I don't ever want to drink again, I just, oh, I just need a friend. I'm not gonna spend ten weeks have everyone think I'm on the mend. and it's not just my pride, it's just till these tears have dried.
Sa montre indique neuf heures et presque machinalement elle attrape son sac laissé sur le canapé pour se diriger vers le bar le plus proche. Cette décision elle n’est même pas le fruit d’une réflexion trop poussée, c’est simplement devenu une habitude dont elle a du mal à se débarrasser. Une habitude qu’elle n’a pas envie de changer, des pensées qui la poussent à boire qu’elle n’a pas envie de chasser. Pourtant, elle a bien remarqué les prospectus qui arrivaient dans sa boîte aux lettres. La première fois elle a simplement cru à une publicité, mais au bout de la troisième ou quatrième fois elle a bien fini par comprendre que ce n’était pas un hasard, et que ces prospectus ils lui étaient spécialement destinés. Prospectus qu’elle jette presque honteusement dans la poubelle de peur que Xavi ne tombe dessus et se mette à lui poser des questions. Est-ce que ça lui donne envie de changer, d’aller à une de ces réunions ? Non. Est-ce que ça la fait réfléchir ? Un peu. Mais pas ce soir, elle n’en a pas la force, elle a simplement besoin de décompresser et elle ne sait plus le faire qu’autour de quelques verres. De toute manière elle a bien une idée sur l’identité de ce messager secret, parce qu’il est la seule personne à l’avoir jamais confrontée à son problème. Sur ses pensées qu’elle essaie de balayer elle quitte son appartement pour rejoindre le bar. Une fois arrivée, elle s’assoit à la table qu’elle occupe habituellement, quand celle-ci n’est pas prise. Sa bière commandée, elle y trempe presque instantanément les lèvres lorsqu’elle arrive devant elle. Sans doute un peu trop paranoïaque, elle a l’impression que quelqu’un est en train de la fixer. Lorsqu’elle relève la tête ses yeux ne rencontrent personne, mais viennent finalement se poser sur un visage qui ne lui est pas inconnu. Ce n’est pas la première fois qu’elle le voit dans ce bar depuis qu’elle l’y a croisé quelques semaines auparavant. Une rencontre qu’elle préférerait presque oublier, tant elle se sent embarrassée par ce qu’elle a pu dire. Mais ce soir il n’y a plus de gêne, simplement de la colère. De la colère, parce qu’elle se sent surveillée. Sans le quitter des yeux, elle attrape sa bière et se dirige vers James, comme pour lui signifier de ne pas bouger. Son verre se pose sur le comptoir, et elle se place bien en face de lui. « Tu me surveilles ? » lui dit-elle, sans s’embarrasser de paroles inutiles. Parce qu’elle a clairement l’impression que c’est ce qu’il fait, et ça ne lui plaît pas, pas du tout. « Et tu pourrais arrêter de mettre ces prospectus dans ma boîte aux lettres aussi ? » Qu’il n’essaie pas de nier, elle sait qu’ils viennent de lui, elle en est intimement persuadée. « Je t’ai déjà dit que j’avais pas besoin d’aide. Je suis assez grande pour savoir prendre soin de moi. Je suis pas une œuvre de charité. » C’est ce qu’il lui donne l’impression d’être. Un nouveau cas désespéré duquel il s’est promis de s’occuper, parce que ça semble être son truc. Lydia elle a simplement envie qu’on la laisse tranquille, qu’on la laisse vivre sa vie tranquillement sans avoir à constamment se voir reprocher son mode de vie et ses habitudes.
Il avait pensé à Lydia, trop souvent depuis sa dernière entrevue avec elle, avait retourné le problème dans tous les sens sans trop savoir quoi faire. La plupart des gens auraient sans doute fermé les yeux, au final il n’avait aucune preuve, mais il n’était pas comme ces gens là. Incapable de rester inactif, incapable de rester à sa place et de ne pas s’initier dans la vie de personnes qui ne demandaient sans doute rien d’autre que d’être laissées en paix. Il avait pourtant bien compris que Lydia n’était pas prête à admettre et accepter sa situation. La première étape était alors de tenter de lui faire ouvrir les yeux, et il savait que ce n’était pas une mince affaire. Évidemment, elle n’avait pas utilisé le numéro qu’il lui avait laissé en espérant faire naître chez elle une prise de conscience. Ce n’était pas une grande surprise et la seule idée qui lui était alors venue en tête était de la harceler un peu à coup de tracts pour les alcooliques anonymes et autres brochures pour les gens souffrant de problème avec l'alcool. Dont certains documents à base d’images choquantes qui lui avaient donné envie de vomir. Tous les jours depuis leur rencontre il passait discrètement devant chez elle pour en déposer dans sa boite au lettre, sans un mot, sans une apparition de sa part il se suffisait de ça. Du moins les premiers jours, jusqu’à ce qu’une idée de stalker le prenne. C’était sans doute la mauvaise façon de s’y prendre, mais pour être honnête James n’était pas habitué à ce genre de situation, un peu dépourvu et pas vraiment sur de connaitre la marche à suivre pour aider Lydia, il le faisait avec les moyens du bord. S’organisant avec Liviana pour se libérer plusieurs de ses soirées il était venu une ou deux fois dans ce même bar où il l’avait croisé, l’avait observé un peu du coin de l’oeil ce qui n’avait fait que de conforter ses certitudes quand à ses problèmes d’alcool. Les premières fois il avait prévu un entretien avec le boss pour parler travail et être un peu plus discret mais ne pouvait clairement pas le faire tous les soirs, et ce soir là il s'était contenté de s'accouder au bar au alentours des 21h pour commander un jus d’orange tout simple et se trouver une table. Rapidement la blonde était elle aussi arrivée, et avait retrouvé sa place habituelle, sa bière habituelle sur laquelle elle avait sauté sans gêne avant de lever les yeux pour finalement poser son regard sur James.
Cramé.
C’était ce qu’il lisait sur son visage alors que déjà elle se dirigeait vers lui - un brin de colère se laissant deviner dans sa démarche. « Tu me surveilles ? » Il avait beau faire les enquêteurs du dimanche matin, face aux accusations de Lydia le malaise était monté en lui d’un coup. « Non pas du tout. » Le mensonge et James ça fait deux, il ne sait pas mentir et n’aime pas ça non plus d’ailleurs. « J’ai juste découvert grâce à toi, que dans ce bar il faisait un excellent… » Il baisse le regard vers son verre se rendant compte que ce mensonge n’a aucune crédibilité vu ce qu’il a commandé. « Jus d’orange ? » Bon on aura connu meilleure défense que ça. Il lui manque clairement un avocat là. « Et tu pourrais arrêter de mettre ces prospectus dans ma boîte aux lettres aussi ? » Il tente de ne rien montré articulant un timide. « Je vois pas de quoi tu parles. » Pourtant déjà un peu plus convainquant que le reste de ses propos. Mais voyant bien dans le regard de la jeune femme qu’elle ne le croit pas une seconde et l’a cramé depuis le début. « De toute façon, on dirait bien que ça ne marche pas. » Avait il alors ajouté en montrant de la tête la bière de Lydia. « Je t’ai déjà dit que j’avais pas besoin d’aide. Je suis assez grande pour savoir prendre soin de moi. Je suis pas une œuvre de charité. » Il fronce les sourcils cette fois un peu heurté par les mots de la blonde. « Je ne t’ai jamais considéré comme telle. » Est-ce que c’est le message qu’il a passé avec son attitude ? Il se pose inévitablement la question alors que son regard se repose sur son jus d’orange. « Mais… Tu as un problème Lydia… » Relevant le regard vers la blonde il sait qu’il s’aventure à nouveau sur un sujet dangereux. « Et je ne peux pas juste prétendre que je n’en sais rien et fermer les yeux… » Il en est tout bonnement incapable. « Ose me dire que tu ne bois pas trop ? » Une fois de plus il pose ses yeux sur la bière de Lydia puis sur elle, cette fois moins incertain que précédemment. Il l’a vu, tous les soirs de la semaine son verre d’alcool à la main à noyer sa tristesse dans ce bar morose. Elle peut continuer de nier si elle le veut - de se voiler la face - lui sait.
I don't ever want to drink again, I just, oh, I just need a friend. I'm not gonna spend ten weeks have everyone think I'm on the mend. and it's not just my pride, it's just till these tears have dried.
Elle n’a pas l’ombre d’un doute quant à la personne qui dépose ces prospectus un peu trop régulièrement chez elle. Et elle pourrait prendre son téléphone, lui dire d’arrêter, mais elle sait que ça n’aurait pas d’effet. Alors jour après jour elle se contente de jeter honteusement ces papiers qui s’accumulent dans sa boite aux lettres. Elle pourrait suivre les conseils que ces prospectus semblent lui donner, mais tant qu’elle refusera d’admettre le problème, elle fera comme si tout était bien. Si elle boit tous les soirs, c’est parce qu’elle le veut bien, et dans sa tête elle est capable d’arrêter quand elle le veut, elle n’en a simplement pas l’envie aujourd’hui. C’est pour cela qu’elle oublie rapidement cette histoire pour se diriger vers le bar le plus proche, sans résister à cette envie de boire une bière qui s’installe progressivement dans son esprit. Elle pense passer une soirée tranquille, s’installe à sa table habituelle et commande une bière. Dès les premières gorgées elle semble un regard venir s’installer sur elle. Se pensant paranoïaque elle n’y pense plus pendant quelques secondes, avant qu’elle ne rencontre les yeux de James. Elle en était sûre. Elle devient passablement énervée, et ce n’est pas parce qu’elle a trop bu étant donné qu’elle vient juste d’arriver. C’est surtout que ce n’est pas la première fois qu’elle le croise dans ce bar. Si elle au départ pensé qu’il avait certainement un but précis pour venir dans ce bar, elle a rapidement supposé qu’il venait presque pour la surveiller. La réflexion est peut-être un peu trop égocentrique, parce qu’après tout elle n’est personne pour lui, mais il est aussi la personne qu’elle soupçonne de laisser ces prospectus. Pour elle cela fait beaucoup trop de coïncidences pour qu’elles soient ignorées. Passablement énervée, elle se dirige vers lui et une fois arrivée devant lui elle lui pose la question qui lui brûle les lèvres depuis quelques semaines. Un rire jaune vient s’échapper de ses lèvres lorsqu’elle entend le mensonge malheureux dans lequel il se lance. « Et en plus de ça, t’es le pire menteur que je connaisse. » Et elle s’y connait en la matière puisqu’aujourd’hui presque toute sa vie est un mensonge. Et il s’enfonce un peu plus lorsqu’elle aborde les prospectus, même s’il ne peut nier l’évidence bien longtemps. Elle soupire, prend une gorgée de sa bière pour lui montrer qu’elle se moque bien de ses remontrances. « Et t’as pas un métier à faire de temps en temps ? » Elle doute que ça lui prenne beaucoup de temps, mais il doit certainement avoir de meilleurs choses à faire plutôt que d’essayer de raisonner Lydia ou de l’aider à faire face à ses problèmes. Mais cette aide elle n’est pas la bienvenue, elle n’a pas envie d’inspirer la pitié, elle n’a pas envie qu’on pense qu’elle est désespérée. Et lorsqu’il lui dit qu’elle a un problème, elle lève les yeux au ciel. Elle commence à serrer son verre un peu trop fort dans sa main lorsqu’il lui demande si elle ne boit pas trop, un verre qu’elle casserait sûrement si elle avait plus de force. « Et alors ? Je fais encore ce que je veux de mes soirées. » A ce qu’elle sache elle est encore assez grande pour prendre ses propres décisions. « Et ça veut pas dire que je sais pas m’arrêter. » Parce qu’au fond d’elle-même, elle est persuadée qu’elle n’a pas besoin de boire, mais qu’elle le fait simplement parce qu’elle s’ennuie, parce qu’elle a besoin de s’éloigner de ses problèmes. Ce n’est pas un besoin pour elle, plus un hobby comme un autre. Un hobby duquel elle pourrait facilement se passer si elle le voulait, enfin c’est ce qu’elle pense. « Et puis de toute façon je peux savoir en quoi ça te regarde James ? Tu sais rien de moi. » Elle est sur la défensive Lydia, parce qu'elle a l'impression de se faire attaquer, de devoir se justifier par rapport à son secret sans doute le plus honteux, celui qu'elle ne veut pas avouer, même pas à elle-même.
Si James n’est pas doué pour le mensonge c’est parce qu’il n’en use pas souvent. C’est habituellement un homme plutôt sincère et c’est pour ça qu’on le connaît, pourtant depuis le départ de la mère de Mathis il cache un secret, un de ceux dont il s’évertue à ne pas parler pour éviter justement de se faire griller alors quand un : « Et en plus de ça, t’es le pire menteur que je connaisse. » Sort de la bouche de Lydia, il se dit qu’il a de toute évidence raison de garde le silence plutôt que d'essayer de s’expliquer. « Disons que j’enjolive la vérité, c'est pas un mensonge, ce jus d’orange est vraiment bon. Je suis même plus ou moins sûr qu’il est fait avec des oranges fraîches, tu devrais essayer. » Il essaye de noyer le poisson, non sans ajouter une petite phrase qui laisse deviner que ça ne ferait pas de mal à la blonde de lever un peu la pédale avec l’alcool et de s'intéresser au jus du bar. Et quand le sujet des prospectus est mis sur le tapis il ne met pas bien longtemps à avouer - de toute façon il se moque bien qu’elle le sache. Quelqu’un a envie de l’aider… Il a envie de l’aider, est-ce que c’est une mauvaise chose ? Aux yeux de Lydia oui de toute évidence, mais les personnes réfractaires à son aide il les connaît bien, les côtoie tous les jours avec son métier, alors ce n’est pas ça qui le stoppe. Et le fait qu’elle boive dans sa bière en le défiant du regard ne fait pas baisser sa motivation, loin de là. « Et t’as pas un métier à faire de temps en temps ? » Il plisse un peu les yeux sentant bien que la conversation va devenir de moins en moins sympa, mais prêt à être un peu rentre dedans lui aussi. Ce n’est pas un méchant garçon loin de là - mais de toute évidence avec Lydia, la jouer copain gentil qui veut l’aider ne va pas marcher. « Et toi tu n’en as pas un ? Ca ne les dérange pas que tu arrives à moitié alcoolisé ou avec la gueule de bois tous les jours ? » Bon il tape peut-être un peu fort, devrait redescendre d’un cran si il ne veut pas la voir se braquer aussi vite et partir sans même lui laisser une chance de pouvoir l’aider.
Il est là pour tenter de l’aider à ouvrir les yeux, faire un premier pas qui n’a pas encore été amorcé de toute évidence. Et le chemin risque d’être long… Mais c’est un garçon endurant. « Et alors ? Je fais encore ce que je veux de mes soirées. » C’est exact, elle fait bien ce qu’elle veut, et il peut bien entendre l’agacement dans sa voix. « Tu fais ce que tu veux… Et moi aussi on dirait. Et il se trouve que ce jus d’orange est délicieux. » Il n’est pas idiot, sait bien que son attitude peut s'apparenter à du harcèlement et que si elle venait à le dénoncer il pourrait avoir des soucis. Mais pour ça il lui faudrait affronter l’idée que James dévoile son problème d’alcool à tous pour se justifier. Et il doute qu’elle soit prête à ça. Pour le moment il a gardé ça pour lui - sait bien qu’en posant ses prospectus chez elle, il prend le risque d’alerter son mari… Mais Lydia aura sans doute besoin de plus que lui pour faire face et accepter. Et si il n’ira pas la dénoncer à ses proches… Un jour eux aussi devront ouvrir les yeux si ils veulent qu’elle aille mieux. « Et ça veut pas dire que je sais pas m’arrêter. » Il hoche la tête, faisant mine de la prendre au mot, presque de là croire. « Alors qu’est ce qui t’empêche de le faire ? » Une vie minable qu’elle veut oublier dans un bar tout aussi minable ? Il doute qu’elle soit capable de s’en passer sans manque - sans avoir cette envie qui la tient au ventre de revenir comme elle le fait tous les soirs - évidemment ça serait bien trop simple si elle était capable de s’en rendre compte.
« Et puis de toute façon je peux savoir en quoi ça te regarde James ? Tu sais rien de moi. » Là elle touche un point - une réponse qu’il est bien dur pour lui de donner. « Il se trouve que j’en sais plus sur toi que je ne devrais… Plus que ce que tu n’aurais sans doute confié à un presque inconnu comme moi si tu n’avais pas tendance à venir ici trop souvent et à boire… Trop. » Une fois de plus il n’y va pas par quatre chemins. Évidemment cette soirée ensemble à parler et même à rire aurait pu être un cas isolé. Un souvenir amusant où ils ont conversé bonobos et mariage pour des papiers avant de finir ivres morts dans leur lit… Mais ce n’est pas un cas isolé pour Lydia… Il l’a compris. « Ça ne me regarde pas tu as raison… Mais je n’ai pas pour habitude de laisser les gens se détruire en les regardant ou alors en mettant des oeillères pour leur faire plaisir… Pas de bol. » Pas de bol elle est tombée sur lui, pas de bol il la connaît, assez pour ne pas être indifférent, pour ne pas passer son chemin. « Je t’apprecie bien Lydia… Et ça… » Dit-il en désignant la bière qu’elle a dans sa main. « Ca fait pas de toi quelqu'un de mieux. » Peut-être d’un peu plus ouverte et moins timide… Mais il aime bien la Lydia timide, c’est elle qui lui avait plus dans sa jeunesse. « Ça te gâche c’est tout. » Et un jour elle le regrettera… Un jour il l'espère elle ouvrir les yeux et elle comprendra que pour changer les choses dans sa vie il faut les affronter et pas les fuir avec trop de verres. Ou dans le cas de James avec le sport… certes son échappatoire était plus sain que celle de Lydia… Mais au final tout aussi malsaine, pour échapper à ses sentiments il se mettait dans le sport à outrance et aujourd’hui dans sa relation avec son fils… alors oui… il avait sans doute ses propres problèmes mais ne rentrait pas ivre chez lui le soir… Il était juste ivre d’amour pour son gosse et c’était carrément plus sain comme drogue.
I don't ever want to drink again, I just, oh, I just need a friend. I'm not gonna spend ten weeks have everyone think I'm on the mend. and it's not just my pride, it's just till these tears have dried.
Elle est passablement énervée Lydia, et il ne faut pas être un génie pour s'en rendre compte, ça se lit parfaitement sur son visage. L'idée de renverser son verre au visage de James lui traverse l'esprit quelques secondes, avant qu'elle ne la refrène, elle n'est pas comme ça Lydia d'ordinaire. Alors elle se contente de le traiter de menteur, parce que cette fois-ci elle sait qu'elle a raison. Lydia c'est presque une menteuse professionnelle, elle sait quand on lui ment. « J'ai déjà tout ce qu'il me faut, merci. » dit-elle en désignant son verre de bière. Elle sait que ce n'est pas la réponse qu'il attend, mais elle n'est pas là pour le satisfaire. S'il n'y avait que les prospectus, elle passerait sans doute l'éponge, mais elle le voit trop souvent dans ce même bar pour croire à une simple coïncidence, et ça la fatigue de se sentir surveillée. Il doit avoir bien mieux à faire James plutôt que de venir ici, comme un travail par exemple. Elle, elle veut simplement qu'on la laisse tranquille, qu'on lui fiche la paix. Et la réponse de James à sa question la ferait presque sortir de ses gonds si elle n'avait pas trop peur de se donner en spectacle et d'attirer l'attention vers elle. « Malheureusement pour toi personne ne fait attention à moi à la mairie. » Par conséquent ses mauvaises habitudes ne semblent gêner personne, et même s'ils s'en rendaient compte, personne ne dirait rien parce que s'ils ne font pas attention à elle ils ont besoin d'elle pour effectuer tout un tas de tâches qu'ils n'ont pas envie de faire. « Et puis, laisse-moi tranquille simplement, d'accord ? » Elle ne sait pas combien de fois elle va devoir lui répéter, certainement un bon nombre de fois, sans pour autant avoir la certitude que cela finisse par marcher, probablement pas. Parce que son aide elle n'en veut pas, d'une part parce qu'elle n'a pas envie d'inspirer la pitié, et d'autre part, parce qu'elle pense, non, elle est persuadée, qu'elle n'a pas de problème avec l'alcool, qu'elle pourrait s'arrêter quand elle le veut. « C'est juste une bière James, ok ? Et j'ai personne à voir ce soir si tu veux tout savoir, alors je préférais venir ici plutôt que regarder Netflix toute la soirée. » Elle essaie de se justifier comme elle le peut, même si elle ne sait pas pourquoi elle le fait. Elle ne doit rien à James. A presque trente ans, elle estime ne pas avoir à justifier chacun de ses actes, chacune de ses sorties surtout pas à James, qu'elle connaît, au final, si peu. C'est aussi pour cela qu'elle ne comprend pas pourquoi il se soucie d'elle, de ses problèmes, bien qu'elle refuse encore de l'admettre. « Et alors ? Parce que tu connais la nature de mon mariage, que tu sais que mon travail est pourri ça te donne le droit de juger ma vie, mes habitudes ? » Elle a presque envie de faire cogner son poing contre le comptoir du bar, parce qu'elle sent la colère monter en elle, elle gronde, elle ne demande qu'à sortir. Elle n'a pas envie de relever le fait qu'il l'accuse de boire trop encore une fois, parce qu'elle a peur de s'emporter. Mais il ne semble pas vouloir lâcher l'affaire, et lorsqu'il lui dit ne pas prendre de pincette, et que l'alcool la gâche, c'est un mélange de peine et de colère qui viennent s'emparer d'elle. Parce que si elle ne l'admet pas à voix haute, ni dans son esprit, au fond, elle sait. Elle sait, qu'il a raison. Mais ce n'est pas à lui de s'en rendre compte, peut-être qu'elle a commencé à boire pour oublier ses problèmes, mais aussi pour que Xavi se rende compte de la toute la peine et la tristesse qui l'habitent. Pourtant, cela fait des mois que cela dure sans qu'il n'ait jamais rien dit, quand il n'a pas fallu longtemps à James pour s'en rendre compte, lui qu'elle connaît si bien. Et en ce moment là, c'est tout qui lui revient en esprit, elle a l'impression de tout se prendre en plein visage. Alors pendant quelques minutes elle range la gentille et douce Lydia de côté, pour devenir celle qu'elle est rarement. « Pourquoi ? Pourquoi t'es obligé de venir me balancer tout ça ? Si ça me gâche, tant pis, c'est mon problème encore une fois James. Le mien, pas le tien. Et éventuellement celui des personnes qui m'entourent. Mais tu sais quoi ? Tout le monde s'en moque. » Elle ne fait que commencer, elle sent au fond d'elle, qu'elle ne va pas s'arrêter, alors qu'elle le devrait pourtant. « Et puis je te demande moi comment tu te sens après la mort de ton frère ? Où est la mère de ton fils ? Non, je le fais pas. Parce que si tu veux en parler j'écouterai, mais ce sont pas mes affaires. Et j'aime pas m'immiscer dans la vie des autres, comme j'aime pas qu'on vienne me dire tout ce qui va pas dans ma vie. » Elle finit par boire une gorgée de sa bière, le regard encore plein de colère, même si elle n'aurait sans doute pas voulu lui dire la moitié des choses qui viennent sortir de sa bouche.
La question de la légitimité évidemment il se la pose. Parce qu’il sait bien qu’elle va lui être lancée au visage. Il n’est personne pour se mêler de sa vie, pour l’accuser de la sorte et se permettre de lui parler comme il le fait, et pourtant les mots sortent, les actions s'enchaînent les unes après les autres sans qu’il ose trop y réfléchir ou se poser des questions qui pourraient le rendre lâche. Des questions qui le pousseraient à faire comme tous les autres sans doute - à fermer les yeux - à passer son chemin. C’est ce que Lydia voudrait sans doute… Mais elle a tord et il se raccroche à cette idée. La certitude que quelqu’un doit ouvrir les yeux et ne pas la laisser s’enfoncer. « Malheureusement pour toi personne ne fait attention à moi à la mairie. » Le regard qu’il lui jette est un peu triste pourtant - ce n’est pas de la pitié pour elle, mais plus la constatation d’un monde où les gens sont bien trop centrés sur eux même ou ont bien trop peur et préfèrent mettre des oeillères, encore plus quand le mal ronge les gens les plus proches d’eux. « Je ne sais pas qui de nous deux ça rend le plus malheureux. » Elle ne montre pas de tristesse pourtant - pas d'une façon très claire mais tout dans son être semble respirer une sorte de malaise - une impression que rien n’en vaut le coup sans doute. « Et puis, laisse-moi tranquille simplement, d'accord ? » Elle le dit encore et encore et pourtant dans les oreilles de James les mots résonnent comme un appelle à l’aide bien plus que cette supplication qu’elle voudrait probablement faire passer. « Désolé Lydia mais… Je ne crois pas que ça va être possible. » Évidemment elle ne comprend pas, peut-être que son attitude échappe un peu à sa logique à lui même et pourtant tourner le dos semble tout bonnement impossible maintenant. « C'est juste une bière James, ok ? Et j'ai personne à voir ce soir si tu veux tout savoir, alors je préférais venir ici plutôt que regarder Netflix toute la soirée. » Il regarde autour d’eux l’air un peu pensif avant que son regard ne se pose à nouveau sur le verre de Lydia. « Je n’ai pas l’impression que tu ais quelqu’un à voir ici non plus. » Encore une fois il lui rentre un peu dedans, cherche à la confronter à ses propres paradoxes à cette solitude qui l’a amenée ici ce soir, à cette réserve dont elle fait preuve tout en ingurgitant de l’alcool qui ne fait que de délier sa langue et lui a permis d’en savoir plus qu’il ne le devrait sans doute. « Et alors ? Parce que tu connais la nature de mon mariage, que tu sais que mon travail est pourri ça te donne le droit de juger ma vie, mes habitudes ? » Est-ce que c’est le message qu’il fait passer ? Celui de la juger ? Quelques secondes il reste interdit en se disant qu’il a la mauvaise approche, qu’il a foiré quelque chose mais ne se dégonfle pas pour autant, essayant de faire retomber un peu la colère qu’il peut lire dans chaque geste, chaque intonation, chaque mot qu’elle prononce. « Je ne voulais pas te juger Lydia… Je suis surtout inquiet. » Il sait déjà ce qu’elle va réponse. Qu’il n’y a pas de quoi - sans doute même qu’elle serait capable de prétendre que tout va bien - qu’elle n’a pas besoin d’aide et surtout pas de la sienne mais pourtant il ne lui laisse pas vraiment le choix. Il ne laissera pas l’alcool gâcher la fille qu’il a connu - peu - mais assez pour savoir qu’elle en vaut le coup. « Pourquoi ? Pourquoi t'es obligé de venir me balancer tout ça ? Si ça me gâche, tant pis, c'est mon problème encore une fois James. Le mien, pas le tien. Et éventuellement celui des personnes qui m'entourent. Mais tu sais quoi ? Tout le monde s'en moque. » Son coeur se serre en entendant ses mots, la voix un peu cassée qui sort de son gosier. « Pas tout le monde… » Peut-être qu’il n’est pas la personne qu’elle attendait - sans doute pas celle dont elle voudrait de l’aide. Mais lui est là - lui ne s’en moque pas. « Et puis je te demande moi comment tu te sens après la mort de ton frère ? » Le regard se relève, sous l’étonnement quelques secondes il reste presque pétrifié - sa mâchoire se détachant lentement alors qu’elle continue. « Où est la mère de ton fils ? Non, je le fais pas. Parce que si tu veux en parler j'écouterai, mais ce sont pas mes affaires. Et j'aime pas m'immiscer dans la vie des autres, comme j'aime pas qu'on vienne me dire tout ce qui va pas dans ma vie. » Quelques secondes encore il garde le silence. Encaissant les mots sans trop savoir quoi dire le regard rivé sur la table il finit par le remonter pour le plonger dans celui de la blonde. « Et si j’avais besoin d’aide… Et que tu passais à côté ? Que tout le monde passait à côté ? » Il l’interroge du regard sans flancher cette fois - échangeant les rôles pour quelques secondes. Il n’a pas l’impression d’avoir besoin d’aide - mais ça a pourtant été le cas à une époque et lui aussi a repoussé toute aide - tout contact - après la mort de Ian il n’était plus que l’ombre de lui même - un être dévasté pour qui toute interaction humaine était douloureuse et qui les évitait comme il le pouvait. Mais on ne l’avait pas laissé faire - il y avait eu sa famille - Liviana - quelques autres amis fidèles - peu mais assez pour qu’il sorte la tête de l’eau - pour qu’il tente d’aller de l’avant… Aujourd’hui la douleur l’habitait toujours - chaque jour vivre sans Ian était douloureux et il en était venu à la conclusion que jamais cette sensation ne le quitterait - mais il avançait avec cette douleur en arrêtant de passer sa vie à la combattre. Et perdu dans ses pensées quelques secondes de silence avaient pris place entre eux avant qu’il ne reprenne la parole. « Je… » S’éclaircissant un peu la gorge il avait hésité quelques instants avant de reprendre - parce que quelque part elle n’avait pas tord - si il voulait construire quelque chose - l’aider - la relation ne pouvait pas aller que dans un sens. « Je sais ce que c’est que de se sentir seul Lydia… Vraiment… Je sais aussi que quand on ressent la solitude c’est difficile d’imaginer qu’elle puisse être partagée par d’autres… Mais crois moi c’est le cas et je sais ce que c’est que de se sentir seul. » Pour lui affronter la solitude avait semblé presque insurmontable. James n’avait jamais rien fait seul - il était né avec Ian et avait vécu toute sa vie avec lui - comme un part de son être dans un autre corps, puis un jour cet part avait disparu et n’était plus resté que lui… Peu importe les gens autour il s’était senti seul plus seul que jamais. « Tu as raison… Je ne suis personne, pour te parler comme ça, pour juger la façon dont tu gères la solitude, les difficultés... La douleur… » Se pinçant un peu l’intérieur de la joue il sentait bien qu’il avançait en terrain miné. « Je ne sais rien des raisons qui te poussent à être là ce soir - comme hier et comme probablement demain mais… Je sais comme c’est tentant, d’étouffer ce qu’on ressent, de l’oublier de trouver un échappatoire mais parfois quand quelque chose nous fait mal… La meilleure chose à faire c’est d’accepter d’avoir mal. » Et dieu sait que ce n’était pas simple - dieu sait aussi que ça pouvait être long et douloureux mais au final c’était ça aller de l’avant.
I don't ever want to drink again, I just, oh, I just need a friend. I'm not gonna spend ten weeks have everyone think I'm on the mend. and it's not just my pride, it's just till these tears have dried.
A la mairie, la moitié de ses collègues semblent avoir oublier son prénom, lorsqu’ils ne lui demandent pas de lui apporter un café pendant qu’elle est encore la stagiaire du service. Alors non, ça ne dérange personne qu’elle ait la gueule de bois presque tous les matins lorsqu’elle vient travailler. « Je cherche pas à me faire des amis à la mairie. » S’il y a des personnes dont l’ignorance la blesse, certainement pas celle de ses collègues. Si elle se montre aussi invisible c’est aussi parce qu’elle n’a pas envie qu’on commence à l’inviter à des barbecues le samedi midi ou des baptêmes tous les dimanches du mois. Sa petite vie insignifiante lui convient très bien, sans qu’elle ne vienne s’entourer de personnes encore plus ennuyantes qu’elle. Alors elle boit pour oublier sa banalité, sa solitude, mais ça elle n’est évidemment pas prête à l’avouer, surtout pas à James qui semble n’attendre qu’une seule chose. Mais il ne l’obtiendra pas d’elle. Elle se refuse à admettre ce problème dont il semble être convaincu qu’elle a, parce qu’elle, elle est persuadée d’aller bien. Tout ce qu’elle veut c’est qu’il la laisse tranquille, qu’il s’en aille pour la laisser avec sa bière et ses autres problèmes, qu’il arrête de se préoccuper d’elle pour la laisser sombrer sans qu’elle ne s’en rende compte. Sa tentative de justification ne semble pas marcher et elle balaye les paroles de James d’un simple geste de la main, n’ayant pas la force de se justifier encore plus quand elle a l’impression de ne rien lui devoir. Parce qu’elle ne comprend toujours pas. Elle ne comprend pas pourquoi il tient tant à essayer de la sauver, à lui faire admettre son problème quand il est personne dans sa vie. Alors elle commence à s’emporter, légèrement, gentiment par rapport à ce qui viendra ensuite. Parce qu’elle a l’impression qu’il juge sa vie, qu’il juge ses choix de vie et tout ce qu’elle peut bien faire. Et sans qu’il ne s’en rende compte il est en train d’enfoncer le couteau encore plus profondément, de la blesser plus qu’il ne l’imagine en lui disant être simplement inquiet. Et elle a envie de lui demander pourquoi, pourquoi il s’inquiète lui quand tous les autres semblent ne rien voir. Quand Xavi semble continuer sa vie sans se rendre compte qu’elle va mal, que tout va mal, qu’elle chavire lentement pour bientôt sombrer. Toute cette peine elle revient en elle, elle refait surface sans qu’elle ne puisse la contrôler, et lentement elle se transforme en colère. Une colère qu’elle ne peut réprimer face aux paroles du blond, et elle s’emporte, peut-être un peu trop. Elle lui dit des choses qu’elle regrettera sûrement le lendemain ou dans quelques heures, lui parlant de son frère, certainement la plus grande douleur de sa vie. Mais sur le moment elle n’est pas désolée, parce qu’elle en a marre, marre de faire semblant, de toujours tout garder pour elle parce qu’elle a l’impression qu’on ne lui donne jamais le droit de s’exprimer comme elle le voudrait. « Mais le truc, c’est que j’ai pas besoin d’aide James. » répond-elle, criant presque. Elle ne sait combien de fois elle va devoir lui répéter, mais elle a envie qu’il comprenne, une bonne fois pour toutes. Lydia elle n’a pas envie d’être sauvée, ce n’est pas qu’elle n’a pas besoin d’aide, mais qu’elle n’en veut pas, qu’elle a abandonné depuis longtemps. Elle l’écoute lui parler de solitude, qu’il sait ce que c’est d’être seul, que le meilleur moyen c’est d’accepter d’avoir mal. Mais c’est trop pour elle, beaucoup plus qu’elle ne peut supporter. « Arrête de parler James. Tais-toi, s’il te plaît. » Elle a besoin de reprendre ses esprits, ce n’est pas un caprice, et elle le regarde dans les yeux pour lui faire comprendre que c’est une demande sincère dénuée de colère pour une fois. Mais là maintenant, elle n’arrive plus à gérer, à tout gérer, parce qu’elle sait qu’il a raison, et que la seule envie qu’elle a c’est d’étouffer cette douleur, de l’étouffer sous des litres de gin. « J’ai plus envie James, tu comprends ? J’ai plus envie. » Non il ne doit sûrement pas comprendre, mais il veut qu’elle sorte de sa solitude, qu’elle accepte d’avoir mal ? Elle n’est pas certaine d’en être capable, mais elle va tâcher de lui faire comprendre comme elle le peut. « Je suis pas idiote, je sais que je viens ici trop souvent. Je sais que je suis seule. Je sais que j’ai mal. Je sais que je fous ma vie en l’air. » Elle l’a réalisé il y a bien longtemps, et James est simplement en train de lui balancer tout ça en pleine figure, comme un gros coup de fouet. « Et de l’aide j’en ai besoin certainement, mais j’en veux pas. J’ai pas envie d’être sauvée. J’ai pas de raison pour être sauvée. » C’est difficile à admettre et lentement elle passe ses mains sur son visage, avant de reporter son regard sur James. Un regard meurtri, plein de chagrin, mais dont la colère ne semble plus faire partie. « Alors quand je te demande de me laisser tranquille, je le pense vraiment. » Lydia elle n’a pas envie d’aller de l’avant, elle n’a plus envie, et elle a simplement envie qu’il le comprenne. Qu’il comprenne que tous ses discours n’y changeront rien, que sa cause est perdue d’avance.
Il lit la colère sur son visage mais elle ne lui fait pas peur - c’est une étape qu’elle doit sans doute vivre - c’est comme faire un deuil, celle d’une vie qu’elle a probablement imaginée bien autrement. Venir tous les soirs dans ce bar noyer un chagrin dont elle ne parle sans doute pas - ce n’était probablement pas le plan - pas le rêve qu’elle avait pour sa vie. « Mais le truc, c’est que j’ai pas besoin d’aide James. » Elle lui crie presque dessus - de rage - de colère. Mais James ne bouge pas, il ne bronche pas la laissant se vider mais sans pourtant bouger d’un pouce. Il n’abandonnera pas et sans doute qu’elle l’a compris et c’est pourquoi elle s’emporte de la sorte lui répétant pour la énième fois qu’elle n’a pas besoin d’aide, pas besoin de lui. Il parle comme il le peut - avec les mots qu’il a mais qui ne pèsent sans doute pas grand chose - il tente une approche, tente de lui dire qu’elle n’est pas aussi seule qu’elle peut le croire. « Arrête de parler James. Tais-toi, s’il te plaît. » Il obéit cette fois. Ferme la bouche en la fixant - sent le trouble que les mots créent en elle - ce dilemme qui doit prendre place dans son esprit. « J’ai plus envie James, tu comprends ? J’ai plus envie. » Les larmes montent aux yeux de l’homme - parce qu’il comprend si bien. « Je comprends… » C’est tentant de faire taire les maux, il le comprend sans doute bien mieux qu’elle le croit. Mais ce n’est qu’un solution passagère - ce n’est que continuer de se noyer, un peu plus profond tous les jours jusqu’au point de non retour. « Je suis pas idiote, je sais que je viens ici trop souvent. Je sais que je suis seule. Je sais que j’ai mal. Je sais que je fous ma vie en l’air. » Pour la première fois elle l’avoue - et même si il est loin encore - il le sait - c’est un pas. Un pas qui compte. « Et de l’aide j’en ai besoin certainement, mais j’en veux pas. J’ai pas envie d’être sauvée. J’ai pas de raison pour être sauvée. Alors quand je te demande de me laisser tranquille, je le pense vraiment. » Il y a cet échange de regard, plus fort encore que les mots. Et le silence qui s’installe. « Je sais bien que je ne peux pas te forcer Lydia… » C’est dur à accepter pour lui aussi mais il en a conscience. Sans son consentement il n’arrivera à rien même avec tous les efforts du monde. « Mais tu as tellement à gagner crois moi… T’es jeune, magnifique, t’es pas foutue… Faut juste pas te laisser mettre à terre. » Sa main glisse timidement sur la table pour venir saisir celle de la blonde alors qu’il pince un peu sa lèvre sentant l’émotion un peu trop intense de l’instant. « Aujourd’hui tu ne vois peut être pas les raisons… Mais elles existent. Tu peux t’offrir mieux que cette vie ? Mieux que la tristesse et les verres d’alcool… » mais si elle ne fait pas d’effort - si elle refuse toute aide alors il ne lui restera que ça. Se complaire dans son malheur. « Ne me dis pas que tu ne voudrais pas mieux pour ta vie ? » Est-ce qu’elle se suffit vraiment de ça ? Certaines personnes ont le besoin de rester dans la souffrance et contre ça il ne peut rien.
Lydia n’a plus envie. Elle n’a plus la force de se battre, de combattre ces démons qui semblent la hâter depuis tant d’années, mais qu’elle a préféré enfouir au plus profond d’elle-même pour ne pas avoir à y penser. Mais aujourd’hui c’est difficile, trop difficile après les avoir ignorés pendant tant d’années. Tant de ressentiments, de peine qui semblent lui retomber dessus sans qu’elle n’ait jamais rien demandé. Lydia elle aspirait à une vie des plus banales, une vie sans encombre et sans peine. Une vie dans l’ombre, pour faire en sorte qu’on l’oublie. Mais à trop vouloir faire en sorte qu’on l’oublie, elle a fini par s’oublier elle-même, par se perdre. Se perdre dans les méandres de son esprit devenu un peu trop sinueux pour son propre bien. Un esprit qui lui joue des tours, qui la fait plonger au plus bas quand elle voudrait aller mieux. Mais elle ne sait pas, elle ne croit plus avoir envie d’aller mieux, de se détacher de cette addiction qui semble parfois lui faire du bien avant de la faire replonger automatiquement. Sans plus de colère elle exprime à James sa pensée. Lorsqu’elle lui dit ne pas avoir besoin d’aide, c’est qu’elle le pense, sincèrement, au plus profond de son être. Elle ne sait plus pour qui ou pour quoi il faudrait qu’on la sauve. Elle n’a pas envie que quelqu’un perde son temps pour aider la pauvre petite pathétique personne qu’elle pense être devenue. Tout ça, tout ce qu’il lui arrive, c’est de sa faute, elle aurait dû le voir venir. Son penchant pour l’alcool n’est que le haut de l’iceberg, un problème qui en cache bien d’autres, parce qu’elle les a dissimulés pendant trop longtemps. Parce qu’elle a prétendu aller bien pendant trop longtemps. Et après tant d’années d’ignorance et de souffrance, elle n’a pas envie de devenir un fardeau. Elle ne sait plus par où commencer, ni quoi faire, dans quelle direction se tourner. Lorsque James lui dit comprendre, elle ne doute pas de ses mots. Et elle s’en veut presque de se montrer si faible quand lui a connu bien pire et a perdu une partie de lui. C’est ridicule, et elle a presque envie de partir et de s’excuser d’être comme elle est, quand d’autres ont connu bien pire qu’elle. Lâche et faible, c’est ce qu’elle est, elle se l’est répétée toute sa vie, mais ce soir, plus que les autres elle sait que ces mots ne l’ont jamais aussi bien décrite. Elle regarde James avec toute la peine qui est désormais la sienne, pour qu’il comprenne encore mieux ce qu’elle essaie de lui dire. Ce n’est pas facile, pas facile de se confier, surtout quand il semble être la seule personne à se rendre compte de toute la souffrance dans laquelle elle est, alors que son entourage semble fermer les yeux. Et elle lui en est reconnaissante à James d’être là, d’essayer de l’aider, même si elle ne l’admettra pas à voix haute, pas après tout ce qu’elle lui a dit, toute la colère qu’elle a déversé sur lui. « Je sais pas ce que je peux m’offrir aujourd’hui James. Je sais pas quoi faire, je sais plus quoi faire pour aller mieux. » Et elle ne saurait mieux l’expliquer. Il ne faut pas qu’elle se laisse mettre à terre, mais c’est trop tard, bien trop tard pour ça. Elle a déjà le nez bien enfoui dans la terre, et elle peine à se relever, sans trop savoir pourquoi elle le devrait. « Je sais pas ce que je veux pour ma vie. Je sais pas ce qui me rendrait heureuse. » Elle n’ose pas regarder le jeune homme, parce que c’est un aveu de détresse aussi. Elle n’est même pas certaine d’avoir envie d’être heureuse, d’aller de l’avant. Imaginer une vie sans alcool, sans Xavi ça lui paraît aujourd’hui inconcevable. Si les larmes lui montent aux yeux elle essaie de ne pas les laisser sortir. « Mais hm ... Merci. » dit-elle, d’une voix presque inaudible. Elle tient simplement à le remercier, sincèrement, d’être là, d’essayer de lui parler, pas de mettre tous ces prospectus dans sa boîte aux lettres, mais en tout cas elle est reconnaissante, elle sait l’être sans la situation l’oblige. « Et je suis désolée pour ce que je t’ai dit tout à l’heure sur ton frère, la mère de ton fils. Tu méritais pas que je dise des choses pareilles. Les mots ont dépassé ma pensée. » Son regard vient retrouver le sol, parce que si la peine n’a pas disparu, la colère oui, et elle s’en veut de lui avoir parlé de cette manière. C’est une belle personne James, bien plus qu’elle ne le sera jamais, parce qu’elle n’est pas altruiste Lydia, pas particulièrement gentille non plus. Et elle n’a pas envie de faire remonter en lui des souvenirs qu’il préférerait certainement oublier.
Il ne pourra peut-être rien faire… Pas ce soir du moins il en a conscience, c’est un travail de longue haleine pas de ceux que l’on termine en une soirée. Il voudrait pourtant, que les choses soient plus simple, que les mots suffisent pour qu’elle prenne conscience de son potentiel, mais il est évident que la blessure est bien plus profonde que ça. Il en a déjà vu des gens blessés et ceux comme Lydia qui préfèrent se soigner avec l’alcool sont sans doute les plus dangereux. « Je sais pas ce que je peux m’offrir aujourd’hui James. Je sais pas quoi faire, je sais plus quoi faire pour aller mieux. Je sais pas ce que je veux pour ma vie. Je sais pas ce qui me rendrait heureuse. » Il en a conscience les réponses à ces questions ne sont pas si simple. Lui aussi a peiné souvent… Comme tout humain probablement. « Il est peut-être temps d’essayer de le savoir. » Il le dit avec calme, plus comme une invitation que comme un ordre ou le conseil d’un vieux sage. Il n’est sans doute personne pour donner des leçons de vies. « Et je ne suis pas sûr que tu trouves les réponses à ses questions ici… » En fait il est même persuadé du contraire, mais ce n’est probablement pas ce qui la fera changer d’avis. « Mais hm ... Merci. » Il ne sait pas trop sur quel pied danser avec la blonde, un coup les insultes et la colère puis maintenant les remerciements, il reste silencieux cette fois sans trop savoir ce qui va suivre. Sans trop être sur du comportement qu’il doit adopter maintenant, de ce qu’il pourrait bien faire pour l’aider. « Et je suis désolée pour ce que je t’ai dit tout à l’heure sur ton frère, la mère de ton fils. Tu méritais pas que je dise des choses pareilles. Les mots ont dépassé ma pensée. » Tous les deux baissent les yeux, l’instant de flottement qui s’installe alors qu’il déglutit un peu difficile. « Tu n’as pas tort tu sais… J’ai aussi mes démons et mes problèmes à régler… » Il si une partie de lui en a conscience c’est bien plus des problèmes qu’il préfère laisser immerger là où il n’a pas trop à y penser malgré tout. « Mais ça ne m’empêche pas de m’inquiéter pour toi. » Pourquoi pour elle spécifiquement il ne saurait l’expliquer. Des ivrognes à sauver il y a en a beaucoup, rien que dans ce bar sans doute il aurait pu jeter son dévolu sur n’importe qui. Mais c’est Lydia qu’il a choisi… Peut-être parce qu’il l’a connu avant, peut-être aussi parce qu’elle lui plaisait bien et qu’il lui voit un potentiel qu’elle semble ignorer. Ou alors c’est juste le destin qui a fait les choses de cette manière… « Je… Ne vais pas t'embêter plus longtemps… Comme tu l’as dit mon fils m’attend… » Puis c’est sans doute assez pour ce soir. « Mais tu as mon numéro… Alors n’hésites pas d’accord ? N’importe quand… » Un dernier sourire avant de se lever. Il ne lui proposera pas de la ramener ce soir, il est temps qu’elle prenne ses décisions elle même. Puis ce ne serait sans doute que repousser le problème au lendemain. « A bientôt j'espère. » Ce qu’il espère surtout c’est qu’elle saura faire le pas… Vers lui ou vers quelqu’un d’autre qui serait peut-être plus à même de l’aider.