Je n’aime pas ça, non je n’aime vraiment pas ça et pourtant je le sais c’est le seul moyen. Confronter Erin, ne plus lui laisser le choix de se voiler la face, de ne pas croire. C’est ce qu’elle a fait avec moi - en me disant que je n’avais pas de preuve - que William ne lui ferait jamais ça, qu’elle le connaît mieux - mieux que moi, mieux que ses mensonges que j’étais assez idiot pour croire. Elle pense qu’ils en ont après son argent - un peu comme moi les premières secondes après la révélation, mais ce n’est pas le cas, aujourd’hui je le sais. C’est uniquement une famille aussi trahie et brisée que la nôtre. Un famille dont William c’est moqué sans aucune gêne en vivant cette double vie, en était un père minable pour tous les enfants qu’il a fait avec de multiples femmes - peut-être y en a-il d’ailleurs d’autre. Est-ce que je m’en étonnerais ? Sans doute pas, plus venant de lui… Alors j’ai contacté Kael et Kara, je leur ai demandé leur aide une nouvelle fois, et me voilà aujourd’hui ici, la boule au ventre à taper du pied avec angoisse alors que je les attends devant le bureau de mon père. Je regarde ma montre toute les deux minutes en me demandant ce que je vais faire si ils ne viennent pas ? Aller à ce déjeuner en famille que j’ai prétendu vouloir avoir avec mon père et Erin. Rien que ça - je me demande comment mon père peut ne pas se poser des questions - on n’a plus fait ça depuis des années, depuis bien avant la mort de ma soeur. Je relève le regard et les voilà, les jumeaux qui arrivent. Un sourire rassuré se dessin sur mon visage alors que je me dirige vers eux. « Salut. » Je ne peux pas cacher le léger stresse qui me prend. « Merci encore, d’être venus. » J’imagine que ce n’est pas beaucoup plus simple pour eux. Même si ils veulent faire payer mon père je doute qu’ils soient enchantés de se retrouver mêler à nos histoires. D’ailleurs s’ils avaient pu l’éviter, je suis sûr qu’ils seraient bien sagement resté chez eux. Mais ils sont là. « Erin devrait arriver dans quelques minutes, on peut déjà monter si ça vous va ? » Après avoir eu leur accord nous montons tous trois je salue la réceptionniste que je connais bien. « Elio, vous venez voir votre père ? » Je hoche la tête en tentant de cacher mon stress pour être le plus naturel possible. « Oui nous déjeunons ensemble aujourd’hui. » Je la vois jeter un regard un peu interrogateur à Kael et Kara. « C’est… De la famille. » Un léger regard vers eux et nous prenons la direction du bureau de notre père. Je ne prend pas la peine de frapper avant de rentrer et quand mon regard se pose sur lui - derrière son bureau j’ai presque envie de vomir. Si son regard reste neutre en me voyant c'est tout autre chose quand il remarque Kael et Kara derrière moi. Cette fois il se lève comme un acte de défense.« Qu’est ce que vous faites là ? » Évidemment il n’est pas enchanté. « Je les ai invité, on avait parlé d’un déjeuner en famille non ? » Je le défis du regard, peut-être comme je n’ai jamais osé le faire avant. « Je comprends pas… Tu n’es pas heureux de voir tes enfants ? » J’utilise un peu d’ironie tout en sachant qu’il risque de criser. Mais au point où j’en suis je m’en fiche.
Je ne me sentais vraiment pas bien. Une boule s’était formée au creux de mon ventre et elle ne me quittait plus. Je n’avais pas vu notre géniteur depuis que je savais qu’il avait une double vie. Je refusais de le voir, parce que je lui en voulais, parce que j’avais trop de haine envers lui… et aussi parce que c’était au dessus de mes forces. Je ne pouvais pas me résoudre à affronter son regard. Ce type s’était foutu de nous pendant des années. Il ne nous avait jamais aimé. Tout semblait si clair maintenant que je savais la réalité. William Harrington n’avait jamais souffert d’être éloigné de nous. Il quittait sa famille de Chicago pour mieux retrouver celle qu’il avait construite à Brisbane. Je n’étais même pas sûre qu’il les aime non plus. William Harrington ne vivait que pour sa petite personne. Il aimait l’argent et le pouvoir. Il n’aimait personne d’autre que lui même. C’était un homme bien trop égoïste pour penser aux autres. Il ne l’avait pas fait une seule seconde au cours des trente dernières années. Il avait trahi et menti sans aucun remords. Cela aurait pu continuer encore longtemps si Kael n’avait pas découvert cette photo. Mais la mascarade était terminée et il était temps qu’il assume les conséquences de ses actes.
Je n’avais pas envie de le revoir. Malgré tout, je voulais lui faire payer le mal qu’il nous avait fait à tous. Pourquoi est-ce qu’il serait le seul à ne pas souffrir ? Je voulais le voir perdre pieds. Je voulais voir son regard s’éteindre quand il aurait comprit que son petit manège était fini. Ça allait être dur de le revoir. Il y avait tellement de sentiments différents qui se confrontaient en moi. Cependant, nous devions le faire. Elio était venu chercher notre aide. Il avait bien essayé de parler à sa belle-mère, mais elle refusait d’ouvrir les yeux. William était doué pour manipuler les gens. J’imagine qu’il avait une certaine emprise sur cette femme.
Je restais silencieuse pendant le trajet. Kael pouvait probablement sentir mon anxiété. Il me connaissait mieux que personne. J’avais beau prendre sur moi, essayer de ne rien montrer, il savait. Il savait toujours tout. Je savais que cette visite ne lui faisait pas plus de plaisir qu’à moi. Seulement, nous avions promis à Elio d’être avec lui et notre père ne méritait pas de s’en sortir. Kael et moi arrivions à l’entreprise de notre géniteur. Je remarquais Elio qui nous attendait. J’eus l’impression de sentir une légère anxiété dans le ton de sa voix. Bienvenu au club.
“ Salut. On t’avais dit qu’on serait là, si tu avais besoin de nous.”
Et contrairement à notre connard de père, on savait tenir notre parole. J’avais cessé de compter toutes les promesses qu’il nous avait faites et qu’il n’avait pas tenu. En grandissant, j’avais fini par comprendre qu’il ne les tenait jamais. Sa parole n’avait aucune valeur et j’avais vite arrêté d’y croire. William avait été un véritable courant d’air dans mon existence. Il n’avait pas tenu de véritable rôle, il n’avait fait que passer. Je hochais la tête aux paroles d’Elio. Ma boule au ventre s'accentuait. Nous étions qu’à quelques étages de son bureau et à quelques minutes de la confrontation. Je laissais Elio nous guider jusqu’à son office. Il connaissait cet endroit mieux que nous. Je n’y avais jamais mis les pieds. Pas étonnant. Jamais William ne nous aurait emmené à Brisbane, c’était bien trop risqué pour lui et sa double vie. J’attrapais la main de Kael qui se tenait à mes côtés. Je serrais un peu sa main dans la mienne, comme pour me donner de la force. Elio ouvrait la marche. Il ne prenait pas la peine de frapper à la porte et l'ouvrit immédiatement. Il entrait le premier, Kael et moi à sa suite. Je vis le visage de notre père se décomposer. Il était loin d’être heureux de voir ses jumeaux ici.
“ Vous ne devez pas rester ici. Sortez.”
Lança William sur un ton neutre. Je serrais les poings. J’avais déjà envie de lui en foutre une. Connard. Il me suffisait de le voir pour que tout remonte à la surface. Comment pouvait t-il nous regarder de cette façon ?
“ Quel charmant accueil. Ça fait vraiment chaud au cœur de sentir à quel point tu nous aime, papa.”
Répondis-je avec froideur et ironie. J’eus presque envie de vomir en prononçant le mot “papa”. Il n’avait rien d’un père. Ce n’était rien d’autre qu’un géniteur. Mais il s’en moquait et je le voyais bien dans ses yeux. A cet instant, il était surtout entrain de penser à Erin qui allait débarquer d’une seconde à l’autre, alors que nous étions là.
Ils avaient donné leur parole à Elio. Voilà pourquoi ils prenaient la direction du centre ville. Ils se dirigeaient vers le bâtiment où leur géniteur avait ses bureaux. C'était la première fois que les jumeaux s'y rendaient. Et ce n'était pas de leur plein grès. Mais ils avaient promis à Elio d'être là pour confronter ce connard alors ils faisaient ce qu'ils pensaient être juste. Non, c'était juste. Sauf que c'était difficile. Pour tout le monde. Pour Elio, pour Erin, pour Kara et aussi pour lui. Kael avait bien compris que leur père ne voulait plus rien à voir avec eux. Dès que l'illusion de la famille avait éclaté, William avait décidé de se tourner vers sa famille australienne. En même temps, elle était sa famille légitime. Bien qu'il agissait également comme un con avec elle. Mais ça, c'était une autre histoire. Les jumeaux avaient dit à Elio qu'il pourrait compter sur leur aide pour obliger leur géniteur à faire face aux mensonges qu'il répandait ici et là chaque jour un peu plus. Comme si rien ne pouvait changer l'équilibre de cette vie qu'il avait choisi. Et c'était sûrement ce qui énervait le plus le cadreur. Sa vie à lui n'avait pas changé. Alors qu'il avait brisé celle de sa mère, celle de ses sœurs. Et ça, ça le rendait furieux de constater que tout ça, toute cette peine qu'il infligeait aux autres le laissait totalement indifférent. Complètement indifférent à la détresse émotionnelle de ses petites filles. Comme si tout ça n'avait jamais eu la moindre importance pour lui. Encore les jumeaux, Kléa et Katty pouvaient passer au dessus de tout ça, même si ce n'était pas moins facile pour eux. Mais ils pouvaient faire le tri quant à leurs émotions. Pour Kassy, pour Kiara c'était différent. Un père qui les avait abandonné, cela ne voulait signifier qu'une seule chose : qu'il ne les aimait pas. Et c'était peut-être le cas. Au final. Peut-être que oui, il se fichait de tout le monde. La seule personne qui avait de l'importance à ses yeux, c'était lui-même et cela avait toujours été lui. Lui et cette image lisse de business charismatique qu'il se trimballait à chaque fois qu'il offrait des sourires de façade. A chaque fois qu'il désirait mettre les gens dans sa poche. Le charme agissait assurément. Et c'était peut-être tout ça en fin de compte qui lui avait donné l'assurance pour mentir à cette famille qu'il avait construit de l'autre côté de l'Atlantique, sans le moindre remord. Cette seconde famille n'aura été qu'un amusement pour lui au final. Mais la comédie avait assez duré. La mère des jumeaux avait décidé de reprendre sa vie en main. Ce n'était pas facile tous les jours mais chaque jour de plus, elle faisait des efforts pour retrouver son assurance. Pour retrouver un équilibre que ce connard a brisé en même temps qu'il lui avait brisé le cœur. Et c'était la même chose pour Erin. Elle aussi vivait dans le mensonge. William n'avait pas plus de respect pour elle qu'il n'en avait pour leur mère. Et aujourd'hui, les jumeaux venaient pour lui faire ouvrir les yeux. Les mots ne semblaient pas avoir d'emprise sur elle. Et comme Kael l'avait proposé, une rencontre valait toutes les paroles. D'accord cela allait être dur pour elle mais mieux valait ce genre de révélation, plutôt qu'une vie passé dans le mensonge. Le cadreur ne savait même pas depuis quand Erin était mariée avec William. C'était un remariage . Un second mariage alors qu'il avait toujours refusé d'envisager cet événement avec la mère des jumeaux. Kael avait garé la voiture non loin du bâtiment. Le quartier d'affaires était bondé et les places à proximité étaient difficiles à trouver. Enfin ce n'était pas plus mal. Les jumeaux pouvaient tenter de se vider la tête avant d'arriver sur les lieux. Sauf que c'était plus compliqué. Le cadreur s'imaginait des tas de scénarios. Mais aucun ne lui plaisait. Parce qu'il savait au final que cela allait encore blesser Kara. Peu importait ce qui allait se passait, Kael savait que sa sœur allait une nouvelle fois souffrir en voyant ce type. Cela allait être la première fois qu'elle allait le revoir depuis la révélation. Pour le cadreur, c'était différent. Il avait pu canaliser sa colère une première fois. Il lui avait fiché son poing dans la figure. Et il n'avait même pas forcé. Il aurait pu lui casser la figure mais il ne l'avait pas fait. Parce qu'au final, il n'existait plus pour Kael. Il avait fait une croix sur tout ça. Un père il n'en avait jamais eu et les événements n'avaient pas changé grand chose à cet état de faits.
Quand ils arrivaient à la hauteur d'Elio, Kael pouvait se rendre compte que leur demi-frère semblait aussi nerveux que Kara. Le barman avait du croire qu'ils ne seraient pas venus. Mais quand les jumeaux donnaient leur parole, il la respectait. Enfin cela, il ne devait pas le savoir. Avec William, il ne devait pas avoir l'habitude de ce genre de chose. William faisait beaucoup de promesses mais il en respectait très peu, voire pas du tout. Mais les jumeaux n'étaient pas comme lui. Et ça, l'espace d'un instant, cela avait rassuré intérieurement le cadreur. Au moins une chose dont ils pouvaient être fiers et qui était indépendant à ce même sang qui coulait dans leurs veines. Kael le salua puis les jumeaux le suivaient à l'intérieur du bâtiment. Inutile de retarder l'inévitable. Plus vite ce sera réglé, plus vite ils allaient enfin pouvoir laisser tout ça derrière eux. Plus vite Kara pourra s'éloigner de ce connard. D'ailleurs la jeune femme avait plongé sa main dans celle de Kael alors qu'ils montaient les marches. Le cadreur jeta un œil à sa sœur avant de serrer sa main dans la sienne. Il pouvait sentir son anxiété dans chaque parcelle de son propre corps. Il pouvait presque entendre son cœur qui battait la chamade à mesure qu'ils approchaient tous les trois le bureau de leur géniteur. Ils arrivaient à l'étage. Elio semblait venir ici très souvent alors que les jumeaux n'y avaient jamais mis les pieds. Puis ils étaient entrés dans le bureau. Kael n'avait même pas porté son regard sur lui. Non. Il avait gardé ses yeux mordorés sur Kara qui avait lâché sa main. Mais il pouvait très bien entendre ses paroles. Ce qu'ils faisaient là ? Ils étaient là pour remettre un peu d'ordre dans le chaos de cette vie qu'il avait choisi de vivre égoïstement. Le ton qu'il employait en s'adressant à eux ne lui plaisait pas et il serra les poings. Kael avait l'impression d'être revenu des mois auparavant quand il s'était présenté à lui. Il l'avait regardé avec mépris avant de nier leur lien e parenté. Parents, ils étaient tout sauf ça. Les liens du sang ne faisaient pas tout. Et leur histoire en était la preuve concrète. Kael resta un instant silencieux alors que Kara avait reprit la parole. Il voyait bien les larmes contenues dans ses yeux. Il entendait sa voix qui tremblait. Et c'était terrible pour lui. Il serra les dents avant de poser enfin ses yeux sur le propriétaire des lieux. « Nous n'allons pas rester. Nous n'avons pas plus envie que toi d'être là. Mais on a fait une promesse à ton fils d'être là s'il avait besoin de nous. » Kael n'avait pas tremblé en disant ces mots. Au contraire, il faisait preuve d'un incroyable détachement. Il ne voulait pas que le comportement de William puisse l'atteindre une nouvelle fois. Le soir de la soirée caritative avait été la soirée de trop. Le cadreur s'était promis de ne plus se laisser déstabiliser par cet homme. « Je lui ai proposé qu'on rencontre Erin. Dès qu'on aura parlé un peu avec elle, on partira. On fera ensuite comme tu as toujours voulu, on t'oubliera. » C'était tout ce qu'il voulait au final. Sa famille, il l'avait déjà choisi depuis longtemps. Et ce n'était pas celle de Chicago. C'était celle qu'il avait ici, à Brisbane. Mais à elle aussi il avait menti. Et il ne pouvait pas s'en sortir aussi facilement alors qu'il avait semé la tristesse, le chaos chez les autres. Il s'en fichait. Parce que jusque là personne n'avait mis en péril cette tromperie qu'il jouait depuis des années. Sauf que Kael avait découvert cette photographie. Qu'il avait compris la supercherie. Et que maintenant, après toutes ces années, son petit jeu était enfin mit en péril. Et quand Kael avait reposé son attention sur William, il avait vu pour la première fois de l'inquiétude dans ses yeux. Oui, William Harrington venait de comprendre que son monde à lui aussi allait être chamboulé. Et que rien n'allait être comme avant à partir de maintenant.
Je ne doutais pas que la situation était aussi compliquée à gérer pour les jumeaux que pour moi. Sans doute pour des raisons bien différentes Contrairement à eux sans doute, depuis cette révélation j’avais été confronté à notre père plus d’une fois, pas pour mais plaisir mais tout de même… J’avais accepté pendant des années de rentrer dans sa mascarade. Aujourd'hui j’allais dire stop et Kara et Kael était là pour m’aider… C’était étrange mais bien vrai, il se comportait bien plus comme une famille que ce que mon père avait été capable de faire dans toute une vie. Et clairement le paternel n’avait pas décidé d’être plus tendre avec eux aujourd'hui. “ Quel charmant accueil. Ça fait vraiment chaud au cœur de sentir à quel point tu nous aime, papa.” Il fronce les sourcils et on peut voir la panique dans son regard. Je crois même que je ne lui ai jamais vu cette inquiétude. Peut-être au fond tient il plus à Erin que ce que je pourrais le croire. Ou alors ce n’est encore qu’une histoire de bien paraître. « Nous n'allons pas rester. Nous n'avons pas plus envie que toi d'être là. Mais on a fait une promesse à ton fils d'être là s'il avait besoin de nous. » Le regard du père se pose sur moi - brûlant de haine et d’une certaine incomprehension. « Pourquoi tu fais ça Elio, ils ne sont pas les bienvenues aujourd’hui. » Je serre les dents avec un regard pour Kara qui semble particulièrement touché par ses mots. « Ne rejette pas la faute sur moi ou sur eux… Tu est le seul fautif ! C’est toi qui as menti et trahi pendant des années. » Il me dégoût, tellement et pourtant je n’ai pas encore réussi à faire le chemin que Kael semble avoir fait, celui pour me détacher totalement de lui. Parce que je n’ai toujours eu que lui - qu’il est mon père et que sans lui je n’aurais rien eu… Pas de mère, pas de famille, pas de soeur… « Je lui ai proposé qu'on rencontre Erin. Dès qu'on aura parlé un peu avec elle, on partira. On fera ensuite comme tu as toujours voulu, on t'oubliera. » Est-ce que j’en serais capable pour ma part ? Est-ce que je serais capable de me soustraire à l’influence qu’il toujours eu sur moi - à son jugement si pesant pour me rabaisser et me rappeler à quel point je l’ai déçu. Il m’a déçu lui aussi, plus encore qu’il ne l’a fait pendant toutes ses années d’absences. « Non vous allez partir ! Et tout de suite ! » Sa voix et colérique, inquiète mais aucun de nous ne bouge. Je hoche la tête de droite à gauche, cherchant du regard les jumeaux pour m’assurer qu’ils me soutiennent encore. Mais ils ne bougent pas non plus. « On va attendre. » Déjà il s’active derrière son bureau, de toute évidence si ce n’est pas nous qui bougeons c’est lui qui le fera. Pourtant alors qu’il empile un dernier tas de feuilles la porte s’ouvre sur Erin. Son regard fait des allers-retours entre mon père moi et les jumeaux sans comprendre. « Bon…Jour ? » Elle a sans doute peur de gêner et pourtant je lui fais signe de refermer la porte - cette conversation ne concerne pas tout le monde. « Tu lui dis ? Ou on s’en charge. » Il baisse les yeux comme le lâche qu’il est - la porte bloqué il ne peut pas fuire. « Je suis désolé Erin… » Je fais un pas en arrière pour qu’elle puisse observer plus en détails les jumeaux. « Cette famille dont je t’ai parlé ils… Enfin c’est Kael et Kara, les enfants de William. » Les autres, cette famille à laquelle elle n’a pas voulu croire. « Non… Ce n’est pas vrai… C’est une blague ? » Elle fait un pas en arrière regarde notre père qui reste silencieux puis les jumeaux attendant sans doute qu’eux au moins démentent.
C'était le dernier endroit au monde où j'avais envie d'être. Si une part de moi rêvait de vengeance, l'autre refusait de l'affronter. J'aurais aimé ne plus jamais revoir cet homme. Je posais mes prunelles bleues sur lui. Il me dégoûtait. Encore une fois, il ne pensait qu'à lui. Il savait que son épouse allait arriver d'un moment à l'autre. Il ne voulait pas qu'on soit là. Il ne voulait pas qu'elle nous voit. Il savait ce que signifiait notre présence ici. Son petit jeu avait assez duré. Aujourd'hui sonnait la fin de trente ans de mensonges. William avait minutieusement construit son petit univers. Il avait dû ruser pour que cette mascarade tienne la route. Cela avait fonctionné pendant de nombreuses années. Il s'était installé dans ce quotidien, entre ces deux familles. Croyait t-il vraiment que cela durerait éternellement ? Un jour ou l'autre, les vérités éclatent forcément. En tout cas, je crois que les masques finissent toujours pas tomber. Ça allait être difficile pour William de voir son petit monde s'écrouler. Mais il ne faisait que récolter ce qu'il avait semé après tout. Ce n'est pas moi qui allait le plaindre. Je le méprisais bien trop pour cela. Il perdait ses moyens. Il savait qu'il était pris au piège. Erin allait arriver et on était toujours là. Il n'avait aucun moyen de nous faire sortir d'ici. Je jetais un coup d’œil à Elio, lui assurant que j'avais aucune intention de sortir de là. Plus maintenant. C'était difficile de me trouver face à notre géniteur, mais j'y étais et je n'allais pas renoncer. Kael et moi savions tenir notre parole contrairement à notre paternel. C'est sûr que ce n'était pas lui qui nous avait inculqué l’honnêteté. Je n'étais même pas sûre qu'il sache ce que c'était. William vivait dans le mensonge depuis de nombreuses années. Un mensonge qu'il avait choisi et construit, qu'il avait entretenu. Je cherchais Kael du regard. Heureusement qu'il était là. Je n'étais pas certaine d'avoir été capable de venir si il ne l'était pas. Mon jumeau était si fort. Plus fort que moi. Il arrivait à ne plus rien ressentir par rapport à William. Comment faisait t-il pour en être autant détaché ? En ce qui me concernait, je ressentais une telle rage que je la sentais bouillir dans mon ventre. La haine. C'était toujours mieux que de laisser transparaître la souffrance, car oui, dans le fond, j'avais mal. J'avais mal pour elle, pour mes sœurs. Je souffrais de ne pas avoir eu de véritable père, même si j'avais appris à vivre sens. Il n'était pas là et je m'étais débrouillée quand même. Je décidais de mettre un trait sur toute cette histoire dès aujourd'hui. On allait confronté William et après, ça serait fini. Je tournerais la page. Je ne penserais plus à lui. Il était mort pour moi.
Je détournais mon attention sur Erin. L'épouse de William venait d'entrer. Elle semble surprise de retrouver autant de monde dans le bureau de son époux. Je jette un coup d’œil à notre géniteur. C'est sa dernière chance. Il peut tout lui dire maintenant ou on le fera. Je crois qu'aucun de nous fût étonné par sa lâcheté. Il ne disait rien. Je crois que si il avait pu disparaître, il l'aurait fait. Connard ! Lâche ! Mes poings me démangent encore et pourtant, je ne fais rien, je reste immobile. Elio tente alors de parler à sa belle-mère. Il nous présente, mais celle-ci refuse de voir la réalité. Comment peut-elle fermer les yeux à se point ? On dit que l'amour rend aveugle, mais tout de même ! Ne voit t-elle pas que son mari est un menteur, un traître ? Je m'approchais légèrement d'Erin.
« Elio vous dit la vérité, Erin. Ce n'est pas une blague. William Harrington est notre... »
Je marquais une courte pause. Franchement, ça me déchirait les entrailles de devoir l'appeler comme ça. D'ailleurs il ne disait toujours rien.
« … père. Je suis sûre que, dans le fond, vous savez que c'est la vérité. Souvenez-vous de ces absences, de ces soit-disant rendez-vous d'affaires aux États-Unis. Il avait en fait une autre famille à Chicago. Regardez-moi. Je suis sûre que mon visage vous dit quelque chose...»
Je me souvenais de ce qu'Elio m'avait dit le jour de notre rencontre. Ma ressemblance avec sa sœur l'avait tellement perturbé ce jour-là. Je reportais mon regard sur mon jumeau, espérant qu'il pourrait trouver les mots, qu'il pourrait lui ouvrir les yeux.
Ils n'étaient pas les bienvenus aujourd'hui. Comme s'ils avaient déjà été les bienvenus à un moment de sa vie. Plus il y songeait et plus Kael en venait à se dire que ce connard n'avait jamais eu la moindre considération pour eux. Pourtant, il avait fait six gosses à une femme. Alors qu'il était déjà marié. C'était quoi le but de tout ça ? Il aurait pu épargner tellement de peine aux filles s'il avait passé son chemin. Mais au lieu de ça, il avait joué une comédie pendant près de trente ans. Trente ans de mensonges, d'excuses. Maintenant le cadreur pouvait une nouvelle fois voir son vrai visage. Celui d'un homme qui ne se souciait que de lui. Perdre Erin, ce n'était pas la pire chose qui pouvait lui arriver. Non pour lui, c'était perdre la face tout simplement. C'était le fait de détruire son monde, tel un château de cartes qui l'angoissait et rien d'autre. Des femmes, c'était triste à dire mais il allait en avoir d'autres. Et peut-être même que c'était déjà le cas. Peut-être que Kara et lui, les filles, n'étaient pas ses seuls enfants illégitimes. Cela ne surprendrai même pas l'américain. A ce stade, il n'était plus étonné de rien. Et le fait qu'il essaie de les mettre dehors non plus. C'était tout à fait son genre. Encore une fois il fuyait ses responsabilités. Responsabilités qu'il n'avait même jamais assumé, jamais endossé. C'était Kael qui avait été là à chaque fois que ses sœurs avaient un problème, à chaque rentrée scolaire, à chaque spectacle, à chaque sortie, à chaque fois qu'elles avaient peur. A chaque fois qu'elles étaient heureuses. Quand Kara gagnait un super contrat. Que Kléa faisait un triomphe sur scène. Quand Katty remportait un concours de physique. Quand Kassandra apprenait à faire du vélo sans ses petites routes. Quand Kiara arrivait à lasser ses chaussures toute seule. Pour lui, ce n'étaient que des futilités. William n'avait jamais porté assez d'attention à ses filles pour savoir quand un jour était spécial ou non. Ce qui n'était pas le cas de Kael. Pendant des années le cadreur avait essayé de lui laisser une chance. Il ne venait pas à cause de son boulot, cela arrivait. Puis il s'était bien rendu compte que sa famille n'était pas sa priorité. Mais c'était normal après tout, quand on savait qu'une famille, il en avait déjà une. Voilà pourquoi il ne perdait pas de temps avec celle-ci. Tout ce que voulait les jumeaux, à ce moment-là c'était que leur géniteur cesse cette mascarade et qu'il assume même sous la contrainte, ce qu'il avait fait pendant ces dernières années. Après ils allaient tous pouvoir aller de l'avant. Ce n'était qu'une question de minutes à présent pour que sa femme se pointe et qu'elle puisse enfin admettre qu'il y avait un problème plus que sérieux dans sa relation avec William Harrington. La fameuse Erin venait enfin de faire son entrée. Bien sûr, elle se rendait compte rapidement de la présence de deux étrangers dans le bureau de son compagnon. Et comme Kael s'en doutait, même devant cette dernière il fuyait. Pathétique. Quand il observait William, le cadreur était heureux d'avoir surtout hérité de sa mère, même si physiquement c'était autre chose. Sa mère lui avait appris à être quelqu'un de responsable, d'honnête, de respectueux. Des qualités que ne lui avait pas transmis cet homme qui se tenait encore derrière son bureau, sûrement à chercher des excuse pour expliquer la présence des jumeaux. Jusqu'à ce qu'Elio prenne enfin la parole. Comme il s'y attendait et comme il l'avait expliqué aux jumeaux, Erin ne semblait pas vouloir croire à tout ça. Non ce n'était pas une blague. Elio avait essayé de parler de tout ça avec elle mais elle n'avait pas voulu entendre. Peut-être qu'elle ressemblait plus William que Kael ne le pensait. Comment pouvait-on blaguer sur ce genre de chose ? Aux paroles de Kara, le cadreur reposa son attention sur elle. Il serra les dents au fur et à mesure des paroles de la photographe. « Non... non il n'est surtout pas un père. Un père ça assume ses responsabilités. Ce qu'il n'a jamais fait. Alors ce titre ne lui revient pas. Et de toute façon, je doute qu'il le désire, enfin pour nous. Depuis trente ans, il joue une comédie. Il serait temps d'assister à l'acte final. » Il avait regardé Erin sans chercher à l'agresser. Il parlait d'une voix calme même si à l'intérieur, c'était autre chose. « Il se fiche de nous, mais ce qui a de l'importance pour lui, c'est garder le contrôle sur sa vie et sur les gens qui en font partis. » Kael reporta son attention sur William. « Pour une fois dans ta vie, assume tes décisions. Tu as voulu cette double vie mais tu l'as imposé à tout le monde. A présent, c'est fini. » Il était vraiment temps que toute cette mascarade cesse. Qu'Erin comprenne enfin que William lui avait menti. Mais qu'elle devait connaître la vérité. Même si c'était une vérité qui faisait mal. La mère des jumeaux avait réussi à relever la tête. Oh, ce n'était pas facile tous les jours. Certains étaient plus difficiles que d'autres mais elle faisait des efforts. Et elle allait devoir faire la même chose. Sauf si en fin de compte, elle acceptait l'adultère et qu'elle préférait rester avec William. Peu importait. Les jumeaux étaient là pour l'aider à ouvrir les yeux. Après, toute décision lui appartenait.
Je peux voir son visage qui se décompose devant la scène, celle qu’elle refuse de voir depuis si longtemps. Mon coeur se brise, parce qu’elle ne mérite pas cette violence, elle ne mérite pas ça mais elle ne m’a pas laissé le choix. Encore aujourd’hui je ne suis pourtant pas sûr de bien faire, et si c’était une erreure ? Qui suis-je pour force ma belle-mère à ouvrir les yeux, pour la sortir avec violence d’un quotidien avec des oeillères qu’elle vit depuis des années. Pourtant c’est fait, trop tard pour faire demi tour. « Elio vous dit la vérité, Erin. Ce n'est pas une blague. William Harrington est notre... » On entend que le mot est dur à prononcer dans sa bouche, presque comme un mensonge, un grade qu’il ne mérite pas. « … père. Je suis sûre que, dans le fond, vous savez que c'est la vérité. Souvenez-vous de ces absences, de ces soit-disant rendez-vous d'affaires aux États-Unis. Il avait en fait une autre famille à Chicago. Regardez-moi. Je suis sûre que mon visage vous dit quelque chose…» Les yeux d’Erin se lèvent sur Kara et je peux y voir le trouble, la douleur sourde d’une mère qui a perdu sa fille. J’en veux presque à Kara de la ramener à ça, à cette perte si douloureuse dont Erin ne peut se remettre mais maintenant elle a vu la jeune femme, c’est trop tard. « Non... non il n'est surtout pas un père. Un père ça assume ses responsabilités. Ce qu'il n'a jamais fait. Alors ce titre ne lui revient pas. Et de toute façon, je doute qu'il le désire, enfin pour nous. Depuis trente ans, il joue une comédie. Il serait temps d'assister à l'acte final. » Je ne suis plus sûr de savoir si Kael est venu là pour m’aider dans cette révélation ou pour régler des histoires avec son père. Des rancoeurs probablement encore bien présentes même si il voudrait s’en détacher. « Il se fiche de nous, mais ce qui a de l'importance pour lui, c'est garder le contrôle sur sa vie et sur les gens qui en font partis. » Il fait une légère pause et enfin notre père semble reprendre un peu du poil de la bête. « Tu ne vas quand même pas croire à cette mascarade Erin. » Il parle et mon regard se pose sur Erin, ses yeux pleins larmes n’ont pas quitté Kara, pas même quand son mari a pris la parole, elle semble totalement hypnotisée par la jeune femme dont la ressemblance avec Leah est frappante. « Pour une fois dans ta vie, assume tes décisions. Tu as voulu cette double vie mais tu l'as imposé à tout le monde. A présent, c'est fini. » Le père fait un pas en avant cette fois, s’approchant dangereusement de Kael. « Pour qui tu te prends ? Sans moi tu n’existerais même pas espèce d’ingrat. » Il a avoué, avec plus de simplicité que je ne l’aurais espéré mais quand je tourne mon regard vers Erin elle semble n’avoir rien attendu, toujours le regard fixé sur Kara, elle s’en approche maintenant, tend même sa main pour venir trouver la joue de la jeune femme alors qu’une larme roule sur sa propre joue. « Vous lui ressemblez tellement. » Je me souviens des sentiments qui m’ont pris moi aussi quand j’ai vu Kara pour la première fois. « Elle me manque tellement. » C’est presque étrange de l’entendre le dire, elle qui ne parle jamais de Leah et encore moins de sa mort. Tout le monde semble d’un coup s’être arrêté pour regarder cette scène. « Vous avez quel âge ? » Elle s’adresse à Kara une fois de plus et même notre père ne trouve rien à redire pendant quelques secondes avant pourtant de l’ouvrir. « C’est bon laisse là tranquille Erin. » Mon regard noir le fusille d’un coup. « Ferme ta gueule toi ! » Jamais je n’ai osé parler comme ça à mon père et je me sens presque étrange après l’avoir dit.
Je sentais le regard d'Erin se poser sur moi. Je pouvais aisément y lire le trouble. Le même que j'avais lu dans les yeux d'Elio le jour de notre rencontre. Je ne savais pas vraiment ce qui c'était passé avec cette demi-sœur à qui je ressemblais. Elio l'avait brièvement évoquée sans rentrer dans les détails. Il avait juste dit que je lui faisais penser à elle et qu'elle avait beaucoup compter pour lui. Je détournais mon regard d'Erin pour porter mon attention sur Kael, qui avait reprit la parole. Il était calme, bien que ces mots soient assez dures. C'était bien la vérité. William n'était pas un père pour nous. Il ne l'avait jamais été. J'avais eu tant de mal à l'appeler ainsi. Je l'avais juste fait pour qu'Erin comprenne qu'il ne s'agissait pas d'un canular.
Notre géniteur sortait enfin de son silence. Je n'aimais pas la façon dont il s'adressait à Kael. Il osait le traiter d'ingrat, alors que lui n'avait fait que de mentir et de nous faire souffrir ? De qui se foutait t-il ? Il ferait mieux de se faire tout petit et de se la fermer. J'allais répondre quelque-chose, prendre la défense de Kael, même si il n'en avait pas besoin, mais Erin s'était approchée de moi. Je restais immobile alors qu'elle posait sa main sur ma joue. Ça me mettait mal à l'aise. Je voyais une larme couler sur sa joue. Pauvre femme. Elle avait perdu sa fille et aujourd'hui, elle apprenait que son mariage n'était qu'un mensonge. J'avais de la peine pour elle. Je me demandais même si on avait bien fait d'organiser cette petite confrontation. Peut-être qu'elle savait depuis tout ce temps, mais qu'elle ne voulait pas voir ? Mais maintenant c'était fait et il n'y avait aucun retour en arrière possible. C'était la fin du petit jeu que William avait construit de toute pièce et j'étais plutôt contente de ça. Fini les mensonges, fini la trahison. Il allait devoir assumer ses actes et il allait probablement tout perdre. Sauf si Erin lui pardonnait. Je ne la connaissais pas assez pour me positionner sur la question.
« Je suis désolée. »
C'est tout ce que je trouvais à lui dire. Qu'est-ce que je pouvais dire d'autre ? William ouvrait encore une fois sa bouche, mais Elio l'envoyait se faire voir. Il n'y avait plus rien qu'il puisse dire maintenant. Pendant des années il avait manipulé et baratiné tout le monde. Il nous avait servi de belles paroles, maintenant, ses mots n'avaient plus aucun poids.
« J'ai vingt-huit ans. »
Répondis-je finalement, avant de faire quelques pas en arrière. Toute cette situation avec Erin me mettait mal à l'aise. Je me demandais pourquoi j'avais accentué sur cette ressemblance. J'aurais mieux faire de me taire. Je reportais une nouvelle fois mon regard sur Kael, puis sur Elio et Erin. Je n'eus même pas un regard pour mon géniteur.
« Je crois qu'on ferait mieux de vous laisser discuter entre vous maintenant. »
Maintenant qu'elle savait, maintenant que le masque de William était tombé. Je ne savais pas si Elio avait encore besoin de nous, mais il était probablement mieux qu'on s'éclipse. Je n'avais pas envie de rester une seconde de plus dans la même pièce que notre géniteur et j'avais un grand besoin de prendre l'air. Je me sentais étouffer, ici.
Kael ne pouvait pas rester silencieux face à tout ce qui se disait. Il ne pouvait pas faire comme si tout ceci était normal. Il était là pour Elio. Kara et lui étaient là pour leur demi frère mais est-ce que cela voulait dire qu'il devait juste être présent et se taire ? Bien sûr que la rancune est présente. Et il faut vraiment être idiot pour ne pas le comprendre. Le cadreur n'aimait pas la façon dont leur géniteur les observer. Ils n'étaient clairement plus rien pour lui. Mais cela ne changeait pas trop la donne pour les jumeaux. Ils étaient adultes. Ils savaient mettre des barrières. Mais cela peinait le cadreur de voir à quel point cet homme méprisait sa mère, ses sœurs. Kiara espérait encore tellement de choses et lui... il se cachait encore derrière un foutu masque. Les jumeaux sont là pour Elio afin que sa belle-mère puisse enfin ouvrir les yeux. Mais ils ne comptaient pas se faire insulter, ni même avoir un manque de respect sans même réagir. Kael en avait assez de tout ce cinéma. Il avait déjà donné et il regrettait un peu d'être là. Parce qu'il avait aussi l'impression d'être jugé par Elio. Il n'y avait qu'à voir son regard pour le savoir. A la remarque de son géniteur, Kael ne broncha pas. Cet homme avait cessé de l'impressionner quand il était gosse. Il garda ses yeux sur lui, sans baisser le regard. « Et bien justement, t'aurais du t'abstenir de coucher à droite et à gauche. Un grand type comme toi, je t'aurais cru capable de savoir mettre une capote. » Et cela aurait évité bien des peines à ses sœurs. Mais au moins en ayant ce coup de sang, il avouait enfin mais malgré lui, leur filiation. Et c'était bien tout le but de la manœuvre. Ils avaient réussi. Le cadreur observa ensuite Erin qui s'était approché de Kara. Il n'appréciait pas trop le regard que la blonde posait sur sa sœur. Elle voulait voir sa fille en sa jumelle. Seulement elles étaient bien deux femmes différentes. Et le cadreur n'était pas certain que ce soit une bonne chose. Kael remarqua que sa sœur était mal à l'aise par le regard et le comportement d'Erin. Elle semblait un peu ailleurs. Et à vrai dire, le cadreur ne se sentait pas la foi de gérer ça aussi. C'était à Elio d'être là pour elle à présent. Elle allait avoir besoin de lui. Et il savait qu'Elio allait bien s'en sortir. Kael avait cru comprendre que son demi-frère s'entendait bien avec Erin. Alors s'il y avait quelqu'un qui pouvait l'aider à traverser cette période, c'était bien lui. A la proposition de sa jumelle, Kael quitta ses pensées et acquiesça de la tête quand le regard de Kara se posa sur lui. Il esquissa un léger sourire à sa sœur qui semblait être secouée également par tout ça. Il passa un bras autour de ses épaules avant de poser son regard sur Elio. « Tu as notre numéro. Si tu veux nous joindre, n'hésite pas. » Que pouvait-il dire d'autre ? Merci de t'avoir connu. C'était cool. J'aurais aimé que les choses se passent différemment ? Peut-être tout ça à la fois. L'idée d'avoir un frère ne lui déplaisait pas. Seulement, il y avait encore beaucoup de rancune des deux côtés pour espérer aplanir les choses immédiatement. Ils avaient tous besoin d'un peu de temps. Mais Kael n'était pas fermé à la discussion. Il l'avait déjà prouvé en laissant leur aîné entre chez eux, ce soir là. Il avait encore du mal à digérer la trahison de William. Mais il savait qu'Elio n'y était pour rien. Il n'avait rien demandé lui non plus. Cela lui était tombé dessus. Tout comme cela avait été le cas pour les jumeaux. Seulement, Kael était décidé à aller de l'avant. A ne pas laisser ce connard foutre davantage la merde dans sa vie. Elio était leur frère. Enfin demi-frère mais frère tout compte fait. Et s'il avait envie de faire parti de leur vie, à Kara et à lui et au reste des filles, Kael n'était pas contre. Même si pour l'instant, cela semblait compliqué. Plus tard, ils pourront sûrement essayer de tisser des liens et d'apprendre à se connaître. Mais il fallait avant tout laisser faire le temps. Ils en avaient besoin. Puis il jeta un œil à sa sœur. « Ça va ? » Il connaissait la réponse. Il la voyait dans ses yeux. Il la serra un peu plus contre lui avant de se diriger vers la sortie.
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Je n’aime pas ça, non je n’aime vraiment pas ça et pourtant je le sais c’est le seul moyen. Confronter Erin, ne plus lui laisser le choix de se voiler la face, de ne pas croire. C’est ce qu’elle a fait avec moi - en me disant que je n’avais pas de preuve - que William ne lui ferait jamais ça, qu’elle le connaît mieux - mieux que moi, mieux que ses mensonges que j’étais assez idiot pour croire. Elle pense qu’ils en ont après son argent - un peu comme moi les premières secondes après la révélation, mais ce n’est pas le cas, aujourd’hui je le sais. C’est uniquement une famille aussi trahie et brisée que la nôtre. Un famille dont William c’est moqué sans aucune gêne en vivant cette double vie, en était un père minable pour tous les enfants qu’il a fait avec de multiples femmes - peut-être y en a-il d’ailleurs d’autre. Est-ce que je m’en étonnerais ? Sans doute pas, plus venant de lui… Alors j’ai contacté Kael et Kara, je leur ai demandé leur aide une nouvelle fois, et me voilà aujourd’hui ici, la boule au ventre à taper du pied avec angoisse alors que je les attends devant le bureau de mon père. Je regarde ma montre toute les deux minutes en me demandant ce que je vais faire si ils ne viennent pas ? Aller à ce déjeuner en famille que j’ai prétendu vouloir avoir avec mon père et Erin. Rien que ça - je me demande comment mon père peut ne pas se poser des questions - on n’a plus fait ça depuis des années, depuis bien avant la mort de ma soeur. Je relève le regard et les voilà, les jumeaux qui arrivent. Un sourire rassuré se dessin sur mon visage alors que je me dirige vers eux. « Salut. » Je ne peux pas cacher le léger stresse qui me prend. « Merci encore, d’être venus. » J’imagine que ce n’est pas beaucoup plus simple pour eux. Même si ils veulent faire payer mon père je doute qu’ils soient enchantés de se retrouver mêler à nos histoires. D’ailleurs s’ils avaient pu l’éviter, je suis sûr qu’ils seraient bien sagement resté chez eux. Mais ils sont là. « Erin devrait arriver dans quelques minutes, on peut déjà monter si ça vous va ? » Après avoir eu leur accord nous montons tous trois je salue la réceptionniste que je connais bien. « Elio, vous venez voir votre père ? » Je hoche la tête en tentant de cacher mon stress pour être le plus naturel possible. « Oui nous déjeunons ensemble aujourd’hui. » Je la vois jeter un regard un peu interrogateur à Kael et Kara. « C’est… De la famille. » Un léger regard vers eux et nous prenons la direction du bureau de notre père. Je ne prend pas la peine de frapper avant de rentrer et quand mon regard se pose sur lui - derrière son bureau j’ai presque envie de vomir. Si son regard reste neutre en me voyant c'est tout autre chose quand il remarque Kael et Kara derrière moi. Cette fois il se lève comme un acte de défense.« Qu’est ce que vous faites là ? » Évidemment il n’est pas enchanté. « Je les ai invité, on avait parlé d’un déjeuner en famille non ? » Je le défis du regard, peut-être comme je n’ai jamais osé le faire avant. « Je comprends pas… Tu n’es pas heureux de voir tes enfants ? » J’utilise un peu d’ironie tout en sachant qu’il risque de criser. Mais au point où j’en suis je m’en fiche.
