Darby, ma cousine, a eu envie de faire du shopping et c’est vrai qu’il me faut quelques affaires, du coup j’ai accepté d’y aller avec elle. C’est loin d’être ma tasse de thé le shopping, je le fais vraiment qu’en cas d’extrêmes urgences. Là il me faut quelques chemises et un nouveau jeans ou deux, je mets toujours les mêmes depuis des années, ils sont pas mal usés. On commence donc par un passage dans un grand centre commercial de la ville, là au moins il y aura tout ce qu’on veut. Et c’est le cas. Je trouve deux nouveaux jeans, trois chemises. Rien en promo bien évidemment, mais ça me dérange pas, je m’achète si peu de nouvelles fringues. Je regarde aussi un peu les chaussures et je dois avouer qu’après ça je commence à en avoir marre de faire les boutiques. J’ai tout ce qu’il me fallait. Darby elle n’est pas encore rassasié, alors je la suis. C’est vrai qu’elle s’est pas trouvé autant de trucs que moi, peut être que je suis moins difficile. Ca fait maintenant bien quatre heures qu’on marche, parce que mademoiselle Darby n’a pas eu assez du centre commercial. Non. Maintenant on est en plein centre ville. Il fait beau donc ça va, c’est assez agréable de marcher sous le soleil. Je suis chargé avec mes sacs mais ça va, ce n’est pas bien lourd. Elle fait un arrêt à Lush et je l’attends dehors parce que je compte rien acheter dans cette boutique. Je suis donc sur le trottoir en train de poireauter, je sors mon téléphone portable de ma poche pour mater mes emails et autres réseaux sociaux.

« Wendy ! »

Je lève la tête en entendant ce prénom. J’en connais une de Wendy et les rares fois où j’entends ce prénom, je suis obligé de me retourner pour voir de qui il s’agit. Elle était de Brisbane donc il y a peut être des chances infimes que ce soit elle. Je rentre dans la boutique et je vois une jeune fille de dos, avec de long cheveux blonds. Ca pourrait être elle.

« Wendy ? »

Darby est plongé dans ses savons un peu plus loin, elle ne m’a pas remarqué.

« Wendy McKinnon ? »

Oui je me souviens même de son nom de famille parce qu’il est facile à retenir. C’est le même que Jeremy, le chanteur d’A Day To Remember. On en a beaucoup parlé ce jour là, au festival. C’est alors que la jeune fille se retourne et il s’agit effectivement de Wendy. Ma Wendy. Mon coeur s’emballe, j’en reviens pas de tomber sur elle après toutes ces années.

« Wow… Ca… Tu te souviens de moi ? Kane. »

Je suis tellement surpris que ce soit vraiment elle, que j’en tremble. J’ai toujours mon téléphone dans ma main, je suis un peu sur le cul et j’ai pas pensé à le ranger. J'ai plusieurs sacs plastiques dans l'autre main. J’ai les yeux rivés sur elle. Elle est toujours aussi magnifique. Bordel cette fille. Je l’ai jamais vraiment oublié.

« T’es de retour sur Brisbane ? »

Oui c’est ce qui est le plus intéressant pour moi. Ca sert à rien de m’imaginer des choses si jamais elle compte repartir à l’étranger. Oui je me souviens de tout. De nos conversations par texto pendant des mois et des mois. On a partagé pas mal, même à distance.

Il y a des choses qui ne changent pas comme mon amour des animaux, de la nature et du respect d'autrui. Puis, il y a des choses qui changent tous les jours, comme mes journées de travail chez Lush. Entre le bombardement constant des clients durant les soldes aux journées désertes après les dites soldes en passant par les clients qui semblent venir au compte-goutte. Aujourd'hui, c'est encore différent. Aujourd'hui, les clients rentrent, le temps que je les salue, ils sont déjà bien loin dehors. Je ne comprends pas. Je ne pense pas ressembler à un monstre pour les faire fuir de la sorte. Est-ce que j'ai un truc coincé entre les dents ? Je vérifie rapidement ma dentition avec un miroir derrière les caisses. Rien à signaler, mes dents sont libres de tous éléments perturbateurs.

Je sursaute. On vient de m'appeler à l'autre bout de la boutique pour ranger un étalage. « J'arrive. » Je me dirige vers l'étalage de boules de bain qui a besoin d'être réapprovisionné avec la nouvelle collection de Pâques. Travailler chez Lush, c'est plus fatiguant qu'il n'y parait. Ce n'est pas juste de la vente. Chez Lush, il y a aussi tout ce côté soin de la clientèle, il y a les démonstrations géantes qui consistent à présenter un produit à la boutique entière, il y a aussi les démonstrations à l'extérieur de la boutique pour essayer de ramener des clients à l'intérieur. Et pire que tout, il y a les livraisons des marchandises à sept heures du matin qu'il faut monter jusqu'au deuxième étage. Il y a quelques années, je parlais d'aller à la salle pour me muscler les bras en vue de tous les crowsurfers à porter, mais les boîtes de vingt-cinq kilos de la boutique à monter sur deux étages font très bien l'affaire, en fait.

Je dépose les boules en forme de poussin une à une en prenant soin de ne pas les casser. Une voix masculine m'appelle. « Une petite seconde, monsieur. Je viens m'occuper de vous. » Je me penche en avant pour déposer le panier en bois qui contenait toutes les boules de bain. On m'appelle encore avec mon nom de famille en plus cette fois. Je me redresse d'un coup, comme électrocutée. Comment ce client pouvait-il connaître mon nom de famille ? Je me retourne tellement précipitamment que je donne un coup de coude à une cliente qui passait à côté. Wendy, danger pour tous depuis 1991. La bouche en forme de O, je m'excuse platement auprès de la cliente. Une catastrophe ambulante, voilà ce que je suis.

Après le soucis résolu, je me tourne vers l'homme qui m'appelait quelques instants auparavant. Ma bouche s'ouvre. Mes yeux s'écarquillent, mais je ne dis rien. Si je me souviens de lui ? Évidemment que oui, qu'est-ce que c'est que cette question-là ? Est-ce que je me souviens des nombreux baisers partagés pendant le set de Paramore au Soundwave, il y a quelques années ? Comment oublier ! Mon expression de surprise se décrispe enfin pour laisser place à un sourire. « Wow, Kane, je ... wow. » C'est tout ce que j'arrive à dire, je ne dois pas vraiment l'air intelligente pour le coup. Si c'était possible, je me bafferais mentalement pour me secouer. « Oui, ça fait un peu plus d'un an que je suis là. » Toujours souriante, je l'observe. Ça fait déjà sept ans et pourtant, j'ai l'impression qu'il n'a pas changé d'un poil. Je me souviens encore, le jour où je l'ai rencontré, d'avoir dit à une de mes amies qu'il était vraiment mignon avant de glousser comme une collégienne. Qui aurait vu venir ce qu'il s'était passé après ? Probablement tout le groupe de personne avec qui on trainait ce jour-là, yep.

« Et toi, qu'est-ce que tu fais là ? » On dirait que je le fais exprès d'être complètement stupide, comme si j'avais perdu toutes les bases de socialisation. Pour masquer mes bêtises, je remets une mèche de mes cheveux derrière mon oreille droite. « Enfin, je veux dire ... Évidemment, tu fais ton shopping, je suis bête ... » Un rire gêné s'échappe de mes lèvres. Wendy, le malaise ambulant, ça fonctionne aussi comme surnom. Je m'éclaircis la voix pour changer de sujet et passer outre mon manque d'aisance. Ça fait bizarre, en fait, de le revoir aujourd'hui, comme ça alors qu'on a pas parlé pendant des années. C'est presque comme si c'était voulu, comme si ça devait arriver. « Je suis désolée ... J'aurai du ... » Je marque une pause pour soupirer et passer une main sur mon front. « J'aurai du t'envoyer un message pour te dire que j'étais de retour, j'étais juste ... » Ma voix s'éteint quand je pense à ma mère et tous les événements de l'année dernière. Je déglutis en baissant les yeux vers mes bottines. Allez, Wendy ! Te laisse pas aller comme ça, tu viens tout juste de retrouver Kane ! Je relève les yeux vers lui, en souriant faiblement. « J'étais juste occupée avec le déménagement entre le Bangladesh et l'Australie, tu sais, c'était un peu compliqué. » Je ris doucement. Je ne suis pas prête à en parler encore. Pas comme ça, pas maintenant.

Je crois que je l’ai troublé en disant son nom entier parce qu’elle se bouscule avec une cliente en se retournant. Je grimace légèrement, ça n’a pas dû faire du bien. Elle a l’air aussi surprise que moi qu’on se tombe dessus après tout ce temps. Elle est bouche bée, comme moi, on a du mal à former une phrase et puis ça se décoince un petit peu. Elle me dit qu’elle est ici depuis un peu plus d’un an. Elle se met à sourire et mon coeur bat encore plus vite si c’est possible. Elle est vraiment trop belle comme fille. Savoir qu’elle est de retour sur Brisbane me fait largement plaisir.

« Cool…! »

C’est tout ce que je trouve à dire. Je dois avoir l’air un peu con, parce que je suis encore trop choqué de la revoir. Mes mains trembles toujours et je ne m’en rends même pas compte. Je lui fais un petit sourire et je reste planté comme ça devant elle. Elle me demande qu’est ce que je fais là et je la trouve trop adorable dans sa façon de se reprendre.

« Ouais je suis avec ma cousine. »

Je lui indique la jeune fille qui est en train de sentir quelques crèmes un peu plus loin. Wendy s’excuse disant qu’elle aurait dû me contacter à son retour et je fais non de la tête.

« Non ça remonte à loin. »

Elle continue de se justifier et je secoue la tête en signe de négation.

« Y’a pas de soucis, ça fait sept ans. J’ai changé de numéro depuis le temps, tu n’aurais même pas pu me contacter. »

Oui je me souviens très bien que ça date de 2010. Mon festival préféré, je ne peux pas l’oublier.

« Y’avait pas trop facebook à l’époque, c’est pas facile de garder contact pendant tout ce temps. »

Je commence à sentir les battements de mon coeur qui reviennent normaux, mes mains ne tremblent plus non plus. Je suis de nouveau maître de ma personne.

« T’es en train de bosser, peut être que je peux repasser quand t’as terminé ta journée ? Histoire qu’on discute un peu plus. »

Je me mordille la lèvre.

« Je te passe mon numéro et tu me contactes quand tu veux. »

Même si je préfère que ce soit le plus rapidement possible. Je sais ce que c’est que de recevoir de la visite au boulot et c’est pas forcément le moment idéal.

« J’ai vraiment envie de discuter avec toi. »

Cette fille me fait trop rêver, je ne compte pas la perdre maintenant que je viens de la retrouver.

C'est étrange, depuis que je suis revenue à Brisbane, j'ai mis ma vie entre parenthèse pour pouvoir consacrer du temps à ma mère. Mais aujourd'hui, alors que je revois Kane devant moi, ça ... Je ne saurai comment l'expliquer vraiment, mais c'est une bouffée d'air frais dans ma petite routine. Je n'imaginais pas du tout le revoir et encore moins ici, dans la boutique où je travaille. Ça me rends nerveuse aussi, en voyant son sourire, j'ai peur de ne plus être la Wendy de ses souvenirs. Certaines choses ont changé dans ma vie, pas toutes, voire même très peu, en fait, mais les années passent et les gens changent toujours un peu. J'ai des souvenirs idylliques de mon dernier festival musical. Sauf que si ça se trouve, c'est lui qui n'est plus le même. Tais-toi, Wendy, tu penses de trop.


« C'est vrai que Facebook, c'était pas autant en vogue que maintenant. Puis faut dire que dans la ville où j'étais au Bangladesh, j'avais pas beaucoup de temps pour traîner sur internet. Déjà qu'il fallait que je trouve un ordinateur. » Je ris doucement. Partir de Brisbane, voyager et découvrir un monde que je n'aurais jamais imaginé en restant ici, ça m'a coupé du reste du monde, mais surtout, ça m'a ouvert les yeux sur ces gens d'une culture différente de la mienne. Ils se débrouillent avec les ressources qu'ils ont, même si elles sont bien moindres que les nôtres et pourtant, ils ont l'air parfaitement heureux. C'est un peu à ce quoi j'aspire, sur le long terme, me contenter de moins, faire abstraction du superflu, mais dans une société consommatrice comme la nôtre, ce n'est pas toujours facile.

Kane me dit qu'il peut revenir plus tard, histoire de ne pas me déranger pendant que je travaille. « Non ! » Je réponds un peu trop vite et un peu trop fort. Je peux voir certaines personnes qui se retournent sur nous. Je pose ma main sur son bras pour le retenir comme s'il était déjà en train de s'en aller alors qu'il n'a pas encore bouger. Moi ? Désespérée ? Pffft, pas du tout. « Euh ... Je- Je veux dire qu'on vient à peine de se retrouver, tu vas pas déjà partir quand même ? » Je lui sors mes yeux de petits chiots et ma moue de petite fille. (Oui, je sors le grand jeu et alors ?) Après quelques secondes seulement je finis par éclater de rire. « Si tu veux, je peux prendre mon quart d'heure de pause pour qu'on aille un peu rattraper le temps perdu en dehors de la boutique ? »

Le Bangladesh, c’était dans ce pays qu’elle vivait pendant toutes ces années. On s’est vraiment loupé en beauté à l’époque. Je revenais à Brisbane après mon road trip et elle quittait la ville à son tour. On pouvait pas faire pire comme timing. Je me suis longtemps demandé pourquoi l’univers m’enlever cette fille génial de ma vie. J’ai même pensé à aller au Bangladesh à un moment, mais je me suis vite raisonné. Je souris légèrement quand elle me parle de se trouver un ordinateur dans ce pays. Je connais pas grand chose mais d’après ce que j’ai vu sur internet c’est vrai que ça n’a pas l’air très évolué.

Quand je lui dis que je vais la laisser bosser et qu’on se verra plus tard, elle s’empresse de refuser et ça me fait sourire. Elle a donc autant envie que moi de me voir, de prendre des nouvelles, de se parler, de se regarder. Ok je m’emporte peut être un peu, mais je ne me lasserai jamais de la regarder. Cette fille est juste magnifique. Elle est encore plus adorable quand elle fait ses yeux de chien battus. Gosh ce qu’elle m’a manqué.

« En vérité j’ai pas du tout envie de partir. »

J’ai envie de tellement de chose qu’il vaut mieux que je me taise pour pas la faire fuir. Elle propose de prendre sa pause pour qu’on puisse discuter pendant une dizaine de minutes et j’hoche la tête.

« Ouais bonne idée. »

Je me mordille la lèvre et je me tourne vers ma cousine qui est un peu plus loin. Je croise son regard.

« Deux secondes, je reviens. »

Je quitte Wendy un instant, je vais jusqu’à Darby et je lui explique que je viens de retrouver une amie.

« Prend ton temps, regarde bien toute la boutique. J’en ai pour un petit quart d’heure. »

Elle n’est pas dérangé et j’en suis bien content. Je retourne rejoindre Wendy et on sort tous les deux de la boutique.

« Tu sais que je pense à toi à chaque fois que j’entends une chanson de Paramore ? Crushcrushcrush c’est notre chanson à nous ça. »

Je me souviens parfaitement du baiser qu’on a échangé sur cette chanson. Je m’en souviens comme si c’était hier.

« Mais je me disperse… Parle moi de toi ! Enfin, je vais te parler de moi d’abord, comme ça c’est fait. »

On dirait que je commence à devenir nerveux.

« J’étais ambulancier comme tu le savais. J’ai fait ça pendant 8 ans et j’ai changé récemment, fin de l’année dernière. Maintenant je suis pompier. Plutôt classe hein. »

Je me mordille la lèvre inférieure, j’espère que je lui plais toujours.

« En vérité j’ai pas du tout envie de partir. » Mon cœur a eu un raté. J'ai pas du tout envie qu'il parte non plus. J'ai l'impression d'être une gamine à me comporter comme ça. Kane, je ne l'ai vu qu'une seule fois dans ma vie, enfin, aujourd'hui, c'est la deuxième. On a pas mal parlé pendant un an, mais j'ai l'impression de m'être fait des films dans ma tête durant cette année-là. Oui, il s'est passé quelque chose, ce jour-là, pendant le Soundwave, mais on a du se quitter le jour même. J'ai l'impression que je m'emballe pour rien, au final. Sept ans ont passé, des choses ont changé et sans doute pour lui aussi.

Il me quitte un court instant pour aller voir sa cousine qu'il pointait du doigt quelques minutes auparavant. J'en profite pour aller dire à mon responsable que je prends mon quart d'heure de pause. Je rejoins ensuite Kane et lui emboîte le pas vers la sortie de la boutique. Dehors, il fait gris, les nuages cachent le soleil et le vent commence à se faire plus violent que le mois précédent. Ne portant qu'un simple petit pull, j'ai un peu froid. J'entoure mon corps de mes bras. « Ah ouais ? » Je souris à sa dernière affirmation. Je n'ai pas le temps de répondre qu'il enchaîne directement avec ses activités du moment.  « Ah non, mais te gêne pas, vas-y, disperse-toi totalement ! »

Je le regarde mordiller sa lèvre inférieure. Je me souviens du baiser comme si c'était hier. J'étais tombée et je me suis rattrapée sur lui. C'était pas tellement prévu, c'est juste arrivé comme ça, dans le feu de l'action et c'était tellement bien. C'était trop court. Perdue dans mes pensées, je me rends compte que je dois fixer sa lèvre depuis bien trop longtemps déjà alors je hoche vivement la tête. « Carrément impressionnant, ouais que tu sois devenu pompier ! » Peut-être que je m'inquiète pour rien, au final, les choses ne semblent pas avoir changé autant que ça. « De mon côté et bah comme tu peux le voir », je pointe du doigt la vitrine qui se trouve derrière ton dos. « Je travaille chez Lush. » Je laisse échapper un petit rire de mes lèvres. Toujours souriante, je hausse les épaules.  « Honnêtement, c'est pas totalement le job de mes rêves, mais les valeurs qu'ils défendent me tiennent à cœur, alors on fait aller. »

« En ce qui concerne Paramore, dès que je les écoute, je pense à toi. » Je baisse les yeux, c'est impossible pour moi de continuer à le regarder sans devenir rouge tomate. C'est tellement bizarre de se dévoiler aussi rapidement à quelqu'un, mais je sais pourtant très bien que Kane, ce n'est pas n'importe qui, on a passé des heures à s'envoyer des messages. Je lui ai parlé de Dana, du fait qu'elle ne me répondait pas et que j'avais l'impression de la perdre. Je lui ai parlé de mon arrivée au Bangladesh, du dépaysement et du sentiment que j'étais partie trop vite, trop tôt et que maintenant je me retrouvais toute seule dans un pays que je ne connaissais pas.

Au final, Kane, je ne l'ai vu que deux fois dans ma vie et pourtant, il y a des choses que j'ai partagé avec lui que je n'aurai partagé qu'avec des amis vraiment proches. C'est bizarre comme relation, je ne sais pas trop quoi en penser parce que c'est comme retrouver un ami, mais un plus qu'ami en même temps ? J'ai l'estomac qui se retourne quand je repense  au Soundwave de 2010. Il se retourne, mais dans le bon sens. Ce fait mal, mais dans le meilleur des sens. Et toi, Wendy, tu tournes pas très rond dans ta caboche.

« Mais attention, hein. J'écoute que leurs vieux trucs. Depuis que les frères Farro sont partis, je trouve ça un peu bizarre. » Je hausse les épaules en relevant les yeux vers le visage de Kane. Voilà, parler de musique, c'est plus facile, c'est mon domaine, c'est son domaine, c'est votre domaine à tous les deux. Y a pas besoin de se poser trop de questions avec la musique, juste à fermer les yeux et à se laisser emporter par le rythme et les paroles. « Certaines sont sympas comme Monster, Still Into You, Now et Hello Cold World, mais sinon je dois avouer qu'à part leurs vieilles chansons, je ne les écoute plus trop. »

J’essaie de me détendre un petit peu quand elle me dit que je peux me disperser. Elle est trop gentille. Je termine mon mini laïus et je la vois qui me fixe du regard. Enfin, rien d’anormal en même temps on est tous les deux en train de discuter. Oui j’essaie de ne pas trop me faire de film. C’est mes lèvres qu’elle est en train de regarder ? Non… Si ? Peut être. Elle revient à elle et prend la parole. Ouais c’est assez impressionnant d’être pompier. Elle parle de son boulot chez Lush, elle rit un peu et je crois que je me lasserai jamais de l’entendre rire, ni même de la regarder. Elle est trop parfaite cette fille. Je souris quand elle dit que ce n’est pas le job de ses rêves, c’est vrai que c’est pas forcément une carrière, mais il doit y avoir d’autres choses dans lesquelles elle s’épanouit, enfin je l’espère.

« C’est déjà ça. »

Ouais j’aurai peut être mieux fait de rien dire sur le coup. Enfin elle reprend la parole et parle de Paramore et là je sens que je suis bien plus dans mon élément. Elle baisse les yeux et je me mordille encore la lèvre, décidément c’est un tic. Je regarde ses beaux cheveux blonds et j’aimerai bien passer ma main dedans, ou y fourrer mon nez pour sentir son odeur. Je ris un peu quand elle se reprend pour dire qu’elle n’écoute que les premiers albums de Paramore.

« Ouais c’est plus pareil, mais ça s’écoute bien quand même. »

J’hoche la tête quand elle énonce les titres qu’elle apprécie.

« Brighter restera pour toujours ma favorite. Mais j’ai un coup de coeur pour Part II dans les récentes. Oh y’a Decode aussi que j’aime. Mais c’est les premiers albums ça. Tu sais que c’est juste pour cette chanson que j’avais été voir Twilight au cinéma ? »

Et parce que ma copine de l’époque m’avait demandé d’y aller avec elle, mais je ne vais pas lui avouer cette partie là. D’ailleurs maintenant que j’y pense je crois que j’ai déjà dit à Wendy cette anecdote sur Twilight. On a eu le temps de s’en dire des choses avec tous les SMS qu’on s’est échangé à l’époque.

« T’as toujours eu tes écouteurs branché sur toi au Bangladesh ? »

Je ne parle pas de concerts, je ne pense pas qu’elle ait eu grand chose à voir d’intéressant par là bas.

« T’as rattrapé le temps perdu niveau concert depuis que t’es revenu ? Moi j’ai été voir Yellowcard et Coldplay récemment. J’en ai loupé quelques uns de pas mal mais je peux pas changer mes horaires tout le temps. »

Même si je le fais assez souvent, j’essaie de ne pas en abuser.

« Faudra qu’on aille en voir un ensemble, en souvenir du bon vieux temps. »

Oui ça peut être vu comme un rendez vous. Oui je compte bien l’embrasser au dit concert si l’occasion se présente et qu’elle montre des signes encourageant.

« Oh et je compte aller au Leeds festival. Peut être pas cette année, même si y’a You Me At Six qui joue. Y’a pas assez de groupes que j’écoute. Ok je peux faire de belles découverte mais si je fais tout le voyage jusqu’à là bas j’ai envie de voir plein de groupes que j’aime. »

Et il faudrait peut être que j’arrête de parler un peu. Quand je parle musique je m’arrête plus.

La musique, c'est une partie immense de ma vie. J'en écoute tout le temps. J'ai par contre, souvent la mauvaise habitude d'écouter toujours les mêmes artistes, toujours les mêmes albums et parfois même d'écouter les mêmes chansons en boucle pendant une semaine. Si la chanson me parle vraiment, je ne m'en lasse jamais. Paramore, bien avant Kane, c'était déjà un groupe que j'affectionnais beaucoup, mais maintenant, il a une signification encore plus spécial qu'avant. J'éclate de rire quand il énonce Twilight. « Sérieusement, t'as été jusqu'au cinéma en ayant payé un ticket juste pour Decode alors que film est un navet ? » Je dois avouer que tu me déçois un peu là. » Je lui donne une petite tape sur le bras en tirant la langue. Oui, même à 25 ans, je suis toujours une enfant.

Je hoche la tête. « Tu sais bien, je ne vis pas sans mes écouteurs ! » Je hausse les épaules. C'est bien quelque chose que je ne supporte pas, oublier mes écouteurs. Je pense que même si je me trouvais dans l'endroit le plus paradisiaque au monde entier, je ne survivrai pas longtemps sans écouteur ou sans écouter de la musique. En fait, j'ai remarqué que je devenais très irritable sans avoir écouté de musique pendant un certain temps. « J'ai pas été très à jour sur les nouvelles sorties pendant cinq mois ... Du coup, quand je suis revenue, j'ai passé une semaine dans ma chambre à passer tous les albums que je n'avais pas entendu » Je ris. C'est vrai cette histoire, je mettais de la musique en fond en allant déjeuner avec ma mère dans la cuisine. Elle n'a pas vraiment les mêmes goûts musicaux que moi, même pas du tout, en fait. Elle me demandait souvent de stopper ce bruit constant. « Non. » Je secoue doucement la tête en souriant tristement. « J'ai pas vraiment eu le temps, ni l'occasion d'aller voir qui que ça soit ... » Encore une fois, c'est maman qui me prend du temps. Je peux le voir que son état ne s'améliore pas. Elle le cache comme elle peut derrière des sourires. On dirait moi. C'est sans doute d'elle que j'ai hérité de mon côté de battante. Enfin, à la maison, il n'y avait qu'elle pour m'élever alors évidemment que ça vient d'elle. Elle s'est occupée de Georges et moi pendant des années, on peut bien lui rendre la pareille.

J'espère que ça ne s'est pas trop remarqué. J'espère que Kane n'a pas remarqué que j'étais un peu perdue dans mes pensées. Je lui expliquerai un jour, sans doute, si on redevient aussi proche qu'on l'étais il y a quelques années, mais en attendant, ce n'est pas quelque chose dont j'ai envie de parler. C'est juste ... compliqué et ça me noue la gorge chaque fois que j'aborde le sujet. J'ai les yeux qui commence à se remplir de vagues chaque fois que j'y pense un peu trop longtemps. Alors je me force parfois à sourire plus que je ne le ferai habituellement. Je me force parfois à être deux fois plus joyeuse que la normale pour ne pas qu'on remarque. Je m'éclaircis la voix avant de reprendre la parole. « J'ai jamais vu Yellowcard ! T'as trop de chance ! Alors, ils étaient comment ? Mais faudra absolument qu'on aille à un concert ensemble, pour rattraper tout ce temps que j'ai passé en dehors des salles de concerts. »

Je souris quand il mentionne Leeds. C'est un des festivals que j'ai toujours rêvé de faire aussi, mais je n'ai jamais eu l'occasion, ni le temps et encore moins l'argent de prendre l'avion jusqu'à l'autre bout du monde comme ça. « Tu sais quoi ? Fais moi signe quand tu vas à Leeds pour que je viennes avec toi ! Et rappelle ton pote et je ramènerai mes copines, on pourra se refaire une sorte de Soundwave, mais à l'anglaise cette fois ! » Je n'ai absolument aucune idée de comment je vais trouver le temps et l'argent pour cette idée folle, mais je suis tellement partante pour pouvoir m'éloigner un peu de Brisbane, même si ce n'est le temps que d'un tout petit festival.

Je ris quand elle parle de Twilight et j’hoche la tête pour toute réponse. Je sais pas pourquoi j’ai avoué ça, je savais que j’allais me faire charrier. Heureusement elle plaisante. Elle me donne une tape sur le bras et elle me tire la langue, ça me fait rire encore plus. Elle est complètement adorable, je fonds carrément. Mon coeur bat un peu plus vite que la normale et je mets ça sur la surprise de l’avoir retrouver toujours, mais au fond je sais déjà que c’est autre chose. Wendy me confirme qu’elle n’a jamais quitté ses écouteurs, même au fin fond du Bangladesh. Elle a dû rester au courant de la musique qui sortait. Elle me contredit bien rapidement m’expliquant qu’elle s’est fait une session rattrapage pendant une semaine à son retour.

J’hausse les sourcils quand elle dit ne pas avoir eu le temps de voir quelques concerts depuis son retour. Ca doit être triste de pas pouvoir en profiter alors que y’en a juste à côté de chez soi. Elle a peut être changé. Ou bien elle a vraiment pas beaucoup de temps pour elle. Je me demande ce qu’elle fait pour ne pas se libérer une soirée de temps en temps. En tout cas j’espère que ça changera parce que j’ai trop envie d’aller voir un concert avec elle. Faudra que je trouve un truc pour pas inviter mes potes comme d’habitude, ou bien on ira chacun de notre côté. Oui j’ai envie de passer du temps seul avec elle. Je suis un peu possessif. Un léger silence s’installe mais je ne suis pas dérangé. Je me perds un peu dans ma contemplation. Elle est toujours aussi belle. Wendy reprend la parole disant qu’elle a jamais vu Yellowcard.

« Ah ben tu pourras plus les voir c’était leur farwell tour. Ils break up à la fin. »

Je fronce un peu le nez, c’est con d’avoir loupé ça si on aime leur musique et qu’on est fan de concerts. Je suis quand même bien content quand elle parle d’aller faire un concert ensemble. Je suis pour à 300%.

« Je te tiendrais au courant quand y’a un bon show qui arrive. »

Je compte pas attendre les concerts que j’ai prévu de voir en juin ou juillet. Il faut qu’on se revoit avant ça, qu’on se fasse un bon concert. Je suis sur le cul quand elle me dit vouloir venir à Leeds avec moi. Ce serait juste le pied de faire un festival avec elle.

« Oh ouais carrément ! »

Je suis super enthousiaste.

« Ca serait trop bon de refaire ça. Ben écoute si tu veux revoir mon pote y’a pas de soucis, on est toujours autant proche lui et moi même après tout ce temps. »

Comme quoi c’est possible de garder contact avec les gens, juste je n’ai pas su faire la même chose avec Wendy, mais c’est pas grave vu que je la retrouve maintenant. C’est ça l’important, qu’on soit de nouveau en contact à présent.

« Après c’est sûr que c’est plus facile d’être proche quand on peut se voir sur Brisbane… »

Je n’ai pas envie qu’elle prenne ma remarque pour elle.

« Faudrait que tu me passes ton numéro ou ton facebook, comme tu veux. Pour qu’on puisse rester en contact cette fois. »

Et je sors mon iphone 6 de ma poche, prêt à dégainer facebook s’il le faut.

« Oh et tu sais que je chante et je compose des chansons aussi. Bon je fais surtout des reprises mais j’ai écris une chanson pas mal et je chante à des soirées open mic. C’est plutôt cool, faudra que tu viennes voir. Tu chantes toujours toi ? »

Je souris légèrement en coin. Je me souviens de toutes ces chansons qu'on a chanté ensemble pendant qu'on matait ADTR, YMAS, Paramore et j'en passe.

« ... Attends quo- ?! » Mon sourire s'efface. Je le regarde les yeux écarquillés. Est-ce que j'ai bien entendu ? Est-ce que j'ai vraiment raté cette opportunité dans ma vie ? Est-ce que vraiment je ne verrai jamais Yellowcard ? Je fais la moue, déçue d'apprendre ça. « Comme quoi, j'ai pas fait mes révisions assez biens parce que je ne le savais pas du tout ... » Je croise les bras sur ma poitrine, en réfléchissant à toutes ces fois où je les avais raté parce que je n'avais pas d'argent à ce moment-là ou que ce n'était pas le bon moment (sans compter mes cinq années à l'étranger, en plus !). « ... Rah, je suis vraiment déçue. » Je lève les yeux vers Kane avec espoir, des paillettes dans les yeux. « Oh s'il te plait, dis moi que t'as au moins des photos et des vidéos après cette monstrueuse nouvelle ? » En vérité, je sais très bien que je m'en remettrais, mais je l'aimais beaucoup ce groupe. C'est dans des moments comme celui-ci que j'aimerai être riche et pouvoir me permettre de voyager partout dans le monde pour aller à des concerts et donc n'en rater aucun. Malheureusement, on ne choisit pas les conditions dans lesquels on nait et au final, ce n'est peut-être pas aussi mal.

Je hoche la tête quand il parle de me tenir au courant. « T'as plutôt intérêt, oui ! Surtout après ce que tu viens de me dire. Je te jure, Kane, tu viens de fracasser ma journée. » J'enfonce le clou, oui, mais je le taquine. Je garde mon air de chien battu avant de sourire doucement. « Non, mais plus sérieusement, envoie moi directement un message si t'entends qu'il y a un groupe de bien en passage en ville ! » On enchaine pour parler de festival. Les Soundwave sont les derniers festivals que j'ai fait avant d'abandonner ma passion pour la musique. Enfin, abandonner est un grand mot, je l'ai simplement quittée pour quelques années. Je garde un souvenir de fou de ces Soundwave, en particulier celui de Perth vu que c'est là que j'ai rencontré Kane. Il y a des gens avec qui ça clique automatiquement, juste comme ça, ça a été le cas avec lui, comme si on se connaissait depuis des années. « Je suis totalement partante pour qu'on fasse ça et je suis sûre que mes copines le seront aussi ! »

Je le regarde dégainer son téléphone presque plus vite que l'éclair. Je lâche un petit rire, clairement le blond, il ne perd pas de temps. « Tu ne devrais pas avoir trop de mal à me trouver sur Facebook, vu qu'apparemment, tu te souviens parfaitement de mon nom de famille ! » Mon sourire s'élargit, qui aime bien châtie bien, pas vrai ? « Pour mon numéro, c'est toujours le même, tu l'as toujours ? » J'espère qu'il l'a toujours, j'espère qu'il ne l'a pas supprimé en se disant qu'il ne me reverrait jamais. Il me semble que j'ai toujours le sien enregistré sur mon portable. Après qu'on ait arrêté de parler, Kane et moi, il m'arrivait parfois d'aller relire les conversations, comme ça, juste pour me souvenir de trucs sympas. Souvent, j'hésitais à lui en envoyer un nouveau avant de me dire qu'il avait sans doute dû m'oublier depuis le temps. Après tout, on ne s'était vu qu'un seul jour et à des années lumières déjà.

Il me parle de sa propre musique. Vous en avez souvent parlé par SMS avant, le fait qu'il composait ses propres trucs et vous disiez qu'il devait te faire écouter ça quand tu rentrerais à Brisbane et puis vous avez perdu contact, la maladie de ta mère est arrivée donc ça m'est un peu sorti de la tête, mais tu te souviens qu'il t'en a parlé à plusieurs reprise. « Ouais, ça serait carrément cool. Je viendrais faire la fangirl devant tout le monde. » Je ris. « Tu sais, le genre à m'exclamer haut et fort "Quoi ?! Vous ne savez pas qui est Kane ? Mais est-ce que vous habitez sous un rocher ?!" en mode super dramatique comme ça tout le monde verra que t'as des fans complètement tarées. » J'éclate de rire. Oui, je me fais rire toute seule. Certains me diront que je suis stupide, mais qu'importe, le plus important, c'est de rire un peu dans la vie, non ? « Sinon, oui, je chante toujours ... » J'acquiesse d'un signe de tête. « ... dans ma salle de bain. » Je ris encore une fois. Je ne sais pas si c'est Kane qui me fait cet effet-là, mais apparemment, aujourd'hui, j'ai envie d'être drôle, genre stupidement drôle. « La foule en délire dans ma salle-de-bain, j'adore. »

Je lui apprends apparemment la nouvelle pour Yellowcard et j’ai envie de la prendre dans mes bras pour la consoler. Ok j’ai juste envie de la prendre dans mes bras sans raison valable, mais celle ci en est une. Je ne le fais quand même pas, parce qu’on vient à peine de se retrouver, ce serait peut être considéré comme déplacé comme geste. Elle me demande des photos et vidéos du concert et j’hoche la tête.

« J’ai fait quelques photos ouais. J’ai pas pris de vidéo par contre. »

Parce que je ne les regarde jamais après coup. On parle de se revoir pour un concert, de se tenir au courant et elle avoue que j’ai fracassé sa journée avec ma nouvelle concernant le groupe Yellowcard.

« Awwww je suis désolé Wendy. »

Je vais poser ma main libre sur son bras, comme si ça allait faire passer la pilule un peu mieux. J’avais juste très envie de la toucher. J’aurai préféré la prendre dans mes bras mais de toute façon j’ai un tas de sac plastique dans une main, ce serait pas pratique du tout. On parle de se faire un festival et on est tous les deux bien partant pour ça. Ce serait cool que ça prenne forme et que ça ne soit pas que des paroles en l’air. Je ferai en sorte que ça arrive. Elle me demande si j’ai toujours son numéro et c’est une bonne question.

« Attends je regarde. »

Je sors mon téléphone de ma poche et je cherche à Wendy, il y a même un coeur à côté de son nom haha j’étais trop in love. Ok je peux la fermer parce que j’en mène pas plus large au jour d’aujourd’hui.

« Ouais je l’ai toujours ! »

J’ai trois tonnes de numéros de téléphone que je n’utilise pas mais que je ne fais pas de ménage du coup j’en rajoute mais j’en supprime jamais. Je vais dans messages et je lui envoie un smiley qui fait un bisou.

« Je t’ai envoyé un message pour que t’ai mon nouveau numéro. »

Je lui parle de ma musique et elle a l’air emballé à l’idée de venir me voir. Je crois que je vais être encore plus nerveux que d’habitude le jour où ça arrivera. Je souris quand elle me sort les phrases qu’elle dirait éventuellement à un de mes gigs (ok c’est que des sessions open mic, c’est pas des gigs, mais j’aime bien faire genre). J’éclate de rire avec elle.

« Tu vas passer pour folle. Je suis pas vraiment connu, à part de ceux qui viennent souvent écouter de la musique les soirs de scènes ouvertes. Mais bon c’est rien de passer pour une folle. On n’en meurt pas. »

Quand je passe pour un con c’est ce que je me dis. Je vais pas en mourir. Comme toutes ces fois où j’ai tenté de draguer des filles. Tiens d’ailleurs ce n’est plus vraiment à l’ordre du jour pour moi. Je ne cherche plus personne parce que je l’ai trouvé. C’est Wendy. Il faut juste que ce soit réciproque maintenant. Je ris quand elle dit qu’elle chante dans sa salle de bain.

« Je me souviens que tu chantais vraiment bien ! Tu connaissais toutes les paroles de toutes les chansons. »

Ca m’avait impressionné à côté de moi qui connait genre que le premier couplet des chansons et le refrain.

« En tout cas au moins toi tu chanteras avec moi quand je ferai des reprises de ADTR. Je chante souvent ‘if it means a lot to you’. Y’a personne qui connait quand je chante ça, mais je m’en fou, je chante ce qui m’inspire. »

D’ailleurs Wendy m’inspire bien maintenant que je la vois. J’essaie de ne pas penser que ça fait un moment qu’on discute. Je n’ai pas envie de la quitter déjà. Enfin j’ai son numéro et je vais la chercher sur facebook dès que je serai rentré chez moi. Je ne vais pas reperdre le contact avec elle, j’en donne ma parole.

« D’ailleurs y’a une partie qui est chanté par la fille. Tu pourrais monter sur scène pour ce passage là si le coeur t’en dis. »

Je lui fais un clin d’oeil. Je sais qu’elle va pas le faire, enfin je suppose. C’est vrai qu’elle n’est pas chanteuse, mais elle se débrouille très bien. Et puis il ne faut pas une super voix pour chanter du ADTR, suffit de chanter juste et ça je suis sûr qu’elle sait le faire.

« Y’a aussi Remembering Sunday que je chante souvent. J’ai une copine qui chante avec moi mais elle veut pas monter sur scène, du coup on chante chez moi ou chez elle, pour s’amuser. C’est plutôt sympa. Y’a pas mal de chansons en duo quand on y regarde de près. Je dis ça je dis rien. »

Ouais j’aurai bien envie de chanter avec elle.

Kane me rassure en me disant qu'il a bien pris des photos. Je suis pas tellement du genre à en prendre, moi. J'oublie souvent, en fait, trop prise dans le moment présent, en train de sauter dans tous les sens, en train de chanter (ou plutôt crier) à m'en arracher la gorge. C'est marrant, mais je ne sais plus du tout comment à commencer cette passion pour la musique. Je ne pense pas que ça soit Georges qui m'ait influencé, il me semble qu'il a des goûts musicaux assez douteux. Je suis pas certaine de ce qu'écoute mon frère, en vérité, mais je sais qu'on a jamais eu de point commun là-dessus. Kane me ramène à la réalité en touchant mon bras. Je pose mes yeux sur lui, la bouche légèrement entrouverte. J'ai l'impression que le temps s'arrête lorsque nos regards se croisent. J'ai l'impression aussi d'être ce cliché de collégienne amoureuse, vous voyez le genre ? Faut que je me ressaisisse. Je souris en baissant les yeux pour ne pas soutenir son regard plus longtemps. Je pense que j'aurai explosé autrement. Il me confirme qu'il a toujours mon numéro et qu'il m'a envoyé un message. Mon regard remonte vers le sien. « Parfait ! Mon téléphone est dans la salle du staff, mais au moins je l'ai ! »

Je hausse les épaules en souriant. « J'ai pris l'habitude, à force ! » J'ai l'habitude d'être prise pour une folle, oui. A force de tomber tout le temps ou de renverser un million de choses et tout ça dans la même journée. Je suis le genre de fille trop joyeuse alors j'ai l'air d'un petit chihuahua excité la majorité du temps. Alors oui, j'ai clairement l'habitude qu'on me prenne pour une folle, mais je le vis plutôt bien. « Au moins tout le monde saura qui est ta fan ultime ! »

On parle de chant. J'aime beaucoup ça, chanter, mais jamais au grand jamais je n'envisagerai de faire ça devant un public. A part si je veux me taper une honte monumentale. Je suis la fille qui rit pour un rien, qui sourit pour tout, qui milite pour ce qu'elle croit juste, qui tend la main à son prochain sans rien attendre en retour. Je ne suis clairement le genre de fille artiste ou créative. Je laisse ça à Danaëlle. « C'est pas parce que je suis une grosse fangirl que je chante bien. » Je ris à la remarque. J'ai tendance à écouter les mêmes chansons ou albums en boucle alors évidemment après un moment, ça rentre tout seul.

Il commence à me parler de A Day To Remember. C'est l'un de mes groupes préférés et je ne peux empêcher mon sourire de s'élargir. A Day To Remember, ils ont une place spéciale dans mon cœur. Je ne sais pas vraiment pourquoi ou comment, mais ils semblent toujours taper juste au bon endroit. Ils semblent savoir te parler. « Oh ! J'adore tellement cette chanson ! Par contre, je ne suis pas certaine que je chanterai mieux que Sierra. » Je le regarde dubitative. « Honnêtement, je ne sais pas si j'aurai le courage de monter sur scène, tu sais. » Par réflexe, je passe ma main dans mes cheveux. Je m'imagine très mal monter sur scène pour pousser la chansonnette. Même si ce sont des chansons que je connais par cœur, qu'est-ce que je fais si j'oublie soudainement une partie des paroles ? Qu'est-ce que je fais si je chante mal ?

Il te parle d'une copine. Je ne suis pas certaine s'il implique une petite-copine ou une copine copine, mais tout ce que j'arrive à dire c'est : « Ah bon ... Faudra que tu me la présentes ! » J'essaie de garder un ton aussi enjoué que la normale. J'espère qu'il n'a rien remarqué. On vient de se retrouver, pourquoi je me fais des films ? Pourquoi est-ce que je m'emporte comme ça. T'es vraiment stupide, Wendy. « Bah faudra que tu me préviennes le jour où ça se passe et si je suis libre et que j'ai assez bu, y a des chances que je monte sur scène. » Je lâche un petit rire. Je baisse les yeux vers ma montre pour y voir l'heure. « Ah zut ! Faut que je fi- » Alors que je tente de finir ma phrase et de me tourner en même temps (mauvaise idée de faire deux choses en même temps lorsqu'on s'appelle Wendy McKinnon), une personne qui sortait me rentre dedans de plein fouet. Je perds l'équilibre et je finis par trébucher sur Kane. J'avais fermé les yeux par réflexe et voilà qu'en les rouvrant, je me retrouve nez à nez avec lui. Littéralement, nez à nez. Mon regard vacille de son oeil droit à l'autre. « Euh ... Je ... »

J’ai un large sourire sur le visage quand elle parle de combien elle a l’habitude d’être prise pour une folle. Ca me plaît qu’elle soit aussi enthousiaste à l’idée de faire la folle à un de mes petits concerts. L’ambiance sera certainement pas aussi bonne que lors d’un véritable concert mais elle pourra bien s’amuser à chanter par dessus mes chansons, j’en suis certain.

« Je suis sûr que tu te sous estime dans ta manière de chanter. Mais c’est vrai que moi je parle de souvenirs qui date de y’a 7 ans, donc j’ai peut être embelli tout ça. »

Ca me fait un peu rire d’ailleurs. Je me souviens de ce festival comme du meilleur jour de ma vie. C’était en tout cas ce que j’ai dit pendant de longues années après quand on me demandait. Tout était réuni. Une jolie fille intéressante, des bons groupes, de la musique live toute la journée et toute la nuit. C’était parfait. Wendy me dit qu’elle aurait peut être pas le courage de monter sur scène et je fais non de la tête.

« C’est sûr c’est pas évident, moi aussi je stresse à chaque fois, mais on s’amuse tellement à chanter ses chansons préféré que ça passe. Et puis je ferme les yeux pour faire comme si j’étais tout seul dans mon appart’ plutôt que devant un public. Et le public s’en fou souvent de ce que tu chantes quand tu fais ça dans un bar d’ailleurs. Faut pas avoir peur. »

Le jour où j’aurai un public qui vient uniquement pour me voir moi là ce sera un big deal. Je serai cent fois plus nerveux je pense. Mais ce jour n’est pas près d’arriver. Je chante pour le plaisir, pas pour faire du fric. Je lui parle brièvement de Grace, une amie avec qui je chante parfois. Elle veut la rencontrer.

« Si elle vient à ma prochaine session open mic je te la présenterai. »

C’est quand même galère de la voir parce qu’elle a des horaires pourries un peu comme moi. Elle est infirmière. Je souris largement quand Wendy dit qu’elle pourrait monter sur scène si elle a assez bu.

« Ce serait cool ! Enfin, pas que tu doives boire pour monter sur scène, mais monter sur scène tout court. Tout le monde peut chanter à ces soirées là c’est vraiment une bonne ambiance. »

Ce qui devait arriver arriva, elle doit retourner bosser, elle fait un mouvement trop rapide sans faire attention aux gens autour et elle se retrouve sur moi. Je la rattrape comme je peux avec une main libre et une autre pleine de sac plastique. Au moins elle n’est pas tombée. Ce moment me fait évidemment penser à celui où on s’est embrasser pour la première fois il y a sept ans de ça. Est-ce que j’oserai l’embrasser cette fois aussi ? Je la regarde, nos visages sont bien proches l’un de l’autre. J’approche mon visage du sien, lentement, j’ai l’impression que ça dure un siècle et qu’elle va se redresser avant que j’ai le temps de faire ce que j’ai en tête. Parce que oui, je le fais. Je vais poser mes lèvres sur les siennes, tendrement, doucement. Un simple baiser tout chaste qui a le don de faire battre mon coeur vraiment très fort. J’en reviens pas moi même de ce que je suis en train de faire. On vient tout juste de se retrouver et je fais ça sans réfléchir. Et si elle est casé ? Je fais durer le baiser quelques longues secondes et je me détache, la remettant droite sur ses pieds au passage. J’ai ma main libre qui reste posé sur son bras, je n’ai pas envie de rompre le contact. J’ai les joues rouges, je la regarde dans les yeux, un peu intimidé par ce que je viens de faire.

« J’ai pas pu me retenir… »

Comme si j’étais pris en faute, alors que si faut elle a appréciée. N’empêche que je suis en train de caresser son bras de mon pouce.

« Je vais te laisser bosser… Même si j’ai pas envie de partir. »

Mon coeur bat toujours aussi vite, c’est fou j’ai l’impression qu’il va exploser.

« Je vais te harceler de messages jusqu’à ce qu’on se revoit. »

Oops, c’est peut être pas le genre de chose qu’une fille a envie d’entendre, mais là je parle sans vraiment réfléchir. Je suis encore trop dans le moment. J’ai un petit sourire trop chou accroché aux lèvres. Oui j’ai l’air niais, on peut le dire. Je vois ma cousine qui sort de la boutique et je détache ma main du bras de Wendy. Je n’ai pas envie de devoir répondre à des questions de sa part. Je fais carrément mon timide pour le coup.

Je ne pense pas que je me sous-estime lorsqu'il me dit qu'il a de bons souvenirs de moi en train de chanter. Je pense que je sais chanter, mais que je n'ai pas une voix extraordinaire. Le genre à ne pas se taper la honte à The Voice, mais le genre aussi à ne pas être choisie par un des juges, vous voyez ? Je suis loin d'être super star, loin d'être née pour être sur scène. Mais ça me fait sourire qu'il en garde une bonne vision. Il me rassure en me disant que dans les petits bars où il jouait, les gens s'en foutaient souvent. Enfin, je ne sais pas vraiment si c'est rassurant de savoir que les gens s'en foutent ... Parce que du coup, à quoi bon monter sur scène ? Mais je suppose qu'il faut bien commencer quelque part dans la vie. Kane me confirme qu'il me présenterait la fille dont il parlait si elle venait à un de ses concerts. J'analyse sa réaction, mais il ne semble pas sourire comme un niais lorsqu'on parle d'elle. Peut-être que je m'emballe trop vite qu'il s'agit bien d'une simple amie. Enfin, je le saurai bien assez tôt lorsque je la rencontrerai. « Bon, vu que tu en parles tellement ... » Je soupire avant de lui donner un sourire timide. « Je monterai peut-être sur scène avec toi. » Complétement folle. Je ne sais pas dans quoi je m'engage et il y a des fortes chances que je le regrette.

Parce qu'il y a toujours un ou plusieurs moments sur ma journée où je me casse la figure comme l'empotée que je suis, je percute quelqu'un et je tombe dans les bras de Kane. J'aurai ri si j'avais vu cette scène dans un film en pensant que c'était super cliché, sauf que là, c'est moi qui me retrouve là, les yeux écarquillés, en face d'un beau blond que je n'ai pas vu depuis des années. Par réflexe, je ferme les yeux lorsque je sens le contact de ses lèvres sur les miennes. C'est doux, c'est mignon et c'est surtout trop court. Il s'éloigne de moi et je le regarde sans savoir quoi dire. Je peux sentir le sang me monter aux joues. Merde, Wendy, c'était quoi ça ? T'as ton ventre qui s'agite dans tous les sens et ton cœur qui palpite. T'as l'impression d'avoir quinze ans et ton premier béguin. Plus stupide, tu meurs. Je me mords la lèvre inférieure, sa main sur mon bras, j'ai toujours pas de mots à dire sur ce qu'il vient de se passer. Je sais pas trop quoi penser et en même temps, j'ai mon cerveau en ébullition. C'est ... Wow. Juste ... Wow.

Il n'a pas pu s'en empêcher, c'est ce qu'il me dit. je baisse les yeux en souriant bêtement comme si les pavés du trottoir étaient la plus belle chose que j'aie vue de la journée. Stupide, stupide, stupide. Si je n'étais pas moi, je me serai donné une bonne claque pour que je me ressaisisse un peu. J'ai pas tellement l'habitude d'agir comme ça; mais là, c'était tellement soudain, tellement inattendu que je perds tous mes moyens. J'ose même plus poser les yeux sur lui, à vrai dire. Lorsqu'il m'annonce qu'il veut me laisser, je relève les yeux vers lui, comme électrocutée. Ah ... Oui, je n'ai pas fini ma journée, c'est vrai. Déçue, je vois la jeune femme brune sortir de la boutique l'air heureuse de ses achats. « Je vais te harceler de messages jusqu’à ce qu’on se revoit. » Je lui souris timidement en passant ma main dans mes cheveux. « Je euh ... Oui, d'accord. » Et rien que pour cette réponse, j'ai envie de m'abattre. C'est tout ce que j'ai trouvé à dire, sérieusement ?! « On a pas intérêt à perdre contact cette fois », dis-je essayant de me rattraper, mais je m'enfonce dans mon puits de malaise ...

Un sourire encore plus large se forme sur mon visage quand elle me dit qu’elle monterai peut être sur scène avec moi. Ce serait juste le pied. Je nous y vois déjà tous les deux à chanter du ADTR ou ATL. Je ne dis rien de plus sur le sujet, je n’ai pas envie qu’elle change d’avis. Je reste sur cette note pleine de promesse de sa part. Je ne l’oublierai pas, ça elle peut en être sûr. Quand elle me tombe dessus c’est presque trop beau et moi je peux pas m’empêcher de poser mes lèvres sur les siennes, juste en souvenir du bon vieux temps (ouais ouais tu parles, j’en avais surtout très envie). Et elle a l’air d’apprécier elle aussi. Quand je me détache et qu’elle se remet droite sur ses deux jambes je vois qu’elle rougit légèrement et je suis pareil de mon côté. Elle a l’air d’avoir la tête ailleurs et je me dis que c’est bon signe pour moi. Du coup je préfère reprendre la parole pour pas laisser un silence quelque peu gênant. Je ne veux pas la mettre dans l’embarras. Je ne la quitte pas des yeux, je la trouve tellement adorable comme ça. Elle a un peu perdu sa langue par contre, elle est hésitante au début. Elle n’a pas l’air dérangé par ma remarque sur le harcèlement. Je retiens. Je vais m’en donner à coeur joie, mais demain. Il faut pas abuser non plus, je peux attendre quelques heures. Je fais « non » de la tête quand elle dit qu’on a pas intérêt à perdre contact cette fois.

« Plus jamais… Je vais t’ajouter sur facebook dès que je suis chez moi comme ça on sera lié à jamais. »

Je dis vraiment de la merde. Comme si facebook était un truc super important. C’est sûr ça aide à garder contact avec les gens mais c’est sous réserve qu’ils ne le suppriment pas. En tout cas une chose est sûr, je vais passer ma soirée sur son profil à l’éplucher, regarder des photos d’elle et apprendre plein de truc que j’ignore sur elle de ces sept dernières années. Genre si elle a eu des boyfriends… Oui ça m’intéresse. Je crois que je suppose bien quand je dis qu’elle n’a personne dans sa vie. Sinon elle m’aurait fait une remarque après mon baiser. Ma cousine est un peu plus loin, en train de m’attendre. Je fais un dernier sourire à Wendy avant qu’elle n’entre dans sa boutique. Je lui fais un signe de la main en guise d’au revoir et c’est comme ça que notre échange prend fin. Je regarde la devanture du magasin et ça je suis sûr que j’y reviendrais dans pas longtemps. Je me vois déjà venir pour la récupérer avant qu’on aille manger un bout ensemble. Oui je me fais plein de films, j’espère que je vise juste.