Un verre, ça ne devait être qu’un seul verre. Je me souviens, on se l’était promis via message texte, de nous prouver que nous étions réellement des adultes et de ne pas succomber à notre vieille habitude, celle où nous nous amusions à commander tous les cocktails les plus loufoques. J’y croyais, sincèrement, je suis partie de mon appartement plein de bonne volonté, passant le pas de la porte avec la mentalité que je n’étais plus la petite Azur de 19 ans sans retenue et un foi increvable. Bien que cette jeune femme est clairement encore présente quelque part en moi -il n’y a qu’à voir mon attitude lorsque Beyonce se mets à jouer pour comprendre que je n’ai pas réellement grandi- je me dis que je suis une réelle adulte, mais rien à faire. Ce fut un misérable fail, trente minutes après être arrivés au bar j’avais déjà un nombre indécent de verres vide devant moi. La suite est floue, je ne me souviens plus réellement ce qui s’est passé. J’ai des flashs de blagues salaces que j’ai tenté de raconter, de moi qui tente de faire rire Matt en lui listant le peu de conneries que j’ai fait en son absence. Oh, les plus grosses je les passe sous silence, mais je réalise bien rapidement que ma vie a pris une tournure que je n’aurais jamais imaginé il y a plusieurs années. Je me lève le matin, je vais au travail, je rentre, je tente de cuisiner et souvent c’est pas mangeable alors je commande avec Bobbie et on se terre sous un plaid devant une série. Et ça recommence le lendemain. Je rêvais d’aventure, d’imprévus, de sorties, de compétitions sportives, d’une histoire d’amour qui me donnerait l’impression de planer, mais je n’ai rien de tout cela. Et aussi banale que ma vie semble, je ne peux nier que je suis heureuse malgré tout, bien que son rythme ne saurait être apprécié par beaucoup de gens. Je le suis plus maintenant que je ne l’ai été depuis tant d’années, depuis cette soirée fatidique où mon monde s’est arrêté. Et en tant que femme qui se veut forte et indépendante, je me dis que tout ça est attribuable à ma bonne gestion de mes émotions et de mes sentiments. Ouais, que c’est pas à cause de lui en fait.
Bras dessus, bras dessous, Matt et moi sommes en train de traverser un parc longeant un bâtiment abandonné. Je ris aux éclats, je ne me souviens même plus pourquoi, trop alcoolisée pour avoir une mémoire plus longue que celle de Doris dans Némo. Memory span de 30 secondes en fait. Quoique c’est peut-être pas l’alcool, mais juste ma nature de femme blonde. « Matt ! » Je nous arrête en pleine marche, sans raison particulière. Comme un flash ou une apparition divine, je ne saurais comment qualifier mon envie soudaine. « On va là, s’il te plait. » Je me surprends moi-même en suivant mon doigt qui pointe vers ce bâtiment abandonné qui ne semble pas du tout attirant aux gens normaux, mais il réveille en moi ce goût du risque que je n’ai pas satisfait depuis trop longtemps.
Ça allait si bien, depuis le retour de Londres. M’enfin, bien étant rétroactif, rébarbatif, relatif. Je cherche mes mots et ça me fait rire le pire, elle aussi, et mes pas se succèdent aux siens alors que je réalise où on se trouve. Et ouais, j’y croyais, à la rédemption. J’avais quitté l’Angleterre avec le goût de faire mieux, de montrer aux parents, à Ginny, à moi-même que je recommençais, que je remettais de bonnes bases, que j’étais un nouveau mec, la connerie. Le café à retaper, la maison à repartager avec Lene, les amis qui reviennent, Heidi qui se greffe, tout semblait se mettre en place pour un bon départ dans les règles de l’ordre. Puis y’avait eu cette première tournée de pintes. Et ces shooters de tequila. Ces Sex on the Beach qui équivalaient qu’à du jus en vrai, quand c’était pas Angie qui les faisait. À un moment je me souviens d’un gin tonic aussi, ou de deux. Et d’un martini espresso – mais ça comptait pas, c’était que pour goûter leur café. « Toi, t’as besoin d’un verre d’eau. » que je rigole, pédant au possible, alors que je ne saurais même pas différencier de l’eau de la vodka à ce stade précis. Mauvaises habitudes, quand tu me tiens. La soirée avait bien commencé, les idées étaient presque claires, et Azur m’avait juré qu’elle aussi voulait prendre ça molo, qu’elle aussi voulait pas trop faire la fête, que ce Matt et cette Azur là, ceux d’avant, étaient bien dans le passé et que là, ça ne serait qu’un verre symbolique. La blague. Après 1 heure on avait déjà de la difficulté à respirer entre nos éclats de rire. Après 2 heures, j’avais perdu mon portable je sais plus où derrière le bar. J’irais mieux, je reprendrais mes bons plis, je vous jure que demain, ce serait de l’histoire ancienne. « Ce soir, on dit adieu aux mauvaises habitudes ! » je gueule maintenant, titubant, la rattrapant pour glisser son bras sous le mien, l’air frais de l’extérieur qui nous fait du bien – je pense – après avoir englué nos esprits dans un fond de bar miteux d’une ruelle à Logan City. Si on le dit, c’est que c’est forcément vrai, right ?
Et voilà qu’elle me stoppe dans mon élan d’aller voir si l’eau de la fontaine plus loin est vraiment glacée ou si elle est viable. J’y aurais pas pris un bain non, j’aurais seulement tâter du bout de l’orteil, et si j’y avais fini en entier ça aurait été que marrant, if only for the story. Mais Azur pointe un bâtiment abandonné en retrait, et ça me fait encore plus rire. Ce début de film d’horreur qu’elle nous fait là, et clairement, elle y survivrait pas. « Tu m'feras pas une crise de nerfs avant même qu’on soit rendus à la porte ?» je rechigne, mais l’idée de la tester – et de me tester pareil – est trop tentante pour que je retienne les pas qu’elle esquisse de plus en plus vite vers l’endroit en question. « 5$ que t’es même pas game d’entrer ! » j’en ajoute un regard mystérieux, et une voix que j’essaie de faire sortir d’outre-tombe mais qui me donne juste l’impression d’être un mauvais fumeur. Voilà, les paris sont lancés, et je l’amène à la porte dans la seconde, plus qu’avide à l’idée qu’elle s’oppose un peu plus chaque fois que nous franchissons un centimètre supplémentaire.
Des belles promesses, des rêves, des ambitions construites sur des châteaux de cartes, voilà ce à quoi on peut résumer le but de passer une soirée avec Matt sans finir complètement bourrés. Ouais, ce voeu est une belle connerie en fait, sachant qu'on est du genre à commander la carte, deux fois, ne suivant pas le dicton célèbre: blanc sur rouge, rien ne bouge; rouge sur blanc, tout fout le camp. Du genre à se faire passer pour des sommeliers en formation, mais avec la carte en entier, on en vient à ne plus impressionner personne lors de notre tournée des bars. J'y croyais par contre, j'y croyais vraiment, que Matt une fois la trentaine passée puisse insuffler un peu de bon sens dans ma vie. Ouais, ça c'est une plus belle connerie encore en fait. Je refuse son verre d'eau, prétextant ne boire que de la vodka ce soir, alors que je tiens un martini dans une main et que devant moi, le verre vide de mon cuba libre me nargue.
Sur le chemin du retour -je crois ? je saurais pas dire où on est, oups - je tente de faire vivre une aventure à Matt. Un genre de bâtiment abandonné semble crier mon nom juste derrière cette clôture défoncée dans quelques mètres. Le trou est assez gros pour que je m'y faufile sans soucis, et juste assez petit pour que Matt ait plus de mal et que j'aie le temps de le filmer le temps qu'il se prenne des branches plein la gueule. Ouais, faut aller là, définitivement. J'hausse un sourcil quand il remet mon côté de dure à cuire en doute. Dans un film d'horreur, je serais certainement la dernière à mourir. Blonde, certes, mais pas siliconée au point de mourir en premier et de ne pas être listée dans les acteurs principaux. Meilleur scénario: le tueur enlève son masque et c'était moi qui torturait cette pauvre bande de pote depuis le début. Seul hic: je n'ai pas réellement l'âme d'une tueuse, mais pour ce qui est de me foutre de la gueule de Matt un peu... Il m'amène à la porte et je me remercie mentalement de ne pas avoir pris ce chemin dans la clôture qui aurait engendré trop de rencontre avec des arachnides pour rien. Je suis plus bourrée que je veux bien l'admettre, va falloir que je m'y prenne autrement pour humilier Matt. « Tu me sous-estime, clairement. » Je gravis les marches me menant à cette porte en bois imposante, avant de me retourner vers mon acolyte, toujours quelques mètres plus bas. « Ça va définitivement être l'argent le plus facile que je me suis fait de toute ma vie. » Un peu de provocation, pour pimenter le tout et je me faufile sous cette latte de bois défoncée par l'âge et les autres vagabonds qui ont voulu tenter l'aventure avant nous. La noirceur me prend au dépourvu, je ne sais même pas à quoi je pensais à y entrer sans même sortir mon téléphone de mon sac pour tenter de m'éclairer un peu. Ma main glisse dans mon sac, pour en sortir mon iphone que je laisse tomber tout de suite après. Merde. Aveugle comme une pauvre fille, je tente de le retrouver, mais la pièce est plongée dans une telle noirceur qu'il est impossible d'y voir le bout des bras. Oups. « Matt ? » Je lâche, plaintive, le suppliant de venir à ma rescousse. Alors que je l'entends s'activer à l'extérieur, mon pied entre contact avec ledit téléphone qui n'est plus perdu. Je ne dispose que de quelques secondes pour me cacher un peu, mes yeux déjà habitués à la noirceur pour tenter de le surprendre une fois qu'il mettre un pied ici, s'il ne m'a pas lâchement abandonné à mon sort.
« Ou j’essaie la psycho inversée. » j’hausse les épaules, l’œil mauvais, voyant la silhouette d’Azur qui est déjà loin, se faufilant dans un trou qui semble mener vers le premier décès de ce scénario d’horreur qu’elle croit maîtriser si bien, avec toute la grâce d’un éléphant dans une boutique de porcelaine. J’avais depuis longtemps abandonné l’idée de la gérer comme je le faisais avec Ginny, ou du moins, je n’avais même jamais eu l’envie de le faire. Elle n’avait pas besoin qu’on la surveille, elle n’avait pas besoin qu’on la protège, Azur savait se foutre dans la merde et s’en sortir, ou du moins, elle incarnait à la perfection l’adage fake it ‘til you make it. C’était sûrement ça qui avait foutu mon instinct paternel de côté, ou le simple fait qu’elle riait de moi quand j’essayais d’avoir un comportement quelque peu protecteur. « Parle pas si vite, ça porte malheur. » elle est déjà loin devant et si je ne l’entendais pas jurer contre tous les insectes qu’elle sent faussement tomber sur sa nuque et dans ses cheveux, je m’inquiéterais presque. Lui laissant quand même une longueur d’avance, je finis par m’extirper de ce tunnel de la mort, donnant sur une large porte barricadée. Sérieux. Ça pue l’humidité et le fer, c’est un piège à MTS et à tétanos, et la crinière blonde d’Azur gambade déjà vers l’entrée en ignorant les signaux rouges clignotants, l’alerte que comporte cet endroit macabre. J’ai la vue embrouillée par la vodka et le gin, et elle perd pied à quelques reprises. Rien de bien malheureux, alors qu’en plissant les paupières je la vois finalement passer l’embrasure et se faufiler à l’intérieur. J’ai presque envie de compter en fractions de secondes le temps que ça prendra avant qu’elle hurle, qu’elle tombe sur un hobo qui se piquait dans l’entrée, ou sur des gamins qui lui taxeront son sac à main alors qu’ils pensaient que graffer sur les murs de la piaule occuperait bien leur soirée. On était en week-end ou en semaine? J’avais à être au café demain ou je pouvais passer? On était le matin déjà? Je finis de grimper les escaliers chancelants sous le craquement du bois pourri qui n’augure rien de net, et c’est bon joueur que je finis par répondre par l’affirmative lorsqu’elle appelle mon nom. Pas de trace d’Azur pourtant, aucun son, aucune image. Ouais, clair, elle est allée se cacher. Et malgré la noirceur de l’endroit, malgré mes sens qui sont plus qu’absents, je prends tout mon temps, j’essaie d’être le plus silencieux possible, je fais un pas puis un autre, je passe la pièce au radar… pour finir par remarquer une petite lueur là, derrière une porte, ou sous un mur. Elle est pas si naïve pour avoir pensé que je verrais pas qu’elle tente de filmer encore mes prouesses? Ou pire, qu’elle saigne son compte Snapchat à grands coups de selfies impossibles à voir dans la pénombre? C’est presque trop facile de me faufiler par derrière, c’est presque trop simple de passer les bras de chaque côté de ses épaules sans qu’elle ne m’entende, sans qu’elle ne me voit. Et après une énième expiration de sa part, je dépose fermement mes paumes sur ses bras, referme ma poigne, et la sent sursauter, se raidir, paniquer presque sous mes éclats de rire incontrôlables. « Calme, calme, ils vont t’entendre. » j’attends qu’elle arrête de baratiner ses conneries pour avoir toute son attention et qu’elle capte ce que je suis en train d’inventer de toutes pièces, misant sur cette expression, cette voix trop sérieuse que je n’utilisent que lorsque je me risque à jouer aux adultes. « T’as pas vu? Ils sont deux, en haut. » elle arque la tête et le reflet de la lune sur sa mine perplexe me donne assez de constance pour poursuivre. « Ou alors j’ai mal regardé. » toujours laisser le bénéfice du doute, toujours faire comme si de rien n’était, toujours jouer sur la parano de l’autre. Elle ne le verra pas parce qu’occupée à faire Dieu sait quoi, mais j’ajoute à la fausse gravité de la situation inventée de toute pièce une poignée de cailloux ramassés dehors, poignée que je lance bien loin de nous, le dos d’Azur qui me répond. « C’est quoi ça? » interdit, j'ajoute au jeu en fronçant les sourcils et en cherchant la provenance du bruit. « Ok, oublie le premier pari. 5$ que t'es pas game d'aller voir. » j’y tiens, à mes précieux dollars.
Tapie dans l'ombre, convaincue que ma cachette est la meilleure du monde, j'attends. Je m'imagine chasser les fantômes dans les lieux les plus hantés du monde, criant devant la caméra et partant à l'exploration avec mes night vision goggles pour ensuite me la couler douce avec le producteur pour les effets visuels plus que réussis. Je me bidonne un moment, lâchant un rire un peu cochonnesque, pour reposer ma main devant ma bouche pour camoufler le bruit. Je respire comme une asthmatique dans toute cette poussière, guettant le moindre bruit qui pourrait être émis par mon acolyte, mais rien. Rien du tout. J'arrive pour tendre l'oreille, mais je sens ses mains moites se poser sur mes épaules alors automatiquement, j'hurle. Je crie fort et un peu trop longtemps pour le bref contact que je viens de subir, pour me retourner et frapper mollement Matt sur le torse. « T'es trop con ! » Je ne m'offusque pas de ma faiblesse, trop alcoolisée pour laisser la colère s'emparer de moi. Bon coup Matt, un point pour toi. Non, je lâche un autre rire encore plus cochonnesque que le premier qui fait trembler les poutres pourries juste au-dessus de nous. Je me tais lorsque la source des mes futurs dollars me dit qu'ils vont m'entendre. Qui? Quoi? Idiote, je me recule et effectue un tour sur moi-même, prête à rencontrer un groupe de personnes qui s'adonnent à la même activité que nous ou prenant le thé, juste là dans un coin. Normal. « Qui ça ? Je vois rien. YOUH... ? Oups, merde. » Je repose une main devant ma bouche, chuchotant la fin de ma phrase. Enfin, je tente de baisser les décibels, ne réussissant pas du tout à y parvenir. Curieuse et un peu inquiète, je repose mon attention sur Matt, ne voyant pas ce sourire en coin qui étire ses traits dans cette obscurité. Mes yeux ont beau s'habituer à cette noirceur, je peux maintenant déceler sans soucis les débris sur le sol et les multiples pièces, mais rien ne m'éclaire sur l'air malicieux qui fait briller ses yeux. Je tente de voir les intrus (qui ne sont pas nous) en fixant trop longtemps le deuxième étage accessible par un escalier sur notre droite. C'est alors qu'un son nous parvient de derrière et cette fois je dois sauter un mètre dans les airs tellement je m'y attendais pas. Totalement aveugle au jeu de Matt, je le dévisage avec des yeux ronds comme des soucoupes à sa suggestions. « Quoi ? » Ma voix se coince dans ma gorge et mon coeur débat à vive allure. « T'es pas sérieux ? » Il l'est. Et moi, je suis une tête complètement brûlée trop saoule pour avoir peur comme je le devrais. Quelque chose me dit que je ne crains rien. La tête haute, je me saisis d'un bout de bois sur le sol que je passe sur mon épaule pour faire genre je suis armée, mais je rate de frapper Matt (et moi-même au passage) dans cette manoeuvre peu glorieuse. « Tu vas voir, McGrath. » Je tente d'être un peu provocante, mais je tremble comme une feuille alors je me dirige vers l'autre pièce d'où nous est provenu le bruit. Cette fois, je pense à sortir mon téléphone de mon sac et balaye l'entièreté de la pièce avec le rayon lumineux une fois, puis deux, pour être certaine que je suis la seule âme qui vive entre ces quatre murs. « C'est bon, y'a personne. » Je lance, comme pour inviter Matt à me rejoindre, qui, je l'espère, est encore derrière moi. Rassurée, je laisse tomber ma massue de fortune sur le sol, le son lourd raisonnant dans tout le bâtiment pour se faire répondre par un son encore plus lourd du deuxième étage. Si je n'avais pas fait pipi dans un buisson juste avant d'entrer ici, je pense que ma vessie se serait vidée à cet instant. Voir Matt à quelques mètres de moi me confirme qu'il n'est pas l'auteur de ce son inexpliqué. « Maaaaatt, ce sont les gens en haut que t'as vu ! Il faut aller voir ! » Je suis définitivement le genre de femme à courir vers le danger au lieu de le fuir et avec cette attitude je ne verrai jamais mon trentième anniversaire. « Dix dollars que t'es pas game d'aller voir en haut. » Je le mets au défi, haussant la mise, totalement inconsciente que moi, je ne risquais rien à venir inspecter cette pièce totalement vide il y a quelques instants.
J’ignore si c’est l’alcool qui la rend aussi audacieuse, ou si elle l’a toujours été et que les situations où on s’est foutus ne l’ont jamais mise autant en danger que ce soir, si vraiment y’avait âme qui vive à l’étage, mais voilà, j’la trouve particulièrement effrontée pour une nana bourrée dans une maison désaffectée. Tout ici crie le mauvais plan, tout ici devrait lui arracher un cri de peur par-dessus un autre et la convaincre que 10$ pour finir comme la fille dans Psycho, à savoir 24 minutes au compteur et déjà en sang dans la baignoire, c’est son problème – mais mine de rien, ça devient un peu le mien. Vous vous souvenez de ces conneries que je racontais tout à l’heure à savoir comment on était des égaux? Ouais bon, sa mort sur la conscience c’est pas trop comme je le vois, côté potes. Bref, j’essaie de l’effrayer un peu plus, ses cris aigus qui résonnent encore dans mes pauvres tympans tout sauf prêts à périr à cause de décibels plus élevés encore que tout ce qui puisse se faire aux rayons des cris stridents. Quelques cailloux lancés ça et là, mon esprit embrumé trouve l’idée particulièrement bonne, mais Azur s’en balance et même, elle s’engouffre là d’où le son que j’ai provoqué plus tôt provient. « T’es sûre? » les pas pressés qu’elle faits et sa silhouette qui semble disparaître dans la noirceur provoque quand même un soubresaut supplémentaire. Je me traîne les pieds, cogne sur les planches barrant une porte, siffle, fais du bruit, en me disant que si j’occupe le silence ça passera juste pour une demeure en manque de rénovations et d’un gros nettoyage. « Sûre, sûre, sûuuuuuuuuuuuure?! » elle finit par émerger, masse à la main?!, dans l’embrasure de la pièce d’où elle se cachait, d’où elle a validé le vide, d’où on entend maintenant autre chose. Ça provient d’en haut, c’est long et sourd, c’est trop fort pour être juste un craquement normal, mais trop évident pour être vraiment les faussetés que j’ai pu lui inventer quelques minutes plus tôt. Et là, l’air qu’elle partage et que la lune illumine, il hésite entre la frayeur et l’excitation, Entre la grosse terreur qui pue, qui est verte, qui la fait trembler de tous ses os, et le trip d’une vie, celui de la bouffée d’adrénaline qui la soulève presque du sol, qui la dirige vers les escaliers, escaliers qui risquent de voir notre mort bien avant ce qui peut bien se jouer plus haut. « Ouh, là ça devient intéressant. » je suis quand même un con, soûl ou pas. Je suis quand même un grand gamin avec le compte en banque d’un adulte, je suis quand même l’ado stupide avec la pilosité d’un homme mûr, et je la précède parce que je suis curieux, parce que la vodka et la gin me soufflent que c’est une bonne idée, parce qu’il peut pas vraiment y avoir quelque chose en haut de vraiment effrayant, si?! « Et 15$ si tu les trouves avant moi. » autant rendre le jeu plus amusant, et lui offrir un défi à accomplir en même temps que le mien, ça occupera, quand on réalisera qu’il s’agit juste d’une armée de rats, ou pire, de coquerelles, qui viennent de mettre à bas un pan de mur. « Hum, j’pense que c’est pas là que ça se passe. » je ne tarderai pas à repérer une illumination, ou du moins, l’impression de, faiblarde, qui passe sous la porte là, celle à droite, close. Ça pourrait être n’importe quoi, la lune encore, le reflet d’une affiche en néon en bordure de la rue, quelqu’un d’autre que nous qui s’amuse avec la lampe de poche de son portable… ou l’éclat d’un fantôme qui illumine fluorescent comme dans Ghostbuster. À voir. « Tu le sais, que si on se fait chopper, j’te laisse derrière? » Azur tout comme moi a commencé à avancer vers la provenance de la fameuse lueur et je tiens déjà à mettre les choses au clair. Ça change du discours larmoyant qu’on entend avant que la scène de tuerie se passe, dans les films, et ça mettra à l’épreuve la confiance qu’elle a en moi, à savoir si elle me croira ou pas. « Non mais juste pour qu’on soit sur la même longueur d’ondes. » je retiens un énième éclat de rire en gardant les lèvres bien pincées, les sourcils froncés, faussement égoïste au possible, sarcastique comme elle l’aime. Ou pas. « C’était cool de te connaître. » ma main est maintenant sur la poignée, et j’ouvre la porte à la volée, la poussant amicalement devant moi. À toi de jouer, championne.
Ça pue. Je dis pas ça parce que Matt soit avoir une sueur froide qui coule lentement le long de sa colone vertébrale face à cette scène macabre que nous explorons. Non, ça sent mauvais parce qu'on est deux adultes à enchainer les mauvaises décisions à rythme encore plus effrayant que ce qui se dessine devant nous. Sans retenue ou bon sens, je sens qu'on va finir à l'hôpital ou en prison, l'idée de mourir m'effleure même l'esprit, mais je la relègue directement au second plan amusée par son côté extrême. Tout dans ce bâtiment nous hurle de sortir, mais on est là, à s'éclairer avec nos téléphones sur le point de mourir, faute d'avoir bombardé ma story de snaps de nous avec tous les filtres possible. Ça valait la peine, surtout quand le filtre de chien s'est mis sur les narines de Matt et que j'ai ri pour les quatorze snaps suivants. Ouais, vraiment, c'était un beau moment qui en a valu la peine, mais à voir le pourcentage de ma batterie passer sous le cap du 10% je me dis que je dois agir de façon plus réfléchie. L'idée de partir, peut-être ? Mais non, je pense aux... quoi ? Vingt dollars que je me suis faite en quelques minutes ? Jackpot, mon audace en vaut la peine avec Matt qui me gâte plus que la loto. Armée de ma masse de fortune, je reste derrière lui alors qu'il nous redirige vers cette porte close où un faible rayon se glisse sur le sol. Aucune ombre macabre qui danse alors qu'on s'approche, c'est bon signe. De toute façon, ma vue est trop troublée pour savoir ce qu'il en est, alors je suis l'homme de la situation. Je ne qualifierai pas Matt de chevalier cependant puisqu'il m'avoue sans gêne et sans honte qu'il me laissera lâchement derrière en cas de pépin. Je me stop, une main sur les hanches, désireuse de lui faire la morale. Mes sourcils se froncent et je pose ma main libre sur mon torse, arborant un air que je souhaite outré. « Comment ça, tu ne braverais pas un monstre pour moi ? » Je ris, parce que je sais que pour Matt je suis surtout une chieuse blonde qui lui soutire les billets de son portefeuille. Mais la faute à qui ? Il devrait comprendre que les araignées ça ne me fait pas peur et que je m'amuse beaucoup trop en ce moment. « Mais je comprends, en cas de soucis je te donne un coup avec ça et comme ça tu sers d'appât alors que je cours vers la sortie. » Je bouge un peu ma masse, faisant mine de viser ses chevilles. Les zombies se délecteront du peu de matière grise de Matt avant de poser leurs mains décomposées sur moi, parole de Zu. Je ris et si normalement ça sonne léger, je dois dire qu'avec l'écho de cette pièce vide ça donne franchement les jetons. « Arrête de jouer les drama queen et ouvre la porte. » Je chuchote, mais c'est aussi fort que si j'avais parlé normalement. Voyant que mon acolyte prend son temps, je soupire et me glisse devant lui, le souvenir des 15$ promis me motivant à le dépasser. Un coup vers la droite, un vers la gauche, la poignée refuse de glisser dans une direction ou dans l'autre. Cette porte est complètement fermée, impossible de l'ouvrir. Je m'acharne un moment, jusqu'à ce que je tire trop fort pour tomber sur les fesses suite à une fausse manoeuvre peu gracieuse. J'imagine déjà Matt rire et je roule les yeux, déterminée à ouvrir cette fichue porte. Relevant les yeux vers mon acolyte, je remarque une fenêtre en haut de la porte, un peu entrouverte. Une genre de verrière où je pourrais peut-être me faufiler, si Matt m'aide... « Tu crois que par en haut, ça passe ? » Je lui désigne mon plan perdu d'avance, prête à tenter le coup quand même.
La voir avec une massue à la main me donne des sueurs froides, bien plus que la potentielle famille de fantômes que j'invente bien stupidement depuis tout à l’heure. Non mais si elle était déjà gaffeuse à jeun, j’imaginais pas ce que ça pouvait donner si on lui foutait une arme de destruction massive dans les mains. Des ciseaux pour gaucher, une feuille de papier, un reste de sandwich entre ses doigts pouvaient faire d’énormes dommages, alors lorsqu'on pense à un truc avec des bouts en acier y'a de quoi paniquer. « Joue pas avec ça bébé, tu vas te faire mal. » je prends le ton du papa protecteur qu’elle déteste tant, faisant un pas dans sa direction pour lui piquer le truc et le cacher le temps qu’elle l’oublie, mais elle me voit venir et se dégage. Qu’elle m’engueule pas si elle se casse l’orteil en échappant la massue dessus tout à l'heure hen. Pourtant, quelques minutes plus tard alors qu'Azur s’acharne à tenter d’ouvrir la porte, je ne peux pas retenir un rire, un froncement de sourcils, un train of thoughts complètement différent et à l’ouest de ce à quoi je pensais plus tôt. Elle est déphasée, ou? « Non mais franchement, t’as quand même la massue là, tu pourrais pas juste…? » il me semble logique qu’à la place d’utiliser son arme pour me menacer ou pour démonter des esprits, elle aurait tout à gagner à démolir l'obstacle d’un élan violent. Ça semble déjà tomber en ruines cette baraque, autant lui donner le coup de grâce du haut de ses mèches blondes. Le gin, la vodka et l’adrénaline dispersent notre intérêt sur de nouvelles prouesses, Azur gigotant pour se poser sur mes épaules, pour passer par l’ouverture plus haute - plan que je trouve complètement nul et franchement dangereux, mais ça semble tellement la rendre heureuse que je peux pas me braquer. « Oh, grimpe, grimpe. » que je l’encourage, me penchant pour qu’elle saute sur mon dos, mes épaules, comme s’il s’agissait de la tentative la plus censée et logique pour arriver à nos fins sans heurts ; 5 secondes plus tard et elle se fracture le poignet moi je vous dis. Et probablement parce que je fais le con en tanguant d’un côté à l’autre, la penchant d’un sens, la faisant basculer de l’autre. Elle a peine à se tenir en place et je n’aide pas du tout à son profit, mais je me dis qu’à force, elle finira bien par rire autant aux éclats que moi. « Attentiooooooooon, tiens toi je perds pied, je, Azur, je... » coup de grâce, lorsqu’elle me croyait calme et stable, j’en rajoute en tournant sur moi-même, lui arrachant un nouveau cri d’angoisse, ou de gros fun, j’arrive pas à dire. Reprenant un peu de sérieux, je reviens finalement face à l’entrée, toussotant, retrouvant mon souffle. Le silence laisse place à de nouvelles moqueries, Azur qui s’active à faire Dieu sait quoi en hauteur. « Bon, quand on sort d’ici je te mets à la salade verte sans vinaigrette parce que je jure t’as pris 10 kilos. » elle est aussi légère qu’une plume, elle a jamais eu ne serait-ce qu’un gramme en trop, mais je suis con, elle le sait, et quand je m’emmerde et que je me cherche une distraction j’abuse côté âneries. Pas de surprises ici. « Tu vois quelque chose?! » son silence me suggère qu’elle est sûrement insultée, autant lui changer les idées et profiter de son point d’angle pour élucider le mystère de la lumière, des voix, des bruits, tout ça. Mais ça marche pas, toujours muette, toujours perchée, probablement plus frustrée que je puisse le penser même. « Ok, ok. T’as pris aucun kilo tu sais bien. T’es toujours aussi athlétique, y’a des zombies qui auront encore faim après t’avoir mangé, j’te dis. » là, c’est mieux? Au pire, la mention des zombies potentiels la ramènera à des choses plus sérieuses qu’au nombre de calories ingérées dans la journée.
Ça fait combien de temps que nous sommes là ? Est-ce le soleil que je vois dans l'ouverture au fond de la pièce ou simplement une lampe extérieure qui s'est allumée après un afflux d'électricité dans le coin ? Je ne saurais dire, mais il serait quand même bien que mon cerveau soit victime du même genre de truc, un connexion de neurones jusque là endormis et qui me ferait réaliser que mon plan est complètement débile et voué à sa perte. Il n'y a aucune bonne solution à monter sur les épaules de Matt et me faufiler dans ce trou pour voir ce qui ce cache dans l'autre pièce. Dans la moitié des options envisageables, je me pète la gueule en tombant des épaules de Matt, soi parce qu'il n'arrive plus à me soutenir ou parce que je suis trop bourrée pour avoir un équilibre normal. Il pourrait m'empêcher de mettre toutes mes idées à exécution, mais non, le pauvre s'amuse de mon malheur et ma témérité. Il est sérieux en plus, j'en suis certaine, qu'en cas de hantise véritable ou soucis quelconque, il me laisserait à mon compte. Je n'ai pas besoin de lui pour me sortir de la merde, alors ça tombe bien. Mes cuisses se serrent un peu trop autour de lui lorsque ce connard fait mention de mes habitudes alimentaires complètement désapprouvées par n'importe quel personnes sensée. Psychopathe, je lâche un rire, amusée par mon pseudo contrôle sur sa personne. « Tu penses pas que c'est parce que tu t'es trop goinfré de crumpets et scones au cours des dernières années que c'est plus difficile de me soutenir ? Tu t'es laissé aller je crois... » Le métabolisme ralentit avec l'âge, non ? Oui, c'est vrai, j'ai vu ça dans mes cours. Ma tentative de burn déplorable est vite oubliée quand j'hurle de plaisir après un petit 360 improvisé par mon manège personnel. Et la simple mise en pensée de ce que je vis m'empêche de me concentrer. Ça sonnait oh so sexual, le genre de pensée qu'ont les gens bourrés quoi. Je mords ma lèvre pour ne pas exposer le fond de ma pensée à Matt -qui me pousserait en bas de ses épaules j'en suis sûre. Je scrute la pièce sombre par le trou en haut de la porte, avançant même ma main dans la pièce comme si la portée de la lumière de mon téléphone sera supérieure si placé un gros trente centimètres plus loin. Not happening. Par contre, l'araignée bien velue et dégueulasse qui semble avoir dévoré des mouches bourrées aux stéroïdes qui descend pour se placer bien bien dans le faisceau lumineux, je la vois. Très bien. Trop bien, mais surtout, trop près. « Ah ! » J'ai pour réflexe de me reculer brusquement, oubliant que je suis en hauteur sur un autre humain pas stable. Ce qui devait arriver arriva, fatalité, connerie, idiotie ou karma, mon cul se retrouve trop rapidement sur le sol qui -heureusement- ne défonce pas sous l'impact. Mon téléphone se perd dans la pièce où nous nous trouvons et la lumière de ma caméra s'éteint. L'adrénaline décharge rapidement, mais pas avant de sentir cette douleur vive à la cheville, m'indiquant que ma chute ne fut pas sans conséquence. C'est peut-être une petite foulure et je serai remise dans la journée, j'en sais rien, mais pour le moment, j'ai mal. « Oups. »
Deux beaux idiots, comme pas mal toutes les fois où on était en duo. Azur était pas du genre à rouler des yeux à la moindre connerie que je pouvais dire ou faire, et je le lui rendais tout aussi bien. C’est probablement pour cette raison qu’on se retrouve dans une maison délabrée, complètement bourrés, en pleine nuit, à imaginer ce que serait la vie si elle était peuplée de créatures des ténèbres comme l’araignée dégueulasse que la blonde repère à nouveau, et qui lui vaut un cri bien senti. Je sursaute parce que je suis con et que j’ai pas du tout de meilleure raison, et la voilà qui chute de mes épaules dans la foulée. Merde. Malgré le fait qu’on l’ait cherché - surtout elle - c’est pas dit que je ne ressente pas un soubresaut de stress lorsque je vois son corps disloqué au sol. Moment de panique, je cherche une source de lumière pour voir si elle saigne, si elle est inconsciente, si quoi que ce soit, et c’est son oups qui me fait éclater de rire d’abord, incontrôlable, surpris moi-même. Parce qu’après, je pense que c’est mon rire à lui seul qui poursuit l’hilarité, assez que je sens des larmes se nicher au coin de mes yeux, et mon souffle qui se perd. Je suis plié en deux, incapable de faire autre chose que de tenter de retrouver mon sérieux entre deux éclats, et la situation n’en devient que pire lorsqu’Azur s’y met elle aussi et qu’elle pouffe à son tour. « Oups? » je paraphrase, encore haletant d’avoir trop rigolé, pinçant les lèvres pour me contenir. « Comme dans “Oups docteur, elle était sur mes épaules à se croire dans American Horror Story et finalement boum tombée, nuque fracturée?” » la stupidité de la chose lutte avec le coup de chance qu’on a eu tout de même. Je lui tends la main, l’aide à se relever, et c’est lorsque je remarque la faiblesse dans sa jambe que j’hausse tout de même un sourcil. « Sympa, la blessure de guerre. » sa cheville foulée gêne ses mouvements et je finis par sentir ma fibre fraternelle qui revient une nouvelle fois au galop, penchant mon dos pour qu’elle puisse y grimper à nouveau. « Et tu passes en mode sac à dos, aucune chance que tu regrimpes là-haut avant un bon bout de temps. » ses bras autour de ma nuque, ses jambes balantes de chaque côté de mes hanches, je finis par asséner le coup ultime à la porte qui bloquait, coup de pied qui dégomme la quincaillerie et fait céder le bois au passage. La voie est libre, en espérant que ça en vaille la peine. Quelques pas plus tard et nous voilà finalement là où on a tant voulu se poser - et le résultat est quand même presque décevant. « Je pense que ça mérite un dernier verre pour l'effort. » de Londres et de ma vie un peu trop nocturne, j’ai gardé très peu de référents, sauf peut-être cette flasque rempli de whisky que j’exhibe de ma poche gauche. Ma main tend la surprise alcoolisée en direction d’Azur, alors que mes prunelles détaillent la fameuse pièce cachée - mis à part quelques graffitis, un canapé défoncé et une pile de vieux papiers pêle-mêle qui recouvrent un coin de la salle, y’a rien de bien épeurant ici. Je vais tout de même scruter ce qui me semble être des coupures de journaux, la soudaine envie de voir si la page horoscope s’y trouve. « Oh daaaaaaamn… » comme dans tout bon film d’horreur qui se respecte, les papiers ornant le sol s’avèrent finalement être des coupures de journaux, de la section nécrologie.
Je me suis cassé un truc. J'en suis certaine. Ça fait maaaal, je suis certaine que demain j'ai le cul bleu et que Bobbie va me demander qui m'a mis la fessé en voyant la tache sur la peau s'étendre plus bas que mon pyjama boxer. Oh, si seulement mes blessures pouvaient être attribué à un autre type d'activité nocturne dans un endroit isolé avec un mec, bourré qui plus est. Sauf que non, je suis avec Matt quand même. Matt, c'est... Là il me regarde, hilare, et je ris aussi même si chaque spasme me rappelle que je me suis fait bien mal en tombant quand même. Non, je ne pense pas que je serais capable de coucher avec Matt un jour, quoiqu'à bien y penser ça serait probablement comme en ce moment. Les deux à rire, sans pouvoir s'arrêter, jusqu'à en avoir mal au ventre, juste à imaginer la suite des événements. Non, Matt je l'aime mieux dans une maison hanté abandonnée que dans mon lit et je suis certaine que le feeling est réciproque. Weird, dit comme ça. Après tout, je suis un peu comme Ginny, mais pas reliée par le sang. Ouais, non, j'en sais trop sur les conquêtes de Matt pour avoir un quelconque lien de parenté avec lui, c'est pas sain comme histoire. « Non, si j'étais dans American Horror Story, clairement je serais en vie jusqu'à la fin et je truciderais tout le monde pour finir avec Evan machin. » Oh, sweet innocence. L'aventure continue, Matt me qualifie de sac à dos, mais ce n'est pas long avant que je ne le corrige pour lui apporter la vérité pure: « Non, pas sac à dos. Plutôt Yoda et toi t'es Skywalker. » Pas mal certaine qu'avec la moue qui s'affiche sur mon visage 102% du temps, Yoda et moi on a des airs de famille. J'ai quand même la sagesse comme lui, pas vrai ? Comment ça non ? Ma tête se cache dans le cou de mon nouveau moyen de transport vers le 7e ciel quand on découvre enfin le nirvana cette pièce qui nous a foutu dans ce merdier. Je retiens un meh face à ce spectacle, même pas tentée de mettre une photo quelconque dans ma story snapchat avec la quote « spooky ». La seule chose que je refuse, c'est que Matt me dépose sur le canapé grouillant de mites ou de n'importe quelle bestioles, probablement trempé de fluides corporels que je souhaite pas lister. Telle une unijambiste, je saute presque gracieusement dans la pièce pour la découvrir, le goût du whisky de cette flasque encore sur les lèvres. Réchauffée dans cette nuit sombre, je laisse mon acolyte s'accroupir pour ramasser des coupures par terre, revenant vers lui pour voir de quoi il s'agit. Ma tête repasse sur son épaule pour une proximité pas du tout convenable, mais je m'en fiche. Mes yeux parcourent sa découverte au même rythme et une idée passe dans mon esprit trop alcoolisé pour en faire abstraction. « Regarde celle là ! » Je me saisis d'une grosse coupure pour un magasin général datant d'il y a plusieurs décennies, mais j'agis comme s'il s'agissant d'un truc tout autre, l'enlevant du champ de vision de Matt pour mener ma supercherie à bout. « La famille McGrantment invite en ce samedi 18 janvier 1947... » Grand solde sur les bouquets et les couronnes.... « Pour célébrer la vie de Mattias, fils ainé de la famille. » ...pour honorer ceux qui nous ont malheureusement quittés... « Il laisse dans le deuil, ses deux petites soeurs, Ginerva et Jillouise... » Solde d'une durée limité, roses exclues. Limite de deux par clients. Je relève les yeux vers Matt, certaine qu'il n'est pas du tout amusé de ma connerie. J'ai envie de dire que ça va, c'était bien drôle, quand je retourne l'article dans mes mains. La photo au dos me glace le sang. « Matt... » Chances qu'il m'accorde de l'attention maintenant ? Nulles. « Viens voir... » Parce que la photo, je la reconnaitrais entre mille, pourtant la date et le nom ne concordent pas. « Avoue, tu trouves pas... un air de ressemblance ? » Le visage livide, je lève ma découverte à côté de mon visage, affichant un air aussi défraichi que la photo de cette femme qui me ressemble franchement trop...
La pièce en soit pourrait facilement être un peu plus effrayante. Ajoutez des carreaux éclatés, un plancher qui grince, des ombres qui passent sur les murs, une trame sonore toute en basse avant qu’une note stridente de piano face sursauter tout le monde dans la salle et on y est, facile. Mais rien de tout cela n’est à propos, et si ce n'est que du canapé qui nous révulse tous les deux et duquel on s’égare comme deux gamins devant une assiette bourrée de brocolis, c’est la plus récente trouvaille de la blonde qui devrait attirer notre attention - et juger sur le capital horreur de la pièce, de la maison. « T’es conne. » et je laisse un rire couler, tout comme l’alcool brûlant qui s’assure de garder mon esprit le moindrement embué. Elle récite trop sérieusement ce qui serait supposé être rédigé sur les coupures de journaux, et à la place je laisse mon regard dériver un peu partout autour d’elle, cherchant un moyen de l’effrayer à son tour, cherchant un potentiel d’horreur qui lui montrera ce que c’est vraiment, de vouloir foutre la trouille à quelqu’un. « Non mais attend, Jillouise c’est un vrai nom? » juste de le dire et j’imagine Jill, ma Jill, qui est en fait un diminutif du truc - la pauvre, ça aurait bien suffit à lui faire piquer une crise de nerfs phénoménale, rien que ça. Le rire facile, l’attention qui se divise, je fais un pas vers la jeune femme pour lui proposer à nouveau mon dos, n’aimant pas trop la voir chambranlante s’appuyer sur un vieux mur couvert de papier peint et de graffiti, avec des tâches aux couleurs douteuses qui ne semblent venir d’aucun référent propre à mon sens. « Arrête, ça bouge par là, et si y’a un monstre gluant et affamé de l’autre côté c’est ta jambe cassée que je leur file. » tentative comme une autre d’avoir son attention, maintenant qu’en effet, je blâme le vent pour les craquements qui proviennent du fond de la pièce, ou de sa diagonale - la pénombre ne me permet pas trop de me faire une tête sur l’endroit d’où tout se met à craquer. Et elle poursuit Azur, elle tente le tout pour le tout, trémolo dans la voix, assez pour que je soupire, assez pour que je repose mes rétines sur elle, un hoquet d’alcool accompagnant le mouvement. Un peu d’eau serait bienvenue. « Nope, essaie pas je… merde. » et elle a raison, je jure… ou pas. J'avais mes fix. « Ah ouais, la ressemblance est frappante. » et je joue le jeu, faisant un pas vers elle, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte devant ma fausse surprise. Je mets le blâme sur l'alcool qu'elle a ingéré, obvi. « Vous avez le même mono-sourcil. » et le rire que je retiens face à son air outré me fait l’effet d’être violent et douloureux à garder à l’intérieur. « Et vous êtes toutes les deux dûes pour faire votre repousse. » comment est-ce que j’arrive à garder mon calme maintenant que je joue au jeu des sept erreurs entre la coupure de journaux qu’elle hallucine entre la vodka, le rhum et le gin, et la noirceur qui altère ce qui lui reste de sens acérés? « Je pense pas jamais t’avoir vu avec un corset dans ce genre-là, though. » et c’est pas pour me déplaire, parce que la savoir habillée de la sorte me suffirait à lui trouver des ressemblances un peu trop familières avec les vieilles sorcières de New Orleans back in the days. « Par contre, elle a une plus belle peau que toi. » et mon sourire à deux balles conclut les comparatifs, la prenant de force en sac de pomme de terre par-dessus mon épaule pour la ramener à l’ordre - et ultimement profiter du last call au pub qui siège tout au coin de la rue adjacente. On se met en mouvement, je fais fi de ses protestations le temps de sortir de la pièce, de faire une étude légère des environs et retrouver notre chemin vers la sortie, avant de sursauter bêtement. Les quelques bruits éparses qu’on entendait tout à l’heure font place à un gros, un immense choc, un BANG sourd qui fait trembler les matériaux usés de l’immeuble, et mes vieux os. « J’le feel pas du tout. » remarque rhétorique et on le comprend de suite, alors que je me dépêche pour regagner l’escalier. Si seulement j’avais le moindrement un sens de l’orientation, on serait déjà en bas plutôt que d’être passés 14 fois de suite en bordure de la rambarde.
Mortifiée, il n'y a pas d'autres mots pour décrire l'état dans lequel je me trouve. Bon, ça va, fortement intoxiquée, sleep deprived et complètement déshydratée sont des qualificatifs qui réussissent tout aussi bien à décrire ma personne, surtout que mon état de peur risque de se dissiper dans les secondes qui suivent. Le bras tendu, l'équilibre précaire, j'expose la photo de mon sosie à Matt pour qu'il me confirme ce que mon optométriste s'obstine à ma cacher: que ma vision se porte très bien. Que cette femme décédée il y a des dizaines d'années est mon portrait craché, quoi. Les lèvres pincées, j'attends, alors qu'il fait le con en s'approchant de moi. Il divague en demandant si Jillouise est un vrai nom et je fait mine de taper du pied sans vraiment le faire, cheville en bouille expliquant mon demi mouvement. C'est très sérieux Matt ! Concentre toi ! Même ces craquements effrayants et inquiétants ne suffisent pas à détourner mon attention de mon copilote qui fait exprès de s'attarder au lieu de se concentrer sur l'évidence que je lui tends. Ses yeux s'écarquillent quand il pose le regard sur la coupure de journal et je ne peux m'empêcher un petit mouvement de victoire et un « Ah ! » qui se traduit par: tu vois que j'avais raison. Convaincue de ma découverte macabre, je me raidis direct au remarques sur mon (mes?) sourcil(s?) et ma teinture. « C'est pas drôle, ok ! » Sauf que ce l'est. Une fois dans un faisceau lumineux, la ressemblance entre la femme mystère et moi est complètement inexistante. « Je pense que je commence à halluciner des choses. » Comme si dire cela va me rattraper de quoique ce soit, sérieusement. « Et pour le corset, te moque pas de moi, tu l'as maintes et maintes fois imaginé dans tes rêêêêves les plus fouuuus. » Je dis, voir je chantonne, de la merde. Je suis en manque d'attention (masculine), fatiguée et intoxiquée. Heureusement que c'est avec Matt, parce que sinon j'sens que la nuit finirait probablement différemment. Pas le temps de débattre ou maudire ce bouton de stress qui prend une superficie indécente sur mon menton que j'ai presque un tête à tête avec le cul de Matt vu la façon qu'il décide de me prendre. J'espère que je n'aurai pas une petite brise chaude en pleine gueule... Et me voilà qui pouffe encore de rire, tarée. À quel âge deviens-t-on adulte ? Parce que je pense avoir raté ce tournant de ma vie. « Dépose moi ! » Je ne suis pas convaincante alors, je ne suis pas sur le sol non plus. Je m'apprête à refaire une semi-menace quand un gros BANG qui ne peut venir ni de Matt, ni de moi, nous hérisse le poil de bras. Muette, je le laisse s'enfoncer dans un couloir qui nous éloigne encore plus de la sortie. Il ne nous faut pas de temps pour nous renfermer dans une pièce simplement abandonnée, sans coupures effrayantes sur le sol ou un futon souillé que je ne toucherais pas avec un bâton d'un mètre. « Qu'est-ce qu'on fait ? » Mon chuchottemment est trop fort pour être classifié de la sorte, mais je suis complètement sans repères. « On va mourir tu crois ? » Non, mais je continue. « J'voudrais que tu dises à ma mère que je l'aime... Et à Ginny que c'est moi qui a ruiné sa seule paire de talons hauts l'autre jour... Ils étaient trop moches, je pensais qu'elle irait s'en acheter des plus hauts ou plus sexys, pas d'autres à talons larges et bouts carré en cuir semi vernis brun! Non, je retire, je suis pas désolée du tout. » Mon monologue de fin de vie pourrait s'éterniser, sauf que j'entends des pas qui se rapprochent. J'entame une conversation télépathique avec Matt, espérant qu'il me reçoit. Sommes nous encore au premier étage ? D'un coup de tête je désigne la fenêtre style guillotine qu'il pourrait sûrement ouvrir avec facilité si ses muscles ne sont pas que de la gonflette. Je le délaisse, lui intimant mentalement de garder la porte alors que je me dirige à genoux vers la fenêtre au fond, notre seule porte de sortie que j'envisage à cette seconde.
Elle gigote sur mon dos, elle manque de me faire tomber à plusieurs dizaines de reprises - dont la moitié sont clairement de ma faute, mais jamais je ne l’avouerai à voix haute - elle me crève les tympans à crier et à rire, et je ne serais pas ailleurs pour rien au monde. « À tes ordres, ranger. » et je la dépose comme demandé, m'inquiétant quand même approximativement de sa cheville qui n’est pas au meilleur de sa forme. Demain matin, ça risque de piquer. Le bruit venu de nulle part nous fait bien sûr sursauter, chercher une planque, n’importe quoi le temps de nous remettre de nos émotions, et je dois me faire violence pour ne pas éclater de rire devant sa panique, ou me mettre à flipper moi aussi. « Yep, c’est comme ça que notre grand duo disparaît de la surface de la terre. Choquant. » j’essaie de dédramatiser, mais la vraie sensation à l’intérieur se rapproche dangereusement de comment on se sent lorsqu’on voit clairement le tueur prendre à droite, suivre le petit groupe qui jogge vers la gauche, et les attendre au tournant sans que personne sauf les petites natures ayant loué le DVD soient au courant. La musique est douce, avant de laisser entendre quelques bips stridents, et boum, viande à saucisse pour le quart du cast directement sur grand écran. « Je leur dirai rien. » elle est dans les confidences et dans la panique, elle pense déjà à ce qu’on dira pour souligner sa vie de débauche et de goûteuse invétérée de cocktails à mes côtés si les prochaines minutes sont aussi ses dernières. Et parce que je ne suis pas un salaud, du moins, pas tant que ça, c’est dans la confidence que je me penche à son oreille, et que je murmure, sérieux même si un grand sourire en coin se dessine sur mes lèvres. « Parce que si tu meurs, je crève aussi, ça fait partie du package deal. » c’est pas dit qu’elle allait récolter tous les honneurs, faire les manchettes du journal et avoir un livre dédié à son destin tragique si je ne pouvais pas moi aussi avoir une partie de la fame qu’être assassiné par un tueur en série au one piece en latex noir - je l’imagine déjà - apportait. J’ai des principes et vaguement envie d’être une vedette post-mortem depuis une minute ou deux. « Et ses souliers étaient horribles en effet, t’as sauvé pour beaucoup ma soeur là. » l’histoire des godasses de Ginny aurait pu me faire rire, si je n’avais pas eu à gérer le sang qui remonte le long de mes tempes, et les battements de mon coeur qui s’accélèrent maintenant que, je suis sûr, des pas approchent dans le couloir. « Accroche-toi! » que je ne mets qu’une seconde à ordonner, prévoyant déjà la fuite proche, et persuadé qu’Azur n’arriverait pas à suivre le rythme si on se faisait vraiment poursuivre comme deux idiots. Et j’ouvre la porte à la volée, des bruits un peu plus loin à ma gauche me confirmant que je suis pas fou, qu’il y a bien d’autres gens ici. Le comble restera la lampe de poche qu’on nous vrille dessus, qui me brûle les rétines, et qui agit à titre de paralysant dans la seconde, alors que plutôt que de prendre mes jambes à mon cou, je m’immobilise dans le couloir, yeux écarquillés, comme un bambi devant les feux d’une voiture qui traverse trop près de la forêt où il a élu domicile. « Mains en vue. » qu’on ordonne. Et dans la pénombre, tout est clair, tout est limpide, tout est normal. Deux flics là, deux dudes qui nous disent avoir été appelés parce qu’ils ont entendus des bruits, qu’on leur a dit que l’endroit devenu un squat pour drogués semblait être sans dessus dessous depuis plus d’une heure. « Promis, on n’a pas ouvert aucun livre d’incantations démoniaques trouvé dans le grenier glauque. » que je finis par blaguer, une fois qu’ils ont bien vu qu’on était inoffensifs Azur et moi. Le seul truc qui me chicote, alors qu’ils nous escortent dehors, c’est qu’ils insistent sur le fait que les bruits entendus et déclarés par les voisins venaient du sous-sol. Pourtant, à ma connaissance, nous ne sommes restés qu’à l’étage.