Un rendez vous avec Nina. J’ai enfin un rendez vous avec elle. Oui enfin parce que ça ne fut pas de tout repos pour la recontacter. C’était même très laborieux. Alors que je lui avais demandé son numéro de téléphone au bal des pompiers, elle m’a donné une adresse email. Je ne dirai pas que c’est si étrange parce que de nos jours on regarde nos emails aussi souvent que ses SMS mais quand même j’ai trouvé ça un peu bizarre. Et puis je me suis souvenu qu’elle était pas mal alcoolisé donc on va dire que c’est pas très surprenant en fin de compte. Enfin bref, j’ai envoyé un mail à cette adresse, lui laissant mon numéro de téléphone.

Du coup j’ai mis les notifications automatique sur mes emails pour que je puisse voir au plus vite une réponse de sa part. Oui la logique voudrait qu’elle me réponde sur mon téléphone mais on sait jamais, comme je l’ai contacté par email, je me suis dit qu’elle répondrait sûrement par là. Alors pendant les jours qui ont suivi j’ai sursauté à tous les emails que j’ai reçu, espérant que ce soit une réponse de Nina mais rien. Que des pubs, des trucs qui me servent à rien. Je me suis désinscrit de pas mal de newseletters pour arrêter de recevoir ces mails inutiles. Les jours passant je me suis dit qu’elle n’a pas vraiment envie de me revoir. Sauf que je persiste et un soir alors que je suis chez moi je vais fouiller dans les amis facebook de Angelina pour tenter de trouver Nina. Et à ce même moment je reçois une notification d’un nouveau message privé. Je vais voir de qui il s’agit et c’est elle ! Nina ! Enfin Andrina de son véritable prénom. J’ai un large sourire qui s’affiche sur mon visage, je suis vraiment content de cette synchronicité. Elle me demande si c’est à cause du rouge à lèvre que je ne l’ai pas recontacté. Je lui réponds tout de suite, lui disant que je l’ai contacté, mais qu’elle m’a laissé qu’un email pour se faire. On échange quelques mots et on convient d’un rendez vous. Je suis vraiment content de voir que c’est toujours d’actualité après ces longs jours passés depuis le bal des pompiers. On se met d’accord sur un jour où on est tous les deux disponible et elle me dit qu’elle viendra me chercher. Ok si elle veut.

Le jour j est enfin là, je me suis habillé moitié classe moitié relax. C’est à dire que j’ai mis un jeans skinny noir avec une chemise. J’attends devant chez moi et une voiture s’arrête, c’est elle.

« Hey… »

Je m’approche de la fenêtre côté conducteur et je vais lui déposer un rapide baiser sur les lèvres en guise de bonjour. Je passe du côté passager et je boucle ma ceinture.

« Tu veux toujours pas me dire où on va ? »

J’ai essayé de lui faire cracher le morceau sur facebook en message privé. Oui parce que j’ai continué à lui envoyer des messages un peu tous les jours. Je la regarde, enfin je regarde ses lèvres surtout. Je me rapproche de son visage pour aller reposer mes lèvres contre les siennes. J’en profite qu’on ait pas encore démarrer. J’entame un baiser. Oui je suis du genre impatient, j’en avais trop envie depuis le bal. Après avoir goûté à ses lèvres un instant je me détache.

« C’est bon je suis prêt on peut partir. »

Comme si le baiser était un pré-requis pour le trajet.

« C’est assez plaisant de se faire conduire je dois dire. »

≈ play Si ma vie était un film ou une série, alors le spectateur ne devait plus s’étonner de me voir passer du temps avec tout le monde et n’importe qui autre que mon ‘petit copain’. Mais il ne me jugerait pas non plus puisqu’il aurait déjà compris que ce qui me liait à Simon n’avait rien d’une relation amoureuse. J’étais libre, libre de passer mon temps agréablement avec qui je voulais, libre de donner un rendez-vous à Kane, libre de lui parler, libre de laisser tant d’ambiguïté entre nous, libre d’avoir mis une petite robe noire pour le voir, libre de ne pas réfléchir aux conséquences de mes actes, aussi (mais ça, cela relevait de ma nature). Il m’a donné son adresse, j’y fonce une fois prête. Je n’ai pas allumé la radio, mes pensées vagabondent pendant que je roule, je pense juste au moment présent et à ce que j’ai prévu de faire avec Kane. Je n’attends rien de spécial, je veux juste qu’on passe un bon moment entre… amis ? Entre flirts ? Dur à dire, j’étais la seule fautive de cette situation étrange, j’en avais conscience. Je ne me sens aucunement coupable, persuadée d’avoir tout sous contrôle. Je ne sais pas vraiment si je suis excitée à l’idée de le voir, même si tout s’est fait naturellement entre nous, je me souviens que la dernière fois qu’il m’a vue, je devais sûrement lui paraître un peu trop hardie. D’un côté, d’après mes souvenirs, cela n’avait pas l’air de lui déplaire. Cette réflexion m’arrache un sourire pendant que je me gare devant lui. Je baisse la vitre, mon sourire s’étire, c’est fou comme il paraît élégant sans effort. « Bonjour m’sieur. » Un jour, j’arrêterai avec mon comique de répétition mais pas aujourd’hui, j’aimais bien l’amuser.  Je m’apprête à lui demander s’il va bien mais il me devance en se penchant pour m’embrasser. Il pouvait prendre ce genre d’initiatives dès qu’il le voudrait car aujourd’hui, on n’allait être assez isolés pour ne pas que je craigne d’être vue. Je n’ai pas le temps de lui lancer une pique, une dizaine de secondes plus tard et il est déjà à côté de moi, visiblement curieux. « Pas maintenant. Mais promis, tu ne regretteras pas de m’avoir accordé ton samedi. » Je me tourne vers lui pour lui faire un clin d’œil et il s’empare de nouveau de mes lèvres, je souris contre sa bouche et prend un moment avant de relever les paupières. Je papillonne des cils. « J’étais bien, là. » plaisantai-je, je pouffe. « Mais d’accord, on est partis. » Je redémarre, quasi professionnelle. Je souris, à sa réflexion. J’adore conduire et je ne suis pas très prudente, seule, mais il a de la chance, quand j’ai des passagers avec moi, je m’applique à ce qu’ils soient conduits aussi précieusement que des mariées… et c’est aussi pour éviter de devoir s’arrêter toutes les cinq minutes parce qu’ils seraient pris de nausées. Je lance naturellement la conversation avec le premier truc qui me passe par l'esprit. « Est-ce que tu as déjà conduit ces énormes camions de pompier ? Ça doit être super impressionnant, ça doit être presqu’aussi technique qu’un cockpit d’avion. » Pour être petite fille d’ingénieur aéronautique, les avions n’avaient presque plus de secrets pour moi et puis sans être une grosse mordue, je restais quelqu’un de curieux de savoirs, tous domaines confondus. Je mets le clignotant, direction l'ouest, je commente. « Je t’emmène dans l'un des premiers endroits que j'ai vraiment aimé en arrivant dans le Queensland. Et on va profiter du retour du soleil ! » lançai-je, enjouée, ravie du temps printanier qui s’installait. « Tu as grandi à Brisbane, c’est ça ? » je le questionne sur un ton qui sous-entends 'dis m'en plus', en souriant, les yeux toujours rivés sur la route.

Elle ne veut toujours pas me dire où on va. C’est limite si je me demande si elle va pas me bander les yeux pour ne pas que je vois le trajet. Tant de mystère, je mets la barre haute sur mes attentes du coup. Elle dit que je ne le regretterai pas, j’espère juste que c’est pas un resto étoilée où on se rend, parce que je compte payer la facture et j’ai pas trop envie d’un repas à 200$ par tête. Non elle ferait pas ça quand même. Non. Et puis je me souviens qu’elle m’a dit d’apporter mon maillot de bain. J’espère qu’elle a prévu les serviettes parce que j’ai mis un short de bain sur moi mais j’ai pas pris de serviette. C’est bête maintenant que j’y pense.

Je souris assez largement quand elle me dit qu’elle était bien alors que je l’embrassais. Je suis bien content de voir qu’elle apprécie mes baisers. Sauf qu’on a de la route à faire apparemment, alors il faut bien couper court.

« On va jamais partir si on continue. »

Et Dieu sait que j’ai de la suite dans les idées en plus de tout. Oui je suis légèrement en manque. Je n’ai rien fait depuis le mois de mars avec une fille. Ce n’est pas mon record mais ça commence à faire long. Je ne vais quand même pas lui sauter dessus à la première occasion. Enfin on verra comment ça se présente. Une chose est sûr, si elle me saute dessus je ne la repousserai pas. Mais bon ce n’est pas le moment de penser à ça, on a toute la soirée à passer d’abord. Car ça m’étonnerait qu’on aille dans un endroit privé. Non on va sûrement sur une plage. On est en route et je regarde la direction qu’elle prend pour tenter de me donner une idée d’où on va atterrir. Pour l’instant je n’ai pas vraiment d’indices. Je tourne la tête vers elle quand elle lance la conversation sur les camions de pompiers, je souris et je fais « non » de la tête.

« Non j’ai pas été formé pour ces camions là. Je conduis l’ambulance par contre. C’est plus petit, plus maniable. »

Petit c’est pas vraiment le mot, mais c’est effectivement plus petit qu’un camion de pompier. J’ai eu une formation spéciale pour pouvoir le conduire. Je me demande si elle veut faire un tour dans un camion de pompier mais elle reprend la parole m’en disant un peu plus sur notre destination. Ca a l’air d’être quelque chose en extérieur vu qu’elle parle de profiter du soleil. En tout cas je suis content qu’elle veuille me faire partager un endroit qu’elle aime particulièrement.

« Okay. Hâte de voir ça. »

J’imagine quelque part avec une vue. Une plage avec vue ? Une skyline ? Je verrai bien. Je sens déjà que je vais faire une photo et la poster sur instagram. Peut être même prendre une selfie avec elle. On verra si elle accepte. Elle reprend la parole et me demande si j’ai grandi à Brisbane. J’hoche la tête.

« C’est ça. J’ai vu du pays quand j’ai fait le tour de l’Australie en van avec un ami, mais sinon je n’ai pas bougé du pays. Pas encore. Parce que c’est dans mes plans. Et toi ? T’étais où avant de venir à Brisbane ? »

Il me semble bien qu’elle n’a pas grandit ici, mais je ne sais pas les détails. Elle me les a peut être dit lors de nos rendez vous il y a 4 ans mais je ne me souviens réellement pas.

« Toujours dans tes plans d’aller en Chine ? »

Oui je me souviens de ça de nos retrouvailles à l’université.

« Ce serait pour quand déjà ? »

Et combien de temps ? Sauf que je ne demande pas plus d’infos, ça commencerait à faire trop de questions. Je n’ai pas envie de la lourder. Je serai plutôt du genre à l’encourager dans ses projets. Je me perds un peu dans l’admiration du paysage qui défile.

« On en a pour combien de temps de trajet ? »

Parce qu’on a l’air de s’éloigner de la ville et je me demande si on va pas se retrouver à Goldcoast ou une autre ville avoisinant. Je décide de faire un peu comme chez moi et j'allume la radio, mettant une station qui passe de la musique rock. Je souris quand j'entends les notes de "Last Young Renegade" de All Time Low. Ca fait un moment que j'ai pas repris la peine d'écouter leur dernier album.

Je souris, il a raison. Je lui avais promis de l’aventure et le baiser qu’on venait d’échanger ne serait sûrement pas le dernier de la journée, ça suffit pour que je m’active et qu’enfin, on démarre. Peut-être que l’ambiance est assez étrange, j’ai l’impression de le connaître, certes mais on n’a pas vraiment eu de réelles conversations depuis quatre ans. Je ne suis pas spécialement mal-à-l’aise mais ce genre de small talk, sur les camions de pompier en plus, ça ne me ressemble pas. La preuve, je ne sais pas vraiment quoi répondre d’autre que : « D’accord. » quand il me parle des ambulances. Aujourd’hui, je verrai s’il y avait un vrai feeling entre nous ou si je le trouvais simplement charmant parce que j’étais bourrée… bourrée et affreusement seule. Si j’aimais bien Kane ? Clairement. Si j’envisageais quelque chose de sérieux ? Absolument pas. Il était trop tôt pour en parler entre nous. Aujourd’hui, je voulais juste prétendre que la situation était ordinaire. Juste lui. Juste moi. Je ne pense qu’à l’instant. La route devant moi, les paysages défilent pendant qu’il me parle, je ne rate rien de ses paroles même si j’ai l’air très concentrée sur la route. Je me retiens de ne pas lui lancer des œillades trop régulièrement, ce ne serait pas discret. « L’Australie, c’est déjà assez grand, ça a dû t’occuper un moment, ce road-trip. C’était comment ? » Contrairement à lui, je n’étais pas une experte pour ce qui était de l’Australie, à part quelques grandes villes où je m’étais rendue en vacances, je n’avais jamais vraiment exploré notre pays. En même temps, sa réputation la précède, les bêtes mortelles ne sont pas une légende et je n’avais pas le gêne de l’aventurier suicidaire. « Je viens de Sydney… » lui répondis-je, mon ton laissant comprendre que je n’avais pas envie d’en dévoiler plus sur les détails de ma vie d’avant. Longue histoire que celle de mes quinze premières années là-bas mais jolie ville, malgré tout. Elle ne m’a pas manqué depuis mais j’y pense souvent, j’imagine la vie que j’aurai pu avoir là-bas, pas très différente de celle-ci, sûrement, ce n’est pas comme si le plan de mes parents avait fonctionné ; je n’étais pas miraculeusement devenue une sainte rien qu’en posant un pied à Brisbane. Je souris, un brin amusée qu’il se souvienne de tout ce que je lui ai dit. « Toujours. Mais ce n’est pas pour demain, je dois encore garder les pieds sur terre. J’ai pleins de plans mais un peu de mal à savoir ce que je veux vraiment. » Je ne sais pas où il en est dans sa vie, où il se positionne concernant sa place dans le monde. Il est plus âgé, j’imagine qu’il s’est déjà posé ces questions et peut-être même que c’est un problème résolu pour lui. Je sais que ce n’est pas le cas d’Angelina, même si elle a trouvé un point d’ancrage avec Abel, elle se révélait incroyablement compréhensive et trouvait les mots justes pour me rassurer quand je lui faisais part de tous mes doutes. « Pas longtemps, en réalité, c’est juste à une vingtaine de kilomètres. » Je pouffe juste après l’avoir informé parce que ça me fait rire qu’il ait l’air si impatient et curieux. Je ne lui ai rien dévoilé encore, ça reste une grande surprise. Espérons qu’il apprécie.

Quand la musique se fait entendre, je ne tarde pas à être prise par le rythme de la chanson. Mon index tape les temps forts et je peine à me retenir de fredonner, ma tête bouge déjà doucement. Je ne veux pas chanter parce que je ne chante pas très bien, contrairement à lui, je ne voudrais pas me ridiculiser. Je me contente de mettre les paroles au bout de mes lèvres, sans émettre aucun son, le beat de la musique et le temps ensoleillé me rendent toute joyeuse. Pour la première fois depuis qu’on a pris la route, j’ose jeter un coup d’œil de son côté.

Elle s’intéresse à mon road trip et ça me fait plaisir. C’est un sujet de conversation que je n’ai plus très souvent vu que ça remonte à sept ans maintenant. C’était mon quotidien à l’époque d’en parler parce que j’étais en plein dedans. C’était le bon vieux temps. Faut vraiment que je me mette à préparer sérieusement ce road trip en UK pour retrouver ces vibes de vacances et d’aventures.

« On a mis six mois, un peu plus de six mois pour faire tout le tour en van. C’était vraiment le pied. On s’arrêtait assez régulièrement sur la route, on a découvert plein de petites villes super cool. On a rencontré un tas de monde. Je les ai tous sur facebook, y’en a certains qui sont venus me rendre visite sur Brisbane depuis le temps et ouais en gros c’était vraiment le pied. En plus je l’ai fait avec un ami, c’est toujours mieux que tout seul. On était sur la même longueur d’ondes la plupart du temps donc ça s’est passé super bien. »

Et je m’arrête là parce que je n’ai pas envie de l’ennuyer. J’ai essayé de faire court, j’ai un peu échoué. En même temps comment résumé six mois d’aventure comme ça ? Impossible. Aussi une partie de moi avait un peu peur de l’ennuyer avec des anecdotes. C’est jamais pareil quand on raconte des trucs après coup, c’est toujours moins fun que quand on les vit.

J’apprends qu’elle vient de Sydney, elle est donc du pays. J’essaie de ne pas trop faire de calcul par rapport à l’âge qu’elle avait quand on est passé par Sydney il y a 7 ans parce que sinon ça me met un coup de pression sur la différence d’âge qu’il y a entre nous. Elle a 20 ans, c’est une femme, c’est tout ce qui compte. Quand je lui parle de la Chine elle me dit que c’est pas demain la veille. Okay. On a le temps de voir venir les choses.

« C’est pas évident de se fixer sur des projets pareil. »

Y’a toujours plein de choses qui viennent se mettre au milieu de notre route. Je n’ai pas envie de lui baisser le moral à ce propos alors je me retiens d’en parler trop. Surtout que je ne suis pas un expert sur le sujet. C’est surtout des suppositions. J’hoche la tête quand elle avoue qu’on ne va pas si loin que ça en fin de compte.

« Oh ça va. »

Je m’attendais à autre chose. Je mets la radio et je suis bien content de la chanson qui passe. Je jette des coups d’oeil vers Nina qui a l’air d’apprécié aussi. Je la vois battre le rythme sur le volant. Ca me fait sourire. Je regarde le paysage défiler par la fenêtre et je me laisse emporter par l’air du refrain qui arrive.

« You were my last young renegade heartache. It only took one night… »

Je fais un peu de yaourt parce que je ne connais pas bien les paroles. Je fais ça discrètement, sans chanter trop fort.

« We had to say goodbye… »

Je bouge la tête en rythme, je kiffe trop. Quand la chanson se termine j’espère qu’il y en aura une autre toute aussi bonne à la suite. Je ne suis pas généralement pas déçu de cette station de radio. Mais pour l’instant ce sont des pubs. Dommage.

« Ils sont passé en Mai, c’était cool. »

J’avais posté une photo sur instagram comme souvent quand je vais à des concerts. J’adore parcourir mon profil pour revoir les souvenirs.

« Tu les as déjà vu live ? Tu vas souvent à des concerts ? »

Je me tourne pour la regarder, mes yeux descendent sur ses lèvres que j’aimerai bien capturer, mais non. Elle conduit, ça se fait pas. Mon esprit pervers prend le dessus et j’imagine quelques autres trucs que je pourrais lui faire alors qu’elle conduit, mais je garde tout ça bien pour moi. On est juste à l’étape du date.

Il y avait quelque chose de si pur et si solaire chez Kane, ça me faisait du bien de passer du temps avec lui. Je crois que je ressentais toujours une sorte d’admiration d’adolescente pour lui, déjà à l’époque, c’était un gars cool. Il aimait la bonne musique, il avait du style sans beaucoup peiner et puis son petit air de rockeur, c’était indémodable. Pour couronner le tout, il avait parcouru l’Australie dans un van, je ne peux m’empêcher de sourire. Ça devait être bien, des souvenirs qu’on garde pour toujours et je sens à quel point il a aimé ce voyage. Pour ma part, je n’étais pas certaine de connaître une personne avec qui j’avais envie de passer six mois, voyage ou non, je finirais par l’étriper au bout des trois premiers jours… mais c’était une autre histoire. « Et vous n’avez pas prévu de repartir avec cet ami ? Ou t’as d’autres plans en tête ? » J’imagine bien qu’ils ne referaient pas encore le tour de l’Australie, c’est peut-être super vaste mais le territoire est dans sa majeure partie un désert avec des bêtes mortelles. Kane devait déjà avoir vu ce qu’il y avait à voir dans notre pays. Et peut-être qu’il allait me dire qu’il a des projets complètement différents, qui sait ? Qu’il n’avait plus envie de voyage mais plutôt de se poser ou alors qu'il ne prévoyait rien, qu’il vivait plutôt au jour le jour… Dans ce cas, on serait deux. Je hoche la tête, je n’étais pas très calée en matière de date mais j’étais certaine que les projets de carrière n’étaient pas le sujet le plus intéressant qu’on pouvait trouver. Il allume la radio et je profite du moment, mes lèvres s’étirent quand je l’entends chantonner. « Je crois que j’en ai entendu parler mais je ne s’y puis allée, j’aurai peut-être dû, leur dernier album est une folie. Ils devaient être géniaux en live. Je ne vais pas si souvent que ça a des concerts, mais le dernier date de mars, c’était Twenty One Pilots. J’en ai encore des frissons. » Je tourne la tête brièvement de son côté et le surprend à me regarder. Espiègle, un petit rire m’échappe. « Pourquoi tu me regardes comme ça ? » S’il continuait, j’allais garder ce sourire niais toute la semaine. Il y a un grand panneau devant nous, indiquant un ranch et c’est justement là où je l’emmène. Je ne commente rien avant qu’on soit arrivé, je le laisse faire ses propres impressions. Je me souviens des premiers mois où je suis arrivée à Brisbane comme si c’était hier. Je me revois encore à l’arrière de la voiture des parents d’Angelina, les yeux rivés à la fenêtre, en train de découvrir ces étendues de champ de poivrons, les chevaux, les vaches, les grands arbres fruitiers, à deux pas de l’océan. La propriété est immense, avant d’arriver devant la maison, on doit faire un grand tour des champs mais ce qui est visible ne représente que le quart de leur domaine. « Bienvenue au ranch ! » Il le voyait sûrement à ma tenue, je ne comptais pas vraiment passer une après-midi champêtre ou agricole mais le cadre est joli, en un rien de temps, on parvenait à oublier l’agitation de Brisbane. Le temps semblait s’écouler plus lentement ici, tout était si calme. Encore plus calme qu’on quitte seulement l’hiver et qu’il n’y a pas autant de monde qu’en été, quand il y a tous les saisonniers. Je me gare un peu où je peux puis, une fois arrêtés, je sors de la voiture. Je me poste à côté de la voiture, en attendant qu’il me rejoigne. « Ne t’inquiète pas, je ne t’ai pas amené ici pour qu’on récolte des poivrons même si cela aurait pu être amusant… il n’y en a pas encore. Mais je voulais juste te montrer le ranch des Brownson, des amis des parents d’Angelina. Je suis souvent venue ici à mon arrivée à Brisbane et j’ai toujours adoré venir ici. » Je lui souris. Je ne suis pas le moins gênée du monde par le fait que j'omets quelques points dans mon histoire. Comme le fait que le fils des Brownson soit le fiancé d’Eva, la sœur de mon petit-ami officiel, par exemple, mais ce n’est qu’un détail, non ? Il n'était pas là aujourd'hui, quand je l'avais prévenu de ma visite,, il m’avait annoncé qu’il ne serait pas là. « Je te fais visiter ? Rapidement, peut-être, parce que l’heure tourne et qu’on a encore des choses à faire. » lui dis-je, glissant un clin d’œil à son intention avant de prendre mes affaires dans la voiture. Je reprenais le programme rapidement dans ma tête : la grande maison, le cellier puis après sur notre chemin jusqu’au catamaran, on fera un crochet par les serres et les écuries. Outre le fait que j'aime l'endroit, une petite voix en moi me donnait mille idées pour le surprendre, lui montrer que ma vie ne tournait pas seulement autour des robes de soirées et des fêtes alcoolisées, sans que je ne sache vraiment pourquoi.