I lost my mind long ago, down that yellow brick road. L’appareil-photo en main, je laisse mes pieds glisser sur la promenade de bois, la vue qui s’offre devant moi plus impressionnante encore que dans mes souvenirs. Cora à mes côtés, le soleil qui brille, le vent qui souffle, je m’arrête à quelques moments pour inspirer profondément, l’île sur laquelle nous avons prévu passer l’après-midi commence doucement à se profiler sur l’horizon. « Je suis pas venue ici depuis mes 15 ans je crois… » que je réfléchis à voix haute, la dernière fois ayant probablement été avec Tad, quand il m’avait convaincu de piquer 2 bières dans le mini-réfrigérateur de Matt, avant de m’incruster avec mon meilleur ami dans une fiesta que des étudiants d'université avaient organisée là-bas. Doux souvenirs qui remontent alors que je nous revois jeunes et cons, courir sur le boardwalk, vifs et prompts à l’aller, titubant et faiblards au retour. L’époque où rien ne dérangeait, où tout était drôle, léger, beau, simple. « Et toi? Ça remonte à quand? » j’oubliais souvent ces petites parcelles cachées, trésors que Brisbane gardaient bien secrets pour ceux et celles qui ne faisaient pas l’effort de les chercher. J’avais envie de plus aujourd’hui, de mieux, de différent. Sortir de la ville, bouger un peu, prendre l’air, le vrai, le pur. Les derniers jours avaient été complètement incroyables, entre une horrible dispute avec Matt - qui devait finir par arriver, aussi inévitable et nécessaire soit-elle - et les nombreux workshops qui avaient affichés complets consécutivement. Je sentais la vie qui défilait trop vite, je sentais mes pas qui ne suivaient plus la danse, et j’avais besoin d’un moment de détente, loin, pour faire le point. Faire le point sur eux aussi, ces grains de sable comme Edward aimait les nommer, ces visages qui s’imposaient un peu trop fort dans ma tête, alors que tout ce dont j’avais besoin restait de silence. De distance. Et de Cora. Son bon sens avait toujours été ma porte de sortie, son intelligence, son empathie m’avaient sauvée de nombreuses fois déjà, et il me tardait de pouvoir me vider le coeur en sa présence. « Merci encore, d’être venue. » un moment à me remettre doucement à la photographie, c’était ce que j’avais prévu. La peinture étant une chose, la photo me manquant tout autant, l’issue était simple au départ. Mais il me semble que j’ai le coeur trop lourd pour n’en rester qu’à ça.
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Perdue dans ses pensées, Cora avance. Seul bruit à l’horizon, le chant des oiseaux et celui de l’appareil de Ginny qui mitraille tout ce qui bouge tandis que Cora ne répond de rien, se contentant de marcher à côté de son amie, en remuant ses propres tracas et toutes les choses ayant lieu en ce moment dans sa vie. C’est ce qu’elle apprécie chez Ginny, le fait qu’elle sache sans poser de question et qu’elle soit capable d’attendre que Cora aborde le fond des choses elle-même plutôt que de la bombarder de question pour lesquelles, elle va de toute manière se rétracter. Ginny, elle lui laisse le temps de s’ouvrir. Temps qu’elle occupe très bien toute seule avec son appareil. « Je suis pas venue ici depuis mes 15 ans je crois… » Et Cora ? Elle n’est jamais venu ici. Elle n’a pas grandie à Brisbane, et dès l’instant qu’elle y a posé le pied, elle a de suite été happée par la situation avec son frère, sa sœur et sa carrière qu’elle avait cherché à redorer. Pour toute réponse, elle hausse les épaules supposément censée indiquer la vérité et invitant Ginny à poursuivre la conversation si cela la chante. « Et toi? Ça remonte à quand? » Visiblement, les épaules de Cora ne sont pas aussi communicatives qu’elle ne l’aurait pensé. « Jamais. » dit-elle avant de reprendre face à l’expression de surprise de Ginny. « A quel moment ? Je ne suis pas née ici, et j’ai toujours quelqu’un à voir dès que j’ai un peu de temps libre. » soupire t-elle en réalisant que, sa vie est bien triste si elle n’a pas le temps de se poser un instant loin de tout. Et comment fera t-elle ? Si elle récupère Arthur. « Merci encore, d’être venue. » ajoute Ginny, arrachant un sourire sincère à Cora. « Aucun problème, je pense que j’avais besoin de calme moi aussi, et de quelqu’un qui se promène sur la même longueur d’onde que moi. »
Le silence de l’endroit me calmait à chaque fois. Pas besoin de grand chose, de grands éclats, de situations phénoménales, de complications extrêmes. Je voulais juste un peu de repos, des bruits de la ville, des questions qu’on s’y pose, de tout ce qui arrive en boucle et qui épuise. Je savais qu’en amenant Cora avec moi ici, ce serait simple de lui faire autant de bien, de l’aider à décrocher autant de sa propre vie, ses propres tracas. Avec Arthur qui viendrait bien vite se greffer à sa vie mouvementée, il me semblait normal de lui imposer une petite pause en nature. Doucement, je narre ma dernière visite ici, réalisant que la Coverdale n’était jamais venue pour sa part. « J’en prends tout le blâme. » que je rigole, simplement, me promettant de lui faire découvrir d’autres endroits du genre maintenant que nous étions toutes les deux installées dans la même ville. Je savais que de toute façon, elle apprécierait autant que moi si ce n’est plus ces oasis de tranquillité et de zen. Je la remercie même, de sa présence, ce à quoi elle répond d’un sourire sincère. Je n’avais jamais douté de son amitié ni de sa franchise à mon égard, et voilà que j’étais plus qu’heureuse de partager une nouvelle parcelle de cette ville que j’aimais d’amour avec mon amie. « On est deux, alors. » que je laisse glisser alors qu’elle se confie sur son besoin de calme, de connexion. Le silence s’installe, je dégaine l’appareil-photo encore quelques fois, laissant la nature autour de nous faire le reste. « À un moment, je risque de vouloir t’utiliser comme mannequin, tu seras prévenue. » l’oeil collé sur l’objectif, je m’adresse à la silhouette de Cora que je vois se dessiner à ma gauche, errant sur les planches de bois. « Promis, aucunes indications pleines de malaises. Je ne bosse pas pour un magazine pour mâles en chaleur. » je rigole, imaginant comment Cora doit rouler des yeux et songer à deux fois avant de retourner à ce genre de shooting lorsque ça lui arrive. On ne parlait pas souvent de sa carrière d'actrice - j’en jugeais que si elle voulait m’en dire mot, ça viendrait d’elle-même, et cette mention nous arrache toutes les deux un regard complice comme je les aime.
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« J’en prends tout le blâme. » déclare Ginny quand Cora lui apprend n’avoir jamais vraiment fait un pas en dehors de la ville pour profiter d’un peu de nature. Malgré l’excuse de ne pas avoir le temps pour s’accorder ce genre de moment subsiste également la raison que, Cora estime toujours avoir mieux à faire et que la nature, très peu pour elle. La donzelle reste une princesse de la ville. Elle apprécie malgré tout ce moment-là, à sa grande surprise, il peut y avoir du bon à s’isoler un peu dans un endroit où le téléphone ne laisse passer aucun appel. « On est deux, alors. » ajoute Ginny quand Cora aborde son besoin de s’éloigner. Le départ pour la Floride approche, la tension atteint un point culminant dans l’esprit de la jeune femme qui se retrouve rongée par l’appréhension. Elle redevient silencieuse. Elle est dans un position qu’elle n’aime pas trop montré au monde. Cora est trop habituée à être une boule d’énergie auprès des autres. Il n’y qu’auprès de Ginny qu’elle arrive à presque montrer ses failles. « À un moment, je risque de vouloir t’utiliser comme mannequin, tu seras prévenue. » Elle esquisse un sourire, sous entendant que ça ne la dérange pas. Elle s’en serait bien douté que l’œil curieux de Ginny allait bien la viser à un moment, quand c’est un appareil ami, Cora ne craint pas l’objectif. « Promis, aucunes indications pleines de malaises. Je ne bosse pas pour un magazine pour mâles en chaleur. » « Donc, tu ne vas pas me demander de faire la moue ? » ajoute t-elle en rigolant avant de plonger ses mains dans ses poches pour prendre une grande inspiration. « Mais je t’en prie, laisse ton âme d’artiste s’exprimer » soupire t-elle en avançant. « Tu t’imagines que dans quelques mois, on pourra être quatre à se promener comme ça ? »
Je me doutais bien qu’un tour à l’extérieur de la ville nous ferait du bien à toutes les deux. Entre Arthur et sa rencontre imminente pour Cora, mon retour de Disney, le divorce à donner et les dernières révélations sur mes parents et leurs manigances, autant Cora que moi avions besoin de faire le point, de faire le vide. Ici, pas besoin de porter de masque, pas besoin de parler pour cacher les malaises, de se cacher derrière la façade que nous maîtrisions chacune si bien avec les autres. J’avais vu Cora dans des moments plus difficiles, autant qu’elle avait pu assister à mes instants des moins glorieux, et s’il fallait s’éloigner de Brisbane et de ses visages connus pour profiter de la nature ambiante et de son camouflage, soit. Ça m’allait parfaitement, et mon amie semblait être sur la même longueur d’ondes. Distraction nouvelle, je m’arme de mon appareil pour prendre quelques photos d’elle, de dos, m’amusant à commenter ces séances photo qu’elle doit supporter parfois probablement contre son gré, rigolade que je justifie d’un sourire et d’une envie de me remettre à la photo qui traîne depuis des lustres. « La célèbre moue de Cora Coverdale ne sera pas de rigueur aujourd’hui. Considère que je lui offre un congé bien mérité. » un clin d’œil plus tard et je trottine doucement sur la passerelle, attrapant de mon objectif quelques fleurs qui siègent par ci par là. Cora m’encourageant, je croque d’un flash ses boucles rousses à quelques reprises, sa silhouette dansante, son sourire aussi. Le vrai, pas celui payé pour en faire une promotion quelconque. Le soleil est doux, bon, et sa chaleur réchauffe mes quelques frissons une fois le vent qui se lève. Les mots de mon amie me sortent de ma rêverie alors que je me pose un instant pour observer la nature au loin. À quatre. « Je n'y crois pas encore... et pourtant, bientôt, ça deviendra normal, évident. » je souffle, satisfaite. Arthur, Noah, Cora, Ginny. Avec un peu de chance, le donneur ciblé par notre médecin passera les derniers tests haut la main et mon fils pourrait bel et bien sortir de l’hôpital pour de bon, question de profiter de ces nouveaux souvenirs que nous construirions avec mon amie et sa petite bribe de famille. « De voir Noah aussi heureux à Disney, de le faire sortir, côtoyer autre chose qu'un hôpital et son personnel, ça m'a donné espoir pour la suite… » je soupire, un brin nostalgique de ces vacances littéralement tombées du ciel. « J’ai hâte que tu puisses vivre ça avec Arthur, sincèrement. » je caresse mon amie d’un regard des plus doux, empli d’espoir. Tout ira bien.
Elle tente de calmer les sommets d’appréhension qu’elle atteint avec cette histoire, et passer un peu de temps loin de tout ce qui peut représenter une source de prise de tête est plutôt agréable. Sans forcément trop se parler, les filles se comprennent et avancent sereinement. Sa marche est ponctuée du bruit de l’appareil de Ginny qu’elle sent derrière elle, sans que ça ne la perturbe pour autant. C’est bien le seul appareil qui n’inquiète pas Cora. Elle n’arrête pas de penser que d’ici plusieurs semaines, une foule d’entre eux risque de s’abattre sur elle, sur Arthur, sur cette histoire bien sombre qu’elle a caché. Elle a peur en y pensant, et en même temps, elle sait qu’elle serait prête à troquer sa carrière pour récupérer tout ce qu’elle y a sacrifié. « La célèbre moue de Cora Coverdale ne sera pas de rigueur aujourd’hui. Considère que je lui offre un congé bien mérité. » Elle se retient de répondre en parlant du congé bien définitif qu’elle risque de prendre. Au lieu de ça, elle se contente de sourire tout en laissant Ginny poursuivre son œuvre. Elle décide de se perdre dans ses pensées, de réfléchir au tournant qu’elle est en train d’aborder dans sa vie. Quitte à paraître un peu trop émotive, elle arrive même à personnifier la situation en pensant à ce chemin qu’elles suivent à deux, à ce tournant qu’elle rencontre à deux et soudainement, elle lâche à haute voix une de ses pensée, l’un de ses souhaits aussi. « Je n'y crois pas encore... et pourtant, bientôt, ça deviendra normal, évident. » Effectivement. Un jour, ça sera juste normal pour elle d’avoir son fils à ses côtés, tout comme ça le sera pour Ginny que Noah respire la santé. Quelques semaines auparavant, cette perspective n’existait pas. « De voir Noah aussi heureux à Disney, de le faire sortir, côtoyer autre chose qu'un hôpital et son personnel, ça m'a donné espoir pour la suite… » Elle imagine. « J’ai hâte que tu puisses vivre ça avec Arthur, sincèrement. » « Bientôt. » répond-t-elle avant de marquer une courte pause. « J’ai l’impression que je pars troquer ma vie dans cette avion. J’ai réfléchit d’ailleurs, je risque de rester un moment en Floride cette année. Tu me tiendras au courant de comment va Noah ? »
Je ne sais pas si c’est l’air pur, les immenses nuages qui me font l’effet d’un grand lit de coton ou le fait de partager ce petit moment tout doux, tout simple avec Cora, mais mon coeur s'allège un peu plus encore qu’habituellement. L’espoir aussi, tout fin, perceptible, jours heureux qui viendront pour ma belle amie qui partira très bientôt rencontrer son fils, gamin qu’on lui a arraché trop jeune, trop tôt. « Ça ira. J’ai confiance en toi, en vous deux. » elle n’a plus besoin de longs discours, elle n’a plus besoin de tirades qui la motiveront par centaine – elle l’est déjà, motivée. Je le dénote de suite dans ses iris qui brillent un peu plus, une fois la main en croupe sur l’écran de mon appareil pour y voir le résultat de ces quelques clichés pris à la va vite. Elle brille Cora, elle rayonne, et malgré le doute, tellement normal, elle est à l’aube de vivre l’un des plus beaux moments de sa vie. Moment auquel elle souhaite se dédier qu’elle m’annonce, en confession. Elle souhaite rester plus longtemps en Floride, y mettre le temps et l’énergie nécessaires pour nouer avec son fils, pour partir sur de bonnes, d’excellentes bases. « Tu... » j’essaie de me contenir, l’émotion qui remonte doucement le long de ma gorge. « Tu fais bien. » ma tête hoche d’elle-même, résignée. Je laisse passer mes questions au sujet de sa carrière, de son boulot qu’elle mettra donc logiquement de côté le temps de s’occuper de ce pourquoi elle part aux États-Unis – le temps de mettre les choses en place, et de lui confirmer, à mon avis et malgré tout, qu’elle prend la bonne décision. « Bien sûr. Si en échange tu me parles d’Arthur. » elle négocie des nouvelles de Noah et de son état, mais c’est donnant donnant, et un rire franc, de bon cœur, accompagne mes mots. « Je comprends tellement, de vouloir rester près de lui, d’essayer… c’est le bon choix. » au même titre que je n’ai pas du tout de doute à savoir où est ma place, surtout en ce moment. « J’aurais pas pu faire autrement pour Noah, depuis sa maladie. » la situation n’était pas la même, mais le fond se ressemblait. une mère voulant être près de son fils, pour passer à travers une épreuve, la leur. Mes pas se rapprochant de ceux de Cora, j’hausse distraitement les épaules, jouant avec les contrôles de ma caméra, évitant presque de penser à la situation qui était un peu plus difficile depuis quelques semaines, alors qu’avant, tout était au plus clair. Rester près de Noah, m’assurer qu’il allait bien, le supporter au mieux. Mais ça, c’était avant que tout chavire, et que je me retrouve aux prises avec une ribambelle d’émotions contradictoires qui rebondissent de tous les côtés. Cora poursuit sa marche, j’attrape son regard pensif, et je saute, un peu plus, dans les confidences. Entre elle et moi, c’était bien souvent avec parcimonie – on n’était ni l’une ni l’autre pas très fortes pour entrer dans le sentimental et tout ce qu’il signifie, mais je ne me voyais pas ne pas aborder le sujet et ainsi ne pas avoir son avis avant qu’elle quitte l’Australie pour l’Amérique. Son opinion importait plus encore qu’elle ne pouvait croire, et simplement de laisser sortir, de laisser aller tout ce qui me grugeait de l’énergie, me semblait être suffisant pour justifier mes prochaines paroles, presque murmurées. « Même si ces jours-ci c’est pas des plus faciles… Je comprends pas comment j’ai pu me retrouver comme ça mais… disons que je me sens un peu trop sollicitée sentimentalement parlant. Ça date, tu sais. Ça date de Londres, que j’ai pris le temps de peut-être penser à… à ça. » je n’attends pas qu’elle rebondisse sur mes aveux, je n’attends pas qu’elle creuse, qu’elle me plaigne, qu’elle me questionne. J’en ai déjà dit plus qu’à mon habitude. « Tu vas me manquer. » qui finalement peuple le silence, quelques minutes plus tard. « Tu vas nous manquer, à Noah et à moi. Mais c’est pour le mieux. » et je le croyais de toutes mes forces.
Littéralement comme de façon imagée, les deux jeunes femmes s’aventurent sur un chemin plus serein, un avenir meilleur et bien plus tranquille. Cora est beaucoup plus zen que deux jours plus tôt, quand elle était arrivée dans l’atelier de Ginny pour lui annoncer la nouvelle. Désormais, les détails du voyage se précisent et elle y voit plus clairs sur la façon de s’y prendre pour récupérer la garde de son fils, comment elle va faire pour gagner. Dire qu’elle est sereine serait mentir mais elle est plus reposée aujourd’hui et parvient à avoir une conversation encourageante. « Ça ira. J’ai confiance en toi, en vous deux. » Oui, bientôt. Elle reste confiante. Elle va s’atteler à ce que cette histoire trouve une solution rapidement. Cora est décidée à annoncer la nouvelle à personnes concernées, à passer un long moment à n’entendre que reproche mais à faire les choses le mieux qu’elle peut. En commençant par les annonces, elle anticipe en prévenant qu’elle risque d’être très absente durant les mois à venir. « Tu... » entame Ginny amenant ainsi Cora à tourner le regard vers elle. Elle ne sait pas si jongler entre l’Australie et la Floride pendant un temps est une bonne idée, mais elle sait qu’elle en a besoin pour sentir qu’elle fait quelque chose et à vrai dire, hormis le fait que Ginny puisse avoir besoin de son soutien avec Noah, il n’y a pas grand-chose qui la retient en Australie. « Tu fais bien. » Elle espère, parce que c’est un gros risque. Et en même temps, ne pas le prendre lui semble impossible. « Bien sûr. Si en échange tu me parles d’Arthur. » « Haha, ça marche. » ajoute t-elle en riant un instant avant de reprendre cette mine inquiète qui l’habite depuis plusieurs jours maintenant. « Je comprends tellement, de vouloir rester près de lui, d’essayer… c’est le bon choix. . J’aurais pas pu faire autrement pour Noah, depuis sa maladie. » « Seulement, je ne suis pas sûre d’entrer en contact trop vite. J’attend qu’on ait assez de preuves pour accuser le couple qui l’élève d’enlèvement. » Elle faillit dire parent, mais au dernier moment, autre chose était sorti. Même si c’est ce qu’ils sont, elle n’arrive pas à l’admettre. Elle sait en observant Ginny que, ce n’était pas le plan mais en même temps, elle ne pense qu’à gagner le procès à venir et pour ça, elle ne peut se dévoiler et leur donner une chance de fuir. « Je sais, c’est pas ce que je t’avais dit, mais d’un côté, si je le vois et que je lui dis, ça risque de ne pas aider. Malheureusement, je dois gérer le fait que pour lui, ce sont ces gens là sa famille. » Et ça n’était pas facile. Le silence revient entre elles, leur donnant ainsi l’occasion de réfléchir. C’est tout ce qu’est cette marche, un long instant de réflexion partagée. Ginny prend à nouveau la parole, et aborde ce qui la tracasse. « Même si ces jours-ci c’est pas des plus faciles… Je comprends pas comment j’ai pu me retrouver comme ça mais… disons que je me sens un peu trop sollicitée sentimentalement parlant. Ça date, tu sais. Ça date de Londres, que j’ai pris le temps de peut-être penser à… à ça. » « Comment ça ? Tu parles d’Edward ? » demande t-elle sans trop voir là où Ginny veut réellement en venir. Cora était certaine depuis bien longtemps que ce mariage resterait platonique, et ça l’étonne qu’en six ans, une évolution se mette en marche. Du moins dans ce sens. « Tu vas me manquer. » poursuit Ginny, coupant ce début de confession sans pour autant laisser Cora sur sa fin, elle sait qu’elle parlera le moment venu. . « Tu vas nous manquer, à Noah et à moi. Mais c’est pour le mieux. » « Vous me manquerez aussi, mais je reviendrais, je ne peux pas faire la morte pendant trop longtemps non plus et puis, j’aurais besoin d’avoir l’esprit occupée. On pourra se refaire ça à un moment. »
Entendre Cora tourner son plan dans tous les sens ne me surprend pas, limite, je le comprends plus qu’autre chose. J’associe bien évidemment sa réflexion à la mienne, et à tout ce qui a pu toucher de près ou de loin la décision de dire toute la vérité à Noah à propos d’Edward, d’Ezra. Mon amie ignore encore comme tout le monde qui est le véritable père de mon fils, mais cet instant que l’on partage toutes les deux me confirme qu’elle serait toute aussi apte à comprendre ma situation que moi la sienne, une fois bien expliquée. Un « C’est son monde en entier qu’il va redécouvrir là... » articulé autant pour elle que pour ma propre compréhension. Arthur, Noah, et tous ces enfants pour qui on a pris la décision de mentir dès leurs premiers pas dans le monde, pour des raisons nobles, pour leur bien. La vérité finissait toujours par sortir, de toute façon. « Peu importe comment ça viendra, comment tu le lui annonceras... une fois qu’il saura, le mieux c’est d’alléger les dommages collatéraux. » rien de ce que je pourrais dire ne changerait quoi que ce soit à la façon dont Cora agirait - et je lui faisais amplement confiance pour qu’elle prenne la meilleure décision pour eux sans demander l’aide ou l’avis de personne. Néanmoins, il ne fallait pas non plus se voiler la face. La façon dont elle annoncerait la vérité à Arthur - tout comme celle dont j’userais pour amener les faits à Noah - était bel et bien la seule chose qu’elle pourrait contrôler dans le processus. Le reste, comment le garçon le prendra, comment il agira ensuite, en conséquence ou non, ça lui appartenait. Valait mieux assumer la nouvelle et la lui livrer consciencieusement. Sentant que Cora s’ouvrait un peu plus, mais surtout que sa proximité, son bon sens, son coeur partiraient bien vite pour la Floride et que je devrais me priver de son écoute impeccable pour les prochaines semaines me motiva à me brûler un peu, à glisser un mot ou deux sur ce qui me tracassait aussi, sur ce que je gardais bien enfoui aux yeux de tous depuis qu’on avait déposé en famille le pied en Australie, et que Noah et son état de santé avaient occupé la grande majorité de mon temps, de ma tête. « Revenir à Brisbane a réveillé des trucs que je ne soupçonnais plus… une vieille histoire d’amour déjà. » le Beauregard n’y était pour rien, mais le revoir avait réveillé ces souvenirs, ces espoirs de jeune fille, ces rêves de vie heureuse, de coeur qui bat, de beau, de doux, et m’avait rappelé comment je me sentais, avant, avec lui. Entendre Cora mentionner le nom d’Edward dans la conversation me serre le coeur. Elle avait tout vu le jour du mariage, elle avait tout su pour nous deux. L’arrangement, les papiers, les obligations. Autant je le respectais, autant je ne pouvais concevoir qu’il soit le moindrement un candidat potentiel, qu’il s’intéresse à moi, qu’il y ait de l’amour qui puisse naître de cette liberté qu’on nous avait coupée sans demander notre autorisation la plus platonique. Alors je m’explique, mets des mots sur ce qui me travaille, sur ce qui peuple mes nuits blanches. « Et… je me demande quand j’arriverai à aimer à nouveau. C’est con, hen? Mais depuis Noah, j’ai consacré tout l’amour que je pouvais avoir à lui, rien qu’à lui. Même avant sa maladie. » elle est là l’excuse parfaite, le bel obstacle que je me suis moi-même imposé. J’ai toujours dit qu’après Ezra, mon coeur s’était mis en berne, qu’il avait déclaré forfait, et qu’à partir de notre rupture cauchemardesque je ne m’y reprendrais plus à ressentir ça pour quelqu’un. Les rapprochements récents avec Benjamin, les baisers échangés, la réflexion qui a suivi, tout ça m’avait particulièrement effrayé. Ajoutez à cela Ezra qui reprenait tranquillement une place plus qu’importante dans ma vie, et Edward qui semblait encore plus perdu que moi à travers cette histoire de divorce, et plus rien n’allait. Où était-elle, la Ginny qui n’attirait jamais le regard des hommes, qu’on laissait dans son coin sans qu’elle s’en offusque, bien au contraire? « Te voir avancer, te sentir prête pour confronter ton passé pour aller de l’avant, ça m’amène des tas de questionnements. » les mains dans les poches, l’appareil qui tient au bout de mon cou, retenu par sa sangle, et je réfléchis à voix haute, j’estime Cora et son courage. « Ça me force à voir les choses différemment, à me dire que je devrais me bouger moi aussi. » il y avait une différence entre le voir et le faire, entre le dire et agir, et elle était immense la ligne entre ma constatation actuelle, et ma prise de position. Mais au moins, ma belle amie semait une graine vouée à grandir, à m’inspirer. « Je suis fière de toi Cora. Tu prends le contrôle, tu oses, tu essaies, même si t’as encore des doutes, même si tu es incertaine. » si j’avais toujours été fan de la rousse et de sa confiance sans borne, aujourd’hui elle m’apparaissait encore plus comme une figure, un exemple, un modèle. La journée est belle, les nuages se dispersent un peu, et mon coeur s’allège. Pas énormément, pas suffisamment pour que tout change, mais assez pour que je sente que le processus est enclenché, que je peux faire mieux, qu’il me suffit juste de le vouloir pour le faire. « La première à arriver tout au bout? » après de longues minutes, je lève la tête vers Cora, avant de lui pointer du menton la fin du boardwalk, et donc la destination de cette petite balade à deux. N’attendant pas qu’elle accepte, voyant à son regard malicieux qu’elle est plus que prête à bouger un peu et à chasser le reste des idées noires qui s’imposent, je lance le décompte et prend mes jambes à mon cou. Elle ne verra que ma silhouette s’activer, elle n’entendra que mon rire dans son sillage.