Lydia croit n’avoir rien de prévu de la soirée, alors s’est logiquement installée devant Netflix dans son pyjama. Elle lance un film au hasard, le premier qui lui est proposé, une bière pour lui tenir compagnie. Rapidement elle entend la porte s’ouvrir, et elle essaie de se montrer plus présentable pour Xavi qui vient de rentrer, même si maintenant ça n’a plus réellement d’importance. C’est quand il lui demande pourquoi elle n’est pas habillée, qu’elle remarque cette invitation laissée sur un coin de la table basse. Cette invitation pour une exposition qui lui a été adressée à elle et non pas à Xavi, chose assez rare parce que c’est lui le photographe. C’est Félix, celui qu’elle voit un peu trop souvent à la mairie pour prendre des nouvelles de sa demande d’autorisation et qu’elle jurerait avoir aperçu avec Tad un jour, qui l’a conviée. Au départ réticente à s’y rendre, Xavi avait fini par la convaincre. Elle a appris à aimer cet art qu’est la photographie au fil des expositions qu’elle a écumées avec Xavi, au fur et à mesure de ses arguments visant à lui expliquer les techniques et les intentions derrière cet art qu’elle ne connaissait que trop peu avant. Lui est déjà habillé pour l’événement, il est toujours élégant quoi qu’il porte si l’on demande l’avis peu objectif de Lydia. Elle décide de faire un effort ce soir, de troquer son éternel jean contre une robe. Quelque chose de tout simple et de sobre comme elle, une robe noire et sans fanfreluches. Elle laisse au Colombien le soin de conduire ce soir, riant à ses blagues, l’écoutant lui parler de sa journée sans broncher, comme si tout allait bien. Une fois arrivés, elle s’accroche à son bras lui qui va saluer quelques confrères. Ils s’arrêtent pour parler à une jeune femme dont le regard ne lui échappe pas, un regard plein de pitié, parce qu’elle a rapidement compris que comme beaucoup elle avait eu l’occasion de visiter le lit de son mari. Alors elle doit s’imaginer Lydia en femme bafouée qui n’a aucune idée des activités extra-conjugales de son mari, quand il n’y a jamais eu rien d’autre entre les deux époux. Elle quitte rapidement cette conversation pour aller jeter un œil aux œuvres exposées, et pour aller voir Félix en lui demandant quelles sont ses clichés. Mais elle n’a pas besoin de le trouver pour comprendre quels sont les siens, son regard est attiré par une silhouette, un visage familiers et pour cause : ceux sont les siens. Elle reste devant ces clichés quelques secondes, incrédules et presque mal à l’aise. Du regard elle en cherche l’auteur, et lorsqu’elle finit par le situer dans la pièce, elle s’avance vers lui, la colère s’emparant peu à peu d’elle. Sans trop de cérémonie, elle attrape Félix par le bras pour le pousser légèrement à l’écart de la foule et pour pouvoir lui parler sans avoir besoin d’élever la voix. « C’est quoi ces photos ? » demande-t-elle en pointant du doigt les clichés qui la représentent. « Je me souviens pas t’avoir donné mon autorisation. Et tu les as prises quand d’abord ? Tu me suis ? » Elle a assez de James comme chien de garde, elle n’a pas besoin de se penser épiée partout où elle va. Cette impression de l’avoir vu avec Tad, de le voir un peu trop souvent, n’en était peut-être pas une après tout.

Rapidement elle préfère s’éloigner de Xavi, et de sa conquête d’un soir qu’il semble avoir retrouvé. Elle n’est pas d’humeur à supporter les regards plein de pitié de toutes ces personnes qui doivent la prendre pour la femme la plus cocue de Brisbane. Ce qui techniquement n’est en réalité pas faux. Mais elle s’éclipse pour ne pas avoir à regarder son mari flirter avec cette grande brune aux yeux bleus avec laquelle elle ne peut rivaliser. Rapidement elle se demande où est le bar, se disant qu’un remontant lui ferait du bien, mais son regard se tourne vers une silhouette familière, une photographie qu’elle regarde quelques secondes, avant que son visage ne s’empourpre et que son ses yeux lancent des éclairs en direction du coupable qu’elle ne met pas longtemps à trouver. Lydia lui agrippe le bras, ses iris remplis de colère et d’incompréhension venant se planter dans les siens une fois qu’elle l’a eu éloigné de la foule. « C’est pas la question. » Lydia elle ne pourra être objective sur des clichés qui la représentent, elle qui ne s’aime pas particulièrement, elle qui aime tant se fondre dans la masse et être le sujet de quelques clichés déjoue totalement ses plans. Mais surtout, ce qu’elle aimerait comprendre c’est comment et quand il a eu le temps de prendre ses photos, elle qui ne lui a jamais parlé en dehors de la mairie, et ces photos elles ont clairement été prises dans la rue. La première hypothèse, un peu folle certes, qui lui vient à l’idée c’est qu’il la suit. Aujourd’hui plus rien ne l’étonne. « T’aurais peut-être pu me prévenir avant non ? » Sa colère s’estompe peu à peu maintenant qu’elle a eu des explications, et surtout parce qu’elle ne lit pas une once de méchanceté ou de folie dans son regard. Toutefois, elle a encore besoin d’un peu de temps pour se calmer, elle qui aurait aimé qu’il lui demande la permission, parce qu’elle aime n’être personne, et ne pas être mise en avant. « Pourquoi moi ? » Ca aussi elle a beaucoup de mal à comprendre, et avant que sa colère ne parte définitivement il allait lui falloir des explications.  

Même si Lydia comprend qu’il ne l’a pas suivi, et qu’il n’y avait certainement aucune mauvaise intention derrière ces clichés, elle aurait tout de même aimé en être informée avant de se pointer ici et de découvrir des photos d’elle. « Les deux. » Lydia elle n’aime pas les surprises, elle n’aime pas tout ce qui pourrait contrarier son quotidien si banal. Mais là elle se retrouve être le sujet de quelques clichés, elle se retrouve être le centre d’attention sans qu’elle n’ait rien demandé, sans qu’on ne l’ait prévenu. Et elle se sent désemparée, encore un peu en colère de ne découvrir ces photos que ce soir. Intérieurement elle essaie de se calmer lorsque Félix s’excuse parce qu’elle comprend bien qu’il n’a jamais voulu les reproches que Lydia est en train de lui adresser, et qu’il ne s’attendait certainement pas à sa colère. Alors elle essaie de faire un effort, de prendre sur elle. De toute manière il est trop tard désormais, trop tard pour lui demander de les retirer. Elle lui pose la question qui lui brûle les lèvres, celle qu’elle n’a pas voulu poser avant de connaître ses raisons, à savoir pourquoi est-ce qu’il a fait ses clichés d’elle, pourquoi elle, pourquoi pas quelqu’un d’autre quand elle sait que tout son être transpire la banalité, le vide et la transparence. Et le fait qu’il n’ait pas d’explication précise à lui donner ne l’éclaire pas beaucoup plus sur la question. Elle le regarde un peu perdue, fronçant les sourcils. Elle sait qu’elle n’est pas plus jolie qu’une autre, pas plus intéressante qu’une autre, et le fait qu’elle plaise aux professionnels ne la flatte pas nécessairement. Elle plus gênée que flattée lorsqu’il lui dit qu’elle dégage quelque chose de particulier. Lydia elle évite les compliments autant qu’elle évite de boire de l’eau et elle sent ses joues s’empourprer. « Hm, j’imagine que c’est bien pour toi alors si ça plaît aux professionnels ? » dit-elle maladroitement, parce qu’elle ne sait pas tellement quoi lui répondre. Elle s’est calmée un petit peu, et elle est désormais plus gênée qu’elle n’est en colère. « C’est juste que … » commence-t-elle avant de réfléchir à ce qu’elle va dire. « J’existe mieux dans l’ombre. » dit-elle en haussant les épaules, elle ne lui donnera pas plus d’explication parce que c’est comme boire de l’eau, elle évite de parler d’elle tant qu’elle le peut. « Tant qu’on ne me demande pas de faire d’autres photos, ça devrait aller. » Elle se rend compte qu’elle ne peut de toute manière rien faire, et que Félix n’avait pas l’intention de la mettre dans l’embarras alors elle essaie de se détendre un peu. « Et s’il te plaît, j’aimerais autant qu’elles n’atterrissent pas chez des inconnus. » Elle ne sait pas ce qu’il compte faire de ces clichés, mais elle n’a pas envie de savoir qu’il y a des photos d’elle exposées chez des personnes qu’elle ne connaît pas. « Mais hm, ce sont de jolies photos. » finit-elle par reconnaître. Elle ne juge pas le modèle évidemment, mais tout le reste.

Félix s’excuse une nouvelle fois et elle se contente d’hausser les épaules. Sa colère s’est dissipée, que peut-elle faire désormais de toute manière ? Rien, alors elle tentera d’oublier que c’est sa tête qui est exposée sur deux des clichés présents dans la galerie. Elle tentera d’oublier que ce soir elle n’est pas aussi invisible qu’elle espère toujours l’être. Une nouvelle fois, elle hausse les épaules à la remarque du jeune homme parce qu’elle ne sait pas quoi lui répondre, elle qui a peu l’habitude qu’on lui dise ce genre de choses. Elle n’est pas nécessairement d’accord mais elle va se taire, parce qu’elle n’est pas ici pour s’auto-dénigrer comme elle le fait si bien tous les jours dans sa tête. La seule chose qu’elle lui demande c’est que ces photos ne se retrouvent pas n’importe où. « Merci, je voudrais éviter qu’elle se retrouve chez un homme célibataire d’une cinquantaine d’années. » lui répond-elle dans un léger sourire. Elle essaie de plaisanter, légèrement, certes, mais elle se sent désormais plus détendue qu’elle ne l’était il y a de ça quelques minutes. Elle se permet même de le complimenter sur ses photos, même si ce n’est pas tellement le modèle qu’elle juge. Lydia vient lui offrir un léger sourire lorsqu’il lui dit que le modèle est magnifique et que c’est de là que découle le résultat. Encore une fois, elle ne sait comment accepter son compliment et elle préfère se taire plutôt que de sortir des paroles maladroites. Elle est un peu prise de court lorsqu’il lui demande si elle accepterait être son modèle de nouveau, surtout lorsqu’elle pensait avoir été claire sur le sujet. Elle n’a pas le temps de répondre qu’il reprend déjà la parole lui disant qu’il n’a pas fait d’aussi bons clichés depuis longtemps. Elle se mord la lèvre, parce qu’elle est gentille Lydia, parfois un peu trop, et qu’elle n’aurait presque pas envie de lui refuser une telle demande, même si cela irait contre tout ce qu’elle croit être et tout ce qu’elle essaie d’être. « Je … Je vais y réfléchir d’accord ? » Elle n’a pas envie de lui donner de réponse trop précipitée, même si elle penche plutôt du côté négatif pour le moment. « De toute manière j’imagine que je te verrai bientôt à la mairie. » ajoute-t-elle dans un sourire. « Tu sais s’il y a un bar ici ? » Elle n’a pas encore eu l’occasion de poser les yeux dessus, mais ce sera très certainement sa prochaine destination.