir les choses, alors à quoi bon? » Ni son regard ni son attitude n’ont changé en entendant les paroles de Ginny.. « Tu as raison ça ne changera rien. » Parce qu’il se moque de ses explications à deux balles et de ses remords - lui voit les faits, lui voit ce que son départ à eu comme impact, la bombe qu’elle a lancé en éloignant Ezra de son fils et en revenant aujourd'hui comme une fleur.. « Ca ne changera pas le mal que tu as fait la décision que tu as prise, peu importe les excuses que tu pourras trouver. » la pression ? la peur ? Il s’en moque rien ne justifie pour lui de priver un père de son enfant, sans même le prévenir, sans daigner prendre une fois le téléphone pour l'appeler pour en parler. .« Ca n'enlèvera rien à ta lâcheté. » C’est un attitude de lâche, comme l’a été celle de son frère quand il a accepté cette situation sans rien n’y faire, mais ça c’est encore une autre histoire.
I don't wanna go there, we should never go there. You're hearing rumors about me and you can't handle the truth. He’s so close to my heart, I won't deny what they are saying. Most of it is fake, the rest of it is not about you. So please don't judge me and I won't judge you. Cause it could get ugly before it gets beautiful.
De suite, je comprends qu’Ezra ne lui a rien dit. Pourtant, je n’ai pas besoin de connaître ses raisons, son pourquoi, ses motifs. Il est quelqu’un à part entière, il a sûrement pesé le pour et le contre, et même s’il ne l’a pas fait, la décision de ne pas partager une telle information avec son frère ne me regarde pas, ne me regarde plus. Loin de moi l’idée de lui mettre sous le nez qu’au lieu de s’attaquer à moi et à mes propres problèmes de haut de ses constatations que j’ai déjà entendues maintes et maintes fois de la bouche d’Ezra, de celle d’Amelia, de celle de quiconque se mêle de trop, trop près, il aurait dû aller à la racine et interroger son benjamin. Pas besoin d’aller dans les détails, pas besoin de l’exclure encore plus, il trouvera sans moi de toute façon. J’abdique donc, de bonne foi, le regard toujours scellé à la petite silhouette que je vois tendre jouet sur jouet à ce cousin qu’il ignore. Mon coeur se scie lorsque les mots effleurent mes lèvres, comme à chaque fois, comme depuis la première fois. « Polykystose rénale. Ses reins sont déficients, il est incapable de filtrer son sang tout seul. » par chance, je savais que je n’aurais pas droit à de la pitié de la part de James. La hargne, la rage qu’il entretenait pour moi transparaîtraient toujours dans ses expressions en ma direction, et cela suffirait à chasser toute once de miséricorde dont il pourrait me couvrir s’il n’y avait pas tout ce vécu qui siégeait entre nous deux. De toute façon, j’ignorais comment je me porterais si j’avais en plus à gérer sa pseudo-charité mal placée. Toutefois, je me garde de lui révéler tout le reste, à savoir les tests que son frère a pu passer, et surtout les résultats qui avaient assombri de beaucoup le Nouvel An dernier. Cette facette trouverait sa place lorsqu’Ezra le déciderait, et pour ma part, j’avais répondu suffisant clairement aux questions de James pour espérer le voir me laisser tranquille, nous laisser tranquille, avant qu’il en soit trop tard et que Noah fasse le calcul que je craignais depuis notre retour. Évidemment, mes espoirs furent vite balayés du revers lorsqu’il lança ses premières attaques, paroles acides auxquelles je m’attendais dès que j’avais réalisé qu’il se trouvait là, en chair et en os, en mépris et en arrogance. Soit, je trouvai donc réponse à ses accusations, complètement fondées, mais tout sauf nécessaires. S’il croyait que je n’avais pas eu les mêmes raisonnements, s’il pensait qu’il était le premier à me dire ces choses, réflexions que je m’assènais moi-même encore et encore, jour et nuit, il se trompait et de bien loin. Je tentai de mon mieux de le lui démontrer, sachant pertinmment que peu importe ce que je pouvais ajouter, justifier ou promettre, il n’en voudrait pas, il n’y croirait pas. Mon énergie suffirait à se délayer aux bons endroits dans ce cas, là où mon fils en aurait besoin, et non un vestige d’un passé qui a attendu plus de 6 ans avant de me déverser son venim comme ultime revanche. S’il en avait tant sur le coeur, si je l’avais tant déçu, c’était bien sans l’avoir voulu. Jamais je n’aurais cru que cette histoire, que notre histoire toucherait autant de gens, des amis aux connaissances. Encore aujourd’hui et probablemment pour toujours, il n’y avait eu qu’Ezra, Noah et moi de mêlés à tout cela, et même si les quelques bribes qui commençaient à émerger des procédures de divorce me soufflait que plusieurs choses étaient fausses, manigancées, trop étranges pour être coïncidences, à mon sens le noyau de l’affaire ne consistait qu’à nous trois et personne d’autre. Je m’étais trompée royalement lorsque mon retour avait semé tant de raz-de-marrées, tant de jugements, tant d’avis de l’un et de l’autre, préférant pointer du doigt et vivre sur le passé des uns plutôt que de voir le futur des autres. Alors je me lasse, je me dévoue, je me dédis à clore la chose, à lui offrir une porte de sortie, à conclure sur une note inévitable, celle que rien ni personne ne peut changer quoi que ce soit aux erreurs qui ont été commises. À ce stade-ci, ça n’en a tout simplement plus aucune importance. Voilà qu’il consent lui aussi, et déjà, je sens le progrès. Peut-être quittera-il même avec son fils vers d’autres lieux, histoire de me laisser reprendre toute seule le flot de mes tribulations négatives pour le reste de la journée. À voir. Son silence fait pourtant place à de nouvelles idées, plus brusques, plus agressives encore. Et s’il n’hésite pas une seule seconde à refiler tout le blame possible du monde sur mes épaules, c’est cette lâcheté dont il me tagge que je retiens, retenant un sourire amer, débilisant. S’il croyait que j’allais tomber dans son plan, s’il pensait que j’allais mettre la faute sur Ezra qui n’avait pas bronché, qui n’avait pas téléphoné lui non plus, il se trompait. Oui, Noah s’était fait à deux - mais jamais je n’oserais régler mes comptes concernant ce Beauregard que j’avais aimé de toutes mes forces et plus encore avec son frère plus hargneux encore qu’il m’ait été donné de voir. Jamais. « James, je n’ai aucune excuse, aucune défaite. Les faits sont là, je suis partie. Je crois que tu en as clairement fait le tour. » mais la lâcheté? J’en avais fait un wake up call plutôt abrupte le jour où j’avais voulu tout laisser tomber, dans cette salle de bain trop immaculée qui se refermait sur ma conscience. Mais depuis, s’il y avait bien une chose que j’avais tenté de faire de mon mieux, c’était être là pour Noah. Tout mettre en mon pouvoir pour le choyer, pour lui donner l’amour et l’estime dont il aurait besoin, à tous les stades de sa vie, aussi difficile était-elle en ce moment. « Si j’avais été si lâche, je l’aurais laissé ici. Je l’aurais fait adopter. J’aurais arrêté la grossesse dès le départ. » ce qui n’était pas le cas. Oui, j’avais suivi mes parents, et oui, j’avais quitté le pays pour y trouver une vie meilleure - à ce qu’on m’avait promis - en Angleterre. Encore restait-il que chaque nuit, chaque jour, j’avais donné tout ce que je pouvais pour supporter ce gamin, cette prunelle pour laquelle mon coeur battait toujours un peu plus fort. « Je suis partie parce qu’il n’y avait pas de place pour nous ici. Pour lui. » Matt l’avait très clairement expliqué : lors de l’annonce, Ezra avait été catégorique et refusait d’entendre parler de cet enfant qu’il voyait comme la plus grosse erreur de nos courtes vies. Et il était hors de question pour moi de l’abandonner. Alors, pourquoi ne pas le dire ainsi, à James? Parce qu’encore une fois, il irait voir le principal intéressé s’il en voulait plus. J’en convenais qu’il en savait déjà trop pour couronner ses intentions si mauvaises à notre, à mon égard. Noah éclate de rire devant le geste brusque de son nouvel ami, et me force à changer de focus, à détailler leur scène plutôt que la nôtre, pathétique et sans issue, malheureusement. « Je sais que tu n’approuveras jamais rien de ce que j’ai pu faire ou dire, et je ne te le demande absolument pas. » il pouvait bien penser ce qu’il voulait, ça n’avait plus d’importance. « Mais un jour, quand il ira mieux, qu’il sera soigné et stable... il saura. Et ce jour-là, j’espère que tu ne le punieras pas pour mes erreurs, et que tu verras plus loin que ça avec lui. » mes iris suivent toujours les aléas de Noah entouré de babioles, alors qu’il aide une énième fois son partenaire de jeu. Il était ma plus grande fierté, et même si son arrivée avait réussi à tout chambouler dans ma vie, dans celle d’Ezra, et dans celle de la moitié de la population de Brisbane aux dernières nouvelles, restait-il que je l’aimerais toujours d’un amour absolument inconditionnel.
Il ne peut décrocher son regard de la petite tête blonde. Bouleversé par l’information qui vient de lui être révélé. Il le rencontre enfin, ce neveux dont ils ont tous été privé, il est devant lui et il est malade. C’est n’est pas pour Ginny qui ressent la moindre tristesse mais bien pour ce petit bout. « Polykystose rénale. Ses reins sont déficients, il est incapable de filtrer son sang tout seul. » Il n’a jamais entendu parlé de cette maladie mais comprendre le concept. Ne pose pas plus de questions même si plusieurs lui viennent en tête. Il n’a vraiment aucune envie de parler avec elle. « Ezra le sait ? » C’est tout ce qu’il se permet de demander. C’est avec son frère qu’il veut en discuter , à lui qu’il a besoin de parler mais aussi de lui dire qu’il est un soutien, qu’il le sera toujours pour son cadet. Avant ça, évidemment, il doit s’assurer qu’il est au courant, qu’elle n’a pas fait un secret de cette maladie en revenant. Il n’est pas sans savoir que son frère et la brune se sont revus mais n’a pas beaucoup plus d’informations. « James, je n’ai aucune excuse, aucune défaite. Les faits sont là, je suis partie. Je crois que tu en as clairement fait le tour. » Et il n’avait pas en tête d’aller plus loin. Il n’était pas hargneux au point de la suivre pour l’enfoncer mais avait eu ce besoin de lui dire que jamais elle ne pourrait retrouver sa confiance. Ezra était de ses hommes trop gentils - de ceux qui pardonnent avec bien plus de facilité. Il n’avait pas cette capacité - pas quand la trahison avait privé son frère et tout le reste de sa famille d’un membre qui aurait dû faire partie à part entière des Beauregard. « Si j’avais été si lâche, je l’aurais laissé ici. Je l’aurais fait adopter. J’aurais arrêté la grossesse dès le départ. » Encore une fois il secoue la tête de droit à gauche, trouvant son argumentaire plus que stupide, une défense qui n’avait pas lieu d’être pour lui. « Parce que tu crois qu’abandonner ton fils aurait été plus simple ? » Ca n’a pas de sens pour lui. Dans tous les cas, cette lâcheté dont il l’accuse c’est celle dont elle a fait preuve en quittant le pays, en étant incapable à prendre la bonne décision quand elle avait à être prise. « Je suis partie parce qu’il n’y avait pas de place pour nous ici. Pour lui. » « Quoi ? » Cette fois il hausse un peu le ton, se reprenant pourtant vite quand les regards des deux garçon se posent sur lui, il leur fait un sourire qui se veut bienveillant en cachant le trouble qui le prend d’un coup. « Ne te cherche pas des fausses excuses Ginny on sait tout les deux que ce que tu viens de dire est idiot. » Ezra n’était pas homme à l’abandonner, à la faire fuir de sa vie. Et même si il avait eu de la peine à accepter cette nouvelle, ça ne lui donnait pas le droit de fuir au plus loin de lui avec son fils. « Est-ce que tu peux seulement imaginer ce que ça t’aurait fait si la situation avait été inversée ? » Si lui avait fuit avec cet enfant qui est le sien sans ne plus donner de nouvelles ?
Le rire de Noah avait d’un coup induit un silence entre eux, les deux parents regardant les enfants jouer, deux cousins ensemble même s'ils ne le savaient pas encore. « Je sais que tu n’approuveras jamais rien de ce que j’ai pu faire ou dire, et je ne te le demande absolument pas. » Au moins elle semblait avoir compris le message, c’était tout ce qu’il demandait. Elle n’avait de toute évidence pas plus envie que lui de parler. Il ne restait rien de l’amitié qui les avait lié à cet instant, rien que de la rancoeur et de l'incompréhension. « Mais un jour, quand il ira mieux, qu’il sera soigné et stable... il saura. » Qu’est ce qu’il était supposé comprendre ? Que son fils ne savait rien à propos de son père ? « Et ce jour-là, j’espère que tu ne le punieras pas pour mes erreurs, et que tu verras plus loin que ça avec lui. » Secouant la tête un peu agacé une nouvelle fois, il avait détourné le regard pour le poser sur elle alors qu’elle continuait de fixer les enfants. « Jamais je ne punirai ton fils pour tes erreurs… Je sais faire la part de chose. » Cette fois c’était une certitude, il n’avait aucune hargne contre le petite garçon, bien au contraire avait envie de le connaître, tout en comprenant que pour le moment c’était quelque chose de compliqué. « C’est mon neveu… Et j’ai toujours voulu le connaître. » Il l’observait maintenant attendant de voir sa réaction. Elle lui avait bien fait comprendre que ce n’était pas pour tout de suite, et si il ne lui faisait plus confiance, il l’a jugeait quand même la mieux placée pour savoir ce qui était bon pour son fils. Si elle lui avait caché la vérité pendant des années et que sa santé était fragile ce n’était effectivement, peut-être pas le meilleur moment pour le confronter à toute une nouvelle famille, surtout que les Beauregard étaient plutôt nombreux dans leur genre.
I don't wanna go there, we should never go there. You're hearing rumors about me and you can't handle the truth. He’s so close to my heart, I won't deny what they are saying. Most of it is fake, the rest of it is not about you. So please don't judge me and I won't judge you. Cause it could get ugly before it gets beautiful.
Je ne lui en voudrai jamais d’être là pour Ezra. Il était hargneux, noir, acide, il le faisait dans le simple but de dire ce que son frère ne me dirait probablement jamais, de me faire vivre ce que son frère aurait dû me faire vivre depuis bien longtemps. Mais James n’était pas Ezra, et Ezra n’était pas James. Si à une certaine époque une amitié s’était dessinée entre nous, j’en comprends que la situation a noyé le reste dans l’oeuf, mais je tiens tout de même à clarifier certains côtés, certains volets, la tête restant plus vive que le coeur, me promettant de laisser à Ezra la liberté de lui partager ce que lui-même voulait lui livrer comme nouvelle. La ligne est fine entre en donner trop et pas assez, et malgré la place qu’il semble prendre ici, cette histoire ne l’a jamais plus concernée que par alliance. Si Ezra n’en a dit mot à James, c’est qu’il a ses propres raisons, et je n’ai pas du tout l’envie ni la force d’être celle qui déballera le reste, nouvelle trahison au passage. Alors je reste simple, concise, claire, et juste. « Oui, il sait. Il sait tout, depuis que j’ai posé le pied à Brisbane, il était hors de question que je lui cache quoi que ce soit. » même si à certains moments j’aurais dû le tenir à l’écart pour cause de coeur brisé, même si à certains moments il a fallu que je lui en dévoile trop, trop vite, à savoir la maladie et le besoin d’un don, l’honnêteté aussi difficile soit-elle était vitale entre le Beauregard et moi. Je ne saurai que trop tard qu’il restait encore plusieurs zones d’ombre de chacun de nos côtés, mais pour le moment, j’osais croire que depuis que nous avions posé le pied sur le continent australien, chaque nouvelle rencontre avec le véritable père de mon fils s’était faite sans la moindre retenue, sans la trace d’un secret. Et évidemment, je souhaitais de toutes mes forces qu’il aille à la source pour connaître le reste, pour supporter son frère surtout, pour user d’une meilleure façon de toute l’énergie qu’il mettait actuellement à me haïr. C’était peut-être utopique de croire que la suite se ferait sans heurts, alors que je lui définis ma propre adaptation de lâcheté, mais il rattrape mes mots au compte-goutte, la mine dubitative, renfrognée. S’il croyait que cette impression d’avoir bousillé la vie de son frère, de lui avoir lancé à la gueule un ultimatum sans le faire, de lui avoir imposé un enfant dont il ne voulait pas était idiot aux yeux de James, c’était qu’en effet, peu n’avait été dit sur cette fameuse conversation que Matt avait eue avec Ezra. Et je secoue la tête, faisant écho à son jugement qui est tout sauf fondé. Il ne se base que sur l’extérieur, il ne se base que sur l’état de son frère après mon départ, il ne se base que sur les dommages collatéraux et non le reste, le pourquoi, la raison. Il ne se base pas sur le refus catégorique que j’ai reçu de la part d'Ezra. Il ignore que oui, réellement, la situation a été inversée et qu’Ezra a dégagé avant même que je puisse réagir. « Il y a tellement de trucs que tu ignores de tout ça James… en vrai, je ne pourrai jamais changer ce que tu penses, mais pour le reste, je crois qu’il y a plusieurs interrogations que tu devrais régler avec Ezra plutôt qu’avec moi. À commencer par ce qui s’est passé, vraiment, lorsqu’il a su. » je me tais, parce qu’il n’y a rien d’autre à dire. J’ai depuis longtemps accepté, pardonné même, si je peux le dire ainsi. Et je m’en voudrais toute ma vie de salir cet homme que j’avais aimé de tout mon coeur comme s’il était le seul et l’unique, alors qu’à l’époque il avait eu peur. Quoi qu’il en soit, lorsqu’on ne sait pas tout, lorsqu’on ne connaît pas les deux côtés de la médaille, on ne se prononce pas. Mais cette réflexion me semble bien loin de celle qui trotte dans la tête de James, alors que son regard m’évite pour se poser sur Noah. Noah qui je crains être rejeté par lui, par les autres, lorsqu’il saura enfin toute l’histoire. Au moins, un acte de maturité plus tard me confirme que James ne gardera sa rage que pour moi, uniquement pour moi, et cela me convient amplement. Je pouvais gérer, pas mon fils. Ça serait beaucoup trop injuste pour son petit coeur. Mes erreurs, comme il le dit si bien, me regardent moi et moi seule, et elles me hanteront probablement tout le reste de ma vie, alors que la vie de Noah, qui ne tenait qu’à un fil, devait à mon sens être pavée du plus beau, du plus doux que le monde avait à lui offrir. « Merci. » il m’apparaît logique de lui confirmer qu’en effet, pour le moment, Noah continue de vivre dans l'ignorance, quoi qu’il doit bien se douter que quelque chose se trame, que quelque chose risque de lui être annoncé, à grands coups de longs silences et de regards à la dérobée. « Mon plus grand regret restera de lui avoir menti, à lui. » que je constate, tout bas, m’assurant que James n’entende que s’il le veut vraiment, en tendant l’oreille d’un peu plus près. « Il me tarde qu’il sache tout, mais je sais que ça détruirait le peu d’équilibre qu’il arrive à trouver depuis que nous sommes ici, alors on attend, de force. » ce serait mentir que de lui dire que je voulais continuer à garder Ezra loin de Noah. Ironique après ma fameuse fuite, ironique après avoir mis cette distance, qu’il avait demandée certes, mais distance tout de même entre nous. « Il me fait penser à vous, si tu savais… il a les yeux d’Ezra, il a le même caractère que toi, parfois… et le sourire de Kate. » je soupire, nostalgique de l’avant, mais surtout de l’après. « Je… je dois aller terminer un truc avec son infirmière. » silence, j’ignore si je lui en demande trop, ou pas assez. « Si je repasse dans 15 minutes pour le ramener dans sa chambre, il y a des chances que tu ne l’ai pas monté contre moi, ou c’est mort? » faisant confiance à son jugement, je me dis que quelques minutes à deux, à trois, à se connaître justement, à s’apprivoiser même dans le secret, ça restera toujours mieux que rien. Qu’il considère le tout comme un premier pas vers la rédemption, alors que de mon côté et probablement du sien, nous ne sommes assurément pas prêts à plus.
Il n’est pas idiot au point de croire que les mots vont changer quelque chose, il sait bien aussi que la seule personne vraiment légitime pour les dire c’est Ezra, mais qu’il ne les dira pas. Que quelque part il trouvera lui le moyen de passer au dessus de ce que James lui, ne peut supporter. Alors il se moque qu’elle le pense intrusif ou déplacé, il parle, comme il l’aurait fait pour son propre fils, comme il le ferait pour chaque membre de sa famille, parce que : Que Ginny le veuille ou non son fils est de la famille de James, et que ce n’est pas rien pour lui, au contraire c’est l’essentiel, la seule chose qui compte encore. « Oui, il sait. Il sait tout, depuis que j’ai posé le pied à Brisbane, il était hors de question que je lui cache quoi que ce soit. » Elle a au moins ça pour elle, un point positif, une raison pour laquelle il ne pourra pas la houspiller plus. Elle a déjà fait bien assez de dégât sans en remettre une couche. Et l’information l’arrange, comme ça il n’a pas besoin d’en demander plus, de continuer à lui parler à elle, il ira parler à son frère. De toute façon il devient évident qu’il va devoir en parler avec Ezra, essayer aussi d’apporter son soutien comme il le peut. « Il y a tellement de trucs que tu ignores de tout ça James… en vrai, je ne pourrai jamais changer ce que tu penses, mais pour le reste, je crois qu’il y a plusieurs interrogations que tu devrais régler avec Ezra plutôt qu’avec moi. À commencer par ce qui s’est passé, vraiment, lorsqu’il a su. » Il n’est pas sûr de savoir ce qu’elle tente de faire exactement, mais pour lui il est claire qu’il sait déjà tout ce qu’il a besoin de savoir. « Ca ne changera pas ce que je pense de ta fuite. » Ca il en a la certitude, et même si il ne le dit pas à Ginny, il n’est pas assez naïf pour penser que tout ça n’est que la faute de Ginny, il se doute que son frère à ses tort, qu’il ne s’est de toute façon pas battu assez fort - qu’il a baissé les bras là où James ne l’aurait jamais accepté à sa place. Cependant si il a une certitude c’est que jamais il ne fera payer cette situation à un petit garçon qui n’a rien demandé. « Merci. » Il ne le fait pas pour elle, ne veut pas de ses remerciements, mais ne dit rien de plus, conscient qu’il a déjà bien assez parlé et que les choses sont claires entre eux. « Mon plus grand regret restera de lui avoir menti, à lui. » Il n’est pas sûr qu’elle parle pour lui tant son ton et bas et ne fait aucun commentaire. Évidemment sa première réaction serait de lui dire qu’elle n’avait qu’à pas le faire - mais il est bien placé pour savoir que parfois les choses ne sont pas si simples avec les enfants… Que lui aussi s’apprête à mentir à Mathis sur le sort de sa mère. « Il me tarde qu’il sache tout, mais je sais que ça détruirait le peu d’équilibre qu’il arrive à trouver depuis que nous sommes ici, alors on attend, de force. » Il hoche la tête. « Tu as raison… C’est lui le plus important. » Son bien être physique et psychologique et il sait que protéger son enfant est la priorité et ça il le respect. « Il me fait penser à vous, si tu savais… il a les yeux d’Ezra, il a le même caractère que toi, parfois… et le sourire de Kate. » Il a beau sentir la colère gronder au fond de lui, son coeur se serre en entendant ses mots et son regard se pose sur le sol sans trop savoir quoi dire. « J’aimerais apprendre à la connaître… » Il le confie quand même - prêt à mettre son poing dans sa poche pour un moment. « Je… je dois aller terminer un truc avec son infirmière. » Est-ce que c’est un manière de l’y inviter ? Il n’est pas sûr. « Si je repasse dans 15 minutes pour le ramener dans sa chambre, il y a des chances que tu ne l’ai pas monté contre moi, ou c’est mort? » Il soupire un peu en relevant un regard vers elle. « Je te l’ai dit Ginny, je ne le mêlerais pas à ça. Ce n’est qu’un enfant. » Et Ginny est sa mère, son seul vrai parent, il a besoin d’elle, besoin de voir cette relation entre eux protégée, jamais il n'ira s’initier là au milieu. Apparemment satisfaite par sa réponse elle se lève pour le laisser alors que lui se rapproche des deux garçons. Ils jouent un peu avec eux, parle peu, regarde Noah d’un oeil attendri, peut-être trop intrusif mais ça ne semble pas gêner le petit garçon qui s’amuse avec Mathis en l’aidant. Il voit ses ressemblances dont Ginny parle, reconnaît un membre de sa famille mais ne dit rien et Ginny revient quelques minutes plus tard, les rejoignant toujours dans le silence. Il n’y a plus de mots entre eux, jusqu’à ce que la voix d’une infirmière se fasse entendre. « Mathis Beauregard ? » C’est leur tour, rapidement son fils dit au revoir et il l’attrape sous le bras, un dernier regard à Ginny un peu entremêlé dans ses émotions. « Bonne journée. » Son véritable dernier regard va pour son neveu à qui il fait un petit signe de main avant de suivre l’infirmière pour aller faire vacciner son fils.