Ce soir, Charlotte se retrouve encore chez Achille. Le meilleur ami de ma défunte femme a toujours refusé de s'éloigner de ma fille, étant trop attachée à cette dernière. Je peux parfaitement comprendre, quoique je sois toujours froid à l'idée de devoir le croiser à chaque fois qu'il passe la prendre ou la chercher ou que, inversement, je dois aller la porter ou la chercher. Mais ma puce l'adore comme un oncle, et il serait cruel de ma part de l'empêcher de le voir parce que j'ai une frustration irrationnelle à son encontre. Je lui en veux de ne pas avoir forcé ma femme à rentrer à la maison lorsqu'elle a appris être enceinte. Ou du moins, il aurait pu l'empêcher de quitter la base, là où elle était le plus en sécurité. Je ne comprends encore pas comment on ait pu l'avoir laissée sortir pour une mission considérant son état. Après tout le temps où nous avons espéré afin attendre un second enfant, voilà qu'elle s'était mise les pieds là où il ne le fallait pas. Il m'arrive encore de m'enrager lorsque j'y pense. Cet événement dramatique aurait pu être évité si quelqu'un avait eu suffisamment de sens pour l'empêcher de quitter la base ou mieux encore, si quelqu'un l'avait forcée à rentrer. Conséquemment, voir Achille me fâche encore. Nous nous sommes disputés car je lui ai reproché ne pas avoir suffisamment protégé Leticia et même encore aujourd'hui, j'ai trop d'orgueil pour mettre cette engueulade derrière nous.
Ce soir encore, je vais chez Achille vers les huit heures, après avoir fini la masse de travail qu'il me restait au boulot, afin d'aller récupérer Charlie qui doit s'être endormie. À cette heure-là, je serais surpris qu'elle soit encore réveillée, surtout après une journée avec Achille. Généralement, elle en profite pour le forcer à faire une panoplie d'activités que je ne peux faire avec elle, faute de temps. Après lui avoir envoyé un texto lui signifiant que je partais du bureau, je me rends chez lui. Je me gare devant sa maison et escalade les escaliers et, après avoir pris mon courage à deux mains, toque à la porte. J'ai déjà hâte d'être dans la voiture en route pour la maison. Déjà hâte à mon verre de scotch qui m'attend sagement.
Dernière édition par Callum Whittemore le Sam 26 Aoû 2017 - 9:34, édité 3 fois
Elle est belle, ta filleule. Après une journée loin d'être ennuyante, tu te retrouves à border cette petite puce sur ton lit, alors qu'elle vient de s'endormir devant un disney. Tu déposes un baiser sur son front, et ton coeur se pince un peu plus parce qu'elle n'est plus dynamique, parce que désormais, tes pensées se tournent vers sa mère et tout ça te brise entièrement le coeur. Ta meilleure amie te manque, c'est évident. Tu es loin d'être préparé à repartir en mission parce que ça ne sera plus pareil sans elle. Tu déposes un baiser sur son front, avant de te lever de ton lit pour retourner dans le salon. Tu allumes la télévision, mettant la chaîne des informations en sortant une bière sans alcool dans ton frigo. Ton téléphone vibre, un message de Callum qui indique qu'il arrive. Il est tard, et forcément que ça t'emmerde qu'il n'essaye pas de se libérer pour Charlie. Elle est adorable ; encore bouleversé par la mort de sa mère. Parce que dans la journée, sans qu'elle ne s'en rend compte, elle t'a lancé de nombreuses gifles dans la gueule et c'est loin d'être agréable. Tu te sens assez coupable comme ça, que si elle aussi s'y met, ça va être difficile. Tu lâches un énième soupir, va savoir pourquoi, aujourd'hui c'est plus difficile que les autres jours. Tu entends quelqu'un qui toque, de nombreuses minutes après, alors tu prends sur toi pour te lever et tu vas ouvrir à Callum. Ton coeur rate plusieurs battements ; ton ami te manque. « Hey, la petite dort, mais entre. » Tu te décales pour laisser Callum pénétrer dans l'appartement, te sentant tellement mal que tu sais même plus où te foutre. « Tu veux boire quelque chose ? J'ai pas d'alcool mais... » Tu ne sais pas comment t'y prendre, avec lui. Pas depuis votre dernière conversation, pas depuis que tu t'en veux toujours un peu plus quand vos regards se croisent. « Mon ami me manque. »
Dernière édition par Achille Haaris le Ven 25 Aoû 2017 - 21:05, édité 1 fois
Chaque fois que je vois Achille, je me sens de plus en plus mal de ne pas être plus présent pour ma fille. Et je me sens de plus en plus triste parce qu'il me rappelle la femme que je n'ai plus. J'aimerais cesser d'y penser, mais j'en suis incapable. L'entièreté de ma vie a été chamboulée par son décès précipité et rien que je puisse faire pourra ramener la stabilité que j'avais. J'essaie de me libérer autant que possible pour Charlotte, mais ce nouveau cabinet que je viens d'ouvrir ne m'aide pas du tout. Les tâches se multiplient et je parviens à peine à concilier ma vie familiale et professionnelle. C'est comme si je nageais sous l'eau sans même pouvoir rejoindre la surface. Je dois tenir mon souffle aussi longtemps que possible, mais je sais que tôt ou tard, j'aurai besoin d'oxygène. C'est juste trop difficile et ce n'est que l'alcool qui m'aide pour le moment. Je n'ose pas en parler à personne, parce que ce n'est pas moi que de me confier. Je n'ai jamais été le genre de type à étaler mes émotions et mes problèmes personnels, et aujourd'hui ne fera pas exception. Conséquemment, je préfère me taire et endurer, espérant patiemment que tout finira par rentrer dans l'ordre. Mais une partie de moi sait que ça ne sera pas le cas. Je suis condamné à baigner dans mon chagrin sans possibilité d'en sortir.
Lorsqu'Achille m'ouvre enfin la porte, je me force de lui sourire. Je ne veux que récupérer ma fille et prendre le chemin de la maison. Ni plus, ni moins. Il m'invite toutefois à boire quelque chose. Je m'apprête à refuser poliment, mais les paroles qui suivent me prennent de court. Son ami? Est-ce comme ça qu'il me qualifie après tout ce temps? Après la façon dont je l'ai traité? Je pousse un long soupir et me force à formuler un timide "okay". Je retire mon veston et l'accroche dans le garde-robe. J'essaie de demeurer silencieux pour ne pas réveiller ma puce. "Elle a été sage?", je lui demande tandis que je le suis vers la cuisine. Je ne sais pas trop quoi lui dire d'autre. Pour être franc, je ne sais même pas de quoi nous pourrons discuter autre que ma fille pendant que je boirai je-ne-sais-quoi. D'ailleurs, j'ignore la raison pour laquelle il ne boit strictement pas d'alcool. Ses soirées doivent être vachement ennuyantes. "Un coca fera l'affaire", lui dis-je en m'assoyant à la table de la cuisine. Je m'éclaircis la gorge et dépose mes mains sur la table, croisant mes doigts entre eux.
Dernière édition par Callum Whittemore le Sam 26 Aoû 2017 - 9:34, édité 1 fois
Il accepte, et c'est certain que ça t'étonne mais forcément, tu ne peux pas t'empêcher de sourire légèrement. Tu es content qu'il accepte de rester, ça te rassure après votre dernière discussion qui a été très... explosif. Tu attrapes un verre de ton armoire, hochant simplement la tête face à sa requête. Tu sors la boisson pétillante de ton frigo dans le but de le verser dans ton verre pour le lui donner. Tu le lui tends, tirant sur la chaise pour poser tes fesses dessus. « Ouais, elle est toujours sage cette puce. » Tu lui offres un large sourire, sans trop savoir quoi lui dire. « Elle dort profondément dans mon lit, je peux la garder cette nuit si tu veux ? Parce que ça me dérange pas, bien au contraire, elle dormira dans mes bras, 'fin voilà. » Tu souffles un bon coup parce que tu sens que tu commences à perdre prise. Parce qu'en croisant son regard, tu revois Laeticia, et bordel c'est douloureux. Tu sais pas comment parler avec lui, tu sais plus faire parce que tu sais qu'il t'en veut, qu'il rêve que ce soit toi, à la place de Laeticia. Et au fond, tu aurais dû l'être, parce qu'elle ne méritait pas ça. Elle avait un bébé dans son ventre, elle avait une vie qui l'attendait à son retour, alors que toi, y'a personne qui t'attend hormis tes parents. Mais ils s'en remettront. Putain. Tu revois aussi la dispute, et tu sais pas trop comment réagir. « Est ce que ça va, toi ? » Question con, forcément. « T'sais... Elle me manque beaucoup. » Tu murmures, baissant ton regard sur ta bouteille en verre, buvant le liquide à l'intérieur, ayant peur de la suite. Mais tu peux en parler avec lui, forcément que c'est différent. Et pourtant, tu peux pas t'empêcher de te mettre l'étiquette du meurtrier. La culpabilité te ronge depuis des mois. Et elle ne va jamais partir. Jamais.
J'aurais bien franchement préféré déjà être dans la voiture en direction de ma maison. Je ne me sens pas particulièrement à l'aise de partager un... coca avec Achille. Nous n'avons pas réellement parlé ensemble depuis le décès de ma femme. La dernière vraie conversation que nous avons partagée remonte à ce moment fatidique où il m'a avoué que Leticia était enceinte au moment où elle est décédée. Et certes, cette nouvelle m'a littéralement fait sortir de mes gonds. C'était la goutte qui a fait déborder le vase. Le poignard qui s'est enfoncé dans ma plaie ouverte. J'en ai pas dormi pendant des nuits. Et si j'avais le malheur de m'endormir, tout ce à quoi je rêvais, c'est Leti et ce bébé que nous aurions eu si elle était toujours parmi nous. Les réveils en crise de larmes furent nombreux et le seul remède que j'ai trouvé se trouve dans ces multiples bouteilles d'eau-de-vie que je garde chez moi. Désormais, je suis incapable de m'endormir sans mon verre; sans l'alcool qui coule dans mon sang et qui m'apaise doucement.
"Merci", je souffle lorsqu'il me tend mon verre de coca. Je prends une généreuse gorgée. J'hoche la tête lorsqu'il me dit qu'elle a été sage. Je ne m'attendais à rien de moins de Charlie. Il me demande ensuite si elle peut rester chez lui pour la nuit. La question me prend légèrement de court, car c'est la première fois que la petite ne passerait pas la nuit à la maison. "Je...hm...", dis-je en cherchant mes propres mots. "Et demain? Il faudrait que je te passe la clef de la maison pour que tu puisses récupérer ses trucs parce que je suis au boulot...", lui dis-je en cédant bien malgré moi. Je sais ô combien Achille l'adore et ô combien Charlotte adore son parrain. "Ça va comme hier et avant-hier et tous les jours qui ont précédé", dis-je en haussant les épaules. Non, ça ne va pas. La seule source de distraction que j'ai est mon boulot et la seule lumière dont je dispose est ma fille. Je lève mes yeux vers lui lorsqu'il mentionne Leticia. Je soupire. Mon coeur devient soudainement gros. "Je sais...", je souffle. Il m'est encore difficile d'en parler même si des mois se sont écoulés. J'ai toujours dit que Leticia était la femme de ma vie. Et c'est long, une vie, lorsque notre âme-soeur n'est plus là pour nous accompagner.
Tu hoches la tête, sans rajouter quoi que ce soit. Ce n'est qu'un merci, et pourtant, tu n'as rien fait. Même s'il fait ça par politesse, bordel tu sais que tu le mérites pas. Tu lâches un léger soupir, alors que tu relèves le regard, la surprise sur ton visage. Tu ne t'attendais pas à ce qu'ils te disent oui, pour quelque chose d'aussi gros. Parce que c'est pas rien, ce qu'il se passe. Cette fille, cette petite puce qui est ta filleule, une autorisation depuis des éternités. « Si tu veux, je te la dépose après le boulot ? » Tu demandes, alors que tu lâches une bombe sans vraiment l'vouloir, sans vraiment te retenir. « Tu sais Call, elle a beaucoup demandé auprès de toi. Tu devrais prendre des congés, elle a plus qu'toi... » Tu murmures, tu veux pas lui faire la morale, mais tu as passé une journée entière avec elle et elle a souvent parlé de son père ; père qui manque énormément à une princesse qui n'a plus un modèle féminin pour l'aider. Tu avales la boule qui se forme dans ta bouche, c'est difficile de parler de Laeticia, elle représentait ta grande soeur que tu as perdu ; ta meilleure amie, plusieurs relations en une seule personne. Elle était unique, putain. « Tu sais, si tu as b'soin de quoi que ce soit, j'suis là. J'sais que c'est pas facile. » Bien-sûr, que tu le sais; tu es le mieux placé pour le savoir parce que la responsabilité de sa mort est sur tes épaules. « Callum... J'suis tellement désolé... » Ta voix se brise, tes mains tremblent, c'est pas le sujet à mettre sur la table bordel, tu devrais te taire, fermer ta gueule mais c'est plus fort que toi. Au fond, c'est un appel à l'aide, un appel au besoin de retrouver un ami bien trop important à une époque, et tu ne t'y prends pas de la bonne manière mais en même temps, tu n'as pas de mode d'emploi. Tu dois te débrouiller, entièrement, tout seul comme un con.
Je devrais vraiment cesser de lui en vouloir pour quelque chose qu'il n'a pas directement causé. Certes, je suis persuadé que la mort de Leticia aurait pu être évitée si elle était rentrée à la maison. Si j'avais su qu'elle était enceinte, j'aurais été la chercher là-bas, s'il le fallait. Et ça m'enrage de savoir que j'ai été dans l'ignorance jusqu'à ce qu'Achille se manifeste à ma porte pour me le dire; pour m'annoncer que si ma femme n'était pas morte quelques semaines plus tôt, j'aurais eu l'honneur d'être papa une seconde fois d'ici quelques mois. La vie est injustement faite. Elle n'aurait pas dû mourir. Elle n'aurait pas dû me quitter comme ça. Elle n'aurait pas dû laisser Charlotte ainsi, sans mère. Notre petite puce est désormais tout ce que j'ai d'elle. Une copie conforme de sa mère que je protégerai avec ma propre vie s'il le faut. Il m'est ainsi difficile de céder à la demande d'Achille, mais je le fais parce que je dois cesser de m'entêter. Charlotte l'adore comme un deuxième père et je n'ai pas à lui faire endurer cette frustration démesurée qui ne la regarde même pas. "Ouais, ça me convient. J'essaierai de terminer plus tôt pour l'emmener souper à quelque part." Je fixe mon coca. J'espère de tout coeur être en mesure de partager un repas avec ma princesse. Le boulot prend énormément de mon temps et ça me tue de ne pas être davantage présent pour elle. "Je sais, je sais. C'est pas évident avec le cabinet." Je soupire et finis la dernière gorgée de mon verre. "Elle devrait avoir une mère. Leticia devrait être là. Elle devrait être rentrée." Je passe une main tremblante dans mon visage. Je ferme les yeux un instant et prends une grande respiration. Je ne dois pas me laisser abattre ainsi. Mes prunelles brunes se relèvent vers Achille et je lui souris faiblement. "Je sais, merci." C'est possiblement l'une des rares fois où je me montre plutôt gentil avec lui. De façon générale, je suis plutôt froid vis-à-vis lui, comme si chaque fois que je dois le côtoyer s'avère être un réel supplice. "Elle me demande encore de lui expliquer pour sa maman ne rentre pas." Je baisse les yeux un instant. "Et à chaque fois, je dois lui expliquer en quoi c'est différent de ses missions." Ma gorge se noue et ma voix se veut de plus en plus vacillante. "Elle ne l'a pas vue dans un cercueil. Pour elle, elle est juste disparue sans trop comprendre pourquoi...Et je dois lui répéter que sa maman ne l'aurait jamais abandonnée. Jamais." Au moment où j'ai le plus besoin d'alcool, je me retrouve chez le seul mec du quartier qui n'en a pas une seule goutte chez lui.
Tu hoches la tête, espérant sincèrement qu'il puisse vraiment se libérer parce que tu imagines la tête de la puce face à cette nouvelle ; face à ce moment père-fille qu'elle peut probablement passer à ses côtés. Tu sais même, très bien, qu'elle sera plus qu'heureuse de passer un moment avec lui. Parce qu'elle n'a plus que lui, parce que malgré son jeune âge, tu trouves cette fille tellement mâture que c'est assez impressionnant. Tu hoches la tête, souriant à ton tour, c'est faible, certes, mais tu apprécies que malgré la conversation difficile, aucun de vous deux ne s'emportent. « Elle sera très heureuse, j'en suis certain. Elle n'attend plus que ça. » Pourtant, la suite des mots sont dignes d'un coup de poignard dans le bide. Ton ventre se creuse, tu déglutis, baissant le regard alors que ta jambe bouge frénétiquement. Tu fermes les yeux, quelques secondes, vivant à nouveau l'explosion, vivant à nouveau cette scène qui ne cesse de hanter tes esprits depuis que tu es rentré. Tu as privé une femme, une mère, tu as ruiné la vie d'un bébé dans son ventre. « Je donnerais tout pour être à sa place... » Des murmures, des choses qui sont impossibles à faire, parce que vous êtes pas magicien, parce que vous ne pouvez pas refaire le monde avec des si. Puis putain, elle insistait, alors que toi-même tu étais contre tout ça. « Bien-sûr que non, elle vous aimait trop. » Tu sens les larmes qui commencent à ruiner ta vue, tu sens la boule dans ta gorge qui devient trop désagréable, tu sens que tout dégénère dans ton esprit alors que tu s'rais prêt à faire n'importe quoi pour que la situation s'arrange. « J'ai couru, parce que quand j'ai compris qu'on était pris au piège, j'ai aussi compris qu'ils avaient le plan depuis le début. Et putain, on pensait que la voiture était le plus sécurisé... » Tu prends une légère pause, avant d'enchérir avant qu'il ne te coupe. « Elle aurait dû rentrer, mais elle voulait pas, elle tenait absolument à finir la mission et elle était très têtu sur les bords. » Tu trembles, tu l'sens, parce que tu as fini par poser ta bouteille sur la table, sentant que tu pouvais la perdre à tout moment. Tu ressens encore la douleur de la balle qui a pénétré ton épaule, tu en as même garder une cicatrice. Alors que tu entends du bruit dans l'appartement, et que tu lèves les yeux aux ciels pour chasser les larmes. « Papa ? » Que tu entends derrière ton dos. T'es un meurtrier putain, tout ça, c'est d'ta faute Achille.
Depuis la fameuse conversation houleuse que nous avons eue quelques mois plus tôt, Achille et moi n'avons pas réellement discuté ensemble. Non seulement ça me fait étranger de lui parler aussi ouvertement, car j'ai longtemps porté une haine à son encontre, mais ça me fait aussi énormément de bien. Malgré les larmes qui menacent de prendre d'assaut mes joues à tout moment, je sens un poids qui libère doucement mes épaules. Malheureusement, ce n'est pas suffisant pour me débarrasser de toute la peine et la rage que je porte, mais ça fait du bien. Je ne parle que très rarement de ce que je ressens vis-à-vis la perte de ma femme. Je ne suis pas très bavard lorsqu'il s'agit de discuter mes sentiments. Peut-être suis-je trop orgueilleux et que je me montre trop réticent à m'afficher le moindrement vulnérable, mais je déteste m'ouvrir. Je déteste qu'on me prenne en pitié comme un chien en manque d'amour. "Je vais tout faire pour me libérer. Je sais que ça nous fera du bien à tous les deux de passer du temps ensemble", dis-je en étirant un petit sourire sur mes lèvres. Ce dernier illumine mon visage, dont la couleur laiteuse est causée par le manque de sommeil cumulé depuis le décès de Leticia. J'écoute Achille parler, cette même boule toujours au ventre. Je réalise que j'ai peut-être vraiment été trop dur envers lui. Je lui ai carrément reproché avoir été la raison de la mort de ma femme, alors qu'en réalité, il l'a toujours aimée comme sa propre soeur. Je baisse les yeux quelques instants, tentant d'enligner correctement mes idées. "J'ai peut-être été trop dur envers toi." Je prends déjà une pause. Je veux choisir les bons mots. "Je sais que Leti a toujours été très têtue et que ça m'aurait tout pris la ramener si j'avais su, et peut-être que je cherchais trop un responsable. Quelqu'un à qui envoyer toute la haine que je ressentais." Je suis incapable de lever les yeux vers lui. "C'que j'veux dire, c'est que j'suis désolé de t'avoir tenu responsable. Je sais que tu l'aimais et que tu aurais tout fait pour la protéger." À peine ai-je terminé de parler que j'entends la petite voix de ma fille m'interpeler. Je me tourne vers Charlotte qui vient immédiatement se nicher dans mes bras. "Hey, ma puce. Tu as bien dormi?", je lui souffle en la serrant doucement. Elle hoche la tête et se blottit contre moi. "Tu veux rester ici passer la nuit avec Achille?" Encore une fois, j'ai le droit à un hochement de tête puis un câlin. Je lève les yeux vers Achille et lui sourit un peu tout en profitant de cette douce étreinte.
Tu relèves le regard, complètement sur le choc. Parce que c'est pas rien c'qu'il te dit Callum, tu as dû mal à y croire même parce que ça semble irréel. Ton coeur s'emballe, tu as l'impression de rêver tellement les aveux semblent irréels, semblent fort bordel. Tu déglutis à nouveau, sans trop savoir quoi répondre. Mais il a raison de te détester, non ? Il a raison de t'en vouloir, parce que c'est toi le responsable de tout ça ? Tu es perdu, tu r'vois la scène, et forcément que tu te sens coupable. forcément, que ça fait mal, que ça brise ton ego, que la réalité est difficile à reprendre suite à des événements tragiques. « Mais je me sens responsable... » Là est la stricte vérité. Parce que malgré tout, malgré des excuses, avoir vécu la scène pour de vrai, avoir avouer à Callum que sa femme et son enfant, par la même occasion, sont morts, forcément qu'tu peux pas te sentir autrement. Mais c'est trop tard pour en parler, parce que Charlotte vient de se réveiller et qu'elle a immédiatement pris les bras de son père en otage. Tu regardes la scène, c'est tellement fort qu'tu sais pas où te placer. Tu n'as pas d'enfant, mais tu aimes tellement cette gamine et voir cette vision là, la fille qui ne quitte plus les bras de son père, c'est assez beau à voir. Alors après t'être assurer de ne pas pleurer, tu te montres désormais fort. Et alors, ton regard croise celui de Callum, ton coeur qui rate plusieurs battements parce que t'es certain que c'est la première fois qu'vos yeux se croisent. Tu sais pas trop c'qu'il se passe, mais il y a ton bide qui se creuse, et tu t'obliges à poser ta main dessus pour essayer de le calmer ; sans savoir si c'est agréable ou pas, sans savoir comment réagir. Tu te contentes de sourire à ton tour, soufflant un léger merci sans qu'il ne passe la barrière de tes lèvres. Et pourtant, ce soir, il y a une idée qui creuse dans ta tête, et forcément t'es obligé de la sortir. « Sinon... Tu sais, vous pouvez aller au cimetière, comme ça Charlie peut parler à sa maman. » La puce qui relève son regard vers toi, sans trop comprendre. « Parce que même si maman n'est plus dans ce monde, elle est dans ton coeur, elle est dans les étoiles, et tu peux aller lui parler sur sa tombe mon ange. C'est mieux de l'avoir avec toi, mais malheureusement, la vie est nul alors... Et même si elle te répondra pas, elle s'ra toujours là à te guider et à te protéger sans que tu t'y aperçois. » Tu souffles légèrement ; pas chialer bordel.
Je n'ai même pas le temps de répondre à son aveu que ma fille est derrière moi. Je la prends dans mes bras et elle s'y blottit immédiatement. Je caresse sa longue chevelure blonde qu'elle retient de sa maman. Ses prunelles noisettes sont la seule chose qu'elle a de moi, hormis peut-être ses couettes légèrement frisées. Elle me rappelle constamment la beauté de ma défunte femme et je sais qu'elle grandira pour être aussi belle que sa mère. Ma petite puce semble être encline à rester dormir chez Achille, chose qu'elle n'a toutefois jamais faite. Elle demeure très proche de son parrain et a passé de nombreuses journées avec lui depuis son retour d'Afghanistan. Je n'imagine même pas quand il repartira. Ce qui est certain, c'est qu'elle s'y opposera dur comme fer malgré ses trois pommes de hauteur. "Tu vas être gentille demain matin? Tu ne feras pas ta petite princesse exigeante?", je lui souffle en rigolant légèrement. Tout comme sa mère, elle n'est pas des plus enjouées le matin! Elle ricane légèrement. "Oui papa", souffle-t-elle sur un ton coupable. Achille propose ensuite que je l'amène au cimetière. Nous y avons déjà été une fois tous les deux, mais j'ai eu droit à une terrible crise de larmes que je n'ai été capable de contrôler qu'une fois dans la voiture en direction de la maison. Je soupire un peu; peut-être devrions-nous retenter l'expérience? Peut-être que... Peut-être que quelqu'un qui était là dans les derniers moments de sa mère pourrait l'aider à lui faire comprendre que sa maman n'est plus là; que sa maman se trouve aux cieux et ne reviendra jamais. Je lève instinctivement les yeux vers Achille. "Tu voudrais venir avec nous?", je lui demande sans trop réfléchir, sans laisser le temps à cette voix haineuse me dire que je n'ai pas envie de partager ce moment avec lui. Que je le veuille ou non, je crois sincèrement que sa présence pourrait aider Charlotte à comprendre. Je ne sais pas si c'est qu'elle ne comprend pas ou qu'elle refuse de comprendre. J'avais songé à consulter un pédopsychologue pour l'aider, mais faute de temps, je n'y suis parvenu. "Tu voudrais qu'Achille soit avec nous pour visiter maman au cimetière?", je lui demande en caressant doucement sa joue. Elle hoche la tête contre mon torse. "Oui", renchérit-elle en nichant son petit visage dans mon cou. À nouveau, je dirige mon regard vers Achille. "Je vais m'arranger pour finir en milieu d'après-midi et on ira tous les trois." Je prends quelques secondes de réflexion. "Et on pourrait peut-être... aller souper les trois." Ma voix se veut légèrement hésitante. Je ne me suis jamais montré aussi... amical envers lui. Et me voilà en train de m'excuser et de l'inviter à passer du temps avec ma fille et moi. Peut-être que je commence à réaliser l'irrationalité de la rancune que je tiens contre lui. Peut-être que je commence à réaliser qu'il est injuste que je lui en veuille pour quelque chose qu'il n'aurait jamais laissé se produire s'il avait su ce qui se tramait. Je sais que je ne peux entièrement détruire le mur que j'ai construit pour me protéger de lui, mais je peux graduellement retirer des briques. Lentement, mais sûrement. Et peut-être qu'éventuellement, c'est mon chagrin qui finira par s'effriter.
c'est assez bouleversant. cette scène là, face à tes yeux. tu sais pas vraiment où te placer, la sensation de ne pas être à ta place alors que c'est ridicule parce que tu es chez toi. tes doigts qui remontent le long de ta gorge, qui emprisonnent tes plaques militaires pour te donner une certaine confiance. tu regardes le puce, tu proposes une idée à la con parce que t'es pas capable de fermer ta gueule et quand il te propose de venir avec eux, tu te prends une gifle dans la gueule. parce que la question principale est est-ce que toi, tu l'es ? est-ce que tu es prêt à affronter tout ça ? forcément tu es venu à l'enterrement, mais tu n'as pas été capable de revenir sur sa tombe par la suite. ce serait mentir de dire que ce n'est pas la faute de callum. mais les mots restent graver dans ta tête, et que tu te sens comme un meurtrier. ce n'est pas avec des excuses que tu viens d'avoir que ça va s'arranger, bien au contraire. tu te couches en pensant à cet accident, tu voulais pas ça toi. elle le méritait pas, elle était trop jeune putain. mais il attend une réponse callum, et ton coeur s'emballe, tu ne quittes plus ses yeux parce que tu as b'soin de savoir s'il te le propose réellement ou si c'est simplement pour faire bonne attention devant sa fille. mais plus il parle, plus tu te rends compte qu'il pense vraiment tout ça, ton coeur s'emballe à nouveau, tes émotions s'enflamment et tu te retiens pour pas te mettre à chialer à nouveau. c'est fort, tu t'sens... tu t'sens bien. « je pense que ça peut se faire. » tu dis avec un faible sourire sur ton visage. tu regardes charlotte quelques secondes, avant de relever ton regard vers callum. « tu veux rester manger ? ce soir ? » c'était pas prévu que tu dises ça, mais tu te rends compte que tu en as vraiment envie. au fond, qu't'en peux plus de te retrouver constamment tout seul, tu as b'soin de compagnie, et va savoir pourquoi, c'est celle de callum que tu veux.
Au fil que passent les minutes chez Achille, je me sens de plus en plus apaisé. Cette demeure qui, habituellement, me cause tant d'angoisse et de haine ne m'apporte soudainement plus la même sensation de mal-être. Cette conversation que nous avons eue, aussi brève fut-elle, m'a permis de libérer un poids de ma poitrine. Ça m'a fait du bien d'enfin mettre de côté cette rancune exacerbée par ma peine et mon besoin de trouver un coupable. Ma femme a été assassinée. Certes, elle a été tuée dans le contexte d'un crime de guerre. Elle n'a pas été tuée comme tout civil victime d'un psychopathe qui répondrait ensuite de ses actes devant un juge ou un jury. Elle a été tuée par des terroristes. D'ailleurs, j'ignore même ce qu'il est advenu de celui ayant orchestré l'explosion et s'il a payé le prix pour la vie qu'il a emportée. Ça me fâche... Non. Ça me rend malade de ne pas savoir si justice a été rendue, et c'est peut-être la raison pour laquelle j'ai tant cherché à trouver un autre coupable. Et c'est évidemment l'homme qui était avec elle au moment de sa mort qui a subi ma rage et mes reproches. Non pas parce qu'il les méritait, mais parce qu'il était la seule option pour moi. La seule personne sur laquelle ma rage pouvait déferler. Il aurait dû la protéger. Il aurait dû l'empêcher de quitter la base. Il aurait dû la forcer à rentrer à la maison. Toutes ces reproches lui ont été dites maintes et maintes fois, alors qu'en réalité, je sais pertinemment que ma femme était la femme la plus entêtée qui fut. Lorsqu'elle avait une idée en tête, aussi futile soit-elle, elle se devait de la réaliser. Et cette mission, elle voulait la faire. Ce déploiement, elle voulait le compléter. Il n'y a rien qu'elle ne se croyait pas capable de faire, si ce n'est qu'un bébé qui tardait à arriver. Et voilà qu'elle tombait enfin enceinte, mais ce n'était pas suffisant pour qu'elle arrête ses autres projets. Il lui fallait son adrénaline. Il lui fallait ce déploiement. Et moi, ça m'a coûté ma femme. Ça m'a également coûté une amitié. J'ai toujours apprécié Achille avant que tout ceci n'arrive. Bien évidemment, il est le parrain de Charlotte. Il était souvent chez moi à rire de bon coeur avec Leti et moi. Nous avions un bon cercle d'amis duquel je me suis désormais isolé. J'étais heureux à une époque et tout m'a été retiré le jour où on m'a annoncé que ma femme a perdu la vie.
Lentement mais sûrement, j'essaie de changer le visage que mon esprit a peint d'Achille. J'essaie de me dire qu'il n'aurait jamais cherché à abandonner ma femme et ses paroles m'atteignent enfin, même s'il se sent honnêtement coupable pour sa mort. Je suis déçu que nous ne puissions pas poursuivre la conversation, car la présence de ma fille ne nous permet pas de tenir un tel sujet de discussion. Je le regarde néanmoins d'un nouvel oeil et je me promets de cesser de le traiter avec autant d'hargne. Il aimait Leticia et il n'aurait jamais souhaité de la perdre. Jamais.
Charlotte se montre heureuse lorsqu'Achille dit qu'il viendra avec nous au cimetière. Elle se tourne vers lui et lui sourit de ses petites dents. Je souris à mon tour et lui joue dans les cheveux comme elle aime tant que je fasse. Sans m'y attendre, Achille me demande si je souhaite rester pour souper. "S'il te plaît papaaaaaa", me lance ma petite puce. Je souris, attendri par sa petite voix suppliante. "D'accord ma puce, je vais rester avec vous", dis-je en levant les yeux vers mon hôte.
tu lui proposes de rester manger. sans trop savoir pourquoi, mais tu le fais. peut-être parce que le manque de ton ami est là, elle est grande. tu veux retrouver callum. même si la conversation est loin d'être terminé, peut-être qu'elle a réussi à apaiser les choses. c'est agréable, mais la suite est à prévoir. la suite va sûrement faire mal, quand des mots seront mis sur la table, quand des explications plus concrètes seront expliqué, quand les larmes vont dévaler vos joues. la culpabilité te ronge, et te rongera sûrement pour toujours, mais si les choses peuvent enfin avancer, c'est que du plus. tu souris, la fille qui pétille dans les bras de son père, qui se réjouit à l'idée que celui-ci reste manger. alors tu hoches la tête avec un sourire aux lèvres, allant chercher la bouteille de soda pour la poser sur la table, et tu allumes le four pour le faire pré-chauffer, sachant très bien qu'il te reste des pizzas dans le congélateur. un plat simple, mais suffisant. des retrouvailles, et c'est tout, ça s'arrête là. t'aurais aimé parler avec lui jusqu'à ce que le soleil se lève, rigoler, t'en sais rien et tu te retrouves complètement ridicule de penser à ça. mais une chose est certaine, c'est que la tempête a fait beaucoup de ravage, et que maintenant que tout vient de se calmer, il faut attendre désormais que les choses rentrent dans l'ordre. alors la soirée se passe normalement, une Charlie qui ne quitte pas les bras de son père, qui fait l'animation, qui fini même par s'endormir dans ses bras. Callum qui l'allonge dans ton lit, les choses s'arrêtent. la porte qui se claque, l'appartement qui se retrouve bien trop silencieuse. tu lâches un soupir, tu ranges ton appartement, nettoie la table et tu termines par t'allonger dans ton lit, Charlie qui se blottit dans tes bras, et tu fais pas long feu non plus. demain est un autre jour, et un jour, ça va finir par se calmer entièrement. tu y crois. alors ta dernière pensée, avant de t'endormir, c'est callum. tout simplement.