| (arissan) later on if it turns to chaos |
| | (#)Sam 11 Nov 2017 - 1:23 | |
| ariane & hassan later on if it turns to chaosSee you there, don't know where you come from, unaware the stare from someone. Don't appear to care that I saw you, and I want you too. What's your name ? Because I have to know it, you let me in and begin to show it, we're terrified, because we're heading straight for it, might get it. ☆☆☆ MAI 2014 - C'était plutôt un mensonge de circonstance, un secret de polichinelle, quand Hassan secouait doucement la tête si Yasmine lui murmurait « Je sais que le temps doit être un peu long. » comme pour tenter de faire croire que non, que ce n'était pas si terrible, alors qu'en vérité les minutes semblaient toutes durer des heures. Mais il y avait presque quatre mois qu'il était là, et autant de temps à culpabiliser parce que Qasim n'avait pas vu femme et enfants depuis trois semaines et que les Khadji donnaient l'impression d'organiser leur emploi du temps autour des horaires de visite de l'hôpital. C'était difficile pour Hassan, qui n'aimait pas déranger, ne supportait pas d'être le grain de sable dans l'existence de qui que ce soit, d'être devenu le centre d'une attention constante de la part de ses proches. Et si le fauteuil près de son lit était vide ce jour-là cela ne tenait qu'au mauvais rhume attrapé par Qasim, à qui l'on avait dès lors conseillé de ne pas venir durant quelques jours, pour ne pas apporter avec lui de microbes dont son frère n'avait assurément pas besoin en ce moment. Alors le brun faisait bonne figure, le temps rarement aussi long que lorsque la chambre était vide de visiteurs, mais la conscience plus tranquille de savoir que son aîné ne passerait pas une journée de plus vissé près de son lit jusqu'à la nuit tombée. Et imperturbable il laissait passer la journée, attendant le moment où Yasmine repasserait lui dire bonsoir à la fin de son service. Quittant des yeux la vitre aux trois-quarts occultée par le store qui plongeait la pièce dans une demi-pénombre, et l'empêchait de voir la pluie fine ruisseler à l'extérieur, le professeur avait jeté un regard vers le lit à sa gauche, dont les draps avaient été changés par une aide-soignante la demi-heure précédente. D'ordinaire dans une chambre individuelle, Hassan partageait celle-ci avec une autre patiente depuis quelques jours, une situation temporaire à laquelle l'un et l'autres s'étaient faits sans broncher et qui leur avait donné l'occasion de discuter un peu pour rendre le temps moins long. D'un certain âge, la patiente en question ne manquait pas de conversation, et le brun savait s'en accommoder sans trop de mal maintenant qu'il parvenait à nouveau à suivre une conversation plus de dix minutes sans s’assoupir. Le regain – relatif – d'énergie venait après une période durant laquelle le médecin d'Hassan avait décidé de suspendre momentanément son protocole de chimiothérapie, préoccupé par la perte de poids et la faiblesse toutes deux excessives subies par le jeune homme en l'espace de quelques semaines. Il y avait une éternité que le brun ne s'était pas vu dans un miroir, il n'y en avait pas dans la salle de bain de la chambre, mais il n'avait jamais vraiment eu besoin de cela pour se faire une idée des dégâts : il avait du envoyer Qasim lui racheter des pantalons qui ne menacent pas de glisser jusqu'à ses chevilles au moindre pas – il avait perdu deux tailles – et passait ses journées à vérifier que son alliance était toujours à son doigt tant elle ne tenait plus autour. On lui avait plusieurs fois suggérer de la retirer pour ne pas risquer de la perdre, en vérité, mais Hassan refusait catégoriquement de s'en séparer et se contentait d'en vérifier machinalement la présence des centaines de fois par jour, pour se rassurer. Elle ne l'aurait même pas reconnu, si elle était passée par là, Joanne. Amaigri, la barbe et les cheveux perdus depuis longtemps, le teint cireux de celui qui n'avait pas pris le moindre rayon de soleil depuis des semaines … Il était loin, le bonhomme jamais malade et à la vitalité débordante. Considérant un moment le fauteuil à droite de son lit, Hassan se sentait aussi près de pouvoir l'atteindre que s'il y avait eu un précipice au milieu, le matelas presque aussi haut que l'Everest et ses articulations le suppliant de ne pas s'y risquer alors que les effets des antalgiques se dissipaient. L'idée c'était de mettre sa carcasse en dehors de son lit pour au moins une heure ou deux, en vérité, rien de bien sorcier, mais encore fallait-il pouvoir le faire, et la bataille entre son ego et le fait d'appeler une infirmière à l'aide était un dilemme quotidien. Ce n'était pas pour le peu de force qu'il pouvait tirer du demi-kiwi qu'il avait réussi à avaler le midi qu'il irait très loin, pourtant. Alors que son esprit tentait toujours de peser le pour et le contre, les coups frappés à la porte lui firent prendre conscience qu'il se perdait dans ses pensées depuis un moment, et le persuadèrent de lever les yeux vers la visiteuse. « Ariane. » L'ironie était qu'ils ne se connaissaient pas, et ne s'étaient même jamais rencontrés. Hassan savait que c'était elle, pourtant, et croisant le regard de la jeune rousse en découvrant le lit fait au carré et vide de toute occupante, il avait ajouté « Elle va bien. Elle est simplement descendue au scanner. » Le sourire se voulait discret mais rassurant, juste là pour effacer le vent de panique momentané qui semblait l'avoir traversée en additionnant maladroitement l'absence de l'être cher, et ce lit aussi propre et frais que si l'on n'y avait jamais dormi … ou n'y dormirai plus. Et si le brun se surprenait maintenant à étudier le visage de la jeune femme avec attention c'était parce qu'il était le chaînon manquant à toutes ces informations qu'il possédait déjà à son sujet, distillées avec enthousiasme par une grand-mère qui ne tarissait pas d'éloges à son sujet. Ariane était journaliste, Ariane était rousse, Ariane avait voyagé à travers toute l'Europe et les voyages formaient la jeunesse. Ariane fréquentait ce type qui travaillait à la morgue de l'hôpital, admettait-elle aussi avec un léger frisson, comme si elle y voyait un mauvais présage pour ses propres vieux os. Ariane avait une couleur et une pâtisserie préférées, et avec tous ces petits détails c'était presque comme si Hassan l'avait déjà rencontrée, tandis que désignant l'autre fauteuil – près du lit vide – du bout du menton il ajoutait enfin « Vous pouvez l'attendre ici, si vous voulez. » avec une bienveillance naturelle.
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| | | | (#)Mer 15 Nov 2017 - 7:34 | |
| ariane & hassan later on if it turns to chaosSee you there, don't know where you come from, unaware the stare from someone. Don't appear to care that I saw you, and I want you too. What's your name ? Because I have to know it, you let me in and begin to show it, we're terrified, because we're heading straight for it, might get it. ☆☆☆ MAI 2014 - La voix à l’autre bout du combiné est beaucoup trop distante à mon goût, mais je ne le laisse pas paraître. C’est bien plus facile d’être forte pour nous deux, c’est tellement mieux de jouer les piliers, les mentors, alors que je sens ma propre mère s’effacer à travers la situation, s’isoler et s’enliser, ne sachant pas de quoi demain sera fait. « Elle va bien, elle est stable. » que je la rassure, pour la 6e fois depuis que j’ai décroché la ligne. Lecture de son nouveau recueil organisée à Perth, et maman a dû s’absenter pour un week-end seulement. Dans les faits, ce n’était pas dramatique. Il y avait eu des moments plus difficiles, des instants où on ne savait pas trop si grand-maman allait survivre à la nuit, si elle allait pousser son dernier soupir une fois la tête posée sur l’oreiller. Et d’autres où elle était tellement vive, tellement active, où elle babillait et papotait, où elle charmait de son rire communicatif, de ses grands yeux bordés par sa sagesse. Elle m’avait tout appris et je l’aimerais d’un amour inconditionnel pour toujours - le duo des femmes de ma vie, les deux seules ayant eu les nerfs assez solides pour m’aimer de toutes leurs forces chaque jour que Dieu ait pu faire. Et la vieillesse, les années, commençait doucement à prendre nanny d’assaut. « S’il y a quoi que ce soit, si c’est trop dur, si tu as besoin, tu me dis et je prends le premier train pour Brisbane. » à peine 24 heures et déjà la panique faisait grincer la voix de ma mère. Notre noyau s’étiolait, et bientôt, il ne serait plus ce qu’il avait déjà été. Les dimanches matins au soleil à prendre le café à trois. Les virées de shopping en trio, les soirées à cuisiner les mêmes recettes encore et encore parce qu’on se complaisait dans la facilité, dans la tradition, dans notre quotidien. « T’inquiètes pas. Elle s’accroche, c’est une battante. » je sens mes doigts se resserrer un peu plus fort contre mon téléphone, ma mâchoire se contracter. Alzheimer, qu’ils avaient diagnostiqué. Pour le moment, ce n’était pas aussi problématique que cela pourrait l'être plus tard. Elle avait quelques pertes de consciences, des mots qui se mélangeaient, les idées qui s’embrouillaient. Grand-maman faisait exprès de répéter tout ce qu’elle savait, tout ce qu’on pouvait lui dire, tout ce qui lui passait par la tête. Elle rephrasait, elle enregistrait, elle articulait de façon à se souvenir de chaque détail, la crainte de perdre des images, des visages au fil du temps. C’était l’attente qui nous grugeait, la savoir dépérir sans pouvoir rien contrôler, rien connaître. Si son état était particulièrement encourageant, les médecins savaient apporter le fait que dans un an, dans six mois, le constat serait fort probablement différent. Elle m’avait appelé Clara, une fois. Le prénom de maman. Confondu Tad et Hugo, lorsque les deux garçons étaient venus la visiter avec moi. Parlé de papa, du géniteur dont on ne connaît pas l’existence autre que dans les récits de maman. Et à chaque nouvelle visite, il y avait toujours cette appréhension de la retrouver pire qu’elle était, ou mieux. J’ignorais ce qui me briserait le plus le coeur, entre voir ce qu’elle avait perdu, ou ce qu’elle risquait de perdre. « Où est-ce que... » je ne capte que quelques secondes plus tard que l’homme dans le lit voisin à celui de ma grand-mère connaît mon nom. J’en ai honnêtement rien à faire, après avoir sillonné les couloirs vers la chambre habituelle, pour être redirigée ici, et finir par tomber sur un lit vide. Par chance, j’ai laissé aller les larmes qui voulaient sortir dans ma voiture de longues minutes plus tôt. Par chance, tout le stress, toute la peine, toute la rage, le front appuyé sur le volant de la bagnole, sanglots entendus, désespérés presque, que je ne m’autorisais que lorsque je me savais seule, bien loin de maman, bien loin des regards. La vague d’inquiétude est apaisée par la voix douce du patient cloué à son propre matelas, et je laisse échapper un soupir entre le rire jaune et le soulagement. Bien fait, de ne pas avoir étiré le truc, d’avoir épargné mes pauvres nerfs qui n’en mènent pas large depuis trop longtemps pour que je puisse faire le compte. « Merci. » je passe une main distraite dans mes cheveux, me faisant l’impression de rejoindre mon corps, d’arriver finalement en un morceau dans ma tête maintenant que je connais la raison de ces draps trop propres, trop pliés, trop délaissés. « Quand ils m’ont dit qu’ils l’avaient changée de chambre, déjà, je... » il a le sourire bienveillant, il a le regard chaleureux. Il n’est pas ici pour une visite de routine, à en juger par son physique fatigué, ses traits tirés. Mais s’il trouve la force d’échanger quelques mots, s'il est le moindrement loquace et rassurant, ça me suffit amplement. « On panique au moindre détail ici, de toute façon. » j’hausse les épaules, me doutant qu’il sait exactement de quoi je parle. Les formulaires, les chuchotements, les machines, leur bip incessant. C’était pile obligé que peu importe la raison d’un passage à l'hôpital, on en finisse par avoir l’impression de soutenir des kilos sur ses épaules. Trop lourd, et pourtant, si léger. Un simple scanner Ariane. Elle reviendra d’ici quelques minutes. Tu peux respirer. « Pas de doute que vous déprimez tous dans cet endroit. Ils vous tirent les rideaux comme ça chaque jour ou? » c’est l’action qui entre en jeu, c’est l’incendie qui se déclare, la tornade. Je parcours à double pas la distance qui me sépare de la fenêtre avant de tirer doucement le tissu vers la droite, laissant entrer une légère fissure de lumière à même la chambre. Je doute que mon interlocuteur n’a pas envie d’être violemment ébloui par l’extérieur et je me contiens de ne pas tirer les volets entièrement et donner l’impression à cette chambre qu’on y vit et pas le contraire, assombri par un vieux néon faiblard et la pénombre qui borde le reste. « Je dis plus rien, pardon, reposez-vous. » je ne sais même pas son prénom, j’ignore pourquoi il connaît le mien. Je ne sais pas depuis quand il est le colocataire de ma grand-mère, ni pourquoi il se retrouve ici à son tour. Mais il est fatigué, ça se sent, ça se voit. « Un thé? » que je propose, le plateau de breuvages chauds déposé sur la table à l'entrée, avant de me mordre la lèvre pour avoir insisté. « Merde c’est vrai, pardon. Encore. J’me tais. » et comme conseillé plus tôt, je finis par me poser sur la chaise en coin, prévue pour les visiteurs. Qu’il soit en paix, la rouquine avait fini de baratiner son stress devant témoin.
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| | | | (#)Mar 28 Nov 2017 - 0:57 | |
| Il y avait dans le regard de la rouquine une certaine urgence lorsqu’elle avait posé les yeux sur le lit vide et tiré avec méthode par l’aide-soignante passée changer les draps à peine un quart d’heure plus tôt. Quand on était en visite dans un hôpital le moindre grain de sable devenait une montagne dont s’inquiéter était le premier réflexe, c’était ainsi, avec souvent le besoin inconscient de faire ou de servir à quelque chose, parce que la place de visiteur développait le sentiment d’impuissance face au patient pas beaucoup mieux loti. « Merci. » lui avait simplement murmuré la jeune femme à peine son questionnement solutionné par le brun. « Quand on m’a dit qu’ils l’avaient changée de chambre, déjà, je … » Il savait, oui, qu’elle s’épargne d’aller jusqu’au bout du raisonnement de son angoisse. « On panique au moindre détail ici, de toute façon. » Haussant vaguement les épaules, elle semblait vouloir faire état de sa contenance retrouvée et avait arraché à Hassan un sourire compatissant « On finit par gagner des points dans la compétence sang-froid, à force. » Ou bien on appelait simplement cela de la résignation ? Qasim le tuerait pour avoir ne serait-ce que pensé à ce mot, résignation, mais dieu merci en plus de ne pas être là pour l’instant son aîné n’avait pas encore gagné de points dans la compétence « lire dans les pensées » lui. Observant la jeune femme tandis qu’elle traversait la pièce, avec cet air de la personne qui ne savait pas trop quoi faire d’elle-même, il l’avait lentement suivie des yeux lorsqu’elle était allée tirer un peu le rideau pour faire rentrer un rayon de lumière dans la chambre alors plongée dans une semi-pénombre « Pas de doute que vous déprimez tous dans cet endroit. Ils vous tirent les rideaux comme ça chaque jour ou ? » Plissant un court instant les yeux quand la lumière du jour était venue les chatouiller, le brun avait étiré un peu son cou pour tenter d’apercevoir l’extérieur, et voir un peu plus loin que la ligne d’horizon factice que lui créait la fenêtre et l’empêchait généralement d’observer autre chose que le ciel et les nuages qui se courraient après. Au début cela lui avait rappelé le jeu auquel il jouait souvent avec Yasmine lorsqu’elle était toute petite, et qui consistait à trouver un nuage ayant la forme d’autre chose – un objet, un visage, dieu sait quoi – et de tenter de le faire deviner à l’autre ; Les premiers jours il avait répété l’opération ici, pour passer le temps. Et puis il s’était lassé, de cette activité là comme des autres, et avec la fatigue aidant à le rendre moins tolérant, moins patience. Prenant d’elle-même conscience de la tornade qu’elle représentait dans cette chambre où l’on se contentait de vivoter plutôt que de véritablement vivre, la dénommée Ariane s’était finalement excusée, comme entrainée contre sa volonté dans un flot d’énergie qu’elle ne parvenait pas à canaliser. « Je dis plus rien, pardon, reposez-vous. » La seconde suivante pourtant, et avant qu’Hassan n’ait eu le temps de trouver en lui de quoi formuler une réponse, l’œil de la jeune femme avait été attiré par le plateau de boisson chaudes du couloir « Un thé ? » Surprise par sa propre capacité à faire une entorse aussi rapide à ses résolutions, la voilà maintenant qui s’asseyait en promettant d’un ton confus « Merde c’est vrai, pardon. Encore. J’me tais. » et arrachait contre toute attente un rire timide au patient. Et dieu sait qu’elles n’étaient pas nombreuses dans les environs, les occasions de rire un peu, même quelques secondes. « Non, ne vous excusez pas. » lui avait-il finalement assuré d’un ton doux, et le regard la détaillant un peu mieux à la lumière désormais plus naturelle. « J’ai rien croisé d’autre que des blouses blanches aujourd’hui, vous me faites une fleur en trainant dans les parages. » Il ne manquait pas de reconnaissance, le souci n’était pas là, mais Hassan en avait malgré tout par-dessus la tête, des blouses blanches ; Elles ne faisaient que rappeler inlassablement où il était et pourquoi il y était. « Et je ne dis pas non à un thé … » Le ton trahissait malgré tout une pointe d’hésitation, ce n’était pas parce que ses papilles rêvaient d’un thé que son estomac l’accepterait sans broncher, mais la moitié de kiwi mangée à midi ne l’avait pas rendu malade et il avait l’espoir d’être dans un bon jour. S’exécutant de bonne grâce, le rousse était allé lui chercher un gobelet et en avait pris un pour elle également, Hassan lui faisant signe de le poser sur la table de chevet à côté de son lit le temps qu’il refroidisse en murmurant un « Merci. » accompagné d’un sourire fin. S’appuyant contre son matelas pour tenter de se redresser un peu, il avait fermé les yeux quelques secondes pour vaincre l’étourdissement qui avait suivi, et s’était à nouveau calé contre l’oreiller derrière son dos. « Votre grand-mère parle beaucoup de vous, vous savez. » avait-il finalement repris, lorsque son regard s’était à nouveau posé sur la visiteuse. « Elle ne tarit pas d’éloges à votre sujet. » Et ce même lorsqu’elle semblait parfois perdre le fil de sa propre conversation, Hassan faisant mine de ne pas le remarquer pour ne pas créer de malaise, au même titre que la vieille femme faisait la sourde oreille lorsque, parfois, Hassan parlait dans son sommeil.
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| | | | (#)Dim 31 Déc 2017 - 1:04 | |
| ariane & hassan later on if it turns to chaosSee you there, don't know where you come from, unaware the stare from someone. Don't appear to care that I saw you, and I want you too. What's your name ? Because I have to know it, you let me in and begin to show it, we're terrified, because we're heading straight for it, might get it. ☆☆☆ MAI 2014 - Où est-elle, l’Ariane incandescente? La bombe à retardement, la rousse au caractère de feu, les paroles acerbes, le ton qui claque? Elle est bien loin, planquée sous ses doutes et sous son coeur qui tente de rester fort, mais qui l’est un peu moins maintenant que les jours passent, que grand-maman lutte la tête haute, les sens qui chambranlent. Je fais de mon mieux parce que ma mère n'a pas d’autres repères que ma carrure pas particulièrement forte, mais officieusement prête, mes bras toujours là, toujours ouverts, toujours stoïques. Un inconnu a plus de chance de voir ce qui se cache vraiment derrière le masque, une fois que toute la populace est rassurée, alors que je déboule dans une chambre vide ou presque, devant un lit froid et trop bien repassé pour annoncer un bon présage à prime abord. « Si au moins les rumeurs étaient vraies, et qu’ils alternaient vraiment les pompiers et les clowns dans les parages… mais non, juste pour les tabloïds. » un fin sourire se dessine sur mes lèvres, l’humour toujours, tentant de chasser ce voile noir qui passe sur ses rétines, qui me confirme qu’il n’a pas eu de visite depuis un moment, ou du moins qu’il a battu son propre record de solitude dans la journée. Les mains qui s’occupent, je finis par reprendre un semblant de contenance en m’affairant à lui faire un thé. C’est fou comme le silence est mon meilleur pote lorsque ça m’arrange - mais quand il s’agit d’une crise ou d’une autre situation délicate, ce sont les poings, les gestes, les pas qui se multiplient et les mots qui se bousculent pour suffire à me transmettre un semblant de zen. Le plateau se dresse devant moi et j’improvise, deux thés noirs disposés dans deux verres de carton, un peu d’eau chaude, une serviette pour sauver des brûlures inutiles. « Sucre, lait? » ma tête passe dans l’embrasure de la porte alors que je finalise sa commande, et que le gobelet finit immanquablement sous ses yeux, débordant de bonne volonté. Ma place retrouvée dans le canapé en coin, c’est un souffle un peu plus stable qui accompagne ma posture, et le silence se dresse le plus naturellement du monde dans la chambre. Mes pupilles ont fini par s’habituer à la lumière un peu moins agressive, au fil des minutes, qui englobe la chambre ; et quelque chose me dit que le brun est aussi le moindrement satisfait de ne plus être plongé dans une ombre lassante comme précédemment. Ses mots, sa voix enrouée, une mention de grand-maman et ma tête se lève dans sa direction. J’aurais bel et bien pu le laisser tranquille, lui faire ce cadeau de paix paisible, boire un thé, muette, sage, patiente. Parfois la compagnie fait plus de bien lorsqu’elle sait prendre la place qui lui appartient. Mais il tend à être sociable, et ce n’est pas sans me déplaire. « Connaissant son amour pour toutes mes anecdotes les moins glorieuses, je ne sais pas si je vais rester finalement. » la pointe d’ironie rebondit sur une rire que je lui partage, de bon coeur. Ce n’était pas dit qu’elle avait su faire le filtre entre les histoires mignonnes sur mes premiers pas dans le jardin en fleurs en France, et les horribles récits de mes besoins faits en pleine salle à manger devant les voisins alors que je découvrais la sensation libératrice de courir dans les couloirs sans couche. « Je pense que pour casser un peu l’injustice, ce serait bien si vous me disiez au moins un truc gênant vous concernant. » un air malin s’esquisse sur mon visage, alors que j’attrape son regard du mien, un peu plus amusée, un peu plus allumée. Qu’il ne prenne pas peur que j’aie raconter le tout à qui que ce soit, qu’il ne s’imagine pas que j’ai été envoyée ici en mission dévoilement, question de le ridiculiser à mon tour. Juste, l’idée m’intrigue maintenant, de lui imaginer une vie, un quotidien, un avant, surtout. Lourde épée de Damocles qui s’agite au-dessus de sa tête comme de la mienne, et parfois, comme tout le monde, on ne rêve que de simplement se replonger là où l’innocence était la clé, là où rien ni personne n’arrivait à bousiller cette candeur qui nous allumait. « Parce que je suis persuadée qu’elle a bavassé sur ma phobie hystérique des lapins, ou sur ma façon si adorable de parler - comprendre zozoter lourdement, quand j’étais gamine. » l’énumération est toute naturelle pour moi, alors que j’imagine facilement ma grand-mère et son envolée lyrique prête à dévoiler mes plus noirs secrets - toutefois, c’est devant son air ahuri que je réalise qu’il ne sait probablement rien de tout ça, et que ce sont mes prouesses de globe-trotter et mon boulot hors de l’ordinaire qui ont dû volé du temps d’antenne dans leurs conversations - et rien de plus. Arrêt sur image, la bouche qui s’ouvre lentement, dépitée. « Oh. Vous ne saviez rien de tout ça, n’est-ce pas? » j’aurais pu rougir, j’aurais pu chercher la première issue possible pour me barrer et le laisser avec les restes de mes déboires, mais voilà qu’à la place j’éclate de rire devant ma connerie, devant les secrets qui nous unissent maintenant. C’est pas rien, j’ai tué pour des confidences beaucoup moins graves que celles-là.
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| | | | (#)Lun 29 Jan 2018 - 3:31 | |
| Y’avait chez elle ce même regard que chez Yasmine lorsqu’elle passait la porte, ici. Cette même impression d’un caractère volatile, impétueux, que l’hôpital et ses couloirs qui semblaient rétrécir à mesure que l’on approchait de la chambre où se trouvait le visage connu suffisaient à brimer, comme si l'air vicié de ces allées aseptisées contaminait d’angoisse ceux qui pourtant n’étaient pas les malades. Hassan en était persuadé, lui, que l’hôpital et son climat stérile précipitaient le mauvais, et laissaient à la mort une allée royale ; On vous soignait tant bien que mal mais l’endroit vous faisait mourir lentement, lui. « Si au moins les rumeurs étaient vraies, et qu’ils alternaient vraiment les pompiers et les clowns dans les parages … mais non, juste pour les tabloïds. » Le sourire s’étirant en coin elle tentait malgré tout d’alléger la situation, et leur discussion, proposant à Hassan un thé qu’il ne s’était pas senti le cœur à refuser parce que ce serait sans doute là son seul petit plaisir de la journée. Si son estomac le lui permettait. Et histoire de ne pas tenter le diable il avait secoué négativement la tête lorsqu’elle avait proposé « Sucre, lait ? » et s’en était tenu au thé dans son état le plus simple, l’observant du coin de l’œil tandis qu’elle faisait le service avec application, les gobelets en carton ayant soudainement l’air presque aussi précieux que la porcelaine d’un salon de thé de Spring Hill. Laissant le sien refroidir sur un coin de la table de chevet après avoir remercié la jeune femme, Hassan s’était octroyé les quelques secondes nécessaires au fait de se redresser et de vaincre l’étourdissement qui s’en était suivi, la présence de la rouquine comme une aubaine face à une solitude qu’il ne gérait pas aussi bien qu’il tentait de le faire croire à ceux qui se relayaient en temps normal pour lui tenir compagnie. L’existence d’Ariane n’était à ses yeux plus un secret depuis longtemps, tant la grand-mère qui partageait sa chambre depuis peu et pour quelques temps ne tarissait pas d’éloges à son sujet ; Et ce n’était pas pour lui déplaire à Hassan, d’avoir quelque chose auquel songer, de faire fonctionner ses neurones anesthésiés pour jouer à s’imaginer à quoi ressemblait Ariane, le visage qui allait avec cette chevelure que la matriarche décrivait comme flamboyante, la voix qui s’y associait et les petits détails pour finir de parfaire le portrait. Cela rendait cette rencontre intéressante, au moins à ses yeux, parce qu’à son imagination se télescopait la réalité et que son brin de curiosité avait envie de savoir plus, de comparer, de voir ce qu’il avait deviné et ce sur quoi il avait fait fausse route en imaginant seulement. « Connaissant son amour pour toutes mes anecdotes les moins glorieuses, je ne sais pas si je vais rester finalement. » La mine boudeuse, mais le rire jamais très loin, elle menaçait la fuite tout en s’enfonçant un peu mieux dans son fauteuil pour faire jouer la contradiction « Vous oseriez m’abandonner à mon triste sort ? Les choses avaient si bien commencé entre nous. » s’était-il entendu ironiser de son côté, le ton équivalent au sien, la tête penchant sur le côté et retournant se poser sur un bout d’oreiller avec un brin de lourdeur. Songeuse, voilà que la jeune femme trouvait déjà commencer se tirer de cette injustice qu’elle échafaudait dans un coin de sa tête « Je pense que pour casser un peu l’injustice, ce serait bien si vous me disiez au moins un truc gênant vous concernant. » Tiens donc, c’était à peu près ce par quoi se traduisait le haussement de sourcils dont il l’avait gratifiée avant qu’elle ne rajoute, comme pour donner du grain à moudre à son idée « Parce que je suis persuadée qu’elle a bavassé sur ma phobie hystérique des lapins, ou sur ma façon si adorable de parler - comprendre zozoter lourdement, quand j’étais gamine. » A ces confidences faites la langue déliée s’étaient succédées plusieurs longues secondes d’un silence durant lequel l’un et l’autre s’étaient scrutés yeux dans les yeux, avant qu’Ariane enfin ne conclut entre résignation et dépit « Oh. Vous ne saviez rien de tout ça, n’est-ce pas? » et n’arrache à Hassan un bref éclat de rire salvateur autant que déroutant pour lui, tant on peinait désormais à les lui provoquer. « Rien du tout, mais promis, je serai une tombe. » Ou bien il l’emporterait dans la sienne, son secret, et plus tôt qu’on n’aurait tendance à le croire, aux dernières nouvelles. Une seconde passant, puis deux, le silence s’était installé juste assez longtemps pour qu’Hassan ne le brise à nouveau en demandant d’une petite voix « Les lapins, vraiment ? » comme si la chose lui semblait tellement incongrue qu’elle nécessitait une seconde confirmation. Et ce n’était pourtant pas lui du tout, de se moquer de la peur d’autrui, mais c’était peu commun, et comme pour s’en dédouaner il avait consenti à lever le voile sur ce qui chez lui glaçait indubitablement le sang « Je ne juge pas. J’ai peur de l’eau, ce serait mal venu. » Et dans l’immédiat c’était la facilité avec laquelle il venait de faire cet aveu à une parfaite inconnue, lui qui d’ordinaire faisait en sorte de garder ce secret secret. Les choses que la situation pouvait lui faire dire, à l’évidence. « Non, pour être parfaitement honnête avec vous votre grand-mère me parle surtout de la multitude de voyages que vous avez à votre actif, si on en croit ses dires … Je suppose qu’en parler lui donne l’impression de voyager un petit peu, elle aussi. Et moi, par la même occasion … C’est qu’on a vite fait le tour de ce qu’il y avait à voir, ici. » Toute excuse pour songer à d’autres lieux que cette chambre terne et maussade était bonne à prendre, au fond. Marquant une pause, Hassan avait malgré tout laissé un léger sourire se dessiner à nouveau sur ses lèvres au moment de rajouter du bout des lèvres « Mais maintenant que j’y repense … je crois bien l’avoir aussi entendue me parler de vos exploits à une certaine communion, où vous auriez fini les fonds de verres de vin des invités qui avaient le dos tourné, si vous voulez rester dans les secrets un peu honteux. » Cela aurait été du vin de messe que cela n’aurait pas été une excuse non plus, mais enfin. « Voilà comment on se retrouve rond comme une queue de pelle, avant même l'âge de raison. C’est l’expression qu’elle a utilisé. » et un nouveau rire léger de lui échapper, tandis que son imagination prenait la rouquine et la rajeunissait pour l’imaginer ricanant assise sous une table, un verre vide près d’elle et une tâche de vin sur sa jolie robe du dimanche. La main un brin tremblante, ceci étant dit, s’était tendue vers la table de chevet avec effort pour attraper le gobelet qu’il espérait avoir refroidi un peu, tandis que son regard fatigué – mais intéressé – se posait à nouveau sur la visiteuse. On le voyait bien parfois, que la grand-mère perdait le fil de ses propres pensées, que la logique et la précision n’y étaient plus, mais cela restait fascinant de voir comment certains souvenirs, eux, s’accrochaient avec vigueur à la mémoire.
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| | | | (#)Jeu 1 Fév 2018 - 4:30 | |
| ariane & hassan later on if it turns to chaosSee you there, don't know where you come from, unaware the stare from someone. Don't appear to care that I saw you, and I want you too. What's your name ? Because I have to know it, you let me in and begin to show it, we're terrified, because we're heading straight for it, might get it. ☆☆☆ MAI 2014 - Le ton est doux dans la chambre, feutré. C’est bien sûr parce que son état ne semble pas des plus solides que je m’adapte, que j’y vais à tâtons, que je lui laisse toute la latitude de m'annoncer si je l’étourdis, si je dérange, si je dois revenir plus tard, ou jamais, le laisser en paix. Mais il ne dit mot, et au contraire, il laisse aller une blague et une autre, m’arrachant parfois un rire, parfois un sourire. « J’imagine que je peux vous laisser une dernière chance - mais après ça, pas de cadeau. » et je plisse faussement les sourcils, laissant le verre de carton rouler entre mes doigts, m’installant un peu plus confortablement dans mon siège. Ce n’était pas comme si je n’étais pas habituée d’entendre grand-maman relater la moindre de mes histoires à quiconque démontrait de l’intérêt, mais comme il semble se prêter au jeu de la confidence honteuse, et prendre le tout beaucoup plus au sérieux pour que ce le soit, je joue à la farouche, à celle qui s’insurge. Il dénotera tout de même à mon sourire en coin qu’il n’en est rien. « Si j’entends que ça s’est propagé entre les infirmières de l’étage, je saurai sur qui remettre la faute... » et une menace, et un murmure plus tard, je l’ai à l’oeil. Au passage, l’humour adoucit les commentaires à double sens qu’il aurait pu avancer, remarques que j’aie un peu trop décelées dans ses mots. La situation étrange, le contexte qui casse, et si être le moindrement maligne dans cette chambre me semble être la meilleure façon de lui remonter le moral face à ses propres malheurs et d'en faire de même pour les miens, c’est tout de même avec réserve que je ne m’éternise pas sur ce qui pourrait être le moindrement douloureux pour lui, lui rappeler que demain sera peut-être son dernier jour, ou celui de mon aïeule. « Faites pas genre qu’ils ne sont pas effrayants, avec leurs yeux rouges, et leurs dents acérées. Brrrr. » le simple fait qu’il remette les lapins sur le sujet me provoque un soupir de dégoût, additionné d'un frisson de stress. Ce n’est que lorsqu’il renchérit avec sa propre peur - pas du tout futile à mes yeux, si j’en ignore la provenance - que je sens mes doigts se relâcher, ma mâchoire se détendre. Et un regard en coin, intrigué est de rigueur. « L’eau, l’eau - ou la mer, l’océan? » je lui laisse le temps de répondre, d’accuser le verdict, avant d’en ajouter une couche supplémentaire, l’amusement qui se fait une place dans mon discours. « Parce que sachant que votre corps en est composé de 85%, c’est galère. » dans l’espoir de lui arracher un rire, ou au moins un sourire si l’effort en est trop difficile. Bonne vieille tactique d’humour, qui va à égalité avec celle de s’évader, de se changer les idées à vivre ses rêves de biais à ceux des autres. Il parle de mes voyages et de ce que granny lui en a relaté, il parle de destinations visitées et si c’est encore possible, je vois passer un voile brillant d’intérêt sur ses prunelles. « Et vous avez préféré lequel? L’Italie, la France, l’Angleterre, la Thaïlande? » j’énumère, m’assurant d’avoir dans mon registre quelques histoires supplémentaires à lui raconter, complément de ce qu’il sait déjà. Ce qu’il sait déjà, et les secrets de famille qui remontent eux aussi, comme si mes aventures autour du globe avaient été le seul contenu des conversations qui devaient aider les journées à paraître moins longues, moins lourdes. « Ça, c’est son classique. Je ne peux même pas me rappeler du dernier Noël où elle ne l’a pas mentionné à table. Sur le coup, elle a empilé les prières, mais après je suis certaine qu’elle en a rigolé en salle de confession. » le fameux vin de messe, mes gencives bien rouges, le hoquet qui avait suivi. Sweet good old days, alcoolique avant la perte de ma dernière dent d'enfant. « Encore heureux qu’elle ne vous ai pas baratiné avec la vente de cookies à l’école, où je m’étais retrouvée à piquer ceux de ma voisine de table parce que j’avais mangé tous les miens. » je profite d’un moment de silence pour me rappeler l’anecdote - et le mal de ventre immonde qui avait fait office de dommage collatéral, l’abus de sucre ayant eu raison de mon pauvre estomac de gamine. « Vile tentatrice, elle savait que citron pavot c’était ma cocaïne, à 7 ans. » le simple goût avait fini par me lever le coeur direct, pour en avoir tellement abusé. Ma première vraie peine d’amour que celle de ne plus pouvoir apprécier ses biscuits à leur juste valeur. Un ange passe, un autre. Mon regard s’accroche au sien, mon sourire fait le reste. « Savoir qu’elle vous partage tout ça, ça aide. » à mon mal-être, à mon deuil à venir, aussi égoïste soit-il. Je sais bien que c’est déplacé de parler ainsi à une personne probablement toute aussi malade que ma grand-mère, peut-être même plus, néanmoins je sens qu’il comprendra probablement mieux que n’importe qui d’autre. « C’est con, mais je me dis que pour chaque anecdote, c’est un peu de sa mémoire qui reste. » et j’hausse de l’épaule, n’importe quoi pour ravaler la petite larme, là, qui fait son chemin, qui reste bien stoïque dans un énième effort de ne pas craquer, surtout pas devant lui. « Elles sont jolies, celles-là. » bien vite distraite, je laisse le gobelet derrière pour me lever, pour divaguer vers le vase à son chevet, et le bouquet luxuriant qui embaume la pièce, que je remarque à peine. « Et voilà que moi, je ne vous offre que du thé. La prochaine fois, ce sera douzaine de jonquilles, tiens. » un futur rendez-vous peut-être, et je réalise par la bande que je ne connais même pas son prénom.
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| | | | (#)Mar 20 Fév 2018 - 21:48 | |
| N’ignorant sans surprise rien de la tendance de son aïeule à se répandre en souvenirs et en anecdotes, Ariane avait elle-même dressé un état des lieux des petits secrets un poil honteux que sa grand-mère aurait pu vendre au brun pour le prix d’une simple oreille attentive, réalisant – bien qu’un peu tard – qu’elle n'avait besoin de personne pour dilapider ses petits secrets et s’en sortait merveilleusement bien toute seule. Et s’il n’avait pas résisté à l’envie de verser juste quelques grains de sel sur les plaies de son orgueil en pointant du doigt la phobie qui était la sienne, obtenant un « Si j’entends que ça s’est propagé entre les infirmières de l’étage, je saurai sur qui remettre la faute ... » faussement menaçant, auquel s’était rajouté en maugréant « Faites pas genre qu’ils ne sont pas effrayants, avec leurs yeux rouges, et leurs dents acérées. Brrrr. » une pointe de dégoût perceptible au fond de la voix, il avait consenti bon gré mal gré à faire part de sa propre phobie, comme une tentative honnête de remettre les compteurs à zéro pour les amener à nouveau tous les deux au même niveau. Et les questions bientôt avaient été tournées vers lui des questions déjà entendues mais auxquelles le brun répondait ce jour-là avec le calme et le détachement qui l’habitaient depuis des jours. « L’eau, l’eau - ou la mer, l’océan ? Parce que sachant que votre corps en est composé de 85%, c’est galère. » Et si sa capacité à rire était partie bien trop loin, la réflexion lui avait au moins arraché un sourire léger, mais non moins sincère. « Disons que tant qu’elle n'est pas en quantité suffisante pour pouvoir s’y noyer, je gère. » Et cela résumait assez bien la chose, le fait que ce ne soit pas tant l’eau que cette sensation d'immersion qui le prenait en tenaille et lui ôtait toute capacité à raisonner correctement, qui le tétanisait et lui faisait perdre tout bon sens, toute demi-mesure. Placide, Hassan s'en était finalement remis aux véritables révélations de la grand-mère et à ce qu’elle avait eu à lui raconter concernant les pérégrinations d’Ariane aux quatre coins du monde, assurait-elle. « Et vous avez préféré lequel ? L’Italie, la France, l’Angleterre, la Thaïlande ? » Faisant mine d’y réfléchir, mais une seule seconde à peine, le brun avait dodeliné sa tête retombée ensuite sur le moelleux de son oreiller « J’avoue avoir ressenti une pointe de jalousie, quant à ce grand détour par l’Asie. » Jalousie de n’avoir jamais pu rien en visiter, lui, Joanne pas vraiment disposée à se laisser embarquer çà et là, et le temps qui avait filé sans que d’autres occasions ne se présentent à lui avant cet instant fatidique – celui-là, qui s’étirait bien trop longuement à son goût dans ce lit d’hôpital – où tout était devenu trop tard. Et il faisait toujours tellement mal, ce trop tard, laissant dans la bouche une amertume qui ne s'estompait plus. La pointe de tristesse qui perlait à nouveau, au coin de l’œil et dans un coin de la tête, Hassan avait chassé le mauvais en revenant au léger, partageant cette histoire qu’avait eu la vieille femme à lui conter, et qui rentrait bien mieux dans le cahier des charges de ce que s’était imaginée la rousse au premier abord. « Ça, c’est son classique. Je ne peux même pas me rappeler du dernier Noël où elle ne l’a pas mentionné à table. Sur le coup, elle a empilé les prières, mais après je suis certaine qu’elle en a rigolé en salle de confession. » Elle en avait ri en tout cas, de presque bon cœur, au moment de narrer l'aventure à son voisin de chambre à l'oreille si docile. « Encore heureux qu’elle ne vous ai pas baratiné avec la vente de cookies à l’école, où je m’étais retrouvée à piquer ceux de ma voisine de table parce que j’avais mangé tous les miens. Vile tentatrice, elle savait que citron pavot c’était ma cocaïne, à 7 ans. » Elle savait y faire, Ariane, pour aller chercher les derniers bouts de sourire qu’on croyait disparus à jamais de la carcasse d’Hassan, et pour lui arracher ce ton taquin avec lequel il avait répondu « Et ce jour-là c'est vous qu’elle a traîné à la confession, c’est ça ? » Pour expier, du haut de son âge de raison à peine entamé, son péché de gourmandise. Le silence la laissant divaguer à ses souvenirs, le laissant boire enfin le thé jusque-là trop chaud pour ses doigts engourdis par la chimio, la gravité de la situation pourtant s’était frayée un nouveau chemin jusqu’à la chambre et leur discussion, quand le regard un brin humide Ariane avait finalement repris « Savoir qu’elle vous partage tout ça, ça aide. C’est con, mais je me dis que pour chaque anecdote, c’est un peu de sa mémoire qui reste. » Le sourire était devenu pudique, bien que compatissant, lorsqu’Hassan avait laissé échapper un soupir d’effort après les quelques gorgées avalées et la tête restée toutes ces secondes loin de l’oreiller qui la soutenait. « Non, c’est légitime. Et c’est de la chance pour elle aussi, que vous soyez là, de vous avoir. » Dieu sait que les patients âgés n’en disaient pas tous autant, et que le cœur du brun s’était déjà serré à quelques reprises de voir dans les parages des patients au crépuscule de leur vie et pourtant trop seuls. « Est-ce que … ça fait longtemps ? Que sa mémoire lui joue des tours. » Il savait la question indiscrète, au fond, et tentait de la formuler de la manière la plus pudique qui soit. Cherchant un ailleurs où s’accrocher, le regard d’Ariane s’était attaché un temps au bouquet d’œillets jaunes et violets joliment posé sur la table de chevet, consciencieusement arrangé par Fatima dont il tenait aussi le vase en porcelaine dans lequel il était disposé. « Elles sont jolies, celles-là. Et voilà que moi, je ne vous offre que du thé. La prochaine fois, ce sera douzaine de jonquilles, tiens. » Et elles sentaient bon aussi, parait-il, bien que l’air sec de l’hôpital lui ait peu à peu donné l’impression de ne plus rien sentir. « Instaurer la concurrence, créer la jalousie, c’est malin. Vous n’oublierez pas le billet doux savamment abandonné entre deux pétales, d’accord ? » qu’il faisait mine de conspirer, bien qu’au fond de lui persuadé qu’à la vue d’autres fleurs que les siennes Fatima chercherait tout de suite un coupable, la curiosité en bandoulière et l’espoir muet, sans doute, qu’Hassan ait flanché et appelé à son chevet celle par qui l’anneau qui glissait à son annuaire trop maigre le liait encore à sens unique. « Vous m’ouvririez le rideau jusqu’en haut ? J’aimerais bien voir le soleil se coucher, tout à l’heure. » Cela lui avait semblé tellement cliché, au premier abord. Il s’était soudainement pris de passion pour la vision de l’astre qui prenait congé jusqu’au lendemain, pour ça ou pour le fait de voir la cime des arbres qui entouraient l’hôpital se balancer au rythme du vent qui lui filait entre les branches. Il se sentait cliché et il se sentait bête, surtout, parce qu’il repensait à ces dernières fois où le vent avait glissé sur sa peau et où le soleil était venu réchauffer sa joue et qu’il s’en voulait de ne pas en avoir mieux profité, de ne pas avoir songé au fait que ce serait peut-être la dernière fois et qu’il aurait dû la savourer.
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| | | | (#)Jeu 1 Mar 2018 - 11:34 | |
| ariane & hassan later on if it turns to chaosSee you there, don't know where you come from, unaware the stare from someone. Don't appear to care that I saw you, and I want you too. What's your name ? Because I have to know it, you let me in and begin to show it, we're terrified, because we're heading straight for it, might get it. ☆☆☆ MAI 2014 - Alors grand-maman lui a parlé des voyages. Fallait dire que la commotion avait été familiale lorsque j’avais décidé de partir. Lorsque j’avais fait un pied de nez à mon admission au collège, et qu’un billet d’avion acheté à la va vite avec des potes de théâtre m’avait catapultée directement en Europe la veille de mes 18 ans. C’était irréaliste pour elle, pour nanny, que je sois aussi tête en l’air, et pourtant, mes gestes n’étaient pas trop loin de ceux de maman. Elle aurait facilement pu prévoir que les tendances d'hippie assumée de Clara serviraient à motiver sa fille de suivre son instinct un peu, de voir du monde, de se dégourdir les jambes. Si à prime abord j’avais senti une pointe de déception, les différents récits, les souvenirs racontés au téléphone, les cartes postales envoyées des quatre coins où j’avais posé le pied, tout ça, ça avait servi à alimenter le lien, à faire du beau, à lui offrir une place à mes côtés sur un plateau. C’était sûrement ce qu’elle voulait au final, ne pas être oubliée - ironique, surtout. Ne pas perdre sa petite-fille si étroitement liée pour une poignée d’années, sombrer dans le trou noir que ma vie à Brisbane était devenue le jour où je m’en étais allée. Mais jamais je ne lui avais fait cette joie, de la laisser tranquille de moi, de mes plans de fou, de mes idées arrêtées. Et il parle de l’Asie. Il parle des arrêts qu’on y a faits pour 5 représentations, pour 3 semaines de folie, pour un autre univers complètement qui me laissait encore bien pantoise. « Les rues sentent mauvais, les gens n’ont jamais vu de gens roux de leur vie. Mais les couchers de soleil sont magnifiques, et si on ne tient pas rigueur aux trucs louches qu’ils glissent parfois dans les assiettes, on y mange hyper bien. » et j’énumère, avant de compléter d’une gorgée de thé plus si bouillant que ça. En tentant d'isoler tout ce qu’il y a à savoir, c’est une bribe de voyage en accéléré que je lui offre là, mon propre Yelp personnel pour âmes rêveuses. Il sourit, il rappelle mes souvenirs auxquels il a pris part lui-même, et j’éclate de rire bien sûr. Parce que l’anecdote est véridique, parce que grand-maman en parle encore, et parce que mine de rien, ce sont ces petites perles de mémoire qui la rendent encore bien présente parmi nous. Autant le souligner d’un soupir bienveillant. « Pile dessus. Jeune Ariane bornée rencontre vieux prêtre usé. C’étaient les prémices de mon premier combat de boxe. » pauvre homme de foi qui avait eu à entendre les âneries que j’avais à déblatérer quand la jeunesse n’avait jamais été un argument de poids pour calmer mes piques et autres vannes acides. D’un souvenir plus agressif, je passe à celui des cookies, thérapie par la sucre et par le dessert, qui me donne envie là de suite. Ce que je donnerais pour avoir cette même conversation, installée sur le canapé à fleurs de mamie, le thé servi dans sa porcelaine d’occasion et des biscuits que je partagerais - presque - avec mon interlocuteur. Je suis sûre qu’ils les adorerait. « Plus ou moins deux ans. Ça a commencé avec des détails, comme ça commence toujours en fait. » retour à la réalité, retour au masque que je tente de porter le plus solidement possible, ne pas ajouter mes propres problèmes aux siens, encore inconnus. C’est étrange de parler de maladie tout court, tabou, difficile, risqué. Encore plus lorsque la personne de l’autre côté s’avère ne pas être épargnée non plus. Mais s’il s’ouvre, c’est peut-être parce qu’il a besoin d’extérioriser? De se vider la tête, le coeur? Les éléments s’emboîtent, les serrures mal verrouillées, les pas qui prennent la mauvaise direction, le cruchon de jus qu’on retrouve dans les placards, les assiettes qui s’égarent à travers la maison. « C’est quand elle a oublié une casserole sur le feu à plein régime qu’on a pensé qu’il fallait peut-être consulter. » on l'appelait entre nous la journée du chocolat chaud meurtrier, question de faire passer la pilule, d’en rire, de se dire que si personne n’était passé dire bonjour en fin de journée, on n’en serait pas là, ou alors, on en serait pire. C’est douloureux de faire l’historique, mais nécessaire pour comprendre la suite, pour la savoir dans son état actuel, pour accepter que la dégradation est lente, mais bien présente. L’humour fait son temps, les remarques désabusées aussi, on pallie pour qu’elle ne réalise pas la peine et les cassures qui viennent avec, et c’est chaque jour un peu plus difficile de l’accepter, tout autant qu’on le cherche, qu’on l’espère. Qu’au final, elle se souvienne de nous avant de partir, autant qu’on se souviendra d’elle. Et je me lève, et je me change les idées, et je plonge mon nez dans le bouquet là, le coloré, qui siège près de lui sur sa table de nuit. L’ego qui l’emporte presque, et je lui suggère un petit jeu bien innocent, dont il sera l’humble vainqueur. « Avec un peu de chance, si je laisse une carte avec des mots doux vous arriverez peut-être à conclure avec Yasmine en plus. » mes yeux se perdent sur les noms signés, celui d’une mystérieuse jeune femme me donnant envie de lui inventer un visage, une vie, une histoire, probablement étroitement liée avec l’inconnu, qui sait. S’il relance et qu’il rit, c’est vers la fenêtre que son attention se porte une poignée de minutes plus tard, et sans plus attendre, je me presse vers les rideaux pour doucement obéir à la demande. « Bien sûr. » que je souffle, ayant déjà mentionné à voix haute autant à lui qu’aux infirmiers que ce genre de noirceur n’était pas ce qui me semblait être le mieux pour le moral des troupes. Néanmoins, le mince filet de lumière qui passait au préalable passe à quelques rayons supplémentaires, certains s’allongeant même jusqu’à ses pieds, bordant les couvertures bleutées de la chambre toute en teintes saturées. Il parle de couchers de soleil, et je réitère, dans la confidence. « Vous savez, même si ceux de Bali sont à couper le souffle... » un clin d’oeil plus tard, et je sais qu’Hugo ragerait de m’entendre dire ça. « On a les meilleurs ici. » Ce n’est que lorsque j’en ai fini avec un intérêt nouvellement découvert de border la cours intérieure de mon regard distrait que je retourne m’installer dans mon siège. Lui laissant un peu de silence, de calme, c’est mon gobelet qui tourne entre mes doigts, et la façon de lui poser la question qui me trotte en tête depuis un moment déjà, de ne pas faire mal lorsqu’on veut faire mieux. « Sentez-vous hyper à l’aise, je sais que ce n’est pas le sujet le plus facile à aborder, encore moins avec une inconnue mais... » et je ravale, étrangement prudente. C’est rare de me voir ainsi, pas si sûre, malhabile, incertaine. Mettez-le sur le compte de grand-maman qui pourrait arriver à tout moment et assister à ce que sa jeune prunelle sait faire de bien dans la vie, à savoir, la conversation. « Comment ça se passe pour vous? Vous tenez le coup? » sa mine me dit quelque chose, son sourire ajoute d’autres éléments. Il ne me semble pas sorti de toute cette histoire, mais il n’est pas non plus à la dérive. Pris entre deux eaux, à mi-chemin, et je tente, et je tâte. Au pire, il se braquera. Au pire, il reprendra le sujet des voyages, il m’emportera loin, loin de tous détails le concernant. Parce que ce serait bête que je ne puisse pas tenir ma promesse de lui apporter des fleurs la prochaine fois, parce que ce serait con qu’il soit forcé de passer ses derniers moments à mes côtés, parce que ce serait horrible, irréaliste et tellement injuste et qu’au final, il mériterait de les voir par lui-même, les couchers de soleil en Asie. Les voir par lui-même, et les aimer, pour chaque seconde qu’ils dureront.
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| | | | (#)Sam 28 Juil 2018 - 9:47 | |
| L'épuisement chronique dont il se retrouvait désormais accablé n'avait pas disparu, loin s'en faut, mais les souvenirs qu'il dépoussiérait du bout des doigts et de ces instants de nostalgie dont la grand-mère l'avait gratifié semblaient rallumer chez la jeune femme une pointe de bonne humeur, et creusait un sourire jusqu'ici crispé par l'angoisse qu'elle n’avouerait pas et qu'Hassan avait fait mine de ne pas voir. Mais pour tant de souvenirs évoqués avec l'inconnu qui partageait sa chambre le temps de quelques jours, c'était d'autres qui s’estompaient de manière irréversible. « Plus ou moins deux ans. Ça a commencé avec des détails, comme ça commence toujours en fait. » avait alors expliqué sobrement la rousse, lorsqu’il avait timidement tenté d’en savoir plus. « C’est quand elle a oublié une casserole sur le feu à plein régime qu’on a pensé qu’il fallait peut-être consulter. » Se gardant bien d’afficher un air exagérément désolé – ils ne se connaissaient pas assez pour ça – le brun avait alors simplement hoché la tête en lui adressant un sourire néanmoins compatissant. Il n’osait imaginer la difficulté à voir quelqu’un que l’on aimait décliner petit à petit, d’entrevoir la fin inéluctable sans parvenir à s’en convaincre. Craignant d’avoir malgré lui alourdi l’ambiance déjà morose de la chambre, il avait détourné le regard et reposé son gobelet de café sur la table de nuit d’une main tremblante ; Il n’en avait bu que la moitié, mais pour son estomac soumis à rude épreuve cela semblait déjà beaucoup. Quittant sa place en silence, Ariane s’était approchée du bouquet d’œillets chargé d’égayer un peu l’ambiance, le jaune et le mauve des pétales mettant en valeur la porcelaine décorée du vase de Fatima et apportant un peu de couleur à l’ambiance monochrome de la chambre d’hôpital. « Avec un peu de chance, si je laisse une carte avec des mots doux vous arriverez peut-être à conclure avec Yasmine en plus. » que s’était alors targuée la jeune femme avec amusement, l’œil s’arrêtant sur la carte livrée avec pour le geste, pour le principe, quand bien même ceux qui signaient ne passaient pas vingt-quatre heures sans lui rendre visite. L’idée parvenant à lui arracher un rire furtif – car totalement invraisemblable – il avait forcé le sourire teinté d’ironie au moment de faire valoir « Qui sait. Et puis la tunique d’hôpital et l’allure de cancéreux, so romantic. » et laissé sa tête reposer contre l’oreiller avec fatigue – et sans doute un peu de lassitude, l’alliance autour de son annuaire lui donnant soudainement l’impression de s’être changée en plomb. L’œil s’égarant vers la fenêtre et ce rideau qui lui cachait avec morosité le seul petit bout du dehors auquel il avait accès ici, il s’était résolu à profiter de la présence d’Ariane pour lui demander de l’ouvrir en grand, pour qu’il profite au moins de la vue à défaut de pouvoir profiter de la brise automnale. « Bien sûr. » S’exécutant elle lui avait permis de capter quelques minces rayons de soleil, celui de la fin de journée qui ne réchauffait plus mais vous baignait de lumière juste ce qu’il fallait ; Et les paupières papillonnant quelques instants ses pupilles avaient peu à peu réapprivoisé la lumière du jour. « Vous savez, même si ceux de Bali sont à couper le souffle ... On a les meilleurs ici. » Et le clin d'œil auquel avait répondu un sourire tiré de loin, Hassan avait acquiescé de manière presque imperceptible, admettant « Ça, je n'en ai jamais douté une seconde. » dans un souffle fatigué. La laissant à sa propre contemplation du dehors, le brun avait fermé les yeux quelques secondes et retrouvé l’état cotonneux dans lequel le plongeait ses brefs assoupissements. Parfois il croyait entendre une voix qui le tirait de son demi-sommeil, et si à de rares occasions il trouvait en rouvrant les yeux la silhouette de son frère ou de l’une des Khadji parlant à voix basse, neuf fois sur dix c’était la voix de Joanne qui, depuis ses songes, venait le ramener à la réalité et faisait s'abattre sur ses épaules le poids de l’absence. Lorsqu’il les avait rouvert cette fois-ci, pourtant, n’était toujours là que la cascade de cheveux roux de sa visiteuse inopinée, qui semblait n’avoir pas bougé tandis que la scène aurait pu durer quelques secondes ou de longues minutes. Tournant pourtant de nouveau le visage dans sa direction, Ariane était retournée s'asseoir et avait posé sur lui un regard précautionneux dont Hassan pensait déjà connaître la suite « Sentez-vous hyper à l’aise, je sais que ce n’est pas le sujet le plus facile à aborder, encore moins avec une inconnue mais ... Comment ça se passe pour vous ? Vous tenez le coup ? » Lentement un sourire s’était esquissé sur ses lèvres, un de ces sourires qui sentaient tout autant la résignation que le sursaut de volonté à temporiser une situation pourtant peu glorieuse. « Je préfèrerais être ailleurs, on ne va pas se le cacher … à la plage, en train de retourner un steak de la grille du barbecue, par exemple. » Et à cela il avait laissé échapper un petit rire, fugace mais non moins sincère. « Mais il parait que j’ai plus urgent à faire, actuellement. » Plus urgent, plus vital, parce qu’il y avait bien d'autres étapes à franchir avant de pouvoir espérer glisser à nouveau ses orteils dans du sable chaud avec aise un jour. Avant que cela devienne une étape et non plus une hypothèse incertaine, pour commencer. Tentant sans grand succès de se redresser une nouvelle fois, il avait préféré abandonner l’idée pour économiser sa maigre réserve d’énergie mais malgré tout trouvé celle de hausser les épaules avec fatalisme « Pour le moment on ne m’autorise qu’à choisir entre mourir et essayer de ne pas mourir, et j'ai l’esprit de compétition, alors … » Alors il essayait, il faisait au mieux. Il prenait sur lui lorsqu’une infirmière rentrait en pleine nuit pour le tirer du sommeil sans plus forcément demander pourquoi, il prenait son mal en patience lorsque la chambre était vide de ses proches et que le temps s’étirait bien trop, il faisait ce qu'on lui disait, avalait ce qu'on lui disait d’avaler … Bref, il courbait le dos dans l'espoir de plier plutôt que de rompre par une cassure nette et définitive. Mais toujours avec l’inconnu à la clef, la possibilité de vivre ou de mourir, et la certitude que s'il s’agissait d'une mise à l’épreuve la décision finale se prendrait bien au-dessus de lui. Au-dessus d'eux, tous.
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| | | | (#)Ven 3 Aoû 2018 - 4:37 | |
| ariane & hassan later on if it turns to chaosSee you there, don't know where you come from, unaware the stare from someone. Don't appear to care that I saw you, and I want you too. What's your name ? Because I have to know it, you let me in and begin to show it, we're terrified, because we're heading straight for it, might get it. ☆☆☆ MAI 2014 - À parler de voyages, à parler du globe et de mon tour du monde récité presque par coeur par grand-maman, y’a cette ambiance un peu plus douce qui flirte avec les couleurs délavées, l’air peroxydé de l’endroit. Un malaise dont on se sauve tous les deux, avec les banalités qui nous ramènent bien loin d’ici, qui nous font rêver un peu, lui à des kilomètres de la connerie qui l’affaiblit, moi à des centaines de miles des inquiétudes que ma mère m’a glissées sur les épaules, maintenant que notre doyenne perd des plumes. « Je leur dirai tout de même que c’est un move de connard de vous garder le rideau fermé tout le temps. » reprenant place dans mon siège après avoir dégagé un faisceau de lumière à la demande d’Hassan, je réitère dans la confidence le prochain méfait de ma part qui terrorisera l’étage. Un rire mauvais plus tard, je roule des sourcils, et accessoirement me brûle le palais d'une gorgée non sans savourer le peu de chaleur qui se cale de mes paumes à ma langue. La clim toujours à un niveau au-dessus du respectable, on en oublie si on frissonne de peur de perdre un être cher, ou parce que le personnel se balec d’avoir des factures d’électricité faramineuses à la clé. Vient la question qui me brûle les lèvres, à laquelle il aurait tous les droits de se refuser, de m’envoyer un vent, me tourner le dos, retourner à ses siestes nombreuses et nécessaires. Pourtant, sa voix perce le silence, un rire faiblard qui m’occasionne un froncement de sourcils presque inquiet. « Vous me donnez faim, là. » le quotidien qui revient au galop, et j’en apprends un peu plus sur lui, sur ses habitudes. Alors, il cuisine. Le crépitement des charbons, l’odeur salée de la viande, le soleil qui grille sa peau pendant qu’il s’affaire à tourner le repas pour toute sa famille ; ce genre de samedi après-midi que je lui imagine, gardant silence au mieux le temps qu’il se confie du creux de son lit tout sauf confortable. « Tout est une question de priorités. » survivre aujourd’hui, ne pas penser à demain. Prendre des forces durant l’heure, oublier ce à quoi le reste de la journée se dédiera. C’était une horrible partie de lâcher prise, et à travers, il fallait se raccrocher aux petits détails que maman disait, aux petites victoires, aux éléments positifs qui rachetaient momentanément le reste. Puis, je sens mon corps qui louvoie entre les coussins inconfortables, mon regard qui le fuit autant qu’il le cherche. C’est étrange d’avoir ce besoin de dire quelque chose, cette intention toute tracée, sans savoir comment s’y prendre. J’étais pas du genre à tout garder à l’intérieur, limite, plus vite je pouvais baratiner, plus tôt je pouvais m’élancer dans mes flots de paroles enflammées, le mieux c’était. Mais ici, je m’adaptais à la vibe, je m’adaptais à sa confiance surtout, à ce qu’il m'offrait plus généreusement et pieusement que quoi que ce soit d’autre. D’un secret de sa part, j’y vais avec un de la mienne. « J’ai jamais compris le concept du “tu dois te battre”, avant grand-maman. » que je commence, ignorant si je vais trop loin, m’assurant de capter ses prunelles et d’y voir ne serait-ce qu’un signe de poursuivre. Dans l’attente, je prends le tout pour un oui, et donc, expire les tensions restantes, entame mon plaidoyer. « Pas que je sois défaitiste, au contraire. Mais juste, de penser qu’on se bat contre un adversaire imaginaire, ça m’a toujours fait chier. C’est injuste, ça a pas lieu d’être et c’est un aller-simple pour des magouilles sans qu’on soit au courant du whole picture si vous voulez mon avis. » rien de plus enrageant à mon sens que de ne pas avoir tous les faits, que de ne pas pouvoir être fixé sur la finalité dès le début. On se cassait un bras, on savait que l’os allait se réparer au fil des semaines. On grimpait sur un ring de boxe, on savait pertinemment que notre adversaire nous étalerait sur la tapis s’il pesait 4 fois notre poids. Mais face à la maladie, c’était une loterie beaucoup trop macabre à mes yeux de non-initiée pour finir rassurée. Sauf que. « Mais à la voir elle, et à vous entendre vous... » je prends une pause, me fais violence pour choisir les meilleurs mots, ne froisser personne, être évidente dans mes propos. Ce qui ne m’arrive jamais, parce que la flemme de m’inquiéter des avis des autres. Avec lui, c’est différent toutefois, et sans jouer dans la pitié boboche, j’y vois une façon d’aider avec des paroles concrètes, plus que de nuire avec des encouragements incertains. « … je saisis mieux ce qu’ils veulent dire. Que ça part de la volonté de vivre, pas de la crainte de crever. » un switch qui fait toute la différence, une base qui encourage à construire la suite. « Que tant que vous vous rattachez au bon, c’est grâce à ça que vous puisez vos forces. » j’hausse mollement les épaules, un rire qui franchit mes lèvres après avoir terminé d’un trait mon infusion. « En vrai, je sais même pas si je suis claire. » et si je suis utile, surtout. « Ariane? » un sursaut, et je lève la tête, la silhouette de nana qui apparaît dans l’embrasure de la porte, soutenue par deux infirmiers qui, je jure, ont l’air un brin plus concernés qu’à leur habitude.
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| | | | (#)Sam 13 Juil 2019 - 20:08 | |
| C’est vrai qu’ils l’attristaient certains jours, ces rideaux désespérément fermés. Ils l’attristaient surtout les jours comme aujourd’hui, ceux où il n’avait même pas la force suffisante pour se glisser jusqu’au fauteuil près de son lit, duquel il aurait pu les entrouvrir lui-même, mais la vérité c’est que s’ils restaient aussi souvent fermés ce n’était que parce que lui autant que la grand-mère d’Ariane jouaient les belles au bois dormant plus qu’il n’était raisonnable, et qu’à la lueur de leur faiblesse générale aucune infirmière censée n’avait envie que la lumière du jour ne les prive d’un sommeil réparateur qui ne pourrait qu’être bénéfique. Pour cette raison, et parce qu’il ne se sentait pas la force d’argumenter, Hassan avait laissé la jeune femme dire lorsqu’elle avait marmonné « Je leur dirai tout de même que c’est un move de connard de vous garder le rideau fermé tout le temps. » avec cet air de croisée en partance pour la terre-sainte. Il avait appris à économiser sa salive autant que le reste de ses forces, n’ajoutant son grain de sel que lorsqu’il avait quelque chose de pertinent à ajouter ou bien lorsque, comme ce fut finalement le cas, une question lui était directement posée. Quant à savoir s’il tenait le coup, bien qu’un toubib serait sans doute plus à même que lui de répondre à cette question de manière précise, Hassan devait admettre qu’il ne se sentait pas au meilleur de ce qu’aurait pu être sa forme, compte tenu des circonstances. Il se sentait un peu dans le creux de la vague actuellement, l’impression qu’il ne ressortirait plus jamais de cet hôpital entachant l’optimisme qu’on lui demandait de garder, et l’absence de Joanne lui faisait l’effet d’une plaie béante qui ne s’arrêtait jamais de saigner. Pourtant, face à Ariane, le brun avait servi la même soupe qu’aux Khadji, pris sur lui de faire un brin d’humour et joué à celui qui tournait en dérision la gravité de la situation. De sa situation. « Vous me donnez faim, là. » Elle avait bien de la chance, qu’il s’était entendu penser, repensant sans gloire au demi-kiwi qu’il avait tant bien que mal réussi à garder dans son estomac le matin et qui représentait, dans toute sa petitesse, une grande victoire sur son manque d’appétit. Victoire pour qui ? Il ne savait pas trop, parfois il n’était pas certain que ce soit pour lui, mais l’instinct de survie faisant son œuvre il tâchait de faire au mieux quoi qu’il en soit. « Tout est une question de priorités. » Sans doute. Le silence à nouveau, l’œil d’Hassan captant avec curiosité la trajectoire louvoyante des rayons du soleil contre le store désormais à demi-ouvert. Les paupières se faisaient lourdes malgré tout, et si le brun faisait tant papillonner ses yeux c’était parce qu’il savait que ce sommeil-ci l’emporterait pour plusieurs heures – et au bout du compte abandonner ainsi sa visiteuse sans un mot de plus lui semblait tout de même peu correct. « J’ai jamais compris le concept du “tu dois te battre”, avant grand-maman. » Qu’elle avait finalement repris, Hassan la trouvant plus installée et plus à son aise sur le fauteuil qui l’accueillait qu’au précédent regard qu’il lui avait offert. « Pas que je sois défaitiste, au contraire. Mais juste, de penser qu’on se bat contre un adversaire imaginaire, ça m’a toujours fait chier. C’est injuste, ça a pas lieu d’être et c’est un aller-simple pour des magouilles sans qu’on soit au courant du whole picture si vous voulez mon avis. » Le sourire du bonhomme, aussi songeur qu’il était fatigué, traduisait le fatalisme – ou plutôt la résignation – qui était la sienne à ce sujet « Je ne pense pas qu’on soit jamais au courant de tout … D’avoir un pied dans la tombe, ça ne permet que d’en prendre conscience. » Mais sans doute était-ce là sa spiritualité personnelle qui s’exprimait, ses propres croyances dont Ariane n’avait ni connaissance ni obligation, surtout, d’adhérer. La situation, néanmoins, semblait la laisser songeuse. « Mais à la voir elle, et à vous entendre vous ... je saisis mieux ce qu’ils veulent dire. Que ça part de la volonté de vivre, pas de la crainte de crever. Que tant que vous vous rattachez au bon, c’est grâce à ça que vous puisez vos forces. » Peut-être. A moins qu’ils ne soient juste une sous-espèce de mammifère à l’instinct de survie ni plus ni moins développé que celui d’une autre sous-espèce, et que le bon ou le beau n’y soient pour absolument rien … Mais d’y croire semblait apporter un brin de réconfort à Ariane, et lorsqu’elle s’était fendue d’un « En vrai, je sais même pas si je suis claire. » Hassan s’était contenté d’acquiescer d’un clignement de paupières et de murmurer « Vous avez sans doute raison. » pour ne pas briser ce qui, en ces temps incertains concernant la santé de son aïeule, semblait lui faire du bien. La grande absente de cette conversation, d’ailleurs, avait choisi cet instant – ou plutôt subi – pour faire sa réapparition au bras de deux infirmiers, lesquels semblaient regretter amèrement de ne pas avoir fait usage du fauteuil roulant laissé vacant près du lit, tout aussi vacant. Eux aussi s’étaient laissé amadouer par la langue bien pendue de la vieille dame, les instants où sa volonté prenait le pas sur sa santé véritable, mais désormais le « Ariane ? » qui lui échappait tenait plus de la bête malade et affaiblie. Mal à l’aise d’être ainsi spectateur, tant de la déchéance de la respectable grand-mère que des retrouvailles inopinées avec une petite fille pour qui la réalité revenait en pleine figure telle une gifle, Hassan avait détourné le regard en silence. Dans le lit d’à côté on réinstallait l’occupante en tachant de ne pas la brusquer, et d’un ton désolé l’un des deux infirmiers avait expliqué « Les examens l’ont beaucoup fatiguée, vous devriez repasser demain. » avant d’aller jusqu’au store pour le refermer complètement, le brun laissant faire d’un air éteint, trop fatigué pour songer à protester. Pas de coucher de soleil aujourd’hui, alors. Le sourire triste s’étirant dans la pénombre, Hassan avait adressé à la rousse un signe de la tête à peine perceptible « Promis, je veille sur elle pour vous. » Et si son Dieu à elle le voulait, elle serait encore là demain, et les jours qui suivraient. Mais au fond de lui le brun savait que si la faucheuse leur rendait visite il ferait comme tous les autres : il supplierait, et suggérerait bien volontiers que soit plutôt fauchée sa voisine. La crainte de crever bien plus que la volonté de vivre, n’en déplaise à la philosophie d’Ariane.
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| | | | | | | | (arissan) later on if it turns to chaos |
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