Le feu d’artifice c’est bien, avec des potes c’est mieux. Parce que là je les ai tous perdu. Il y a trop de monde et j’ai eu la brillante idée d’aller nous prendre à boire, du coup je me retrouve avec trois bières dans les mains autant dire que je ne peux pas attraper mon téléphone portable pour essayer d’en joindre un. Je tourne un moment parmi tout ce monde et je me rends à l’évidence au bout de dix minutes, ça va pas le faire comme ça. Je m’arrête de marcher, je m’assois par terre, je pose les bières sans les renverser et je sors mon téléphone portable. J’essaie de joindre un de mes potes, sans succès, répondeur. Le deuxième répondeur direct. Alors j’envoie des SMS pour leurs dire à peu près où je me trouve, même si au milieu du parc tout est pareil… Alors je me décide et je leur envoie mes coordonnées GPS avec whatsapp. Comme ça ils tomberont sur moi. En attendant moi je reste là avec mes trois bières. J’en prends une et je bois une longue gorgée. Ca fait du bien. Je regarde l’heure, le feu d’artifice commence dans une demi heure je crois, mes potes auront le temps de me retrouver. Quelqu’un marche trop près de moi et renverse une des bières, je la récupère in extremis, sans trop de dégâts. Je prends la bière et je me tourne vers les personnes les plus proche de moi.

« J’ai deux bières en plus, je trouve plus mes amis, vous les voulez avant qu’elles soient renversées ? Je voudrais pas qu’elles soient gâchées. »

En fait je ne sais pas s’ils sont ensemble mais ils ont l’air proche alors j’ai supposé que oui. Au pire c’est pas bien grave, je propose à qui veut. Même si y’en a qu’un qui accepte mon offre.

Spoiler:

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Je suis content de voir que mon offre est tombé sur quelqu’un d’intéressé. Je lui fais un large sourire et je lui tends une bière, celle qui est encore pleine, je ne suis pas du genre à être égoïste. On se partagera l’autre, ça ne sera pas gâché et j’en suis bien content. Je déteste le gâchis surtout quand il s’agit de choses que j’aime. Là il va juste falloir que je sois pas maladroit et ne pas la renverser. Je pose la bière restante entre mes jambes, je suis assis par terre, dans l’herbe. Voilà, là au moins elle est en sécurité, sauf si quelqu’un me tombe dessus, ce qui pourrait peut être bien arrivé vu le monde qu’il y a dans ce parc.

A la deuxième phrase de mon voisin je regarde les gens à côté de lui et je comprends que ça sent le roussi. Je fronce le nez mais ça me fait sourire en même temps.

« C’est des potes à toi ? »

Il a pas l’air de vouloir rester avec eux et ça me fait marrer. J’essaie de ne pas trop montrer mon amusement parce que la situation est peut être grave, je ne sais pas du tout.

« Je suis sûr que quand le feu d’artifice va commencer ils auront mis leurs différents de côtés… »

Je pause quelque secondes et je reprends, parlant assez discrètement pour ne pas que les deux tourtereaux à côté ne m'entendent.

« Enfin j’ose espérer pour eux. Ca serait dommage de venir jusqu’ici pour ne pas en profiter. Quoi qu’ils pourront venir un autre weekend pour profiter du spectacle. Juste ce sera pas le Royaume Unis si jamais ça leur tenait à coeur. »

Oula mais c’est que je parle beaucoup moi alors que je ne connais pas du tout ces gens. Il est temps de couper court à ce blabla avant qu’il ne s’enfuit parce qu’il me trouve ennuyeux. Quoi que j’ai une bière de plus à liquider, peut être qu’il va rester pour ça.

« Mais bref, c’est pas important… Salut, moi c’est Kane. »

C’est mieux de me focaliser sur le nouvel ami de beuverie de la soirée. Il a une bonne tête sympathique, je sens que je peux presque oublier que je trouve pas mes potes avec lui et passer une bonne soirée malgré tout. Je crois qu’il va falloir que je revienne un autre weekend avec mes amis, enfin si je peux, car avec mes horaires de boulot c’est pas forcément évident. D’ailleurs maintenant que j’y pense je crois même que ça va être complètement impossible. Oh well oh well… J’en aurai vu au moins un de feu d’artifice.

Spoiler:

J’aime bien l’hypothèse de mon voisin par rapport aux cris qui seraient cachés par les feux. C’est vrai que nous on sera tranquille de notre côté. On va éviter de les chauffer les deux. Je souris quand il parle de leur faire un résumé. Oui plutôt lui que moi, je ne connais pas du tout ces gens et je compte pas boire jusqu’à plus soif donc je vais rester maître de mes actes ce soir et aussi rester loin des embrouilles. Je me présente et j’apprends que lui s’appelle Matt.

« Enchanté. »

Il me parle de mes potes et je ris un petit peu, ok je ris jaune. Il demande si je me suis barré d’une scène de ménage et je fais non de la tête. J’ai la chance d’être sorti avec deux potes mecs qui n’ont pas de lien amoureux entre eux, du coup c’est assez cool comme ambiance.

« J’ai été nous chercher à boire et je les retrouve plus. Ils répondent pas à leur téléphone. Du coup je vais pas passer cent ans à les chercher, je veux profiter du feu aussi. »

Tant pis pour eux, toute la bière est pour moi. Je suis sûr qu’on va se retrouver à la fin de la soirée. Matt me demande si j’ai un lien particulier avec le Royaume Unis et j’hoche un peu la tête.

« Pas vraiment mais si un petit peu. J’écoute beaucoup de musique anglaise. Des groupes de rock de là bas. Et je rêve de me faire un festival de musique en Angleterre. Genre Leeds festival ce serait le pied. Faut juste que je me lance dans la préparation et je l’ai pas encore fait alors que ça fait des années que j’en rêve. »

Je crois que j’en dis trop, mais j’étais inspiré par le sujet.

« Et aussi j’ai eu de la chance que mon jour off soit aujourd’hui. »

Un détail qui a son importance. J’ai été bien content de voir que ça tombait sur l’Angleterre. Je n’aurai pas demandé à changer mon jour de congé pour le feu d’artifice. Je préfère me garder ces privilèges pour les concerts que j’ai de prévu. D’ailleurs y’a Deaf Havana, un groupe anglais, qui joue dans pas longtemps à Brisbane. Ils font la première partie de Placebo, je vais m’en donner à coeur joie.

« Et toi ? Une raison particulière pour venir à ce feu là ? »

Je bois une gorgée de ma bière et je reprends la parole parce que le couple derrière lui s’agitent toujours autant et je fronce le nez, commentant un peu.

« Tes potes ont vraiment pas l’air dans le mood pour le feu. »

Kane qui constate bien humblement que ses potes se sont fait la malle, c’est pas très cool. Avec la foule qui s’agglutine tout autour, c’est presque normal que du moment où tu regardes à droite, tu manques tout ce qui se passe à gauche. Kangaroo Point était toujours une destination particulièrement prisée en temps normal, on aimait venir y pique-niquer, et observer Brisbane dans toute sa splendeur, mais avec les feux d’artifices de septembre, c’était tout un autre niveau de populace. J’entendais déjà Lene se plaindre à tous vents qu’il y avait trop de gens et faire demi-tour sans même s’être posée. Yep, je me félicitais mentalement de ne pas l’avoir invitée ce soir. « Bien fait. Bon, ce sera moins marrant si on apprend qu’ils ont été kidnappés et mon karma en prendra un coup, autrement, j’t’invite à garder ça pour toi. » J’éclate de rire, envoyant faussement de mauvaises ondes vers les dits amis. Y’avait pas un gros haut taux de criminalité ici de toute façon, mais fallait seulement le dire pour le manifester, et j’avais pas les reins assez solides pour avoir deux disparitions et p’t’être même un assassinat sur la conscience. Faut choisir ses dilemmes. Kane change de sujet, probablement tout aussi remis de la perte des potes que moi de la perte de mon potentiel coup d’un soir – et voilà qu’on discute un peu de l’Angleterre, fière patrie. « Ouhhh. J’suis allé avec ma copine au Leeds, c’était cool. Ils font souvent des ventes de billets à moitié prix un genre de 2 semaines avant le festival – ça vaut vraiment la peine. » copine est un bien grand mot sachant que lorsque j’ai mis les pieds à Londres avec la famille, j’étais pas dans un état relation mais pas du tout. Ça avait été une idylle de quelques jours qui s’était agrippée à mon bras pour assister aux shows, tickets que j’avais achetés de base pour Ginny et moi. Mais voyez-vous, ma sœur se remettait à peine de sa dépression – et accessoirement de sa tentative - alors ç’aurait été bien miraculeux qu’elle daigne se pointer là. Y’avait fallu que j’improvise. « British, born and raised. » que je finis par ajouter de mon meilleur accent anglais, lorsque le blond me demande ma propre appartenance. « Bon en soit, j’ai pas eu conscience, on est déménagés à Brisbane je parlais pas encore. Mais j’en reviens là, j’y ai habité durant 5 ans. » je précise tout de même, parce que y’a pas autant la classe là que mes paroles le transparaissent. « J’voulais voir à quel point ils seraient tacky avec la musique des Beatles & le drapeau à tous les trois feux. » apparemment, ce genre d’événement était le moment par excellence de montrer à tous à quel point on connaissait par cœur tous les clichés reliés à un pays en particulier – autant être aux premières loges pour vivre le malaise. « Avec un peu de chance le bruit cachera leurs cris. » j’imite Kane et regarde furtivement derrière, la dispute entre Sara et son mec ne semble pas prête de se terminer, et franchement, c’est abusé là. J’avais presque pitié pour elle à force, elle pouvait bien flirter avec qui bon lui semble si son dude était aussi possessif. Chill bro’, chiiiiiill. La discussion se meuble doucement, parce qu’à force, on fait complètement fi des commentaires qui fusent dans notre dos. « Si tu vas au UK et que tu aimes la bonne musique, Brighton pourrait être un bon coin aussi à visiter. » j’ignore s’il en a entendu déjà parler, mais je me souviens des week-ends qu’on allait y faire à l’époque, avec les potes, Ed, Gin et Jill. C’était un doux souvenir ça, un bon. « Y’a pleins de bands émergents qui y jouent, c’est pas aussi touristique que Londres et la bière est bonne. » critères qui sont essentiels pour moi. « T’as déjà voyagé pour d’autres shows ou ce serait la première fois que tu t’exportes hors-Australie? »

Je souris quand il évoque la possibilité que mes potes aient été kidnapper. Ce sont de grands garçons, je pense qu’on est safe de ce côté là. Je ne prends pas du tout au sérieux cette remarque de Matt. Je suis naïf mais pas à ce point là. Je ne prends pas peur parce que mes potes ne répondent pas à leur téléphone, je suis sûr qu’ils ont même pas entendu mes appels.

On parle de UK, à juste titre car c’est le thème de ce soir et il me dit qu’il a été au Leeds festival.

« Han la chance ! Je connaissais pas cette astuce, merci ! Je jetterai un coup d’oeil. »

Mais me connaissant je prendrais mes places à l’avance pour pas y aller sans avoir la certitude d’avoir un billet en poche.

Il me dit qu’il est anglais, c’est vrai que y’a un petit accent maintenant qu’il le dit. Mais je réalise qu’il a juste fait exprès. Du coup je me demande s’il me fait marcher ou s’il est vraiment anglais. Il s’explique sur son arrivé à Brisbane et je comprends mieux, j’hoche la tête.

« Oh cool ! Pourquoi t’es revenu ? Si c’est pas indiscret… »

Je souris de manière amusé quand il parle des cris de ses potes. Oui il vaut mieux espérer qu’on ne sera pas trop dérangé et surtout qu’on ne soit pas sollicité dans leur petite embrouille. Il me parle de Brighton et j’hoche la tête vivement.

« Oui oui c’est sur ma liste ! Je compte me faire un road trip quand j’irai. Plusieurs villes, plusieurs concerts. Faut juste que j’arrive à tout faire goupiller en même temps. »

Et ça c’est pas une mince affaire. Il me demande si je suis déjà allé en dehors de mon pays qu’est l’Australie et je fais « non ». Puis je m’explique.

« Mais j’ai fait le tour de l’Australie en van, et j’ai été à quelques shows sur le trajet. Ca compte ? »

On reparle de show alors je reviens sur le sujet de Leeds Festival. Sujet inépuisable pour moi, je suis tellement passionné. Je rêve d’aller à ce festival depuis tellement d’années que je crois que je vais faire un malaise le jour où ça se passera pour du vrai.

« T’y es allé quelle année à Leeds ? Y’avait qui en headliner ? »

Ca fait un moment que je suis le festival de loin du coup je connais un petit peu les noms qui y sont passés. Faut pas me brancher sur le sujet des concerts parce que sinon on va y passer la nuit. Je regarde ma montre et je me dis que le feu va plus trop tarder. Je sors mon téléphone et j’y jette un coup d’oeil au cas où mes potes auraient vu mes messages mais non rien.

« On dirait bien que je vais mater le feu avec toi Matt. On s’est bien trouvé en fin de compte… »

Parce que les gens avec qui il est venu laissent à désirer niveau compagnie. On est mieux tous les deux dans notre coin tranquille.

« Il restera une bière à se partager quand on aura fini celle là ! »

Et d’ailleurs je reprends de boire la mienne au lieu de parler.

Kane demande de but en blanc ce qui fait que j’ai reposé le pied en terre australienne - et ça va, c’est cool, malgré ce qu’on peut penser je suis pas particulièrement mal d’en parler. La gamique est compliquée, le résultat l’est tout autant, mais ça reste dans l’intimité ça, ça reste discutable qu'entre Ginny et moi seulement. « Une affaire de famille - j’ai suivi ma soeur. » je pouvais pas faire plus simple, pas faire plus “normal”. Autant bien apporter une autre précision pour pas non plus donner l’impression d’être ce gros abusif trop protecteur, impression qui n’en était pas une au final. J’avais un problème, le complexe du grand frère qui sait pas où est sa place. « Puis j’ai acheté un local ici, pour en faire un café. » c’était la belle vie là, c’était le rêve d’ado ultime d’avoir son propre endroit, de boire du café et de la bière toute la journée et la soirée, d’avoir un public avec qui partager mes dernières conneries du moment. Kane confirme avoir la fibre globetrotter, je pose donc quelques questions au sujet de son futur périple en Angleterre, l’ambiance y est pour beaucoup sur son enthousiasme je parie. « Ça vaut la peine, surtout en roadtrip. » pas pour l’avoir fait, mais plutôt pour en avoir croisé du temps où j’habitais Londres. Le pays se faisait bien en voiture, en plus d’offrir une belle latitude, une liberté que l’avion, le train ou le bus ne donnait pas du tout. Ça, et les coûts qui s’élevaient trop généreusement. Je laisse échapper un rire lorsqu’il justifie ses jambes qui le démangent, son envie de voyager, d’une balade automobile à travers l’Australie. C’est cool ça aussi, il doit en avoir des histoires à raconter, à commencer par les meilleurs endroits où surfer. Note mentale de lui demander plus tard, parce que mis à part Brisbane et Melbourne, j’avais pas surfé des masses ailleurs qu’à mes repères de prédilection. « En 2012. Y’avaient les Foo Fighters, Crystal Castles, Justice, Metronomy… The Cure en show aussi, c’est incroyable. » back to memory lane, et je me rappelle à ses mots une nouvelle fois ce festival auquel ma soeur n’avait pas pu m'accompagner - pour cause de coeur brisé. Il ne verra pas mon malaise ou alors à peine, je suis passé maître dans l’art de le cacher sous mon sourire de con à deux balles à force. Emballé par ses futurs plans, le blond finit par faire la paix avec ses potes qui n’ont pas du tout l’air d’avoir dans leurs plans de repasser par ici. On n'est pas mal pris - la bière restante finira bientôt entre nos mains à se la partager, maintenant que je laisse un énième regard par-dessus mon épaule me confirmer que tout est stable chez nos voisins. « Ils semblent s’être calmés là, c’est presque rassurant. » c’est pas encore l’amour fou et leurs bouches sont pas scotchées l’une à l’autre, mais il a mis son bras autour d’elle, c’est déjà ça.

« Si ça se trouve, draguer la fille devant son mec ça va ressouder leurs liens en plus forts. J’suis tellement une grande âme. » que je laisse savoir à Kane en confidence, laissant échapper un petit rire pour qu’il voit bien à quel point je rigole, quoi que. Ça aurait peut-être du bon, une intervention pleine de testostérone plus tard. « Oh, on dirait qu’ils s’y mettent là. » une vraie adolescente. Le smooch distinctif d’un french kiss en puissance qui se laisse aller derrière nous, et on n’a même pas besoin de le constater visuellement pour savoir que les rapprochements sont entamés et que ça risque d’être chaud cacao. Les attouchements arrivent au moment où le spectacle commence à péter dans le ciel, et le volume sonore fait sursauter une bonne partie des spectateurs, moi compris. « À partir de maintenant, tout ce qu’on dira devra être crié. T’es prêt pour le challenge?! » mes mots sont hurlés pour bien peser sur ce que j’avance. Et une gorgée de bière une, avant de prendre appui sur mes coudes et de lever les yeux vers le ciel qui se colore comme coup d’envoi.

Je peux comprendre que ce soit une affaire de famille qui l’ait ramené en Australie. La famille c’est important. Je n’ai jamais réussi à me résoudre à aller loin d’eux trop longtemps. J’apprends qu’il s’est acheté un local pour en faire un café et ça c’est super cool par contre.

« Sweet. »

Faudra que je pense à lui demander où il se trouve son café, que j’y fasse un tour, mais sur le moment je l’écoute et je n’y pense pas vraiment. La conversation dérive sur le roadtrip et il approuve mon choix. Pas comme si j’avais besoin de validation, je le ferai quoi qu’il arrive ce road trip. Faut juste que je me décide. En parler ouvertement me donne l’impression que c’est encore plus réel. Que ça va vraiment arriver et oui ça va arriver. L’année prochaine peut être. Je reviens sur le sujet de Leeds festival parce que j’ai réellement envie d’en savoir plus sur le sujet. Tous les groupes qu’il annonce ne font pas parti de mes favoris mais ils sont incontestablement des grands et les voir en live doit être un vrai plaisir.

« Fuck ça devait être trop bon ! »

Je sais pas pourquoi j’ai été vulgaire d’un coup mais c’est venu comme ça. Dans le feu de l’action. L’émotion sûrement. Je suis fan des festivals. J’ai tellement envie d’un festival en Angleterre. Je suis carrément jaloux là. Je ne vais pas lui dire parce que je vais passer pour un con, mais c’est bel et bien vrai. J’arrête de parler festival sinon je vais passer pour un relou de service, mais la vérité c’est que je pourrais en parler pendant des heures. Matt jette un coup d’oeil derrière lui et il check ses potes. Il me file un update de la situation et ça me fait sourire. Du coup moi je sors mon téléphone pour voir si j’ai pas des nouvelles de mes amis aussi, mais non rien.

« Rien à signaler de mon côté. »

Je suis seul au monde. Enfin, non pas vraiment vu que je suis avec Matt, mais quand même, c’est pas vraiment la soirée que j’espérai. Matt enchaîne expliquant un petit peu plus la situation entre lui et ses potes. Visiblement c’est compliqué.

« Hein ? Tu dragues les meufs de tes potes toi ? »

Je suis un peu confus, je crois pas avoir tout bien compris mais je ne doute pas qu’il va m’expliquer. Sauf qu’on a plus vraiment le temps de discuter parce que le show commence et mes yeux se tournent vers le ciel. Je ris un peu à la phrase de Matt et j’hoche la tête.

« Tout à fait prêt ! »

Je dis ça en criant assez fort pour qu’il m’entende bien évidemment. Challenge relevé. Je sors mon téléphone de ma poche pour prendre une photo du spectacle mais ça rend vraiment pas top en photo. Alors je fais un petit film de quelques secondes et je le range. Je profite du show avec mes yeux pas au travers d’un écran. J’aime bien immortaliser les moments mais je ne reste pas figé sur mon téléphone bien longtemps. Tout ceci ira sur instagram un peu plus tard. Je termine ma bière tout en profitant du show. Mon téléphone se met à vibrer dans ma poche et je le sors de nouveau. C’est un message d’un de mes potes qui me demande où je suis. Je roule les yeux parce que je lui ai envoyé mes coordonnées GPS, je ne pouvais pas faire plus précis. Je laisse tomber, de toute façon je vais pas les chercher maintenant.

« Mes potes viennent de se réveiller et ils me cherchent. »

Je cris ça dans l’oreille de Matt.

« Un petit peu à la dernière minute… »

Comme quoi on aura vraiment eu une soirée de merde avec nos amis autant lui que moi. Je continue de profiter du spectacle et quand ça commence à péter un peu plus fort je ressors mon téléphone.

« Tu crois que c’est le bouquet final ? »

Comme je ne sais pas je mets mon téléphone sur le mode caméra et je filme un petit bout.

De voir son air ahuri m’arrache un éclat de rire franc, presque exagéré. Mais en fait, s’il y avait bien quelque chose que j’avais pas fait, c’était draguer les nanas de mes amis. Y’avait ce truc qu’on appelle le bro code et qui coupait toute tentative, justifiable ou non, de pécho la copine d’un pote - et ça, j’y tenais coûte que coûte. Pas de doute ici, c’était bel et bien un malentendu et je ne tarde pas trop à le dire à Kane, au cas où sa pseudo-copine arrive par l’entrefaite et qu’il se barre avec le regard noir. « Non, du tout. Je la connais parce qu’elle a un resto en face de mon café. » j’hausse des épaules, prenant une gorgée de bière. Elle était sympa comme fille, pas compliquée, drôle, mignonne. Mais le simple fait qu’elle ait omis ça m’avait refroidi direct. « J’savais juste pas qu’elle avait un copain… elle s’en est pas vantée quoi. » s’il y avait bien un truc que je louais, c’était la loyauté et la fidélité… m’enfin. Le blond dégaine son portable, apparemment ceux qu’il attendait plus tôt viennent de se réveiller - faut dire que les feux qui pétaradent doivent y être pour beaucoup et c’est cool, ça fait pas du tout chier ce timing complètement nul qui lui ferait manquer la moitié du spectacle s'il décidait de partir les retrouver. Voyant qu’il partage mon avis, j’hoche vivement de la tête, approuvant le fait que ça sert à rien de se compliquer la vie, y’avait rien qui pressait, y’avait pas d’urgence, pas de plan panique. « Qu’ils te cherchent. » que je lâche, bien malin, avant de laisser aller un rire faussement machiavélique s'ajouter à la conversation. Par chance, j’ai pas trop l’air creep puisque les bruits des feux d’artifices cachent la moitié de nos paroles - suffisamment pour qu’on sombre tous les deux dans un silence correct, naturel. Je m’appuie sur mes avant-bras, balançant la tête vers l’arrière, les yeux qui se vissent au ciel et au mélange de couleurs. C’est beau, ça pétarade, ça en jette, et même si mis à part le choix des tons y'a rien de vraiment très britannique à la chose, ça me donne bêtement le goût de retourner faire une escapade en Angleterre, d’aller voir du moins, comment mes souvenirs se portent. Mais ils sont encore trop frais dans ma mémoire, et mes pires années y se sont tout de même accumulées. Je ravale sèchement, les bières finies depuis longtemps, avant de me redresser à la hauteur de Kane qui ferme tout juste son portable, témoin numérique du show. Ça fera un joli snap ce truc, s’il use de bons filtres et qu’il s’est pas attardé à mettre le son qui éclatera assurément les tympans de ses potes. La finale est encore plus impressionnante et on voit bien qu’ils y ont mis tout le budget. Ça éclate, ça barbouille, ça dégomme et à un moment je dois me souvenir de cligner des yeux parce que mes globes sont totalement secs. De gros problèmes bien sérieux, quoi.  

« Y’a un truc de prévu, au bar en bas de la colline. » que je relance, me souvenant plus du tout du nom de l’endroit, mais misant sur le fait que Kane est aussi local que moi et qu’il saura exactement de quel endroit je parle. « J’vais y rejoindre des potes, je te dis si tes copains et toi voulez passer. » probablement, maintenant que le spectacle est terminé, il a plus de chances de les retrouver. Puis ça me donnera l’occasion de lui payer un verre en gage de bon remerciement pour son partage - j’étais un bonhomme bien élevé, tout de même. La plupart du temps. « La bière y est bonne. » dernier argument, et un de masse. Il y réfléchira et je m’activerai de mon côté, me relevant prompto, suivant la foule qui maintenant se disperse doucement vers les différents points de sortie. « À plus, Kane! »