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Message(#)benny + take shelter EmptyDim 28 Mai 2017 - 18:11

Vendredi soir, aucun plan. Pas que mon répertoire puisse manquer de personnes avec qui sortir boire un verre, et pas que mon pouce soit allé si souvent sur la droite sur tinder que j'aurais épuisé le stock de chicas de Brisbane. Mais rien. Il me manque l'envie, l'étincelle. Je suis allongé sur ce canapé, dans le nouveau salon qui continue de prendre forme. Le regard rivé sur le plafond, je remarque qu'on aurait du le repeindre avant d'installer les meubles. J'ai allumé la lampe torche de mon téléphone qui ne sonne pas assez à mon goût, et je l'ai posé sur mon torse ; les bras tendus, je tortille mes doigts devant la lumière et je forme un oiseau en ombres chinoises, un lapin, un chien, un…triangle. Cela m'occupe au moins deux bonnes minutes, puis je m'ennuie à nouveau, sans avoir envie de faire quoi que ce soit pour autant. Quelle malédiction, cette léthargie. Cette flemme. Je bats un record sur Candy Crush, je fais une recherche Google sur les ovnis et les dernières théories conspirationnistes, je regarde des vidéos de chats qui se cassent la figure sur youtube, je like des photos de Selena Gomez sur Instagram et je saigne tous les filtres de snapchat avant de réaliser que cette situation ne peut pas durer. Mais avant de prendre une décision, avant de choisir un prénom dans ma liste de contacts à ennuyer, je tripote longuement mon téléphone ; Deb, Heidi ? ...Ginny ? Depuis notre retour d’Orlando la majorité de nos contacts se fait par textos, et on ne fait pas dans les citations de Kant ou de Voltaire. La conversation comprend un bon nombre d'emojis pêche, et d'ânes qui pètent. High level. J'ai mon travail, elle a son mari, son fils. Oui, j'ai mon fils aussi. Adam est vissé devant l'ordinateur, on décèle sa présence uniquement grâce aux clics nerveux de la souris. Il est pratique ce garçon, il se garde tout seul, s'occupe tout seul. Il a même de bonnes notes, sa prof l’aime bien. On pourrait dire que je ne mérite absolument pas un fils pareil, et on aurait bien raison. Autant abuser jusqu'au bout.
U home ?
J’envoie à Ginny en éclaireur. Opération soirée surprise engagée, la mission consiste à savoir ce qu'elle fait ce soir et où elle est sans qu'elle se doute que je compte débarquer dès que j'aurai l'information. Deux textos plus tard, je trouve soudainement toute l'énergie pour sortir du canapé et sauter dans mes chaussures. J’enfile une veste, embrasse Adam sur la tête, et lui dit d'aller se coucher à l'heure parce que si je le trouve zombifié là à mon retour il sera privé de soirée macaronis du mardi la semaine prochaine. Casque sur la tête, j’enfourche la Yamaha et je fends l’air jusqu'à Logan City. Si vous vous demandez, oui, j'emmène mon fils à l'école en moto, et c'est également ainsi que je vais au tribunal depuis que nous avons emménagé en ville. La voiture était bonne pour les longs allers et retours entre la maison et Brisbane, mais maintenant… Non, en fait, l’appartement venait sans box ni place de parking alors il fallait de toute manière faire un choix dans cette histoire, et cette bécane était canon, et oh, assez de justifications. Après un rapide détour, j’arrive au pied du petit immeuble qui accueille l'atelier de Ginny. Je m'infiltre à l'intérieur avec l’aide d'un type qui vit sûrement là-dedans, et nous partageons l’ascenseur dans un silence des plus malaisants. Enfin, c'est avec mon plus beau sourire que je frappe et que j'attends de voir la bouille surprise de la jeune femme. Je prends la pose, adossé au cadre de la porte, le cuir sur les épaules, le casque sous le bras, les cheveux un brin en bataille laissant penser que j'ai semé une dizaine d'agents secrets avant d'atteindre un lieu sûr, là où la Ben Bond-girl lascive soignera mes blessures de guerre en me servant un Martini. “Hey.” je souffle, le timbre suave, le sourcil charmeur, lorsque Ginny apparaît devant moi -et la réplique, la scène, me semble absolument parfaite, jusqu'à ce que je pouffe et sorte complètement du personnage. “Je me suis fait virer de l'appart par l'autre gremlin. Il m’a ordonné d'appeler la baby-sitter parce qu'il a décidé de se la taper ce soir.” je balance pour justifier ma venue qui pourrait se résumer à “je voulais te voir” mais cela ne serait pas aussi drôle. “ T’aurais vu ça. “Va chez Ginny, papa” qu'il m’a dit. “Quand tu reviendras, je serai un homme”.” Oui, mon imitation du Parrain mérite un Oscar, merci. “Ce garçon marche déjà sur les pas de son père.” À huit ans. “Et il s'avère qu'il me restait des réducs au take away du jap’, doooonc…” Lentement, je lève la main qui tient le sac plastique renfermant le sacro-saint dîner de ce soir -si Ginny le veut- juste sous son nez. Si vous voulez contenter un sac à allergies comme moi et une végétarienne comme elle a coup sûr, il n’y a pas mille solutions. Et puis, je savais que je toucherais dans le mille avec ce genre de proposition ; “Soirée Dragon Quest / makis avocat ?”
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Message(#)benny + take shelter EmptyDim 28 Mai 2017 - 20:51

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Benny

I spilled the ink across the land, trying to spell your name. Up and down there it goes, paper aeroplane. It hasnt flown the seven seas to you, but its on its way.

Vendredi soir, la vie devant moi. « Inspirez, expirez. » les mains ancrées sur le tapis de yoga, les pieds qui pressent, je laisse ma tête lâcher prise, en espérant que les pensées qui s’y accumulent fassent pareil. Je m’étais forcée à m'inscrire au studio de yoga à deux coins de rue de l’atelier, bien consciente que de rester seule à la maison pour y faire mes asanas n’était qu’une façon plus discrète, plus cruelle de m’isoler un peu plus. Les yeux clos, le souffle qui s’adapte, je ne vois qu’une chose, et le sentiment que cette vision me propose me semble beaucoup trop interdit, impoli, irréel. Camber a terminé de remplir les papiers du divorce et ils étaient maintenant bien prêts à être présentés à Edward. Solides, sans équivoque, et gages de nous libérer de cette relation malsaine dont nos parents avaient tenté de nous fourber depuis 5 ans maintenant, bientôt 6. Ils m’attendent même, sur la table de l’atelier, à me narguer, à me montrer que je n’ai qu’une chose à faire, qu’une parole à dire pour mettre fin à ce gros mensonge, à cette histoire illogique qui nous a gardé prisonniers, et qui a brodé un beau conte de fée tout sauf véridique autour de mon fils. Je fronce les sourcils, revoyant ma signature, indélébile, preuve que j’étais prête à passer à autre chose, que je le voulais pour moi, pour Noah, pour Edward aussi. Edward. La simple idée de devoir lui amener le résultat final me tord l’estomac, le coeur, alors que nos derniers échanges avaient été si proches de quelque chose de beau, de normal. De simple. C’était probablement ce qui assombrissait autant la nouvelle, nouvelle que j’attendais depuis si longtemps, nouvelle qui aurait pu à tout moment être démolie par mes parents s’ils étaient venus à le savoir. Mais tout semblait étrangement mieux se dérouler que prévu, et une fois la classe de yoga terminée, je sentais que ma culpabilité envers mon soon to be ex-husband était un peu plus légère, un peu moins étouffante. Sac sur l’épaule, j’étais même passée chercher une bouchée sucrée au resto d’en face, laissant l’étalage de pâtisseries me convaincre d’y aller avec le truc de gauche, celui du centre, et l’autre là, avec du rose et du blanc et des framboises, prévoyant passer la soirée, et la nuit même, à avancer cette toile que j’avais commencée à tracer hier. La brise se lève, je frissonne un brin, mais je profite quand même des possibilités qui semblent un peu plus définies qu’il y a quelques heures de cela. Vendredi soir donc. Et Noah qui rencontre un donneur potentiel lundi, une surprise, un nouveau, des tests à prévoir, et une petite lueur de plus. J’allais bien, voilà. Et il était temps. Je tourne la clé dans la serrure lorsque j’entends mon portable sonner, mais ce n’est qu’une fois à l’intérieur, souliers lancés à l’autre bout de la pièce, cafetière enclenchée et rideaux ouverts - j’adorais voir la nuit tomber sur Brisbane - que j’attrape le petit appareil, curieuse. Benjamin. Un sourire se dessine sur mes lèvres en imaginant le garçon en pleine préparation pour sortir écumer les bars de la ville, le voyant se préparer sur une trame de Barry White bien clichée, la liste Yelp “Best places to gin tonic & chill” qui défile sous ses yeux, le regard enjôleur qui se répond à lui-même dans la glace. Laissant mon corps s’échouer sur le canapé, je lui réponds de but en blanc, amusée « Wrong booty call? ». Ben et moi, c’était une suite de textos d’enfants de 5 ans depuis Orlando, de blagues salaces qui me faisaient éclater de rire et de conneries qu’il dénichait sur Youtube à 3h du matin et qui me sauvaient d’une nouvelle nuit blanche à compter les fissures au plafond de plâtre de la chambre d’hôpital de Noah. Amis, on était amis. Je ne pouvais rien lui offrir de plus, et même si j’avais voulu, ça me semblait hors de question de lui coller ma situation précaire, mon divorce à sonner, mon fils malade et son père qui prendrait bien vite une plus grande place dans la vie du gamin et donc, dans la mienne. L’amitié me semblait quelque chose de plus plausible pour nous, et si nos nombreuses similarités me permettaient d’enfin être moi-même avec quelqu’un d’autre que mes personnages fétiches de jeux vidéos, je ne le voyais pas attendre que je me libère, encore moins que l’évincer de ma vie. Il répond du tac au tac, alors que je finis par lui exposer mes plans : mélanger les bleus aux verts, repasser de vieux vinyles, garder mon taux de sucre bien élevé et arroser le tout d’une quantité inhumaine de café. Typical Ginny. Silence radio par la suite, et c’est mon signal pour lancer Music for the Masses avant d’exhiber le canevas sur lequel on entrevoyait déjà les esquisses de crayon, les lignes qui prenaient forme, qui se coloreraient un peu mieux au fil des prochaines minutes. Une bouchée de cupcake plus tard et j’assemble palette, pinceaux et couleurs. J’en oublie le reste, et les traits cobalt qui colorent mes doigts alors que je me lance, doucement, suivant la mélodie qui joue en arrière-plan. J’en suis à un détail particulièrement coriace, sourcils froncés, lorsqu’on cogne à ma porte. Interdite, je vais de suite baisser le volume de la musique comme une gamine prise sur le fait, avant d’aller ouvrir. C’est un Brody en mode bad boy que je découvre à ma plus grande surprise et qui me fait éclater de rire avec ses salutations de tombeur, et ses propres rires qui se mélangent aux miens. « Ce sont ses yeux bruns profonds et sa collection impressionnante de Lego qui les font toutes craquer. » que je rigole, imaginant la scène un peu trop bien après avoir appris à connaître Adam en voyage, et la relation qu’il entretenait avec Benjamin. « Attention hen. Il a peut-être même déjà commencé à échanger son numéro de téléphone et quelques nudes contre de bonnes notes. » parce qu’à ce rythme, mini-Ben serait à surveiller une fois la puberté arrivée. Évidemment, je me doute qu’Adam n’est pas aussi charmeur que son père tente de me le faire croire, mais le scénario inventé me semble tellement cocasse que je préfère m’en tenir à cette histoire plutôt qu’à la vérité. Mes quelques questions sur la vraie raison derrière la venue de Ben ici sont même complètement évaporées lorsqu’il brandit fièrement ce qui me semble être la meilleure des offrandes. Un plan parfait. Yeux ronds, pupilles qui scintillent, je me pousse sur le côté pour le laisser entrer, tout sourire. « Tu connais le mot de passe pour entrer, c’est tout bon, présence autorisée. » parce que j’étais si facile à acheter, au final. L’atelier étant en désordre, je passe rapidement derrière ses pas pour replacer les quelques vestiges traînant ça et là, des croquis, des tasses, des coussins, quelques couvertures, et empilent le tout à sa place à la va-vite. Un bref coup d’oeil vers le jeune homme qui lorgne sur ma toile en construction me fait sourire, alors que j’avance, malicieuse. « Non, je n’ajouterai pas de feu ou d’explosions sur celle-là. Ça ira seulement sur la toile que je ferai de toi en Vénus de Milo et tu le sais. » depuis le temps où il blaguait et me suppliait de le peindre like one of my french girls un jour, je ne pourrais bientôt plus avoir le choix et je devrais me plier à ses demandes.    

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Message(#)benny + take shelter EmptyDim 4 Juin 2017 - 7:23

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Benny

I spilled the ink across the land, trying to spell your name. Up and down there it goes, paper aeroplane. It hasnt flown the seven seas to you, but its on its way.

C'est assez bizarre, d'une certaine manière, d’avoir une “amie fille”, pour moi qui n’ai absolument jamais cru en l'amitié entre personnes du sexe opposé. Il faut dire que je n’ai jamais été capable de réprimer mon envie quasi-constante de faire des avances que je ne pense parfois même pas, juste parce qu'elles sont belles à l'oreille, et que les donzes se prennent bien trop au sérieux pour comprendre cela. Bien entendu, pour que ce postulat soit complètement vrai, il faudrait que je ne sois pas physiquement intéressé par la donze en question, et c'est un point plus compliqué de l'équation. Je ne sais pas si cela fait de moi quelqu'un d'étrange, mais l'amitié avec une fille, puis une femme, ne m'a jamais intéressé. Mon regard ne se pose pas sur une nana, belle, passable ou laide, à la recherche de sa beauté intérieure et de nos passions communes. Non. Mon regard connaît uniquement cinq étapes, de bas en haut ; chaussures pour jauger son bon goût, fesses pour le plaisir des yeux, mains pour avoir une idée du type de personne à laquelle j'ai affaire, poitrine pour m'assurer de l’harmonie entre le haut et le bas, et enfin, les cheveux. Les yeux, on s'en fout. Si elle en a, ça peut être pratique dans la vie de tous les jours, oui. En bref, j'ai l'attention sélective, ce n’est plus à prouver, et cela est d'autant plus vrai vis-à-vis de ces dames. Et dame nature ne m’a pas donné cette vue de faucon pour qu'on soit “copains”. Il n’y a jamais eu qu'une seule et unique exception à la règle, Heidi. Même si un jour il lui venait à l'esprit de goûter du Brody, Heidi est celle à qui je serais capable de dire cette phrase nulle et pathétique ; “je ne veux pas gâcher notre amitié”. Cela ne serait même pas un mensonge. C’est ce qui me rassure quand je tente d'associer dans ma tête que Ginny s’est également hissée au rang d’amie ; si Ginny déboulait chez moi avec une folle envie de tester le matelas, je n’en aurais rien à cirer, de l'amitié. C'est un peu triste, non ? Non. Parce qu'une partie de moi croit que ça ne changerait rien entre nous. Mais tout ça est encore trop nouveau pour être expliqué. Je sais juste qu'il y a des moments où j'ai envie de la voir. Je sais même la couleur de ses yeux. Je sais comment faire naître ce pétillement adorable dans son regard. Quelques mots magiques pour avoir le droit d'entrer dans son petit monde. Ça sent la peinture fraîche dans l'atelier, tandis que résonne la bonne vieille musique que plus personne ne saura apprécier dans deux ou trois générations. Je retire les chaussures, dépose mon blouson et mon casque dans un coin, le dîner sur une table. Elle a gardé ici l'oreiller en forme d’étoile noire que je lui ai offert pour son anniversaire. Il y a sa casquette R2D2 pendue par là-bas aussi, celle que je lui ai achetée à Disney. Quel type généreux je fais. Je déambule pendant qu'elle fait un brin de ménage absolument pas nécessaire, jusqu'à tomber sur la toile sur laquelle elle travaillait avant mon arrivée. Ma sensibilité artistique est assez limitée, ainsi la seule chose que je peux en dire, c'est que c'est joli. “Et j'attends toujours que tu me demandes de poser à poil afin que je puisse enfin te faire profiter de toute la magnificence d'un Brody dans son état naturel, parce que je sais que t’en meurs d’envie.” dis-je en tapant une pose ridicule de lanceur de javelot à la romaine -ou bien est-ce un dab bien raté. Je me penche d'un peu plus près sur la toile, le nez frôlant presque le cobalt, essayant vraiment de faire preuve d'un peu de sérieux pour faire plaisir à Ginny et qu'elle n’aille pas penser que je me fiche complètement de son art -mais honnêtement, pour moi ce ne sont que des formes et des couleurs, une fleur est une fleur, un paysage est un paysage, et basta. “Et un chocobo, juste ici ? Non ?” je propose avec un petit air malicieux et innocent qui me donne l'allure d'un enfant. Ce n’est vraiment pas contre elle, je n'ai jamais réussi à ne serait-ce que faire semblant d'apprécier les croûtes en crayons et en pastels d’Adam lorsqu'il m'en offrait quand il était plus petit. Le bonhomme a vite arrêté de s'adresser à moi pour développer son expression artistique et s’est tourné vers Heidi. Elle, au moins, elle en garde sur son frigo. Moi je ne peux pas envisager d'avoir sous mon nez un dessin de ce à quoi peut ressembler mon déjeuner une fois digéré, non merci. Je poursuis mon état des lieux, façon Columbo sur une scène de crime, sauf que je n’ai ni femme, ni chien. Je m’affale dans le canapé, les chaussures sur la table -après en avoir dégagé des papiers qui ne méritent pas de rencontrer les chaussettes. “Qu’est-ce que c'est ? Ta déclaration d'amour pour en moi en alexandrins sur six pages ?” Gloire à moi. J'y jette un coup d'oeil trop curieux, indiscret et sans pudeur. Plein de petits caractères indiquent un document important, parce que tout ce qui est important est toujours écrit en tout petit afin de décourager les fainéants dès le départ, vous fatiguer les yeux afin que vous en ratiez des morceaux mais que vous n’ayez aucune envie de relire, et donc, vous la faire à l'envers au possible sans que vous ne puissiez vous défendre avec la carte de l'ignorance car “c'était écrit”. “Ça a l'air très sérieux et très juridique.” je constate en dégotant une mine sérieuse qui ne s'installe sur mon visage qu'en ces cas-là. Ce sont des papiers de divorce. C’est la clé de la liberté de Ginny, le moyen de reprendre sa vie en main. Et pourtant, ce n’est que de l'encre sur du papier. “Alors tu vas le faire, hein ?” je demande avec un fin sourire. Mais pas de satisfaction, pas d'attente de la part, pas de plaisanterie. Le sourire rassurant, encourageant, qui l'invite à s'asseoir à côté de moi pour en parler si elle le veut, si elle a besoin de ce Ben là, car les sushis ne refroidissent pas, et que le reste peut attendre ; car c'est ce que font les amis.

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Message(#)benny + take shelter EmptyLun 5 Juin 2017 - 14:31

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Benny

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Rien n’était simple dans ma vie. Rien ne l’avait jamais été. Et si je vous dis ça, ce n’est pas pour générer le pire des pity party non, mais plutôt pour vous aider à comprendre la suite. J’étais compliquée, difficile, sauvage, secrète depuis toujours. J’avais passé une jeunesse à me cacher derrière Matt et Jill, une adolescence à me chercher à travers des réflexions profondes et douloureuses, entachées des remarques horribles de mes compatriotes de classe qui ne me comprenaient absolument pas, encore moins que je pouvais ne pas me comprendre moi-même. J’avais choisi une histoire d’amour compliquée, j’avais tout donné dans un domaine qui m'amenait constamment à me remettre en question, je m’étais entourée de gens qui étaient écorchés, abîmés, distinctement de moi, mais en qui je reconnaissais mes faiblesses, mes différences, mes forces aussi. Les leurs. J’étais allée à contre-courant de mon mariage en sachant que le plus facile aurait été de fermer les yeux et de m’y dévouer entièrement, j’avais joué de mon fils pour lui simplifier la vie, alors que la mienne se tordait en mensonges et en doutes et en remords. Mais après 27 ans à choisir tout sauf la facilité, par soucis de défi, par envie de changement, par besoin de réflexion, d’intensité, j’en étais absolument épuisée. Vidée, lessivée, découragée, démolie. J’étais arrivée à un point de non-retour, un cul-de-sac, une direction sans issue où je n’avais plus envie de me triturer le corps et l’esprit, où je me cherchais, où je cherchais l’ancienne Ginny, celle insouciante, celle qui aimait pour aimer, celle qui riait pour rire. J’avais pour la plupart oublié complètement à quoi une nuit sans inquiétudes pouvait ressembler, ce qu’un texto rigolo envoyé à l’improviste faisait sur le moral. J’avais été tellement enlisée - par ma faute - dans des comportements et des idées néfastes que je ne connaissais que ça, je ne voulais que ça même, à une certaine époque. Et maintenant? J’ai le regard qui suit le parcours de Ben à travers l’atelier, étincelle allumée qui accompagne ses impressions sur les débuts d’une toile toute fraîche, le sourire qui se dessine alors qu’il déconne, qu’il rigole, qu’il s’évade… et la suite, la fameuse que je vous ai promise plus haut. La suite qui expliquait que depuis quelques mois, j’avais compris que je me bousillais et le cœur et la santé, que la vie compliquée et intense vers laquelle j’avais toujours été attirée n’était peut-être plus pour moi. J’avais donné dans les puzzles invivables, et j’avais besoin de doux, de naturel, de lâcher prise. Nécessité même. « J’aurais trop peur de ne pas rendre assez fidèlement ce chef-d’œuvre de chair fraîche que tu m’exposerais au grand jour. » que je blague, comme à chaque fois qu’il avance une remarque un peu trop séductrice à mon goût, les joues qui rosissent tout de même, toile grivoise qu’il me propose au moins une fois chaque semaine. Cet humour, ce sarcasme, cette légèreté, c’était ce qui me manquait, ce que j’allais chercher avec Benjamin. Rien n’était jamais compliqué à ses côtés, rien assez dramatique pour s’en inquiéter, pour se faire du mal, pour le ressasser. S’il diminuait, ridiculisait souvent ce trait qui le caractérisait, c’était ça, particularité légère, qui me gardait accrochée, incapable d’imaginer ce que la vie serait si je perdais la chaîne de gifs d’animaux en train d’éternuer qu’on s’envoyait le dimanche. Purement égoïste, donc, cette amitié? Un peu, je ne vous le cacherai pas. Mais c’était probablement ce qui rendait notre relation si importante, même si en surface, elle semblait bien superficielle, trop courte pour avoir une vraie signification. À mes yeux, il y avait la vie avant Ben et maintenant, la vie avec lui. Aussi cliché et ridicule et illogique et effrayant cela peut sembler pour la McGrath que j’étais, habituée à me gérer moi-même sans l’aide de personne. Sa suggestion d’ajout me fait éclater de rire, et bonne joueuse, je m’avance même, attrapant un pinceau, un peu de jaune canari, un chiffon et mes meilleures intentions. « C’est ce que tu veux? C’est ce qui manque, selon toi? Dessine-le alors! » si j’avais été, à l’époque de l’Académie, très prude sur mes toiles - je ne les montrais qu’à Aaron, Tad ou même très rarement Ezra - j’avais depuis appris à relativiser et à laisser beaucoup plus de place au monde extérieur, à leurs commentaires et à leur apport même. Noah avait barbouillé sur mes toiles et mes croquis un nombre incalculable de fois, et les workshops que j’avais débutés il y a un mois m’avaient donné l’envie de la communauté, de la collaboration plutôt que du secret d’État. Le plus beau cadeau qu’on pouvait me faire était d’être curieux, de s’intéresser juste un peu, et j’étais ravie de donner une petite place à Benjamin sur ce tableau qui prendrait plus de caractère, plus de vie aussi, quand il y mettrait sa touche. « Si je veux un jour espérer te traîner à une exposition, il faut commencer par la base. Créer une proximité avec le truc, avec l’art. » il semble perplexe, et j’use de mon argument de poids. « Tu gribouilles un peu, et je te laisse essayer de me convaincre d’où et de comment ce sont les Ninja Turtles qui ont inspiré aux peintres leurs noms, et pas l’inverse. » voilà un point où lui et Noah s’entendaient particulièrement bien et qui me faisait rouler des yeux jusqu’à la douleur oculaire. Amusée, je finis par suivre le grand gaillard qui erre maintenant vers le canapé, s’y jetant aussi facilement que je l’avais fait, précédemment. Ce divan, son tissu et ses coussins provenant d’une autre galaxie avaient un effet presque thérapeutique sur les gens, et j’allais lui mentionner que j’attendais toujours le retour du Millennium Falcon sous forme de couverture - qu’il m’avait effrontément volé après que je l’ai déniché dans une brocante à Bayside - lorsque ses paroles me stoppent dans mes railleries. Oh, les papiers du divorce. J’avais presque réussi à ne plus y penser. « Je me suis dit que si je me basais sur du langage législatif, tu avais plus de chance de comprendre l’étendue de mes sentiments. T’as vu, j’ai fait rimer “juridiction” avec “furieuse passion”. » Je rigole, parce qu’il n’y a que ça à faire, jouer, éviter. Il avait répondu à plusieurs de mes questions durant le processus avec Camber, il avait été un allié juste et objectif, et étrangement, je n’avais même pas pensé à me censurer avec lui sur quoi que ce soit concernant ma situation. Il savait pour le mariage arrangé, pour le père caché, pour la manipulation des parents. Et jamais je n’avais senti de jugement. À peine mal à l’aise, assez, je le laisse détailler le fruit de plusieurs mois de travail acharné, mois douloureux, impossibles, avant de répondre par l’affirmative, hochement de tête, lorsqu’il me pose la question, simple, qui résume le tout. Qui le définit, et qui me serre le cœur au passage. « Ça ressemble à ça, ouais. » que j’ajoute, toujours sur un ton léger, qui jure avec l’air sérieux que nous partageons, avec la gravité qui flotte dans l’air. Le rejoignant sur le canapé, je prends le temps de regarder cette signature qui confirme tout, et cet espace vide qu’Edward devra remplir à son tour, quand il acceptera lui aussi la finalité. « Il ne sait pas encore. » que je commence, perdue dans mes pensées, entre la culpabilité de cacher aussi gros à Edward, et l’intuition que c’est effectivement la meilleure chose à faire pour nous. « C’est pas le genre de discussion que je veux avoir dans un couloir d’hôpital, ou entre deux visites éclairs à l’appartement. » je me passe distraitement une main dans les cheveux, incapable de regarder ailleurs que vers ces lettres calligraphiées qui résument mon nom. « Mais oui, je vais le faire. Je n’ai jamais été aussi sûre de quoi que ce soit que de ça, qu’il le faut. Que ça a assez duré. » mes parents, les mensonges, la friction, la relation qui s’effrite, l’illusion d’une famille qui n’est pas à la hauteur de ceux qui la forment, de ce qu’ils pourraient avoir de vrai, de beau, s’ils s’en donnaient la chance. Sans vraiment avoir envie de clore la conversation, mais profitant effrontément d’un moment de faiblesse du Brody, j'affirme maintenant, victorieuse « C’est moi qui joue Terry ce soir, aussi. Pas toi. J’utilise mon Joker de charité pré-divorce. » sur le ton de la compétition, allumant la console à distance. Voilà. Poursuivons.          

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Message(#)benny + take shelter EmptyJeu 6 Juil 2017 - 15:32

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Benny

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La toile, j’aurai beau l'observer, la scruter, l’analyser des heures durant, je doute pouvoir en tirer quoi que ce soit d'intéressant à dire. Well, c'est joli, certes. C'est plaisant. Cela ferait bon effet dans un salon, une chambre, une cave, je n'en sais rien. C'est de la couleur et des formes sur un support. C'est souvent des choses qui peuvent être juste sous notre nez. Pourquoi aurais-je besoin d'un tableau de fleurs si je peux en avoir de vraies ? Pourquoi peindre des paysages qu'il suffit d'aller voir soi-même ? Pourquoi dépenser des milles et des cents là-dedans ? L’art est tellement inutile. Pas futile, mais sans intérêt à mes yeux. Je peux bien essayer de m'y intéresser, tenter de savoir ce que signifie tel coup de pinceau, tel choix de ton, je peux poliment secouer la tête lorsque l'on m'explique, mais cela ne me fera jamais trouver un sens à tout ceci. Nous n’avons pas la fibre artistique, dans la famille. Ni moi, ni Deb, ni Becca. On en est réduits à faire des bonhommes en bâtons et notre grand exploit est de savoir dessiner une maison sans lever le crayon. Chacun son truc je suppose. Nous avons la fibre débile, nous avons l'orgueil, et nous avons un sacré penchant pour la fête, l'alcool, la chair fraîche. Nous aimons que les gens nous aiment. Quand je vois Adam, je me dis que le sérieux de nos parents a sauté une génération. Ou juste moi et Deb. Becca est casse couilles, comme eux, pas de doute sur la filiation. Mais toujours pas de futur Léonard de Vinci dans le lot. À ma décharge, je préfère la musique ; j'accorde à cette forme-là d'expression bien plus de crédit que celle du papier-crayon. Ce sera là l’unique détail artistique que vous trouverez dans mon existence de guignol. Est-ce que je méprise les artistes pour autant ? Je dirais que ma présence ici et mon nez collé à l'œuvre de Ginny est une réponse. Je méprise celui qui me fera croire qu'un point noir sur fond blanc représente le commencement de l’univers et je l’inviterai à se rendre au planétarium du coin. Mais celui qui n’a trouvé que cela pour parler, faire deviner, transmettre… aura droit à une tape d'encouragement dans le dos après avoir vainement essayé de me faire capter pourquoi CETTE nuance de bleu en particulier. Je crois que je n'aurais pas la patience de poser. Je n’ai déjà pas la patience de rester dans mon salon sans rien faire. Il faudrait un portrait de moi jouant à la console, ou travaillant. L'esprit et les mains occupés. Rien de très glamour en somme. Rien que Ginny veuille peindre -pas qu'il ait jamais été réellement question de faire de moi un autre type de chef d'oeuvre que celui que vous pouvez déjà admirer en chair et en os. Impossible à reproduire, c'est l'artiste qui le dit, consciente que toute reproduction n’égalerait jamais l'original. “Je ne te le pardonnerais pas.” dis-je en levant le menton bien haut avec mon accent de gentleman le plus snob possible. “Pas de pression, bien sûr.” Du tout. Ma suggestion stupide pour la peinture de la jeune femme ne tombe pas dans l'oreille d'une sourde, tandis qu'elle avait déjà quitté mon esprit simples en même temps que les mots traversaient mes lèvres. Je rattrape l'idée au vol avant qu'elle ne s'échappe et que je ne sache même plus ce que, soudainement, la brunette veut me voir dessiner. Un chocobo, là, vraiment ? Mon sourcil forme un parfait arc de cercle. “C’est une très mauvaise idée.” Je risquerais de ruiner son travail bien plus que de faire honneur à ma propre blague, autant dire que je ne suis pas pour ruiner deux effets de style en une fois. Mais Ginny me place carrément le pinceau dans les doigts, et je n’ai d'autre choix que de m'exécuter. Après une courte réflexion, comme toutes mes réflexions, je plonge les poils dans la peinture jaune, et je dépose un minuscule point au milieu de la composition. Voilà. Appelons cela “chocobo vu de très très loin”. Mon oeuvre est terminée avec un sourire vainqueur et idiot. “Faille spatio-temporelle, ne me lance pas là-dessus, on en a déjà parlé.” dis-je en lui rendant le pinceau. Puis je fais mine de soupirer en tournant les talons pour rejoindre le canapé. Je dois être debout sur ces longues jambes depuis AU MOINS dix minutes, c'est bien assez. Mon attention, ou plutôt ma curiosité exacerbée, jette naturellement son dévolu sur le tas de feuilles qui trône sur la table basse. Loin du poème auquel nous prétendons avoir affaire un instant, dédramatisant la réalité de ce bout de papier, le divorce attend d'être signé par le mari. “J’ai vu, j’en bande.” je lâche élégamment pour la “furieuse passion” de Ginny qui n’est malheureusement nulle part dans ces lignes. Seulement une rupture de contrat. Peut-être que cela rendrait les choses plus faciles pour elle de les voir de cette façon, un contrat qui prend fin, mais j'imagine que le facteur Noah rend le tout bien plus complexe. Qu'en sera-t-il de la garde, du partage des biens ? Je brûle d'envie de tout lire, tout savoir, mais je me résonne ; cela ne me regarde pas. Pas quand Ginny ne le demande pas. Et elle ne paraît pas très encline à en parler. Soit. Je jette les papiers un peu plus loin, comme s'ils n'étaient pas grand-chose, et je me laisse embarquer dans une partie. La bouche en rond, les sourcils froncés, les bras croisés, le grand bébé pique sa crise et ne compte pas laisser faire. “Tu viens de perdre tout ton capital sympathie en une fraction de seconde, bravo. De même que tes droits sur les maki avocat, pour la peine.” À toute vitesse, je saute par dessus le sofa et me jette sur les plats japonais avant que la jeune femme ne puisse mettre la main dessus, et comme un goinfre, j'engouffre le plus de petits rouleaux de riz aux algues que ma bouche et mes joues puissent en contenir, jusqu'à ne plus pouvoir la fermer. Ni mâcher. Ni respirer à vrai dire. Oh. Dépité, je reste là, sans savoir quoi faire, pendant un petit instant, réalisant que ma connerie a encore frappé, et que j’ai l'air idiot. Que ma mâchoire commence à faire mal d'ailleurs. Quelle belle manière de mourir. “Ok, ch’était uh mauhaise ihée.” j’admets. Et maintenant ? Tout recracher, tenter de mastiquer ? Aucune solution ne s'impose, et je demeure comme un écureuil ayant eu les yeux plus gros que les joues. Finalement, je retire un maki de mon bec, accompagné d'un adorable filet de bave, et je le tends à Ginny avec ce qui devrait être un sourire mais n’a l'air que d'une grimace atroce. “H'en heux ?” J'en doute, mais c'était pour la blague, et pour la voir faire un bond en arrière, révulsée. Quoi que miss nachos entre les dents n’a absolument aucune leçon à me faire. Il me faut bien des minutes pour parvenir à becter tous ces makis qu'il est hors de question de gâcher. C'est étrangement moins ragoûtant, une fois que cela a déjà fait un passage dans la bouche, si bien que je regarde avec envie ceux qui restent et que Ginny picore tranquillement, sans se détacher les mandibules. Bien fait pour moi je suppose. Malgré mes bêtises, il me semble que depuis que j’ai soulevé le sujet des papiers du divorce, le coeur de la jeune femme ne s’enthousiasme plus naturellement. Elle met cette histoire dans un côté de sa tête, sans jamais réellement l'oublier. Comment le pourrait-elle ? Peut-être ne voit-elle pas elle-même le déni selon lequel elle serait capable de ne pas y penser un instant, mais je le devine. Il ne reste plus une tranche de poisson. Mon regard se pose sur les manettes de la console. Nous avons peut-être envie de jouer, mais est-ce vraiment ce qui lui faut ? “Tu sais quoi, j’ai une meilleure idée.” dis-je au bout d'un moment. Et pour les prochaines minutes, je réunis coussins, couvertures, je place une chaise ici, une autre là, j’empile, je ficelle, je bâtis, comme je le fais parfois avec Adam, jusqu'à former un superbe fort, une cabane, un refuge dans lequel se glisser à quatre pattes et s'isoler du monde. Enfin, j’y amène des feuilles, un tas de crayons, histoire d'avoir pas plus de dix ans à nouveau. Quand l'amitié était facile, quand l'amour était facile. Quand la question la plus importante de toutes était ; le ciel sur mon dessin sera bleu ou rose ?

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Message(#)benny + take shelter EmptyJeu 6 Juil 2017 - 21:09

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Benny

I spilled the ink across the land, trying to spell your name. Up and down there it goes, paper aeroplane. It hasnt flown the seven seas to you, but its on its way.


Oh, le râleur. Je ne retiens même pas le rictus qui prend forme sur mes lèvres, alors que je vois son jugement passer de ses rétines à la toile que j’esquissais avant son arrivée. Loin de moi l’idée de jouer l’artiste chiante, ni même l’artiste tout court. J’aimais peindre, j’aimais les couleurs, j’aimais le dessin et l’art, et voilà que ça me suffisait. Pas besoin de me donner de titre, ni même d’argent. Je refusais les compensations financières des workshops, et je préférais agir d’égale à égal plutôt que de professeur de quoi que ce soit à élève. Mais il m’amuse tout de même, à piquer du nez, à faire son difficile, à froncer les sourcils un peu trop longtemps, à critiquer sans vraiment le faire. Alors la blague me vient facilement comme toujours avec lui, petite pique supplémentaire que je lui envoie en battant des paupières et histoire close. Ce ne sera pas lui mon modèle du soir, ni même du mois. Je ne vous mentirai pas en vous disant que je n’avais pas tenté d’observer ses traits à la dérobée, de l’imaginer vraiment, siégeant sur un cheval de Troie ou en pleine conquête des sept mers. Il me semblait même avoir la mimique et la carrure parfaites pour se prêter au jeu de la caricature, mais fallait dire que c'était encore plus drôle de laisser l’idée flotter entre nous sans jamais la mettre en lumière. Je m'imaginais déjà la scène, un Ben impossible à faire taire et surtout une impression bien kitsch et glauque de cette scène dans Titanic où Jack et Rose se complaisent dans ce portrait du coeur de l’océan. Très peu pour moi, le style boudoir. Et hop, une réponse teintée d'accent anglais, aristocrate, pédant. Il me fait rire parce qu’il me rappelle ce ton que je prends parfois pour faire éclater Noah, pour lui remémorer les débuts de sa vie à Londres, pour sortir expressions et mots et consonances que seuls les anglos-saxons avaient bien à eux. Petite pensée pour les matinées brumeuses, pour les musées à perte de vue et pour la pluie qui se casse sur les dalles de vieux béton anglais plus tard et je le sacre peintre du jour, armée d’un pinceau et d’un beau jaune bien criard. Je le sais que c’est une mauvaise idée, je le sais autant que de donner une part de gâteau au chocolat passé 20h à Noah, ou de me laisser libre et sans surveillance trop longtemps dans un magasin de porcelaine chinoise. Mais voilà que l’idée me plaît, et que sa mine déconfite me confirme que la suite ne pourra qu’être hilarante. Ben essaiera presque, du moins, il y réfléchira fort, avant de se commettre d’un rond jaune bien discret, qui tout de même jure avec le reste. Pour l’effort, on lui donnera un point et demi. Pas plus. « On fait moins le malin maintenant, hen Picasso? » j’ai le rire facile devant sa bêtise, ne résistant pas du tout à mon envie de prendre sa main tenant encore le pinceau pour la forcer à tracer une belle grosse ligne jaune bien assumée sur le canevas. Tiens, là on parle. « Je ne savais pas quoi ajouter là de toute façon. Merci, t’as résolu mon problème sans même le savoir. » je prends un peu de recul en accumulant mon matos, pour réaliser que l’équilibre des couleurs n’est pas si mal et que limite, on dirait bien un jeu de proportions que je pourrai ajuster plus tard et qui donnera profondeur à l’oeuvre. C’est pas plus mal. Presque potable, comme sa théorie Ninja Turtlesque à laquelle je n’accorde pas la moindre seconde d'attention. J’ai déjà donné dans la file du Rock n’ Roller Coaster à Disney, et je m’en remets encore. Puis il ne peut pas dire qu’il a vraiment gagné le privilège de me convaincre, à voir comment j’ai dû tout faire pour lui lorsqu’il avait le pinceau en main. J’étais pas si dupe. Si le climat dans l’atelier était léger et rieur, il s’assombrit assez vite lorsque le regard de Benjamin croise les bribes des papiers de divorce que j’ai laissés traîner sans vraiment y penser. Ma pudeur de base m’en veut, souhaite lui arracher les feuilles des mains, mais je me rappelle presqu’instinctivement qu’il sait tout de l’histoire de toute façon, rien à cacher ici. Une fausse déclaration enflammée plus tard, et je me félicite de ne pas avoir pris une lampée de café avant d’entendre sa réponse, colorée et explicite. « Que d'honneurs, je suis plus que charmée. » mes joues rosissent de plus belle, habituée à l’humour bien particulier du jeune homme mais encore en phase d’adaptation lorsqu’il y allait avec du plus cru, du visuel. Ça viendrait avec la pratique, l’important était de ne pas trop lui montrer lorsque ça piquait. Et puis, c’est suffisant pour faire doucement passer le choc d’articuler, à voix haute, la suite. Ce divorce qui m’empêche de dormir depuis des jours, cette impression de trahison aussi. Je ne voulais pas trop en cacher à Edward, il faudrait donc bien vite que je prenne la responsabilité de tout lui déballer. Un moment riche en émotion à prévoir que je pense, et que j’essaie de repousser un peu plus en ramenant le plan initial de la soirée, proposé par Ben, sur l’enjeu. Il boude de perdre son joueur étoile et j’allais renchérir avant de le voir s’élancer sur les makis comme si sa vie en dépendait. Ça va le chantage émotif, je pouvais prendre. Mais me faire voler ma ration de sushis - que je n’ai pas payés ni même espérés, mais qui sont à moitié à moi depuis son entrée dans la pièce - me donne la propulsion de la dernière chance. « T’as pas le droit, pas eux, pas ça, tout sauf ça! » j’ai 5 ans lorsque je tente de lui agripper une cheville et qu’il s’empêtre dans ses grandes jambes de gazelle, pour finir par atterrir la bouche bien béante sur le trois quart des provisions. Horrifiée, entre l’hilarité et l’envie de grogner, je le vois dégommer tout ce qu’il peut engloutir sans demander son reste. Mon esprit d’analyse essaie de compter le nombre de bouchées qu’il peut faire entrer là, et j’en suis à 12 lorsqu’il déclare officiellement forfait, les yeux goulument brillants. Ben arrive tout de même à articuler quelque chose, et je fais mine de tendre l’oreille même si peu importe mon ouïe, son discours risque d’être compliqué à comprendre. « J’entends pas, parle plus fort l’ogre. » il fait son rusé maintenant, et me tend un des morceaux de sushis qu’il a si gentiment enrobé de sa salive. L’espace d’un instant, je me dis que ça ne se fait pas, que c’est dégueulasse, qu’il a probablement un sac à microbes gros comme le monde qui évolue dans sa bouche, mais le défi en soi - et le fait que lorsqu’on devient maman, on perd tout sens d'inhibitions sur ce qui est dégoûtant ou pas… salut les couches pleines, je pense à vous direct - est trop ridicule pour que je laisse passer. « C'est bien, tes parents t'ont appris le partage. » et hop, un maki humide, pré-mâché et victorieux, et un. Son goût n'est pas si horrible que ça, mais il passe tout de même difficilement dans ma trachée, le dédain retardataire qui s'y mêle. Le reste de la boîte trouvera de suite place entre mes doigts, et mes baguettes s’y feront aller maintenant qu’il joue moins au plus fort. Ce n’est pas sans remarquer ses regards de biais que je poursuis ma dégustation, ne manquant pas de le toiser avec mon plus beau et grand sourire à la moindre occasion, comme si je savais sans aucun doute qu’il regrette de tout avoir enfilé sans savourer. Presque en pitié, je lui laisse le dernier morceau, me rappelant du butin sucré que j’ai ramené de toute façon. Je ne suis pas si mal prise que ça. Un silence confortable qui s’installe, et même si notre dernier sujet de conversation touchait une corde un peu moins sensible que le divorce, n’en reste que le poids des papiers que je vois là, stagner sur la table, me narguer dans tous mes échanges et dans toutes mes discussions, suffit à alourdir un brin l’ambiance. Et ça m’emmerde, tout ça. Ça me blase de toujours avoir le moral au plus bas, ça me lasse d’être lassée justement, fatiguée, épuisée. J’aurais envie de lui offrir autre chose qu’une Ginny toujours à la ramasse, jamais sûre d’elle, jamais capable d’autre chose que de se plier au vent. De lui montrer à lui, oui, mais surtout à moi. La soirée avait si bien commencé, tout s’était tellement bien déroulé depuis le cours de yoga jusqu’à maintenant que… que je pouvais bien m’autoriser un petit moment loin du reste, une pause, une escale, un oasis? Comme s’il avait lu dans mes pensées, Ben manque vivement d'intérêt pour la console avant de me faire signe de ne pas bouger, se chargeant de mettre en place ce plan qu’il venait d’inventer dans la seconde. Je le suis des yeux comme une gamine avide d’en savoir plus, je me réjouis de le voir prendre ses aises dans l’atelier et fouiller sans la moindre retenue, et j’éclate de rire alors qu’il met la touche finale sur une forteresse improvisée, entre le canapé et les quelques chaises qui traînaient ça et là. « T’es sérieux? » que je rétorque, fascinée, l’oeil qui scintille, le sourire qui lui fait echo. « J’adorais me cacher là, quand j’étais gamine… » je constate l’étendue de la chose avant de partir moi-même en mission, tamisant les lumières pour l'atmosphère, attrapant le sac de pâtisseries, mon portable et deux tasses de café remplies à rebord. « Moi d’abord! Moi d'abord! » j’entre comme je peux dans la tente, faisant gaffe à ne pas renverser trop de liquide au sol, pour finir par déposer les verres et me coller sur le droite question de lui laisser suffisamment de place. « Pendant qu'Adam vise la Miss Australia dans son lit ce soir, toi tu peaufines l'art de la tente de draps. Je ne pourrais pas être plus fière de vous deux, les gars. » évidemment, je tais la petite voix qui me dit que Benjamin avait probablement un plan tout autre avant que celui-ci ne capote - raison unique selon moi qui valide sa présence ici et non dans l’un des bars de la ville. Mais ça, ce sera pour une autre conversation. Quand je ne serai pas occupée à allumer la lumière de mon téléphone pour nous faire un peu de clarté dans cet abri de fortune. « C’est cool, que tu sois là. » je souris, honnête, coup d'oeil complice échangé, pigeant au hasard dans les crayons qu’il a ramenés avec l’envie de gribouiller un chocobo maintenant qu’il a défait tous mes espoirs d’en voir un de sa patte ce soir. « T’as une bonne histoire d’horreur à raconter? Il me semble qu’avec l’ambiance, ça serait parfait. » dans l’atelier aux lumières faiblardes, on ne voit que nos deux silhouettes cachées sur le mur de derrière, éclairées par un vieux flash d’iPhone à l’écran éclaté.

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Message(#)benny + take shelter EmptyJeu 13 Juil 2017 - 19:26

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Il est parfait, mon refuge, mon château imaginaire. Château d'une seule pièce et deux tours de coussins, mais royal quand même, car très privé. Le salon est un peu sans dessus dessous par ma faute, mais Ginny ne m'en tient pas rigueur. Nous avons, au fond, et souvent, la même âme d'enfant. Cela est le cas d'une majorité de personnes à vrai dire, la différence réside dans le fait que nous laissons le nôtre se montrer, d'exprimer, tandis que les autres croient qu'être adulte ne consiste qu'à le baillonner et l’enfermer dans un coin sombre de son esprit, comme une tare, un regret. Ce n'est que plus tard qu'ils se tournent, le voient par dessus leur épaule, et réalisent que l'erreur était de laisser pour mort. Je nourris l'enfant en moi dès que je le peux, et l’ado, et l'homme. Et c'est ainsi que je me sens entier, en embrassant toutes les parties de ma personnalité qui me rendent heureux, en cessant de me demander ce qu'est être adulte, responsable, ou même un homme bien. Je veux être content, un imbécile heureux peut-être, mais quelqu'un de bien dans ses baskets, quelqu'un qui aime la vie, sa vie. Plus que cela, je veux que ceux qui m'entourent soient aussi heureux que moi ; qu'ils mettent leur cerveau en pause, qu'ils n’écoutent plus que leur fort intérieur, et la voix de cet enfant qui n’avait peur de rien, pas même du ridicule, ni de demain. Autant dire que moi et mes principes idéalistes dans lesquels nous pourrions tous être des irresponsables vivant joyeusement dans une grande anarchie me font souvent sentir comme une licorne au milieu de la jungle urbaine moderne. Un ovni. Alors je suis le rigolo qui divertit la galerie, celui qui ne prend rien au sérieux, et que l’on ne prend pas au sérieux. Celui qui paraît difficilement humain, au final, car j'ai décidé de tirer un trait sur tout ce qui alourdit les épaules. Pas de tracas, pas de questionnements. Juste une minute après l'autre. “Well, qui a dit qu'il fallait être un gosse pour se faire un fort ?” dis-je en haussant les épaules. Parce qu'être adulte, c'est se refuser le droit d'avoir un refuge ? Un vrai refuge, une cabane. Pas un cahier d’art thérapie de mes deux, pas un abonnement Netflix ou à la salle de sport. Une bulle. Comme ce doit être triste. “On en fait parfois avec Adam. Enfin, il construit, et je supervise, puis je le paye en chips et en skittles.” Puis nous passons des heures là-dessous, dans l'ambiance tamisée des couvertures. Je lui fais des ombres chinoises, je le bas douze fois au Uno, on monte des Lego. C’est fun. Cela ne fait toujours pas de moi le père de l'année, mais je pense que je gagne des points. Comme une gosse, Ginny se jette dans le fort de coussins par la petite entrée, entre une chaise et le canapé. “Milady.” Je lui tiens la couverture afin qu'elle puisse s’engouffrer à l'intérieur et prendre ses aises. Pas besoin de lui dire de faire comme chez elle, cela est déjà le cas. Je la rejoins, près de la lumière du flash de son téléphone. C'est un peu bas de plafond, j'oubliais nos tailles qui, elles, sont bien celles d'adultes. Mais c'est cosy. Ainsi, le père fait des cabanes, et le fils drague soit disant la baby-sitter. “On fait dans la cohésion familiale chez nous, on est comme ça.” Tout comme la jeune femme, je prends une feuille et quelques crayons. Elle veut que je la joue Picasso, très bien. À ses risques et périls. Très concentré -du moins, faisant comme si- je trace les premiers traits de mon futur chef d'oeuvre. Du bleu ici, du vert là, ça le fera très bien. L’air distrait, j’entends Ginny se réjouit de ma présence ; il n’y paraît rien, mais cela me touche, et je souris intérieurement de cette petite victoire tandis que j’articule un “Je sais.” d’égocentrique chronique. Toujours le nez dans mon dessin, je réfléchis à une histoire d'horreur à raconter pour contenter la soif de sang de Ginny. Rien ne me vient, panne d'imagination intempestive. “Il était une fois Ronald Macdonald. Fin.” je lâche, parvenant malgré tout à être fier de ma bêtise. “Ris pas, ce clown de mes deux m’a traumatisé toute mon enfance, c'est le pire truc qui soit. J’imaginais qu'il était sous mon lit et qu'il était prêt à m'attraper les pieds. Des nuits sans sommeil j'te dis. Au final, c'était Crumble qui grognait sous le lit.” Crumble, le chien que nous avions à Dublin, la boule de poils qui me manque parfois. Avec Deb, nous formions un trio infernal, le cauchemar de nos parents. J'adorais ce clebs. Aujourd'hui, en appartement, ce n’est pas vraiment le timing idéal pour en avoir un nouveau, même si ce n’est pas l'envie qui manque. Je devrais mettre la puce à l'oreille d'Adam et le faire passer pour son idée. “Okay, j’en ai une pas mal”, dis-je finalement en lâchant mon crayon. Une fois bien installé, je prends cet air sérieux de moniteur de colonie de vacances, prêt à suspendre une trentaine d'enfants à ses lèvres. Je l’ai entendue chez les scouts, et je me souviens avoir fait partie de ces gamins qui avaient des étoiles plein des yeux durant tout le récit, qui en redemandait, et qui ne voulait pas que ces soirées au coin du feu prennent fin. “C’est l'histoire de la fille d'un forgeron. Le type gagne bien sa vie au château, et il ne compte pas marier sa fille à n'importe qui. Mais elle, elle tombe amoureuse d'un pêcheur. Ils se marient en secret et ils planifient de s'enfuir ensemble un jour. Ils se donnent rendez-vous au port. Le forgeron le découvre, et il entre dans une immense colère, si bien que le feu de la forge s’empare de lui. Sa peau se transforme en charbon ardent, et ses yeux crachent des flammes. Sa monture devient aussi un cheval sorti droit des enfers. Il part à la poursuite de sa fille, hurlant et invoquant des éclairs, laissant des traînées enflammés dans tout le village sur son passage. Elle est au port, le pêcheur n’y est pas. Elle l’attend, il n’arrive pas. Il avait péri en mer le matin même, son cadavre commençait déjà à être grignoté par les poissons, se faisant une maison de son crâne, prisonnier dans les algues. Elle entend le hennissement du cheval diabolique, comme un coup de tonnerre qui la fait trembler des pieds à la tête. Elle se met à courir jusqu'à cette falaise où toutes les veuves de la guerre et des marins perdus au large se sont jetées autrefois. Et il est là, derrière elle, le cavalier de l'enfer, le regard flamboyant, faisant tourner son épée au-dessus de sa tête. Elle l’implore, mais son père n’est plus dans ce monstre. Il lui coupe la tête. Son crâne roule jusqu'au bord de la falaise et tombe, le visage figé à jamais dans l’expression de l’épouvante la plus totale s’écrasant sur les rochers. Quant au cavalier, il disparut, sa soif de sang et d'âmes innocentes étanchée. Depuis lors, on peut apercevoir le corps sans tête de la fille du forgeron hanter la falaise. Les nuits d'orage, elle hurle le chagrin de son cœur brisé.” L’ambiance macabre de la conclusion plane un instant dans la tente improvisée. Le flash remplace le feu de camp. Mon regard planté dans celui de Ginny guette une étincelle naïve. Puis je souris, et hausse les épaules. “Fin.” L’air de rien, je retourne à mon dessin. J’y apporte la touche finale, de grands traits de toutes les couleurs. Je l'inspecte, scrute les espaces blancs dans lesquels je pourrais caser tellement de gribouillages salaces et idiots. Mais non, tout est parfait tel quel, sans note grivoise. Fier, je tends mon oeuvre de bonhommes en bâtons devant le nez de Ginny. “T’en dis quoi ? Je l’ai nommé Ginny et Noah sur un poney bleu au pays des arc-en-ciel pendant que Ben et Adam jouent à Mortal Kombat.” C’est le pays des arc-en-ciel, tout est possible, même ce gros poisson volant rouge avec des ailes de libellule. Honnêtement, c'est hideux, et je n’ai pas l'ombre du moindre talent. Le cheval ressemble à une vache, Noah a les cheveux verts, et je suis bien plus beau gosse en vrai. “J’peux en tirer un bon prix, c'est sûr. Tiens, qu'est-ce que tu me donnerais en échange ?” Parce qu'il est évident qu'elle le veut. Comment pourrait-elle passer à côté ? C'est une œuvre unique faite avec le cœur. Cela vaut au moins deux carambar et six dragibus. Les enchères sont lancées.

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Message(#)benny + take shelter EmptyVen 14 Juil 2017 - 0:14

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I spilled the ink across the land, trying to spell your name. Up and down there it goes, paper aeroplane. It hasnt flown the seven seas to you, but its on its way.


J’ai l’œil averti, aguerri, alors qu’il s’applique sourcils froncés à construire un semblant de forteresse, de cachette, de repère, de refuge. Je le regarde faire, je ne dis mot, je consens bien sûr. Il n’a probablement pas conscience de l’amusement que j’ai simplement à le voir se donner ardemment à la tâche, aussi sérieusement aussi. J’ai rarement vu Ben sérieux, concentré, ailleurs qu’au boulot. Il ne dégageait pas ça, il ne ressentait pas ça non plus. Je le connaissais drôle, marrant, comique, détaché, et même s’il avait fait preuve d’un grand professionnalisme quand j’en avais eu besoin, c’était un tout autre garçon auquel j’avais droit le reste du temps. Et ça me plaisait, cette simplicité, vous le saviez déjà bien assez. Ça me calmait, c’était pas compliqué, c’était facile, c’était lui et c’était sa capacité à adoucir le jeu, à balayer d’une blague salace et d’un coup d’œil amusé la majorité de mes tourments, de mes questionnements. Il s’en balançait que j’ai eu une journée difficile, que ça ne passe plus avec Noah, avec Edward, même. Pas parce qu’il était insensible non, surtout pas. Mais plutôt parce qu’il avait endossé son rôle à la perfection, celui du bouffon, celui du cœur léger, celui de la bouée surtout. Encore une fois, il change la donne, il s’adapte, voyant que j’ai le regard un peu plus sombre qu’à son arrivée, que je doute un peu trop. Je constate son travail et je rigole, il bombe le torse et il rajoute, confirme. Mains dans les poches, idées ailleurs, je soupire de soulagement. C’était bien ça, ce dont j’avais besoin. Pile dessus. « Il entrera clairement pas dans le nôtre, celui-là. Nope, trop sérieux, trop barbant. » que je commente, lorsqu’il rebondit sur mes paroles, et que je m’approprie une partie de sa création. Il a tout de même utilisé mes meubles, mes draps, mes coussins pour en faire la construction, j’ai des droits, des parts. Je serai locataire et il sera propriétaire et voilà, personne n’en tiendra rigueur. S’il avait pour habitude de passer ses vendredis soirs au beau milieu de draps inconnus, je pouvais parier que c’était bien la première fois qu’il le vivait ainsi, et pas accompagné d’une paire de jambes qui n’en finissent plus. Je le conceptualise même, mention honorable à Adam le Don Juan, et à Benjamin qui prend son rôle de papa poule au sérieux. La blague le fait à peine tiquer, et je ne peux que rire de plus belle. On est bien là, c’est tout ce qui compte. Non ?  « Et puis de toute façon, chaque chantier a besoin de son contremaître. Qu’il se compte chanceux que tu le paies en friandises et pas en argent. Il saurait pas quoi en faire, le pauvre. » je marque une pause, sérieuse, mouvant ma voix vers celle d’une présentatrice télé beaucoup trop ancrée pour le rôle. « Après la pause, Adam sombre dans l’enfer de la drogue et du proxénétisme pour avoir construit un village entier en drap contour. » ma blague me fait rire, c’est l’important. À voir si Ben comprendra la subtilité, ou s’il passera, c’est à lui de décider. Tirant la révérence pour la forme, je le laisse m’ouvrir le sésame de cette caverne qui m’apparaît déjà comme la tanière la plus classe en ville. Et le plus beau, c’est qu’il n’était pas allé chercher loin pour trouver le tout, et que je reconnaissais tapissées autour de nous les couvertures qui m’avaient accompagnées un peu à chaque moment de la nuit, insomniaque que je pouvais être. Des souvenirs dans tous les coins, des images qui me reviennent et la douceur des coussins que je place pour qu’on soit le moindrement confortables. Installant le téléphone, les cafés, les desserts et l’ambiance, je gribouille distraitement en soulignant que sa présence me fait du bien, ce qui est plus que vrai. Je ne le lui disais pas assez, ce merci qui reste en travers de la gorge, qui sonne forcé, comme s’il se contraint, ce qui j’espère est bien loin de sa réalité, de la mienne. Les épaules qui s’entrechoquent alors qu’il répond par l’affirmative, imbu, tellement bourré d’égo que je roule des yeux pour la peine. Il a compris, je crois. Mieux que moi. Et c’est ce qui m’énerve, autant que ça peut bien m’amuser. Mes prunelles trouvent les siennes, et c’est en souhaitant changer pour le mieux que je lui impose, que je le supplie d’une histoire d’horreur. Il connaît mon amour pour le glauque, il me sait avide de sang, de terreur dans toute sa splendeur, et même si sa voix d’outre-tombe semble promettre la plus noires des aventures, voilà qu’il se moque, qu’il invoque le Ronald en vain, et qu’il m’arrache un énième éclat de rire, surprise au passage. « Je vais t’attraper ! » j’imite maintenant au mieux la voix du clown que j’avais bien vu à la télé un nombre incalculable de fois, publicités et autres espaces vidéos qui le mettaient en vedette, lui et son maquillage d’arlequin enfantin. « Je vais te noyer sous la sauce Big Mac et les frites parfaitement salées ! » je laisse le geste se joindre à la parole alors que j’attrape ses poignets, puis ses mollets, menaçante, le rire de fillette machiavélique qui s’ajoute. Ben semble pris entre la peur et l’amusement, et je tâche de finir le tout en beauté, sifflotant avec assurance le jingle de la marque. Voilà, ses cauchemars seraient saufs, et j’aurai au moins une maigre revanche. Ramassant distraitement les crayons que j’ai envoyés valser plus loin dans ma caricature, je m’intéresse tout de même à cette parcelle de sa jeunesse qui se démarque – Crumble donc. Un chien ? Un chat ? Un animal de compagnie, tout de même. « C’est cool, le nom. Ça fait dessert ambulant. Et ça me donne faim. » constatation pas du tout nécessaire qui me semble moins lourde maintenant qu’on joue aux enfants, cachés dans notre coin du monde. Gourmande, je prends une bouchée du cupcake que j’ai déjà entamé, lui tendant le deuxième, bonne joueuse. Si j’ose penser pendant quelques secondes qu’il a abandonné par manque d’intérêt ou d’inspiration, ce n’est que plus captivée encore que je tends l’oreille lorsqu’il reprend la parole. Je me cale contre les coussins, j’appuie mon dos sur le divan qui se tient derrière moi, et j’admire, j’observe, je profite. Ben y va du contexte, il se donne sur les intonations, et il use même du flash de mon portable pour inclure drame et suspense à la chose. J’aurais bien pu dire que je n’étais pas plus effrayée que ça, l’histoire en soi étant relativement bien loin des films à sensation dont on nous gavait au cinéma, il y a un truc, un déclic, un détail qui me garde attentive, pendue à ses lèvres, du début à la fin de son récit. J’aurais pu prédire la fin vingt fois, j’aurais pu dire que cela aurait mal terminé dès les premières lignes, même, je le voyais ébrécher un combat d’oreillers si j’avais osé crier boring du haut de mes idées préconçues, mais non, rien de tout cela. À la place, je suis muette, et je profite de l’histoire comme si j’avais 5 ans et qu’il m’offrait le conte le plus terrifiant qui soit. Ridicule, mais sympa. « Tu sais où elle se trouve, la falaise ? » que j’articule, une fois que le jeune homme a confirmé que la malédiction de la pauvre veuve esseulée plombe sur le rocher pour toujours. « On y va ? Ou tu as trop peur ? » je suis un brin moqueuse alors que je roule des sourcils, et que je le mets presqu’au défi. Si le lieu est fictif, je préfère laisser le tout vivre dans son monde magique et esseulé. Si par contre il s’agit d’une vraie légende, je suis prête à la tester de but en blanc dès qu’il sera prêt. Une lampée de café plus tard et je me remets à ma tâche, gribouillant un chocobo sans vraiment m’y retarder, intriguée par ce qu’il trace lui-même, de son côté. Sans attendre, Benjamin fait défiler sous mes yeux le fruit de tous ses efforts, un dessin sur lequel il a bûché fort, qu’il explique, qu’il nomme, qu’il commente. J’y reconnais un bâtonnet qui représente mon fils lorsqu’il le pointe, puis moi, puis lui, et Adam. J’analyse à peine, je n’ai pas besoin, je suis trop occupée à me marrer devant son sens des proportions complètement abominable et la moustache qu’il a pu tracer au-dessus de ma lèvre supérieure. À ses yeux, j’étais donc l’effarante femme à barbe, c’est ça ? « J’en dis qu’il manque la signature de l’artiste, là. » faussement sérieusement, je pointe de la fin de mon crayon un espace libre tout en bas à droite, qui serait idéal pour qu’il y inscrive son nom de scène. « T’es clairement rendu au stade où tu as besoin de peaufiner ton autographe. Modèle, architecte, illustrateur et maintenant scénariste, ça en fait beaucoup. » en une soirée il avait touché à plus de métiers qu’il n’aurait pu croire, et il me semble bon de le souligner, avec toute l’ironie du monde. « Et après, je le vendrai au marché noir. Je m’achèterai un palais de marbre à Bali avec les profits, je te dis de suite. » il ne semble pas tout à fait convaincu par mes plans exagérés, alors j’en ajoute une couche, pour satisfaire son goût de gros, d’insensé, d’extrême. « J’y ferai ériger une statue en ton honneur. » j’éclate de rire, misant sur son narcissisme surdimensionné. « Bon t’aurais ta chambre aussi, tu l’auras méritée… même si je doute que tu y fasses un arrêt avant d’aller sillonner le monde pour faire ce que toutes bonnes vedettes font. » je marque une pause, café et cupcake de rigueur, avant de confirmer ce qu’il imagine déjà. « À savoir fumer, coucher, sniffer, rocker. » un haussement d’épaules et voilà qu’il me retire le dessin des mains, annonçant haut et fort une négociation alors que je prenais l’œuvre pour acquis. Mais c’est qu’il voulait s’amuser le petit. « Alors, j’ai un cupcake et demi, un gif hilarant d’un panda qui éternue sur un canard, un reste de bonbons d’Halloween et une vidéo gênante de moi au bal de graduation qui rappe et qui danse l’entièreté de Stronger de Kanye après un shot de tequila. » là, c’est le moment où je me pince les lèvres pour retenir un rire bien franc de ruiner la scène. Je n’en peux déjà plus alors qu’à travers mon hilarité j’arrive à articuler « Ça se négocie ou tu prends ? ». je le sens bien réfléchi, à peser le pour du contre, mais voilà que l’appât de l’humour est plus fort que moi, et je lui prends mon téléphone des mains pour chercher avidement de quoi le tenir occupé, distrait même, quelques minutes de plus. « Attends, je te montre le gif, j’en peux plus. » je viens de brûler une partie de mon offrande, mais il sera fort probablement d’accord pour laisser partir son croquis enfantin contre l’idéal d’une Ginny mal dans sa peau qui récite un West l’air penaud. Puis je me rapproche, assez pour me presser contre son bras, pour qu’il puisse voir le panda dans sa branche qui descend doucement, et qui se positionne devant l’autre oiseau. La musique est agressante et c’est trop facile, c’est trop simple, c’est d’une aisance, et bien vite je ne réalise pas du tout que le canard sort de l’eau, et que je suis perdue entre les draps et les sushis et l’histoire d’horreur et lui, tout court. L'animation en est à 35 secondes, je sais que l’éternuement approche, je trépigne qu’il le voit, et surtout, je me demande pourquoi. Pourquoi il est là, pourquoi il m’a envoyé ce message plus tôt, pourquoi je me retiens, pourquoi il n’insiste pas. S’il n’a rien à la clé, aucune récompense, aucun défi, aucune chance, pourquoi est-ce qu’il reste, est-ce qu’il tente, est-ce qu’il joue ? Rien n’est réglé, rien n’est clair, rien n’est parfait et je m’étais promis, mais voilà, je ne sais plus. J’ignore, j’ignore le truc comme je le conçois, la facilité, c’en est presque un test. J’ai envie d’un test. Et je rigole presque, sachant que dans sa tête à lui, rien ne roule aussi vite, aucun contact de cuisses, d’épaules, de hanches ne peut générer tant de réflexions que ce qui se passe dans ma propre cervelle à moi. « Je peux tester un truc ? Ça changera rien, même si c’est intrusif, et déplacé, promis. Tu juges pas ? » après le fameux rencart, après Disney, après tous ces messages échangés, ces moments où on s’est vus, où on s’est connus un peu plus. Est-ce que ça peut être aussi facile que ça ? Comme ça, et sur tout ? Je sais, je sais. C’est con de le lui demander, et très loin de la fille sexy et bourrée d'assurance à laquelle il est habitué, mais voilà, c’est moi, et c’est tout ce que je peux offrir déjà. Égoïste, dans l’attente, je laisse tomber doucement le portable sur la pile de coussins à l’extrémité de la tente, et je me tourne vers Benjamin, plus stressée encore que j’aurais pu croire l’être. Je serre les doigts, je me replace 15 fois sur moi-même, et je finis par m’avancer, lentement, les yeux qui s’accrochent aux siens, qui ne fuient pas. Je suis incertaine et curieuse, je suis interdite et avide. Et je n’attends pas, ça suffit, ça fera. Réflexe ultime plus tard, et mes lèvres se déposent sur les siennes comme si elles avaient besoin d’un signe de plus, d’un encouragement. D’une confirmation.


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Message(#)benny + take shelter EmptyMar 18 Juil 2017 - 18:10

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Benny

I spilled the ink across the land, trying to spell your name. Up and down there it goes, paper aeroplane. It hasnt flown the seven seas to you, but its on its way.


La population mondiale est divisée en deux sections. Il y a les personnes comme Ginny, qui sont aussi excitées devant un film d'horreur qu'une petite fille devant un Disney. Ceux qui ont leurs rituels, le popcorn, la glace, la couverture dédiée aux soirées sanglantes au fond du canapé, la pièce plongée dans le noir, de préférence vers une heure du matin les nuits d'orage. Et bien sûr, fans absolus du point d'orgue de l'année, Halloween, quasiment aussi important que Noël, pendant lequel ils se réunissent en groupes d’adorateurs de Satan, Freddy Kruger et autres Michael Myers pour de grands massacres (sur petit écran). Puis il y a les gens comme moi qui regardent le film a travers leurs doigts et sursautent au moindre son de violon strident. Autant dire que je ne ferai jamais mieux que le pseudo récit d'horreur que je livre à Ginny, mais au moins, j’y mets de la bonne volonté, du ton, de la conviction. Ça manque sûrement d'une tronçonneuse, d'une manchette, d'un hachoir à viande quelque part dans le récit, et je note d’y penser pour la prochaine fois -si elle tient à renouveler ce désastreux exercice. Je ne doute pas que si elle s'y mettait, on me retrouverait quelque part roulé en boule dans un coin de la tente dans le salon. On ne juge pas, merci. Quoi qu'il en soit, ce qui semble véritablement intéresser la brune, c'est de voir les lieux, cette falaise, ce fantôme, de ses propres yeux. Si elle pouvait serrer la pince du grand méchant et faire un tour de canasson des enfers, elle le ferait aussi, des étoiles plein les yeux. Il y a de quoi sérieusement douter de la durée de vie de la donze. “Sûrement quelque part en Ecosse. Tous les fantômes sont en Ecosse.” je réponds en haussant les épaules. Une recherche Google nous le confirmerait rapidement, et une heure plus tard Ginny nous aurait planifié tout un roadtrip européen sur les traces des sorcières, vampires et tueurs en série. “J’ai jamais peur.” je précise, boudeur, parce que je sais qu'elle sait que c'est faux. Après tout, elle m’a déjà vu bondir comme une puce me mettre aux abris derrière elle dans la file d'attente de la maison hantée de Disney, il n’est plus rien que je puisse faire pour me rebâtir une réputation de gros dur. D'ailleurs, entre nous, dessiner des arc-en-ciel n’arrange pas mon cas. Il n'y a pas de quoi être fier de mes bonhommes en bâtons. J’ai un coup de crayon atroce, aucun sens de la composition, encore moins de la couleur, mais le moins qu'on puisse dire, en dehors de l'imagination qui transparaît dans cette œuvre, c'est que je sais nommer les dessins explicitement. Qualité ? Disons que oui. De toute manière, mes défauts sont des qualités, et mes qualités aussi. C’est donc ce dessin qui inspire à Ginny grandeur et succès, c'est le point de départ d'une vie d’opulence et d'excès, de verres à pied en diamants et de couverts en or, de villas et de rooftops dans toutes les villes du monde, chacun comportant un harem, une salle de cinéma et un bowling où nous pourrons boire de la tequila sur des dizaines de seins nus aux tétons percés. Je m'égare. Bref, le deal semble à la hauteur du chef d'oeuvre. J’arque un sourcil. “Vous m’intéressez, McGrath.” La vidéo de Ginny pompette et sauvage, le gif, le tout est honnête, mais je ne compte pas céder, vendre mon talent sans avoir vu la marchandise, et ça elle le comprend bien, l'anticipe, en s'asseyant à côté de moi pour me montrer le fameux panda et le canard qui la rendent hilare à l'avance. D'une certaine manière, sous les couvertures érigées en château fort, dans cette bulle, épaule contre épaule, genou à genou, nous sommes le plus proche que nous l’avons jamais été. Un effet du côté cosy de l'endroit peut-être. Mais ce moment idiot, ce rire sot, ce gif stupide et ce contact anodin ont quelque chose d’inhabituel. Je ne sais quoi. Mais je sais qu'elle le sait. Parce que les femmes sont plus intelligentes et qu'il est impossible que je sente quelque chose qu'elle n’ait pas senti avant moi. Quelque chose qui rend la discrète chaleur, la présence échangée, même à travers les tissus de nos vêtements, plus notable, agréable que toutes les autres fois. Néanmoins mon attention est surtout portée sur le gif. Et bien sûr, au moment attendu, même en sachant ce qui allait se passer, je ris également, pouffant d'un rire d’écureuil. Tandis que les images reprennent du début, Ginny pose le téléphone et met la blague hors de ma vue. Elle me parait un peu bizarre, mais pas vraiment plus que d'habitude me direz-vous -et puis les nanas sont siphonnées de nature alors plus rien ne m'étonne. Un test, d'accord. Je m’attends à devenir la cible privilégiée d'un lancer de cupcakes qui couvrirait mon visage de topping, pourtant il n’en est rien ; elle s'installe, face à moi, et cela paraît soudainement un peu trop sérieux pour un “ça ne changera rien”. Sourcils froncés, je la scrute avec attention, je devine son malaise soudain et incompréhensible. Puis elle approche, paupières battantes, le regard mi-clos posé sur mes lèvres, et moi sur les siennes qui poursuivent leur chemin. Avec un sourire, ses intentions claires comme de l'eau de roche, j'approche également un peu. Une main se glisse sur sa joue, rassurante, encourageante, et j'accompagne son dernier mouvement malhabile avant que sa bouche se joigne à la mienne. C'est un baiser presque chaste, vous voyez. Un baiser où les lèvres scellés ne bougent pas, où il n’est pas question d'aller plus loin que cette frontière. Garde ta langue dans ta bouche, Ben, et tes mains sur son visage. Ce n’est pas long, ce n’est même pas particulier ; ce n’est qu'un baiser. Agréable, tendre, prématuré, doux, timide, sage. Et mon coeur bat quand même un peu plus fort, un peu plus vite. C’est qu'il fait chaud dans cette cabane. Alors qu'elle recule et que nos regards hagards s'interrogent, je passe la scène dans ma tête encore et encore. Elle m’a embrassée. Ginny m’a embrassé. Rien de plus, mais je suis content. Une satisfaction noyée par une soudaine nervosité, et ce besoin pressant de tout tourner à la plaisanterie afin que le sérieux de pareil acte soit jeté aux oubliettes aussi rapidement que possible “Eh bien. C'était… bizarre ? J’aurais su, j’me serais lavé les dents.” J’aurais su, je serais toujours aussi benêt, ne sachant pas quoi dire, comment réagir, et mort de peur à l'idée que le moindre regard maladroit puisse vexer Ginny à jamais. Je ne parviens pas à déterminer le pourquoi du comment. Un baiser sous couvert de test, de jeu, ou un vrai jeu sous forme de baiser. La jeune femme est soudainement impossible à lire pour moi, mais plus encore, mon propre fort intérieur est un mystère indéchiffrable. L'angoisse, ce pic de panique sans motif, ne me laisse qu'un humour douteux pour me sortir de là sans réclamer d'explications ; “Tu… tu es sûre que ça ne change rien ? Pas de soudaine envie de m’arracher mon t-shirt ? Non ? D’accord…”  C'est le seul intérêt, forcément, et il n’est toujours pas question de cela. Je ne souhaite pas savoir pourquoi malgré tout, et la question ne me torture pas. Ce n'était qu'un baiser. Rien d'important. Rien de significatif. Rien… “Au moins maintenant je sais quel effet les vidéos de canards et de pandas ont sur toi.” j'ajoute, trop nerveux à mon goût. La plaisanterie a un goût plus amer que d'habitude, elle glisse mal, ne se digère pas, même pour moi. Pourtant je garde la face. Un sourire de façade, un air idiot usuel, une légèreté chronique. Je ne sais même pas pourquoi je dois forcer un peu tout ceci pour quelque chose d'aussi banal, ordinaire qu'un baiser. Je ne sais pas ce qui pique dans ma poitrine, tâtonne mon estomac. Sushis pas frais peut-être. Sûrement. Mes lèvres se pincent, le silence est étrange, lourd et électrique. Est-ce un reste de goût de ses lèvres que je devine sur les miennes ? Elle était douce, sa bouche, agréable. Elle épousait si bien la mienne. Nous aurons pu faire plus, nous aurions sûrement dû, mais non. Et d'un autre côté, cela rend le souvenir plus marquant, précieux. Ne me demandez pas pourquoi. Ok, peut-être parce qu'il n’a pas été si long, pas langoureux, mais mignon et maladroit. Peut-être parce que, pour une fois, mes mains n’ont pas trouvé leur chemin jusqu'à une paire de seins, parce qu'il n’a pas été question de se jeter l'un sur l'autre. Parce que ce baiser m’a cloué le bec et laissé tout con avec mon coeur dansant la valse et les pommettes rouges. Le regard fuyant, je jette parfois un coup d'œil à Ginny. Il ne semble pas y avoir de bon mot pour se dépêtrer de là, rien qui puisse simplement effacer l'ardoise comme si de rien n'était. C'est à nous de nommer ce court chapitre, et d'en tourner rapidement la page, car ni moi ni elle n’avons envie que ce moment signifie quoi que ce soit que nous ne puissions comprendre ou maîtriser. “Bon, on va pas y passer la journée, hein. J’veux dire, c'est pas comme si ça signifiait quoi que ce soit. T’es en plein divorce, et y’a Noah, et Ezra, et puis tu sais comment je suis, moi, les sentiments, pff, non, vraiment, n'importe quoi. Je galoche des nanas tous les jours et ça veut rien dire du tout, alors c'est pas différent cette fois. Ça serait… parfaitement ri-di-cule.” Ridicule, j'insiste, bras croisés, épaules hautes, petit garçon trop fier, grand garçon trop lâche. “D'ailleurs si t’avais pas d'herpès avant, maintenant oui.”


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Message(#)benny + take shelter EmptyMar 18 Juil 2017 - 23:35

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Benny

I spilled the ink across the land, trying to spell your name. Up and down there it goes, paper aeroplane. It hasnt flown the seven seas to you, but its on its way.


Pour être entièrement honnête, j’ai arrêté de réaliser ce qui se trame autour de moi depuis une bonne dizaine de minutes. Alors que je venais de jouer la forte, la fière devant ses histoires d’horreur, à pouffer à la mention qu’il n’avait pas peur – j’avais encore des marques de ses ongles ancrés sur mon avant-bras pour avoir sursauté devant Diabolique Pluto – c’était presque hors de moi-même que j’observais la scène, que je l’appréhendais même. Deux enfants, deux gamins, des actions aux réactions, des blagues aux intérêts. La légèreté de la chose, le confort qui se referme sur nous, les rires qui se mélangent et les crayons qui grattent. C’était un cocon hors de mon quotidien, un petit bouclier tout frêle qui risquait de s’effondrer sur nos têtes si on étirait trop le cou, ou qu’on appuyait trop fort sur l’un des coins ramenés à travers les plis du canapé. Mais la chaleur, le jeu et fort probablement l’envie mènent le reste. J’étais qu’une fillette quand il était là, naïve, honnête, un peu trop. Pas besoin de la protection face à la vie d’extérieur, pas besoin de questions superflues, de sourcils plissés d’interrogation, de remises en doute constante. Il balaie du revers de la main lorsque les complications s’en mêlent, il rigole lorsque je me penche un peu trop longtemps sur mes problèmes, il n’en voit pas l’utilité. Et il me contamine, avec son sourire à la con, avec ses yeux qui s’émerveillent de tout, avec son sens de l’humour douteux, à travers lequel le mien résonne un peu trop facilement. Le processus de réflexion qui accompagne mon corps frôlant le sien, mes paroles qui présentent le geste bien maladroitement, mais qui tout de même l’annoncent. Y’avait un risque, derrière ce test, ce jeu. Y’avait une idée, une impression que rien ne pouvait nous atteindre surtout. Que notre cachette se refermerait sur ce doute qui planait, sur cette facilité qu’il dégageait, sur cette pulsion que je ne reconnaissais pas, mais qui me semblait normale, logique. Je m’étais attachée. Pas complètement, pas à outrance, mais juste assez pour le considérer, un brin. Et c’était déjà immense, effrayant et effarant, mais suffisant. Ce n’est pas son sourire qui me motive à aller plus loin, ni même la main rassurante qu'il love contre ma joue – non, ça je n’en avais pas besoin. C’est gentil, c’est doux, c’est apprécié, c’est loin du cliché de Casanova qu’il se targuait de présenter lorsqu’il parlait de lui-même à la troisième personne en racontant ce qu’il ferait à Leia dans son bikini doré d’esclave, mais d’un sens, ça ne m’étonne pas. Ben, c’est plus que conneries sur conneries, plus que blagues de premier niveau, plus qu’un grand dadais avide de chair fraîche. Il ne me le prouve que trop, alors qu’il s’adapte, et que je n’ai même pas besoin de craindre qu’un simple baiser se transforme en scène torride de film de série B. La pression entre nos lèvres est tempérée, les souffles se mélangent sans s’envahir. Je sens son parfum, un mélange de savon bon marché et de produits capillaires, du cèdre, du citron, un peu de romarin. Il y a la chaleur de son corps aussi, qui me rappelle son intolérance à la canicule trop intense, sourire esquissé du bout des lèvres même si je ne le quitte pas. Pas tout de suite. Pas avant d’inspirer longuement, d’appuyer un peu plus mon front au sien, de tout sauf réaliser ce qui se passe, de l’apprécier un peu mieux avant que les conséquences ne s’occupent de noircir mes futures nuits. Toutes les occasions ratées d’avant le valent, ce baiser. Puis celui d’après, plus discret, plus court, le contact se rompant trop vite, l’essence d’un second baiser volé à la va vite pour clore le tout. Chaste, comme à mon habitude. Peut-être trop même, et son regard qui s’accroche au mien est un mélange de surprise, de réflexion, d’indécision. Et si on faisait comme les enfants qu’on était au départ, et si on oubliait tout, le temps que le souvenir s’imprègne un peu plus? Fidèle à lui-même, il est le premier à balancer une idiotie, et je le remercie en silence alors que la musique du gif joue en boucle pour la 14 fois depuis qu’il gît à nos pieds. « T’as du sushi dans ta canine, la gauche, au passage. » que je laisse aller comme première parole, pointant du menton jusqu’à ce qu’il trouve la provenance du truc, et qu’il le retire. Rien de mignon ici, ça, c’est terminé, et je me remets de ce qui me semble être déjà loin derrière, presque effacé pour avoir été si court, trop peut-être. Et la remarque qui tue, et si ça changeait quelque chose ? J’ai la tête perdue dans mes pensées, je secoue les boucles et j’attrape un coussin du bord, voulant occuper mes doigts à autre chose qu’à pianoter incessamment sur ma cuisse. « Nope, rien à signaler. » j’affirme, nouvelle vague de confiance qui parle pour moi.  « Puis il statut clairement ton amour des dinosaures, ce serait pas fair de te l’enlever. » le motif de son t-shirt attire mon attention un peu trop pour que ça en soit normal, et je remonte le regard vers ses iris, sourire rassurant qui s’y ajoute. Ma pudeur m’aura un jour, mais ce ne sera pas aujourd’hui. Je me surprends à vouloir qu’il se taise même, rien que je puisse faire le ménage dans ces phrases, ces mots qui se chevauchent à travers mes neurones et qui me rendent différente, distante, mais il relance de nouveau, incapable de me laisser le moindre calme, le moindre espace, juste minime, pour souffler. Et pourtant, aussi agressant soit-il, je ne voudrais pas qu’il disparaisse pour rien au monde. Reste là Ben, dis n’importe quoi, mais bouge pas. « Démasquée. » certains ont un fétiche pour le cuir et les insultes, moi, c’était l’humour de bas niveau et les rencontres incongrues d’animaux en plein état naturel qui me branchaient. Allez savoir. Puis voilà, mes prières sont exaucées, et c’est le silence qui prend le relais. Pesant certes, mais nécessaire. Je vois bien les œillades qu’il me lance, et je ravale, comme je ravale. Les sentiments qu'il disait... les quoi? Parce que j’ai cru candidement que ça ne serait qu’un petit truc, banal, dont il ne se souviendrait pas dans la seconde. De mon côté, c’était autre chose, et j’allais devoir prendre sur moi pour calmer ce qui se passait à l’intérieur, mais pour lui, dans le genre anecdote marrante à raconter à ses potes autour d’une bière, y’avait mieux. Ultimement, Benjamin sonne la finalité de la chose, et je suis étrangement soulagée qu’il en soit l’auteur. Je devrais être insultée, je devrais me sentir rejetée. Je devrais y voir un mec qui ne veut pas même me toucher avec un bâton, qui rigole de l’intérieur face à ma médiocrité, qui est bien loin de ses grandes tirades émouvantes où il mentionnait que j’étais oh combien différente, pas comme les autres. Mais la vérité, c’est qu’il me conforte. Peut-être à force d’avoir été friendzonée toute ma vie, il reste des séquelles, des bribes qui ne veulent pas partir et qui me gardent de m’emballer trop vite. Ou peut-être aussi que je sais, qu’il s’agit de la meilleure décision. Que les complications sont trop lourdes de conséquence, que le résultat ne serait pas aussi simple et facile qu’il peut sembler l’être, lorsqu'on ne sera plus seuls contre le monde, comme ici. Et le résultat, hen ? Lequel, vraiment ? J’avais pas pensé à ça, je ne voulais pas même, et il ne m’apparaît que plus inconfortable. Il se renfrogne et je ne sais que sourire bêtement devant son constat. Tout est bien qui finit bien. « Exactement. Et j’ai pas changé d’avis non plus, ça serait trop compliqué, et puis de toute façon je suis pas là pour leur faire compétition. J’ai pas assez de latex dans mes placards pour, anyways. » je renchéris, honnête. Là où il se braque, je concède. C’est facile ça aussi, ça coule bien, et ça sonne correctement à mes oreilles, aux siennes probablement. « Si on nous demande, ta nana du jour était une de mes étudiantes, une modèle nue, juste légale. Une suédoise bien tactile qui habite un grand loft industriel avec sa jumelle contorsionniste. » Ce pseudo-alibi devrait faire pour s’y référer, au besoin. Et cette soirée deviendrait le moment où Benjamin a presque séduit une fausse nana tirée d'un fantasme mondial, et pas celle où Ginny a joué avec le feu et s’y est lamentablement brûlée. Le coup d’envoi, le signal que tout revenait à la normale, ou du moins, qu’on passait à autre chose ? Boys and their cooties. Tellement cours de récré que je ne peux pas réprimer un nouveau rire, un peu plus à l’aise que les précédents, gage que je serai bientôt prête à faire fi de tout ça, à respecter ma promesse à savoir que ce n’était que pour le test, rien d’autre. « Pas d'herpès non, mais le SIDA oui. On dit que tu l’attrapes juste une fois, tu vois, pas de quoi paniquer. » Il est loin le chemin que je devrai prendre avant de pouvoir même penser à m’investir – mais alors, pourquoi t’as fait ça Ginny ? Pourquoi t’as pris l’abri, les histoires, les dessins, les secrets pour un feu vert ? Qu’est-ce que tu voulais comprendre, tester, prouver ? « Je sais pas ce qui m’a pris, on était bien, c’était facile, et puis c’est arrivé comme ça, je sais même pas d’où c’est venu, mais ça me semblait presque normal. Je voulais essayer, juste une fois. » que j’hausse les épaules, alors que je mets en mots le chaos qui grouille dans ma tête. Bravo Ginny pour la clarté, tu remportes les honneurs. Ça ne fait aucun sens, mais pour moi, c’était clair, limpide. Je voulais voir si ce que je manquais en valait la peine, si y’avait quelque chose ou si j’hallucinais seulement. Probable. La faute à la protection de tissus qui nous empêche de voir la lumière extérieure et ce qu’elle suggère comme monde dans lequel vivre. « Bref, je t'ai utilisé. » À son tour, de se sentir comme un morceau de viande. J'étais tombée amoureuse qu’une fois, et pour être franche, je m'en remettais encore. C’est con, ça date, mais voilà. Ezra qu’il mentionne avec autant de simplicité avait laissé une marque, cicatrice, indélébile sur mon cœur, et je savais bien qu’elle ne partirait pas de sitôt. Jamais à vrai dire. Les éclats du premier vrai et grand amour qu’on espère toujours, qu’on ne veut plus jamais vivre aussi. Voilà que nous reprenons un peu plus d’espace, que les coussins bougent, que je retrouve mon dessin et qu’il s’affaire à chercher je sais plus quoi sur mon portable. En apparence, j’avais raison, rien n’avait changé. C’était simplement cette retenue, cette distance, ce fossé empli de réflexions qu’on avait érigé qui commençait à me peser après qu'on ait épuisé notre bagage de blagues moches et sans saveurs, et face à quoi je n’avais qu’une seule envie. Le chasser, loin loin, le plus loin possible, et retrouver le Ben et la Ginny qu’on était avant que je n’embrouille toutes les cartes pour une question de phéromones qui envahissent un peu trop facilement mes sens. Déjà, tourner la chose au ridicule extrême. « Avec nous ce soir, victime d’un presque-viol, Benjamin Brody. » ma voix de présentatrice télé revient à la charge, et j’enlace quelques crayons de façon à former un genre de micro que j’aligne sous sa bouche, concernée. « En espérant que votre cauchemar impliquant Ronald McDonald ne soit pas détrôné dans la pyramide des traumatismes ! » je laisse échapper un rire, puis un autre, alors que doucement, le malaise me semble un peu moins palpable. À mon tour de l’asséner de blagues, et plus elles seront de mauvais goût, mieux ce sera. « Y’a du GHB sûrement aussi dans ton café. À ta place, je fermerais pas trop les yeux pour les prochaines heures. » battement de cils bien sarcastique pour les besoins de la cause, et je profite de son air de daim égaré pour lui lancer un coussin au visage, et un autre. « Tiens, pour te garder éveillé un peu. » Quand on se disputait, enfants, quand on se criait dessus ou qu’on pleurait, Matt et moi finissions toujours par une traditionnelle bagarre d’oreillers. Ça laissait sortir le méchant, ça encourageait les fous rires, ça soulageait les tensions. Je mise sur son orgueil et sur son besoin d’en sortir vainqueur alors que je pique sous ses yeux d’autres coussins pour me protéger, et j’ai même le temps de lancer Eye of the Tiger sur mon portable comme trame sonore avant qu’il ne se mette lui-même de la partie. Bien vite, les draps autour de nous commencent tranquillement à subir les assauts de notre soudaine guerre de duvet, et un coin puis un autre tangue dangereusement vers l’extérieur. Mais voilà. Je n’ai pas peur, moi. Ni d’une cachette qui s’écroule sur nos têtes, ni d’un Benjamin mauvais perdant qui rechigne, ni même d’avoir osé trop fort. Ce qui est fait est fait, et étrangement, je ne le regrette pas. Peut-être demain, peut-être dans une semaine, dans un mois, dans deux ans, mais surtout pas maintenant.  

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Message(#)benny + take shelter EmptyMer 26 Juil 2017 - 4:45

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Benny

I spilled the ink across the land, trying to spell your name. Up and down there it goes, paper aeroplane. It hasnt flown the seven seas to you, but its on its way.


Qu'est-ce qu'on est capables de faire un foin sans raison. Tout ce qu'on sacralise, tout ce qui est banal. On met tant d’importance, de valeur, de signification dans des petits riens, on en fait des sujets sensibles, tabous, honteux, des secrets, des grandes vérités, et pourtant ce n’est pas grand chose. On s'accroche toutes griffes dehors à ces détails, et il leur faut toujours plus de sens, et toujours plus de règles. On ne fait pas ci, on ne dit pas ça, et pourquoi ? Qu'est-ce qu'on s’obstine à s'enchaîner, se contraindre, se limiter, se culpabiliser. Qu'est-ce qu'on s’alourdit le quotidien à devoir faire attention, ne pas parler trop fort, agir, penser, respirer, vivre trop fort. Tout ce qu'on réprime et qui nous rend dingues, tout ce qu'on garde à l'intérieur parce que parce que. Quand on mange des livres et des livres de règles, de sanctions, de lois, puis qu'on se tourne pour voir tous ces autres grands principes écrits nulle part mais qui régissent nos vies, on comprend pourquoi plus rien ne tourne rond, pourquoi le monde implose. Les lois sont justes, claires, indiscutables. On ne tue pas, ne vole pas, n'insulte pas son voisin. On ne se balade pas à poil dans le parc à jeux. Ça, c'est important, et c'est utile. Ça, ça a du sens. Mais un baiser n’est qu'un baiser. Et ce n’était qu'un baiser. Sans la langue. Pas de quoi en faire tout un plat. Alors pourquoi avons-nous l’air de deux gamins en faute ? On patauge, on se noie dans ces sensations bizarres qui nous chatouillent l'estomac et picotent les joies, et ces pensées idiotes comme “et si ça changeait quelque chose”, “est-ce qu'on est toujours copains”. Pourquoi chercher à se rassurer avec des blagues idiotes, parfois douteuses ? D'une certaine manière la normalité s'est arrachée à nous, il ne reste qu'une sacré dose de malaise, et d'autre chose, quelque chose que nous fuyons comme ce monstre sous l'escalier aux doigts de serpent et cheveux d'araignée. Et quelque chose flotte là, dans la cabane en couvertures, quelque chose à base de têtes qui dodelinent, d’épaules qui se haussent, de mains nerveuses et de bouches pincées. Quelque chose qui n’est pas un pet foireux. Nom de Chtuhlu, c'était qu'un baiser. Rien que je ne connaisse pas, rien d'incroyable. C’était sans importance. Ginny a fait son petit test, expérimentation de je ne sais quoi. Ravi d'avoir aidé, salut, bonsoir. Quelques vannes, et ça va mieux. Mon cœur sait feindre la légèreté quand même mon cerveau n'achète pas, et j’y crois. Je pense que j’aime pas Ginny plus que les dinosaures alors je préfère garder mon t-shirt sur le dos de toute manière. J'adhère au scénario de secours de ma soirée que je pourrai distribuer à qui veut l'entendre -personne ; “Katerina et Sonia. On a joué au strip poker toute la soirée, puis le “cap ou pas cap” a dérapé et… tu sais comment c'est, on ne résiste pas au Brody.” Petite couche de narcissisme, et maintenant, je me reconnais. “On peut attraper le sida avec un baiser ? je demande avec mon air mou de carpe hors de l'eau. Attends, dans ce cas, est-ce que tu peux tomber enceinte comme ça ? On devrait demander à internet.” En voilà une démarche avisée pleine de bon sens, où quoi qu'il arrive, on se découvrira soit un cancer, soit une maladie orpheline. Je prends mon téléphone, l’agripe comme un refuge, et je me dis qu'on pourrait passer la prochaine heure à se payer la tronche de toutes les pucelles qui demandent de l'aide sur ces sites pseudo médicaux quand elles pensent être en cloque tous les quatre matins. Mais Ginny pète le plan. Aucune explication n'était nécessaire, il n’y avait plus rien à en dire. J’ai l'air idiot et je nourris cette réputation, mais je suis loin d'être parfaitement stupide, et même si je veux le croire, même si je lui et me ferai croire que c'est la vérité, que c'était sans raison, je le sais, le pourquoi du comment, j’ai mon idée sur la question, et même si cela implique d'avoir été utilisé cela ne me fait rien. Ce n’est pas comme si je n'avais pas l'habitude, d'utiliser et de l'être. “C’est ok, jt’assure.” dis-je avec un fin sourire. C'est passé, fini, oublié, et on ne saura même plus ce qu'il s’est passé une fois hors du fort, parce que ce qui se passe dans la cabane reste dans la cabane. Finalement… peut-être que j’y tiens. Peut-être que cette légèreté, cette complicité importe plus que je ne le pensais. Peut-être que Ginny n’est pas qu'une parmi d'autres, peut-être que je ne veux pas qu'elle le soit. Peut-être que je ne veux pas que ce soit important, tout ça, et que je force un rire et un air idiot afin que tout demeure tel quel. Je la regarde me rendre un micro de crayons de couleur, et je nous vous, tous deux fois au jeu des faux semblants, avec les mêmes mécanismes de défense, et cette même volonté de conserver cette amitié qui ne mérite pas d'être ébranlée si fort. “Pour être honnête, y’a des chances. Ce baiser était vraiment horrible, ma bouche est traumatisée, je crois que mes lèvres font une réaction allergique. Ignoble j’vous dit, on fait pas pire, pas même les bisous de grande tante Agnès qui avait le bec poilu, ça picotait, et elle sentait le cassoulet.” J’ai pas de tante Agnès. “Sérieusement, droguer l'autre on a déjà fait, c’est coché, la prochaine fois, je sais pas, essaye le formol ou le coup de la savonnette.” Et au milieu de mon exposé, un oreiller s'écrase sur ma face. Je stoppe net, bug et reboot. Lorsque enfin je réalise la nature de l'attaque et la déclaration de guerre que cela constitue, je jette un regard noir à Ginny. Sans réfléchir, j’attrape le premier projectile qui me passe sous la main, même si cela implique le sacrifice de l'aile ouest du fort. Il heurte la joue de l’autre gamine, la décoiffe, lui fait perdre l'équilibre, et quand elle atterrit sur le dos et les quatre fers en l'air comme une vache apeurée, elle lâche un de ces grands éclats de rire qui ne donne envie de continuer que pour l'entendre plus longtemps. C’est une bataille sans merci qui prend place dans le salon, sous ces couvertures qui nous tombent sur le nez. Une guerre féroce qui détruit tout le fort jusqu'à ce qu'il n’en reste plus rien et que nous soyons à nouveau là, dehors, dans le monde normal, réel. J’ai attrapé la brune par les bras afin qu'elle ne puisse plus mettre la main sur le coussin suivant, à moins qu'elle n'ait envisagé de m'étouffer la tête sous le drap. Elle se débat et nous secoue tous les deux, nous fait glisser, et finalement tomber, étalés par terre, mon bout du nez écrasé sur le sien. Et je reste là un moment, trop long, comme si mes bras ne connaissaient plus le mécanisme qui me permettrait de remettre de la distance entre nous. Je louche dans ses prunelles, l’air idiot. Inanimés pour quelques secondes, le souffle coupé, je ne sens pas non plus la respiration de Ginny sur mon visage. Dans l'attente, coincés dans tout un monde de croisement de possibilités, quinze chemins différents qui se rencontrent là. On pourrait refaire un test, pour la science. Histoire de confirmer que tout ça, là, ce n’est rien. “Tu… tu as un cil, là.” je murmure assez bas, sans souffler, afin que la virgule ne s’échappe pas. Je glisse un doigt sur la joue de Ginny pour l’attraper délicatement, beaucoup trop concentré et appliqué pour si peu, puis je lui présente, preuve que je ne dis pas toujours que des bobards. “Tu peux faire un vœu.” Elle ferme les yeux et réfléchit bien. Peut-être veut-elle uniquement qu’un donneur pour son fils tombe du ciel, qu’un camion s’écrase sur son futur ex-mari, ou un jacuzzi de champagne avec une montagne de pizzas. Personne ne peut vraiment savoir de quel côté de la balance ses pensées pencheront ; vers les préoccupations d’une mère, d’une femme, ou vers une nouvelle plaisanterie pour balayer tous ces tracas qu’elle ne demande qu’à laisser à la porte de l’atelier. Une fois qu’elle a décidé, et pensé très fort, je souffle sur le cil qui s’envole sur six pauvres centimètres, à peine assez loin pour tomber dans ses cheveux, mais le geste est cool. “Qu'est-ce c'était ?” je demande immédiatement avec un grand sourire de garnement. Même si on dit que révéler un souhait empêche sa réalisation, qu’il s’agisse d’un donneur miracle ou de pizzas gratuites à vie, il y a déjà si peu de chances que cela se réalise qu’elle peut bien faire fi des deux ou deux pour cent en sa faveur pour m’en parler. Au pire, elle a pléthore d’autres cils au bord des yeux.  

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Message(#)benny + take shelter EmptyMer 26 Juil 2017 - 13:33

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Je parle trop, il parle trop, on parle trop. Et dans cette forteresse de confidences, je préfère laisser derrière, ne plus en faire tout un plat, rebondir sur son propre déni. Ça semble si facile à balayer pour lui, si simple à ranger, que ça le sera pour moi aussi tiens, j’ai décidé. D’une fillette qui teste sa capacité à s’ouvrir un peu plus, je passe à l’adulte qui donne des alibis comme elle le peut. Parce que ce n’est pas le moment. Parce que je ne sais pas quand il viendra justement, quand ce sera parfait, quand ce sera bon, ok, correct. Quand on le saura, quand le déclic se fera. Quand on le saurait, quand le déclic se ferait. Quand on ne le saura pas, quand le déclic ne se fera pas. Parce que oui, peut-être que ça n’arrivera jamais aussi, c’est probable. Les statistiques sont là, son air ahuri, sa liste de contacts qui déborde, mon cœur brisé et mes vieilles habitudes le prouvaient bien à eux seuls. Je m’attendais à être surprise, à ne pas le voir venir, à me cogner figurativement et littéralement la tête sur un beau grand mur de béton infranchissable, si quelque chose, n'importe quoi, se concrétisait. Mais voilà, on verrait en temps et lieu. Comment on réagirait, comment on y ferait face, à deux ou séparément. En équipe, en alliés que nous étions depuis des mois maintenant. À voir. Fausses étudiantes donc, fausse soirée, fausses intentions et vraie impression que de se cacher derrière deux belles grandes blondes plantureusement inventées me fait un bien incroyable, nécessaire. Merci les filles, je vous revaudrai ça. « Typique. Ça confirme la vieille légende qui dit que dès qu’on croise le regard d’un Brody, on est pris d’une irrépressible envie de lui lancer sa culotte. » j’essaie de garder mon air sérieux le plus longtemps possible, et j’y arrive, le souffle qui se retient de lui-même aussi. « La preuve, à notre premier rencart je t’ai lancé la mienne. De chasteté. » hilarité générale, et soulagement complet. Le simple souvenir du temps d’arrêt, du vent, de l’état de ma situation à l’époque – qui n’a pas plus changé, faut le souligner – et du feu rouge que je constitue suffit à nourrir bien froidement la blague. Mais il rira, et je rirai, parce que c’est la vérité. Il s’était fait coller la pire des candidates par sa sœur à l’époque, et je pariais qu’elle tentait encore de se racheter de l’avoir lancé sur le piège de Ginny McGrath, petite brune, l’air perdu, voix hésitante. Sorry Deb, ce n’est pas comme si je ne t’avais pas prévenue que tu avais affaire à la fille la plus coincée en ville. Le voilà qui occupe le silence en validant que mes menaces de sida sont fausses, au même titre qu’une grossesse en mode Saint Esprit soit d’actualité. Je pouffe, parce que c’est totalement nous ça, et que la facilité avec laquelle on se glissait dans nos habitudes me confortait toujours autant. Comme lorsqu’une mauvaise nouvelle tombait pour Noah et qu’il le sentait bien de m’envoyer un medley de gamins recevant des ballons de foot dans la tronche, comme lorsque les nuits blanches occasionnées par toutes les révélations sorties derrière les papiers du divorce se terminaient avec lui qui faisait danser ses baguettes de bois, egg roll en guise de pieds, énième boîte de chinois qui traîne. Y’a rien qui change, comme promis, comme dû. « Et je suis pas enceinte. Je crois. » la main qui se pose sur mon ventre, je fais mine de réfléchir, d’être attentive, de voir si je ressens le moindre coup de pied fictif, comme si. Mais nah, une grossesse surprise dans une vie, ça suffisait, pas besoin de me faire le coup une nouvelle fois, je le vivais très bien. Ventre vide, m’enfin, il y restait encore quelques sushis et bouchées de cupcakes, j’étais pas trop à plaindre, c’est le moment de passer à l’interview et d’ainsi tourner l’histoire au ridicule le plus vite possible. C’était comme le vélo, c’était comme ce saut de l’ange qu’on fait tous, la première fois, quand on se bourre de confiance et qu’on va trop vite, trop loin, trop fort. On s’étale sur le bitume, on se râpe les mains, les genoux, le cœur, et on pleure un bon coup. Puis on recommence. Puis on met derrière, on réagit vite, on saute sur nos petites jambes chancelantes et on fait table rase. Benjamin ne me fait pas défaut et il en rajoute, il déglutit de dédain, il mêle sa tante, sa pilosité et son goût pour les plats en sauce à l’histoire, et je dois me faire violence pour ne pas en rire, un peu, beaucoup. Je fais quoi, si elle existe vraiment, la dame? « Tu dis ça, mais je pense que je ne me remettrai jamais du bruit de poisson que t’as fait, tu te souviens, à la fin? C’était une espèce de succion, genre… » je joins le geste à la parole en collant le revers de ma main sur ma bouche, exagérant le truc, gesticulant, gémissements jouant entre une casserole de riz trop cuit et une limace format Godzilla qui se noie. L’image est trop belle pour que je me censure et que je garde tout pour moi, il se doit de vivre l’expérience en son et en image. Et non, le GHB ne semble plus être une option, trop utilisé, trop mentionné, il veut du neuf. Ce à quoi j’hoche de la tête, creusant mes méninges, forçant un air contri qui sonne tout sauf convainquant. « Laisse-moi une heure avec un bon wifi et je te trouve au moins 55 nouveaux trucs deg pour casser la routine. Tu préfères quoi, à choisir : être attaché dans un lieu public, te faire faire pipi dessus ou un remake propre d’orgie romaine? » parce que voilà, si on allait pousser la blague jusqu’au bout, je devais connaître les ressources qui l’appelaient le plus. Ç’aurait pu sonner étrange, louche, dérangé, et tout sauf à sa place si on avait été un autre duo que le nôtre, mais voilà. C’était comme ça qu’on se parlait, qu’on interagissait, bien avant mon fameux test qui nous avait retourné pendant au moins 5 bonnes minutes. Aucun double sens ici, aucune pensée arrêtée, aucune autre intention. Assez, que je conclus le tout d’un oreiller dans sa gueule d’ange – et un autre, puis un autre. L'attaque de coussins qui prend des proportions de 3e guerre mondiale, alors que les cris se mélangent et que les menaces se font à coup de duvet, de plumes, et de taies de Star Wars. Je ne donne pas cher de notre cabane lorsque j’ai le dessus et qu’il supplie, mains en l’air, que je l’épargne parce qu’il est plus vieux et que donc, ses réflexes sont moins bons. Je parie que les draps vont nous avaler alors que c’est Ben qui s’approche de la victoire, traître, chatouillant le dessous de mes pieds en additionnant le geste du rire le plus terrifiant et machiavélique qu’il m’ait été donné d’entendre de toute ma vie. Et je constate l’étendue de nos dégâts lorsque, à égalité, nos deux silhouettes se font face, bien grandes bien debout, à la manière d’un vieux far west. J’agite nerveusement la jambe, il ressert sa poigne sur son arme, et maintenant sur mes bras, alors que dans un geste j’ai bêtement cru pouvoir attraper un nouvel oreiller pour lui asséner le coup final. Défaite complète et écrasement fatal, je m’effondre sous son poids au sol, et il me garde là, plaquée, immobile, les doigts comme des serres sur la proie que représentent mes pauvres biceps en manque d’épinard. Là, par contre, c’est étrange. Étrange parce que j’ai envie de rire, parce que j’ai envie de le faire rire, parce que j’ai envie que tout s’arrête, et parce que j’ai envie que tout se poursuive. Si j’étais nettement plus à l’aise de déconner sur ses kinks secrets et tous plus grivois les uns que les autres, la pression de Ben sur mon corps encore un brin essoufflé par la bataille d’avant me rend plus que mal à l’aise. C’est trop familier, c’est trop rapide, c’est trop tout, et c’est probablement ce qui me coupe le souffle, ce qui me garde de parler, d’émettre le moindre son, d’avoir la moindre réaction. Il est là, il est si proche, plus encore que je veux le concevoir, et il s’évertue à attraper un cil qui gît, là, ironie du sort, un souhait qui me pend au bout du nez. J’ai les deux yeux fermés, un peu pour trouver un vœu, n’importe quoi, un truc facile, qui m’occupera l’esprit ailleurs, qui me gardera de trop analyser, de trop penser, de trop me casser, aussi. Me décevoir. Parce que ça ne peut pas être comme ça. Parce que ça n’a rien d’une comédie romantique où tout porte à croire que c’est là, le montage mignon, la playlist d’Hall and Oates, le début de quelque chose. On l’a décidé, précédemment. On l'a refusé. On l’a réglé, conclu, rangé. Il ne parle pas, il veut savoir, il est toujours là, de ses rotules qui meurtrissent mes cuisses à ses coudes qui enserrent ma taille. J’ouvre un œil lentement, puis un autre. Jouer, jouer, faire n’importe quoi, mais jouer. Toujours. « Je te dirai pas ce que j’ai souhaité, c’est pas drôle sinon. » et ça enclencherait direct I can’t go for that sur le jukebox. Je peux pas. « Devine à la place. » mieux. L’occuper à sortir les pires âneries qui peuvent lui venir en tête, à brainstormer des horreurs qui nous feront rire aux larmes, à virer le sérieux de la chose direct aux oubliettes. Mais il est mutin, il est silencieux, il ne dit rien, et je commence à paniquer un brin. Je compte les fractions de secondes, à soutenir son regard avec un peu trop d’espoir, à le supplier si fort intérieurement que j’ai peur que les mots finissent par franchir mes lèvres trop vite, trop mal. « Ok, je t’aide. Dis ce qui est vrai ou faux. » j’abrège ses souffrances – surtout les miennes – avec mon propre cocktail de possibilités. Tout y passe. « Que tu perdes au moins 10 kilos, parce que c’est pas normal d’être aussi lourd en vrai. » pense vite, Ginny. « Que Noah devienne un super-héros invincible avec des tas de pouvoirs cool comme grimper sur les murs et faire bouillir de l’eau par la pensée. » je poursuis. « Que Katerina et Sonia goûtent pas le cassoulet et qu’elles aient épilé leurs moustaches. » encore. « Qu’Adam arrive à conclure avec la babysitter. » un autre? « Que le fort se reconstruise de lui-même parce que j’ai la flemme. » et que je ne veux pas que la soirée finisse sous prétexte qu’on a abusé du pillow fight. « Ou bien que tu arrêtes tes conneries… » je le défi du regard, étirant mon bras maintenant libre sur le côté, là où j’ai repéré l’objet de mon désir, meilleure distraction du monde, qui sied un peu plus loin à travers les vestiges de notre abri « ... et que tu me donnes tous les droits sur ton dessin pour financer ma retraite au soleil. » mes doigts attrapent le croquis plus vite qu’il ne peut réagir, et je laisse mon rire de la victoire ultime transpercer ses tympans encore trop proches. « À moi tout le pouvoir, je gagne! » de mon air de conquérante, il passe maintenant à ses gribouillis alors que je glisse le dessin sur mon visage, barrière, barricade d’arc-en-ciel, de licornes et de Mortal Kombat. « Là, c’est toi qui doit négocier. » le dessin lui parle à travers mes mots, feuille protectrice qui me sert de planque de fortune. « Et essaie pas de me faire du charme, ça passe pas. Je suis immunisée à tes baisers, on l’a statué. La preuve. » et une minute qui s’envole plus tard, mes lèvres sont passées de chastes, masquées, braquées derrière l’esquisse, à pressées de nouveau, stoïques, sur les siennes. Comme si je voulais me prouver, lui prouver, nous prouver quelque chose de perdu d’avance. Interdite, sous le choc,  le papier un brin chiffonné redevient ma cachette plus vite encore qu'il n'aurait dû. Avec un peu de chance, il mettra en gage une vidéo de lui-même au bal de promo en position gênante, and we’ll call it a night. « Trouve mieux. »

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Message(#)benny + take shelter EmptyJeu 3 Aoû 2017 - 12:33

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Depuis quand tu es plus cheesy qu'un BigMac, Ben ? Voilà que je ne me reconnais pas, toujours habillé, elle aussi, toujours sages, toujours en train de rire, et persistant à faire comme si l'éléphant dans la pièce n’existe pas. Ça n’existe pas si on décide de ne pas en parler, de détourner le regard. Nous pouvons décréter que c'était une erreur de jeunesse, après tout Ginny et moi sommes experts en la matière, du temps où nous avons eu six ans à nouveau dans une cabane en couvertures. Comme un flirt de colonie de vacances, comme quand j'étais un ado conquérant et j'allais me glisser dans la tente de Daisy Higginson au camping pour jouer à touche-pipi avant de me prendre une gifle parce que décidément les garçons pensent qu'à ça. Juste une erreur, et un futur souvenir qui nous fera bien rire dans quelques années, quand elle aura adopté six chats pour remplacer son mari et que je sortirai toujours avec des chicas de vingt-six ans en ayant quarante-huit ans. Il suffit de nous voir, non ? Comment deux grandes personnes, papa, maman, qui se lancent dans une terrible bataille d'oreillers, comment peuvent-ils être sérieux lorsqu'ils échangent un baiser, un bisou, dans la sécurité d'un fort en coton ? Cela n’a pas de sens et cela n’a pas besoin d'en avoir. Après tout ça, Ginny restera Ginny, et je resterai… moi. Malgré tout je suis à l'aise avec elle, confortable. Et je ne sais pas si c'est une si bonne chose que ça pour mon tableau de chasse. Revenir en arrière et être le Ben qu'on veut, qu'on peut avoir dans son lit facilement, trop facilement, et qui n’est pas tout à fait tout ce que je ferais ou dirais si je m'écoutais, si j'étais spontané. Ce que je suis avec Ginny. Complètement, tout le temps, sans interruption, sans avoir à réfléchir, sans me poser de questions. Le Ben incapable de regarder dans les yeux s'il y a un décolleté sous son nez n’a pas sa place à ses côtés. D'abord parce qu'elle ne met jamais de décolletés, duh. Parce que ça ne collerait pas avec Ginny surtout, avec ce qu'elle m’inspire, avec ce qu'elle me permet d'être. Et c'est une drôle de sensation, c'est comme lorsque le train de la mine est arrivé à quai à Disney et que mon estomac pétillait d'impatience, d'excitation et d'un peu d'appréhension qui ne s'explique pas. C’est comme monter à bord, savoir ce qui vous attend, mais sans en être complètement sûr, prêt à être surpris, secoué, craignant d'être déçu ; pourtant on lâche la rambarde et on y va sans les mains, la face dans le vent et le coeur collé au fond de la poitrine. Le fort en couvertures n’est qu'une forme concrète de comment je me sens avec elle, et comment j'aimerais qu'elle se sente avec moi. D'une certaine façon, ce refuge n’a pas besoin d'être bâti, il est un peu partout. Il n’est pas usuel de ma part de penser d'une manière aussi… disons, un peu moins égoïste que d'habitude. Mais rien n’est habituel avec elle et cela a été statué dès le départ. Me voilà tout naïf, adonné à pires enfantillages que ceux auxquels je suis abonné, que j'encourage. Toujours un peu gamin, et un peu -très beau parleur. Le regard planté droit dans celui de la jeune femme, malgré son visage, sa bouche, son corps près du mien, malgré la situation bizarre. “Ce n’est pas drôle non plus.” je boude alors que Ginny refuse de me dévoiler le souhait qu'elle a confié au cil qui a disparu du bout de mon doigt dans un souffle. Je ne mets aucune bonne volonté dans ma recherche de l’objet de son désir, assez persuadé qu'il s'agit moi -quoi d'autre franchement ?- mais préférant garder cette once de narcissisme pour moi cette fois. Je suis plus enclin à participer au jeu qu'elle propose pour que je découvre le souhait en question. « Que tu perdes au moins 10 kilos, parce que c’est pas normal d’être aussi lourd en vrai. » Je pouffe de rire. “Faux.” Je n'ai rien d'un malabar et honnêtement, si je perdrais du poids je me resumerais à de la peau sur des os. Ma carte d'abonnement à la salle de sport traîne quelque part sur mon bureau, abandonnée, inutilisée depuis le jour de son acquisition. « Que Noah devienne un super-héros invincible avec des tas de pouvoirs cool comme grimper sur les murs et faire bouillir de l’eau par la pensée. » Je plisse les yeux, y réfléchit vite. “Pas faux.” Cela implique la guérison de son garçon et je ne doute pas que cela soit à égalité avec moi au sommet de la liste de ses désirs. « Que Katerina et Sonia goûtent pas le cassoulet et qu’elles aient épilé leurs moustaches. » Un sourcil s'arque. “Faux, tu jubilerais bien trop du récit de la soirée que je te ferai ensuite.” Le caractère totalement fictif de ces demoiselles complètement mis à part bien sûr. « Qu’Adam arrive à conclure avec la babysitter. » Mes lèvres se pincent. “À ce sujet… j'ai menti, il est seul à l’appart. Tout ce qu'il risque de choper c'est une crise de foie en se jetant sur les bonbecs.” Je ne pouvais pas déranger -et payer- une baby-sitter juste pour une poignée d'heures, caprice de ma part, d'enfant agacé par l'ennui. Le dire rend soudainement le moment encore plus éphémère qu'il ne l’est déjà, mettant en lumière mon inévitable départ de l'atelier, la fin des jeux et des rires jusqu'à la prochaine sonnerie de la cour de récréation. « Que le fort se reconstruise de lui-même parce que j’ai la flemme. » “Complètement vrai.” « Ou bien que tu arrêtes tes conneries… » Oulà. Les yeux écarquillés, je la regarde soudainement tendre le bras et j’observe ses doigts s'agiter dans une couverture pour attraper entre le majeur et l'index le papier de mon dessin, mon chef d'oeuvre qu'elle seule comprend et sait apprécier à sa juste valeur. Mes batonnets ridicules et difformes se dressent entre son visage et le mien. Avant que je ne puisse le réaliser, elle réapparait furtivement, colle ses lèvres aux miennes trop rapidement, vole, arrache ce baiser et le sursaut de mon cœur qui va avec, et retourne se planquer là où elle ne peut pas voir mes joues roses de surprise. Immunisée, bien sûr. Je souris en coin, silencieux un moment, écoutant sa respiration de l'autre côté du papier comme si cela peut me dévoiler ce à quoi elle pense réellement. “La condition c’est d’avoir une statue géante du Brody dans ton jardin, tout un étage de la villa pour moi, un autre pour Adam, une piscine à vagues, un poney teint en vert, un tigre, et, évidemment, un bouton à côté du lit qui me permette de faire appeler une call girl à toute heure du jour ou de la nuit.” Qu'elle n'oublie qui je suis, comment je suis, avant que l'idée de m'embrasser ne l'effleure à nouveau, goût furtif de liberté alors que les papiers de son divorce ne sont pas encore signés. “Et tu dois toujours me montrer la vidéo de ton double maléfique qui danse sur les tables, en gage de bonne volonté. Je t'enverrai un strip tease en combi carapuce sur Lean On pour montrer ma bonne foi. ” Avec un twerk si elle est sage et qu'elle demande gentiment. “Si tu promets juré craché que j'aurai tout ça, alors il est à toi. Et peut-être même que je te le dédicacerai.” Peut-être que cela vaudra une fortune un jour, demain, dans dix ans, dans dix siècles. Parce qu'il était temps, je me redresse et m'assois par terre au milieu de notre beau désastre, les ruines de notre château, notre Empire d'oreillers encore fumant des suites d'une féroce bataille. Je retrouve un cupcake par là, qui doit sûrement s'estimer heureux de ne pas avoir terminé écrasé s et d'autant plus honoré de terminer dans mon estomac tandis que je mords goulument dedans. “On devrait s'en faire un tatouage commun, je reprends sans attendre d'avoir la bouche vide, quelques miettes sur le coin des lèvres. Tu te fais moi et Adam sur le bras, bien thug, et je fais toi et Noah sur le poney.” Cela ne m'apparaît même pas comme une idée aussi fantaisiste et ridicule que ça, même à haute voix. À réfléchir. A vrai dire si j'étais un type normal je réfléchirais a pas mal de choses à propos de ma vie, d’Adam, Loan, Ginny, ce soir. Ce n'est pas le cas et je ne m'en porte pas plus mal. “Ecoute…” je souffle, l’air soucieux, les yeux qui fixent les pieds. “Je sais que c'est un peu précipité, et je ne veux pas que tu répondes sur un coup de tête, tu peux y réfléchir, prendre tout le temps que tu veux… Même si un refus implique la fin de tout et que je ne voudrai plus jamais te voir et que j’exigerai mon sushi prémâché de retour.” Je me mets face à elle, et pour faire les choses bien, je mets même le genou à terre. Chose que je ne ferai sûrement qu'une seule fois dans ma vie, c'est-à-dire maintenant. Je prends une des mains de la brunette dans les miennes, et toujours mon regard parvint à capturer le sien avec trop de sérieux. Trop pour l'être réellement. “Ginny McGrath, acceptes-tu l'honneur d’avoir le Brody dans la peau, littéralement ?”

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Message(#)benny + take shelter EmptyJeu 3 Aoû 2017 - 17:18

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Benny

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Autant de souhaits inventés que d’idées farfelues, autant d’excuses pour chasser au plus loin ce qui veut remonter, ce que je ne veux pas savoir. Pas lorsque tout trouve sa place, pas lorsque c’est simple. Quand il quittera l’atelier, quand le silence emplira la pièce à nouveau, quand ce sera moi et rien que moi, j’aviserai. Ou peut-être pas. Prolonger le déni me semblait trop alléchant et justement, c’était ce dont j’avais besoin. La pression de son corps contre le mien n’a rien de déplacée maintenant que j’y suis accoutumée, et que la conversation se poursuit le plus naturellement du monde. Il relance même chacune de mes idées comme si c’était normal qu’il soit là, allongé, comme si on s’y habituait, comme si on s’habituait à tout. Le malaise avait fini par passer, non? On avait retrouvé contenance, chassé le rouge de nos joues, on était passés à une nouvelle étape, complètement changé de disque, de chapitre. Il y avait une raison, une explication même, mais je ne voulais pas l’approfondir, pas la connaître. La faute à ses remarques déplacées qu’il maîtrise, la faute à ma capacité plus qu’inquiétante de perdre toute barrière, toute inhibition lorsqu’il était dans les parages. Il ne m’en donnait pas envie, de jouer à l’adulte. Il vendait la connerie à la perfection, il prônait le lâcher prise comme personne, et ça m’allait, ça remettait les choses en place, ça allégeait surtout. Ça, et je me sentais à l’aise. Pas jugée, pas pressée, pas bloquée. Étrange impression, vrai ressenti. Si le jeu des devinettes nous amène à être encore un peu plus complices, à rigoler comme les deux enfants que nous étions sur mille et unes possibilités toutes plus saugrenues les unes les autres, sur n’importe quoi, sur ce qu’on faisait de mieux, c’est-à-dire raconter tout ce qui nous passait par la tête, j’y apprends quand même quelques éléments nouveaux. À savoir qu’il est à l’aise avec son poids  –  que je ne juge pas au contraire, mais qui est étonnamment suffoquant pour la taille qu'il aborde justement. Qu’il rêve lui aussi de voir mon fils devenir le super-héros qu’il a le potentiel d’être – et d’ainsi dégommer le crime à grand coup d’escalade et de thé bien brûlant. Qu’il est au courant pour ma nouvelle passion grandissante de potiner sur sa vie amoureuse, ou du moins, charnelle – et qu’il s’avère particulièrement avare, malgré la situation inventée des deux demoiselles. Qu’il a laissé son gamin seul à la maison – et qu’un froncement de sourcils ne m’aidera pas plus à lui filer pour la peine ne serait-ce qu’un coup de culpabilité bien placé. Qu’il est aussi paresseux que moi – et que la forteresse risque de rester un souvenir lointain, étalé sur l’entièreté du plancher de l’atelier à nous voir échanger un duel de regard d’où le perdant finira par tout ranger… je perdais toujours à ce genre de jeu, quoi. « C’est bien, mais t’as toujours pas trouvé. » il a bien beau résonner à tout ce que je dis, il n’a toutefois pas élucidé le mystère principal. Ni même moi, mais ça, Ben n’a pas du tout besoin de le savoir, et ça tombe bien, je n’ai pas du tout l’intention d’aller plus loin, ni plus vite, ni d’y aller, pour être honnête. Mes iris attrapent son dessin au vol comme mon salut, et tout un stratagème de gamine se met en place pour que j’arrive à le subtiliser au moment où il s’y attend le moins et à m’en servir d’otage, de bouclier… et de cachette. Ouais, il a fallu que je la joue un peu trop démonstrative, que j’ai envie de prouver un truc, que par je ne sais quelle impulsion je me retrouve de nouveau là, proximité, lèvres contre lèvres, à peine plus longtemps, à peine marquant. Encore une fois, rien ici qui puisse lui changer de ses propres expériences, qui puisse lui dévoiler quoi que ce soit, sur moi, et encore moins sur ce nous si approximatif que je ne cernais même plus. Gamine, fillette prise sur le fait, qui s’est bourré d’une confiance qu’elle ne se connaissait même pas, je me dérobe volontairement le temps qu’il prenne position sur l’échange que je lui propose, et qu’il en remette. Il négociait dur Ben, et malgré ma maigre tentative d’accéder au pouvoir, de le prendre au dépourvu, rien ne fonctionne. Même dans un énième délire d’accéder à la gloire et à l’opulence, il impose sa présence, celle d’Adam, et d’une ribambelle d’animaux et d'autres attractions qui m’arrachent un nouvel éclat de rire. Malgré tout, je voyais bien le tableau, et j’osais même en rajouter. J’avais les moyens dirons-nous, la famille que je m’imaginais hypothétiquement soudoyer pour qu’elle finance le tout en espérant qu’un jour je les pardonne. Même dans cette réalité-là, j’avais l’impression que ça n’avait absolument aucune chance de se produire. « Ouais, ouais, t’auras tout ça, facile. Avec l’argent que je ferai sur le marché noir, je pourrai m’en acheter 10 des palaces comme ça, et 4 îles désertes à côté. » dans ma vision du plan, j’allais le rouler, parce que si j’arrivais à l’avoir dédicacée de la patte du grand et impressionnant artiste qu’il s’imaginait être, la fortune qu’il visait n’était que de la monnaie face au profit que de faux malfrats feraient sur la vente du dessin. Quand je vous disais qu’il ne nous en fallait pas beaucoup pour abuser… bah voilà. « On en aura chacun une, une île déserte. Adam, Noah, toi et moi. Comme ça, quand on arrivera plus à se supporter, on partira chacun de notre côté. » ça arriverait. Même dans cette autre réalité, même dans cet énième divagation, je sentais que son amour des statues à son effigie ne me laisserait pas insensible bien longtemps. « Mon île sera couleur arc-en-ciel, celle de Noah abritera une colonie de licornes, Adam aura des arbres dans lesquels poussent des tas de bonbons et toi… toi tu auras accès au plus grand des miroirs pour t’y admirer à longueur de journée. Oh! Et t'auras un tunnel vers la résidence des vahinés de service, of course. » c’était étrange, non? D’avoir ressenti ça plus tôt, et de maintenant le catapulter au beau milieu d’une île paradisiaque inventée de toute pièce où il serait dorloté par des tonnes de filles parfaitement bronzées? Nope, pas vraiment. Du moins, pas assez pour que je le remarque. La blague était bonne, et surtout, je le connaissais de plus en plus. Il était ainsi fait, et cela ne changerait sûrement pas après quelques baisers futiles que la plus pitoyable de ses amies avaient cru bon tester sur sa bouche tout sauf pudique. En échange, voilà qu’il n’a pas oublié ma maintenant célèbre vidéo dansante, et qu’il ajoute la sienne au top de la pile. J’hoche semi-sérieusement de la tête, repassant les divers points de l’entente, avant qu’il ne s’éloigne, me donnant maintenant toute la latitude possible pour me relever, muette réflexion. Décidée, je crache innocemment dans ma main en signe ultime de promesse, avant de la lui tendre, le regard moqueur, la bouche encore un peu baveuse. Lui, ses miettes et ce cupcake qui roule en travers de sa bouche n’est pas mieux, et l’accord trouvera sa conclusion d’une poignée de main poisseuse qui m’inspire ces échanges illégaux de réglisse derrière l’école entre la classe de gym et celle d’anglais. Pacte pris, il regrette déjà de devoir se départir du fameux dessin, l’imaginant tatoué sur mon bras et sur le sien, comme souvenir à l’encre indélébile de whatever it means. Ben est trop sérieux pour que je doute, autant qu’il a l’air trop impliqué pour que je le crois, mais j’ai envie. J’ai envie d’être la Ginny badass un brin, d’être celle qui agit et qui regrette ensuite. Je l’avais bien prouvé, deux fois plutôt qu’une déjà, et s’il n’avait pas tout donné en captant mon regard, en se dressant pour finir par mettre le genou à terre, je n’aurais même pas considéré la proposition plus de 5 minutes, mais, mais… « Oui je le veux. » je retiens un rire puis un autre, poursuivant ma propre part du marché. « À condition que toi, Benjamin Brody, tu acceptes d’avoir la McGrath encrée bien profondément, techniquement parlant. » ma main reste dans la sienne et j’improvise une révérence, ne laissant même pas les bribes de ce moment qu’on parodie, de cet instant où, 6 ans plus tôt, tout avait basculé, alliance au doigt and shit. Non, là, c’est la blague qui compte, qui jure, qui fait du bien. « Bon, en soit je t’aurais proposé la solidarité en me tatouant le même chat que celui sur ton mollet parce qu’à force, je le trouve presque artsy ironique, mais… » le croquis me dévisage au sol, et l’air idiot que Ben y arbore, celui malin d’Adam qui a réussi à dompter la bête, tout ça, c’est drôle, c’est doux, c’est bien con, et ça me suffit. Tout ça, comme ça. « Par contre, ça serait plus cool s’il était sur mon biceps, ou au creux du coude, là? » la question qui tue, alors que je me retrouve bien vite à ses côtés, au sol, scrutant ma peau, tournant mon épaule dans tous les sens pour voir le meilleur angle. Je vous mentirais si je disais qu’une fois qu’il a eu le dos tourné, je n’ai pas eu envie de sortir mes crayons pour retravailler un peu l’ombrage dans le coin tout en haut, pour effacer cette fausse moustache dont il m’a couronnée, pour clarifier le mono-sourcil qu’il arborait fièrement, et qui se retrouverait sur l'angle de mon poignet le jour où on oserait. Et je savais, que ça viendrait. On était assez cons pour. Mais non, pas touche. Je laisse intact, je laisse à vif, je laisse comme tel, parce que c’est comme ça que ça doit être, raw, intouchable. Le reste de la soirée l’est aussi, inatteignable. Malgré l'ancienne forteresse qu’on n'habite plus, sur laquelle on s’est installés sans la moindre intention de dépenser l’énergie qui nous reste ailleurs que sur les plans de notre future demeure à Bali ou ceux des îles désertes où il tient mordicus à faire amener les restes du navire de Jack Sparrow, peu importe les coûts même si je lui dis qu’ils sont bien là à Disney, qu’on retournera les voir s’il est sage et qu’il continue de manger tous ses légumes. Il y aura aussi quelques rondes d’action et vérité qu’on arrivera à ajouter au planning déjà chargé, où je lui prouve que je suis bel et bien capable de tenir 5 minutes sur la tête. Et Benjamin joue à l’adulte même, le vrai, lorsque minuit passé sonne le glas, et qu’il ramasse le coussin de l’étoile noire en même temps que sa veste, son casque, ses baskets. Je le fusille du regard, il le dépose doucement, au ralenti au sol, lève les mains en guise d’excuse et reste là. Il reste là et je fais pareil, petit malaise presque, dans l’embrasure de la porte, deux genre de potes qui ne savent trop quand ils se reverront, qu’on se doute que ça viendra, mais qu’avant ça, y’aura cette phase où on se demandera, où je me demanderai si on peut rester comme ça, juste comme ça, et rien de plus. Ce moment où y’avait que la complicité qui comptait, où on était cachés, confortables, sans la moindre crainte d’être dérangés, bousculés. S’en suit de la poignée de main la plus malaisante de l’univers, d’un genre de câlin où je reçois son épaule dans l’œil et d’un baiser, je crois, sur le haut de mon crâne. Ou alors j’y avais oublié des miettes de cupcake? « Merci, pour ce soir. » qu’il entendra, alors que j’ouvre finalement la porte, et qu’il s’engouffre dans le couloir, de reculons. « Et t’inquiètes pas, plus d’attaque surprise, promis. C’est teeeeeeeeeeellement immature. » que je le rassure, que je me rassure aussi. Si on disait jamais deux sans trois, le troisième serait pas au beau milieu d’une cachette d’enfants. Nah, ça serait pour vrai, ou pas du tout. Et pour le moment, j’ignorais même si ça serait, tout court.      

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Dernière édition par Ginny McGrath le Mar 8 Aoû 2017 - 9:51, édité 2 fois
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Message(#)benny + take shelter EmptyJeu 3 Aoû 2017 - 20:07

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Des jeux, toujours des jeux. Des échappatoires aux simples rigolades, ils rendent le monde plus coloré et moins compliqué. On ne peut pas être un pirate à l'abordage et se demander si on a mis assez de côté pour les impôts en même temps. On ne peut pas se transformer momentanément en futur artiste au succès planétaire, riche et cupide, beau et narcissique, tout en se prenant la tête sur des détails comme deux pauvres baisers et un fils seul depuis déjà deux heures. Enfin, pour ma part, mon cerveau n’est capable de faire qu'une seule de ces choses à la fois, appelez-moi homme. Et entre nous je préfère largement me projeter dans mon futur yacht à Ibiza ou dans une villa en bord de mer sur une île privée plutôt que de songer au boulot, au job de père pour lequel je crains, celui d'ami qui n'est pas si simple que ça, et tous les autres facteurs de la vie d'adulte que je n’ai jamais demandée -comme qui que ce soit d'autre. “Je savais que j'aurais dû demander plus.” je grogne, boudeur et voyant bien que dans ce monde imaginaire où mes gribouillages sont synonymes de talent et où Ginny deviendrait mon agent qui ne pense qu'au cash et aux moyens d'arriver à ses gains, elle réussit à m’entuber comme un bleu. Alors si ce dessin valait quoi que ce soit d'autre que des moqueries gratuites, elle empochait les milles et les cents en me donnant le strict minimum de ce que je réclame. Il n’y a que sa bonté naturelle et peut-être l'envie de se faire mousser qui la pousse à finalement nous céder une île chacun, à Adam et moi qui venons squatter l'équation déjà fort complexe de sa famille à deux inconnues. Mais ça n'est pas le sujet non, ce n'est pas le moment d'y songer, pas même quand je mets le genou à terre pour lui proposer un tatouage en commun aussi ridicule que laid, ce qui est à sa façon une forme d'engagement à ne pas prendre à la légère -mais nous ne ferons quand même car c'est ainsi que les choses sont plus drôles. “Et j'accepte bien volontiers de te faire cet honneur.” je réponds en inversant la poigne qui lie nos mains afin que la mienne se retrouve au dessus, dans l'attente d'un humble baiser de sa part sur le dos de la patte du pacha. Affaire à suivre donc, deal conclu, dans ce monde qui flirte avec les limites de l'imaginaire en tout cas. “Je pensais à l'avant bras, comme ça. Et pour moi, sur les côtes, ici, histoire d'avoir de la place pour le poney.” Quitte à le faire, ou songer à le faire, autant que ce soit jusqu'au bout bien pensé, abouti, et franchement je me vois si parfaitement arborer une stupidité de ce genre sur le corps à vie que j'ai l'impression d'être sur le point d'appeler le premier salon de tatouage que me proposera Google maps pour réserver un créneau pour le lendemain. Nous sommes demain quand je mets un pied hors de l'atelier. Minuit et des poussières, cela fait bien trop longtemps que je suis là, et je n'ai aucune envie de partir. La pyjama party peut durer éternellement avec moi, je ne suis jamais lassé, jamais rassasié. Il y a encore tant à faire. Préparer des pancakes à une heure du matin, lancer un Marathon Saw à deux heures, s'endormir à trois heures, se réveiller avec des moustaches au marqueur quand le soleil sera trop haut dans le ciel. Je reste planté là comme un petit garçon, regardant parfois mes pieds, parfois les siens. Ce n'est pourtant pas difficile de dire au revoir, à la prochaine, et d'envoyer un SMS à la seconde où la porte se ferme. Le silence est bizarre, ponctué de gloussements nerveux. Je ne pensais plus aux baisers, ou presque, ou pas, et Ginny les mentionne à demi-mot à nouveau, réveillant leur fantôme sur mes lèvres. “Ouais, j'espère bien. Je te juge teeeeellement là tout de suite.” Bras croisés, petit déhanché, la bouche en cœur et le sourcil bien rond, je la toise et lui présente cette expression exagérée si parfaite ; “Regarde, c'est mon visage jugeant.” Parce que je suis tellement bien placé pour juger qui que ce soit n'est-ce pas. Le sale gosse parti à l'autre bout du monde, papa surprise incapable de s'occuper de lui-même, toujours commis d'office à trente ans passés, incapable de se pauser, encore fan de jeux vidéos ; absolument tout pour plaire. Et pourtant, la longue liste de qualités discutables ou carrément fantaisistes n’est pas un problème avec Ginny. Voilà peut-être la raison qui me retient ici. “Tu me surprendras toujours, Ginny McGrath.” je soupire avec un fin sourire. Car rien n’est pareil, rien ne ressemble à ce que je connais, rien que ressente, rien que je ne pense. Je me retrouve pour la deuxième de fois de ma journée devant cette porte, et je sors différent de qui j'étais en entrant, même si elle ne le voit pas, ne le sait pas. Je m'éloigne d'un pas. Un pas en arrière à vrai dire, et c'est en refusant catégoriquement de tourner le dos que je longe le couloir, un pied après l'autre, derrière l'autre tandis que je débite à toute allure, fort de mon accent de bouffeur de trèfles ; “Hey, on devrait faire un tour en bécane un de ces jours. Tu sais, juste faire le tour du quartier, frimer dans le coin, pas de roue arrière pour voir si t’es bien accrochée promis. Si t’as pas de casque, achète en un. Je trouve ça futile mais Adam n'est pas du même avis, et le sien sera trop petit pour ta grosse tête vide. Il est super rabat joie ce gosse, il tient de sa mère je pense.” Je pourrais continuer ainsi des heures et gratter autant que possible la moindre seconde de temps de Ginny jusqu'à épuisement de mon stock de salive, ce qui arrivera pas. Alors elle ferme la porte petit à petit, comme pour le faire comprendre qu'il est l'heure, c'est fini. Je souris à nouveau, résigné cette fois. “À plus…” la porte se ferme sur la seconde partie d'une vanne de légende, me laissant tout pensais avec ma rime qui tombe à plat. “...dans l’bus.” Déçu, je soupire. Il est tard, Ben. Rentre chez toi. Gants aux mains et casque sur la tête, je file à travers Logan City, tout le long jusqu'à retrouver mon quartier, mon immeuble, mon appartement. À mon arrivée, la lumière est toujours allumée, discrète mais présente, juste une lampe sur le bureau dont Adam n’a pas bougé d'un pouce de toute la soirée visiblement. Il est toujours là, dos voûté sur sa chaise, cliquant frénétiquement sur la souris pour démonter du spartiate. “Tu dors pas ?” je lance en approchant doucement afin que mes pieds ne fassent pas grincer le parquet au milieu du silence de la nuit, car il s'agit du son le plus avançant du monde. “J’attendais que tu rentres en un morceau.” Trop grand pour son âge, colle toujours. “Eh bien je suis là maintenant, va dormir.” Sagement et sans discuter, comportement carrément décalé par rapport à l'éducation qu'on lui imagine avoir eu de ma part, l'irresponsable qui ne sait pas prononcer un s'il te plaît, Adam éteint l'ordinateur, enfilé un pyjama, se brosse les dents, et revient dans le salon pour s'asseoir à côté de moi dans le canapé, la moue sérieuse alors que je tente de me concentrer sur mon épisode de Big Bang Theory. “Papa, est-ce que je peux te poser une question ?” Quoi encore ? “Qu'importe ce que c'est la réponse est Batman.” La réponse est toujours Batman. Adam ne se laisse pas perturber par l'humour ras du sol auquel il est habitué. Et il lâche sa bombe, innocent, naïf, un peu triste -très triste mais qui n’en laisse jamais rien transparaître, parce que c'est bien lui, l'homme de la maison, bien trop souvent ; “Est-ce que je reverrai maman un jour ?” Court-circuit, je me fige, je bug, je reboot. Je n’ai pas de réponse à cette question, pas même pour moi, aucune vérité à donner, et pas même un rêve à lui proposer, une hypothèse, rien. “...je ne sais pas.” je réponds alors, grave, désolé, attristé moi aussi. Car il n’y a sûrement rien de pire que de dire à son gosse qu'on ne sait pas. Qu'on est impuissant. Nous les héros, nous les adultes. Mais nous sommes imparfaits, et parfois… parfois un haussement d'épaules résume tout. “Et est-ce que tu vas épouser Ginny ? Elle ferait une bonne nouvelle maman.” qu'il ajoute naïvement, sans savoir qu'il peut mettre les pieds dans le plat, qu'il peut être maladroit, et qu'il lui reste encore beaucoup à apprendre sur son père avant de comprendre pourquoi il sourit, pourquoi il glousse comme un idiot en le regardant avec tendresse. Je lui fais signe d'approcher, et lorsque je le prends dans mes bras, je décoiffe sa tignasse en le serrant contre moi. “Tu vas devoir te contenter de moi pour le moment mon grand. Maintenant va te coucher.” Adam m’embrasse sur la joue, puis il traîne ses petits pieds dans ses pantoufles Minions jusqu'à sa chambre. La porte de sa chambre se ferme, la petite loupiote de la veilleuse se devine par dessous. À la télé, c'est le moment où Sheldon et les gars sont perdus dans le désert dans leurs cosplays Star Trek. Un bon rire, et le monde tourne à nouveau, car il n’est rien qu'un rire ne puisse guérir ou solutionner.

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