Depuis qu'il avait reçu la visite impromptue de Milena chez lui, une foule questions encore plus nombreuses encombraient l'esprit déjà bien occupé de Samuel. Sans vraiment le dire, la jeune avocate avait sous-entendu que Liviana faisait en sorte de retarder l'échéance du divorce et sous se comportement, le jeune homme ne pouvait s'empêcher d'entrevoir un brin d'espoir. En sa présence, la belle italienne était toujours plus que catégorique sur le sujet mais au fond, Milena lui avait laissé croire que tout n'était pas aussi simple. Le jour de sa visite, elle avait aussi accusé Samuel de conserver une attitude passive face à l'éloignement de son épouse qui était aussi la mère de son fils. Bien sûr, la peur de la blesser davantage ne l'avait pas quitté mais depuis peu, le jeune comptable se disait qu'il était peut-être temps de partir à la recherche de sa seconde chance. Finalement, il était le seul à pouvoir faire le premier et même s'il avait déjà tenté l'exercice sans succès, il avait décidé de ne pas se résigner. La scène qu'il avait surprise dans le parc entre James et Liviana, au-delà du fait de l'avoir mis hors de lui, lui avait également fait réaliser une chose : aucun autre homme ne pouvait, ni ne devait, prendre sa place auprès de ceux qui constituaient sa petite famille à lui. Sa femme et son fils, c'était tout ce dont il avait besoin pour reprendre goût à la vie. Alors, une idée lui était venue pour passer un peu de temps avec eux et pour oublier l'espace d'une soirée qu'ils ne vivaient pas sous le même toit. Un feu d'artifice devait être tiré en ville et au moment même où l'information arrive jusqu'à ses oreilles, Samuel n'eut qu'une envie : faire découvrir ce spectacle incomparable à son fils. Il avait donc soumis sa proposition à Liviana qui après y avoir longuement réfléchi, avait même accepté de se joindre à eux pour la soirée.

Ravi et un peu tendu à la fois, comme à chaque fois qu'il croisait son épouse, Samuel avait regagné le lieu de rendez-vous qu'ils s'étaient fixé en constatant que la foule commençait déjà à s'amasser pour ne rien manquer du spectacle. Le jeune homme n'eut pas à attendre bien longtemps avant de voir apparaître le doux visage de Liv qui se dirigea vers lui et s'excusa presque immédiatement pour son retard. « T'en fais pas, avec ce monde je venais juste d'arriver... Ca va ,et toi ? » rassura-t-il en accueillant avec un grand sourire son fils, que Liviana venait lui déposer dans les bras. « Salut toi ! Comment tu vas mon bébé ? » baragouina Sam en faisant mine de vouloir manger les petites mains potelées que Luca appliquait ça et là sur son visage. Ce ne fut que la voix de Liviana qui le fit sortir de ce petit jeu et redescendre sur Terre en l'encourageant à aller s'installer tant qu'il y avait encore de la place. « Oui, bien sûr ! Je pensai aller par là-bas, pour être proche de l'eau. » expliqua Samuel en désignant le côté opposé de l'esplanade d'un signe du menton. Et après avoir attendu l'approbation de la jeune femme, il se mit en chemin sans prendre la peine de reposer Luca dans sa poussette. Il le voyait trop peu souvent à son goût, et ne voulait pas se priver d'une seule seconde passée avec lui. Une fois arrivé, Sam vint s'asseoir sur le petit muret qui délimitait l'esplanade et surplombait les vagues, pivotant pour laisser ses jambes pendouiller côté océan et installant Luca en toute sécurité sur ses genoux. « C'est beau, hein bonhomme ? » balbutia-t-il en regardant d'un air attendri les grands yeux de Luca qui fixaient l'océan. « Et tu n'as pas tout vu ! Tu vas adorer... » D'une main pleine de bienveillance, il caressa la petite tête de son fils avant de se tourner vers Liviana qui s'installait à son tour. Sans pouvoir s'en empêcher, il resta scotché quelques instants à ce visage qui le faisait toujours fondre, mais tenta de se reprendre en déclarant : « Merci d'être venue... merci pour lui.  »

Peu à peu, l'enthousiasme et le bonheur de retrouver Luca prenaient le pas sur la tension que Sam avait ressentie à l'idée de passer la soirée avec Liviana. Tous les trois, ils avaient fendu la foule pour aller s'installer à la meilleure place, face à l'océan pour ne rien manquer du spectacle qui se préparait. Luca paraissait ravi d'être là, et son père se plaisait à croire que la raison de ses sourires se trouvait dans la présence de ses deux parents auprès de lui. Depuis sa naissance, il n'avait en effet pas eu beaucoup d'occasions d'assister à ce genre de moments et le fait de le voir gigoter dans tous les sens confortait Samuel dans on idée : il avait eu raison de provoquer cette soirée en famille, et il le ferait certainement beaucoup plus souvent à l'avenir. Après tout, Liv et lui étaient adultes et assez responsables pour faire la part des choses et le petit garçon avait besoin de moments comme celui-là. Sam avait à cœur de tenir sa place de père et d'effacer toutes les confusions qu'il pouvait y avoir à ce sujet avec son frère cadet James. Bien sûr, il n'allait pas aborder ce sujet glissant qui leur avait valu une conversation plus que tendue au beau milieu d'un parc il y a quelques temps, mais l'idée était bien celle-là. Le jeune comptable voulait être le meilleur des pères pour Luca, et même s'il n'était pas présent quotidiennement il voulait tenir sa place envers et contre tout.

Cette fois, le tableau de la famille idéale semblait avoir changé de camp et malgré la distance qui le séparait de l'italienne, Samuel éprouvait une certaine satisfaction en profitant de cet instant. Il remarqua même le sourire de Liv... Sourire qui s'effaça au moment où leurs regards se croisèrent, ramenant brusquement le jeune homme à la dure réalité. Liviana lui avait fait promettre qu'il n'y aurait aucune ambigüité lors de cette soirée et même si cela lui paraissait un peu inévitable, il devait se tenir à cette parole. Alors, pour éviter qu'un premier silence ne vienne rendre l'atmosphère étrange, Sam remercia la jeune femme d'avoir accepté son invitation. Et ces quelques mots semblèrent jouer le rôle d'élément déclencheur puisque Liviana enchaina presque immédiatement avec une proposition que Samuel accueillit en souriant. Cette fois, c'était à elle de provoquer un moment à trois et alors qu'elle évoquait le prochain rendez-vous de Luca chez la pédiatre, son père s'empressa de répondre : « Bien sûr ! J'adorerai être là, tu me donneras l'heure et l'adresse, je pourrai prendre un congés si besoin. » Après tout ce qu'il avait raté depuis l'annonce de la grossesse de Liv jusqu'à aujourd'hui, en passant par la naissance de Luca, Samuel entendait bien rattraper le temps perdu et l'occasion que l'italienne lui offrait semblait parfaite pour cela. Et même s'il ne s'agissait que d'un banal rendez-vous chez la pédiatre, le jeune homme se réjouissait déjà de pouvoir y assister. Puis, vint une question qui calma considérablement son entrain, et pour cause. Il s'agissait de son père, et d'une visite potentielle qu'il devait lui rendre en compagnie de Luca. « Hmm... je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée... » débuta-t-il en affichant une grimace sceptique. « Tu sais comment il est ? Surtout avec moi... Si j'y vais, il va me resservir le refrain habituel, comme quoi j'ai tout gâché, que je ne suis qu'un con... Et j'ai vraiment pas besoin de lui pour savoir tout ça. » poursuivit Samuel en perdant toute trace de sourire et en reportant instinctivement son attention sur son fils en jouant distraitement avec ses petites mains. « J'veux pas qu'il fasse son cinéma devant Luca. Tu vois, depuis l'épisode avec Thomas, je ne sais plus vraiment de quoi il est capable... » Les images de la violente altercation à laquelle il avait assisté quelques mois plus tôt alors que son frère aîné avouait son homosexualité à leur père lui revenaient en mémoire, et Sam n'avait clairement aucune envie que Luca, ou même Liv, puissent vivre la même expérience. Il n'avait jamais été très proche de son père mais depuis cette soirée, le comptable avait encore changé le regard qu'il portait sur le patriarche Beauregard. « Peut-être que ça lui ferait plaisir, mais... Je sais pas, je ne le sens pas. »

Samuel n'avait jamais été très proche de son père et le temps qui passait ne semblait clairement rien arranger à cette situation. Déjà lorsqu'il était enfant, le jeune homme avait toujours fait office de vilain petit canard tant il s'était montré différent de ses frères et sœurs. Et par la suite, ses choix professionnels n'avaient fait que renforcer cette distance, enfermant Samuel dans ce rôle d'enfant incapable de provoquer le moindre sentiment de fierté auprès de son paternel. Le comptable avait toujours été traité différemment mais quelques semaines auparavant, un autre membre de la fratrie avait fait les frais des principes un peu particuliers du père de famille. Après avoir appris l'homosexualité de son aîné, l'homme avait en effet offert un spectacle plus que pitoyable à l'ensemble de ses enfants, s'emportant comme jamais auparavant et menaçant même son propre fils. Cette réaction avait glacé d'effroi la fratrie Beauregard y compris Samuel qui, tout en sachant de quoi son père était capable, ne l'avait jamais vu dans un tel état. Et depuis cette triste démonstration qu'il leur avait offerte, le comptable avait encore plus de mal à lui faire confiance. Pire, il n'osait même pas lui rendre visite en compagnie de Luca. Bien sûr, l'idée lui avait traversé l'esprit plusieurs fois et il n'était même pas étonné que Liviana, toute attentionnée qu'elle était, lui fasse une telle proposition. Mais le jeune homme refusait que son fils puisse assister à un nouveau coup de sang de son grand-père. Et autant dire que depuis sa séparation avec Liviana, le patriarche n'avait de cesse de rabaisser Samuel et de lui rappeler constamment la gravité de l'erreur qu'il avait commise. Alors, même si cela pouvait paraître étrange, il n'était pas question pour Sam d'affronter son père en présence de Luca.

Sans rechigner, la belle italienne déclara qu'elle se chargerait de cette petite visite de courtoisie et ce fut avec une certaine forme de soulagement que Sam lui offrit un petit sourire plein de gratitude. Mais lorsque Liviana enchaina en expliquant qu'elle avait eu une conversation plutôt animée avec Mr Beauregard, Samuel entrouvrit la bouche d'un air surpris. Interdit et silencieux dans un premier temps, il reprit tout de même après quelques instants : « C'est vrai ? Tu... t'as fait ça ? » balbutia-t-il en prenant toute la mesure du soutien dont il bénéficiait toujours, et ce malgré ses erreurs. « Je ne suis pas certain qu'il changera d'avis un jour, mais... merci. » Samuel était sincèrement touché par la tentative de la jeune femme, qui profita d'un petit blanc pour sortir une couverture et la placer sur Luca. En une fraction de secondes, Samuel reconnut ladite couverture, celle-là même qu'il avait offerte peu après la naissance de leur fils. Et lorsque Liv précisa qu'elle était vite devenue un objet fétiche pour le petit garçon, le comptable ne put s'empêcher de sourire. Tout en ajustant la couverture autour de Luca avec application, il déposa un énième baiser sur sa petite tête et huma longuement le parfum de ses fins cheveux en bataille. Puis, après un nouveau court silence, Samuel releva les yeux vers sa voisine et reprit : « Tu sais, pour mon père... J'apprécie vraiment ce que tu fais, ça me touche. Mais je sais à quel point il peut être... étrange, et désagréable. Il ne faut pas que tu te sentes obligée de quoi que ce soit... Enfin, j'veux dire... si tu n'as pas envie d'aller le voir, c'est ton droit. Je ne t'impose rien. Et s'il veut voir Luca... »  Tout en parlant, le jeune homme caressait tendrement la petite main de son fils, plus protecteur que jamais. « Il n'a qu'à changer de comportement. Je sais comment il a été avec moi, je ne veux pas que ça se reproduise avec notre fils. » Les exigences, la déception lisible dans son regard, le mépris, le rejet, Samuel avait tout connu avec son père et aujourd'hui, il refusait catégoriquement que ce dernier se comporte de la même manière avec Luca. Car même s'il n'était que son grand-père, le comptable savait que d'une manière ou d'une autre, l'opinion que David avait de Samuel finirait par déteindre sur Luca.

Au fond, Samuel appréciait les gestes de Liviana et ses efforts pour que David puisse voir son petit-fils malgré tout. Mais c'était sans compter sur cette attitude tellement imprévisible du père de famille, ce comportement qui exaspérait Sam au plus haut point et qu'il ne voulait absolument pas montrer à son fils. D'expérience, le jeune homme savait que sa simple présence suffisait à rendre son paternel irascible, et cette affirmation était d'autant plus vraie depuis que la procédure de divorce avait été lancée. A vrai dire, Samuel se demandait parfois s'il parvenait à être un aussi bon père que Liv semblait le dire, en sachant qu'il n'avait toujours eu pour modèle qu'un homme qui ne l'avait jamais véritablement aimé. Tout ce qu'il faisait avec Luca lui venait instinctivement mais parfois, le jeune homme craignait de ne pas être à la hauteur, faute d'avoir connu une vraie image paternelle durant son enfance et toute sa jeunesse. Du moins, une image de père au sens où il l'entendait, et pour ainsi dire diamétralement opposée à celle de David Beauregard. Mais fort heureusement pour lui, il savait qu'il avait tout le soutien de Liviana dans ce nouveau rôle de père, et ce malgré la séparation qui les déchirait. Et en apprenant qu'elle avait même tenu tête à son père pour le défendre, le jeune comptable ne put que la remercier, le cœur serré, constatant une nouvelle fois à quel point cette femme était formidable. Mine de rien, le fait d'avoir son soutien envers et contre tout le touchait profondément, d'autant plus alors qu'elle aurait eu tous les droits de moquer de ces problèmes à présent.

La belle italienne évoquait les agissements douteux de David et alors que Sam haussait machinalement les épaules, il sembla distinguer une lueur étrange dans le regard de Liv. Suspicion qui ne tarda pas à se confirmer puisque la jeune femme enchaina avec quelques confidences pour le moins énigmatiques. Tout à coup, elle se mit à parler de son père en insinuant qu'il n'avait rien à envier au patriarche Beauregard sous le regard surpris du comptable. Bien sûr, il connaissait la relation que Liviana avait eue avec son père en étant plus jeune mais cette fois, il sentait bien qu'il y avait quelque chose de plus. Quelque chose qui la poussait à vouloir se confier à son propos, et ce même devant Samuel. « … il y avait un type qui traînait toujours autour de chez moi, j’ai d’abord cru qu’il me draguait un peu lourdement et il s’avère juste que c’est mon demi-frère… » expliqua-t-elle alors en baissant les yeux, laissant un Sam interdit quelques instants, le temps de prendre en compte toutes ces informations. Il n'avait pas pu s'empêcher de froncer légèrement les sourcils lorsqu'elle avait évoquait un homme qui la draguait mais à présent, c'était une forme d'étonnement mêlé de compassion qui ornait son visage. « Qu... quoi ? »balbutia-t-il bêtement alors qu'il réfléchissait simultanément à toute allure. « Tu veux dire que... ton père... Et il n'a jamais rien dit ? » Sam enfonçait clairement des portes ouvertes, mais la nouvelle lui paraissait tellement surprenante qu'il avait besoin de ça pour se rendre compte du cataclysme que cette découverte pouvait provoquer chez Liviana. A vrai dire, il ne savait pas trop s'il devait se réjouir ou au contraire être attristé, et le regard de Liv ne semblait rien augurer de bon. Le jeune homme tentait de le capter sans y parvenir et il se contenta donc d'observer le visage de l'italienne avec une sorte de bienveillance en soufflant : « Comment tu le prends ? Est-ce que ça va ? » s'enquit-il, bien conscient du choc que cela pouvait bien constituer pour Liviana, qui lui avait toujours dit qu'elle rêvait d'avoir un frère ou une sœur sans savoir qu'en réalité, elle en avait toujours eu un.

En rompant avec Samuel, Liviana n’avait pas seulement perdu son mari, elle avait également perdu un confident, une âme-sœur, un ami, une épaule sur laquelle elle s’appuyer dans les bons comme dans les mauvais moments. Son absence avait laissé un trou béant dans sa poitrine que rien ne semblait pouvoir combler, il lui manquait, cruellement, chaque jour mais ce manque n’était pas suffisant pour qu’elle envisage de lui faire à nouveau confiance. Pourtant lorsqu’elle croisa son regard, elle ressenti le besoin de se confier, de se vider la tête et le cœur ; parler de son beau-père avait fait remonter à la surface ce qu’elle venait d’apprendre. Sans oser le regarder dans les yeux, Liviana se mit à parler, à vider son sac et à lui raconter ce qu’elle venait d’apprendre sur sa famille. Elle évoqua sa rencontre avec Vittorio, ses premières pensées puis cette nouvelle qui avait changé tout ce qu’elle pensait sincère. « Qu… quoi ? » elle se tourna vers elle posant finalement son regard dans le sien « Tu veux dire que... ton père... Et il n'a jamais rien dit ? » elle secoua la tête en le regardant, si elle avait su, s’il elle avait eu le moindre doute il aurait été le premier à le savoir. Peu à peu, la vie parfaite de l’italienne semblait se transformer en cauchemar, elle avait appris la tromperie de son mari, sa grossesse inespéré et maintenant l’existence d’un demi-frère, elle n’osait imaginer ce que la suite pouvait lui réserver. Liviana posa son regard sur Luca, il était la seule personne capable d’apaiser sa peine, capable de la faire sourire dans ses pires moments, ce soir encore, le petit sourire qu’elle distinguait sur son visage la fit à son tour sourire. « Comment tu le prends ? Est-ce que ça va ? » elle releva son regard vers Samuel, entendre le son de sa voix l’avait ramené à la réalité, une réalité ou elle se sentait perdue « A ton avis ? Quasiment tous les hommes de ma vie me mentent… » dit-elle sous le coup de l’impulsion avant de réaliser que ses paroles pouvaient le blesser et que malgré sa colère c’était la dernière chose qu’elle souhaitait. « Je suis désolée Sam, ce n’est pas ce que je voulais dire… » elle le regarda sincèrement espérant qu’il ne doute pas de ses paroles « … J’étais si seule petite, j’ai souhaité tellement de fois d’avoir un frère ou une sœur… et il n’a rien dit, pas un mot en trente-trois ans… » ce n’était pas tant le fait qu’il est trompé sa mère qui la blessait mais bien le fait que pendant plus de trente ans il lui ai menti. Elle repensa à tout ce que son père avait dit lorsqu’elle lui avait appris la tromperie de Samuel, il l’avait jugé alors qu’il avait fait pire, bien pire « Tu crois que je devrais aller le voir ? Pour avoir une explication ? » elle avait envisagé de partir quelques jours pour l’Italie, mais l’idée de l’avoir en face d’elle lui donnait envie de vomir.

Alors qu'ils étaient presque parvenus à maintenir une ambiance légère et à éviter les sujets les plus douloureux, la réalité semblait tout à coup rattraper Liv et Samuel. Il y avait d'abord eu cette conversation à propos de David Beauregard et de ses dérapages et de fil en aiguille, la belle italienne en était venue à livrer quelques confidences à son interlocuteur. Abasourdi par l'aveu qu'elle venait de lui faire Samuel eu d'abord un peu de mal à trouver les mots justes, mais après avoir capté le regard de la jeune femme, il tenta de se reprendre. La douleur qu'il pouvait très clairement lire dans les yeux de Liviana le bouleversait, alors qu'il songeait à toutes ces fois où elle lui avait dit regretter de ne pas avoir de frères et sœurs. Quelque part, il savait qu'elle avait toujours admiré la famille nombreuse à laquelle il appartenait, et ce malgré tous les défauts qu'elle comportait et que Liv avait appris à découvrir avec le temps. Samuel avait beau y réfléchir, il lui était impossible d'imaginer ce que sa belle pouvait ressentir à ce moment précis. Et quand bien même, il n'était de toute façon plus la personne la plus légitime à essayer de la rassurer ou de la consoler. D'ailleurs, il ne doutait pas une seule seconde qu'elle ait déjà trouvé tout le réconfort nécessaire dans les bras de James et par conséquent, il se contenta de quelques questions timides pour s'enquérir de son état.

Mais à peine eut-il terminé que Liviana enchaina de manière un peu abrupte en lui rappelant que la plupart des hommes qui l'entouraient ne faisaient que lui mentir. L'espace de quelques secondes, les sourcils de Samuel se froncèrent alors qu'il souhaitait protester. De son côté, il n'avait justement pas eu la force de lui mentir, de lui cacher ses fautes et il lui avait tout avoué dès son retour à la maison après cette soirée maudite. Parfois, il était arrivé au jeune homme de songer que les choses auraient été plus simples s'il avait caché sa tromperie à son épouse. Il ne l'aurait pas perdue, ils vivraient encore heureux ensemble aujourd'hui et surtout, Sam aurait pu prendre la totale mesure de son rôle de père auprès de Luca, y compris pendant la grossesse de Liviana. Seulement voilà, la jeune femme comptait beaucoup trop à ses yeux pour pouvoir lui mentir. Sa sincérité et son amour l'avaient poussé à lui avouer la vérité rapidement et même s'il s'en mordait les doigts aujourd'hui encore, il savait qu'il avait fait ce qu'il fallait. Pour autant, Sam décida de garder le silence cette fois, jugeant que le moment n'était pas opportun pour se lancer dans ce genre de conversation. Aujourd'hui, son rôle était d'écouter Liviana et de lui montrer que quoi qu'il arrive, il était là pour elle. Lorsqu'elle s'excusa, le jeune homme se contenta donc d'un petit haussement d'épaule et d'un mouvement de tête lui signifiant que ça n'avait pas d'importance. « … J’étais si seule petite, j’ai souhaité tellement de fois d’avoir un frère ou une sœur… et il n’a rien dit, pas un mot en trente-trois ans… » reprit-elle alors, d'un air qui brisa de nouveau le cœur de Samuel. Elle avait l'air si triste, si affectée par cette nouvelle... Et inévitablement, l'envie de la prendre dans ses bras comme il l'aurait fait auparavant pour la réconforter ressurgit chez Samuel. Bien sûr, il savait qu'il n'en avait plus le droit mais sans pouvoir contrôler quoi que ce soit, le jeune homme glissa tout de même sa main vers celle de Liviana, dont il vient se saisir pour la serrer entre ses doigts. Ce geste, il l'avait fait naturellement et sans réfléchir aux conséquences qu'il pourrait avoir, souhaitant simplement signifier à Liv qu'elle pouvait compter sur lui. La jeune femme se questionnait sur l'idée d'aller demander des explications à son père et contre toute attente, elle sollicita l'avis de Samuel. Sans relâcher son emprise sur ses doigts fins, le jeune homme analysa rapidement la situation et alors qu'il observait toujours l'italienne, questionna : « Est-ce que tu en as vraiment envie ? » en craignant que cette visite la fasse souffrir encore davantage. « Tu sais, s'il ne l'a pas fait pendant toutes ces années... Je ne suis pas sûr qu'il puisse t'expliquer quoi que ce soit... Du moins pas les choses que tu voudrais entendre... » En dépit de leur séparation, Sam avait toujours à cœur de protéger Liviana et il était intimement convaincu qu'elle ne tirerait rien de bon d'une explication avec son père. La seule chose qu'elle risquait était de souffrir un peu plus, et elle n'avait clairement pas besoin de ça en ce moment. Pourtant, Sam était également conscient qu'elle seule pouvait savoir ce qu'il y avait de mieux à faire , et c'est pourquoi il ne voulait rien lui imposer. « Mais si tu en ressens vraiment le besoin... Je serai là pour m'occuper de Luca. » Samuel marqua un temps d'arrêt, réalisant que ce qu'il s'apprêtait à dire pouvait paraître totalement déplacé. Mais qu'importe, Liv le connaissait par cœur et elle saurait bien qu'il ne disait pas cela pour la blesser d'une quelconque manière que ce soit. « Et même...  si tu ne veux pas y aller seule... Enfin, dans tous les cas tu sais que je serai là pour toi. »  

Contrairement à ce qu’elle avait imaginé, Samuel était le premier à entendre parler de son demi-frère. Jusqu’à présent, en parler rendait à ses yeux la chose réelle et une part d’elle refusait toujours de croire que son père puisse être une telle ordure. Liviana lui raconta tout ce qu’elle savait, ce qui s’était passé, ce qu’il avait dit, ce qu’elle en avait déduis ainsi que son avis de partir en Italie pour quelques jours afin de s’expliquer avec ses parents. La jeune maman avait regardé les vols a de nombreuses reprises sans oser valider sa commande « Est-ce que tu en as vraiment envie ? » elle haussa les épaules en tournant son regard vers le sien « Tu sais, s'il ne l'a pas fait pendant toutes ces années... Je ne suis pas sûr qu'il puisse t'expliquer quoi que ce soit... Du moins pas les choses que tu voudrais entendre... » il n’y aucune bonne solution pensa-t-elle en regardant droit devant elle. Elle se perdit dans ses pensées, l’homme qu’elle avait admiré pendant de nombreuses années n’existait plus, elle savait qu’elle ne lui pardonnerait jamais ses années de mensonges puisqu’elle était incapable de pardonner une nuit de mensonge à Samuel. Liviana quitta ses pensées en entendant Luca marmonner quelques choses d’inaudible, elle releva son regard vers Samuel qui semblait sincèrement désolé pour elle « Mais si tu en ressens vraiment le besoin... Je serai là pour m'occuper de Luca. » elle afficha un petit sourire en le regardant elle ne doutait pas une seconde de lui, elle savait qu’il serait là quelques soit le choix qu’elle ferait « Je sais… » murmura-t-elle d’une petite voix avant de regarder son petit garçon, comment allez-t-elle faire sans lui pendant plusieurs jours puisque le prendre n’était pas envisageable ? « Et même... si tu ne veux pas y aller seule... Enfin, dans tous les cas tu sais que je serai là pour toi » elle rapporta son attention sur Samuel, elle était touché qu’il envisage de venir avec elle mais c’était impossible, elle n’en aurait pas la force. « C’est gentil, je te remercie » dit-elle sincèrement en fermant la fermeture de sa veste. Elle jeta un coup d’œil vers la foule qui semblait s’agiter et réalisa que le feu d’artifice était sur le point de commencer, elle ne regarda pas les explosions mais plutôt le regard émerveillé de Luca qui regardait toutes ses couleurs au-dessus de lui, elle captura cet instant dans plusieurs photographies tout en restant silencieuse jusqu’à la fin du feu d’artifice « C’était une bonne idée, il a l’air d’avoir adoré ça » dit-elle avec un petit sourire avant de passer ses bras autour de ses genoux en sentant le vent grimper « Si tu en as envie, il peut dormir avec toi ce soir… » il avait l’air si heureux dans les bras de son père que lui ôter était impossible.

Comme avant, Samuel était aux petits soins avec Liviana. Comme si rien n'avait changé entre eux, comme s'ils formaient encore et toujours ce couple parfait que beaucoup avaient envié. Et pourtant, il y avait des détails qui ne trompaient pas. Les regards qu'ils échangeaient étaient plus brefs, comme si chacun craignait d'y retrouver l'intensité du passé. Leurs sourires aussi étaient différents à présent, et semblaient refléter plus d'amertume que de complicité. Et puis il y avait toutes ces envies réprimées, ces anciens réflexes contre lesquels Samuel luttait en permanence, comme celui d'attirer Liviana tout contre lui pour la réchauffer alors que la jeune femme remontait la fermeture de sa veste. Le comptable sentait bien que toute cette histoire de demi-frère avait désarçonné l'italienne, qu'elle peinait à y voir clair et qu'elle avait terriblement besoin de soutien et de réconfort. Pourtant, il n'était plus en mesure de lui apportait ce dont elle avait besoin et cette simple constatation serra une nouvelle fois le cœur de Samuel. Il était là, prêt à l'aider, mais Liviana repoussait encore toutes ses mains tendues d'un simple sourire qui n'avait jamais été aussi douloureux. Démuni, le jeune homme laissa alors échapper un bref soupir avant de reporter toute son attention sur leur fils qui semblait bien être le seul à profiter de ce moment en toute quiétude. Le petit garçon était visiblement ravi de se retrouver en compagnie de ses deux parents, chose qui n'arrivait pas si souvent que cela. A son âge, Luca ignorait encore tout du malaise qui régnait entre sa mère et son père, et de la douleur palpable qui les étreignait à chaque fois qu'ils se croisaient. Par chance, cette soirée qu'ils passaient ensemble était simplement synonyme de sourires et d'émerveillement pour lui et l'espace d'un instant, Sam se prit à envier l'innocence de son fils. Mais bien vite, son attention toute entière se reporta sur les grands yeux brillants de Luca alors que le feu d'artifice débutait. Bien loin d'être effrayé par le bruit des fusées qui pétaradaient au-dessus de leurs têtes, le petite garçon ne semblait pas perdre une miette du spectacle. A la différence de son père qui, au lieu d'admirer le ciel et les couleurs qui l'illuminaient le temps d'une soirée, passa son temps à admirer avec tendresse la moindre des mimiques de Luca. Un petit sourire collé aux lèvres, Sam remarqua à peine les quelques photos que Liviana prit pour immortaliser la scène, et c'était probablement mieux ainsi. Car quoi qu'il arrive, ces clichés ne rejoindraient jamais l'album de famille que le couple avait tant espéré pendant des années.

« C’était une bonne idée, il a l’air d’avoir adoré ça » Même si les explosions avaient cessé, ce ne fut que la voix de Liviana qui extirpa Sam de ses pensées et lui fit lever la tête. Ravi de cette initiative qu'il avait prise en les invitant ici, le jeune homme se contenta d'adresser un sourire à l'italienne avant de déposer un énième baiser sur la joue rebondie de leur fils. Une fois de plus, il remarqua que Liviana luttait contre le vent frais et il dut se faire violence pour ne pas l'entourer de ses bras. Au lieu de ça, il retira son blouson sans un mot et le déposa sur les épaules de l'italienne, sans vraiment lui laisser le choix d'accepter ou non ce geste. Quelle que soit la situation dans laquelle leur couple se trouvait, Sam ne comptait pas la laisser attraper un rhume par sa faute sans broncher. Comme si de rien n'était, le jeune homme poursuivit ensuite en répondant à la proposition de Liviana en hochant la tête. Evidemment, il serait ravi d'accueillir Luca à la maison pour passer la nuit et comme à chaque fois, Sam mettrait la plus grande attention à ce que son fils ne manque de rien. Mais pour l'heure, une autre question lui brûlait les lèvres :  « Et si on commençait par aller boire quelque chose de chaud ? » L'idéal aurait été de rentrer à la maison pour préparer de quoi se réchauffer un peu tout en préparant Luca pour aller se coucher. Mais Samuel n'osa pas aller au bout de sa proposition pour ne pas paraître trop entreprenant. Il avait promis à Liviana que cette soirée se déroulait sans aucun sous-entendu et il ne comptait pas l'effrayer avec une proposition qu'elle jugerait peut-être déplacée.

Finalement, contrairement à ce qu’elle avait pensé, Liviana passait une soirée agréable auprès de Samuel ; même si elle se sentait toujours un peu timide et gênée, elle était heureuse de pouvoir être assise à côté de lui sans qu’une nouvelle dispute éclate. Le regard de l’italienne se détacha de Luca pour se poser sur les illuminations, elle adorait cette ambiance depuis sa plus tendre enfance et cette version australienne était à la hauteur de ses espérances. Malgré la beauté du feu d’artifice, Liviana n’arrivait pas à oublier la nuit et le froid qui tombait de plus en plus sur Brisbane, frissonnante, la brune se tourna vers Samuel qui venait de déposer son blouson sur ses épaules « Merci… » murmura-t-elle avec un léger sourire sur les lèvres. Sans quitter son regard, elle tira un peu plus sur sa veste se nichant un peu plus à l’intérieur respirant son parfum qui lui avait tant manqué. Pendant une seconde, elle se perdit dans ses souvenirs, les dimanche matins ou elle lui sautait dessus en guise de réveil, son parfum qu’elle respirait en se blottissant dans ses bras, ses moments parfaits. Nostalgique, elle quitta ses souvenirs pour une réalité plus douloureuse, décidée à ne pas afficher sa peine, Liviana changea de sujet en proposant à Samuel de passer une soirée de plus avec son fils. « Et si on commençait par aller boire quelque chose de chaud ? » elle jeta un coup d’œil rapide à sa montre avant de relever son visage vers Samuel, il était tard mais ce n’était pas le problème, elle savait parfaitement que rester avec lui plus longtemps n’était pas une bonne idée. « Il se fait tard et la journée a était longue... » elle esquissa un petit sourire espérant qu’il suffise à ne pas le vexer « Une autre fois, promis » sans s’en rendre compte, elle venait de lui mentir pour la première fois depuis leur rencontre.