« Be with me always - take any form - drive me mad ! only do not leave me in this abyss, where I cannot find you ! Oh, God ! It is unutterable ! I can not live without my life ! I can not live without my soul ! »
Je ne sais plus trop quel soir nous sommes. Jeudi, vendredi, samedi ? Avec le train de vie que je mène, avec les horaires qui font le tour de l'horloge, je n'ai que peu faire de la date. Si autrefois j'étais du genre à graver les dates les plus importantes bien profond dans ma mémoire, aujourd'hui j'ai compris que ce n'étaient que des chiffres. Qu'elles ne signifiaient rien du tout. Le tout s'applique aux âges, au reste, sauf que Sophie ne partage pas mon avis. Pas du tout même. Il y a quelques jours, en regardant dans mon portefeuille - dieu sait pourquoi elle fouillait là d'ailleurs, sûrement pour y trouver un dollar abandonné pour s'offrir une palette de chocolat dans la distributrice - elle s'est exclamée un peu trop vivement que c'était mon anniversaire dans les jours à venir. Bien que je comptais passer la soirée seule chez moi à me lamenter sur mon sort, accompagnée d'une bouteille de gin, elle a eu d'autres plans pour moi. Tout le monde a eu d'autres plans pour moi. Me voilà donc, comme bien trop souvent, au pub du coin, vêtue avec un peu plus de soin que par le passé. J'ai bien évidemment décliné l'offre de Sophie de mettre une jolie robe et des talons, prétextant que je n'en avais jamais porté et que je n'allais pas commencer ça le jour de mon vingt-septième anniversaire. Mon dieu, vingt-sept ans... avec un peu de chance, j'appartiendrai au club des 27, ah ! Et cette pensée m'arrache un frisson, alors que je repose mon verre sur le bar. Je conviens que cette année s'annonce difficile, surtout depuis qu'il est de retour dans ma vie, mais ça va, je gère. Du moins, je me berce d'illusion, me faisant croire que si, même s'il occupe la totalité de mon esprit et ce, tout le temps. Depuis cette communautaire, je pense même que je suis... impatiente ? De le croiser à nouveau. Bordel, pourquoi est-ce que je pense ça ? À croire que j'aime jouer avec le feu et à croire que j'aime un peu trop me brûler. Que la brûlure est délectable... Un nouveau frisson me parcourt, et je pars rejoindre mes amies sur la petite piste de danse où je les accompagne le temps d'une chanson. Je ne danse plus depuis des lustres, mais ce soir, j'ai envie. J'ai envie que tout soit comme avant, à l'époque où ma vie se mouvait au rythme de mon insouciance. La chanson termine et j'abandonne les filles pour retourner au bar, le sourire jusqu'aux oreilles, prête à me commander un nouveau verre. Parce que même si cette nouvelle année s'annonce difficile, je la commence au moins dans un état d'esprit dans lequel je n'ai pas été depuis longtemps : je suis heureuse. En cet instant précis, je suis heureuse.
love.disaster
Dernière édition par Azur Ainsworth le Dim 23 Avr 2017 - 22:45, édité 1 fois
« Be with me always - take any form - drive me mad ! only do not leave me in this abyss, where I cannot find you ! Oh, God ! It is unutterable ! I can not live without my life ! I can not live without my soul ! »
Je laisse choir mon téléphone sur le lit pour préférer la compagnie de mon pommeau de douche. Brulante, l’eau me lave de toute culpabilité alors que mes plans pour ce soir sont tout sauf désintéressés ou honnêtes. Au diable la déontologie et les beaux principes. J’en étais pas à mon premier mensonge avec Azur, la raison même qui m’avait envoyé en prison reposait sur un ensemble de couleuvres que je lui faisais avaler. Je bénissais simplement le ciel de travailler dans le même hôpital qu’elle et qu’elle ne s’en soit pas encore rendu compte. Brisbane était une grande ville, de ce fait, l’hôpital aussi. Et fort heureusement nous n’avions pas travailler directement ensemble sans quoi nos échanges se seraient inévitablement finis en pugilat. Parce que c’était un fait : nous ne pouvions nous contenter de rapports strictement cordiaux, nous naviguons d’un extrême à l’autre en manquant de nous bruler à chaque fois qu’il nous prenait de voler un peu trop prêt du soleil. Bordel, mes parents n’auraient pas du m’appeler Orion, mais bien Icare ! Cette proximité professionnelle m’avait tout de même permis de connaitre les plans d’Azur pour ce soir tout particulier. En effet, l’endroit où Azur va passer la soirée de son vingt-septième anniversaire ne m’est désormais plus inconnu ! Je m’en veux presque d’être aussi calculateur. Presque… Ce travers qu’elle ne me pardonnerait probablement pas, me permet de pouvoir la voir, ne serait-ce qu’une minute, ce soir… Une chemise noire sur un pantalon sombre lui aussi, j’en suis à me remémorer ce qu’elle aimait me voir porter à l’époque. Je suis ridicule ! Tout ce dont elle aura envie en me voyant avec ça sur le dos, c’est me jeter sa bière au visage. Je me ravise presque, préférant tout de même mon accoutrement à mes t-shirts dont je ne suis pas vraiment sûr de la fraicheur, les ayant certainement tous portés auprès de mes cadavres de clients… Je l’entends encore dire à ses collègues qu’elle fêtera son anniversaire au Canvas, soupirant presque d’être forcée à célébrer ce rite annuel. Elle s’imagine certainement que cette soirée s’annonce sans surprise, une chose est sure, elle n’attend surement pas ma présence. C’est quoi la vie sans culot déjà ? Ah oui, un long truc insipide et profondément chiant !
Les basses font trembler le sol alors que je pousse la lourde porte du Canvas, parvenant difficilement à filtrer le son qui se joue à l’intérieur. L’endroit est blindé et quelque part, ça me rassure. Les chances que la soirée tourne à la catastrophe sont infimes dans ce genre d’endroit, avec tout ce monde venus dans le seul but de s’éclater. Ça me rassure presque. Presque… Je m’accoude au comptoir comme l’habitué que je suis devenu, faisant signe à une serveuse de s’occuper de moi. Deux shots de téquila plus tard et une délicieuse sensation de brulure qui me parcoure l’œsophage, je la vois. Je prends plaisir à la voir évoluer sur la piste de danse, mes yeux résolument fixés sur sa jambe. Déformation professionnelle j’imagine. Non mec, on appelle ça de la culpabilité ! Elle ne va pas tenir longtemps à ce rythme-là, je constate, amère. Éclair de génie, ou mission suicide, j’interpelle la serveuse, repoussant mes deux verres vides. « Un Cosmo et un Mojito, merci ! » Qu’est-ce que je suis en train de faire… !? J’avais raison, elle s’arrête à la fin de la chanson, regagnant sagement son tabouret, un large sourire aux lèvres. C’est le moment. Maintenant ou jamais. Je me saisis des deux verres et file à sa rencontre… «Ma… Azur ? » Bordel, je me ravise, assez vite je l’espère pour qu’elle ne puisse saisir mon trouble. Azur. A-ZUR ! Ma Soie t’oublies ! J’attends qu’elle se retourne pour lui tendre le Cosmo de ma main droite. « Joyeux anniversaire ? » Si j’ai pu lui souhaiter sa fête sous les traits de Josh, je ne loupe pas une chance de lui souhaiter de vive voix. Trois. Deux. Un. Le Cosmo dans ma gueule ?
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J'avoue que je suis contente, j'ai pu enchainer une chanson sans ressentir ces maudits spasmes qui prennent possession de ma jambe lorsque je m'amuse à la bouger de manière (un peu) non conventionnelle. Au moins, je ne suis pas perchée sur des talons vertigineux comme j'en avais l'habitude lorsque je sortais dans mon jeune temps. Dans cette époque révolue où j'enchainais les cosmos de manière beaucoup trop rapide sans prendre même le temps de poser les yeux ailleurs, de goûter ce que le bar avait à offrir. Sauf que ce soir, je suis heureuse. J’ai écouté Sophie tenter de me dire des paroles de motivation qu’elle a vu sur une application qui te donne une citation par jour, comme quoi je dois prendre cette opportunité de nouvelle année dans ma vie pour en faire ce que je désire, que le passé ne peut plus me hanter, bla bla bla. Si seulement elle savait que mon passé me suit presque et que je redoute de le croiser à chaque coin de rue. Redoute ? Non, ce n’est pas le mot juste. J’en ai envie et je me déteste pour ça, parce que notre dernière rencontre, j’aurais juré avoir vu… Non, je me raconte des histoires. J’abandonne mes deux amies sur la piste de danse pour me diriger au bar, contente d’avoir laissé ma veste au vestiaire, sans quoi j’aurais étouffé. Mon haut a beau être plus révélateur que d’habitude avec ce tenté de décolleté plongeant, le tissu reste tout de même épais et j’ai besoin de me rafraichir. « Ma.. Azur ? » Sa voix qui me sort de ma rêverie. Mon cœur qui rate un battement suite à ses mots... Et même si j’ai envie de rouler les yeux de le voir ici, je me retiens. Je ne peux me reposer sur la taille de la ville lorsqu’on en vient à notre relation, le destin le remet toujours sur ma route, quoique j’y fasse. J’aurais beau m’enfui en plein centre du pays, je suis certaine que je tomberais sur lui quand même. Je prends une inspiration, tentant de me rappeler une citation à la con de mon amie, histoire de ne pas envoyer chier Orion direct. Non, c’est mon anniversaire, je veux une soirée simple, pas de drame : je peux y arriver si je contrôle un peu mon attitude de merde. « Joyeux anniversaire ? » Je vois le cosmo qu’il me tend d’une main, un mojito dans l’autre. Mon souffle se coupe et je relève mon regard pour plonger directement dans le sien. Une partie de moi a vraiment envie de lui envoyer sur la gueule, sur la chemise en fait… Je reste silencieuse une seconde de plus, regardant derrière son épaule s’il n’a pas trainé sa Chloé avec lui. J’avoue que de ne pas la voir, ça calme vachement mon humeur. Tellement, que je me saisis du verre qu’il me tend et je vais même à en prendre une petite gorgée, comme un automatisme. J’avais presque oublié à quel point j’adore le goût des cosmos, bordel. « Tu t’en souviens ? » C’est tout ce que je trouve à dire, parce que l’époque où je passais tous mes anniversaires en sa compagnie est loin, si loin. Et je ne sens presque revenir en arrière quand je pose mes yeux sur sa chemise, le souvenir de notre dernière rencontre rougissant légèrement mes joues.
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Réfléchir ne fait pas partie de mon projet alors que je m’approche d’elle, un Cosmopolitan dans une main, un Mojito dans l’autre. Sa peau opaline offerte à ma vue par son top dénudé dans le dos m’arrache déjà un frisson. Ce dernier est accompagné d’une avalanche de confrères le long de mon échine lorsqu’elle se retourne. Je peine à déglutir, mon regard caressant discrètement -je l’espère- le détail des lacets qui s’entrecroisent sur sa poitrine. Elle est à couper le souffle, son décolletée me faisant perdre pied alors que ne suis même pas vraiment sur de ce que je vais lui dire. Les années semblent ne pas avoir de prise sur elle, lumineuse comme je ne l’ai pas vu depuis longtemps, elle est magnifique. Malheureusement, les drames de sa vie ont laissé leurs marques… J’imagine que je n’échappe pas non plus à cette règle, renvoyant néanmoins très rapidement mes souvenirs de prison dans un recoin de mon esprit. Le poids de mon passé s’allège alors qu’elle se saisit du Cosmo pour le porter à ses (délicieuses) lèvres. Je lui emboite le pas, appréciant la douceur du rhum qui endort mes appréhensions. Ma langue s’attarde un peu trop longtemps sur ma lèvre inférieure alors que mes yeux tentent de se détacher de ses lacets qui auront bien trop tôt raison de moi… « Tu t’en souviens ? » Que… ? Son anniversaire ? Pitié… Azur ! J’ai presque envie de lui rétorquer quelque chose du genre : Non, j’avais une vague idée que ça se passait courant janvier, j’ai tenté, j’ai gagné! Bordel ! Le jour de sa naissance c’est comme une croix rouge dans le calendrier de mon cerveau. J’aurais beau essayer, tout tenter, me désenvouter, jamais ô grand jamais je ne pourrais oublier. Je me rappelle encore de ce jour alors que j’étais enfermé entre quatre murs… Et si l’envie de l’appeler m’avait tant brulé, au point d’en faire craquer mes phalanges -encore- contre du plâtre, j’avais résisté. Le plus beau cadeau que je pouvais lui faire à cette époque c’était lui épargner le : « Vous allez être mis en relation avec un détenu de la prison de Brisbane » … « Bien sûr. » J’opte pour la sobriété, même si ces deux petits mots renferment toute la dévotion que je cultive à son égard. Si je ne devais garder qu’une seule date en mémoire, cela serait sans nul doute celle de sa venue au monde. Miss Ainsworth qui distille ses sourires, sa bonne humeur, son amour, ses conseils et toute la bonté de la terre à qui voudra bien arrêter son regard sur elle, telle une fée. Longtemps elle était ma fée. Ma fée. « Tu es très belle, ce soir. » Je rajoute presque « ce soir » à l’arraché. Comme pour m’éviter son regard inquisiteur. Comme pour justifier mon statut de connard à ses yeux. Bordel, elle est sublime chaque jour que Dieu fait.
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Il faut que je me contrôle, non mais, vraiment. Pourquoi il a fallu qu’il porte une chemise sur laquelle je louche un peu trop intensément ? Je repense à ce que j’ai pu entrevoir lors de notre dernière rencontre, et je repense même à ce moment où j’ai eu envie de fondre sur lui et de faire sauter tous les boutons d’un coup. Je rougis encore plus à ce souvenir beaucoup trop intense, beaucoup trop agréable aussi… Même si la soirée s’est terminée peu de temps après, laissant planer cette tension entre nous que je retrouve maintenant qu’il est près de moi. Heureusement pour moi, Orion n’a pas l’air de remarquer mon regard et c’est tant mieux. Je tente de me redresser un peu, histoire d’avoir un peu de contenance dans cette situation qui m’échappe. Il est là, à mon anniversaire. Je bois un cosmo, c’est le premier que je bois depuis le dernier qu’il m’a offert il y a trop d’années. C’est à croire que je célèbre mes dix-huit ans, pas mes vingt-sept. J’en reprends une gorgée supplémentaire, retrouvant ce regard que j’aimais tant qui semble encore me cacher quelque chose. Il est seul ici, il m’a offert mon ancienne boisson préférée, c’est à croire qu’il y a un truc que je ne comprends pas. Lui qui s’évertue à me faire comprendre par trop de moyens qu’il n’en a rien à faire de moi finit toujours par me déconcerter en arrivant avec une intention qui remet tout en question. Avec un regard. Un geste. Je ne peux plus avoir de certitudes en ce qui concerne ces intentions, notre histoire ayant trop souvent passé du chaud au froid sans que j’en comprenne les raisons. Et pourtant… Depuis que je l’ai revu, je ne suis certaine que d’une chose : bordel, qu’est-ce qu’il est parfait... L’âge et les épreuves ne l’ont rendu que plus séduisant, comme si c’était possible ! Et que si c’était un inconnu, j’aurais tenté ma chance avec lui sans même hésiter. « Bien sûr. » Ces mots me ramènent sur terre. « Oh » je réponds, sans savoir quoi ajouter, reposant mes yeux sur mon verre. Sûrement qu'il a eu une notification d'un vieux courriel, ou que sa mère lui a dit lors de leur dernière conversation... S'il lui parle encore ? Je ne sais aucunement ce qu'il devient quand on y pense... « Tu es très belle, ce soir. » Quoi ? J’ai bien entendu ? Je relève les yeux vers lui, incertaine, mon cœur s’affolant sans que je ne lui en ai donné la permission. Je prends trop de temps pour répondre, je… Pourquoi a-t-il fallu qu’il me dise quelque chose de la sorte ? J’ai chaud, et je me sens encore transportée en arrière, dans cette époque où j’aurais tué pour qu’il me dise quelque chose de la sorte. « Heu... Merci. » Je réponds un peu trop vite, reprenant une gorgée et passant rapidement ma langue sur mes lèvres pour y rattraper une goutte égarée. « C’est gentil. » Je ne sais pas vraiment quoi répondre alors que je replace une mèche derrière mon oreille. « Tu… Tu vas bien ? » j’ajoute, aussi bien tenter de débuter une conversation normale.
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La surprise s’empare de ses traits, n’altérant en rien la beauté de son visage. Rien ne le pourrait. Je lui emboite volontiers le pas, surpris moi-même par mes paroles empreintes d’une étrange paisiblité. Je goute la sérénité du crépuscule de ce nouvel Orion, au moins pour ce soir. Il s’agit de son anniversaire et je ne veux pour rien au monde le gâcher par un mot un peu trop haut, une remarque mal placée, par ma foutu agressivité, en somme. « Oh. » Son éloquence fait écho à la concision de mes mots. J’en perds presque mon latin, c’est pourquoi je rebondi sur une vérité absolue à mes yeux. Cela n’a pas l’effet escompté. Azur n’en devient pas plus loquace, et je navigue d’un pied à l’autre, ne sachant pas si elle acceptera mon compliment, ou si elle m’enverra me faire foutre la seconde suivante. À chaque fois que je pose les yeux sur elle, j’ai ce sentiment réconfortant, celui qui me murmure que je la connais par cœur. À chaque fois elle me prouve le contraire, me surprenant toujours plus. À la merci de ses réactions je peine à avaler ma gorgée de rhum, craignant qu’elle ne me fasse rater le moindre battement de cils révélateur, de son humeur pour ce soir. « Heu... Merci. » Mon cœur se soulève agréablement. « Je t’en prie. » J’ose un demi sourire. Juste un demi. De peur de l’effrayer. « C’est gentil. » Je me cogne presque immédiatement, mentalement, bien sûr. Je me bâillonne, me retiens de lui crier un ‘c’est objectif bordel, combien de fois faudra que je te le dise.’ Comme à l’époque. Sauf que notre complicité est révolue. Et je ne peux danser sur les ruines de notre relation fusionnelle en avançant de tels arguments, aussi vrai soient-ils. Il faudrait être aveugle pour ne pas le reconnaitre ! Sublime à l’aube, divine lorsque la nuit tombe, rayonnante quand il fait gris, magnifique alors que le soleil effleure ses épaules dénudées… Belle, au bas mot, à couper le souffle, depuis mes yeux. « Tu… Tu vas bien ? » Je déteste les banalités mais dans bouche je crois entendre une déclaration d’armistice, et j’adore ça. Elle pourrait me lire le dictionnaire que je n’en fermerais pas les yeux, que je n’en dormirais pas de la nuit. Je veux lui dire ‘maintenant, oui.’ Sauf que non. Non je suis pas oppressant. Enfin, si. Bien sûr que je le suis. Mais si elle pouvait l’ignorer une ou deux minutes de plus, je m’en porterais pas plus mal… « Ça va, merci. Tu passes une belle soirée ? » Ses sourires alors qu’elle dansait avec ses amies ne m’ont pas échappé. Et ça m’a rendu heureux. Tout simplement heureux.
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Les yeux sont plus haut, Azur. Oui, je sais. Alors pourquoi tu les relèves pas ? Parce que... Parce que je sais pas en fait. Autrefois posés sur cette chemise un peu trop boutonnée, mes yeux sont maintenant accrochés sur sa main, sur son tatouage plus précisément, celui tout près de son pouce auquel je tente de trouver sa signification. À vrai dire, j'ai trouvé ce point d'ancrage, incapable de soutenir son regard plus longtemps lorsqu'il m'a fait part de ce compliment auquel je ne m'attendais pas. Belle... Je rougis, encore. Sauf que je ne veux pas qu'il me trouve belle, je veux qu'il me trouve sublime, idéale, juste pour ma satisfaction personnelle. Bordel, je suis une vraie gamine. Heureusement, je change de sujet, tentant une approche plus simple, comme si je ne partageais pas la moitié de mon passé avec lui, comme s'il n'était pas la source de mes peines et mes rêves d'antan. Nouvelle année, nouvelle vie ? Si j'ai envie de tourner réellement cette page, je me dois de faire les efforts, du moins, tenter... « Ça va, merci. Tu passes une belle soirée ? » Je reprends une gorgée de mon verre, me délectant encore plus du goût de ce cocktail. «Oui, vraiment. Je ne pensais pas autant m'amuser. » Je relève les yeux vers lui et lui offre un sourire. Même si son arrivée devrait gâcher ma soirée, pour le moment c'est le contraire. Je me sens replonger en arrière, on ne s'hurle pas dessus, et je ne peux que savourer une telle accalmie dans nos récents rapports. Sans que je ne sache quelle en est la vraie raison, je me rapproche un peu de lui et profite du fait que sa main ait délaissée son verre pour m'en saisir et prendre une gorgée, comme avant. « Tu m'as dit de ne pas me gêner, et c'est mon anniversaire. » J'ajoute en le reposant sur le bar, prenant soin d'éviter tout contact physique avec lui. La conversation, c'est déjà pas mal, et je sais à quel point cette cordialité ne tient qu'à un fil entre nous. « Aloooors. » Je continue, appuyant mon coude sur le bar et penchant légèrement la tête sur le côté, lui faisant encore plus face. « Tu m'as acheté quoi comme cadeau ? » Je lâche un petit rire, consciente du ridicule de la chose. Si Orion n'a pas manqué mes anniversaires jusqu'à mes 17 ans, m'offrant quelque chose de plus impressionnant à chaque fois, je suis consciente que je n'aurai évidemment rien cette année. Sauf qu'un saut dans notre passé me tente, beaucoup même, et je me rends pas compte à quel point cette pente est glissante alors que je m'y engage. « Emma de Jane Austen pour compléter ma collection ? » Et je ris à nouveau, me remémorant l'instant où il m'a offert d'autres classiques anglais publiés dans une édition d'une rareté incroyable. Ou encore lorsque j'ai eu ce pendentif avec une pierre azur que j'avais toujours au cou jusqu'à... Je prends une inspiration, me remémorant le moment où je l'ai reçu. J'ai dû pleurer dans ses bras une vingtaine de minutes, le remerciant encore et encore. À vrai dire, il se surpassait chaque année, avec une idée à laquelle je n'aurais même pas pensé, puisqu'il me connaissait mieux que moi-même.
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Les éclairages, tantôt violents, tantôt tamisés, n’altèrent en rien la finesse de chacun de ses traits et je profite d’un moment de flottement pour en apprécier encore une fois leur teneur. Jamais je ne semble me lasser de son visage. Jamais. « Oui, vraiment. Je ne pensais pas autant m'amuser. » Je suis pas déçu. Le sourire qui rayonne sur ses lèvres a bien vite raison de mon égoïsme. Je ne suis plus le garant de son bonheur et j’ai laissé le monopole de son bien être à ses nouveaux amis, sa famille, aux autres… Je ne peux lui reprocher de prendre un peu de bon temps, elle n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle est heureuse ! Ça me fait juste un pincement au cœur, forcé de constater que je n’influe vraiment comme éléments qu’on peut ranger dans la case « les bons côtés de la vie ». J’ai même tendance à m’étiqueter comme « poids mort officiel d’Azur Ainsworth. » Je me raccroche seulement à l’idée que je fais encore partie de sa vie, envers et contre tout. «Tant mieux. » Je me cantonne aux réponses monosyllabiques, aseptisées de toutes références au passé, pente glissante qui nous fait toujours augmenter les décibels. Elle semble d’humeur joueuse, se saisissant sans crier gare de mon verre, le portant bien vite à ses lèvres, m’évitant de répliquer. « Tu m'as dit de ne pas me gêner, et c'est mon anniversaire. » Je ne lui donne pas tort, loin de là. Je regrette simplement de ne pouvoir récupérer mon cocktail, mon esprit s’égarant en songeant le porter à ma bouche à l’exact endroit où ses lèvres se sont déposées quelques secondes plus tôt. « Aloooors. » Sa bonne humeur me détend. J’en viens même à me persuader qu’elle peut apprécier cet échange, notre échange. Même lorsqu’Azur me hurle dessus je peux pas m’empêcher de voir ça comme un cadeau qu’on me fait, quelques minutes de plus en sa compagnie. «Tu m'as acheté quoi comme cadeau ? » Mon rire se joint au sien ! Je retrouve mon Azur d’autrefois. Celle qui ne sait pas garder une surprise, celle qui ne sait en recevoir. Parce qu’impatiente elle trépigne, capricieuse, jusqu’à ce que le malheureux en face d’elle cède. Elle ne perd jamais le Nord. « Emma de Jane Austen pour compléter ma collection ? » Le sourire sur mes lèvres se mue en un ridicule petit « o » d’étonnement. J’arrive pas à la cerner, ça m’énerve. Est-elle sérieuse, ou juste un peu trop alcoolisée pour réaliser qu’elle aborde un souvenir heureux en ma présence, sans attaque, sans sous-entendus, sans animosité ? Je sens mon cœur fondre dans ma poitrine, comme neige au soleil, comme guimauve dans cheminée. Elle me manque tant… « Pitié, ne me dis pas que tu ne l’as toujours pas ? » Mon rire regagne ma gorge. Je regrette de ne pouvoir lui sortir de ma veste cette fameuse édition. Je donnerai tout pour être magicien et la faire apparaitre, ou juste remonter le temps, remonter les années, effacer les regrets. Malheureusement pour moi -pour elle aussi- je n’ai pas de pouvoirs magiques, et j’ai déjà signé un pacte avec le Diable. « Je connais un vieux bouquiniste dans une petite rue du centre, je lui demanderai de te mettre ses éditions spéciales de côté, il te fera un bon prix… » Je m’emballe, je veux l’y accompagner, lui offrir, la voir feuilleter de ses doigts longs et fins les pages brunies de ces ouvrages… « Enfin… Si tu veux… ? »
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Je ne sais pas trop ce qui me prend. Pourquoi, en ce moment, ce saut dans notre passé m'apparait comme une douce escapade, alors que lorsque j'y repense normalement, je suis surtout enragée. Parce que ça ne voulait rien dire. Parce qu'il n'a jamais voulu y apporter de l'importance. Parce que même si tous mes souvenirs les plus heureux lui sont attribuables, Orion est quand même responsable de mes pires drames, de tous mes drames. Sauf que lorsque je l'ai en face de moi, avec ce regard, ce demi sourire, ce compliment, j'arrive à en oublier tout le mal qu'il m'a fait pour quelques secondes. C'est plus facile de le détester lorsqu'il est absent, lorsque je peux créer et empiler cette haine d'un coup et d'un autre, que lorsque nous somme à un bar, avec la même attitude qu'il y a dix ans. Bordel comme le temps passe vite. « Pitié, ne me dis pas que tu ne l’as toujours pas ? » Mon rire se joint au sien, comme autrefois. « J'attendais que tu me l'offres. » Je réponds, après une autre gorgée de mon cosmo. À ce rythme, il sera bientôt terminé. «Je connais un vieux bouquiniste dans une petite rue du centre, je lui demanderai de te mettre ses éditions spéciales de côté, il te fera un bon prix… » Cette suggestion me fait rompre le contact visuel. Ai-je réellement envie d'avoir quelque chose qui provient de lui, à nouveau, aujourd'hui ? De lui attribuer cette trouvaille ? Je baisse les yeux et me mords la lèvre, consciente que la réponse logique est négative, pourtant tout mon être hurle le contraire. Pourquoi est-ce si facile d'oublier mes erreurs lorsque nous avons une conversation aussi cordiale ? « Enfin… Si tu veux… ? » J'ai envie d'acquiescer, mais je suis consciente de ce que cette affirmation signifie. L'éponge n'est pas passée sur ses actes. Je n'ai pas le temps d’ouvrir la bouche, que l'opportunité de répondre m'est coupée par les lèvres d’un homme qui viennent se poser sur les miennes. Un baiser chaste, rapide, qui a l’effet d’un électrochoc, les souvenirs de cette nuit passée en sa compagnie réveillant mon être. Lui, c’est Achille. C’est le dernier à qui je me suis abandonnée, une nuit, une seule nuit, il n’y a pas si longtemps que ça. Je me revois au bar, tentant de noyer mes questions dans un verre, et lui qui est venu tout simplement me voir. Il a pas tenté de me raconter des salades, il s’est juste approché de moi et m’a dit que j’étais belle. Il m’a mis à l’aise un peu trop rapidement, alors j’ai eu envie de tester. J’ai eu envie de savoir si j’étais encore la fille qui est capable de s’amuser sans se prendre la tête, capable de vivre le grand frisson dans les bras d’un inconnu. Quand il m’a demandé de l’accompagner chez lui, j’ai accepté. On s’est donné une condition : on ne se pose pas de questions et c’est franchement ce dont j’avais besoin. C’était pas tendre, c’était pas doux, mais c’était ce dont j’avais besoin et je me suis sentie mieux par la suite. Ses lèvres sur les miennes, le tout mêlé à l’envie insufflée par la présence d’Orion près de moi, j’oublie tout pendant quelques secondes, comme si le moment était irréel. « Azur ! Tu m'as manqué. » Je ne réponds pas, lui souriant. Je me doute bien qu’il n’est pas venu m’embrasser pour m’offrir un verre et me faire la conversation. Je ne pose pas de questions, mais je sens que son petit manège n’a qu’un seul but : que je rentre avec lui. Et pour le moment, cette possibilité est même très envisageable. « Comment tu vas ? T'es toujours aussi jolie que la dernière fois. » Et je ris, ne reposant même pas mon regard sur Orion entre temps. Je veux en finir avec Achille avant de lui redonner mon attention, parce que j’ai beau avoir bien des défauts, je ne suis pas si impolie. « Et toi t’es toujours aussi charmeur. » Je réponds, avec une confiance que je n’avais pas lorsqu’Orion m’a fait le même compliment quelques minutes plus tôt. « Ça va, merci. » J'ai presque continué en lui disant que je discute avec... mais je ne sais pas comment qualifier Orion. Avec... ? Un ami ? Une connaissance ? Et son prénom qui me brûle la langue, mais à que je refuse de lui offrir. Je repose les yeux sur lui pour constater qu'il ne semble pas apprécier l'arrivée d'Achille entre nous... Je décide me taire, ne sachant pas trop où me mettre entre ces deux hommes, alors que je sens la tension monter bien malgré moi.
« Be with me always - take any form - drive me mad ! only do not leave me in this abyss, where I cannot find you ! Oh, God ! It is unutterable ! I can not live without my life ! I can not live without my soul ! »
Je ne sais pas si c’est l’ambiance intimiste que revêt le Canvas ce soir, ou ce recoin du bar qui nous offre une intimité toute nouvelle, mais je sens notre complicité d’antan poindre à travers ces quelques phrases. Je m’attendais pas à ce qu’elle soit si « chaleureuse » à mon contact, notre dernière rencontre s’étant soldée par un abandon de ma part, un rejet de la sienne, pour changer… ! Je la vois hésitante, ma proposition étant sans aucun doute un peu trop rapide compte tenu de nos rapports seulement récemment cordiaux. Je m’arme de patience, prêt à lui commander un deuxième cosmo, un nouveau mojito pour moi aussi, le mien s’étant évaporé avant que je ne puisse en gouter plus d’un tiers. « Un autre ? C’est pour… » Un mec se fraie un chemin entre nous et me coupe la chique en déposant ses lèvres sur celles… d’Azur ?! Je m’en mords la langue, abasourdi par ce que j’ai sous les yeux. « Azur ! Tu m'as manqué. » C’EST. QUOI. CE. BORDEL ?! Ça me semble tellement irréel que ma bouche se contente de rester grande ouverte, mes mots évaporés bien vite devant l’absurdité d’une telle scène. «Comment tu vas ? T'es toujours aussi jolie que la dernière fois. » QUELLE. PUTAIN. DE. DERNIÈRE. FOIS ?! Okay, elle va le dégager, elle va le dégager. Elle va le dégager hein ? Mon sang a quitté mon cerveau, ne me donnant pas la possibilité de réagir. J’ai l’impression d’être un légume, d’assister à tout ça mais d’être invisible. Tu me vois Azur, hein ? Tu me vois ? Elle me regarde pas, évidement, pendue aux lèvres de ce mec. Elle va le dégager, elle va le dégager ! « Et toi t’es toujours aussi charmeur. » BORDEL. DE?! Je crois rêver. « Toujours, mais ce soir, tu es rayonnante, et ça te rend encore plus belle. » Oh non. C’est un très mauvais rêve. Une très mauvais blague ! « Ça va, merci. » Ce dernier gage d’indifférence a tôt fait de me faire regagner mes esprits, malheureusement pour lui, pour elle, pour eux. BORDEL ! YA PAS DE « EUX » QUI TIENNE. Pas vrai ? Je m’avance secouant la tête, mon regard brulant lance des étincelles et le premier qui m’empêche d’atteindre ma cible je le brise en deux. Je dégage Azur des alentours d’un geste ferme et attrape en même temps le col de ce connard. « Excusez-moi de déranger ! » Je crache mes paroles ne daignant même pas jeter un regard à Azur. Juste l’idée qu’il ait pu se passer quelque chose entre eux, je sens mon sang ne faire qu’un tour. Ça se passe en une fraction de seconde, je bloque le bouffon contre le mur, raclant au passage son blouson contre la pierre apparente. Mon avant-bras appuie sur sa trachée et je lui hurle dessus, mon visage à quelques centimètres seulement du sien. «Plus jamais tu la touches ! » Mon front se colle rageusement au sien, je sens que je vais faire un massacre. « Je me suis bien fais comprendre ? » Une discussion s’impose avec la blonde dans mon dos, mais un problème à la fois, et celui-là va me donner du fil à retordre.
« Jaloux que j'ai baisé ta copine ? » Je pique un fard, instantanément. Ça bouillonne en moi, c’est un mélange de plein d’émotions contradictoires, et son regard mesquin amplifie la moindre de mes réactions. Mes joues s’embrasent parce que l’imaginer mienne, l’entendre formuler à voix haute, c’est un de mes souhaits les plus chers, même dans une situation aussi merdique, parce que ça parait presque vrai… Mais sa clairvoyance m’enrage, je déteste être aussi prévisible, ce mec il est arrivé, il s’est servi et il a même réussi à appuyer là où ça me fait le plus mal… Non pas que je sois particulièrement subtil à le menacer alors qu’il vient de faire un smack à Azur. MON. AZUR. Et puis… Il vient d’énoncer à haute et intelligible voix le facteur numéro un pour que j’entre dans une colère noire : les mœurs plus que légères de celle qui fait battre mon cœur. Putain, un mot de plus et je me le fais, ce con. « Si tu veux tout savoir, elle sait très bien faire, puis putain sa langue, c'était le pied mon pote. » PUTAIN. DE. MERDE. Que quelqu’un le fasse taire, putain ! Un volontaire, le barman ? Le serveur ? MISS AINSWORTH ? Bien sûr que non, putain ! Elle se mue dans son silence, laissant son amant entamer ma patience à coup de poignards. Je veux pas me faire à l’idée qu’elle ait pu faire quoique ce soit de sa langue sur son… PUTAIN ! NON ! N-O-N ! Je ressers la pression de mon bras contre sa trachée, bien conscient qu’il en faudra davantage pour le faire taire. Je songe à du ciment. Du ciment dans sa gorge. Connard ! C’est comme si je la suppliais mentalement d’intervenir. De lui faire fermer sa gueule, et vite. Sauf qu’elle reste prostrée dans ce mutisme de merde! Elle nous fera croire par la suite qu’elle n’a rien vu venir, qu’elle était surprise ! Foutaises, elle est juste trop occupée à se remémorer le gout de sa bite sur ses lèvres ! « Mais si elle va voir autre part, ça veut dire que t'es qu'un petit con, j'y peux rien moi. » J’explose. Je l’attire vers moi pour mieux le projeter contre le mur dont les pierres apparentes m’intiment de la douleur qu’il peut ressentir à présent. Malgré ma rage, c’est un sourire qui éclaire mon visage, je m’esclaffe même. « Ferme ta gueule ! » Je le lâche et me recule de lui. « Je suis bien content de pas être son mec ! » L'OSCAR DU MEILLEUR MENTEUR DÉCERNÉ À ORION ! « Ça me ferait mal au cœur qu’elle aille voir ailleurs avec un mec comme toi… » Je le jauge de haut en bas, méprisant. Bordel, si elle était mienne et si elle allait voir ailleurs. Putain, je donnerais pas cher de ma peau. Ni de celle du mec ! « ...un gros connard ! » Je termine ma phrase laissée en suspens, l’agrémentant d’un crochet du droit qu’il n’a pas volé, ce con !
« Be with me always - take any form - drive me mad ! only do not leave me in this abyss, where I cannot find you ! Oh, God ! It is unutterable ! I can not live without my life ! I can not live without my soul ! »
La colère qui les anime est complètement incompréhensible. À vrai dire, venant d’Orion, ça ne me surprend pas qu’il se laisse aller à une bagarre aussi facile, surtout si quelqu’un le provoque. Ses poings ont toujours eu la fâcheuse tendance à partir trop facilement, surtout lorsqu’il s’agissait de moi. Et même si à l’époque il me vouait une dévotion qui justifiait son comportement, aujourd’hui je ne comprends rien. Rien du tout. Pourtant, l’altercation ne semble pas attirer bien des curieux, et c’est tant mieux. Sous les lumières tamisées, je suis la seule témoin, aux premiers rangs, de cette bataille entre ces deux hommes qui me révèlent des aspects de leur personnalité que j’aurais aimé mieux ne jamais connaître. « Tu dis ça parce que t'es déjà un connard ? » C’est Achille qui reprend la parole, mais ils n’en restent pas là. Le premier coup part, puis c’est le blond qui se jette sur le brun. Ses yeux sont presque noirs, animé seulement par la rage, ils se provoquent. Et moi, je ne fais qu’observer. J’ai envie de m’interposer entre eux, de cesser la bagarre, mais je suis trop… trop terrifiée pour faire quoique ce soit. Mon esprit roule et tente de comprendre, laissant la scène continuer de bon train. « C'est tout ce que tu as dans les bras ? » rajoute Achille, crachant sur Orion tout de suite après. Pourquoi ils se provoquent, merde ? Pourquoi ils font ça pour moi ? J’en vaux pas la peine. Sauf qu’Achille semble avoir perdu de vue la raison de cette altercation, seulement animé par la rage qui coule en lui comme un poison. L’adrénaline, ça le fait planer bien plus que l’alcool et toutes les autres drogues. « Tu t'attaques à plus fort que toi, sombre connard. » Il en tremble presque. Je pense que le poing va partir, encore, mais il s’approche d’Orion pour lui parler à l’oreille et je n’entends pas ce qu’il dit. Je me doute bien que ce n’est pas pour lui proposer de se serrer la main et d’en finir là. Mon corps se couvre de frissons, parce que je n'arrive même pas à imaginer ce qu'il peut lui dire...
« Be with me always - take any form - drive me mad ! only do not leave me in this abyss, where I cannot find you ! Oh, God ! It is unutterable ! I can not live without my life ! I can not live without my soul ! »
Comment l'ambiance a pu basculer de la sorte ? Quelques minutes auparavant nous nous approchions presque d'une certaine complicité, Azur et moi, et puis tout s'est enchainé... J'aurais voulu replacer la mèche qui barre son front derrière l'oreille, à la place de cela, je me retrouve l’avant-bras plaqué contre la trachée de ce toquard. Je vais me le faire ! « Tu dis ça parce que t'es déjà un connard ? » Il me provoque en plus ce con ! « Je dis ça parce que j'ai en rencontré des connards ! Et je peux te dire que toi t'es vraiment la crème des crèmes ! » Mon poing part avant même que je n'ai terminé ma phrase ! Les hostilités entamées, comment revenir en arrière. Nous sommes tous deux fous de rages, et c'est à celui qui encaissera le mieux la douleur. Nous échangeons nombre de coups de poings et déjà je sens mes côtes me lancer, souvenir d'une très ancienne blessure. Ça me ferait presque sourire si ça ne m'arrachait pas déjà une grimace de douleur. Aujourd'hui comme à l'époque, cette couleur jouit d'un dénominateur commun : ma possessivité envers Azur! Ma possessivité envers Azur, déclenchée par sa putain de frivolité ! « C'est tout ce que tu as dans les bras ? » Je hurle en m'essuyant l'épaule, ce connard va me le payer. Je m'abaisserai pas à lui cracher dessus, même si tout ce dont je rêve à l'heure actuelle c'est lui faire avaler mes glaires. « Et ta mère ? Putain fermes ta gueule ! » Mon sang pulse dans mes veines et l'adrénaline bat son plein, je me relève comme plus fort de chacun de ses assauts, comme animé par une seule chose : lui faire ravaler son sourire de toquard. Son plexus est une cible facile que je vise dès qu'il baisse sa garde. Et si son coup déloyal dans les bijoux de famille me fait tomber à terre, je l'entraine dans ma course, l'assenant au passage d'un violent coup de coude au menton. Nous sommes, l'un comme l'autre, incontrôlables. « Tu t'attaques à plus fort que toi, sombre connard. » J'en peux plus de ses provocations ! « T'as raison, connard ! Vas dire ça a mes ex co-détenus ! » Nous atterrissons au sol en explosant une chaise en bois au passage, n'ayant cure de la douleur ou de l'animation que nous provoquons, nous ne nous arrêtons guère. Au sol, il s'approche de moi et me glisse, goguenard. « Si tu veux tout savoir, elle est vraiment bonne ta copine.» C'en est trop ! « Putain, je vais te tuer ! Redis encore qu'elle est bonne je te fais bouffer ta langue. » Mon poing dans sa gueule, je sens sa lèvre s'ouvrir sous la force de mes phalanges et je suis bien heureux de lui ravaler sa petite gueule de con. Je ris, je ris, intérieurement. Parce que l'adrénaline annihile ma douleur, mais je sens bien un liquide chaud dévaler le long de ma joue, en provenance directe de mon arcade sourcilière. Ce putain de connard sait se battre aussi bien que moi, il m'a pas loupé ! Je ne culpabilise donc en rien lorsque mes mains lui flanque une tape dans l'oreille, cherchant à le désorienter. Qui a dit que la médecine ne servait qu'à soigner les gens ? C'est une arme redoutable pour les blesser également !
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Je regarde la scène, complètement mortifiée du spectacle qui se déroule devant moi. Quand je vois Orion se lever et plaquer Achille contre le mur et lui intimer de ne plus jamais me toucher, j’ai envie de prendre mon verre vide, oui, le contenant de vitre, et de lui balancer dessus pour oser proclamer un droit quelconque de propriété sur ma personne. Je ne suis pas à lui : il n’a pas voulu de moi, tout est sa faute. Sauf que les propos crus d’Achille me coupent dans mon élan, et brusquement, je n’ai plus envie de prendre sa défense. Ce n’est pas moi qui vient de se faire plaquer contre un mur, mais bordel, je sentirais presque le coup tellement ses propos me font mal et me coupent la respiration. Orion a toujours son bras contre la trachée d’Achille, mais c’est moi qui incapable de prononcer les mots pour les séparer... Putain… Je ne suis qu’un vulgaire objet, qu’un prix à gagner pour deux hommes qui ont trop d’orgueil et qui se tapent dessus pour une vulgaire catin dans mon genre. Pas d’estime, pas de respect, je ne suis que la pauvre conne qui ouvre trop facilement les jambes et fait des miracles de ma langue… Je me sens malade face à eux. Et leur propos, merde, que ça me blesse… Debout, je m’avance pour aller les séparer, incapable d’en supporter davantage. Sauf que les coups commencent à pleuvoir et je me sens encore plus mal. Je m’arrête, me sentant totalement impuissante, totalement de trop, totalement coupable. « BORDEL, ÇA SUFFIT ! » j’hurle, ma voix coinçant dans ma gorge. Personne ne m’entend, je ne sais même pas si un son est sorti de ma bouche, c’est comme si j’étais invisible. Je me sens responsable de leur altercation, d’Achille qui mange un coup, d’Orion qui reçoit l’autre tout de suite après. Cette chaise en bois qui éclate me sort de mon état de torpeur. Je tremble de rage à les voir, et mes émotions qui s’entrechoquent ont raison de moi, de mon raisonnement… Je n’ose pas m’approcher, incertaine, mais je sens toute ma volonté me quitter, lentement. Je dois agir, et vite, sauf que je suis incapable de réfléchir, tellement l’adrénaline pompe dans mes veines. Alors les mots sortent, clairs, comme un réflexe, comme une ultime supplication : « ORION ! Pourquoi faut que tu me fasses du mal encore ? Arrête… » Et même si ce n’est pas contre moi qu’il lance ses poings, je ne suis pas pour autant épargnée par son comportement explosif, c’est même tout le contraire…
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Ma vision ne se borne qu'à une seule et unique entité : ce type. C'est comme si tout le reste était devenu flou dès l'instant où ses lèvres s'étaient déposées sur ce que je ne cesse de revendiquer mien, à tort. Y a LUI et le reste. Le reste j'en ai pas grand-chose à foutre en ce moment, tant Achille me parait être le problème numéro un à ce jour. Ma réflexion n'a qu'une portée à long terme : quel sera la prochain coup que je lui infligerai? Mon poing dans l'oreille, mon pied dans le tibia, mon autre main dans l'estomac. Ya plus que ça qui fait sens dans mon esprit. « BORDEL, ÇA SUFFIT ! » Comme un bruit de fond, la voix d'Azur se noie dans la masse. Je sais même pas si nous sommes observés ou si nous nous adonnons à notre petite joute bestiale en toute intimité. Là encore, cet aspect de la soirée me semble relégué au rang de détail insignifiant. Mon rythme cardiaque m'insuffle la cadence à adopter pour recevoir mais aussi offrir les coups que nous échangeons. C'est presque risible, mais je ne peux que constater que ma proximité avec ce connard est plus intense que celle que je partage avec Azur... L'un contre l'autre nous enchainons coups sur coups, nos souffles saccadés se répondent avec hargne, la sueur sur nos fronts témoigne de notre acharnement. Encore un coup, puis un autre. Le sang qui s'échappe de mon ouverture à l'arcade m'oblige à fermer un œil, rendant mes coups moins précis... Je tape dans le vide, je m'en fou ! Mais soudain : « ORION ! Pourquoi faut que tu me fasses du mal encore ? Arrête… » Chacun de ses mots se détachent dans ma tête, raisonnent comme s'il n'y avait qu'elle et moi dans ce bar. Alors que je me repasse la douce musique de mon prénom qui s'échappe de ses lèvres je m'arrête instantanément. Je ne redouble pas de violence alors que je sens mon bracelet quitter mon poignet, le cherchant des yeux, mais ne répliquant pas pour autant. Le dos plaqué au sol par mon adversaire, je rends les armes sans pour autant hisser le drapeau blanc. Je me contente d'obéir à ses souhaits. Prêt à accueillir la ribambelle de coups portés par mon adversaire, je tente de lui prouver dans un dernier souffle que mon but est tout autre. En vain ?
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Sous mes yeux se déroule un véritable spectacle d’horreur. Je me sens impuissante, responsable, j’ai envie que tout cesse maintenant, que je quitte cet endroit maudit où je ne sème que le trouble sur mon passage. J’implore Orion de cesser les coups, comme il en a été l’initiateur, espérant qu’Achille en fasse de même, sauf que c’est tout le contraire. Je vois mon ancienne moitié sur le sol, et je ne reconnais plus l’être avec qui il se bat. Les yeux autrefois clairs d’Achille sont maintenant noir de colère et je ne saurais même pas comment qualifier la haine que j’y perçois, consciente qu’aucun qualificatif n’est assez pour en décrire l’immensité. Il semble perdre le contrôle, complètement, devenant un inconnu pour moi, s’il advenait que je le connaisse réellement avant. Ses mains s’enroulent autour du cou d’Orion, et mon cœur cesse. Instantanément. Ça se passe pas réellement non ? Ses mains qui serrent, un peu trop fort, sûrement trop fort, autour de son cou alors qu’il est déjà au sol. Je ne peux supporter un tel spectacle, je pleure, j’hurle, je lui intime de le lâcher, mais je suis incapable de bouger, paralysée par la peur. « ARRÊTE ! » Ma voix se coince dans ma gorge et je me lance sur le sol, pour prendre place au-dessus d’Orion alors qu’Achille se recule, semblant reprendre ses esprits, sortant de cet état terrifiant. Je sens que je pose le genou sur un genre de bracelet, mais je m’en fous, accordant la totalité de mon attention sur l’homme que j’aimais, encore au sol. « Mais qu’est-ce qui t’as pris, bordel ?! » J’hurle entre mes dents, à l’intention d’Achille qui s’est reculé alors que les larmes ravagent mon visage. « Merde!! Pourquoi t’as fait ça ?! » Je vois bien que son regard a changé du tout au tout, qu’il n’est clairement pas l’homme qu’il était il y a quelques minutes : je vois qu’il semble apeuré, qu’il tremble, mais je suis incapable de m’occuper de lui pour l’instant. Impossible pour moi de garder les yeux sur lui un instant de plus, reportant l’entièreté de mon attention sur Orion qui n’a toujours pas bougé, me sentant impuissante. Ma main tremble alors que je l’approche de son visage, pour se glisser dans ses cheveux comme autrefois, espérant que ce simple geste suffira à apposer un baume sur ses blessures que je ne peux panser. Sauf qu’il ne ressent pas vraiment mon geste vu son état, et tout de suite après j’ouvre ses voies respiratoires en penchant sa tête par en arrière. Je ne peux tolérer son état ne serait-ce qu’une seconde de plus, je sens mon cœur qui se détache de ma paroi thoracique pour s’éclater sur le sol en mille morceaux, et je ne donne pas cher de mon état s’il ne reprend pas conscience dans les secondes à venir. Deux de mes doigts se glissent sur sa carotide afin de tenter d’y détecter son pouls. « Orion, s’il te plait… » ma voix faible, je ne pense pas que personne ne l’ait entendue, je ne sais même pas si j’ai réellement prononcé ces mots. Je veux juste qu’il se réveille …