So young, so how were you to know. You're a carrier of the light inside of you. Glows green in the pitch black night, can't tell anyone it's hurting you. Hold it in cover up, pull up your sheets. What to be, down cruising in the ocean, and sin it's due. I got to sit up, for my heart to come down.
Ils avaient tout donné côté papier coloré, ballons festifs et banderoles ringardes. Si j’avais pas pris un coup de vieux en passant la porte de l’établissement, si j’avais pas reconnu direct mon casier, puis celui d’Eliana, si j’avais pas frissonné en passant devant la porte du labo de chimie où j’avais probablement vu pousser mon premier cheveux blanc, ce retour en arrière, ces 15 années dans le passé que je venais de franchir, ça faisait pas si mal. C’était pas particulièrement rassurant, à voir que je n’avais pas trop changé, mais ça avait tout de même ce côté confortant. J’étais toujours Matt le con, Matt le marrant, Matt qui s’en fait pas pour grand-chose. Avec tout ce qui se passait entre Ginny et moi ces temps-ci, ç’aurait pu facilement laisser monter une grande vague de nostalgie à me remémorer ces jours où on fréquentait tous les deux ce lycée, mais d’y retrouver d’autres visages connus, de mettre de côté le présent pour ressasser le passé à la place, ça avait du bon. M’enfin, de ce que mon grand sourire bien senti annonce, lorsque je repère à l’autre bout du gymnase le genre de vieux potes qu’on n’oublie pas. « Dude, Barney, ça fait combien d’années?! » bras droit au rugby, arrivé en même tmeps que moi dans l’équipe, on avait toujours été très proches tous les deux, à s’échanger des joints sur le parking, et à peaufiner nos techniques de triche alors qu’il lorgnait sur mes devoirs et que je trouvais toujours les pires stratagèmes pour attirer ailleurs l’attention des professeurs. Il a bien pris 10 kilos, mais il a toujours ses joues roses de gamin qu’on avait envie de lui pincer rien que pour la blague, ce que je fais sans plus attendre, les bonnes habitudes revenant vite au galop. Il grogne, se dégage, flashe la jolie alliance à son doigt et me baratine pendant 15 minutes sur la vie de famille, sur les jumeaux, sur sa femme qui a son propre jardin à la maison, sur la compagnie de son père dont il a héritée, blablabla. J’hoche de la tête, poli, bière à la main, répondant en une phrase top chrono lorsqu’il me demande ce que moi je suis devenu, parlant de Londres, du café, et de beer pong. C’est un sourire presque déçu qu’il exhibe, comme s’il s’était attendu à mieux. Fallait dire que les bonnes notes d’un côté, et le fric des parents de l’autre auraient pu suffire à me garantir une carrière haute placée – mais ça avait jamais été dans mon intérêt profond. Les diplômes inachevés en architecture et en sciences politiques ne vous le confirmeraient que trop. « T’as vu ce qu’ils ont fait du terrain de rugby? C’est d’un déprimant! » que je finis par ajouter, une fois qu'un silence pesant s’était immiscé entre nous deux. Autant amener un sujet qu’il connaissait, qu’on aimait tous les deux. Bingo, il a l’œil qui brille à nouveau, me pointe par défaut 4 autres joueurs de notre ancienne équipe, et bien vite le petit cercle s’agrandit pour relater nos meilleurs souvenirs des matchs, des tournois, des bringues qui suivaient. Ce n’est que lorsque les gobelets de plastique de tout le monde sont bien vides que je me propose, chevalier servant pour aller les remplir au bar. Bière par ci, eau gazéifiée par là, j’ai l’impression de valser entre des ados de seize ans et des grands-pères de soixante-cinq lorsque je reviens à leurs côtés, distribuant mon dû. À croire que d’évoquer les bons moments sur le terrain a rallié l’esprit d’équipe, et bien vite, le mouvement est lancé pour sortir voir l’étendue des dégâts, et piquer au passage un ballon question de faire quelques passes nocturnes. Pourtant, aussi avide puis-je être face à ce retour aux sources, j’ai quand même les priorités au bon endroit. « Les gars… on va manquer le buffet... » je râle, ils éclatent de rire en passant devant la table, l’estomac sur deux pattes que j’avais toujours été leur revient bêtement, nouvelle preuve que je n’ai absolument pas évolué. Du moins, pas en ce qui a trait à mon appétit.
Les lumières du terrain sont illuminées, petite passe-passe dont on se souvenait pour les fois où on était venus boire en week-end dans les estrades, et c’est fort d’un lancer à l’aube de la perfection – j’avais toujours été des plus modestes devant mon jeu – que j’avertis les coéquipiers, comme dans le bon vieux temps. « Passe à gauche, à Spence! » il a perdu sur le cardio le bonhomme, il est moins svelte et rapide et endurant qu’avant, et partir de l’autre coin de l’esplanade pour rejoindre la trajectoire lui provoque un souffle bien court, et une toux caractéristique résonnant tout autour. Et on éclate de rire, parce qu’on a 30 ans passés, et qu’on se prend encore pour les héros qu'on était à l’époque. Ridicule. Mais fun. Encore 30 minutes, encore 40 minutes, encore 1 heure à s’extasier, et on abandonne tous, s'écrasant au sol, certains sur les bancs, d’autres à même la pelouse fraîchement tondue. Les rafraîchissements font du bien, la brise encore un brin hivernale se charge du reste, et ce n’est qu’une fois mon verre vide que je réalise la présence d’une autre personne, silhouette effacée, qui erre entre le terrain et l’entrée désignée pour la soirée. Round 2 pour la bière et l’eau, je ramasse les derniers cadavres de plastique des potes avant de rejoindre l’inconnu, curieux, en bonne posture. Autant joindre l’utile à l’agréable et voir si je ne reconnaîtrais pas un nouveau visage familier. M’adressant au dos que je vois maintenant de plus en plus clairement, j’essaie tout de même de pas trop provoquer de sursaut dans mon approche. « Hey… si je me trompe pas y’a plus cool à regarder qu’une pathétique bande d’anciens joueurs qui commencent à développer des rhumatismes post-trentaine. » j’éclate de rire, avant de m’arrêter complètement dans mon geste. Ah ben, en voilà une surprise. « Loan?! »
Les mains moites, le regard perdu sur un point invisible… Non, mais qu’est-ce qui lui avait pris exactement quand elle avait décidé de venir à cette soirée de retrouvailles ? Loan n’en savait rien et dans le fond, elle regrettait d’avoir fait le chemin jusqu’ici. Mais perchées sur ses hauts talons et moulée dans cette petite robe noire qu’elle s’était offerte quelques mois plus tôt – des mois qui lui paraissaient être des années tant il s’était passé de choses entre temps – elle ne pouvait tout simplement pas faire demi-tour. Pourtant, tout dans ce bâtiment lui rappelait les pires années de sa vie. Les moqueries, les mots anonymes glissés dans son casier. Les années lycée de Loan n’avaient clairement pas été une partie de plaisir, elle n’avait pas fait partie de l’équipe de cheerleaders, elle n’avait pas brillé à la tête d’un quelconque club, elle n’avait même pas brillé par ses notes. Elle avait été de ces filles banales, probablement trop, qu’on décide d’emmerder parce qu’il n’y a pas meilleure cible. Parce qu’elle ne se défendra pas. Parce que c’est comme ça le lycée. Manger ou être manger et elle n’avait clairement pas été dans le bon camp. Des années de galère qui étaient aujourd’hui loin derrière. La petite Loan du lycée avait bien changé depuis. Les lunettes qu’elle portait à l’époque avaient été troqués contre une paire de lentilles dès son entrée à la fac et de jolies courbes s’étaient dessinées sur son corps. Des courbes dont elle avait d’ailleurs appris à se servir. Non, elle n’était plus la petite Loan qui restait dans son coin, à attendre que le temps passe et qu’on se lasse d’elle pour se retourner vers une autre victime. Et c’est pour cela qu’elle était là ce soir. Montrer qu’elle avait changé. Rabattre le caquet de ces mégères et autres beau gosses, rois de promo qui – elle l’espérait – ne s’étaient pas bonifiés avec l’âge. Tout du moins, c’est ce qu’elle n’avait cessé de se répéter lorsqu’elle avait reçu l’invitation. Mais maintenant qu’elle se retrouvait là, face aux portes d’entrée du bahut, elle ne savait plus. Parce que dans le fond, même si elle avait appris à être une grande gueule et à ne plus se laisser marcher sur les pieds avec les années, elle ne restait que cette pauvre nana, pas fichue de s’offrir une nouvelle tenue digne de ce nom pour épater la galerie. Et puis quoi ? Que raconterait-elle au moment où ils en viendraient à discuter de leur brillante carrière et des merveilleux enfants qu’ils avaient tous eus ? Depuis le lycée, Loan n’avait cessé d’enchaîner les jobs en tant que serveuse dans tous les cafés ou bars qui avaient bien voulu d’elle. Et ces dix derniers mois ? Oh et bien elle avait remué le popotin pour une bande de pervers ne trompant pas leur femme, mais préférant au lieu de cela, glisser quelques billets dans le string d’une strip-teaseuse. Ouais, il était pas mal le portrait de la brillante carrière à laquelle elle avait eu droit… Et les enfants, on en parle ? Oh Loan était fière d’Adam, fière de ce que son fils devenait, mais elle n’avait absolument rien à voir là-dedans. Parce que là encore, ce n’était qu’un gamin non voulu, un accident, le fruit d’une nuit avec un mec qu’elle connaissait à peine. Et elle n’avait même pas été foutue de l’élever ce gamin, elle n’avait été capable que de le refiler au père lorsqu’il était devenu un poids trop lourd à porter pour elle.
Un soupir. Les pires années de sa vie. Non ! Le pire était tout juste derrière elle. Ces années de lycée n’étaient rien à comparer à ce qu’elle avait pu vivre dernièrement et elle n’allait certainement pas se ratatiner une fois de plus face à tous ces débiles qui, dans le fond, avaient forgé un peu le caractère de la jeune femme. Et puis il y avait de la bouffe gratuite à l’intérieur, il aurait été dommage de ne pas en profiter au moins un peu. Rassemblant alors tout son courage, Loan prit une grande inspiration, s’apprêtant à enfin briser la distance qui la séparait des portes d’entrée lorsqu’une voix d’homme se fit entendre juste derrière elle. « Hey… si je me trompe pas y’a plus cool à regarder qu’une pathétique bande d’anciens joueurs qui commencent à développer des rhumatismes post-trentaine. » Un sourire au coin des lèvres, Loan se retourna afin de faire face au nouvel arrivant qui riait de sa propre blague. « Loan?! » Son rire s’était arrêté sur un sourire satisfait de la part de la belle. « Matty ! » lança-t-elle d’une voix mielleuse et surfaite, papillonnant presque des cils. A croire que son entraînement d’imitation des pimbêches de l’école payait. « C’est exactement ce que je me disais et j’étais en train de me demander s’il ne valait pas mieux que je fasse demi-tour vu le spectacle auquel je viens d’assister. » Reprenant le ton cinglant et moqueur qu’on lui connaissait à présent, elle jeta un coup d’œil en direction du terrain de rugby. En réalité, elle y avait à peine fait attention en arrivant, bien trop préoccupée par ses pensées. Si bien qu’elle en avait complètement oublié les chances – ou les risques – qu’elle avait de tomber sur Matt McGrath lors de cette soirée. L’un des sportifs les plus populaires de l’époque. Ce mec populaire, beau gosse pour qui elle avait craqué durant toute son adolescence. A un moment, elle avait même cru qu’il avait eu un bref intérêt pour elle, vu qu’il n’était pas rare qu’il prenne sa défense, mais elle avait finalement compris qu’il s’était simplement montré sympa avec elle à quelques reprises. Il ne se souvenait même plus d’elle à l’heure actuelle. Elle en avait eu la preuve, le soir où il lui avait ouvertement fait du rentre-dedans et qu’elle avait préféré partie au bras d’un de ses potes. Soir où, accessoirement, elle était tombée enceinte. « Alors, t’avais besoin de revivre un peu ton heure de gloire ? » lança-t-elle finalement tout en désignant le terrain qu’il avait quitté quelques secondes plus tôt.
So young, so how were you to know. You're a carrier of the light inside of you. Glows green in the pitch black night, can't tell anyone it's hurting you. Hold it in cover up, pull up your sheets. What to be, down cruising in the ocean, and sin it's due. I got to sit up, for my heart to come down.
La voix qui saute, les yeux qui brillent, et j’éclate de rire parce qu’elle a su jouer l’imitation à merveille. « Y’a qu’Amanda Caulkins qui a le droit de m’appeler comme ça et tu l’sais. » le souvenir de la jeune femme vient avec son lot de frissons, maintenant que je me rappelle très clairement d’elle. J’ai presque le réflexe de regarder derrière mon épaule pour voir si elle me traque. Sympa, la fille, quand tu lui donnes la dose d’attention nécessaire. Mais quand tu rigoles à une de ses blagues, ou que tu fais équipe avec elle en chimie… Capitaine de l’équipe de cheerleaders, choriste principale dans l’orchestre, première de classe en tous sujets, rédactrice en chef du journal, elle était partout. Par-tout. On entendait sa voix de crécelle sillonner les couloirs, elle appelait tout le monde par des petits surnoms infusés de calinours, et on se demandait tous quand elle aurait un emotional breakdown à force de sourire autant et d’avoir les yeux si ronds d’excitation à la moindre parole qu’on lui adressait. Le cliché de celle qui prend la vie trop à cœur, et la crainte de lui tomber dessus maintenant que je l’ai invoquée en disant son nom à haute voix. Au moins je l’ai pas répété trois fois. Mais reste qu’il s’agit d’une réunion d’anciens, et que ce genre d’initiative était en plein son type. C'était sûr qu’elle ferait apparition au pire moment, hurlant à la pleine lune. Par chance, la présence de Loan et les cris des mecs derrière qui se sont visiblement remis à la partie même sans recharge de verres me remet sur le droit chemin – celui du rugby. Et je rigole de nos performances, surtout le miennes, parce qu’il faut bien admettre qu’avec les années, les burgers, les bières et encore les bières, je n’avais plus le cardio du jeune adolescent fringuant que j’avais pu être à l’époque. La preuve avait été faite ce soir. « Ça vaudrait mieux pour l’estime que t’as de moi – s’il en reste. » hilare devant sa proposition de ne rien voir de plus et de simplement filer, je ne peux qu’espérer n’être pas aussi ridicule que ce que la situation semble démontrer. Un peu de sarcasme, de l’ironie à la tonne et juste assez de blagues pour ne pas avoir envie d’y retourner sous prétexte que j’ai entendu Spence appeler la balle comme il le faisait jadis, et que ça a pitoyablement déclenché une réaction physique en moi qui me donne envie de sprinter. Loan met directement le point là où ça fait mal lorsqu’elle insiste sur l’heure de gloire, et elle ne pourrait pas être plus dessus. Fallait dire qu’après le lycée, y’avait eu la fac déjà et les bonnes années de beer pong, puis la débandade d’Ezra et Ginny, et Londres. Là par contre, ça avait été juste une succession de mauvaises décisions, de fond de baril et de culpabilité très bien placée. Pas sûr que ce soit le bon moment pour lui dire que là, tout de suite, j’avais un presque goût de renouveau, de nouvelle chance, de second départ, et pas juste l’impression d’avoir gâché ma vie et celle de ma sœur durant les 7 dernières années, mais autant mieux continuer sur cette note et déconner jusqu’à la fin. Le message passe toujours mieux ainsi, surtout pour moi. « Ou d’un direct, à l’ego. Là ça va, mes chevilles se portent mieux, retour à la normale. » j’étais particulièrement con au lycée, et Loan en avait sûrement fait les frais à me voir me pavaner dans les couloirs. Si je ne me souvenais à peine de la présence de la demoiselle dans mes classes – sans rancune, Levinson – c’était assuré que le sportif, roi de la promo, sourire à deux balles et quasi note parfaite aux exams avait laissé une impression sur elle comme sur tout le monde, et là je parlais pas d’une impression positive.
Par chance, j’avais un début de bon sens à l’époque et j’essayais vraiment de faire de mon mieux pour ne pas sombrer dans le cliché du mec riche et populaire, mais la facilité et le succès font faire de drôles de choses à un gamin en pleine puberté. Et ça peut donner envie, quand la vie n’est plus aussi facile et simple qu’à l’époque. « Tu arrives ou tu pars? » que je finis par relancer, alors que mes prouesses du soir sur le terrain sont de nouveau de retour dans le dossier souvenirs. Derrière, on semble s’en donner encore à cœur joie, et ma mission d’aller remplir les gobelets a été interrompue par les retrouvailles avec la jeune femme – ce que les gars finissent par remarquer à en juger des cris qu’on me lance et des demandes de cocktails qui fusent. « Parce que si tu arrives, je me dis qu’on peut facilement prendre un verre et lancer les paris à savoir qui des autres joueurs risque de se casser la hanche en premier. » valait mieux rire de nos blessures d’adultes. Si la lueur de l’établissement était plus puissante, je pourrais sans doute détailler davantage Loan et voir un peu de quoi elle avait l’air maintenant, plus de 7 ans après que je l’ai vue pour la dernière fois, dans ce bar avec Ben. Elle me semble un peu plus petite, un peu plus trapue. Rien de bien alarmant, probablement qu’il s’agit juste d’une question de fringues, mais tout de même. Le reflet des néons sur ses joues les creusent un peu, et y’a ces cernes que j’aime un peu moins, mais je me dis bien honnêtement que ça ne doit qu’être une question d’éclairage bien dramatique. Elle serait pas là si elle avait pas envie d’y être, non? « Et même si tu pars, ce sera une question de secondes je pense avant que leurs os de crystal ne cèdent. » d’une façon ou d’une autre, elle ne s’en sortirait pas. J’aimais l’idée de passer en mode spectateur pour une fois, et de pas juste être celui qui fonce sur l’équipe adverse en dépit des cassures et des foulures.
Un léger éclat de rire échappa à Loan face à la réaction de Matt alors qu’elle venait de jouer les pimbêches. Mais le sourire qu’elle affichait disparût presque aussitôt lorsqu’elle reporta son attention sur le bâtiment dans lequel elle s’apprêtait à rentrer avant que le jeune homme ne l’interpelle. Amanda Caulkins. Encore une tête qu’elle n’était pas pressée de revoir. Cette fille était le stéréotype de la fille insupportable et pourtant, elle était amie avec tout le monde et tout lui réussissait. Loan imaginait parfaitement que sa petite vie à elle devait être aujourd’hui tout aussi parfaite que son parcours au lycée. Elle devait avoir aujourd’hui un mari aimant, une jolie petite maison en banlieue avec piscine, deux beaux enfants et un labrador pour venir parfaire le décor. Une image parfaite derrière laquelle se cachaient probablement bien des secrets. Mais qu’importe… Ce qui était sûr, c’est qu’au rappel de la fameuse Amanda, Loan avait d’autant moins envie de franchir les portes. C’était idiot de redouter à ce point, n’est-ce pas ? D’autant plus que Matt ne semblait pas se rappeler d’elle – hormis à propos de cette soirée qu’ils avaient passé “ensemble” il y a plus de sept ans, alors pourquoi les autres personnes de sa promotion se souviendraient-elles d’elle ? Il n’y avait pas de raison. Elle n’avait été qu’un souffre-douleur durant les années lycée et ils étaient tous passé à autre chose à présent. « Ai-je un jour seulement eu un peu d’estime pour toi, Matt McGrath ? » argua-t-elle dans un sourire en coin, surtout pour le taquiner plus que tout autre chose. Evidemment qu’elle l’avait un jour estimer. Si ce n’est durant toutes les années lycée d’ailleurs. Il n’avait pas été comme les autres avec elle, à rire d’elle ou à simplement l’ignorer et la croire transparente. Non, il avait été celui qui prenait sa défense quand les choses allaient trop loin. Mais inutile de revenir là-dessus. « Tu m’en vois ravie. » ajouta-t-elle ensuite alors que Matt faisait une nouvelle remarque quant à ses chevilles. Un vague sourire flottait sur les lèvres de la jeune femme alors qu’elle observait le brun. Les répliques de la belle n’étaient pas aussi cinglantes qu’elles auraient pu l’être, c’en était définitivement à croire qu’il y avait une espèce d’aura autour de ce lycée qui vous forçait à redevenir l’adolescent que vous étiez à l’époque.
Finalement le jeune homme reprit la parole en lui demandant si elle arrivait ou si elle repartait déjà, proposant au passage de lancer les paris sur l’ancienne équipe de rugby de l’école où chaque membre semblait vouloir se prouver quelque chose ce soir. Anciens joueurs qui semblaient avoir remarquer à présent la présence de la jeune femme et qui semblaient avoir besoin de Matt pour faire le ravitaillement. « Que j’arrive ou que je m’en aille, tu ne me laisses pas vraiment le choix, c’est ça ? » demanda-t-elle dans un nouveau sourire en coin avant de jeter un coup d’œil supplémentaire en direction du bâtiment où se déroulait la fête. C’aurait été idiot de toute façon de faire bêtement demi-tour alors qu’elle s’était habillée et avait fait le chemin jusqu’ici. « Je crois que je peux au moins t’aider à leur apporter à boire avant qu’ils ne te prennent pour cible. » Un nouveau sourire et ils prennent tous les deux la direction de l’entrée de la salle. La musique se faisait un peu plus forte alors qu’ils progressait dans le couloir et les lumières colorées dansaient sur les murs. Loan imaginait que l’ambiance devait ressembler aux bals auxquels elle n’avait jamais assisté. Et puis finalement, ils arrivèrent réellement dans la salle et c’est non sans un énorme nœud à l’estomac qu’elle observa l’environnement. Des têtes qui n’avaient pas changées, des comportements semblables à ce qu’ils étaient à l’époque pour certains tandis que d’autres ne semblaient pas vraiment vouloir se mêler à la foule. Loan repéra le bar dans le fond de la salle, mais elle n’eut pas le temps de faire un seul pas qu’une harpie s’approchait d’eux. « MATTY ! » Amanda était bien évidement là. La jeune femme n’avait pu faire autrement que de sursauter en voyant ce sourire trop large qui dévoilait des dents parfaitement blanches. Est-ce qu’elle était seulement humaine cette fille ? Le regard des deux jeunes femmes se croisèrent et la poupée sembla en perdre de sa spontanéité. « Tu es venu avec Loan ?! » Cette voix de crécelle qui vous en donne froid dans le dos. « Ne t’en fais pas, tout n’est pas perdu pour lui, on n’a fait que se croiser à l’entrée de la salle. » Tentant un sourire forcé à son tour Loan avait pris un air compatissant tout en tapotant l’épaule de la jeune femme avant de la contourner sans un mot de plus avant de prendre la direction de la table qui servait de bar. La table attenante servait de buffet et tandis qu’elle faisait le plein de boisson, elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour voir où en était Matt. Amanda lui tenait toujours la jambe et il ne semblait pas des plus ravis. Elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’il pouvait se raconter par-là, mais elle imaginait qu’il y avait eu un bref commentaire à propos de la jeune femme avec qui il était rentré avant de dévié sur le sujet passionnant qu’était Amanda Caulkins. Loan en avait presque terminé avec les boissons lorsque Matt revint finalement vers elle. Elle venait de le lâchement l’abandonner et elle ne savait pas trop quelle serait la réaction du jeune homme, ni-même s’il avait fini par avoir un flash de la fille qu’il avait connu au lycée. « Elle a fini par te laisser partir ? »
So young, so how were you to know. You're a carrier of the light inside of you. Glows green in the pitch black night, can't tell anyone it's hurting you. Hold it in cover up, pull up your sheets. What to be, down cruising in the ocean, and sin it's due. I got to sit up, for my heart to come down.
Qu’on dise que je suis rassembleur, que je suis pas du genre à laisser personne derrière, ou simplement que je suis foncièrement heureux de la revoir après l’avoir suivie un brin à distance sur les réseaux sociaux depuis la dernière fois où je l’ai vue, Loan capte tout de suite qu’elle est pas prête de pouvoir dégager le pot de colle au sourire légèrement alcoolisé que je lui offre. « C’est exactement ça. T’as toujours été plus brillante que moi. » j’hausse les épaules, prenant pour acquis que si elle jouait au jeu de la pique, aux remarques pleines de sarcasme, c’était parce qu’elle avait ce niveau, qu’elle était allumée. À mon souvenir, elle faisait pas non plus partie de la racaille qui se retrouvait en fin de peloton les examens passés, mais ça, c’était encore un peu nébuleux. Mes grands yeux brillants et mes quelques supplications paient finalement, et elle cède à ma proposition en acceptant au passage de me donner un coup de main pour ramener gobelets et rafraîchissements aux joueurs de pacotille à l’autre bout du terrain. Je sens bien qu’elle n’est pas tout à fait à l’aise, qu’elle cherche sa place, qu’elle a probablement pensé passer 15 minutes pour se barrer ensuite - autant profiter de sa présence avant qu’elle ne s'éclipse tiens. « Je prends. » satisfait de l’avoir convaincue, presqu’autant que Ben lorsqu’elle l’a choisi à ma place cette fameuse soirée à Sydney, je passe devant, lui ouvre la porte, et l’intime à entrer. Des couleurs de casiers à perte de vue, un linoléum ciré, la musique des 90’s qui résonne jusqu’à nous, l’ambiance est entre le cliché de films pour adolescents, et la bonne nostalgie. Repasser dans ces coins me fait encore un peu d’effet, et l’adaptation n’est pas totalement passée même si j’y suis depuis plus d’une heure déjà. Il faut dire qu’il s’en est passé des choses depuis, et que le Matt qui étudiait dans cette salle de classe, là, et qui embrassait Eliana dans ce recoin ici, et qui avait laissé ses potes copier son devoir par devant, ne ressemblait plus du tout au Matt d’aujourd’hui - ou du moins, il l’avait perdu entre Londres et le reste. Un silence confortable s’installe entre Loan et moi, je la laisse faire ses marques, trouver ses propres points de repère, le sourire qui se rend à ceux qui nous passent alors qu’elle semble encore perdue dans ses pensées. Je repère l’auditorium plus loin, pense même à l’y inviter en souvenir des pièces de théâtre auxquelles on était forcés d’assister et qui étaient toujours horribles et mal jouées - mais le devoir nous appelle et bien vite, on rejoint la cafétéria. Table à alcool en vue, un pas et c’est le vrai, le seul, l’unique cri que Loan avait prononcé plus tôt qui résonne dans nos oreilles. Quand je disais que de le mentionner la faisait apparaître. « Seigneur, Loan, non, je, fais pas ça.... » c’est de l’horreur, c’est de la peur, profonde et palpable qu’elle pourra lire dans mes pupilles et qui visiblement ne suffit pas maintenant que c’est son dos qu’elle m’offre, et que les griffes d’Amanda se resserrent sur mes épaules. Je déglutis difficilement. « Matty, t’es toujours aussi beau! Tu me racontes ta vie? » je jure que ces notes aiguës ne sont pas normales, qu’elle fait exprès, que ça fait partie du personnage, de la blague. Ses faux ongles fushia dégoulinant se pressent contre le tissu de mon t-shirt, je me redresse, faiblard. « Oh, tu sais, la routine rien de bien intéressant. » je le feel pas du tout. J’ai pas envie d’être moche avec elle, j’ai pas envie de la faire chier, mais je n’ai pas non plus envie de m’éterniser. Mon plan initial me semblait beaucoup plus cool que de devoir jouer de pincettes avec Caulkins pour m’assurer de ne pas l’avoir collée à mes baskets jusqu’à minuit. « Tu es allé à Londres et là tu reviens? C’est excitant! » bah voilà, pas besoin de lui faire la conversation, elle la fait pour moi-même ayant apparemment stalké ce que j’avais pu dire de notre séjour anglais depuis la remise des diplômes. « Ça se gère. » les mains dans les poches, je sens encore ses doigts effilés qui me prennent en grippe, qui m’immobilisent, mes yeux qui se font violence pour ne pas avoir l’air d’implorer, de rêver de quiconque pouvant me sortir de là. « T’as l’air occupé Matty… on pourrait aller prendre un verre un de ces jours, pour se rappeler le bon vieux temps. » je me sens mal, affreusement mal. Là où d’autres l’auraient juste rejetée comme une tâche de laquelle on se débarrasse vite fait bien fait, j’ai pas non plus envie d’être mauvais et cruel, elle m’a rien fait en somme, je suis juste pas son public cible. « Ouais, je… je te dirai, c’est pas mal le chaos mon horaire ces jours-ci. » et non, pas de mensonge ici. Entre l’ouverture du café, l’emménagement chez Lene et la dispute avec Ginny, j’avais pas vraiment le temps de me poser correctement - mon excuse était donc absolument legit. « Tu trouves quand même du temps pour voir Levinlourde. » Amanda fait un pas en arrière, déçue fort probablement, pleine de remontrance. Et je dois avouer que je capte pas du tout ce qu’elle avance, que j’ai l’expression fermée, que je dois pas avoir l’air du type malin au-dessus de ses affaires qu’on me voyait arborer habituellement. Ça me dit quelque chose, mais c’est tellement vague que j’ose à peine m’avancer. « Qui? » je vois pas, je comprends pas, et elle ne s’en réjouit que trop. S’humectant les lèvres, elle retrouve celle qui m’a lâchement abandonné quelques minutes plus tôt, complétant sa pensée avec la voix bien trop ravie pour en être juste. « Me dit pas que t’as oublié son surnom, à Loan? » damn, fuck. Je remarque à distance la brunette qui s’affaire à empiler les verres, et c’est comme le déclic, l’alleluia, la consécration - ou presque. C’était de là que son visage m’était encore plus familier, c’était ça cette impression qu’elle m’avait laissée en me donnant son nom, ses années ici. Pas comme si ça l’avait décrite à mes yeux, mais assez pour comprendre pourquoi elle semblait se traîner les pieds plus tôt, pourquoi elle n’était jamais entrée dans les détails sur sa scolarité à Brisbane. Quel con. « Oh. Bon.... bonne soirée. »
Amanda restera dans son coin pour la suite, et je sens bien trop son regard qui s’intensifie dans ma direction, comme si ça allait me convaincre de lui filer mon numéro, de prendre le sien. Je finis par me placer à la hauteur de Loan, les flashbacks qui me reviennent doucement, le malaise qui est palpable. Si elle savait à quel point je trouvais les cliques stupides, si elle se doutait à quel point le fait qu’elle n'ait pas fait partie de l’équipe des cheerleaders avec Caulkins lui rajoute du potentiel et pas l’inverse - mais ces séquelles que son cursus ici avaient dû lui laisser devaient pas être du tout sympathiques à ressasser. « Avec elle le truc, c’est qu’elle te laisse partir pour mieux surgir d’un coin noir la minute d’après. Je serai plus en sécurité maintenant que je suis sur son radar. Merci, vraiment. » que je finis par annoncer faussement frustré aux côtés de la jeune femme qui finalise le dernier verre. Pas besoin de faire dans la grande révélation, j’allais juste être plus attentif et moins con pour la suite - ou du moins, je tenterais. « On fait un détour avant d’y retourner? » j’attrape quelques verres, elle m’imite, et l’envie de ne pas tout de suite lui imposer un autre bain de foule avec des mecs qu’elle a dû détester since day one me motive. À savoir, elle doit tout autant me mépriser, mais soit, elle est toujours là, autant essayer de lui faire vivre un bon moment et chasser au passage ses mauvais souvenirs. « Quand tu m’as dit à l’époque que t’étais venue ici au lycée, t’as pas trop donné de détails... » j’emboîte le pas, enclenche la discussion, l’invite à me suivre d’un sens, puis de l’autre. C’est facile à trouver puisqu’on était voisins dans le temps, c’est totalement inné, naturel, et bien vite je m’y reconnais lorsque je tourne vers la gauche, puis la droite, et encore la gauche. Et je me poste devant une rangée, le 43 étant anciennement le mien, le 39 le sien. Les vestiges d’un graffiti vulgaire qu’une bande d’idiots avaient fait sur la porte de son casier reste encore un brin apparent malgré le nettoyage intensif qu’ils avaient pu faire sur la porte de métal à l’époque. « J’comprends pourquoi maintenant. » Levant la tête vers elle, j’essaie d’éviter toute forme de pitié, pas du tout dans le mood pour qu’elle se sente comme une pauvre petite fille encore une fois. Juste, j’ai quelque chose à clarifier avec elle pour excuser les nazes qu’on pouvait être à l’époque. « Les ados sont de sacrés cons. J't'apprends rien. T'as plus à t'en faire avec ça, c'est passé, fini, inutile. T'es loin devant, de toute façon. »
Ce retour au lycée s’avérait être bien plus compliqué que ce que Loan n’avait pu le croire. Ces années étaient loin derrière elle à présent et pourtant, de se retrouver devant ce bâtiment avec pour fond sonore l’équipe de rugby de son époque avait fait remonter en elle tout un tas de souvenirs bien douloureux. Elle n’avait cependant pas eu énormément le temps de s’y attarder ou même l’occasion de faire demi-tour que quelqu’un l’avait rejoint devant le bâtiment. Et ce quelqu’un n’était pas n’importe qui. Matt McGrath, l’un de ces mecs populaire pour lequel elle avait clairement eu un coup de cœur à l’époque et qu’elle avait recroiser quelques années plus tôt. Matt ne semblait pas s’être souvenu d’elle lors de leurs retrouvailles et elle imaginait aisément que s’il l’accostait ce soir, c’était surtout parce qu’il se souvenait d’elle comme étant la nana qu’il avait un jour dragué dans un bar de Sydney et qui s’était barré avec son meilleur pote. Qui sait, peut-être que c’était probablement mieux ainsi. « Déjà en maths à l’époque, mais ça ne semble pas t’avoir marqué plus que ça. » souffla-t-elle dans un sourire en coin alors que le jeune homme soulignait qu’elle avait toujours été plus brillante que lui. Elle n’aurait probablement pas avancé ce genre de chose, mais que ça soit vrai ou pas, ça n’en restait pas moins plaisant à entendre. Et quoi qu’il en soit, même si Loan n’avait jamais vraiment briller de ses notes, faisant au mieux pour étudier entre deux services là où elle bossait à l’époque, les maths avaient toujours été une évidence pour elle et ses notes avaient toujours été dans les meilleures de la classe. Quoi qu’il en soit, elle n’ajouta rien de plus et accepta finalement de rester au moins le temps d’un verre. Après tout, il s’agissait de ce qu’elle s’était mis comme objectif lorsqu’elle avait décidé de mettre un pied à cette soirée d’anciens étudiants, alors pourquoi refuser ? Le sujet jusqu’à la salle où avait lieu la fête se fit dans un silence presque religieux. Loan n’avait plus remis les pieds dans cette établissement depuis qu’elle avait obtenu son diplôme et même si elle avait clairement cru qu’elle avait fait du chemin depuis et qu’elle était passée au-dessus de tout ce qui avait pu arriver entre ces murs, le malaise qu’elle ressentait présentement ne faisait que prouver qu’elle s’était leurrée durant toutes ces années. Toujours silencieux, ils poussèrent les portes de la salle et furent rapidement accostés par celle qui semblait refiler des boutons aussi bien à Loan qu’à Matt ; Amanda Caulkins. Il n’en n’avait pas fallu beaucoup pour que la brune ne décide de prendre congé pour aller servir les verres qui serviraient de ravitaillement à l’ancienne équipe de rugby. Croiser la jeune femme semblait presque inévitable dans ce genre de réunion, malgré tout, Loan ne se sentait clairement pas prête à un véritable face à face. Le simple regard que la blonde surfaite avait pu lui lancer avait suffi à la jeune femme pour l’enfoncer dans sa peau d’étudiante et rien ne pourrait empêcher ça, pas même la supplication de Matt qui lui parvenait comme une voix lointaine. Ça n’était clairement pas la meilleure réaction qui soit et c’était lâche de sa part de faire un tel coup au jeune homme alors qu’il lui avait fait comprendre quelques minutes plus tôt qu’il n’avait pas particulièrement envie de croiser la jeune femme ce soir. D’autant qu’elle imaginait aisément que cette rencontre permettrait de rafraîchir la mémoire du grand brun et elle ne tenait pas particulièrement à croiser son regard lorsqu’il finirait par se souvenir de l’adolescente qu’elle était.
C’est finalement après quelques longues minutes – quasi toutes les boissons avaient été servies – que la jeune femme senti à nouveau la présence de Matt à ses côtés. Sans même lui lancé un regard, elle avait tenté une brève plaisanterie sur la rencontre qui venait d’avoir lieu et un sourire lointain se dessina sur les lèvres de Loan alors que son voisin annonçait qu’il y avait peu de chances pour qu’elle revienne vers lui à présent qu’elle l’avait abandonnée pour rejoindre Levinlourde. Ou peut-être n’était-ce que parce qu’elle l’avait mal pris le fait qu’il l’abandonne pour rejoindre une autre fille, tout simplement. « Tu m’en vois navrée, vraiment. » Terminant le dernier verre, la jeune femme redressa finalement la tête et croisa le regard de l’ancien joueur de rugby. Elle lui adressa un nouveau maigre sourire puis haussa ensuite les épaules lorsqu’il lui proposa de faire un détour avant de retourner au stade. La nouvelle Loan avait pour habitude d’être un peu plus loquace, mais de toute évidence, l’adolescente avait repris le pas sur la jeune femme qu’elle était devenue et elle se contenta alors de suivre le grand brun après avoir attrapé quelques verres. Une balade ou le stade… Quelle importance au final, si ce n’est que cette petite balade ne ferait que retarder un peu plus le moment où elle pourrait regagner son appartement. Matt ne semblait de toute évidence pas prêt à la laisser partir de sitôt… Allez savoir pourquoi d’ailleurs. « Ce n’est pas comme si y avait une tonne de détails à donner... C’était le lycée, mis à part suivre les cours, je n’ai pas fait grand-chose dans le coin. Si j’avais été cheerleader à l’époque, tu te serais certainement souvenue de moi et je n’aurai pas eu besoin de te donner plus de détails non plus. » A nouveau, la jeune femme haussa les épaules. Son ton avait été assez plat. En réalité, quels détails auraient-elle pu donner lors de leurs retrouvailles ? "Mais si, tu sais, la nana au casier proche du tien et qui se faisait emmerder continuellement, tu remets ?" Pathétique. Ce qu’elle lui avait dit à l’époque était suffisant, elle avait été une étudiante parmi tant d’autres, affublée d’un surnom affreux. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, Loan reprenait ses marques dans le lycée. Plus ou moins. Tout du moins assez pour savoir où leurs pas allaient les mener. Et comme de juste, ils s’arrêtèrent face à une rangée de casiers. Là où se trouvait toujours les leurs d’ailleurs et un frisson lui parcourut l’échine alors qu’elle constata que le graffiti qui lui avait été destiné n’avait toujours pas totalement disparu de la porte. « Ca te fait regretter d’avoir tenté ta chance y a huit ans ? » souffla-t-elle tout en tentant de prendre un air détaché alors qu’elle adressait enfin un coup d’œil à son interlocuteur. Peut-être qu’en connaissance de cause, il aurait fini par se reculer de lui-même. Ou pas. Qui sait… Après tout, même si elle était plutôt du genre transparente à l’époque, Matt n’avait jamais été de ceux qui lui cherchaient des poux, au contraire, il avait même pris sa défense à l’une ou l’autre occasion. Peut-être aussi parce qu’à l’époque, elle avait en quelque sorte pris la sœur du jeune homme sous son aile – sœur qui ressemblait bien plus à Loan qu’elle n’aurait pu le penser d’ailleurs, vu le statut de la famille McGrath. Mais c’était loin tout ça. Tellement… Matt avait raison, les ados pouvaient être sacrément cons. Le point sur lequel il avait cependant probablement tort, c’était lorsqu’il avançait qu’elle était loin de tout cela à présent. « Ouais… » souffla-t-elle tout en reportant son attention sur ce casier qui avait été le sien durant toutes ces années. Le lycée était loin derrière elle et il s’en était passé des choses depuis… Des tonnes. « Tu veux que je t’avoue… J’ai pas forcément l’impression d’avoir tant avancé que ça depuis le lycée. » C’était la première fois qu’elle énonçait cela à voix haute et il fallait que ça soit à Matt. Peut-être parce que lui avait plus ou moins eu vent de celle qu’elle était adolescente. Que s’il avait fait attention à l’époque, il devait savoir dans quelle galère elle avait évoluée durant toute cette période. Et que dans le fond, même s’ils se connaissaient depuis longtemps, lui, elle ne l’avait pas lâchement abandonné ces derniers mois. C’était différent. Et agréable. « Enfin peu importe… Et toi alors… Qu’est-ce que tu es devenu depuis tout ce temps ? »
So young, so how were you to know. You're a carrier of the light inside of you. Glows green in the pitch black night, can't tell anyone it's hurting you. Hold it in cover up, pull up your sheets. What to be, down cruising in the ocean, and sin it's due. I got to sit up, for my heart to come down.
Évidemment qu’elle pique, j’aurais fait pareil à sa place. Je laisse pourtant échapper un petit rire, parce qu’elle a cette répartie qui est venue avec les années, qui a su me marquer quand je l’ai revue ce soir-là avec Ben, où j’ai manqué le coche en ne lui soulignant pas nos souvenirs communs et surtout les railleries dont les autres étudiants ont pu la traiter. « Tu sais ce qu’on dit à propos de la mémoire et des mecs... » que je chante, la voix innocente, la mine qui l’est toute autant. C’était pas dit que j’allais m’en sortir avec ce préjugé à la con, mais fallait pas qu’elle le prenne mal en vrai. Au lycée, j’étais tombé dans la potion de popularité assez vite et même si je m’en plains pas du tout, ça avait donné tout un tas d’inégalités dès les premiers jours de mon cursus jusqu’aux derniers. J’avais tenté de garder le moindrement de bonnes valeurs, mais y'avaient des journées moins bonnes que d’autres. Si j’étais plutôt satisfait de pas avoir laissé un souvenir trop dégueulasse à Loan, c’était pas dit que ça passerait crème surtout avec ce qu’Amanda avait pu balbutier quelques minutes plus tôt. « Non, mais en vrai, je me serais souvenu. C’est pas tous les jours qu’on retombe sur une demoiselle en détresse qu’on a pu sauver. » et j’abuse, je le sais, je teste un peu trop fort, j’accroche même mes rétines aux siennes pour voir comme elle rebondira à ça, si ce sera le revers de la porte de son ancien casier mal fermé qui me volera en pleine gueule ou si elle en rira de bon coeur. Parce que c’est derrière nous, parce que ça ne l’a pas qualifié ce soir, ni jamais d’ailleurs. Parce que d’avoir vu ce que ce genre de comportements ont pu faire à ma propre soeur, j’étais pas du tout du côté des bullies. Et ça, Loan le savait mieux que quiconque. « J’rigooooole. » que je désamorce tout de même, inquiet pour ma tronche d’ange. Parlant de nostalgie, la voilà qui ressasse elle-même nos retrouvailles d’il y a à peine 7 ans, et de comment, si j’avais eu tous les éléments en tête, j’aurais changé de cible. Très drôle ouais, et puis quoi encore, elle s’était pas vue? « Pas du tout. Regretter de pas l’avoir utilisé à mon avantage, yep. Genre tu m’en dois une. » je m’appuie sur le mur de métal derrière nous, laissant mes jambes céder et m’installant en indien comme tant de fois avant au sol. On passait nos pauses entières à larver ici, à parler des prochains matchs, à regarder passer les jeunettes en vrai défilé de mode, à s’envoyer des oeillades et des blagues salaces. Le simple geste me ramène des années en arrière, et c’est un aller simple vers memory lane que je partage avec la blonde, l’invitant à me rejoindre au sol comme amende honorable. « Ok, ok, j’arrête. C’est con. » ma voix est un peu plus calme, un peu plus sérieuse aussi, du moins, de ce que je tente. Peu importe d’où elle sortait, peu importe celle qu’elle pouvait être jadis, je ne la sentais pas aussi fragile, plus aussi fragile qu’elle aurait pu être. Loin de la gamine désespérée, désemparée, loin de l’impression d’être perdue, de vouloir fusionner avec la sortie, de n’être qu’une loque sans mission viable, sans raison d’être. Elle prend place, et je lève la tête dans sa direction, résistant à l’envie de lui ébouriffer les cheveux comme je le faisais avec Ginny quand certaines situations la dépitaient au point qu’elle se refermait comme la plus scellée des huîtres. Mais je ne fais que lui tendre un des verres prévus pour le team, duquel ils devront se passer sans que je puisse partager une seule once de culpabilité pour eux. « Déjà, t’es revenue, ce qui montre que t’es le moindrement ok avec tout ça, avec le passé. » et Loan qui semble ne pas du tout être d’accord avec cette impression que j’ai qu’elle a changé, qu’elle a grandi, pour le mieux. La voir ici est quand même un petit pas supplémentaire, pas un énorme puisqu’elle semble au bord de se barrer, au bord de l’inconfort, mais tout de même, on fait du progrès.
L’habituel revirement de situation qui me prend tout sauf au dépourvu, et elle me renvoit la question, le commentaire. Et Matt lui, comment il s’en sort? « Bwarf, si c’est le concours de qui a le mieux failé, je pense pouvoir me hisser bien en haut du top. » surtout aujourd’hui, surtout depuis quelques semaines. Ça va pas, ça va probablement pire encore que lorsque tout a chamboulé et qu’on a filé à Londres. Hop, on y va pour un round de plombage d’ambiance, présenté gracieusement pour vous par Matthew McGrath et ses nombreuses frasques de bel idiot de première. « Pas de diplômes, pas de mariage, pas de gamins. Rien d’autre qu’un local acheté et retapé, un p’tit commerce que je tente. » le coffee shop avait l’air bien cool sur papier, bien impressionnant pour ceux qui me voyaient lancer ça avec le sourire aux lèvres et l’espresso bien relevé, mais la vérité, c’était que j’avais passé 6 ans à noyer mes échecs scolaires dans des pubs anglais ringards, à multiplier les conneries pour cause de devoir fraternel à assumer alors qu’on m’avait jamais rien demandé. Surtout pas de gâcher des vies. « Oh, et ma famille me parle plus du tout. Bah, une partie m’ignore et l’autre partie, je l’ignore. Sympa en prévision du futur dîner de Noël. » parlant d’eux, autant statuer. Une longue lampée de cocktail plus tard, et c’est un silence de mort qu’on partage. Si le jeune Matt et la jeune Loan avaient été là à nous écouter, y’avait fort à parier que leur avenir peu reluisant ne leur aurait pas du tout fait envie. Toujours mieux d'en rire, comme toujours. « J’suis sûr que je gagne, là. »
Lorsque Loan avait décidé de faire un saut à cette soirée des anciens, elle n’avait absolument pas imaginer qu’elle passerait la soirée – ou tout du moins une partie de soirée – en compagnie de Matt. Certes, ils avaient eu l’occasion de se croiser depuis leur sortie du lycée et le courant était alors plutôt bien passé entre eux, même si elle avait fini par le laisser au second plan pour partir avec son pote, mais à ce moment-là, le jeune homme n’avait pas sembler se rappeler d’elle. Tout comme lorsqu’il était venu l’accoster alors qu’elle s’apprêtait à faire demi-tour pour rentrer chez elle. Loan était persuadée que s’il l’avait rejoint ce soir, c’était parce qu’elle avait justement été une potentielle conquête lors d’une soirée et qu’il se souvenait d’elle en tant que telle. Mais les masques avaient fini par tomber, à peine avaient-ils mis un pied dans la salle où se déroulait la fête. Certes, les années lycée étaient loin derrière eux, mais ils n’empêchaient que de toute évidence, l’image qu’on laisse derrière soi en quittant la terminale semblait être une image qui vous resterait collée à la peau auprès des personnes qui avaient partagé ces années avec vous. Et ça n’avait pas loupé, Amanda Caulkins leur avait mis le grapin dessus, Loan s’était échappée mais cette rencontre n’avait pas empêché Matt de revenir vers elle par la suite.
Et les voilà à présent qu’ils se baladaient dans les couloirs, ressassant ce passé que la jeune femme tentait de garder bien loin derrière elle et dont ils n’avaient pas encore eu l’occasion de reparler. Le brun fit d’ailleurs une remarque sur le fait qu’il aurait bien fini par se souvenir d’elle tôt ou tard. Et même si le fait d’être qualifiée de damoiselle en détresse n’est clairement pas ce qu’il y a de plus reluisant, Loan ne le prend pas plus mal que ça, elle sait bien d’où ça vient et concrètement, elle en a fini de s’en faire avec tout ça. Elle sourit même alors qu’il souligne plaisanter. « Ouais, ouais, ouais… n’empêche que j’suis certaine que t’essaies simplement de te rattraper et que tu te serais jamais rappelé de moi si on ne te l’avait pas mis sous le nez. » Et il n’y avait en soit pas tant de mal à ça… Certes, elle l’avait plus ou moins mal pris lorsqu’il s’était mis à la draguer lors de cette fameuse soirée sans même se rappeler qu’ils s’étaient déjà croisé à plusieurs reprises dans le passé, mais toute cette histoire était derrière eux à présent. Et dans le fond, on pouvait même dire qu’il l’avait échappé belle grâce à tout ça… Qu’en aurait-il été si Matt avait été le père d’Adam ? Pensait-elle réellement à cette éventualité ? Ce qui était sûre c’est qu’il en aurait certainement pris pour son grade ce soir, mais la belle n’eut pas le temps de se pencher plus sur la question que Matt enchaînait à nouveau avec quelques plaisanteries. « Vaut mieux que tu t’arrêtes là, ouais. » souffla-t-elle dans un sourire en coin, le rejoignant sur le sol, s’installant au mieux vu la robe qu’elle portait. Elle attrapa ensuite l’un des gobelets destinés aux anciens joueurs de l’équipe qui les attendaient sur le terrain et que Matt lui tendait. Elle le souleva comme pour trinquer avant que le ton de la conversation ne se fasse un peu plus sérieux. « Tu parles… Tu s’rais pas venu à ma rencontre, j’aurai fait demi-tour avant de rentrer et… au lieu d’être au beau milieu de la fête, j’suis là, avec toi, assise dans ce couloir. » Un léger rictus passa sur le visage de la jeune femme. D’accord avec le passé… Elle faisait avec, c’était un fait, mais même si elle avait quelque peu changé depuis sa dernière année de lycée, elle n’en restait pas moins que la Levinlourde dont la plupart des étudiants se souvenait. Avalant une grande gorgée de son cocktail, Loan laissa retomber ensuite sa tête contre le mur de casiers derrière elle et tourna légèrement la tête vers son voisin afin de lui demander ce que le grand Matt McGrath était devenu depuis toutes ces années. Dans l’ensemble, il ne semblait pas avoir énormément changé… Certes, il avait perdu en ses capacités de rugby, mais à côté de ça… Il avait toujours ce côté dragueur qu’elle lui connaissait, ce sourire en coin qui ne l’avait jamais vraiment quitté.
Un bref rire ironique passa les lèvres de la blonde tandis que le jeune homme clamait remporter la palme de celui qui avait le plus failé. Elle l’écouta ensuite énoncé toutes ces choses qu’il n’avait pas si ce n’est que ce local qu’il avait acquis pour monter un nouveau commerce. Loan fut néanmoins quelque peu plus attentive lorsqu’il en vint à aborder le sujet de sa famille. Durant le lycée, elle avait côtoyé Ginny, elles avaient partagé quelques repas, se retrouvant toutes les deux dans le même bateau pour ainsi dire. Mais malgré leur différence de popularité à l’époque, les deux McGrath semblaient réellement soudé et Loan était clairement surprise d’entendre que le jeune homme n’avait plus aucun contact avec sa famille. « Tu ne parles plus à Ginny ? » s’étonna-t-elle alors qu’il poursuivait en soulignant qu’il devait probablement gagner la partie de celui qui avait le plus merdé. Loan détourna son regard du brun, secouant doucement la tête dans un nouveau rictus ironique. « Ca dépend… » souffla-t-elle avant de prendre une nouvelle gorgée de sa boisson, comme pour prendre un peu de courage. « Niveau diplôme, j’ai pas eu les moyens de me payer ma dernière année d’étude. J’suis pas mariée non plus et y a même pas vraiment l’ombre d’une relation sérieuse dans ma vie. J’ai un gosse par contre, mais il est chez son père et c’est bien mieux comme ça… J’suis plus endettée que je n’aurai pu imaginer l’être dans toute une vie. » Inutile d’entrer dans les détails… De toute façon, ça n’avait jamais été un secret pour personne que Loan ne roulait pas sur l’or. « J’ai abandonné mon gamin ces dix derniers mois… oh et, j’ai travaillé dans un stripclub pendant tout ce temps. » souligna-t-elle sans même osé un coup d’œil en direction de Matt. Elle tourna cependant la tête dans sa direction, évitant soigneusement son regard avant de lever son verre comme pour trinquer. « A nos vies merdiques ! » Un léger éclat de rire sans joie lui échappa avant qu’elle ne finisse d’un seul trait le fond de son verre. Elle grimaça légèrement ensuite, se rendant compte de ce qu’elle venait d’avouer à Matt. Il était à présent la seule personne dans cette ville au courant de ce qu’elle avait fait durant sa petite escapade secrète.
So young, so how were you to know. You're a carrier of the light inside of you. Glows green in the pitch black night, can't tell anyone it's hurting you. Hold it in cover up, pull up your sheets. What to be, down cruising in the ocean, and sin it's due. I got to sit up, for my heart to come down.
« C'est une façon simple de résumer le truc, ouais. » non, je ne parlais plus à ma cadette, même si l'inverse était plus à propos. L'entendre mentionner le nom de ma soeur a le don de resserrer mon coeur un peu plus et pour cause. L'ambiance est lourde et je l'avais cherché, à mentionner le tout, à penser que juste une bribe, comme ça, pouvait passer comme dans du beurre. Évidemment qu'on se demanderait, évidemment que ça n'avait pas de sens, à connaître la relation qu'on avait tous les deux, ou du moins, que j'avais avec ma soeur. Ginny était tout pour moi à une époque pas si lointaine, et même si à mon sens cela justifiait l'intégralité de mes gestes et de mes paroles, n'en restait pas moins que tout était bousillé, effacé, cassé, et que le contact entre elle et moi s'effritait de jour en jour. Loan à mes côtés, les verres qui doucement se vident, je préfère et de loin écouter ses propres soucis, et offrir une attention particulièrement avide à ce qui la tracasse, me donnant presque l'impression de pouvoir être utile, de l'aider d'une quelconque façon un jour. Et bien sûr, la mention de ses dettes me crible le coeur au passage, parce que s'il y avait bien quelque chose qui me dépitait, c'était de voir à quel point l'argent pouvait être un problème récurrent, horrible et essentiel. Oh, et le fait qu'elle a un gamin maintenant. Je jure que j'allais rebondir là-dessus, je le promets en toute connaissance de cause, mais c'est elle qui en rajoute avec son passage dans un strip club. Il est con le Matt qui la détaille un peu de loin, un peu de côté, un peu trop. Et il toussote avant de maugréer, un sourire dépité pour la peine sur les lèvres. « Mais au moins, t'es revenue. » si elle était partie à la base, si elle avait fui, fallait lui donner qu'elle était revenue ici, et pas de plein gré à voir comment elle aborde le tout avec la voix qui creuse, mais avec courage et volonté. Autant voir au mieux.
C’est pas tout, mais l’ambiance pouvait pas être plus lourde. La brune qui diminue ses interventions, mes blagues qui passent pas aussi crème qu’elles auraient dû. Je le sens bien qu’elle n’est pas à sa place, je le sens depuis qu’elle a mis les pieds ici et c’est pas prêt de changer, peu importe ce que je peux avancer pour la convaincre du contraire. Je préfère donc faire avec le temps où elle est bien ici, améliorer, adoucir, avant que sa route quitte la mienne et qu’on remette ça dans 10 ans. « Bon et sinon, on va voir ce qui les fait jacasser aussi fort? » mine de rien, ça piaille, ça rigole un peu plus vocalement que plus tôt, ça s'active suffisamment dans la cafétéria pour que le bruit se rende à nous au beau milieu du couloir entre les toilettes et les locaux de science. Je pointe du menton et elle accuse, je me lève et elle me suit. Il reste encore deux verres bien pleins qui n’ont pas été touchés, et je peux confirmer que l’ancienne team de rugby n’y touchera pas d’une lampée. Loan me suit en silence quelques minutes, digérant probablement autant que moi les dernières révélations, états d’âmes et comptes rendus qui font de nos vies des existences auxquelles on ne se serait jamais attendu. « Oula. » La salle à manger du lycée nous accueille d’un coup, lumière tamisée, musique animée, et droit devant un grand écran tiré sur lequel on diffuse la vidéo de notre promotion. Des photos de divers événements auxquels la classe avait pris part, des courts-métrages improvisés, des extraits pas toujours glorieux. On y voit le bal de promo, le voyage scolaire à Sydney, les derniers matchs de rugby de mon existence, quelques bribes des classes, des cours. À plusieurs reprises j’ai ma gueule bien en évidence, toujours mise de l’avant, toujours à prendre trop de place, à sourire comme un con. Et il y a ce cliché qui me serre un brin le ventre, pour savoir que ma sœur en a probablement un identique – et une Loan délicate, gênée, malhabile, mal à l’aise, en retrait. Elle s’efface, elle colle les murs, on a pris la photo du groupe de maths et elle a dû s’y plier, non pas sans regret. Elle est mal et je n’ose surtout pas lui jeter un coup d’œil pour voir si le sentiment s’est transposé aujourd’hui aussi, si revoir ce souvenir en photo la dépite tout autant que moi. Alors je remercie le timing lorsque je reprends du nerf, retrouve de nouveau ma silhouette habillée en vahinée sexy pour la tombola d’Halloween qui s’étale sur l’écran. « J’ai toujours trouvé que ce déguisement me donnait un cul à croquer. » que je rigole, ayant presque mal aux côtes de sentir le coup que m’aurait donné Lene si elle m’avait entendu. « Et si on s’inventait des vies hyper fabuleuses, le truc rocambolesque par excellence? Genre j’ai acheté un club de tennis à Londres, et t’es devenue une sensation du cinéma canadien. » je déballe, je m’empresse, je chuchote à son oreille et mon regard moqueur lui suggère que le plan n’est pas prêt d’être négociable. Tant qu’à vivre dans un monde d’apparences avec des idiots qu’on ne reverrait probablement plus jamais après aujourd’hui, autant en profiter pour mettre des bases qui nous feront marrer un temps.
Loan ne put s’empêcher de grimacer légèrement alors que Matt confirme qu’il n’a plus vraiment de contact avec Ginny. Ca la désole de l’apprendre, ils semblaient si proches tous les deux à l’époque, bien différent l’un de l’autre, mais toujours là l’un pour l’autre et elle n’ose imaginer ce qui a bien pu se passer pour qu’ils en arrivent là tous les deux. Une question qu’elle ne posera pas puisqu’elle a compris qu’il ne servait à rien d’insister. Elle n’avait pas envie d’être lourde de toute façon, elle n’avait pas envie de remuer le couteau dans une plaie qui ne semblait pas cicatrisé vu le ton employé par le jeune homme. Puis viens alors son tour de déballer ce qu’elle est devenue et ce n’est pas bien reluisant non plus. Des études qu’elle n’a pas pu terminer, un gamin qu’elle n’est pas foutue d’élever, des dettes qu’elle ne pourra peut-être jamais rembourser entièrement sans oublier bien évidemment de mentionner sa petite activité durant les dix mois qu’elle a passé à Toowoomba. L’alcool aidant probablement puisqu’elle n’en n’avait encore jamais parlé à qui que ce soit et qu’elle n’avait jamais eu l’intention d’en parler à qui que ce soit d’ailleurs. Elle n’était pas certaine qu’en parler à Matt soit la meilleure idée qui soit d’ailleurs, la preuve en était le regard peut-être un peu trop insistant qu’il posait à présent sur elle, mais ce qui était dit était dit, elle pouvait difficilement revenir en arrière et tout ce qu’elle put faire, c’est lancer un coup de coude dans les côtes du jeune homme avant d’entamer un nouveau verre. « Mouais. » souffla-t-elle finalement, presque dans un grognement, lorsque Matt souligna qu’elle était au moins revenue. Tout le monde ne semblait pas le voir de cet œil-là. Probablement parce qu’elle les avait blessé bien plus qu’elle n’aurait pu le croire en décidant de partir comme ça, sans se retourner et surtout en ne prévenant personne. Mais encore une fois, ce qui était fait était fait et elle ne pouvait plus revenir en arrière. Repartir n’était pas une option non plus, elle était bel et bien décidée à se refaire une place dans cette ville qui l’avait vu grandir, elle n’avait sa place nulle part ailleurs de toute façon. Mais il fallait laisser le temps au temps pour que les choses puissent s’arranger.
Un nouveau soupir. Comment plomber l’ambiance en cinq minutes, montre en main. Dans le fond, ça avait presque été inévitable… Ca aurait pu l’être si seulement ils s’étaient amusé à se mentir et à s’inventer des exploits et simplement à occulter les passages désagréables de leur vie depuis qu’ils avaient quitté le lycée, mais quelque chose les avait poussé à être honnête l’un envers l’autre et d’un certain côté, Loan se sentait presque libérée d’un poids. Le fait d’avoir pu parler sans être jugée, sans qu’on lui dise qu’elle avait réellement merder lui faisait du bien. Ou peut-être était-ce ce cocktail qu’elle sirotait comme une limonade qui commençait doucement à lui monter à la tête et lui donnait cette sensation de légèreté. Voilà un petit temps qu’elle n’avait plus passer la soirée à boire et enchaîner ainsi les verres n’était probablement pas l’idée du siècle, mais après tout, elle était venue ici principalement pour profiter du buffet alors pourquoi s’en priver ? Finalement, après un bref moment de silence entre les deux jeunes gens, Matt proposa d’aller voir ce qui semblait animer la salle de bal. Les rires s’étaient fait plus forts et elle haussa simplement les épaules pour acquiescer avant de se lever et de suivre le jeune homme jusqu’à la cafétéria. Elle n’avait rien à perdre de toute façon à se mêler à ceux qui étaient ses camarades de classe. Et puis s’il fallait que ça tourne mal, elle n’avait qu’à prendre la poudre d’escampette et rentrer chez elle. Rapidement, ils poussèrent les portes de la salle pour remarquer que tous les visages des personnes y étant présentes étaient tournés vers un grand écran installé dans le fond de la salle. Qu’aurait une soirée des anciens sans un retour en photos et autre vidéo sur leurs belles années lycée. Loan se retint de tout commentaire, se contentant de faire comme tout le monde et de regarder les photos qui défilaient devant leurs yeux. Il n’y avait rien de surprenant à constater que certains visages – comme celui de Matt – revenaient très régulièrement et que d’autres étaient totalement absents du diaporama, comme le sien par exemple. Quoi que… Elle eut droit à une brève apparition malgré tout. Une photo de groupe faite durant un cours de math sans le moindre doute puisque Matt y est aussi. En avant-plan, là où Loan semblait vouloir se fondre dans le mur. Résumé parfait de ces années passées dans cet établissement. Prenant une nouvelle gorgée du verre qu’elle avait en main, elle reporta finalement son attention sur le jeune homme à ses côtés qui faisait un commentaire sur la photo qui venait de s’afficher à l’écran. Elle ne put s’empêcher de pouffer. « J’espère surtout que tu l’as brûler ce déguisement, ouais. » Les photos continuaient de défiler à l’écran, affichant les divers évènements qu’il y avait pu y avoir durant leur dernière année au lycée, les matchs remportés, l’équipe de cheerleaders élaborant des figures improbables, des moments de vie pris par-ci, par-là. Puis finalement, Matt s’était approché d’elle pour lui chuchoter quelques mots à l’oreille. Elle fronça doucement les sourcils avant de plonger dans son regard pour constater qu’il était on ne peut plus sérieux pour finalement secouer la tête. « Pourquoi est-ce que je me serais lancée dans le cinéma au Canada ? » L’idée lui semblait absurde, mais après tout, pourquoi pas ? Si ça lui permettait d’avoir une quelconque importance ou de rabattre le caquet de certaines personnes. Mais est-ce qu’elle avait seulement envie de jouer à ça ? Elle ne reverrait probablement plus ces personnes avant au moins un siècle alors à quoi bon ? « Ouais ‘fin… tu m’laisses pas vraiment le choix, c’est ça ? » conclut-elle en voyant son regard déterminé. Et elle en eut le cœur net face au large sourire qui s’était installé sur les lèvres du brun. Et pourquoi pas ? Encore une fois, elle n’avait rien à perdre… Et puis de toute façon, encore faudrait-il qu’on vienne l’accoster pour prétendre avoir une telle vie et elle était presque certaine que ça n’arriverait pas de sitôt. « Alors vieux, ça fait pas trop mal de revoir les photos de la belle époque ?! » Une voix grave s’était élevée par derrière eux tandis qu’ils continuaient de regarder les photos défiler. Loan jeta alors un coup d’œil au nouvel arrivant, Alex Thompson, une autre de ces grosses têtes du lycée. Un de ces gars qui avait mené la vie dure à Loan et qu’elle n’avait pas spécialement envie de revoir ce soir. Mais quel visage avait-elle réellement envie de revoir ce soir ?
So young, so how were you to know. You're a carrier of the light inside of you. Glows green in the pitch black night, can't tell anyone it's hurting you. Hold it in cover up, pull up your sheets. What to be, down cruising in the ocean, and sin it's due. I got to sit up, for my heart to come down.
Aller simple pour nostalgie-land, here we go. J’étais pas particulièrement heurté, à voir des photos d’avant s’étaler sur l’écran géant. D’abord, parce que je suis un peu trop déconnecté du reste pour y voir un historique me montrant exactement là où j’étais à l’époque, une soeur en moins, un café en plus. Mais surtout parce que je m’attarde aux détails, au ridicule, histoire de dédramatiser, d’alléger l’expression que Loan me renvoie surtout, du moins, sans qu’elle ne le réalise vraiment. Elle tire de la gueule, je fais l’idiot pour calmer le reste. « Du tout. Il est sous clé, dans un endroit secret, pour utilisation d’urgence seulement. » j’aime bien imaginer avoir un pagne de sûreté prêt pour toute éventualité. Les soirées beer pong de l’université sont bien loin, et avec elles entraînent cette part de responsabilités que devenir adulte, payer des comptes et gérer un horaire ponctué de rencontre avec des fournisseurs et meetings d’équipe au taquet. Loan n’en manque pas une, m’arrachant un nouvel éclat de rire alors que sa répartie me fait l’effet d’un bon gros soulagement nécessaire. Ça va, elle a repris le nord, elle est un peu plus à l’aise, ou assez remontée pour faire comme si. Je marche sur des oeufs avec elle, au sens où j’ai pas envie de voir à nouveau ce voile noir qu’elle arborait plus tôt croiser ses prunelles. J’y ai pris goût, à nouveau, à jouer les chevaliers servants pas du tout nécessaires. Parce que le simple ton qu’elle emploie maintenant que je lui explique mon plan - infaillible jusqu’à ce que je l’articule - me confirme qu’elle n’a pas besoin de moi ni de personne pour se protéger. Qu’elle a passé l’époque qui tapisse la toile blanche depuis plusieurs minutes, que ses années à chercher les murs ont suffit à la motiver à mieux, à autre chose, à redresser les épaules et le menton, face à tout et au reste. « Tu veux pas te casser la tête avec des films lourds d’Europe de l’est et leurs 40 000 sous-entendus dépressifs. » et c’est tout simple, au fond, ce pourquoi je l’associe au Canada. Un simple coup d’oeil à ses traits tout en douceur le temps de partager un sourire avec elle, de rigoler de la blague, de boire une longue gorgée du punch qui s'étire dans mon verre. Loan finit par arrêter de râler, alors qu’elle voit bien que je ne lâcherai pas le morceau, que la blague me tente, que ce stupide stratagème est le genre de trucs bien ridicules qui m’empêchent de m’emmerder, du moins, de sombrer dans les et si, dans les regrets envers ce que j’aurais pu être, devenir. « T’as toujours été plus rapide d’esprit que moi. » et même si ma voix chante en rétorquant, elle sait que c’est vrai. Elle le sait bien, Loan, que de nous deux, c’est elle la brillante, c’est elle le cerveau, c’est elle qui a tous les outils et même plus pour réussir, peu importe la merde dans laquelle elle s’est foutue. J’ai envie de le lui dire, d’insister que j’ai confiance, qu’elle s’en sortira, que je parierais tout ce que j’ai là-dessus, mais je n’en fais rien. Une retenue à la con, une pression pas nécessaire que ça lui foutrait. Je préfère sourire, comme d’habitude.
La musique continue, les échanges se font de plus en plus assumés, on porte de moins en moins d’attention à l’écran et à son catalogue de souvenirs ambulants. Alex vient se poster près de nous au même moment où je me dis que ça fait du bien, finalement, de pas juste parler d’avant, de voir un peu où on en est rendus, où on veut aller. Il arrive avec sa gueule de playboy et ses piques de douchebags, et je sens de suite Loan qui se contracte, qui est tendue, qui n’est pas du tout à l’aise. Eh merde, mon bon boulot, on le retourne à la casse ou? « Pas trop de bien à l’ego, j’te jure, je dois avoir du bide, là. » la distraction ultime, je tapote mon ventre avec une mine de pauvre garçon bien déçu avant d’éclater de rire pour la forme. Mine de rien, Londres avait cassé la saison du surf, et l’entraînement qui venait avec. Vivement que je reprenne le rythme, le café qui finit d’être renové et bien entamé surtout. « T’es con… et accompagné?! » et un point de plus pour sa perspicacité, point qui s’envole alors qu’il détaille la silhouette de la blonde à mes côtés, et qu’il ne réalise absolument pas de qui il s’agit. Un coup d’oeil à Loan plus tard et je passe mon bras autour de ses épaules, plus rassurant que dragueur, les mots qui viennent à sa rescousse, qui calme la curiosité mal placée de l’autre. « Yep, Loan Levinson tu te souviens? » ça va, que je tente de lui faire comprendre sans rien dire, follow my lead. « J’ai réussi à la convaincre de quitter le Canada pour passer dire coucou. » et l’air effaré d’Alex ne me donne que plus de munitions pour poursuivre, aussi bon menteur que parfait gamin. « Ils sont tombés amoureux de sa bouille, elle domine le cinéma là-bas. » ainsi débute une série de mensonges avec lesquels je suis particulièrement à l’aise. J’ignore pour la jeune femme qui ne quitte pas mes côtés, mais pour moi, c’est d’une facilité désarmante d’inventer un quotidien complètement décalé, des réussites à la tonne, des accomplissements de champion. Sûrement malsain, définitivement déplacé, mais l’agilité avec laquelle je brode mes mensonges les uns aux autres ne m’effraie pas autant qu’elle le devrait. « Tu sais... » maintenant seuls, à errer du côté du bar, j’en profite pour être un peu plus sérieux, ou au moins, repentant. « Ça, c’était que pour leur fermer la gueule. » autant pour elle que pour moi. Qui a dit que le playboy de l’époque, l’espoir étudiant, le mec qu’on voyait sur tous les podiums parce qu’il avait tout pour réussir la cuillère d’argent entre les doigts était réduit à ça? « Que tu te cherches, ou que tu saches exactement où tu veux être, y’a personne à qui tu devrais te justifier. » et encore moins à ma petite personne. J’espère qu’elle le sait, autant que moi-même, je tente de l’assimiler. « Un shot, et j’te ramène chez toi? » pour m’assurer qu’elle soit à bon port, et peut-être un peu aussi qu’elle ne s’évanouisse pas dans la nuit face à ses anciens démons.
Cette vidéo qui passe et qui ne fait que lui rappeler à quel point elle ne s’est jamais sentie à sa place dans cet endroit. Comme si elle avait réellement besoin de ça au final… Et c’était plus fort qu’elle, Loan avait du mal à passer au-dessus de tout ça, au-dessus du fait qu’il fallait qu’elle envoie promener toutes ces personnes qui avaient pu lui mener la vie dure le temps qu’elle avait étudié ici. Elle se laissai ronger par ces mauvais souvenirs jusqu’à ce qu’une nouvelle photo de Matt n’apparaisse à l’écran et que ce dernier ne se mette à blaguer à propos de cette dernière et du costume qu’il y portait. Faisant de son mieux pour entrer dans le jeu et éviter de lui refiler sa mauvaise humeur, elle plaisanta à son tour et un éclat de rire sincère lui échappa alors qu’il soulignait qu’il avait bel et bien gardé ce costume en cas d’urgence. « J’demande à voir tient. » plaisanta-t-elle à son tour, ne sachant réellement s’il fallait qu’elle le prenne au sérieux ou pas. Après tout, avec Matt, elle avait conscience qu’on pouvait s’attendre à tout. Ouais, à tout, même à jouer les acteurs le temps du reste de la soirée. Au sens propre comme au figuré puisqu’il lui proposait de jouer la comédie auprès de leurs anciens camarades en prétendant qu’elle soit devenue une actrice reconnue au Canada pendant que lui s’offrait un club de tennis à Londres. Elle n’avait pas la moindre idée d’où pouvait lui venir toutes ces conneries, mais elle éclata une fois de plus de rire alors qu’il s’enfonçait un peu plus dans l’histoire. Ce type était complètement dingue, mais il avait le mérite de lui sauver la soirée et elle savait pertinemment qu’il ne lui laisserait de toute façon pas le choix que de le suivre. « Ça, c’est pas bien compliqué, McGrath. » souffla-t-elle, taquine, alors qu’il soulignait qu’elle avait toujours été plus vive d’esprit que lui. Finalement un soupir échappa à la jeune femme, elle avala une longue gorgée de son verre et se plia finalement au jeu. Qu’est-ce que ça lui coûtait après tout de prétendre être devenue actrice ? Et puis, ça n’était pas non plus comme si elle aurait réellement beaucoup l’occasion de jouer la comédie ce soir, puisqu’elle craignait que peu de personnes n’osent les approcher. Ouais, ils resteraient probablement encore en tête à tête pendant un moment et puis il serait temps pour elle de mettre un terme à cette soirée en rentrant chez elle. Le plan parfait, si ce n’est qu’il avait fallu qu’une des grosses têtes de l’époque ne décide de venir à la charge, accostant Matt en revenant sur les photos qui défilaient toujours sur la toile. Sans réellement pouvoir se contrôler, elle s’était crispée à l’arrivé d’Alex, songeant un instant à s’éclipser comme tout à l’heure lorsqu’Amanda leur avait presque sauté au cou, mais comme si le jeune homme à ses côtés avait pu lire dans ses pensées, il s’était empressé d’enrouler son bras autour des épaules de la belle, la présentant au nouvel arrivant qui ne semblait pas se souvenir d’elle le moins du monde. Les avantages à avoir chercher à se fondre dans la tapisserie durant toutes ces années. Et puis la comédie commença et Loan se détendit au fur et à mesure, se prêtant au jeu sans réellement savoir ce qu’elle faisait ou racontait. L’échange dura quelques minutes et plus les bobards semblaient énormes, plus le fameux Alex semblait y croire. « J’ai toujours su qu’il était con, mais de là à croire tout ce qu’on vient de lui balancer… Il mériterait la palme d’or dans le domaine. » souffla-t-elle finalement à l’adresse de Matt une fois que le jeune homme avait pris congé d’eux. Loan peinait réellement à croire qu’il avait pu avaler la moindre parole qu’ils aient pu dire et pourtant, Alex avait semblé être impressionné par le moindre exploit raconté. Soit il était réellement con, soit il s’était joué d’eux comme eux l’avait fait. Mais la première option semblait être la plus évidente.
Après ce petit jeu de rôles, Matt et Loan s’étaient dirigés vers le bar, refaisant le plein de quelques amuse-bouche. La jeune femme redressa la tête en direction de son voisin lorsque celui-ci reprit la parole, mais elle ne put maintenir son regard bien longtemps. « Et t’essaies de convaincre qui là, au juste ? » demanda-t-elle alors qu’il terminait son discours sur le fait de ne pas avoir à se justifier auprès de quiconque. Elle n’essayait pas d’inverser les rôles et elle savait pertinemment qu’il avait raison, mais au fond, ils étaient presque dans le même bateau tous les deux, à avoir rater pas mal de choses là où ils avaient cru pouvoir réussir. Se justifier ou pas, les jugements et les regards que les autres leur lanceraient seraient toujours les mêmes. La jeune femme osa un regard en direction du brun et lui adressa un maigre sourire en coin avant qu’il ne propose une dernière boisson avant de rentrer. Elle attrapa alors deux shots et les rempli du premier alcool qui lui passait sous la main avant de tendre un verre au jeune homme. « A nous. » souffla-t-elle tout en adressa un clin d’œil à son interlocuteur. Les verres s’entrechoquèrent et elle avala d’une traire le contenu du sien, grimaçant légèrement à la brûlure de l’alcool le long de sa gorge. Elle avait bu bien plus que de raison ce soir et c’était probablement ça qui l’avait incité à entrer dans le jeu de Matt, mais elle ne le regrettait pas. Malgré tout, même si elle n’en donnait pas tellement l’air à première vue, elle avait passé une bonne soirée et comme convenu, Matt la raccompagna jusqu’à chez elle. En chemin, ils avaient continué de parler de tout et de rien, enfin de rien surtout, tentant de refaçonné le monde à leur façon. Avant de se séparer du jeune homme, elle déposa délicatement un baiser sur sa joue, le remerciant au passage pour cette soirée inattendue, pour les efforts qu’il avait déployé pour tenter de lui faire oublier l’endroit où il s’était trouvé, mais surtout, pour le remercier de n’avoir porté aucun jugement sur ce qu’elle pouvait être aujourd’hui.