« Hey, comment ça va? Tout est ok ici? » le sourire à deux balles du Matt dans son élément naturel ne pouvait pas s’étirer autant alors que je rejoins Heidi et celui qu’elle me présente comme son associé. Café en main, hochement de tête positif pour la peine, je lis tout de suite dans ses yeux que tout va pour le mieux, que la soirée leur plaît. Et si je ne me trompe pas, ça semble être le cas pour la majorité des gens présents. Bon, faut dire que j’ai joué safe et que je n’ai envoyé mes invitations qu’aux amis proches, à la famille, aux potes qui sont là depuis mon retour, et même d’avant. J’avais pas envie de voir le café remplis de petits hipsters des bas-fonds pour sa première soirée officielle, non, là j’avais le goût de jouer avec ceux qui comptaient vraiment et on s’en balance des autres. Une quarantaine de gens avaient RSVP, j’avais pas pris le temps de compter si le nombre d’élus présents concordait mais il me semblait qu’on s’en rapprochait à voir à quel point le local était bondé. Tournée de martini espresso pour la peine, je sens que l’option bar que j’ai décidé d’ajouter au coffee shop, et qui prendra vie à partir de 21h conviendra sur le long terme - du moins, c’est ce que les verres vides et le comptoir collant me confirment déjà. Je passe derrière justement, un petit coup de chiffon, un tour pour remplir les bols de pretzels et autres snacks et je m’y remets. La soirée me semble partie pour être relax, sympa et cool comme tout, et ça, c’était sans compter l’arrivée de Lene qui, mine de rien, m’a presque fait croire à ses excuses bidon pour ne pas venir. Elle a sorti toutes les conneries possibles et impossibles des semaines durant, à un point tel que j’avais absolument plus aucun espoir de la voir passer le pas de la porte. C’était sans rancune, juste la soirée la plus importante de ma vie, ça va, pas trop besoin qu’elle soit là, non… l’ironie me tuera un jour. En attendant, je parcours les quelques pas qui me sépare d’elle et sans aucune gêne, je laisse de côté les précautions que je mets de l’avant depuis mon retour pour éviter de la froisser encore plus d’un « T’es venue! » à la limite de la surprise. C’est bon de la voir, malgré le fait qu’elle est sûrement à quelques secondes de me démolir avec sa douce acide légendaire.
Les bras croisés, elle reste assise sur le canapé à bouder tout en regardant la télé. Et tout y passe, du documentaire animalier sur la vie de la loutre en Europe à l’émission des couponneuses. Lene s’arrête tout de même malgré tout quand c’est au tour des Kardashian d’apparaître à la télé, signe qu’elle peut très bien passer sa soirée chez elle à prétendre faire quelque chose d’intéressant devant Matt pour qu’il croit qu’elle a réellement cent fois à faire que de se rendre à sa soirée pourrie, dans son coffee shop pourri. Sauf que, ça ne prend pas. L’ennui est bel et bien au rendez-vous et les possibilités de Lene à faire quelque chose s’épuisent. Si au moins elle n’était pas aussi détestable, peut-être aurait-elle eu des amis désireux de la sortir quelque part. Mais, même ça, elle n’est pas capable. C’est donc après une soirée totalement raté qu’elle se décidé à attraper sa veste et à sortir dehors, marcher jusqu’au fameux établissement de Matt. « T’es venue! » déclare Matt au moment où elle frnachit le pas de la porte, visiblement surpris de la voir. C’est le moment où elle s’interroge à si elle doit jouer la copine qui comprend malgré tout les trucs importants chez les autres, ou si elle peut être naturelle et montrer son flegme. Elle choisit la seconde option, c’est pas comme si elle allait commencer à ménager l’égo de Matt. « Ouais, j’étais pas là lors de la chute de Rome, alors je viens compenser en regardant ton truc. » lâche t-elle en haussant les épaules, médisante comme toujours. Presque trop prévisible d’ailleurs. « Puis, y’avait plus rien dans le frigo alors je me suis dit que tu me trouverais un truc à manger ici. » Sans gêne. Exactement comme lui. Elle se dirige vers le premier siège vide devant le bar.
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Ça faisait du bien d’avoir une Lene le moindrement joueuse. Bon, elle râlait et elle tirait la tronche, mais autrement, je n’étais pas pour me plaindre de sa personnalité anti-acide pour une fois. Tout sourire, faut bien que j’exhibe un smile pour deux, rigolant de ses prédictions mauvaises au sujet de mon nouveau bébé. « Ils avaient pas d’aussi bon café les romains pour survivre à l’époque. Avec mon espresso, ça aurait été une toute autre histoire. » y’a pas grand chose ce soir qui pourrait me miner le moral, et les remarques acerbes de la brunette me passe sur le dos comme de l’eau sur un canard. Je partage même un regard complice avec deux potes derrière Lene qui ne semblent pas trop d’accord avec ses paroles d’oiseau de malheur. Nope, ce soir, c’est la vie en paillettes et c’est tout. « Ça te ferait du bien en effet. T’as jamais été aussi blanche et cernée. » et hop, une petite pique pleine d’amour envoyée du bout des lèvres, les cils battants. Savoir qu’elle est là vaut pas mal toutes ses remontrances et sa flegme, et je ne m’adoucierai pas pour autant - ça la ferait trop chier. Entre nous, c’était du dur et du difficile pour qu’on puisse être à l’aise, dans notre élément. Et ça me plaisait, à force. Pas toujours, pas tout le temps, mais souvent. Là, surtout. « T’aurais pu amener Patacroute. Le capital de sympathie canin, ça m’aurait au moins valu une semaine de plus au calendrier. » le canin était devenu depuis mon retour un excellent allié. Bon, il répondait toujours plus facilement à Lene - surtout quand elle s’emportait contre mon cas, mais règle générale, on cohabitait plutôt bien lui et moins. Attrapant le mélange à cocktail, j’en improvise une version caféinée et virgin pour la jeune femme, attrapant aussi au vol de quoi la sustenter le temps que le premier round de bouchées ait fait le tour de la salle. Son “retard” m’allait bien aussi, elle avait manqué le début de la soirée et donc mon p’tit discours bien merdique et malaise au possible, ce qui m’assurait de maintenant pouvoir rester à ses côtés sans l’entendre me narguer là-dessus. « je t'avais pas montré le résultat final, final, non? » elle était déjà passée une fois ou deux ici, mais jamais depuis que la dernière couche de peinture avait été donné. « C’est aussi à chier que tu pensais au départ ou ça se défend bien? » je le montrais pas, mais son avis était toujours aussi important.
« Ils avaient pas d’aussi bon café les romains pour survivre à l’époque. Avec mon espresso, ça aurait été une toute autre histoire. » « Ah oui ? Tu crois que ça marche comme ça toi ! » Question rhétorique, présente uniquement dans le but de casser cette trop grand confiance qu’il a en lui. Lene est mauvaise et pour rattraper cette entière soirée passée à être non-productive, elle sort très rapidement sa langue de serpent. Qu’à cela ne tienne ! Il reste encore qu’elle n’est pas venue dans l’unique but de faire chier, mais plus de profiter de la nourriture gratuite que Matt va mettre à sa disposition (ou alors elle le bute), c’est pourquoi elle s’assied, sans pour autant cacher l’objet de sa visite. « Ça te ferait du bien en effet. T’as jamais été aussi blanche et cernée. » Le majeur levée en toute répartie. Lene observe Matt d’un regard qui ne fait que lui demander ce qu’il attend pour lui apporter de quoi nourrir son estomac. « T’aurais pu amener Patacroute. Le capital de sympathie canin, ça m’aurait au moins valu une semaine de plus au calendrier. » Ou pas. C’st ce qu’elle se dit, il a déjà eu de la chance qu’elle le laisse rester jusque là, jusqu’à l’ouverture de sa bigote pour être qu’il puisse démerder comme un grand. Désormais, elle n’a plus l’obligation morale de le garder et c’est sûrement pas les cris de l’animal qui y changeront quelque chose. «J’étais pas sûre que tu l’acceptes dans ton boui-boui. » offre t-elle pour toute réponse, la vérité, pour une fois, tandis qu’il s’affaire à lui proposer de quoi la remplir en attendant que plus solide se présente devant elle. . « je t'avais pas montré le résultat final, final, non? » . « T’as essayé.» A chaque moment où il avait posé de lui montrer le final de son cofee shop, elle s’était dérobée, ne voulant surtout pas lui montrer plus d’intérêt qu’il ne l’aurait mérité. « C’est aussi à chier que tu pensais au départ ou ça se défend bien? » Il en a de bonne lui, est-ce qu’il a envie de se faire démonter ? Parce que, même si son établissement parait bien, Lene ne lui fera aucun compliment. « Matt, nourris moi et on verra la réponse à ta question. »
Pas de surprise, elle n’est pas toute de fleurs et de paillettes. En même temps, c’était un moment important pour moi, un genre de recommencement, et si je m’arrêtais sur nos vieilles habitudes - et ses vieux démons - j’en aurais pas fini. Alors je fais fi de sa hargne camouflée, de ses piques pas particulièrement sympa, de ses regards condescendants. J’avais besoin de Lene l’amie là, mais elle se fichait probablement de ça comme du reste. Haussement d’épaule et assiette improvisée en attendant que le buffet s’installe au fond du local. J’essaie même de faire la conversation, mentionnant le chien puis le local, puis le résultat. Si le sujet touchant Patacroute la fait moyennement sourire - yeah! - c’est la mention des lieux qui me laisse perplexe. En effet ouais, j’avais voulu lui en glisser un mot, je me souviens même avoir voulu l’emmener, un soir où j’avais probablement mal lu ses signaux, comme d’hab. L’important, c’est qu’elle est là maintenant, non? « T’as remarqué? » que je blague même, sarcastique au possible, ayant très bien vite réalisé que plus je lui en parlais, plus ça semblait être désagréable pour elle. Lene était pas horrible en soi, elle avait de bons côtés, et l’un d’eux l’avait sûrement motivée à venir ici, dans son fond, fin fond intérieur, alors je ne m’acharnerais surtout pas tant que ça sur la chose, ne brûlant pas toutes mes chances de tenter, peut-être, un jour, qui sait, faire amende honorable avec elle. Le chemin serait long et ardu, mais j’adorais les défis. Et elle en était un de taille. Voilà qu’elle a déjà englouti ce que je lui ai servi en entrée et que le cocktail est déjà moindrement entamé. Bien, bien. « Le buffet devrait arriver d’une minute à l’autre. » son visage de glace fait mouche alors que je croyais au moins lui apporter une bonne nouvelle, et je rajoute, presque nerveux. « Y’a même de la pizza. » qu’est-ce qui se passe là, Matt? Mains moites, coeur qui débat, regard qui fuit, je réalise que merde, je commence à être nerveux. Pourtant, l’endroit est bien rempli ,les verres se cumulent, les gens discutent… mais y’a quand même ce sentiment de merde qui me hurle que ouais, j’en suis pas encore sorti, et que ce n’est pas parce que tout se passe bien maintenant, que ce sera toujours comme ça. Rien qu’à voir l’expression de mon interlocutrice pour le comprendre. Nerveux, je m’esquive, prétextant une broutille, le temps d’aller me remettre un peu les idées en place. « Je vais aller voir d’ailleurs où ils en sont. »
Elle se demande s’il s’attend sérieusement à un quelconque compliment de sa part, ou bien un commentaire positif, une tape sur l’épaule, une pommade pour l’égo quoi, comme si c’était le genre de la jeune femme d’offrir ce genre de retour. Si Lene t’enfonce six pieds sous terre à coup d’remarque, c’est que t’as merdé. Si elle ferme sa gueule, c’est que tout va bien alors ne demande pas plus. Et dire qu’à une époque, ce garçon était la personne qui la connaissait le mieux. Temps obscurs. « T’as remarqué? » demande t-il, alors qu’elle aspire le contenu de l’assiette qu’il a posé devant. « Quoi ? » Y’a un truc spécial à voir hormis des gens ? Elle le regarde sans comprendre, avant de se dire qu’il se fout probablement de sa gueule et qu’il peut aller se faire foutre. « Le buffet devrait arriver d’une minute à l’autre. » annonce t-il alors que l’assiette de Lene se vide considérablement. Elle sait, elle devrait profiter de ce moment où il lui parle pour s’intéresser à son business, poser des questions sur l’avenir, tout ça. Mais, même si elle l’a accepté chez elle, ça ne changera pas le fait qu’elle l’a au travers de la gorge et qu’il reste hors de question qu’elle agisse comme si elle s’intéressait. . « Y’a même de la pizza. » « Bien joué petit ! T’as anticipé ma venue ! » réplique t-elle en guettant la fameuse entrée du menu, retirant ainsi son regard de Matt pour voir si plus intéressant a lieu dans la salle. Elle se tourne à nouveau vers lui, prête à enchainer avec une remarque, quand elle le voit tout pâle ce qui la stoppe dans son élan. « Bah merde !Tu vas chialer ou quoi ? » Ouais, il lui fait un peu peur là, on dirait qu’il vient tout juste d’apprendre un décès. . « Je vais aller voir d’ailleurs où ils en sont. » « D’accord ! » dit-elle en le laissant partir, le guettant tout d’même au loin en se demandant quelle mouche l’a piqué. Quelques secondes passent pendant lesquels Matt est hors de vue, puis finalement la curiosité aidant, elle se lève de sa chaise pour aller le retrouver. « Bah alors ! ça ne va pas ? » demande t-elle en le rejoignant, on notera sa brusquerie. Mais bon, Lene est pas le genre à s’inquiéter.
Son enthousiasme pour la venue de la pizza me passe par-dessus la tête prompto - c’est que je viens de réaliser qu’elle a peut-être bien raison et que l’endroit n’est pas béni simplement parce qu’il annonce complet ce soir. Comme d’hab, je me suis lancé dans l’aventure un peu pas mal la tête la première, trop gavé d’avoir un projet à moi dans lequel m’épanouir pour songer une seule minute que ça pouvait crasher, comme à peu près tout ce que j’avais touché depuis le jour 1 de ma vie. Lene n’était pas mauvaise en soi, juste réaliste. Et c’est pour m’éviter de péter une crise de nerfs devant elle et donc de lui offrir des munitions pour me faire chier durant les millénaires qui suivront que je m’excuse, prétexte bidon juste pour m’isoler un brin. Ouais, on m’arrête alors que je slalome à travers la foule, et si mon sourire crispé en berne plus d’uns, la Adams ne me laisse pas une seule seconde de répit avant de venir se poster à mes côtés. Inspire, expire, on trouve un terrain neutre et on part de là. « C’est rien, le buffet était censé être là et… » faisant volte-face, je constate que rien n’a été installé sur la table prévue. Un coup d’oeil à l’horloge au mur m’indique que les gars sont en retard d’une bonne demie-heure finalement, et que mine de rien, les petits trucs préparés pour faire patienter les gens ne tiendront pas encore longtemps face aux appétits grandissant. « Et merde. » je dégaine mon portable, pas du tout l’envie de gueuler sur qui que ce soit, ni de m’en faire. Y’a ce stress que je connais à peine qui se ramène, et si je me la jouais cool depuis des années, là c’était tout autre. Le regard de Lene sur moi qui n’en finit pas et le petit air condescendant qu’elle doit être à une seconde de faire ne me rassure pas plus et je signale le numéro du service en me bouchant l’oreille libre juste pour mettre toutes les chances de mon côté. À voir les autres qui papotent sans broncher, je réalise bien que je suis le seul à paniquer légèrement - que dis-je - mais tout vole en fumée lorsque j’ai bel et bien le traiteur en ligne. « Salut! Je voulais juste valider si tout était ok pour la livraison? L’heure est passée, juste me dire si… » en quelques secondes, j’apprends que le livreur a fait 4 fois le tour du bloc avant de retourner bredouille, n’ayant pas vu l’affiche. Eh merde je réalise - le mec censé venir peindre la dernière touche ne viendra que demain matin, tapant. « Je sors dehors, devant. Dites-lui de repasser. » foutaise. Roulant des yeux, je ferme mon portable et joue nerveusement avec. « La première clope sera nécessaire. » que je rigole, de mon malheur surtout. J’avais pas l’habitude de fumer, mais là, c’était ce qui me semblait être l’option la plus calmante. « Tu viens? »
Elle le suit. Allez savoir pourquoi ça semble l’interpeller alors qu’elle pourrait très bien rester là à attendre le buffet plutôt que de se poser des questions sur les causes de la pâleur de Matt. On mettra tout sur le dos de la curiosité de Lene. S’il le prend comme une ouverture, elle aura vite fait de l’envoyer chier. « C’est rien, le buffet était censé être là et… » Et … Elle attend qu’il termine sa phrase, ce qui n’arrive pas puisqu’il a vite fait de dégainer son téléphone pour passer un appel. « Et merde. » Elle reste là, face à lui, en attente d’un prochain mouvement de sa part. De toute façon, peu importe ce qui lui serait arrivé, elle lui aurait dit de se sortir les doigts du cul donc, il aura le mérite là de lui faire économiser un bon paquet de salive même si rester là en plan à attendre une interaction de sa part avec elle ne va pas tarder à la souler. « Salut! Je voulais juste valider si tout était ok pour la livraison? L’heure est passée, juste me dire si… » Elle attends. « Je sors dehors, devant. Dites-lui de repasser. » Enfin, l’avancée arrive, elle en sait pas plus sur ce qu’il se passe, mais Matt bouge, Matt semble être disposé à ne finalement pas chialer dans son coin et c’est pas mal. « Je sors dehors, devant. Dites-lui de repasser.La première clope sera nécessaire. » « Tu as commencé à fumer à Londres ? » demande t-elle, surprise. C’est pas le genre de la maison de parler d’esprit sain et de corps sain, mais tout de même, de là à se créer un petit cancer. « Tu viens? » « Ouais, je te suis. J’vais t’éviter de finir en pls sur le trottoir. »
Ça me faisait chier, cette sensation de stress. En 32 ans, je pensais avoir été suffisamment con, désabusé et blasé pour m’en sortir, mais fallait croire que la vie pouvait toujours nous épater. Lene avait toujours été la meilleure pour jouer le rôle du miroir - savamment cruel et franc au passage - mais il fallait lui donner qu’elle avait rarement était wrong sur mon cas. J’ignore si je devais lui donner tout le bénéfice pour cette soudaine prise de conscience que le projet pouvait m’éclater entre les mains, ou si c’était simplement l’accumulation de tout ça qui revenait se pointer comme une fleur, néanmoins c’était dit que mes nerfs allaient passer sur le pauvre traiteur. Je me reprends sauf, je respire, je la joue cool, je négocie, on trouve un terrain d’entente, mais à l’intérieur, c’est pas si yolo et je dénote bien mon coeur qui saute un battement ou deux. La cigarette salvatrice me semble la seule option dans l’attente de la nourriture, et j’invite même Lene à m’accompagner si elle veut un peu d’air frais, et les première loge sur mon anxiété panique qui risque d’exploser à tous moments. « C’est leur truc aux européens. » que je rigole, lui ouvrant la porte même si j’anticipe le regard noir qui suivra. « Toujours la clope au bec. » j’hausse les épaules, allumant la cigarette pour faire écho à mes paroles. « C’est pas une grosse habitude, ça ressort juste quand la situation s’y prête. » lire ici quand je perds le moindrement mon calme légendaire. « Tu en veux une ou…? » ou t’es pas aussi intéressée que moi à fumer la mort en bâton que je me retiens de dire, lui tendant le paquet pour la forme. Tirant une longue lampée, j’appuie mon corps sur le mur de briques derrière, maudissant cette impression de pas du tout avoir le contrôle sur rien, et de faire chier la terre entière au passage. « C’est sympa… d’être venue. » que j’ajoute, après un long silence. Je sais qu’elle n’est pas venue ici que pour mes beaux yeux, mais n’empêche, si sa présence vient avec ses remarques acides, c’est au moins ça. Je me voyais pas lancer ça sans elle.
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Elle en viendrait presque à se demander ce qu’elle fout là, face à lui tandis qu’il gère ses galères. Elle ose pas trop ouvrir la bouche et lui rappeler ses paroles sur la chute de Rome parce qu’elle n’a pas non plus envie de lui remuer le couteau dans le dos, elle est juste désemparée et se contente de rester une simple spectatrice. « C’est leur truc aux européens. » Les français, elle savait. Elle n’aurait pas pensé que la mauvaise habitude lui serait venue d’Angleterre. « Toujours la clope au bec. » qu’il dit alors qu’elle l’observe passivement réduire ses poumons en purée. « C’est pas une grosse habitude, ça ressort juste quand la situation s’y prête. » Elle hausse les épaules, après tout, il a 32 ans, la dernière qu’il a besoin de faire, ce serait de se justifier auprès d’elle sur ses mauvaises habitudes, tant qu’elle n’a pas à en subir l’odeur. « Tu en veux une ou…? » « Non. » dit-elle catégoriquement, ce serait bien la dernière chose dont elle aurait besoin. « Quitte à me pourir la santé, je préfèrerais que ça soit avec un truc qui vaille vraiment le coup. » Comme la malbouffe, au moins le cholestérol aura eu bon goût alors que le cancer, pas sûr. Elle esquisse tout de même un sourire, pour lui montrer qu’elle ne cherche pas non plus à être mauvaise mais à peu près supportive, même si elle ne veut pas que ça se voit. « C’est sympa… d’être venue. » « Ouaaais. » lâche t-elle en croisant les bras, signe d’un manque flagrant de loquacité. « Je me suis dit qu’il fallait quand même voir ça. » Elle joue avec la manche de son pull, se retenant de sortir quelque réflexio qui diminuerait son geste, comme en lui répondant qu’elle est là pour s’assurer qu’il pourra payer le loyer, ou pour pouvoir assister au moment où elle aura raison. Elle se retient d’être vilaine, parce qu’elle a conscience que c’est pas le moment, mais elle n’a pas plus envie d’avoir l’air sympa avec lui. « T’as prévu quoi après le buffet ? comme animation ? » demande t-elle, se donnant l’air détachée.
La belle excuse de mettre ça sur le dos des Europes et de leurs vices. Je tire sur la clope en essuyant le refus de Lene, et me détourne d’elle pour cracher la fumée dans le sens complètement opposé, j’suis quand même pas si con. Elle souligne que je me pourri la santé, j’hausse les épaules pour la peine. J’ai fait pire à Londres, j’ai fait mal et pas très bien, et si Brisbane était signe d’aller mieux et de changer un brin, ne garder que la clope post-stress me semble être un excellent compromis. Situation d’urgence oblige, et je vois bien que ça calme le reste de mes muscles, se détendant au rythme des bouffées que je succède. L’air frais qui esquisse la ville, la soirée aurait pu être des plus cools si y’avait pas eu cette situation à gérer. Je dis ça, mais j’étais du genre carpe diem au fond, et normalement je n’aurais pas fait tout un plat d’un retard alimentaire. Limite, on sert une autre tournée de verres aux gens présents, on sourit bien grand, et on allonge la soirée sans tenir compte des appétits qui se désolent. Mais je sais pas, là, c’est autre chose. Là, c’est le premier truc que je fais de mes mains, c’est ma première vraie création, mon premier vrai projet, à moi de moi. J’ai bossé sur ces murs crasseux, j’ai nettoyé ces planchers collants, j’ai repeinturé ces locaux, moi, un rouleau de peinture à la main, des empreintes malhabiles sur les coins de murs si vous regardez bien. J’avais mis un nombre incalculable d’heures là-dessus, et mine de rien, j’étais un peu fier de pas être juste un gosse de riche qui se laisse vivre depuis 30 ans et des restes. Ça valait le coup, de se botter le cul. Ça valait le coup, et puis voilà que j’avais du stress. Le stress du lancement, le stress de l’échec, le stress que Lene avait immiscé dans ma tête comme une petite voix bien maligne, et même si pour elle c’était qu’un commentaire à la con, pour moi, ça avait eu l’effet d’un tsunami. Entre Heidi qui m’encourageait à la moindre occasion, entre Ginny qui avait le regard rempli de fierté lorsqu’elle voyait que j’avais trouvé un semblant de voie, Lene avait su faire ce qu’elle connaissait le mieux, à savoir me balancer la vérité en pleine face. Ça pouvait bien aller. Ça pouvait exploser aussi. Fallait que je m’y attende. C’était ce que j’appréciais le plus chez elle, sa vérité crue. Ben j’étais servi. « Ça prendra le rythme, après quelques semaines. J’ai la terrasse à finir d’installer, ce sera cool pour les beaux jours. » je détaille ce qu’on peut voir de l’établissement même la nuit tombée, pensant déjà à où et à comment j’allais organiser les nouvelles tables et nouvelles chaises qui siègeraient à l’extérieur. « Et puis on est en plein dans un coin super passant. Si ça se trouve, d’ici deux ans j’achèterai le local d’à-côté et je commencerai à construire mon empire. » que je rigole, faisant presque pas exprès d’ajouter une notion de temps à mes paroles. J’étais parti, j’m’étais barré, mais ce n’était que pour mieux revenir. « Y’a un DJ qui est censé passer en fin de soirée, un truc bien relax, pas trop d’électro sale. » j’hausse les épaules, misant plutôt sur les conversations et sur le bon café, les bons cocktails, pour tenir la foule. « C’est un pote d’université que j’ai retrouvé sur Facebook. Tu l’aimerais bien, il m’a cogné deux, trois fois à un moment, j’avais joué trop fort sur mon humour de merde. » c’était le prix à payer quand on blague comme un con quand il ne le faut pas – Lene me l’avait fait comprendre plusieurs fois elle-même. Relevant la tête et écrasant du pied ma clope, je vois enfin le camion salvateur qui tourne le coin, et qui finit sa course devant nous. Rassuré déjà, je laisse la brunette de côté le temps d’aller régler le tout, et c’est avec 4 plateaux remplis à rebord et empilés entre mes bras que je lui fais signe de passer devant, que j’entre ensuite. J’entraperçois alors le truc qui grince, soucis minime que j’ai complètement oublié mais qui vient direct de m’en coller une autre bien solide à la tronche. « Damn… » que je crache, derrière les plats qui cachent mon air rouge. « La serrure fonctionne mal… quand la porte ferme au complet, elle s’enclenche. On est pris dehors… » ça pouvait pas juste bien aller, pour 5 minutes ? Et surtout… devant elle ? Je ravale, je réfléchis à toute vitesse, je pense même pas à poser les plats que déjà j’agite ma hanche dans sa direction. « Prends mon portable dans la poche, texte Heidi s’te plaît. Elle va venir ouvrir de l’intérieur. »
Elle n’avait sûrement pas prévu de passer sa soirée là à attendre dehors. A vrai dire, si elle avait eu plus de foi à s’en tenir à ses décisions, elle ne serait même pas là ou alors elle aurait laissé Matt au beau milieu de sa merde pour aller jouer les piques assiettes ailleurs. Mais, faut croire qu’il arrive à lui faire encore assez d’peine pour qu’elle l’honore de sa présence. Si elle ne dit rien, son regard ne quitte cependant pas le bout de la rue d’où est censé arriver le camion du traiteur. « Ça prendra le rythme, après quelques semaines. J’ai la terrasse à finir d’installer, ce sera cool pour les beaux jours. » « Ouais. Tu t’rappelles que dans cette partie du monde, c’est l’hiver. » ironise t-elle, non sans ressentir l’envie de pointer le temps passé à l’étranger. Elle a beaucoup de difficulté à ne pas casser la moindre tentative d’évolution du jeune homme. Même si elle est assez débile pour ne pas le laisser en plan devant son restaurant, elle ne peut s’empêcher d’être amère, c’est peut-être d’ailleurs parce qu’elle ne peut pas se priver de l’occasion d’être mauvaise qu’elle ne part pas. Mais il semble ne pas se laisser démonter. . « Et puis on est en plein dans un coin super passant. Si ça se trouve, d’ici deux ans j’achèterai le local d’à-côté et je commencerai à construire mon empire. » Elle se retient une nouvelle réflexion, après on dira encore qu’elle y va encore trop fort. Elle préfère le couper pour s’intéresser à la suite des évènements. . « Y’a un DJ qui est censé passer en fin de soirée, un truc bien relax, pas trop d’électro sale. C’est un pote d’université que j’ai retrouvé sur Facebook. Tu l’aimerais bien, il m’a cogné deux, trois fois à un moment, j’avais joué trop fort sur mon humour de merde. » « Mouais. Je ne sais pas si je resterais jusque-là. » lâche t-elle, en s’disant qu’il ne devrait pas supposer à sa place qui elle aimerait bien ou non, sous pretexte qu’il s’est pris une beigne un jour. Fort heureusement, le livreur apparait, mettant fin à ce quart d’heure glacial entre les deux. « Damn… » « Quoi ? » demande t-elle tout en constatant que la porte ne s’ouvre plus. Au pire, ils peuvent faire le tour nan ? « La serrure fonctionne mal… quand la porte ferme au complet, elle s’enclenche. On est pris dehors… » « Et entre ta terrasse et tes rêves d’expansion tu n’y as pas pensé ? » Ironie. Again. « Prends mon portable dans la poche, texte Heidi s’te plaît. Elle va venir ouvrir de l’intérieur. » Elle le dévisage, hésitante un instant avant d’obéir et de saisir le téléphone dans sa poche à lui. Quelques secondes et ses doigts pianotent pour prévenir la nana désignée par Matt. Ils attendent. Attente pendant laquelle elle se retient de demander pourquoi ils ne font pas juste le tour. Attente pendant laquelle elle s’impatiente, jusqu’à ce qu’une tête brune vienne faire son apparition pour ouvrir la porte tout en glissant une vanne dont l’humour échappe totalement à Lene. Une fois à l’intérieur, par envie de s’activer un peu, Lene saisit deux des cartons tenus par Matt. « Tu veux que je mette ça où ? » demande t-elle avant qu’il ne désigne du bout du nez la table prête à accueillir le buffet. Elle n’attend pas pour le suivre et disposer avec lui le contenu des boites. « Bon, j’espère que ton pote est assez bon pour occuper assez tout le monde et leur éviter de trop manger. T’as besoin d’un coup d’main ailleurs ? Autre chose que de mon épaule pour chialer? »
Évidemment qu’elle ne resterait pas. Déjà qu’elle soit venue, c’était tout un exploit. Je savais bien que le projet l’intéressait pas du tout, elle m’en avait fait part de toutes les façons possible dès que j’en avais abordé le premier mot, mais voilà, je faisais encore mon gamin à espérer qu’elle change son fusil d’épaule, que sa présence trahissant une infime bribe de support, petit, mais tout de même bien là, valait tout l’or du monde. C’était con ce pouvoir qu’elle avait sur comment je régissais mes trucs, comment je voyais les choses. Mais ça avait toujours été ainsi, et à force, je m’y étais habitué. « T’embêtes pas. T’auras d’autres occasions de croiser quelqu’un qui m’a cogné, je suis certain. » elle la première, en passant devant la glace. Je parie qu’elle n’attendait que la prochaine occasion de me coller son poing à la figure, ou sa batte de baseball tiens. Fallait dire qu’elle aimait quand ça faisait bang. Clope au bec, le traiteur qui revient pour une nouvelle fois après que j’ai manqué sa première visite, c’est comme le pire des cons que je me retrouve devant une porte verrouillée, et une Lene guidée par son sarcasme naturel. C’était comme si je lui rendais la chose beaucoup trop simple, beaucoup trop facile à voir comment elle n’avait quasi aucun effort à faire pour me casser d’une simple phrase. « C’était sur la to-do list du jour, entre 40 000 autres trucs faut dire. Encore une preuve que quand j’ai trop de trucs à faire, j’en oublie les ¾… » comme elle adorait me le remettre sur le nez avant, quand je faisais la vaisselle mais que j’oubliais les points suivants sur le bout de papier qu’elle avait collé sur le mur du couloir face à ma chambre. Je pariais qu’elle allait tiquer sur celle-là aussi, tiens, préparez votre pop corn. « J’pourrais la faire à la tropicale et juste retirer toutes les portes, enlever le verre des fenêtres aussi. Pas sûr pour les inondations en hiver, mais sur papier ça sauverait ce genre de conneries. » que je babille, pendant qu’elle se charge de texter Heidi en aide à mes mains pleines. Quelques minutes top chrono et la brunette tout sourire arrive à notre rescousse, non sans me coller une vanne bien sentie au nez – je l’ai méritée, et articulée de sa voix de gamine, ça passait toujours crème. Lene entre, je suis, et hop, l’ambiance, les conversations et la chaleur de l’endroit me reviennent d’un coup sec. Sauvé. « Merci, Lene. » elle l’entendra ou elle l’entendra pas à travers le brouhaha, mais il est là. Bien sincère, le regard qui la cherche. Ça voulait dire beaucoup, elle s’en balancerait, mais pour moi c’était un énorme pas en avant. Je me réjouissais pas trop vite non plus, avec elle j’étais toujours le cul entre deux chaises, mais ça faisait du bien d’enterrer la hache de guerre le temps d’une poignée de secondes. À mes côtés, elle se glisse avec son propre colis, regardant comme moi sur la table l’endroit le plus approprié où poser la marchandise. « Ici, où ça t’arrange. » je lui pointe du menton la partie droite de la table, déjà montée, déjà prête, sur laquelle elle n’a qu’à disposer les plateaux sans trop d’effort. Simple et rapide comme tout, je m’affaire à retirer les couvercles de plastique pour dévoiler les victuailles enfin arrivées à bon port, non sans éclater d’un rire bien franc lorsqu’elle se porte volontaire pour aider, ailleurs qu’à sécher mes pleurs tout de même. Douce moquerie. « Ahah, t’avais qu’à pas mettre ce t-shirt là, il éponge parfaitement les larmes, t’as couru après. » j’évite la vague nullos de nostalgie de remonter, en soulignant que c’était un vieux truc dont je me souvenais d’avant, ce genre de vêtement fétiche qu’elle portait un peu à toutes les sauces, et qui était resté par magie dans sa garde-robe parce que malgré toutes les fois où elle l’a étrenné, il avait pas vraiment vieillit. Y’a un petit trou à gauche en bas, je me souviens, parce qu’elle s’était prise dans une branche en pissant dans un sous-bois à un festival de musique où on était allés en bordure de la ville. Je dis rien, c’est con, elle s’en souvient sûrement pas. « Tu peux mettre les couverts, si tu les trouves, là. » qui sort tout seul, à sa proposition de compléter le tout. Les ustensiles et assiettes doivent se trouver dans ce carton, qui trône à nos pieds, et dans lequel ils semblent avoir foutu tout ce qui ne se mange pas. « Et tu l’as bien méritée, la première assiette. Allez, sers-toi petit ogre. » je la lui garde le plat de plastique qui étrenne la nourriture, qui est maintenant tendu fièrement dans sa direction, bon joueur. Son estomac grogne jusqu’ici presque, faut la nourrir la petite si on veut entretenir ses commentaires acides pour encore quelques heures. Une fois Lene en mode contemplation du buffet – et sélection de vivres, j’ose penser qu’elle est dans sa zone, dans un bon moment, dans une entrée possible pour aborder ce qui me chicote vraiment. « T’en penses quoi ? » de but en blanc, pas besoin de faire dans la dentelle. Elle a la bouche pleine, les yeux perdus, et je réalise que c’est pas si clair. « Pas juste de la bouffe… de l’endroit. » mine de rien, son avis vaut plus qu’elle peut le croire à mes yeux.
Elle préfère continuer à rester évasive sur le temps qu’elle passera encore ici. Même si au final, elle y passe la soirée, elle ne veut pas qu’il se dise que c’était son intention mais juste qu’elle s’est laissée porter par les évènements. Elle sait qu’il se fait des attentes, sinon, il ne lui aurait pas cassé les oreilles pendant des semaines à propose de son restaurant, mais elle se refuse d’y répondre. Comme toujours, question de fierté. « T’embêtes pas. T’auras d’autres occasions de croiser quelqu’un qui m’a cogné, je suis certain. » Elle lève un sourcil. Elle ne répond pas. De toute manière, le traiteur arrive, mettant fin à cette conversation qu’elle n’a pas cherché, bien qu’elle parvienne à se divertir très facilement des tentatives ratées de Matt de l’intéresser. Les paquets chargés dans les bras du garçon, l’heure de rentrée sonne et est retardée quand ils se rendent compte que la serrure les a enfermés dehors. Fidèle à elle-même, elle lui lance un reproche avant de faire comme il dit et texter quelqu’un de l’intérieur pour qu’il vienne ouvrir. « C’était sur la to-do list du jour, entre 40 000 autres trucs faut dire. Encore une preuve que quand j’ai trop de trucs à faire, j’en oublie les ¾… » « Apprend à hiérarchiser. C’est important de pouvoir entrer dans ton établissement si tu veux y vendre du café. » dit-elle sur un ton neutre trahissant sa moquerie. Visiblement, ce n’est pas assez pour le démonter. « J’pourrais la faire à la tropicale et juste retirer toutes les portes, enlever le verre des fenêtres aussi. Pas sûr pour les inondations en hiver, mais sur papier ça sauverait ce genre de conneries. » Pas sûr non plus qu’il s’évite des cambriolages. Elle se contente juste de lever les yeux vers lui pour lui faire comprendre qu’il devrait arrêter de débiter des conneries s’il ne veut pas qu’elle prenne la fuite pour de bon. Il faut un certain temps à la nana à l’autre bout du téléphone pour venir les tirer de ce faux pas. Fidèle à elle-même, Lene ne prend pas le temps de la remercier, elle fonce juste après avoir pris deux cartons entre ses mains. Elle n’aime pas attendre, encore plus quand elle vient de perdre du temps à cause d’un idiot incapable de noter le nom d’un serrurier sur sa liste. « Ici, où ça t’arrange. » dit-il quand elle demande où elle doit poser les plats du traiteur. Elle s’exécute, après tout si elle veut manger aussi, mieux vaut que ça soit servi. C’est comme ça qu’elle se prépare à expliquer son geste si jamais Matt vient à le commenter. Fort heureusement, ce sujet ne tombe pas. « Ahah, t’avais qu’à pas mettre ce t-shirt là, il éponge parfaitement les larmes, t’as couru après. » Elle n’avait surtout qu’à ne pas mettre les pieds là. Mais elle ne dit rien. Si elle le démonte trop, il risque de continuer à s’apitoyer sur son sort. « Tu peux mettre les couverts, si tu les trouves, là. » répond ‘il alors qu’elle lui concède une dernière faveur. Elle obéit, sans broncher. Elle pioche dans les cartons pour le nécessaire en plastique avant de le disposer sur la table. Quand elle se relève, Matt lui tend le premier plat pour qu’elle se serve la première. « Et tu l’as bien méritée, la première assiette. Allez, sers-toi petit ogre. » Elle ne se fait pas prier. Elle essaie juste d’appliquer un conseil qu’elle a donné plus tôt et hiérarchisé ce qu’elle a le plus envie de manger. « T’en penses quoi ? » Du buffet ? Pas trop mal, qu’elle s’apprête à répondre dès qu’elle n’aura plus la bouche pleine. « Pas juste de la bouffe… de l’endroit. » Il fait bien de préciser. Elle hausse les épaules et observe l’endroit. Elle soupire un peu, parce qu’il attend des compliments ou des encouragements de sa part, ce qu’elle n’est pas prête à donner. « Je ne sais pas. » dit-elle simplement avant de reprendre face au regard un peu déçu du garçon. « Matt, je sais que tu veux que j’ai des paroles gentilles, ou que je te dise des trucs du genre que t’es capable de réaliser des projets, ou bien que ça va marcher, que je sois encourageante et tout ce genre de connerie. Et bien, j’en suis pas capable. J’aime pas faire de compliment ou des conneries dans ce genre, t’es mieux d’aller voir quelqu’un d’autre si t’as besoin d’être rassuré. » lui explique t-elle, sans pour autant lui dire que ça vient de lui. Qu’elle soit là, ça devrait répondre à ses questions non ?
J’ignore si c’est l’ambiance qui roule bien, si c’est la musique qui s’enchaîne, ou si c’est le soulagement d’avoir passé la porte de l’établissement avec des plats plein les mains et l’impression de l’avoir échappé plus que belle qui me donne ce regain de confiance, mais voilà. Je lui demande ce qu’elle en pense. Je force la note, j’ose, je tends l’oreille à Lene en me disant que si je suis dans un bon mood, il y a peut-être des chances pour qu’elle le soit aussi. J’ai peut-être ignoré les signaux, j’ai peut-être été trop vite, mais voilà que les mots franchissent mes lèvres et qu’elle ne met pas longtemps avant de leur répondre. Pas nécessairement ce que je voulais entendre, mais pas non plus loin de ce à quoi je m’attendais. Au moins, j’aurai essayé. « Je serais allé voir quelqu’un d’autre ouais. » que j’ajoute, pas agressif, pas hargneux non, juste consentant. « Mais c’est à toi que je demande. » je la connaissais à force, ou du moins, je réapprenais à la connaître depuis que j’étais revenu. Évidemment que je savais qu’elle ne se lancerait pas dans des envolées lyriques absolument irréalistes sur comment j’avais géré la nouvelle peinture, ou sur cet achat de déco en bois de grange qui rendait le cachet vintage de la place. Nope, elle irait pas dans la tape sur l’épaule, dans le high five bien senti, dans les yeux brillants et les compliments à la pelletée. C’était mal me connaître de croire que c’était ce qui m’aurait fait plaisir venant d’elle – et elle le savait certainement. Lene était consciente que sa langue acerbe m’avait aidé à des nombreuses reprises, avant. Que ses opinions tranchées étaient, à une époque, plus que juste une raison de rouler des yeux. Son honnêteté avait été mon compas de nombreuses reprises durant, et aujourd’hui n’était pas exception à la règle. Mais c’est cool, je comprenais. Son avis valait quelque chose, et pour le moment, elle avait pas eu assez de données enregistrées pour en faire bon usage. Ou alors, plus plausible encore, elle avait simplement pas envie de retomber dans cette ancienne habitude avec moi – pour des raisons évidentes. Je ne le méritais tout simplement plus. « T’as pas besoin de répondre tout de suite, t’as pas besoin de faire dans la dentelle non plus, je sais que tu le feras pas de toute façon. » j’hausse les épaules, piquant une ou deux bouchées de mon assiette assemblée à la va-vite, alors qu’on s’éloigne tout naturellement du buffet pour que les autres puissent venir s’y attabler. Le mouvement se fait de lui-même, des sourires s’échangent entre mes potes d’avant et de maintenant, entre des visages que je reconnais tous et chacun, mais revient vers le seul qui compte ce soir, le seul de qui j’attends quelque chose, de qui j’espère. « Quand tu voudras, quand t’auras quelque chose à dire, quand ça te viendra… j’aimerais avoir ton avis. Honnête. Sur ce projet-là, sur tout, sur ce que tu veux. » je joue avec le feu là. J’en demande beaucoup, j’en racle fort, et j’ai bêtement l’impression que je risque de le regretter lorsqu’elle ouvrira la bouche avec son discours fatidique, lorsqu’elle prendra ma demande au pied de la lettre et qu’elle ira de l’avant. Mais d’ici là, je m’en serai fait une raison je pense. D’ici là, j’aurai peut-être même anticipé, ou du moins, j’aurai appris à m’endurcir un peu plus, un peu mieux face à elle. « Malgré c’que tu peux croire, ce que tu penses compte. Beaucoup. » le fait que je me sois barré sans plus de cérémonie, que je sois revenu comme un fleur, que je passe le plus clair de mon temps à l’emmerder gentiment rendaient le tout bien discutable, mais je savais profondément que ça ne serait jamais différent. Peu importe ce qu’on serait dans 5 ans, dans 2 jours, dans 10 semaines. À l’autre bout du monde comme ici, la voix de Lene avait un poids irréprochable, indiscutable. « Bon. J’reviens. » la voix que je n’entends plus, qu’elle garde pour elle, silencieuse, trop calme même. On me fait signe à l’autre bout de la pièce et je m’exécute, parce que le DJ arrive, parce que j’ai un lancement à gérer, et parce que rester près d’elle sans pouvoir lui parler, vraiment, sans avoir son pouls sur tout ça, c’est plus douloureux que ce que je pouvais penser. Mais attention, je reviendrai pour un round two, et elle ne le sait que trop bien.