Des milliers de pas, des milliards d'humains et pourtant un seul ici bas vous retient. Il était rentré chez lui à midi, à l'heure où il était sûr de ne pas la croiser. Et il avait raison, elle n'était pas là. Vagabondant dans cette large villa qui avait abrité leurs coeurs amoureux, il regardait avec nostalgie une photo d'eux deux qui trônait dans un cadre. Eliane fêtait ses trente ans ce jour-là et elle ne voulait pas que les gens le sachent. Elle avait boudé toute la semaine en pensant que son mari cherchait à lui faire une fête d'anniversaire. Mais Alex lui avait promis que si elle ne voulait pas célébrer l'évenement avec une ribambelle d'invités, il ne lui ferait pas de fête d'anniversaire. Puis le jour venu, il l'avait réveillée aux aurores, lui avait planté un baiser sur la joue et l'avait tirée du lit pour la mener sur leur grande terrasse avec vue sur l'océan. Là-bas, il avait mis un genou à terre et feignit être au bord des larmes. Il aimait se moquer des films à l'eau de rose pour cacher son propre romantisme. "Eliane Samuels, en ce jour horrible qui est celui de votre passage dans la trentaine, voulez-vous me faire l'honneur de passer la journée avec moi?" Elle avait ri devant tant de cérémonie pour une requête aussi banale au final. Mais il avait tout organisé, il avait demandé à sa secrétaire de dégager son emploi du temps, il avait préparé un pique-nique et l'avait emmenée sur la plage. Ce n'était rien d'exceptionnel, c'était juste le plaisir de passer du temps ensemble, rien qu'eux deux. Puis, là, il l'avait embrassée passionnément avant de s'arrêter brusquement et de décréter qu'ils avaient besoin d'une photo pour se souvenir de cette journée là. Il avait sorti son téléphone et avait pris le cliché qu'Alex regardait maintenant avec douleur, près de deux ans plus tard.
Soupirant, il reposa le cadre là où il l'avait pris et fila dans leur garde-robe pour prendre des chemises et autres vêtements. Il culpabilisait de venir ainsi comme un voleur, chez lui pourtant. Mais il ne pouvait faire autrement. Voir Eliane lui fendait le coeur et ils n'avaient pas encore réussi à passer outre leurs maux pour parvenir à discuter tranquillement. Puis, officiellement, ils étaient en pause. Une pause qui le détruisait mentalement. Il était sorti, avait continué à voir Théodora pour ne pas devenir fou, mais rien ne remplaçait son épouse et l'amour qu'elle lui portait. Il referma la porte derrière lui et décida d'aller se prendre une bouteille d'eau avant de partir, il faisait particulièrement chaud ces jours-ci à Brisbane. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir un frigo déconnecté. Il était vide. C'était insensé. Regardant autour de lui, il ne remarqua rien d'anormal. Mais un doute s'était immiscé en lui. Et si? Il prit les escaliers en courant et se dirigea directement sur les armoires d'Eliane. Elles n'étaient pas vides. Rassuré, il sut qu'elle n'était pas partie... du moins, pas définitivement. Mais la valise en cuir mauve qu'elle aimait tant n'était plus là. Instinctivement, il se connecta à l'ordinateur de son bureau dont il connaissait le mot de passe et vérifia sa boîte de mails.
Connor Finley a écrit:
"Je me réjouis déjà! Rdv à l'aéroport à 13h30 alors, ok?"
Pourquoi cet homme lui écrivait-il sur sa boîte professionnelle? Qui était-il? Un nouveau collègue? Il n'aimait pas ce qu'il ressentait au fond de son ventre. Et si elle était avec quelqu'un? Il s'apprêtait à fouiller dans la boîte de messagerie plus en avant quand il réalisa qu'il était 13h passées... Suivant son instinct, il sortit en toute vitesse, rentra dans sa voiture et sans se donner le temps de réfléchir, prit la direction de l'aéroport. Où qu'elle aille et qui que soit ce gars, il devait savoir.
En dix minutes, il parvint à destination. Il devait s'être pris trois flashs en chemin mais un des avantages à être officier dans l'armée était que l'on ne se souciait pas de ce genre de choses. Il tournait autour de l'aéroport quand il vit Eliane descendre d'un taxi. Elle venait sûrement du travail. Le chauffeur lui sortait ses deux bagages: la valise mauve ainsi qu'un petit sac supplémentaire quand il aperçut un homme qui les saisit. Ce n'était pas un valet. C'était un homme habillé en costume, bien fait de sa personne et qui souriait à son épouse comme aucun homme n'avait le droit de le faire. Serrant ses poings autour du volant, il entendit le klaxon de la voiture derrière. Il bloquait la route. Il fut obligé d'avancer mais il ne quittait pas le couple des yeux, se servant de son rétroviseur pour les garder dans son champ de vision. Il se parqua n'importe comment vingt mètres plus loin et sortit sans se demander si Eliane prendrait bien qu'il vienne ainsi faire un scandale. Lorsqu'il arriva auprès d'elle, l'homme avait disparu et ses valises aussi. Elle était au téléphone et lui tournait le dos. Croisant les bras, il se positionna devant elle et attendit qu'elle termine sa conversation. "Tu pars quelque part?" Son ton était tellement glacial qu'on aurait pu croire qu'il parlait à sa pire ennemie.
Elle regarda sa valise un instant avant de la refermer d’un geste sec et de l’empoigner pour l’emporter avec elle à la porte d’entrée. Par acquis de conscience, elle inspecta les portes ainsi que les fenêtres pour vérifier que tout était bien fermé. Elle alla ensuite vers la cuisine pour vérifier une dernière fois que tout était éteint frigo compris. Elle avait vidé ce dernier mais ce n’était pas comme si il était rempli. Ces derniers temps, elle n’y stockait plus que de l’eau. Depuis qu’elle était seule dans cette grande maison, la jeune femme était retombée dans ses travers de célibat. Elle ne se nourrissait plus que le midi, le soir elle se contentait d’une tisane. Et encore, le midi ce n’était que lorsque Mary sa secrétaire lui fourrait quelque chose sous le nez l’obligeant à se sustenter. L’inspection terminée, elle reprit le chemin de la porte d’entrée. Elle brancha l’alarme avant de sortir. Gestes devenus tellement des habitudes que parfois Eliane se demandait si elle les avait faits. La matinée se passa rapidement. Elle faisait la passation de plusieurs dossiers qui devaient se finaliser durant son absence. Il fallait dire que depuis quelque temps Eliane Samuels bouclait ses dossiers en un temps record. Elle ne se ménageait guère et ne refusait aucun nouveau. Elle était la première sur les lieux et la grande majorité du temps la dernière à en repartir. Tout le monde pensait que la jeune avocate briguait la place d’associée qui venait de se libérer mais certaines mauvaises langues insinuaient que plus rien n’allait dans son couple et que c’était pour ça qu’elle se réfugiait dans son travail. Eliane, quant à elle, laissait dire les gens. Elle n’avait jamais fait fi des rumeurs se fichant pas mal d’en être l’objet. Cette indifférence ne faisait qu’augmenter le dépit de ses détracteurs.
« Eli, le taxi est arrivé »
La brune regarda sa secrétaire et hocha la tête.
« J’arrive. Le dossier Renfeld est fini. Tu pourras le donner à Carter, mes notes sont dessus. Si ce n’est pas assez claires qu’il n’hésite pas à m’appeler. »
Tout en parlant, elle s’était levée et avait mis sa veste par-dessous son débardeur noir. Il faisait très chaud ces derniers temps aussi ne prenait-elle plus la peine de prendre un manteau avec elle.
« Liz est au courant pour le doss… »
« Le dossier Weather Clock et elle t’appelle si besoin. Je le sais Eli. Maintenant file avant de rater ton avion. Connor en serait extrêmement déçu ! », l’interrompit sa secrétaire avec un petit sourire entendu.
La brune leva les yeux au ciel devant ce sous-entendu à peine voilé. Il était de notoriété publique que l’héritier des industries Finley avait un gros faible pour Eliane. C’était l’une des raisons pour laquelle elle n’avait pas voulu l’accompagner pour le projet de rachat de cette raffinerie sur la côte ouest du pays. Il avait essayé de la draguer plusieurs fois malgré les stop qu’elle lui mettait mais cela ne décourageait aucunement Connor ni le fait qu’elle soit mariée. Elle avait l’impression que tout ça n’était qu’un jeu pour lui. Mais le plus important était qu’il restait professionnel avant tout et n’avait jamais eu de gestes déplacés envers elle. Mais n’étant pas à l’aise et ne voulant pas lui donner de faux espoirs, elle avait décliné son offre de l’accompagner dans sa visite afin de faire un état des lieux et des papiers avec lui. Il ne s’en était pas vexé et lui avait dit que de toute façon, il reviendrait avec le tout pour qu’ils puissent l’étudier ensemble. Mais tout ça, c’était avant cette journée… L’image qu’elle avait vu avait tellement douloureuse qu’elle ne supportait plus de rester à Brisbane. Le soir même, elle était rentrée et avait envoyé un mail à Connor pour lui dire que finalement, elle irait avec lui le lendemain. Ce revirement avait plus que ravi l’homme d’affaires qui s’était empressé de tout réserver du billet d’avion à la chambre d’hôtel. Elle était retournée au bureau pour préparer ses notes et finaliser tout ce qui devait l’être durant son absence.
Le taxi l’emporta alors à l’aéroport où Connor l’attendait de pied ferme. La jeune femme répondit à son sourire. Cela faisait longtemps qu’on ne lui faisait pas ressentir qu’elle était femme. Malgré son côté séducteur, l’homme était un gentleman et d’une compagnie agréable. Il était clair pour elle que jamais rien ne pourrait se passer entre eux. Elle n’était pas comme certain qui pouvait balayer six années d’un revers de la main…
« Eliane, ravi que vous puissiez vous joindre à moi. »
Elle voulut répondre mais son téléphone sonna à ce moment-là. Connor lui fit signe qu’il s’occupait de tout.
« Oui Mary… Non non je viens d’arriver. Et puis je pense que même si j’aurais été en retard, Connor aurait tout fait pour retarder le décollage ! Non je ne sais pas trop encore la date de mon retour. Tout dépendra… si ça se trouve jamais… »
Elle avait voulu faire de l’humour mais l’apostrophe affolée de Mary la fit sourire.
« Bon allez je te laisse. Je te rappelle une fois arrivée d’accord et on fera un point une fois que je serais à l'hôtel. Bye »
Eli avait un léger sourire en raccrochant. Mary lui avait bien recommandé de ne pas oublier de manger. Elle devait être la seule à avoir vu comment elle avait maigrit ces derniers temps et comment elle camouflait ses cernes sous son maquillage. Alors qu’elle allait rentrer dans l’aéroport, elle entendit une voix douloureusement familière lui parler. Elle se retourna alors lentement pour faire face à celui qui était son mari.
« Bonjour Alex »
Son ton était aussi froid que celui de son mari alors qu’au fond d’elle, le cœur d’Eliane tambourinait dans sa poitrine à lui en faire mal.
« Depuis quand te préoccupes-tu de mes allées et venues ? N’as-tu pas mieux à faire ? Comme taper dans la baballe avec un petit garçon ? »
Son ton était froid. Elle n'était pas ravie de le voir. Et pourquoi l'aurait-elle été après tout? Il était parti, l'avait laissée seule et avait décrété qu'il avait besoin d'un break. Mais ce n'était pas un mensonge, il en avait besoin. Seulement, passer du temps loin d'elle, cela lui faisait mal aussi. Pour le moment, rien ne faisait du bien. Et encore moins de la voir sortir d'un taxi et qu'un énergumène qu'il ne connaissait pas lui prenne ses valises. Elle lui parla de Théo et de son gosse. Il les avait croisés dans le parc en rentrant du travail et ça aurait été impoli de ne pas passer dire bonjour. C'était la première fois qu'il voyait le gamin. Quelle était la probabilité qu'Eliane passe ce jour-là? Faible, très faible. Et pourtant le sort se moquait de lui apparemment. "Je n'ai plus le droit de jouer avec des enfants?" Son regard la pénétrait avec force et il s'approcha d'elle sans trop savoir pourquoi. Il avait besoin de se rapprocher de son épouse. "C'est quoi l'idée? Si tu ne peux pas m'en donner, je suis privé de tout contact avec un enfant quel qu'il soit?" Elle ne pouvait pas savoir qui était l'enfant dans le parc, elle ne pouvait pas tout simplement parce qu'il s'était arrêté dix minutes, avait joué avec lui parce que l'enfant lui avait demandé et ensuite était parti. Aucune marque affective envers la mère n'avait été faite. Premièrement parce qu'ils n'étaient pas en couple, ensuite parce que cela aurait été complètement déplacé. Ils étaient en public et le fils de Théo était là. Puis, enfin, Alex et Théo ne se considéraient pas comme étant impliqués dans une histoire. Il leur arrivait de céder à la tentation charnelle mais ils ne faisaient que se réconforter l'un l'autre, rien de plus. "C'est qui ton valet?" La meilleure des défenses restait l'attaque. Il n'était pas d'une nature très jalouse mais il n'aimait pas qu'on s'approche de ce qui était à lui de trop près. Tout simplement parce que quand il aimait, il ne partageait pas.
Eliane n’aurait jamais cru le dire un jour mais Alex était bien la dernière qu’elle souhaitait voir aujourd’hui. Elle fixa l’homme qui avait été son tout autrefois et qui l’était surement encore aujourd’hui si on devait en croire son cœur qui souffrait le martyre. Elle ne succombera pas. Elle ne pleurera pas. Pas comme lors de leur dernière rencontre. Pourquoi était-il là d’ailleurs ? Elle partie, même temporairement, cela devait lui faire des vacances non ? Ne pas à avoir peur de se faire prendre avec sa maîtresse. Elle ne bougea pas d’un poil tandis qu’il s’avançait vers elle se contentant de soutenir son regard. Mais se sentir devenir blanche lorsqu’il lui répondit.
« Merci », lui répondit-elle glaciale.
Tout mais ne pas lui faire voir combien cette remarque l’avait meurtrie. Si il voulait la faire encore plus souffrir, c’était réussi. Elle avait réussi à maitriser sa voix pour qu’aucun tremblement ne se fasse entendre. Elle ne pouvait – ne voulait – pas qu’il voit comment d’une simple phrase, il arrivait à la tuer encore plus. C’était son but ? Qu’elle craque ? A quoi cela allait servir ? C’était lui qui était parti et non l’inverse.
« Ne me prends pas pour une conne d’accord ? Ça y est vous en êtes là ? A faire des sorties en famille ? »
En les voyant, son cœur avait su. Elle avait compris que c’était elle la femme avec qui Alex la trompait allègrement. Si elle avait été assez idiote pour croire que le break qu’il avait demandé était pour prendre du recul, Eliane avait vite compris que rien n’avait changé pour son mari. Il continuait de voir sa maîtresse. Il continuait de se glisser dans les draps d’une autre. Cette idée la rendait folle. De penser qu’une autre pouvait poser ses mains sur son mari, cela tuait littéralement la jolie brune. Elle le regardait tandis qu’elle continuait
« Je devrais te féliciter ? Pourquoi es-tu venu Alex ? Qu’y-a-t il de si urgent ? »
Elle ne voulait plus le voir. Elle voulait juste quitter cette ville où elle étouffait. Brisbane était devenu trop petit pour eux deux. Si Alex ne partait pas en mission c’était elle qui partirait voilà tout. Eliane ne voulait pas retomber sur une scène similaire à celle qu’elle avait vu. Cela avait été l’image de trop. Une image qu’elle n’était pas prête d’oublier. C’était une chose de savoir qu’il avait fauté, c’en était une autre que de voir la preuve de l’infidélité de son mari de ses propres yeux. Alex, lui, ne semblait aucunement gêné. Elle lâcha un petit froid à sa question.
« Un homme charmant avec qui je vais partir en voyage. D’ailleurs en quoi cela te concerne Alex ? Tu as perdu le droit de me poser ce genre de question le jour où tu as quitté notre foyer. »
Il ne savait pas pourquoi il était là. Il avait vu l'e-mail et n'avait pas réfléchi. Elle était sa femme et elle partait, c'était naturel non de se demander où elle allait et avec qui. Mais évidemment, les choses naturelles, cela n'était plus d'actualité entre eux. Il avait envie de la prendre dans ses bras, de ne rien dire d'autre, de juste la serrer contre lui et de lui souhaiter bon voyage. Mais il ne pouvait pas. Il y avait son égo et il y avait la froideur d'Eliane. "Ne dis pas n'importe quoi."
Elle avait vu juste mais il n'était pas prêt à l'admettre. Il préférait éviter le sujet et ne pas confirmer que les deux personnes qu'elle avait vues avec lui étaient celles qu'elle pensait être. Et au lieu de se rapprocher, le couple continuait à voir leur union perdre pied. Elle lui demandait pourquoi il était là et il sentait son coeur se briser. Il aurait tant voulu qu'elle se réjouisse de le revoir. Mais il rêvait avec les yeux ouverts évidemment. Il soupira et lâcha avec tristesse
« J'en sais rien... J'ai vu l'e-mail et je voulais pas que tu partes sans te dire au revoir. »
C'était ridicule. Mais c'était Alex. Le romantique Alex... Celui qui autrefois conduisait Eliane à l'aéroport et revenait la chercher avec des roses blanches. Celui qui lui sonnait deux fois par jour quand elle était à l'étranger et qui une fois avait même détourné un de ses hélicoptères de mission pour aller se poser à Sydney et faire une visite surprise à celle qui était partie depuis trente heures seulement. Aujourd'hui, il était le mari indifèle dont on ne tolérait pas la présence à l'aéroport.
« Tu as raison. »
Il n'y avait plus grand chose à dire. Il s'approcha néanmoins d'elle, la prit dans ses bras sans crier gare et embrassa son cuir chevelu tout en murmurant « Prends bien soin de toi. Et... bon voyage Eli.» Il n'attendit pas, ne la regarda pas pour ne plus croiser ce regard rempli de reproches et fit demi-tour, cherchant où il avait parqué sa voiture.
Il ne l’avait pas détrompé. Sa petite phrase de rien du tout voulait tout dire. Eliane connaissait trop son mari pour se laisser prendre à son jeu. Ils ne pouvaient pas être eux depuis tout ce temps sans tout connaître l’un de l’autre. La jeune femme s’était donnée corps et âme dans sa relation avec Alex. Il avait été son premier et son tout. Et elle devait admettre que maintenant qu’elle le voyait devant elle, c’était toujours la même chose. Malgré la douleur, malgré la trahison. Elle était toujours éperdument amoureuse d’Alexander Samuels. Et cette constatation la blessa encore plus. Pourtant hors de question de le laisser voir quelle emprise il avait encore sur son cœur.
« Encore une fois, ne me prends pas pour une conne Alex. Aies au moins cette petite considération à mon égard stp. »
Elle n’allait pas le laisser s’en sortir aussi facilement. C’était lui qui était venu. Sous le prétexte de quoi ? De venir lui dire au revoir ? Et pourquoi ça ? Ses mots lui transpercèrent le cœur. Eliane pouvait se rappeler de chacun de ses déplacements. C’était lui qui l’emmenait. Lui qui lui portait ses bagages. Lui qui l’emmenait jusque la porte d’embarquement comme pour montrer à tous qu’elle était à lui. Que si elle partait avec des hommes, qu’ils sachent qu’elle était chasse gardée. C’était Alex.
« Sans me dire au revoir ? Tu ne devrais pas plutôt être avec elle au vue et au su de tous maintenant que j’ai quitté la ville ? Ah non c’est vrai. Tu le fais déjà »
Eli voulait qu’il comprenne à quel point cela l’avait blessée. Il ne pourrait jamais comprendre ce qu’elle avait pu ressentir en le voyant avec ce petit garçon. Ce petit garçon qui aurait pu passer aisément pour son fils à lui. Ce fils qu’elle ne serait jamais capable de lui donner et que cette jeunette… La brune serra les poings pour ne pas éclater en sanglots en revoyant cette image. Et comme pour mettre à mal ses résolutions, il vint la prendre dans ses bras. Eliane ne bougea pas, refusant de céder à son impulsion de passer ses bras autour de lui, d’enfouir son visage dans son cou. Refusait cette envie de se fondre en lui, de rester dans la barrière protectrice de ses bras. C’était si facile de succomber… Mais aussi vite qu’il l’avait prise dans ses bras, Alex la relâcha et tourna les talons. Impulsivement, elle lui attrapa le bras et l’obligea à se retourner
« C’était quoi ça ? Un câlin pour la femme délaissée avant de retourner voir ta petite amie ? C’est ça Alex ? »
Eclatant alors, elle le poussa
« Tu as donc si peu d’estime pour moi pour me faire ça ?! Me mettre plus bas que terre et me piétiner encore plus ?! Putain je te croyais différent Alexander Samuels ! Je te croyais quand tu disais m’aimer ! Je te croyais quand tu disais ne jamais me quitter ! En fin de compte tu n’es qu’un homme comme les autres… »
La jeune femme recula en essuyant rageusement les larmes qui coulaient le long de ses joues.
« Maintenant imagines ça. Imagines que cet homme que t’as vu ta l’heure. Imagine le poser ses mains sur moi. Caressant mon corps. Ce corps que seul toi as touché jusqu’à présent. Embrasser ses lèvres qui n’ont plus embrassé que les tiennes depuis qu’on s’est rencontrés… Imagines nos deux corps nus en sueur… Qu’est ce que ça te fait Alex ? Hein ? »
Leur bonheur avait foutu le camp. Comme ça, du jour au lendemain, leurs jours heureux avaient cessé d'exister. Eliane était rentrée de chez le gynéco avec les résultats tant attendus. Alex était en mission et il n'avait pas pu l'accompagner, pourtant cela le concernait aussi. Il était rentré le soir, fatigué, courbaturé et pressé de prendre un bon bain. Mais Eliane ne répondait pas à l'appel. Qu'est-ce qui n'allait pas? Il vint la trouver dans le living, la prenant dans ses grands musclés et tout son corps se contracta. « Lâche-moi.» avait-elle murmuré. Alex avait perdu pied, il ne savait pas ce qui se passait mais jamais elle n'avait paru si loin de lui. Ensuite, il s'était rappelé que leurs résultats devaient arriver ce jour-là. Il avait compris avant même qu'elle lui dise les fatidiques mots. « Je suis stérile.» Depuis, leur amour n'avait pas cessé mais il s'était fait discret. A chaque regard qu'il posait sur sa femme, il voyait un vide. Elle avait quitté son propre corps, préférant déprimer au loin, sans le laisser l'aider. Et à force, il avait fini par ressentir le besoin de communiquer, de se laisser aimer par quelqu'un d'autre. Non pas parce qu'il n'aimait plus son épouse mais parce qu'il avait besoin de quelqu'un qui acceptait qu'il se fichait de la stérilité d'Eliane, qui acceptait qu'il soit tel qu'il est, un point c'est tout. Cette personne ça aurait pu être Alizée, ça aurait semblé normal. Personne n'était plus proche de lui qu'elle. Mais Ali, ... tromper Eliane avec Ali, c'eut été un vrai crime. Car il avait des sentiments pour Alizée, ça ne pouvait pas ne rien représenter avec elle. Et il avait eu la force de caractère de ne pas avoir cette faiblesse au moins. Mais Théodora avait été là. Elle avait tout écouté, sans rien dire de travers. Les maux du coeur, ceux que personne ne comprend, elle connaissait aussi. Eliane aurait dû être celle qui écoutait Alex, mais elle n'était pas là. Alors Alex avait fini par commettre cet impair. Il ne se le pardonnait pas mais foutu pour foutu, il continuait à se vider le cerveau avec Théo quand ils craquaient tous les deux. Non pas par amour mais par réconfort. Comme quand on va voir un psy. Parler ne lui suffisait pas. Et coucher était tant thérapeutique que punitif. Plus il couchait avec elle, plus il savait que sa relation était au bord du précipice. Sur ce point là, Eliane voyait juste.
« Je ne te prends pour rien Eliane. Je préfère juste éviter de parler d'un sujet qui fâche. Tu devrais savoir ce que c'est, ça fait quatre mois que tu évites de me parler pour ne pas aborder le sujet qui te déplaît tant.»
Pourquoi aurait-elle eu le droit de mettre un véto sur certaines discussions et pas lui? Depuis quand devait-il répondre de la paranoïa de son épouse? Il le savait parfaitement depuis quand, et bien que cela ne soit pas génial, cela il ne se le reprochait pas.
«Arrête. Je ne suis pas avec elle. Je ne sors avec personne.»
C'était vrai. Elle devait le savoir au fond d'elle. Si il avait voulu traîner avec d'autres, il aurait demandé le divorce. Peut-être devait-il? Il n'en savait rien. C'était difficile à prendre comme décision et il ne pouvait s'y résoudre. C'était trop tôt, il espérait encore.
Commença alors le déluge. Les mots d'Eliane étaient plus violents les uns que les autres. Chacun s'abattait sur lui comme un éclair abattant un arbre. Et bien qu'il soit un arbre robuste, il sentait l'électricité le parcourir avec force. Elle l'avait empêché de partir et pendant une fraction de seconde il avait espéré qu'elle le retenait pour lui rendre son étreinte. Mais au lieu de cela, il se prit une claque phénoménale, pas au propre certes mais néanmoins une grande claque. Un câlin à sa femme délaissée? Il était abasourdi et le temps qu'il trouve ses mots, elle en prononçait d'autres. Cette vision le détruisait et très vite il arrêta d'écouter ce qu'elle disait afin de ne plus se laisser torturer.
« Ca ne me fait rien.»
Son regard était devenu dur. Il était en rage et il valait mieux qu'il se tienne à l'écart pour ne blesser personne. Mais personne ne pouvait être aussi blessé que lui.
«Si tu refuses de coucher avec moi pendant quatre mois mais que tu te donnes à lui, sous prétexte que j'ai satisfait mes besoins d'homme ailleurs, alors grand bien te fasse. Tu n'es plus l'Eliane que je connaissais.»
Les gens les regarde avec un intérêt malsain et il se frotte le visage en sentant que les nerfs et le soleil lui mettent de la sueur sur le front.
« Allez, va-t-en retrouver ton Don Juan. Va exposer vos corps en sueur et surtout, prends bien ton pieds! Parce que moi je ne m'en priverais pas à ta place. »
Il était tellement perdu qu'il se retenait de pleurer en parlant. Pour éviter cela, ses traits s'étaient contractés au plus haut point. Il avait besoin qu'elle parte, là maintenant, et qu'elle arrête de le torturer.
Alex continuait de nier encore et encore. Pourquoi ne pas admettre qu’il continuait de voir sa maîtresse ? Est-ce que cela aurait calmé Eliane ? Non surement pas. Mais au moins, elle n’aurait pas cette sensation désagréable d’être prise pour une conne. Elle détestait ça. Et le pire dans tout ça, c’était qu’Alex savait parfaitement que s’il y avait bien une chose que son épouse détestait c’était d’être prise pour une conne. La brune pardonnait bien plus facilement si on lui disait en face la vérité mais jouer la comédie devant elle alors qu’elle était parfaitement au courant de la situation ? Rien de plus facile pour se faire rayer de sa vie. Mais malheureusement pour Eliane, ce n’était pas aussi simple lorsque cette personne précisément était celle qu’elle aimait le plus au monde.
« Mais bien sur ! Compares ton adultère à ce qui me détruit depuis ces derniers moi. Merci de ta délicatesse ! »
Eli ne comprenait pas pourquoi il ressentait le besoin de s’enfoncer encore plus. C’était comme si il se dédouaner de tout ça sans penser à rien.
« Donc si je comprends bien si notre couple a duré jusque-là c’était parce qu’on n’a rencontré aucun problème majeur c’est ça ? Que dès qu’on traverse une crise, tu te permets d’aller voir ailleurs ? »
C’était un dialogue de sourds. Mais c’était leur lot depuis ces derniers mois. Ils n’arrivaient plus à se comprendre et chacun restait campé sur ses positions. Eliane avait toujours pensé que leur couple était au-dessus de tout ça mais il fallait croire que non. A avoir une confiance aveugle dans une personne te voilà ce que l’on récoltait. Elle en venait même à se demander si ils arriveraient à s’en remettre un jour. C’était drôle car jusqu’à présent, elle avait cru qu’ils arriveraient à surmonter cela. Que leur discussion de la dernière fois allait peut-être réussir à faire bouger les choses. Mais encore une fois, elle s’était trompée. Pour Eliane, si Alex avait vraiment voulu recoller les morceaux il n’aurait jamais revu cette femme.
L’étreinte fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Eli détestait se donner en spectacle mais elle ne contrôlait plus grand-chose. Et ce qu’il lui répondit fit l’effet d’un coup de massue.
« Deux poids deux mesures. C’est à ça qu’on est réduit maintenant Alex ? »
Qu’il puisse dire qu’elle pouvait se donner à d’autres… Cela donnait la nausée à Eliane. Instinctivement, elle leva le bras. La gifle partit toute seule.
« TU fous en l’air tes vœux et c’est moi qui ne suis plus la même ? Je vais peut-être le faire vu que tu n’en as rien à foutre ! »
Eli savait très bien qu’elle ne pourrait pas. Même si elle le voulait, elle n’y arriverait pas. Car contrairement à lui, elle tenait encore à ce mariage. Surement trop pour son propre bien…
Ils étaient l'exemple parfait des problèmes de communication. Et l'obstination qui les animait tous deux n'aidait en rien à résoudre leurs problèmes. Elle aurait voulu qu'il admette qu'il était avec Théo ce jour-là et lui refusait de parler de cela. Certes, ce n'étaient pas des choses comparables mais il la trouvait injuste de vouloir absolument avoir raison et surtout le dernier mot. Et si il y avait un défaut qu'Alex pouvait avoir, c'était d'être têtu. Il ne lâcherait pas le morceau. Non pas parce qu'il avait quelque chose à perdre mais parce qu'il n'en voyait pas l'intérêt et il en avait marre de se tasser. « Crois ce que tu voudras. De toute façon, peu importe ce que je dis, tu finis toujours par croire ce que tu veux.»
Car il avait beau lui dire que la stérilité d'Eliane n'était pas un obstacle à leur bonheur, elle ne voulait rien entendre. Mais évidemment, il savait qu'elle allait continuer à tourner en rond sur autre chose pour avoir quelque chose à lui reprocher à lui. Pour éviter le sujet qui blessait vraiment. Au fond, avec son adultère, il était parvenu à ses fins: il avait déplacé le problème ailleurs. Mais cela n'avait rien résolu...
« On est loin d'être en crise. Il s'agit d'une tempête et aucun de nous ne semble prêt à se diriger vers le port Eliane. Alors oui, je me permets d'aller voir ailleurs parce que vivre sur des eaux troubles constamment... eh bien.. eh bien... ça donne la nausée!»
Il s'énervait petit à petit et perdait son sang froid. Il l'avait prise dans ses bras pour lui dire au revoir et elle n'avait pas apprécié le geste. Elle l'avait pris comme une insulte.
« Est-ce que tu réalises que je viens jusqu'ici parce que tu me manques, que je viens jusqu'ici juste pour te souhaiter bon voyage, gentiment et sans arrière pensée et que tu me fais tout un scandale?!»
Cela ne lui ressemblait tellement pas. Elle était loin l'Eliane sûre d'elle-même, qui avait le contrôle et qui ne perdait jamais la face. Et plus elle était ainsi, plus il avait le sentiment de la perdre.
«Tu veux parler de voeux? TU VEUX PARLER DE VOEUX?! Ils sont où tes voeux de partage, de respect et d'écoute de l'autre hein? Parce que oui, je suis un gros connard, j'ai été trempé mon stylo dans l'encre de la voisine mais le fait que tu t'es renfermée sur toi comme une huître, on en parle? Le fait que tu m'as littéralement fait comprendre que tu voulais plus que je te touche, on en parle? Et que tu ne m'adressais la parole que de façon monosyllabique hein? Ou que tu me fuyais autant que tu pouvais, ON EN PARLE?! »
Il avait perdu tout contrôle. Il la trouvait particulièrement injuste. Le bonhomme qui portait ses valises venait de sortir du hall de l'aéroport et s'avançait vers eux.
« Va-t-en Eliane, tu vas rater ton avion sinon. Va-t-en roucouler avec monsieur...» fit-il en levant la main avec dépit. Son visage brûlait encore de la gifle qu'elle lui avait mise. C'était la première fois qu'elle le giflait. La première fois qu'il le méritait aussi mais pas dans ce contexte-là...
« Ravie d’entendre que je te file la nausée », répliqua-t-elle cinglante.
Eliane savait qu’elle était de mauvaise foi en lui disant cela mais il la mettait hors d’elle à ne pas vouloir lui dire la vérité. Il pensait peut-être la ménager mais c’était tout le contraire et cela la désolait de voir qu’il ne la connaissait pas plus que ça. Ou alors, il voulait juste lui rendre la monnaie de sa pièce. Et ça, c’était terriblement mesquin. Ils se perdaient de plus en plus dans cette histoire. A se demander s’ils arriveraient un jour à se retrouver et plus le temps passait plus Eli perdait espoir de revoir son couple sur pied un jour…
*Flashback on*
« Tu sais qu’on va finir par se fritter un jour ? »
La tête posée sur la poitrine de son fiancé, les bras d’Alex autour de son corps, Eliane posait cette question d’une voix dolente. De cette voix qu’on avait après l’amour baignant encore dans cette douce torpeur. Elle releva la tête pour le regarder avec un petit sourire taquin.
« Que vas-tu faire avec mon sale caractère ? Parce que tu sais que je peux être butée comme tout quand je m’y mets… »
Alex avait rigolé en lui disant qu’il avait les moyens de la faire taire et de l’obliger à l’écouter quitte à l’attacher à une chaise si il le fallait. Ils en avaient fait un sujet de plaisanterie sans savoir que quelques années plus tard, cela allait vraiment arriver…
*Flashback off*
Il était loin le temps des blagues, des rapprochements et des promesses. Aujourd’hui, ils étaient comme deux étrangers. Non pas vraiment des étrangers car des étrangers ne se cracheraient pas à la gueule comme ils le faisaient. Ils auraient au moins la politesse de se retrancher derrière un masque de faux-semblant. Non. Hier Eliane et Alex Samuels couple si unis et amoureux qu’ils en faisaient des jaloux, aujourd’hui ils n’étaient plus qu’un couple que tout opposait. Perdu sur deux continents différents, ne se comprenant plus et n’essayant même plus de se rapprocher.
« Bien sûr cela par pure gentillesse. Tout comme tu as agis pas pure gentillesse en partant et en ne donnant aucune nouvelle ? Tout comme quand t’as déboulé ici comme une fleur après avoir regardé mes mails derrière mon dos et m’avoir traité comme si je partais comme une voleuse. Mais bien sûr Alex, tout est de ma faute. Cela l’a toujours été n’est-ce pas ? C’est moi qui suis stérile. C’est moi qui t’aies poussé dans les bras d’autres femmes. C’est encore moi qui t’aies jeté de la maison… Oui Alex. Je l’admets tout est de ma faute. Content ? »
La jeune femme s’arrêta et suivit le regard d’Alex jusqu’à Connor
« Ne t’inquiètes pas pour ça. Je suis sure que je vais m’amuser comme une folle »
Tournant les talons, elle s’avança vers Connor et disparut en sa compagnie dans l’aéroport en ignorant son cœur brisé.
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