Assise sur ton canapé, la jambe allongée, tu venais juste de raccrocher le téléphone et tout ce que tu trouvas à dire fut : « Fuck ! » C’était Elisabeth qui venait de t’appeler pour t’annoncer une nouvelle que tu pressentais depuis longtemps mais que personne ne voulait envisager. Daniel était à Brisbane … Le mari d’Elisabeth avait fini par pointer le bout de son nez et si la jolie blonde avait suivi tes conseils et c’était occupée de toutes les formalités plus tôt, elle serait sans doute moins embarrassée aujourd’hui. Mais la réalité était qu’Elisabeth n’avait pas été capable de faire un choix, de se décider sur ce mariage que tu ne voyais que couler. Même si c’était une personne qui défendait vraiment l’institution, il fallait se rendre à l’évidence, il y a des blessures qui sont difficiles à refermer et mettre sa femme et son enfant dehors parce que cet enfant se trouve ne pas être le sien, c’est le genre de blessure compliquée à pardonner à tes yeux. Mais tu n’étais pas dans les chaussures d’Elisabeth et tu avais déjà vu bien pire. Ton amie avait pris rendez-vous avec toi, enfin. Depuis le temps que tu essayais de la pousser à le faire. Comme tu allais peu au cabinet en ce moment travaillant de chez toi et n’y allant que pour des journées de rendez-vous, tu avais convié ton amie chez toi, ce sera certainement le mieux pour la situation actuelle. Mais alors que tu feuilletais le dossier que tu avais dressé pour ton amie suite à ses premières consultations, le sujet de votre dernière rencontre se rappela à toi. Gauthier … Gauthier qui était le père de son enfant et qui aujourd’hui le savait. Tu avais reçu un autre coup de téléphone d’Elisabeth te disant qu’elle avait sauté le pas. Comme tu le lui avais promis, la nouvelle n’était pas venue de toi, tu avais évité Gauthier plutôt que de lâcher la bombe. Tu avais voulu aller lui rendre visite après ça mais tu avais dû gérer ton grand frère et puis le cabinet et tu n’avais pas eu le temps. Mais le retour de Daniel qu’est-ce que cela voulait dire pour Gauthier ? Est-ce qu’il avait reconnu l’enfant ? Tu te posais des tas de questions qui restaient sans réponse alors tu décidais d’aller les chercher plutôt que de rester là impuissante.

Attrapant ton téléphone, tu commandais un taxi et à l’aide de tes béquilles tu te rendis dans la chambre pour enfiler quelque chose de plus potable puis la salle de bain pour t’apprêter un peu. Le taxi ne tarda pas à arriver et te voilà en direction de la maison de Gauthier. Tu avais été étonnée de savoir que vous n’habitiez pas loin l’un de l’autre finalement, vous auriez pu vous croiser bien avant. Mais c’était trop loin pour tes petits bras fragiles et des béquilles. Une dizaine de minutes plus tard, le taxi te déposa devant la villa de ton ami. Enfin de Gauthier et de sa famille. Tu n’avais pas encore mis les pieds chez lui pour l’instant mais tu comptais bien changer ça au plus vite. Il était grand temps que tu sois là pour ton ami dans cette histoire et ce dernier devant penser que tu ne sais rien de la situation, il n’avait sans doute pas désirer en parler. La dernière fois que tu l’avais vu, tu n’avais même pas pensé à lui parler d’Elisabeth, à tes yeux ils ne se connaissaient pas à ce moment là. Une fois arrivée devant la porte, légèrement essoufflée, tu sonnes en attendant que l’on t’ouvre. Tu espères ne pas être venue pour rien, tu es prête à attendre Gauthier s’il le faut en espérant qu’un de ses frères et sœurs soit à la maison pour te laisser entrer.

Depuis tes retrouvailles avec Gauthier, tu n’avais pas eu la chance de revoir ton ami d’enfance. Vous vous étiez promis de le faire et puis la vie avait pris le dessus dans un premier temps et dans un deuxième, tu avais préféré éviter de rappeler cette promesse à ton amie tant qu’Elisabeth ne lui avait pas annoncé sa paternité. Ce n’était pas que tu ne savais pas garder des secrets, au contraire. Mais là, c’était trop gros, c’était énorme même et puis c’était Gauthier alors tout était compliqué. Aujourd’hui tu pouvais le revoir en toute tranquillité car il était au courant de sa paternité. Tu n’avais pas réellement réussi à savoir par Elisabeth comment il avait pris la nouvelle et avant que tu ne puisses aller voir Gauthier, l’opération de ton frère t’était tombée dessus puis l’accident alors tu n’avais pas eu le temps de t’en soucier. Mais après le coup de fil de la jeune blonde et du retour de son mari, tu savais que tu ne pouvais pas faire autrement et que cette visite que tu avais repoussée pour des tas de raisons devait avoir lieu ce soir. Voilà pourquoi tu te retrouvais dans un taxi, incapable de conduire à prier pour que Gauthier soit chez lui parce que tu n’avais pas pris le temps de le prévenir de ta visite, trop pressée de la voir tu avais oublié ce détail. Une fois devant chez lui, tu avançais doucement vers la porte. Tu commençais à t’améliorer avec tes béquilles, t’habituant petit à petit à cet encombrement qui t’empêchait de marcher rapidement, chose qui te manquait beaucoup toi qui avais l’habitude de faire de la marche rapide en talons partout où tu allais. Tu sonnais une fois devant la porte priant encore un peu plus fort pour que Gauthier soit là ou au moins un de ses frères et sœurs pour que tu n’aies pas à attendre devant la porte comme une idiote. Tu remarquais un petit banc près de l’entrée, ce sera ton plan B si jamais personne ne t’ouvre. Mais tu eus de la chance car Gauthier vint t’ouvrir la porte : « Milena ? Tu vas bien ? Tu es blessée ! Je peux t’aider ? » Oui, cela semble surprendre tout le monde de te voir dans cet état. Il est vrai que tu ne t’es jamais beaucoup blessée dans ta vie mais c’est certainement plus parce que tu n’as nullement fait la publicité de cette blessure plus qu’autre chose. Au final, seul ton entourage est au courant, tu n’as pas besoin de te plaindre constamment de toute manière. Tu lui souris quand il te propose de t’aider avant de lui dire : « Salut. Ecoute, ça pourrait aller mieux mais ça pourrait aller plus mal aussi. Je ne pense pas avoir besoin d’aide, je commence enfin à me faire à ces béquilles par contre si on pouvait s’asseoir ce serait génial. » Lui dis-tu avec un petit sourire alors que Gauthier t’ouvrait la porte en grand. Tu fis attention à la petite marche et tu entrais dans la villa. « J’espère que je ne te dérange pas. » Lui dis-tu parce que c’est un peu le souci des visites surprises, elles peuvent tomber au mauvais moment. « Comment tu vas ? » Décidas-tu de lui demander pour commencer.

La vérité c’était que cette visite, tu aurais dû la faire il y a un moment. Mais une chose en avait entraîné une autre et tu avais fini par ne pas trouver le temps de la caser dans ton emploi du temps particulièrement après ton accident. Cet accident était venu bouleverser toutes tes habitudes, toute ta vie un petit peu et même si tu étais quelqu’un qui savait s’habituer à toutes les situations, il te fallait un petit temps d’adaptation. Tu pouvais voir que Gauthier semblait sceptique face à ta visite, ce n’était pas très surprenant, s’il ne l’avait pas été tu aurais été inquiète. Mais pour l’instant c’est lui qui semblait être inquiet de te voir débarquer en béquilles. « Qu’est ce qui t’es arrivée ? » Ah la question qui tue … Celle qui te ramène sans cesse à cet accident que tu préfèrerais oublier. Mais tu ne peux pas en vouloir à ton entourage, tu poserais certainement la même question à leur place, ce n’est pas tous les jours que l’on se promène avec des béquilles. Alors que vous avanciez vers le salon, tu lui répondis : « Je suis montée dans un train pour déguster de la pizza et passer une bonne journée avec des amis mais cela s’est vite transformé en cauchemar quand le train a déraillé. Je me suis retrouvé avec un morceau de verre dans la jambe, j’ai de la chance de marcher aujourd’hui. » Ca tu en avais parfaitement bien conscience. Vu que tu venais rendre visite à Gauthier de manière complètement inattendue, tu ne pus t’empêcher de lui demander si tu ne le dérangeais pas. Tu ne voulais pas arriver au mauvais moment, pas pour cette discussion. Alors que tu prenais place sur le canapé du salon, il te dit : « Non pas du tout, au contraire j’ai pu mettre fin à un coup de fil des plus ennuyeux grâce à toi. » Un petit sourire se dessina sur ton visage, c’était déjà ça. S’il avait du temps à t’accorder, il ne pourra pas s’échapper de cette conversation qui à tes yeux était nécessaire. Tu ne venais pas en tant qu’avocate mais en tant qu’amie inquiète de la suite des évènements. « Je vais bien, si ce n’est que mon plus jeune frère est venu s’installer ici avec son lot de drame. Entre Charlie et lui c’est tout une histoire. Mais les choses vont rapidement se calmer à mon avis. » Un sourire se dessina sur ton visage. Bientôt toute la famille Hazard-Perry aura quitté Londres … Enfin, ce n’est pas plus mal peut-être, qu’ils soient tous ensemble. « Il faut qu’il s’adapte à l’Australie, ce n’est pas facile, cela prend toujours un peu de temps. » C’était ce qui s’était passé avec toi. La fratrie était à Brisbane depuis un petit moment, certainement qu’il faudrait retrouver et reconstruire les liens fraternels avec ceux qui étaient restés à Londres. Gauthier ne tarda pas à te proposer quelque chose à boire. Quand tu le vis préparer un thé, tu lui en demandais un toi aussi. Tu en buvais beaucoup en ce moment, le café t’excitait beaucoup trop alors que tu étais coincée dans ton appartement. « C’est Théo et Oliver qui les ont préparé, ils sont délicieux. » Tu lui souris avant de lui dire : « Merci beaucoup. Ils sont délicieux, tu pourras les féliciter de ma part. » Oui, pour une visite inopinée, c’était prendre bien trop de précautions à tes yeux. Mais Gauthier finit par craquer et te poser la question du réel motif de ta venue. « Je me trompe ou tu n’es pas là pour une simple visite de courtoisie ? » Tu prends le temps de boire une gorgée de ton thé pour décider par où commencer. Ce n’est pas réellement facile de lancer un sujet pareil. Tu décides de commencer par le début. « Il y a plusieurs mois de cela, j’ai rencontré Elisabeth Donovan quand elle a poussé la porte de mon cabinet. Elle voulait des conseils, totalement perdue dans un mariage qui semblait brisé sans l’être, avec cet enfant au milieu. Elisabeth est devenue une amie, une amie qui est venue manger chez moi il y a un petit moment maintenant avec son fils. Je prends des cours de cuisine, ils ont accepté d’être les cobayes. C’était juste après que l’on se soit revu, que tous ces souvenirs de notre enfance me soient remontés en mémoire. Je savais que le mari d’Elisabeth n’était pas le père de son enfant, c’est l’une des premières choses qu’elle m’a dites mais ce soir là, alors qu’ils me racontaient une anecdote où tu jouais au sauveur, j’ai compris. » Dis-tu simplement. Tu laisses le silence s’installer quelques instants avant de dire : « C’était à Elisabeth de te le dire et elle l’a fait. J’aurais dû venir avant, j’avais prévu de venir avant mais la vie m’a jetée pas mal d’imprévus au visage ces derniers temps. Mais ce soir, j’ai reçu ce coup de téléphone que je pressentais arriver depuis le début et je savais que je ne pouvais pas continuer à procrastiner cette visite. » Tu ne pouvais pas être plus claire ni plus transparente pour le coup. Tu ignorais comment Gauthier allait réagir, peut-être qu’il te mettra dehors, certainement qu’il te dira que ce n’est pas tes affaires. Le problème c’est que malheureusement, ce sont un peu tes affaires car c’est toi qui as le dossier entre les mains et tu refuses de voir l’un de tes amis souffrir. Tu te fiches de Daniel, mais Gauthier et Elisabeth sont ta priorité.

Que Gauthier s’inquiète pour ta jambe ne te surprenait pas vraiment. Il n’y avait que toi qui ne semblais pas si inquiète que ça. Cela était certainement dû au fait que tu avais également été la seule à vivre avec ce morceau de verre planté dans la jambe et que maintenant que tu savais que tu ne risquais pas d’être amputée de cette dernière, tu respirais beaucoup plus facilement. « J’ai entendu parler de cet accident. Mais je ne savais pas que tu faisais partie des blessés. Tu vas bien à part ta jambes ? » Ce n’était pas surprenant que Gauthier n’ait pas appris pour ta mésaventure. Tu n’avais nullement fait la publicité de ton séjour à l’hôpital refusant d’être l’une de ces personnes qui jouent les martyrs. Tu n’en étais pas une et même si tu avais apprécié les visites reçues à ce moment là, tu n’avais pas cherché à en avoir plus. Tu allais bien, du moins ça n’allait pas trop mal. Tu te remettais, pour le reste c’était une autre histoire. « Ca va, je me remets doucement. Pour l’instant je n’ai pas trop de séquelles psychologiques, quelques cauchemars mais rien de grave. J’aviserai avec le temps. Mais je ne remonterai pas dans un train de sitôt. » Dis-tu sur le ton de la plaisanterie. Tu ne voulais pas faire de cette visite simplement un moment rempli de désastres parce que tu doutais que ce que tu allais dire à Gauthier lui fasse très plaisir. Tu accueillis la nouvelle de l’arrivée de son frère avec un sourire alors qu’il te disait : « C’est bien plus à nous qu’à l’Australie qu’il doit s’adapter à mon avis. » Vivre en communauté … Voilà un concept qui t’échappait totalement de ton côté car tu n’étais pas du tout habituée à cela. Mais la famille Hazard-Perry était plus grande que la tienne et plus soudée aussi. « Il est jeune, il va réussir à s’adapter. » Tu ne te faisais pas trop de soucis pour eux, ils avaient un noyau solide, ils tiendraient le choc. Dans ta famille, le noyau avait disparu depuis longtemps, encore fallait-il qu’il y en ait un au départ.

Mais il fut rapidement temps de passer au sujet qui fâche. En ce moment, tu avais l’impression de beaucoup t’occuper de choses qui ne te regardaient pas vraiment mais c’était ça aussi, choisir son avocat parmi ses amis. Gauthier était ton ami et c’était ton devoir d’au moins lui en parler une fois, savoir ce qu’il pensait de cette situation. Parce que oui, tu savais. Pas depuis longtemps, tu avais devinée quelques semaines plus tôt, peu de temps après tes retrouvailles avec ton meilleur ami d’enfance. Tu espérais qu’il ne prendrait pas mal ton intention, tu ne voulais nullement lui nuire, simplement être là parce que tu allais être mêlée à cette histoire de toute manière étant l’avocate d’Elisabeth. Il t’écouta, droit comme un piquet, le visage fermé. Tu parlais, trop peut-être mais tu ne voulais pas faire de secrets. Tu voulais qu’il comprenne ce qui t’avait mené à cette conclusion. « Tu le savais ? » Tu te contentes d’hocher la tête. Tu savais avant lui oui. De peu cependant d’après ce que tu avais compris. Ce n’était pas à toi de le lui dire de toute manière, tu espérais qu’il le comprendrait. Tu terminais donc ton histoire, laissant le silence s’installer entre vous avant que Gauthier ne te dise : « Je te remercie d’être passé et de me l’avoir dit mais… Je ne sais pas exclament ce que tu attends de moi ? » Tu fronces les sourcils face à ces paroles. Bon, déjà il ne t’en veut pas, il n’en a pas l’air en tout cas mais tu n’es pas certaine de comprendre. Tu n’attends rien de lui, rien de précis, rien de spécial. Tu voulais juste qu’il sache que tu savais, qu’il te dise ce qu’il en pense peut-être mais tu n’étais pas venue avec un agenda. « J’aimerai que cette histoire reste privée si tu le veux bien. Je n’en ai pas parlé à ma famille. Comme tu le sais de toute évidence, Daniel est revenu, et c’est lui le vrai père d’Oliver, il l’a élevé et a pris soin de lui. Je ne compte pas prendre plus de place dans cette histoire. » Cette fois encore, tu étais complètement prise au dépourvu. Bien sûr que tu ne diras rien à sa famille s’il ne voulait rien leur dire. Tu n’étais pas sûre que ce soit la bonne chose à faire mais encore une fois ce n’était nullement ton rôle. Tu garderas le secret, tu es très forte pour les garder quand il le faut de toute façon. « Tu te souviens de ce que j’ai dit à propose d’Emre ? Et bien les mêmes termes sont appropriés pour moi - je ne suis personne pour ce petit. » Tu te souvenais en effet, tu te souvenais très bien. C’était d’ailleurs un autre sujet dont vous deviez parler mais plus tard, ce soir ce n’était pas le moment de le faire. Vous parlerez d’Emre plus tard. Pour l’instant c’était Gauthier qui t’intéressait. Ce que tu voyais là n’était qu’une façade, tu en étais intimement persuadée. « Je ne dirai rien à ta famille, je ne dirai rien à personne. » Tu voulais que ce soit clair, tu n’étais pas venue pour mettre le bazar partout. « Je n’attends rien Gauthier. Je voulais juste te donner l’occasion d’en parler avec quelqu’un qui savait si tu n’en avais parlé à personne. Je voulais simplement essayer d’être une amie. Ce genre de nouvelle c’est quelque chose qui peut changer une vie, c’est quelque chose de majeur, je ne voulais pas que tu aies à faire face seul. » Dis-tu en haussant les épaules. C’était clairement le plus important pour toi. Mais tu soupires, passant une main dans tes cheveux. Contrairement à Gauthier, tu n’avais nullement envie de devenir un mur de glace. Tu savais le faire au tribunal mais en privé, c’était autre chose. « Je comprends ce que tu me dis, vraiment mais … T’es vraiment sûr de toi ? » Lui demandas-tu hésitante. « J’ai du mal à t’imaginer faire comme si de rien n’était je … Oui tu n’es rien pour Gabriel maintenant peut-être mais cela ne veut pas dire que tu ne peux pas jouer un rôle dans sa vie. » Tu décidais d’ajouter : « Et ne te compare pas à Emre s’il te plaît, vous êtes à des années lumières l’un de l’autre. » Littéralement aux vues de leur situation.

C’était primordial pour toi de savoir où Gauthier se situait dans cette situation. Tu devais le savoir car il y avait des chances que tu te retrouves au milieu d’une procédure judiciaire où toutes les personnes concernées t’étaient proches. Tu devais l’avouer, rien que de l’imaginer, tu avais du mal à voir comment tu allais pouvoir faire abstraction de cela pour plaider de manière impartiale et objective. Mais pour l’instant vous étiez loin du tribunal, vous étiez en train de parler de cette paternité révélée. Cela ne t’étonnait qu’à moitié que Gauthier te demande ce que tu attendais de lui. Est-ce que dans cette situation là on attend réellement quelque chose de l’autre ? Tu n’en savais rien mais tu voulais être là pour lui, comme tu avais été là pour Elisabeth ces derniers temps. Après tout, il n’y avait pas de raison que l’un de tes amis ait plus de soutient que l’autre. Mais tu savais aussi qu’il allait falloir que tu tires les vers du nez de Gauthier ce qui n’avait pas été le cas avec la blondinette. « Je te remercie. » Tu hoches la tête, il n’a pas vraiment à te remercier, c’est ça les amis. Du moins ça devrait être ça. Le visage fermé de Gauthier te rappelle votre enfance, quand il ne s’ouvrait réellement que quand vous étiez tous les deux. Tu n’espères pas qu’il ne fasse aujourd’hui, vous avez été séparés trop longtemps pour que ce genre de chose puisse se passer. Et pourtant, tu voulais être sûre, tu voulais être sûre et certaine de ce choix que Gauthier te mettait sous les yeux, celui de s’effacer de la vie de son enfant. Tu insistais parce que tu n’arrivais pas à croire que c’était le choix que Gauthier avait fait. Ne le regretterait-il pas dans quelques semaines, mois, années ? « C’est une situation compliquée. Mais je connais bien Daniel, c’est un homme bon. Il a été un père pour cet enfant, ils ont vécu leur vie comme une famille et je n’ai pas ma place dans cette histoire. De plus maintenant qu’il est venu les retrouver, il y a de grande chance pour qu’ils repartent tous en Angleterre. » Tu fronces les sourcils à cette dernière phrase. Repartir en Angleterre ? Tu n’as pas vu Elisabeth depuis le retour de Gabriel et elle a effectivement toujours hésité pour commencer cette procédure de divorce mais la dernière fois que vous en aviez parlé, tu n’avais pas l’impression qu’elle serait du genre à pardonner suite à un beau sourire et quelques mots d’excuse et de repartir d’où elle venait. « Que Daniel soit un homme bon, je n’en doute pas. Mais ce n’est pas la question. » C’était peut-être dit brutalement mais c’était la pure vérité. Cela ne changeait rien que Daniel soit un homme bon ou pas. « J’ai pas encore parlé à Elisabeth mais tu es certain qu’ils vont repartir en Angleterre ? Daniel l’a énormément blessée avant qu’elle ne parte, j’ai du mal à imaginer qu’elle laisse tout derrière elle pour repartir. » Non, Elisabeth n’avait jamais semblé à tes yeux vouloir rentrer en Angleterre. Tu te demandes si c’est toi que Gauthier veut convaincre ou si c’est lui. De ton côté, tu n’es pas du tout convaincue de se retour en Europe et tu ne tarderas pas à appeler Elisabeth à ce sujet. Si c’est ce qu’elle décide, ce sera son choix mais tu n’arrives pas à imaginer qu’elle reparte sans un regard en arrière. « C’est mieux que les choses restent ainsi. » C’est mieux ? Mais mieux pour qui exactement ? Mieux pour Daniel peut-être car il récupèrerait sa femme et cet enfant qui n’était pas réellement le sien mais tu ne voyais pas pourquoi c’était mieux pour Gauthier. « Mieux pour qui Gauthier ? » Lui demandas-tu sérieusement avant d’ajouter : « Je n’ai pas envie que tu regrettes, je n’ai pas envie que tu passes à côté de ce rôle de père si c’est ce que tu veux mais que tu te forces à ne pas le vouloir. » C’était idiot, peut-être que Gauthier ne voulait pas jouer ce rôle mais tu n’arrivais pas à imaginer que cela soit le cas. Et puis comme tu l’avais dit à Elisabeth, Gauthier ferait un père formidable, tu en étais intimement persuadée. « Ne t’inquiète pas, je ne me mets en aucun cas à la hauteur d’Emre, c’est les situations que je compare. Et en un sens elles se ressemblent, je ne me sens pas plus légitime qu’il ne l’est à mes yeux. » Tu hausses les épaules. Tout est relatif. Ce n’était pas une question de légitimité, c’était autre chose. « La différence c’est qu’Emre savait que ce bébé existait depuis le début, ta sœur ne le lui a pas caché, ils ont fait le choix d’être parents avant que les choses changent. Toi, tu ne savais pas, on ne t’a jamais laissé le choix de prendre tes responsabilités avant aujourd’hui. Si tu ne veux pas jouer ce rôle c’est ton choix mais pour moi la différence est là. » Tu hausses les épaules, peut-être que tu te trompes mais pour toi cela change tout.

Tu écoutes attentivement et tu entends ce que te dit Gauthier. Pourtant, même s’il doit avoir de meilleures informations que toi, tu as du mal à croire au retour d’Elisabeth en Angleterre. Pas aussi vite et pas aussi facilement en tout cas. La jeune femme n’avait jamais voulu se lancer dans une procédure de divorce que tu la poussais légèrement à remplir, ayant du mal à tirer un trait sur ce mariage, sur cette vie qu’elle s’était construite. Mais à tes yeux, Daniel l’avait blessée et ce n’était pas quelque chose qui peut s’oublier facilement non plus. « Ca c’est parce que tu ne connais pas Daniel… Elle ne pourra pas éternellement le privé de son fils et leur vie est en Angleterre. » Tu fronces les sourcils. Non, elle ne pourra pas vraiment le priver de son fils mais cela ne ressemble pas à Elisabeth de toute façon. Mais à tes yeux, c’est Daniel qui s’est privé de son fils depuis des mois. Cela fait des mois qu’Elisabeth n’avait pas de nouvelles de son mari et tu trouves cela un peu facile de le voir revenir et avoir envie soudainement de reprendre là où ils s’étaient arrêtés. Peut-être que la vie d’Elisabeth avait été en Angleterre mais elle ne pouvait pas effacer celle qu’elle avait construite ici non plus. « Elisabeth est venue à Brisbane alors que Daniel refusait de la voir, elle et son fils. Il s’est privé pendant des mois de son fils tout seul. C’est peut-être quelqu’un qui arrive toujours à ses fins mais que tu le veuilles ou non, Elisabeth s’est construit une vie ici et je ne la vois pas tout abandonner pour un homme qui l’a traitée ainsi. » Pour toi, il était clair qu’Elisabeth méritait mieux que Daniel. Tu ne cherchais pas à faire de sous entendus à Gauthier, tu ne voulais pas voir ton amie revenir dans les bras d’un homme égoïste. Peut-être qu’elle le fera mais tu donneras tout pour qu’elle comprenne et qu’elle ne s’enferme pas dans un mariage qui pourrait la rendre malheureuse. Ton cœur se brise toujours un peu quand tu vois ta mère. Elle a réussi à trouver du bonheur dans ses activités, à faire quelque chose de cette vie et de ce mariage qui n’a à tes yeux aucun sens. Tu ne peux t’empêcher de demander à Gauthier pour qui cela serait mieux et sa réponse ne te surprend pas vraiment. « C’est… Une histoire compliqué Milena. Je ne peux pas juste regarder les choses de mon côté. Cette décision est la meilleur pour le plus grand nombre. » Tu comprends le concept qu’est l’altruisme. Penser aux autres avant de penser à soi. C’est quelque chose de très noble et tu es la première à le pratiquer quand il le faut. Mais il y a des situations où à tes yeux, être égoïste est justifié. C’est beau de penser aux autres mais pas à n’importe quel prix. « Tu sais, l’égoïsme ne tue pas de temps en temps. C’est peut-être la meilleure décision pour tous mais si elle doit te remplir de regrets et te rendre malheureux, ce n’est pas la meilleure. » Dis-tu en haussant les épaules. A tes yeux, l’égoïsme à petite dose n’était pas à proscrire mais ce que tu essayais de savoir en réalité c’était si Gauthier voulait de ce rôle de père ou non. Parce qu’il te répétait que non mais au fond de toi tu n’arrivais pas à te convaincre et lui n’arrivait pas à te convaincre que ce n’était pas le cas. Sa réaction à ton commentaire sur Emre te surprend mais en même temps te rassure. Au moins il s’énerve, au moins il perd ce calme olympien qui le caractérise si bien depuis que tu l’as retrouvé à Brisbane. « J’ai fermé les yeux Milena ! J’ai trompé mon meilleur ami en couchant avec sa femme et après j’ai été vivre à l’autre bout du monde. Je n’ai pas voulu y penser mais je ne suis pas stupide, un bébé qui arrive comme par hasard 9 mois après ce moment d’égarement… J’ai fermé les yeux ! Je ne suis pas une victime Milena… Je sais que tu me dis ça pour m’aider mais… Je gère. » Ah … Alors voilà une autre raison qui avait poussé les Hazard-Perry à venir s’installer à Brisbane il y a quelques années. Tu seras bien la dernière à juger Gauthier à ce sujet car ton histoire est peu glorieuse. Tu regardes ton ami complètement désemparé te dire qu’il gère cette situation. Tu ne le crois pas une seule seconde. Tu préfères ne rien dire dans un premier temps, tu attrapes tes béquilles pour avancer vers lui et tu les poses contre la fenêtre avant de poser une de tes mains sur son épaule et de prendre sa main dans la tienne avec l’autre. « C’est pas grave Gauthier. Personne n'est parfait. Ca arrive à tout le monde de déraper. Je comprends que tu te sentes coupable mais cela ne doit pas t’empêcher de vouloir jouer un rôle dans la vie de ton fils. » Dis-tu simplement parce que c’est la vérité. Personne n’est parfait et Gauthier doit déjà se mordre bien assez les doigts de cette histoire depuis quatre ans. « Je suis persuadée que tu prendras la bonne décision pour toi avant tout et pour les autres aussi. Je … Je ne veux pas que tu t’effaces pour les mauvaises raisons, c’est tout. » Dis-tu en haussant les épaules. Voilà pourquoi tu insistais beaucoup.