Clément est à peine arrivé à l’appartement depuis quelques jours et déjà, ils ne passent plus une soirée ensemble. C’est terrible. Ambroise pensait retourner la tendance ce soir, mais le théâtre reste la priorité de son meilleur ami. Un imprévu, quelque chose, Bonnie avoue ne pas avoir trop suivi. Tout ce qu’il a retenu, c’est qu’il se retrouve seul ce soir et qu’il n’a pour une fois pas envie de rester à l’appartement. Alors, il sort. Il n’a besoin de personne pour faire ce dont il a envie. Il ne sait pas où ces pas vont le mener, mais il compte boire, séduire, et advienne que pourra. Recroiser Andy ? Hm, après réflexion, alors qu’il prend une direction au hasard, il se dit qu’il aimerait bien goûter de nouvelles choses si l’occasion se présente. Mais son but est d’abord de s’amuser.
Il a quand même envoyé un sms à sa sœur, et à Clément, pour les prévenir qu’il sort et de ne pas l’attendre. Il commence la soirée doucement, dans un premier bar. Il s’y fait un copain de boisson, avec il enchaîne quelques bières et un cocktail plus réjouissant à base de vodka. C’est un mec pas du tout gay, mais il est tellement drôle qu’Ambroise accroche instantanément. Un humour de blague pourrie soupoudré d’humour noir. Avec sa bande de potes, Bonnie reste deux petites heures, avant qu’il ne prenne la bougeotte. Ses nouveaux potes d’un soir partent aussi, d’ailleurs, et l’invitent à continuer tout ça chez l’une des filles du groupe. Mais l’australien n’est au final pas tenter de se restreindre et de se lier à un groupe. Sa liberté de la soirée lui plaît assez. Alors qu’il remonte la file d’une boîte de nuit en oeillant les gens patientent, il fronce le nez et s’en retourne un peu sur ses pas. Ce petit quart d’heure de marche en quête de l’endroit suivant a détruit tous les effets de l’alcool. Il a désaoulé, du peu d’alcoolémie qu’il avait, n’empêche que le voilà pas très content.
Au premier coin un peu sympa et vivant qu’il corise, il passe la porte. Ambroise se retrouve dans un bar à la population assez jeune. Il y a de la musique en fond. Pas trop mal, c’est supportable pour ses oreilles qui préfèrent les vieilles sonorités. Il se dirige droit vers le bar, sans rechigner à observer un peu ses alentours. La moyenne d’âge doit à peine dépasser la trentaine, c’est assez marrant. Pour un soir de semaine, y’a pas mal de monde. Sans doute que ce bar vaut le coup. Après une courte hésitation, il demande un Cuba Libre. Il tape un peu la discut’ avec la barmaid, super sympa et souriante, tout en descendant son cocktail en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Il en redemande un. Du coup.
Cependant il n’a le temps d’en savourer que deux gorgées que quelqu’un le bouscule dans le dos. S’étant retourné pour observer la salle quasi comble, il en renverse un peu sur sa cuisse et sur la personne se trouvant à côté de lui depuis quelques instants. Il gueule un coup. « Hé putain fais gaffe mec ! » Il fusille du regard le pauvre type qui s’excuse et sort un billet de sa poche pour lui payer sa consommation perdue. Bourré, sûrement, pour être aussi sympa, l’homme s’en retourne auprès de ses deux amis avec un large sourire, comme s’il avait oublié totalement ce qui venait de se produire. Soupirant assez lourdement, avant de poser les yeux sur le billet de 20 dollars se trouvant dans sa main. Il hausse alors les épaules avant de se tourner vers le garçon qui a aussi reçu du rhum-coca sur le pantalon. « Vraiment désolé, ça va aller ? » demande-t-il, se sentant un peu concerné tout de même. « J’te paye un verre s’tu veux », reprend-il avec un large sourire en agitant le billet. C’est alors qu’il regarde vraiment l’inconnu. Pas si inconnu que ça. « Oh ben ça alors... Danny boy. » Comme dans la chanson. Mnémotechnique. Et il reprend son sourire, après l’avoir perdu sous l’étonnement. « Allez j’te paye ce verre, tu veux quoi ? »
Ça fait une semaine que j’ai pas revu Andy, après les quelques jours que j’ai passé chez lui. Ça fait un putain de vide, d’un coup, mais je me permet pas de dire grand-chose. Je suis déjà content qu’il m’ait laissé squatter chez lui. Plus que content même, je passe mes journées à rêvasser en y pensait. Ouais, c’est un peu pathétique, je sais. Aujourd’hui, c’est le premier jour de mon nouveau contrat chez Abercrombie. J’avais déjà fait ça pendant l’été parce que ça payait bien et, là, ils ont rappelé tout le monde parce qu’ils ont besoin de renforts pour les fêtes. Je me balade à moitié à poil dans le magasin, je tape la discussion à des clients, j’essaye des pulls pour leur montrer, c’est sympa comme job quoi. Je décide de sauter sur l’occasion pour envoyer un snap à Andy. Comme d’habitude, je fais un peu mine de rien, comme si le fait que je sois torse nu était complétement secondaire dans ma décision de lui envoyer un snap. Il répond qu’il veut me voir ce soir. Je suis tellement surpris que je bloque sur le message et je reste immobile quelques secondes, téléphone en mains. Mes joues se réchauffent, je dois être un peu rouge. Quand je reviens sur terre, il a déjà décidé du lieu et de l’heure.
J’arrive un peu à l’avance, j’étais trop impatient. Il y a du monde dans le bar, les gens sont jeunes, la musique est bonne. Je regrette pas trop de devoir l’attendre. Je vais au bar pour déjà me commander quelque chose et je regarde la foule. Un peu plus loin, je reconnais des gens de mon ancien Lycée. Je vérifie l’heure sur mon téléphone. Ouais, j’ai peut-être le temps d’aller leur dire bonjour si la barmaid se dépêche de prendre ma commande. Je lui fais signe mais je suis interrompu dans mon élan par une bousculade. Je comprends pas trop qui a déclenché quoi mais je me retrouve avec du cocktail sur le pantalon. Bon, je comptais pas garder ce pantalon longtemps, c’est vrai, mais ça fait quand même un peu chier. « Vraiment désolé, ça va aller ? » Je le regarde et je m’apprête à lui sourire parce que j’entends la compassion dans sa voix. Ça peut être qu’un chic type. Sauf que non. C’est Ambroise. « J’te paye un verre s’tu veux » Nos regards se croisent et il finit par se rendre compte que c’est à moi qu’il parle. Son sourire disparaît. « Oh ben ça alors... Danny boy. » J’ai pas la ref’ et en plus, j’ai aucune excuse : il est pas le premier à m’appeler comme ça, j’aurais pu me documenter, depuis le temps. « Allez j’te paye ce verre, tu veux quoi ? » Il sourit à nouveau. Je sais pas trop comment réagir. Pourquoi est-ce qu’il est sympa avec moi ? « Vodka-Redbull, merci. » Je scrute son visage, à la recherche de la moindre trace de malice. Il est pas le dernier à se moquer de moi. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Putain, me dites pas qu’il attend Andy aussi ? Mon estomac se serre, même si c’est complètement irrationnel. Et si l’autre fou avait eu l’idée d’un plan à trois tordu ? Je suis pas chaud, pas avec Ambroise. Mais non, ça se peut pas. « Je te préviens, j’ai rendez-vous avec Andy. » Je suis sur la défensive. J’aurais pas dû dire ça. Ça fait vraiment mec beaucoup trop possessif. Il va croire que j’essaye de le rendre jaloux. Qu’est-ce que j’essayais de faire d’ailleurs ? Le ménager ? Le faire partir ? Justifier ma présence ? Aucune idée. « Enfin... S’il se décide à venir, il est déjà pas mal en retard. » Est-ce que je parle trop quand je suis mal à l’aise ? Ouais. D’autant plus que je commence à m’inquiéter de ce retard. Peut-être qu’il a vraiment décidé de ne pas venir, pour finir.
Ambroise pensait rencontrer des gens qu’il connaît, bien sûr, ce n’est pas la première fois qu’il sort. Pourtant il ne croyait pas qu’il allait tomber sur Danny. A ce point même qu’il ne comprend pas tout de suite qui il a en face de lui. Le pauvre gars, dommage collatéral d’une bousculade, est pourtant bel et bien Danny, et ça c‘est assez amusant. Bonnie s’est excusé, et lui a offert de lui payer un coup, avant de reconnaître cette tête de beau gosse, et il ne retire aucune de ces paroles. Après l’étonnement, il sourit de nouveau, réitérant sa proposition. Danny ne fait pas le difficile ; ses premiers mots sont une commande de Vodka-Redbull. Ambroise hoche la tête, et fait signe à la barmaid qu’il s’est quelque peu mise dans la poche. Vodka-Redbull, et il se prend un double Whisky pour remplacer son cocktail dont il descend la moitié rescapée cul-sec.
Danny paraît pourtant rester sur la défensive, alors que son verre arrive. Ce qui est assez compréhensible, compte tenu de leurs derniers échanges. De tous leurs échanges en fait, à quelques exceptions. S’étant rencontrés à une soirée étudiante, ils ont alors compris en discutant qu’ils connaissaient tous les deux le « fameux » Andy. Qui est en passe de mettre tous les hommes de Brisbane dans son lit, mais ce n’est que l’avis d’Ambroise. Pas qu’il le juge pour ça, ou quoique ce soit, d’ailleurs il n’a rien à dire puisqu’il fait partie de ces conquêtes, mais Andy fait aussi partie des siennes. Et puis il n’est pas non plus lisse, le petit Bonnie, il eut son lot d’aventures de tous bords. Et donc, Danny fait aussi partie des contacts du colombien, à la seule différence qu’il est bien plus accro. Même Ambroise a pu le comprendre, que ce gamin-là est amoureux. Amoureux d’un coureur, d’un tombeur, qui ne veut sûrement pas ouvrir les yeux et continue de se la taper en tirant toujours son coup à droite à gauche. Le fait que Danny fasse sans aucun doute partie de ces « favoris » montre peut-être qu’Andy tient à lui, mais reste que ça fait grandement pitié à Ambroise. Décidé pourtant à ne pas être trop méchant aujourd’hui, il est bien obligé de rire aux premières paroles que lui adressent le jeune homme.
« Oh t’es vraiment adorable, on dirait un petit chien, genre carlin, qui veut défendre son maître. C’est trop chou », répond-il avec un vrai sourire, avant d’ajouter, un peu plus cinglant. Il voulait être sympa, vraiment, mais Danny... Ah Danny... Quand on cherche Ambroise, on le trouve. « D’ailleurs ça m’étonne qu’il t’ait pas acheté un collier et une laisse, ça t’irait bien j’dois dire. » Parce que cette relation à sens unique le désole, le dépite. Danny serait prêt à se jeter d’un pont si le colombien le lui demandait, c’est la conclusion à laquelle Ambroise est arrivé. « Mais t’inquiète, j’préfère le hasard pour rencontrer Andy, c’est beaucoup plus excitant alors, tu d’vrais essayer. » Il prend alors directement une gorgée de son verre de whisky, et jette un coup d’œil au pauvre garçon qui explique que son amant a déjà pas mal de retard, donc sa venue au rendez-vous est encore plus incertaine. Cette fois-ci, Bonnie choisi de rester un court moment silencieux, pour peser ses mots. Il reprend une gorgée, la fait tourner dans sa bouche avant de l’avaler, se délectant de toutes les saveurs. Ensuite, seulement, il se tourne vers Danny.
« Prépare-toi déjà à ne pas le voir du coup. Si y’a un truc que j’ai compris sur Andy, c’est qu’il ira voir ailleurs si un meilleur choix se présente, alors il a peut-être rencontré son coup du soir. » Il hausse les épaules. « Il est vachement volatile comme mec, tu dois bien t’attendre à c’qu’il te pose un lapin non ? » Il observe un instant le jeune homme. Lui dire de ne pas s’inquiéter, qu’Andy viendra quand même serait un mensonge, personne ne peut deviner ça. Danny doit bien en être conscient quelque part. Sinon c’est que l’amour rend vraiment aveugle et Bonnie ne souhaite que ça lui arrive pour rien au monde. D’un autre côté, si Andy rapplique, et qu’ils les voient tous les deux, il va avoir des idées de plans à trois, car il l’a déjà mentionné la dernière fois. Et ça serait drôle. Ambroise ne serait peut-être pas contre, parce que Danny vaut le coup d’œil, mais celui-ci, franchement, il grincerait des dents. Drôle j’vous dit. « Ouvre un peu les yeux y’a d’autres mecs pas mal non ? Pis pas besoin de tirer un coup pour passer une bonne soirée », lance-t-il en levant son verre pour en boire une gorgée.
Bon ok, peut-être que si j’avais pas été sur la défensive, ça serait mieux passé. Sauf que c’est clairement plus facile à dire qu’à faire. Je suis peut-être pas le plus jaloux des types mais j’ai pas non plus l’habitude de taper la conversation à des gens qui se tapent Andy, quoi. Des gens sans visages, c’est plus facile. Là, c’est Ambroise, en chair et en os en face de moi. Il me paye un verre. Sympa mais louche. Je peux pas m’empêcher de lui dire que j’attends Andy. Ça sort tout seul. Je sais pas trop si j’espère le faire partir ou souligner que ce soir le colombien est à moi. En tout cas, ça le fait marrer et je pince les lèvres. « Oh t’es vraiment adorable, on dirait un petit chien, genre carlin, qui veut défendre son maître. C’est trop chou. » Putain mais c’est même pas mignon les carlins. Je croise les bras, piqué à vif. Puis Andy n’est pas mon ‘maître’, faut pas déconner. Même si c’est vrai que j’accours quand il siffle. Mais ça, Ambroise a pas à le savoir puis ça fait pas de moi un chien non plus. C’est juste que j’aime bien passer du temps avec lui. « D’ailleurs ça m’étonne qu’il t’ait pas acheté un collier et une laisse, ça t’irait bien j’dois dire. » L’inavouable c’est que si c’est Andy qui tient la laisse, ça me dérange pas tant que ça. Ça se négocie quoi. Je suis atteint. Mon cas est officiellement désespéré. Quoi qu’il en soit, je chasse ces pensées de ma tête. « Tu m’imagines souvent dans ce genre de situation ? », je demande pour faire le con avant de prendre une gorgée de vodka-redbull. C’est lui qui a dit que ça m’irait bien : c’est qu’il a du se faire une image mentale. J’aurais pu aussi me taire et encaisser, on est d’accord, mais il a visé trop juste pour que je soit capable de fermer ma gueule. Des fois je me dis que c’est peut-être le type qui a la meilleure vision de la situation. Peut-être que je devrais l’écouter, peut-être qu’il est plus objectif que je ne le crois. Mais je peux pas m’y résoudre. Je veux pas entendre tout ça.
Il décide d’en rajouter sur son propre passé avec Andy et j’me dit que c’est de bonne guerre. C’est moi qui ai commencé ce petit jeu, après tout. « Mais t’inquiète, j’préfère le hasard pour rencontrer Andy, c’est beaucoup plus excitant alors, tu d’vrais essayer. » Evidemment que je déteste ça. D’autant plus que je ne peux pas m’empêcher de l’imaginer. Ceci dit, le point positif c’est que s’il attend le hasard pour se le faire, il le voit pas si souvent que ça. La ville est grande. On se rassure comme on peut. Pour toute réponse, j’hausse les épaules. Je vais pas lui dire que je suis jaloux, ça va juste me rendre encore plus ridicule.
Je lui explique qu’il est en retard et Ambroise ne répond pas tout de suite. On dirait qu’il prend le temps d’analyser la situation. Franchement, ce type, soit c’est un mec vraiment sympa soit il est ultra creepy. En tout cas, il a l’air de se sentir impliqué. « Prépare-toi déjà à ne pas le voir du coup. Si y’a un truc que j’ai compris sur Andy, c’est qu’il ira voir ailleurs si un meilleur choix se présente, alors il a peut-être rencontré son coup du soir. » Encore une fois, c’est en plein dans mes inquiétudes. Bien sûr que je sais que c’est possible. Il a peut-être décidé d’en baiser un autre. Ou une autre, d’ailleurs. Meilleur choix. Jusqu’ici, j’avais réussi à m’empêcher de le voir comme ça. J’avais jamais mis ces mots-là, quoi. Meilleur choix. Je me renfrogne un peu. « Il est vachement volatile comme mec, tu dois bien t’attendre à c’qu’il te pose un lapin non ? » C’est vrai que c’est déjà arrivé. Pas si souvent que ça mais ça reste dans le champ des possibles. Fais chier. « Ouais. Je l’exclus pas. » Je bois une longue gorgée, espérant un peu que l’alcool fasse revenir ma positivité. C’est un véritable détraqueur, Ambroise.
« Ouvre un peu les yeux y’a d’autres mecs pas mal non ? Pis pas besoin de tirer un coup pour passer une bonne soirée » Dans un autre contexte, on aurait pu penser que par d’autres mecs pas mal, il faisait référence à lui-même. Je souris un peu. Il est pas mal, c’est vrai, mais que je le remarque, c’est bien la dernière chose qu’il pourrait vouloir. « Ouais y a d’autres mecs biens. Et ouais on peut passer une bonne soirée sans baiser. Mais pas une excellente. » Même si c’est surtout aussi bon avec Andy mais ça je l’ajoute pas. Ce serait quand même trop bizarre de comparer nos expériences. Enfin du coup, je me prends honnêtement ‘au jeu’ de regarder les mecs présents ce soir. « T’en vois qui sont aussi sexy que lui toi ? », je demande, septique. J’ai un peu réfléchi à voix haute sur ce coup parce qu’on est d’accord que c’est chelou de lui demander ça à lui. J’ai le sentiment que j’aimerai pas la réponse. « D’ailleurs me dit pas que t’es pas en chasse ! Quand on sort seul c’est pour rentrer avec quelqu’un, non ? » Moi oui, en tout cas. Même si là c’est vrai que ça commence à faire un moment que je ne l’ai plus fait. Trop d’Andy dans ma tête. « Putain t’as réussi à me déprimer. », j’avoue en replongeant le nez dans mon verre. Sérieux, j’aime pas qu’on me force à réfléchir comme ça. Laissez-moi dans mon déni, merde.
Un Danny sur la défensive est un Danny adorable. Stupide et adorable ; un petit chien. Ambroise ne peut s’empêcher de faire une remarque et de relever la pointe de jalousie dans la voix du jeune homme. Qu’il ne s’en fasse pas, Bonnie n’ira jamais convoiter Andy corps et âme, c’est débile. Juste son corps, ça lui convient bien. Il ne veut pas de guerre, et il n’est pas sorti non plus passer un mauvais moment, alors il offre un verre à Danny et celui-ci accepte. Ça compte aussi et surtout pour le pantalon tâché. Bon, d’un autre côté il le compare franchement à un toutou à la botte de son maître et l’imagine furtivement avec une laisse. Et il tape en plein dans le mille, il le sait. Danny demande, piqué au vif, s’il l’imagine souvent dans ce type de situations. « Oh, mais dès que j’te vois oui », rétorque Bonnie avec un clin d’œil. Il ne peut pas se retenir de répondre, c’est dans sa nature de faire ça, tout le temps, partout, avec n’importe qui. Ça lui joue parfois des tours, et pourtant il continu de s’amuser avec. Là au l’occurrence Danny boy lui facilite presque la tâche.
Ambroise parle de sa propre expérience avec Andy, disant qu’il préfère laisser le destin décider de leurs rencontres. Il n’irait pas se jeter dans ses bras, ni n’accourrait au moindre sifflement, comme Danny. Mais il trouve ça intéressant d’appuyer, d’exagérer un peu leur relation pour voir comment Danny réagit. Et pour le faire réagir, tout simplement. Danny s’impose ça tout seul, car forcément il doit y penser, au fait que son Andy se tape tout ce qui bouge sans penser à rien. Il doit y penser, se l’imaginer parfois, et il en souffre, sinon il ne serait pas jaloux alors que le principal intéressé joue à l’aveugle. Dans le genre relation à sens unique, Bonnie a rarement vu de plus bel exemple. Le jeune homme est aussi un livre ouvert, assez prévisible en plus. En apprenant que le colombien est en retard, il fait remarquer que le plus simple est déjà de se dire qu’Andy ne viendra pas. Il prend son temps pour choisir ces mots, car cette fois-ci il ne veut pas que Danny se fasse des idées. Ambroise est loin de vouloir le latino pour lui tout seul, il pense juste que Danny ne doit pas se faire d’illusions. Enfin, pas plus que d’habitude. Et Bonnie n’a pas peur de nommer les choses, ça fait tiquer l’autre étudiant, qui confirme avoir déjà envisagé de se faire poser un lapin. Avant de prendre une longue gorgée d’alcool.
Ambroise en profite pour en faire de même. Et puis il ouvre un peu leur discussion, en pointant le fait qu’il y a d’autres mecs tout aussi beaux, si ce n’est plus, qu’Andy. Le monde ne se résume pas à lui, fort heureusement. Et puis baiser n’est pas toujours nécessaire pour passer un bon moment. Danny approuve, mais ajoute qu’on passe une meilleure soirée si ça se finit par une partie de jambes en l’air. A cela, Bonnie ricane légèrement. « Putain t’as du bol si t’as évité les mauvaises expériences toi. Han m’dis pas que c’est parce que t’as connu qu’Andy ? » demande-t-il en fixant Danny, avant de grimacer légèrement. « J’sais pas si ça s’rait une bonne ou une mauvaise chose... » D’un côté, il se taperait un bon coup, là-dessus il n’y a rien à dire. Mais d’un autre côté il ne connaitrait que ça. Peut-être pas étonnant qu’il en soit amoureux, finalement, car c’est un peu comme si, pour lui, seul Andy existait. Ça reste une hypothèse. Enfin, en attendant, ce n’est pas parce qu’on a l’opportunité de tirer un coup qu’on passera une meilleure soirée. C’est quitte ou double avec les inconnus. Danny suit le mouvement en se tournant pour observer les gens présents, et questionne l’australien sur les mecs qu’il juge sexy. « Bien sûr, y’a ce type là-bas, le blond, à côté de la meuf avec le top rose. Elle aussi elle est sexy d’ailleurs, mais toi ça t’intéresse pas. Sinon y’a le mec un peu baraqué, avec la barbe. » Il répond très franchement, observant tout ce petit monde. Certes, ils ne sont pas nombreux à être dans le haut du panier, mais Andy n’est pas unique.
Bonnie arque un sourcil quand Danny lui lance être forcément en chasse, pour sortir ainsi seul. Or ce n’est pas l’idée qu’il avait en tête en sortant de chez lui ce soir. Certes, il reste ouvert aux propositions, presque tout le temps. Seul ou avec des potes, ça ne change rien pour lui. En revanche s’il veut vraiment finir avec quelqu’un, il se donne les moyens de trouver LA personne. C’est ce qui varie, son envie. Mais on peut dire qu’il garde toujours ça en tête.« Pas tellement non, enfin pas plus que d’habitude. J’suis seul parce que mon meilleur pote et ma sœur ont des choses plus importantes à faire. Mais comme je voulais sortir ce soir, j’me suis pas gêné. Après, j’dis pas non si l’occasion se présente... » précise-t-il avec un sourire en coin, le regard tourné vers la salle et pourtant il s’adresse encore à Danny là. M’enfin, il n’y a pas si longtemps qu’il a finit dans le lit de quelqu’un, une nana, pour varier les plaisirs. Et puis sa dernière fois avec Andy ne remonte même pas à deux semaines. Danny réussit à détourner le scientifique de son observation en soupirant. Déprimer qu’il devient le petit. Souriant, Ambroise pivote sur sa chaise haute pour s’accouder au bar et faire face au jeune brun. « A cause de l’autre chaud lapin ? Hé ben j’te pensais plus rôdé que ça. Tu dois bien y réfléchir pourtant non ? Au fait qu’tu sois jeune et qu’tu gâches ces belles années à cause d’un type qui te voit même pas pour c’que t’es vraiment. » Il le regarde alors, devenu sérieux. Il le dévisage presque. Danny est beau gosse, c’est dommage franchement. « Si tu t’ouvres pas aux expériences alors que l’autre se gêne pas, c’est toi qui m’déprime. » avoue-t-il, tranchant. Avant de sourire à nouveau. « J’espère que t’as conscience que j’te lâcherai jamais parce que t’es juste trop marrant à emmerder. »
Il dit m’imaginer comme ça dès qu’il me voit. Je lève les yeux au ciel en souriant. C’est un type étrange, cet Ambroise. Peut-être qu’on aurait été potes, dans une autre situation. Il a l’air marrant. Sauf que là, il s’applique à me faire déprimer. Il se mêle de ma relation avec Andy. Ça ne le regarde pas, bien sûr, mais son avis réussit quand même à m’emmerder. Il dit qu’il ne viendra pas, qu’il trouvera un meilleur plan. C’est effectivement tout à fait possible et la perspective est loin de me réjouir. Franchement, quitte à ce qu’il ne vienne pas, je préfère éviter de penser au pourquoi. Éviter de penser tout court, c’est ça la solution. Pour plein de choses d’ailleurs. C’est mieux de prendre les choses comme elles viennent non ?
Quoi qu’il en soit, même si je veux bien admettre qu’on puisse passer de bonnes soirées sans baiser, je dois quand même dire que c’est mieux si ça termine comme ça. C’est le dessert quoi, ça fait toujours plaisir. Il a pas l’air d’accord, à en juger par son ricanement. « Putain t’as du bol si t’as évité les mauvaises expériences toi. Han m’dis pas que c’est parce que t’as connu qu’Andy ? » Je rougis mais uniquement parce que je suis complétement pris au dépourvu. Je m’attendais pas à cette question. J’ai pas connu qu’Andy. C’était pas le premier, non plus. Maintenant c’est vrai qu’on peut dire que ma vie sexuelle c’est quand même 90% Andy. Ambroise grimace. « J’sais pas si ça s’rait une bonne ou une mauvaise chose... » Ni l’un ni l’autre, c’est surtout pas tes affaires, mon vieux. Enfin bon. Je secoue la tête et je réponds quand même, allez savoir pourquoi. « Non mais j’ai pas connu que lui. Puis peut-être que je les évite pas, les mauvaises expériences, peut-être que je les transforme en bonnes. » I’m just that good. Je suis clairement en train de frimer. A mon avis, c’est plutôt que j’ai eu de la chance, ouais. Ou du flair, ou j’sais pas quoi. C’est en tout cas pas mes standards qui sont bas, puisque le point de comparaison c’est Andy.
On se retrouve ensuite à regarder les mecs qui sont dans le bar. Je demande à Ambroise s’il en voit qu’il trouve sexy. Il me répond honnêtement, sur le ton de la conversation, et c’est aussi chelou qu’intéressant. « Bien sûr, y’a ce type là-bas, le blond, à côté de la meuf avec le top rose. Elle aussi elle est sexy d’ailleurs, mais toi ça t’intéresse pas. Sinon y’a le mec un peu baraqué, avec la barbe. » Je regarde les mecs dont il parle. C’est vrai qu’ils sont pas mal du tout, dans des styles assez différents. Ça se peut que je sois un peu en chaleur – ou c’est seulement les hormones de mon âge – parce que j’imagine ce que ça doit être de se taper l’un ou l’autre. J’apprends aussi, par la même occasion, qu’Ambroise est bi. Je sais pas s’il l’avait déjà évoqué ou pas mais ça ne m’étonne pas plus que ça. « C’est pas des mauvais choix. », je confirme comme si ce n’était pas déjà assez évident qu’on a des goûts qui peuvent se rejoindre en matières d’hommes. « Qui sait, peut-être qu’ils accepteraient de me consoler si Andy ne venait pas... » Je souris. Je dis surtout ça pour déconner parce que c’est pas vraiment mon genre de chercher quelqu’un d’autre s’il ne vient pas. Si j’étais capable de le faire, je n’aurais pas de problème d’ailleurs, puisque ça voudrait dire que le beau Colombien ne serait qu’un plan parmi d’autres.
Je lui demande s’il est en chasse. Parce que lui qui dit qu’il n’a pas besoin de cul pour passer une bonne soirée est seul ce soir. Il a pas l’air d’être là pour se marrer avec ses potes, quoi. « Pas tellement non, enfin pas plus que d’habitude. J’suis seul parce que mon meilleur pote et ma sœur ont des choses plus importantes à faire. Mais comme je voulais sortir ce soir, j’me suis pas gêné. Après, j’dis pas non si l’occasion se présente... » Pas plus que d’habitude. Je souris en le regardant. Je savais pas qu’il était du genre toujours open, comme ça. C’est vraiment un type particulier. Il sort, seul, juste parce qu’il avait envie de sortir et il avoue être toujours ouvert aux bonnes occasions. C’est peut-être pour ça que ça m’étonnait pas, tout à l’heure, qu’il soit bi’ : ce type dégage quelque chose de lascif. Je pensais pas dire ça de lui, j’avoue. Il a certainement un tableau de chasse assez conséquent, ce qui explique qu’il ait aussi eu son lot de mauvaises expériences. « Ce serait quand même un comble si toi tu repartais avec quelqu’un et moi non alors que pour moi c’était prévu et pas toi. » Je suis plus amusé que piquant, en disant ça. Je serais clairement dégoûté si ça arrivait vraiment mais, ouais, ça aurait quelque chose d’ironiquement amusant.
Quoi qu’il en soit, il a réussi à me faire grave douter. Et à me déprimer. J’avais pas envie de réfléchir sur ma relation avec Andy. Je vous l’ai déjà dit : réfléchir, dans cette situation, c’est juste se faire du mal. « A cause de l’autre chaud lapin ? Hé ben j’te pensais plus rôdé que ça. Tu dois bien y réfléchir pourtant non ? Au fait qu’tu sois jeune et qu’tu gâches ces belles années à cause d’un type qui te voit même pas pour c’que t’es vraiment. » Il est trop heureux d’enfoncer le couteau dans la plaie. Je croise les bras, à nouveau franchement sur la défensive. J’aurais dû le rester d’ailleurs. Je gâche rien du tout. Puis ça veut rien dire ce que je suis vraiment. « Si tu t’ouvres pas aux expériences alors que l’autre se gêne pas, c’est toi qui m’déprime. » Techniquement, il marque encore un point. C’est vrai que je devrais pas m’empêcher de ‘m’ouvrir aux expériences’ c’est juste que ça me chauffe pas tant. « J’espère que t’as conscience que j’te lâcherai jamais parce que t’es juste trop marrant à emmerder. » Il m’énerve, putain. On dirait un gamin sadique qui arrache les ailes d’une mouche. C’est moi la mouche, of course. « Mais je m’ouvre aux expériences. », je marmonne, bien que ce ne soit qu’à moitié vrai. « En plus tu fais chier, franchement, ça me regarde ce que je fais de ces ‘belles années’. C’est pas gâché. Tu sais pas comment c’est, t’es pas là. » Je marche beaucoup trop facilement. Je le sais en plus que c’est son but que je réagisse comme ça mais je me fais quand même avoir comme un bleu. Le sujet est trop sensible. « C’est pas comme si je pouvais le contrôler en plus. Bien sûr que ce serait plus simple d’en avoir rien à foutre. Si tu vas par là, tout est plus simple quand t’as aucune émotion, d’ailleurs. T’es plus jamais triste. Mais t’es plus jamais heureux non plus. » Je me calme, ça sert à rien de s’emporter. Il va juste me trouver ridicule, de toute façon, quoi que je dise. « Je sais que c’est à sens unique mais qu’est-ce que tu voudrais que je fasse ? Arrêter de le voir ? Ça changerait rien à sa vie, y a que moi qui serait triste. Y a que moi qui ait quelque chose à perdre. » C’est à cause de ce genre de raisonnement foireux que je continue de le voir depuis plus de deux ans : je profite de tout ce qu’il veut bien me donner, avant qu’il n’en ait marre et passe définitivement à autre chose. Je ne veux rien perdre de lui. « Peut-être que demain il me dira qu’il ne veut plus me voir, en attendant j’en aurais profité. » J’hausse les épaules. C’est peut-être moi le plus épicurien là-dedans au final, non ? Je prends les choses comme elles viennent. Ok, j’avoue, ça c’est seulement la théorie. En réalité Ambroise a raison et c’est pas facile tous les jours mais je lui en ait déjà trop dit, à celui-là.
Ambroise ne manque pas de taquiner Danny, parce que c’est drôle, comme avec les autres. Ce gars n’est pas différent des autres. Bonnie apprécie ce jeu pour connaître les limites des gens, leurs réactions, et encore une fois, c’est surtout pour son amusement personnel. Mais ils finissent par parler d’Andy, et il ne mâche pas plus ses mots. Il fait plus attention, certes, cependant c’est bien le fond de sa pensée qu’il exprime. Et ça ne plaît pas, c’est normal, Danny se pétri de rêves et d’espoirs, en se contentant de ce qu’il a, sans penser qu’il est le looser de l’histoire. Avec un peu de chance, il en aura marre d’Andy et passera sans problème à autre chose, mais si c’est Andy qui le lâche... Ambroise parie sans problème qu’on retrouva alors Danny dans une très mauvaise passe. Le sens-unique, ça craint. On avance ou non, mais on ne reste pas planté là comme un légume en attendant que l’autre nous réduise en sharpie en malmenant nos sentiments. Enfin bref. Avec une autre chance, Andy développera des sentiments pour le gamin et tout ira bien pour un temps, vive l’amour, tout ça. Mais l’apathie de Danny est vraiment ce qui énerve Ambroise. Il ne sait même pas pourquoi, il peut bien faire ce qu’il veut. Faut croire que ça lui fait de la peine, et qu’il ne veut pas voir Danny se faire utiliser comme ça par un type qui pense d’abord avec sa bite.
Néanmoins ! Il arrive à faire changer le sujet quelque peu. D’abord le fait que le sexe ne fait pas tout, qu’on peut s’en passer, et qu’il faut parfois sans passer. Mieux vaut être seul que mal accompagné, ça vaut pour cette situation aussi. Danny reste silencieux mais rougit quand Bonnie demande s’il n’a connu qu’Andy. Il n’espère pas, franchement. Il le dit, d’ailleurs. Tout ça ne le regarde pas le moins du monde, il le sait très bien, mais c’est un pro pour se mêler de ce qui ne le regarde pas. Après tout, il donne bien son avis sur toute nana qui flirte avec son meilleur ami. Qu’il est chiant... Et il adore ça. Le plus jeune avoue alors qu’Andy n’a pas été le seul, et puis qu’il sait sûrement transformer les mauvaises expériences en bonnes, puisqu’il ne fait pas attention à les éviter. A cela, Ambroise fronce le nez, observant Danny de haut en bas, très peu convaincu. « Mouais, ou alors tu t’allumes dès qu’on t’touche et t’es pas difficile à contenter », marmonne-t-il par-dessus son verre, avant d’en prendre une gorgée.
Parler d’autres mecs, ça les divertit ensuite un instant. Parlant d’un ton très naturel, comme s’il n’imaginait pas déjà dans sa tête de se retrouver au lit avec les gens qu’il indique, Ambroise présente une petite sélection à Danny, qui semble assez d’accord avec lui. Il sourit alors, plaisantant sur le fait que l’un ou l’autre pourrait peut-être le consoler si Andy le plantait véritablement. « Hé, qui n’tente rien n’a rien », répond Bonnie, conscient qu’il n’y avait rien de sérieux dans la suggestion du plus jeune, tellement accro à son Andy. Il demande alors si Ambroise lui est en chasse, pour sortir seul ainsi. Toujours avec une sérénité désarmante, il explique ne pas chercher la chose plus que d’habitude. Il voulait simplement sortir, même si personne ne pouvait l’accompagner ce soir. Il arrive à ne pas s’attacher à ce genre de choses, être seul lui va bien. Ça lui a permis de rencontrer une bande assez sympathique dans le bar précédent d’ailleurs. Accoudé au bar, il scanne toujours la salle, mais comme tout à l’heure, avant l’arrivée de Danny, rien n’accroche réellement son attention. Il arbore son sourire en coin de sale gosse quand Danny fait remarquer l’ironie que la fin de soirée pourrait offrir. Lui seul, alors qu’il attendait Andy, et le scientifique accompagné, alors qu’il était seul. « Ça risque fortement d’arriver tu sais... J’pourrais même parier là-dessus », rétorque-t-il en haussant les sourcils d’un air entendu. Ce qui serait drôle aussi ? Qu’ils finissent l’un avec l’autre. Mais franchement, juste pour dégoûter Danny, il ira volontiers piocher quelqu’un dans le lot pour le séduire et partir avec, comme un prince.
Cependant, la déprime qu’à réussi à instiller Bonnie ressurgit, laissant le plus jeune avec un air défait. C’est dommage de le voir ainsi, or la vérité doit bien sortir à un moment. Bonnie en rajoute une petite couche même, histoire de bien ancré ces notions dans la tête du gamin. A nouveau sur la défensive, ce dernier réplique qu’il s’ouvre en effet aux expériences, puis lui fait remarquer que ce qu’il fait de sa vie n’est pas ses affaires. Comme prévu, c’est encore assez intéressant pour qu’Ambroise prête attention au baratin qu’il utilise pour se convaincre lui-même. Il a fait mouche. Et il est content. Il le laisse continuer un moment, avant de glisser une idée alors que Danny demande ce qu’il pourrait faire, car ne plus voir Andy ne ferait que le punir lui-même. « Confronte-le, tente des choses, je sais pas, doit bien y avoir des ouvertures à un moment donné. J’te dis pas de t’en foutre, je te dis d’agir, c’est différent quand même. » Il esquisse un sourire. Des paroles trop pleines d’espoirs, sans doute, mais réellement Ambroise ne sait pas comment Danny fait pour rester dans le flou. Ce n’est pas dans sa nature de rester les bras ballants et dans l’ignorance, vraiment pas.
« En attendant, tu vas surtout regretter de ne pas avoir tenter quelque chose. T’en aura profité ouais, mais t’arrivera à passer à autre chose facilement ? Vivre ça comme une rupture alors que vous étiez pas un couple c’est masochiste j’trouve. Enfin tu fais comme tu veux, comme tu dis y’a qu’toi qui as des choses à perdre, mais ça, tu le sais pas, au fond. Peut-être qu’il tient aussi à toi, à sa manière. » Il hausse les épaules, délaissant son sourire pour se faire un peu plus sérieux. Il observe un instant le whisky au fond de son verre. « S’il est un peu comme moi et qu’il fait la différence entre le sexe et les sentiments, il pourrait être capable d’aller voir à droite à gauche tout en revenant toujours vers la même personne à la fin de la journée. C’est une autre façon de voir le couple. » En parlant de ça, il ne peut s’empêcher de noter qu’il fait ça, de façon très grossière. Il va voir ailleurs, navigue, mais au final, c’est toujours vers Clément qu’il trouve son point d’ancrage. Mais c’est un tout autre putain de sujet, alors il tourne à nouveau son regard sur Danny. « M’enfin, j’le répète tu fais c’que tu veux, et l’problème si tu m’écoute, c’est que j’pourrais plus te charrier ensuite, et ça me ferait de la peine », explique-t-il avec une légère moue attristée, jouée. C’est vraiment un petit con, à instiller ce genre d’idées pour faire réfléchir le pauvre Danny, qui n’a rien de demandé, pour conclure avec le fait qu’il est assez grand pour décider seul. Il n'aura pas perdu sa soirée, en tout cas.
Ça a pas l’air de le convaincre quand je dis que je suis bon au pieu. Il me regarde de haut en bas et il fronce même le nez d’un air dégoûté. Sympa. « Mouais, ou alors tu t’allumes dès qu’on t’touche et t’es pas difficile à contenter. » J’arques un sourcil, un peu offensé. Il me traite de mec facile, tranquillement. Ça servirait à rien de le contredire alors j’hausse les épaules, l’air de dire qu’il a peut-être raison. Peut-être que je m’allume trop vite, je sais pas, j’ai jamais été dans le corps de quelqu’un d’autre, je peux pas faire la comparaison. Sinon c’est peut-être une question d’hormones, à dix-neuf ans c’est encore Fukushima dans mon corps. Quoi qu’il en soit, j’ai pas à me plaindre de ma vie sexuelle. C’est ma vie amoureuse qui pue. D’autant plus quand Ambroise me force à y réfléchir. Au quotidien, sinon, ça va. J’ai une vie assez remplie pour ne pas me morfondre là-dedans. Soit je vois Andy et j’en profite, soit j’ai trop de choses à faire pour avoir le temps de me tailler le cœur trop profondément. Evidemment, agir comme si de rien était est beaucoup moins facile quand je discute avec un mec qui s’est tapé le Colombien et qui, en plus, se permet de me donner des conseils.
La conversation dérive une seconde sur les autres mecs baisables de ce bar et je lui demande s’il pense qu’ils accepteraient de me consoler. « Hé, qui n’tente rien n’a rien », il me répond, à nouveau pas très convaincu. Si j’étais du genre à douter de moi, je serais en PLS right now. Je doute pas. Je sais que si je le tente, comme il dit, je l’ai. Je me suis pris des râteaux dans ma vie, hein, j’dis pas, mais c’est quand même rare puis ça me dégonfle pas. N’empêche que ce serait quand même un beau doigt d’honneur s’il rentrait avec quelqu’un et moi pas. Ça serait drôle mais je serais un peu deg’ quand même, c’est sûr. « Ça risque fortement d’arriver tu sais... J’pourrais même parier là-dessus. » Pas question qu’on fasse un pari là-dessus, j’ai pas envie d’être amputé de quelques dollars en plus d’être seul, faut pas déconner. « Ouais je te crois, pas besoin de parier. » En plus ça porte malheur. J’ai envie de continuer à croire qu’Andy va venir. Même si ça commence à faire longtemps là.
Il m’accuse ensuite de gâcher mes belles années et de ne pas m’ouvrir aux expériences. Je me défends, même si je dois pas être au top de la crédibilité. Je dis que je tente des trucs et que, si, je suis ouvert aux expériences. Mais ce n’est qu’à moitié vrai. Ne fut-ce que parce que les autres mecs, quand il y en a, je les considère pas une seule seconde comme de potentiels futurs copains. C’est surtout de ce côté de là que ça bloque et le pire c’est que c’est automatique, j’y pense même pas. Il est fort pour critiquer Ambroise, mais qu’est-ce qu’il voudrait que je fasse ? C’est pas comme si je pouvais menacer Andy de mettre fin aux choses. A tous les coups, il hausserait les épaules et me dirait simplement de m’en aller, d’un ton égal. Parce que ça lui serait égal. « Confronte-le, tente des choses, je sais pas, doit bien y avoir des ouvertures à un moment donné. J’te dis pas de t’en foutre, je te dis d’agir, c’est différent quand même. » Agir, c’est menacer cet équilibre qui est beaucoup trop fragile. En plus, je vois mal ce que je pourrais tenter. Le confronter, comme il dit, je pense vraiment pas que ce soit la solution. « Je pense que tu te rends pas compte. » J’ai un peu la gorge qui se serre, je me sens con, je bois une gorgée de cocktail pour faire passer ça. C’était qu’une seconde d’égarement, aller, Cheer up, Danny. « Il a toujours été clair sur ça, il veut pas de sérieux. Encore moins si je le lui demande en mode accro. » Je suis juste certain que c’est un coup à ne plus le voir pendant des mois, voir ne plus le voir du tout si je lui demandais ça. Genre même si je fais semblant que c’est pas un big deal et tout. C’est juste mort d’avance. « En attendant, tu vas surtout regretter de ne pas avoir tenter quelque chose. T’en aura profité ouais, mais t’arrivera à passer à autre chose facilement ? Vivre ça comme une rupture alors que vous étiez pas un couple c’est masochiste j’trouve. Enfin tu fais comme tu veux, comme tu dis y’a qu’toi qui as des choses à perdre, mais ça, tu le sais pas, au fond. Peut-être qu’il tient aussi à toi, à sa manière. » Ouais j’imagine qu’il me déteste pas, quoi. C’est vrai que ça fait quand même longtemps qu’on se voit. Il aurait pu me dégager depuis longtemps, en d’autres termes et, pourtant, ça continue.
Quant à savoir comme je le vivrais s’il finissait vraiment pas me dégager, à vrai dire, je n’y ai jamais pensé sérieusement. Ça a toujours été une possibilité un peu lointaine quoi. Comme la mort, un peu. Genre j’sais que je vais crever un jour mais ça me fait pas flipper plus que ça, c’est loin, je suis jeune. Là c’est pareil, je sais que ça va se terminer un jour, certainement brusquement, mais avec de la chance, ce sera pas demain. « S’il est un peu comme moi et qu’il fait la différence entre le sexe et les sentiments, il pourrait être capable d’aller voir à droite à gauche tout en revenant toujours vers la même personne à la fin de la journée. C’est une autre façon de voir le couple. » C’est intéressant ça. Pas qu’il y ait plusieurs façons d’envisager le couple, merci je suis pas si con, mais plutôt l’idée de toujours revenir vers la même personne. J’y avais jamais vraiment réfléchi mais c’est possible que je sois celui de ses plans culs qui est là depuis le plus longtemps dans sa vie, non ? J’en sais rien, il ne me parle pas des autres mais là ça fait quand même presque trois ans. « M’enfin, j’le répète tu fais c’que tu veux, et l’problème si tu m’écoute, c’est que j’pourrais plus te charrier ensuite, et ça me ferait de la peine. » Je lève les yeux au ciel. « C’est ça, je suis sûr que je te manquerai, tiens. » Je souris un peu. Il est chiant Ambroise et c’est vrai qu’il m’arrive assez souvent d’avoir envie de lui en foutre une. Mais d’un autre côté, il est franc et c’est assez rare comme qualité. Puis y a pas tellement de gens avec lesquels je parle d’Andy. Alors, ouais, si j’en parle pas c’est parce que j’ai pas envie que des petits cons ou des petites connes mettent leur sale nez là-dedans mais, quand même, je m’habitue au sale nez d’Ambroise.
« Ça se peut que je le vive comme une rupture s’il ne veut plus me voir, ouais. Mais ça me semble inévitable comme émotion, au point où on en est. C’est pas ça le problème pour moi. Déprimer à cause d’une rupture, c’est nécessaire pour faire le deuil et passer à autre chose. » C’est quoi le problème alors ? Le statu quo mais comme c’est exactement ce qu’Ambroise essaye de me dire depuis tout à l’heure, je me tais. J’aime pas donner raison à ce type, surtout qu’il le sait qu’il est dans le juste, c’est bon. Au fond de moi je sais, donc, qu’il faudrait peut-être que je fasse quelque chose pour soit tout terminer soit avancer mais je parviens pas à m’y résoudre. Ça me fait trop flipper. Je veux pas le perdre. « Sinon, ouais, j’imagine qu’il est un peu comme toi et qu’il fait la différence entre sexe et sentiments. C’est peut-être le début de la solution. » Même si tant qu’à faire, je préfère une relation exclusive mais j’imagine que je suis pas trop en position de faire mon difficile. « Tu pourrais vraiment te mettre en couple et continuer à aller voir ailleurs ? » Je pose la question pour avoir un peu des détails sur le délire. Je gère clairement la théorie et j’ai déjà baisé sans sentiments, of course, mais y a quelque chose qui me dit que dans le contexte d’un couple, ça tient moins bien la route. « Genre, ce serait pas parce que ça va pas dans ton couple ? » Je peux pas tellement m’empêcher de le voir comme ça, même si je sais que c’est un peu dépassé comme façon de penser, limite réac’. Peut-être que je suis un peu vieux jeu, j’sais pas. Je termine mon verre et je fais signe au barman de m’en mettre un deuxième. « Et si ton copain, ou ta copine, te demandais d’arrêter, tu ferais quoi ? Tu déciderais que c’est pas la bonne personne parce qu’elle comprend pas ? » C’est des vrais questions, je réfléchi un peu à voix haute sur cette piste. Je pense pas qu’Andy arrêterait de se taper tout ce qui bouge si je le lui demandais – et ça même dans le cas improbable où il aurait accepté qu’on soit en couple – alors peut-être que ça veut simplement dire qu’on est pas fait pour être ensemble ? Je sais pas, putain. D’ailleurs si ça se trouve ça me dérangerait pas comme arrangement. Je suis un peu perdu, je vous ai dit que j’aimais pas y réfléchir trop.
Ambroise est franc, parfois trop, cependant il ne s’embarrasse pas de remords à ce propos. La vérité est importante, et il ne ment jamais pour faire plaisir ou rassurer. Il a l’impression que cela revient à trahir la personne. Il n’arrondit pas les bords, non plus, il ne sait pas et ne prend que rarement la peine de faire des efforts. Danny ne fait pas exception, il goûte à Bonnie dans toute sa splendeur. Un Bonnie qui n’a pas peur de dire ce qu’il pense. Ça lui retourne sans doute la tête d’être confronté à son avis tranché sur la relation qu’il entretient avec Andy, et il est même sous-entendu que c’est un gars facile. Ambroise n’en sait rien, mais c’est une hypothèse comme une autre puisque monsieur se vante de savoir transformer les mauvaises expériences au pieu en bonnes. Sinon, c’est qu’il a du bol pour n’être tombé que sur des bombes. D’un autre côté, Ambroise n’en compte pas que quatre ou cinq conquêtes, alors forcément il est logique qu’il se soit parfois retrouvé avec une personne sans talent pour les choses du sexe. Après, les hormones jouent aussi, et à 19 ans il n’était pas aussi pointilleux sur ses partenaires. Ça lui est vite passé après quelques déceptions.
Enfin bon. Ils s’attardent ensuite sur les types présents et en remarquent deux trois de tout à fait alléchants. Danny se demande si l’un deux voudra le raccompagner au cas où son latino ne viendrait pas, et l’étudiant hausse les épaules en disant que c’est faisable, qu’il suffit d’essayer. Puis il s’amuse en rétorquant que le cauchemar de Danny pourrait parfaitement devenir réalité : lui, seul, et Bonnie, accompagné. Dommage, le plus jeune refuse la proposition de pari, et son expression lui arrache un rire. Puis Danny revient sur son état de PLS intérieur à cause de leurs réflexions un peu plus tôt au sujet d’Andy, et encore une fois Ambroise ne prend pas de gants. Il a peut-être tort, il ne connait peut-être pas Andy aussi bien que lui, mais ses quelques rencontres lui a permit de cerner son type. Et ce n’est pas le premier coureur qu’il rencontre. Danny lui rétorque qu’il n’a pas vraiment idée de la situation dans laquelle il est, qu’Andy a été toujours clair, et qu’il ne veut pas paraître accro. Ambroise l’observe un instant, puis, après une gorgée d’alcool, reprend la parole.
Sans doute que Danny regrettera de ne rien avoir tenté après coup, c’est une possibilité. Et puis le jour où Andy ne voudra plus de lui... Ah Bonnie n’aimerait vraiment pas être à sa place. Mais il ajoute une pointe d’optimisme, en soulignant que malgré tout, le latino revient toujours vers le jeune homme. C’est peut-être ça la solution, un couple libre. Danny paraît intéressé et intrigué par cette idée, mais Bonnie est rapide à ajouter qu’il fait ce qu’il veut après tout, et, avec un peu d’humour, que ça l’ennuierait de ne plus pouvoir l’emmerder, ce qui fait réagir le petit jeune avec autant d’ironie. Etant arrivé à lui tirer un sourire, Bonnie prend ça pour une petite victoire en terminant son verre de whisky. Puis Danny répond réellement à ses interrogations. Il suppose en effet qu’il vivra la fin de leur relation de plan cul comme une rupture, mais qu’il n’y pense pas pour le moment, et l’accepte presque. Ce qu’Ambroise trouve dommage, car c’est juste pour du sexe au final, ça doit être très frustrant, mais pas un problème pour autant d’après Danny. Du coup on en revient au même point : le problème c’est de se contenter de ce qu’il a, de rester bien sage comme un petit toutou à rappliquer dès que le latino siffle pour profiter comme il peut de chaque seconde passée avec lui. Danny n’est certainement pas stupide, et Bonnie sait qu’il n’a complètement tort dans son analyse de la situation (l’absence de commentaires du plus jeune le conforte dans ce sens d’ailleurs).
Cependant, Danny voit peut-être une lueur d’espoir. Si Andy sépare sexe et sentiments, et qu’il voit régulièrement le jeune homme depuis longtemps, il s’agit peut-être de ce qui se rapproche pour lui d’une relation de couple idéale. Chacun y trouverait peut-être mieux son compte, car celui qui s’en tire le mieux pour l’instant, c’est le colombien. Ambroise se demande un instant s’il a conscience des sentiments de Danny, s’il est aveugle ou stupide ou assez égoïste pour profiter du gamin sans se soucier de ce qu’il pense. Danny pose alors une question qui fait réfléchir quelque peu l’australien. « Faudrait déjà que j’sois du genre à me mettre en couple, et c’est pas gagné. » Il hausse les épaules. « J’suis pas le bon exemple, j’ai pas de cœur. » Il rit légèrement, mais redevient sérieux. « Je suis trop difficile et j’tombe pas amoureux, et puis ça me saoule vite les attentes de l’autre et tout, je trouve que c’est des emmerdes pour rien. Mais dans l’hypothèse où je me retrouve en couple, je sais que j’aurais besoin de garder une certaine liberté. J’dis pas que je ferais pas de compromis, mais il faut que j’ai le choix. Faut que ça reste juste pour du sexe par contre, si ça devient autre chose c’est que y’a effectivement un souci. » Il marque une pause, réfléchissant cette fois-ci à l’autre question. « Je ne sais pas je t’avoue... Si je l’aime assez je ferais peut-être des efforts, mais y’a plus de chances que j’quitte la personne. Après, c’est comme ça que je fonctionne, si on m’empêche de faire ce que je veux je fuis, c’est systématique. Mais pour d’autres c’est différent. » Il regarde alors Danny. « Faut trouver ce qui marche pour les deux personnes, si l’un y perd au change c’est qu’il y a un problème. Si mon copain ou ma copine veut aussi voir ailleurs je les laisserais faire, tant que je passe avant tout. De même cette personne passera avant le reste pour moi. »
Ambroise reporte son regard sur la salle, réfléchissant toujours à ce qu’il vient de dire, néanmoins le sujet est très vaste. Aucune chance d’en faire le tour dès maintenant. « Après, il arrive que les gens changent... » marmonne-t-il, presque pour lui-même avant d’observer le jeune homme à côté de lui. « La question c’est toi, tu pourrais accepter qu’Andy aille de temps en temps voir ailleurs si vous vous mettez en couple ? Si ça veut dire qu’il est heureux comme ça ? Si t’es déjà son régulier, vois ça comme un bon départ. Il m’a souvent dit qu’il ne se tapait pas plus de quelques fois le même mec, mais depuis que j’te connais vous couchez ensemble, et ça fait bien un petit moment déjà. » Il hausse les épaules, avant de se tourner vers le bar pour y déposer un billet et demander un dernier verre. « Ca vaudrait peut-être le coup d’en discuter avec lui, c’est tout c’que j’dis. Peut-être qu’il sait même pas ce que tu ressens pour lui et qu’il se permet de te poser un lapin pour cette raison. Et s’il le sait, que tu lui en parles lui choquera pas, et si l’idée lui plaît pas, il voit bien que t’es capable de te contenter du rôle de sex-friend. Alors je sais pas trop de quoi t’as peur au final... » Il hausse les épaules une nouvelle fois en portant son verre à ses lèvres, puis regarde machinalement l’heure. « En tout cas il est bien en retard non ? T’as des nouvelles ? »
On parle de séparer le cul et les émotions et ça m’intéresse. Dans la mesure ou c’est ce qui m’a l’air le plus accessible pour l’instant dans la relation entre Andy et moi. Je pose des questions à Ambroise pour en savoir plus sur ce genre de deal. En théorie, je comprends bien et je suis moi-même assez capable de faire cette différence mais je vois pas trop ce que ça peut donner dans le cadre d’un couple ou quelque chose comme ça. Je suis pas certain que ça fonctionne, quoi. « Faudrait déjà que j’sois du genre à me mettre en couple, et c’est pas gagné. J’suis pas le bon exemple, j’ai pas de cœur. » Je fronce un peu les sourcils, étonné. C’est quand même bizarre de dire ça. J’aurais pas dit ça de lui. Après, c’est sûr que je le connais pas assez. J’ai bien envie de lui poser des questions, sur ce qui lui fait dire ça et tout mais je me dis qu’on est pas assez amis pour ça. C’est pas mes affaires et je suis pas là pour le rassurer quant à sa capacité d’aimer. « Je suis trop difficile et j’tombe pas amoureux, et puis ça me saoule vite les attentes de l’autre et tout, je trouve que c’est des emmerdes pour rien. Mais dans l’hypothèse où je me retrouve en couple, je sais que j’aurais besoin de garder une certaine liberté. J’dis pas que je ferais pas de compromis, mais il faut que j’ai le choix. Faut que ça reste juste pour du sexe par contre, si ça devient autre chose c’est que y’a effectivement un souci. » C’est un besoin de liberté, alors. Dans une certaine mesure, je peux comprendre. C’est presque une question de principe quoi, il a pas envie qu’on lui interdise quoi que ce soit. Du moins c’est que je comprends et je trouve ça assez noble. D’un autre côté, je trouve que c’est quand même un peu extrême de voir la fidélité comme une perte de liberté. Mais je dois être trop idéaliste. Je suis perdu sur cette question. Je me dis que si ton couple t’apporte pas plus de bonheur que la perspective de coucher avec plein de monde, ça vaut pas la peine. En même temps, je suis tout à fait d’accord de dire que c’est le duo que tu formes avec quelqu’un qui compte et qu’être fidèle au duo, ça veut pas d’office dire ne pas aller voir ailleurs. Quelle prise de tête, putain.
Je lui demande s’il quitterait le mec ou la meuf si il/elle ne comprenait pas et lui demandait l’exclusivité. « Je ne sais pas je t’avoue... Si je l’aime assez je ferais peut-être des efforts, mais y’a plus de chances que j’quitte la personne. » Puis il ajoute que c’est un truc à lui ça : faut pas l’empêcher de faire ce qu’il veut, sinon il fuit. C’est sûr que je voudrais pas être quelqu’un qui empêche. Le but n’est pas de rendre Andy malheureux. « Faut trouver ce qui marche pour les deux personnes, si l’un y perd au change c’est qu’il y a un problème. Si mon copain ou ma copine veut aussi voir ailleurs je les laisserais faire, tant que je passe avant tout. De même cette personne passera avant le reste pour moi. » J’acquiesce, faut quelque chose qui contente tout le monde. Un couple, ça se négocie à deux. Puis, ouais, ça se rapproche de ce que je pensais une seconde plus tôt cette histoire de faire passer le couple avant tout.
Il marmonne que parfois les gens changent et je ne relève pas. « La question c’est toi, tu pourrais accepter qu’Andy aille de temps en temps voir ailleurs si vous vous mettez en couple ? Si ça veut dire qu’il est heureux comme ça ? Si t’es déjà son régulier, vois ça comme un bon départ. Il m’a souvent dit qu’il ne se tapait pas plus de quelques fois le même mec, mais depuis que j’te connais vous couchez ensemble, et ça fait bien un petit moment déjà. » Ouais, c’est ça la question. Et je sais pas y répondre. Y a plein de fois où ça me dérange pas. Sur ces deux dernières années, en vérité, ça m’a pas dérangé plus que ça. Je vais pas dire que j’étais fan de l’idée mais je me posais pas trop de questions. C’est plutôt ces derniers temps que ça commence à m’emmerder plus. Depuis que j’ai passé une semaine chez lui et que j’ai beaucoup trop aimé ça. Une semaine où c’était que nous. Du moins, à ma connaissance. En tout cas, c’est con mais je me l’étais jamais vraiment formulé comme ça, que j’étais son régulier. Pourtant c’est vrai qu’on se voit depuis longtemps. Une partie de moi se disait que ça devait être comme ça pour plusieurs autres personnes mais Ambroise me détrompe en me disant qu’il ne voit les autres que quelques fois maximum. Intéressant. « Théoriquement je pourrais l’accepter. D’autant plus, ouais, si je suis plus important que les autres. Après, dans les faits, je sais pas trop, ça reste à tester. Je m’autorise pas à réfléchir à ça, d’habitude. Vu que ça sert à rien. Du coup, j’sais pas trop. » Bah ouais ça sert clairement à rien de me faire des films et des plans pour un truc impossible. Même si c’est vrai que ça me donne assez confiance d’imaginer que je suis celui qui reste.
« Ça vaudrait peut-être le coup d’en discuter avec lui, c’est tout c’que j’dis. Peut-être qu’il sait même pas ce que tu ressens pour lui et qu’il se permet de te poser un lapin pour cette raison. Et s’il le sait, que tu lui en parles lui choquera pas, et si l’idée lui plaît pas, il voit bien que t’es capable de te contenter du rôle de sex-friend. Alors je sais pas trop de quoi t’as peur au final... » J’ai peur que tout s’arrête d’un coup. Mais peut-être que je devrais commencer à récolter le courage de lui parler de ça, c’est vrai. Ce qu’il y a c’est que j’ai pas l’impression que c’est une conversation dont on pourrait revenir. Genre ça passe ou ça casse quoi. Plus moyen de faire comme si de rien était. « J’ai peur que ça le refroidisse à fond. Mais t’as raison. Je vais y penser. » Un jour. Sûrement. Quand je trouverai le courage. Et que je serai moi-même certain de ce que je veux. « En tout cas il est bien en retard non ? T’as des nouvelles ? » Je sors mon tel de ma poche pour vérifier ça et je secoue la tête : pas de nouvelles. Je devrais peut-être lui envoyer un message pour être fixé. Sauf que c’est à ce moment-là qu’Andy entre dans mon champ de vision. « Putain, il est là ! », je m’écrie presque. Faut dire que j’étais à deux doigts de perdre espoir, avec tout ça. Je lui fais signe par reflexe, même si en vérité j’ai plus envie de partir avec lui que le faire venir au bar. Surtout qu’on va quand même pas l’intégrer à la conversation comme si de rien était. Tiens, justement, on parlait de toi et du fait que j’osais pas te dire que j’ai des sentiments pour toi. Bonjour l’angoisse. « J’vais peut-être te laisser ? » Moi, le chasser ? Si peu. Je me sens carrément pas délicat mais j’ai envie d’être seul avec Andy. « Merci pour le verre puis, euh, ben pour tes conseils. C’était sympa. » Un peu déprimant, ouais, mais étrangement je pense que ça partait d’une bonne intention. Je sais pas ce que je serai capable de faire de tout ça, sinon. On verra bien dans le futur. J’ai bien tout enregistré dans un coin de ma tête, en tout cas.
Ca ne devait être qu’un verre avec un client d’après ton boss, mais il s’avère que c’était un repas. Un dîner donc. Pas du tout ce que t’avais prévu pour ce soir. Tu ne pouvais pas refuser, c’était trop tard et c’était aussi un trop gros client. Tu bosses avec lui depuis pas mal d’années et là il veut modifier les termes du contrat et en parler autour d’un verre. Non. Autour d’un repas. T’es là juste pour faire de la figuration parce que le boss est là aussi. C’est lui qui gère le contrat. Toi t’es là pour répondre aux questions pratiques. Tu te fais royalement chier. Heureusement que la bouffe est bonne, ça a au moins ce mérite là. Tu arrêtes pas de regarder l’heure sur ton téléphone. T’essaies d’être discret mais tu penses pas l’être. Au fond tu t’en fou un peu. Surtout que t’es très peu sollicité, t’as le droit d’être saoulé.
Quand il est 23h, tu pries pour que ça se termine au plus vite. Et t’as un peu de chance dans ta malchance, parce qu’ils prennent pas de dessert. Le repas le plus long du monde selon toi. Ca touche enfin à sa fin et tu ne perds pas de temps à leur dire au revoir et filer.
Un point positif, c’est qu’à deux pâté de maison du bar où t’as dit à Danny de te retrouver. Du coup tu prends pas le temps de lui envoyer un message. Tu marches assez vite pour le rejoindre rapidement. Tu entres dans le bar, tu te dis que c’est mort, il sera pas là, il sera parti, mais non. Il est là. Au comptoir. Il te capte et tu va jusqu’à lui, tu glisses ton bras dans son dos.
« On bouge. »
T’as envie de rentrer chez toi. T’es légèrement saoulé par ta soirée, ça se voit sur ta gueule, alors tu veux vite pouvoir te changer les idées, donc le baiser dans un endroit tranquille, c’est à dire ton lit. Tu captes Ambroise à côté et tu lui fais un signe de tête en guise de bonsoir et puis tu tires Danny avec toi pour sortir de là.
La conversation a pris un tour très intéressant, même si cela implique qu’Ambroise parle beaucoup et dissèque un concept qu’il n’a jamais réellement pris le temps d’analyser. Pour lui, c’est normal d’agir ainsi, c’est sa façon de fonctionner, mais l’expliquer à quelqu’un... Danny, au moins, l’écoute, pose des questions, et paraît réellement si intéresser, signe que tout ce discours n’est sans doute pas inutile. Bonnie pense presque sans en douter qu’Andy pense un peu comme lui, à courir à droite à gauche. Cependant, il revient toujours vers l’étudiant. Après l’australien sait qu’il n’a pas le même mode de penser que les autres, il n’a pas du tout la même vision du couple, qu’il a toujours plus ou moins vécu comme une perte de liberté. Depuis qu’il goûte à cette liberté, il ne s’imagine pas être forcé de la laisser de côté sous prétexte qu’il est en couple. L’amour n’a rien à voir avec ce qu’il peut faire de son corps.
Enfin, tout ça est un peu compliqué à mettre en mots, et il a l’impression de finir par perdre un peu Danny. Alors il revient sur le sujet d’avant, presque le sujet principal de leur soirée ; sa relation avec le colombien. Un bon couple, c’est lorsque les deux personnes y gagnent autant. Il n’y a pas de secret, il faudra qu’il en parle avec lui car il a beau être jeune et naïf et tout innocent, il va sans doute finir par craquer. Et est-ce qu’il pourrait accepter de laisser sa liberté à Andy ? Il paraît réfléchir, tandis qu’Ambroise sirote son... il-ne-sait-plus-combientième verre. Finalement Danny reprend la parole pour expliquer qu’en théorie il pourrait en effet l’accepter, dans l’optique que le couple passerait tout de même avant tout. Mais dans la réalité, il n’a jamais testé. Ambroise esquisse un sourire il s’imaginant dans ses laboratoires à faire des tests, mais ça n’a rien à voir, et c’est l’alcool qui commence à faire divaguer son cerveau.
Il relève les yeux quand le jeune homme lui avoue qu’il y réfléchira finalement, et un sourire barre le visage du scientifique. Cette rencontre n’a pas été inutile finalement, si au moins il y a réfléchi. C’est sûr que ça ne sera pas évident, mais Ambroise ne s’imagine pas qu’Andy le laisserait tomber du jour au lendemain juste parce qu’il veut lancer une discussion sur leur situation. Bonnie hoche la tête, reprenant une gorgée de son whisky, avant de faire remarquer que dans tous les cas, Andy est super en retard. Et Danny n’a pas de nouvelles... Mais c’est alors que par miracle le colombien débarque dans le bar. Bonnie arque un sourcil, clairement étonné de le voir ici, mais en même temps, assez heureux que Danny ne soit pas délaissé. Parce que ce n’est jamais marrant ce genre de choses. Andy s’approche d’eux après que son.. mec.. lui ai fait signe comme une lycéenne qui attendait son crush. En vrai, c’est mignon, un peu pathétique quand on sait l’histoire, mais mignon.
Bonnie regarde sa montre. Plus de 23h, ce n’est plus être en retard à ce niveau-là, c’est être en avance sur le prochain rendez-vous. Il sourit à Danny, un sourire de connivence alors qu’il lève son verre. « Mais oui vas-y, et y’a pas d’quoi. On r’met ça quand tu veux », répondit-il, avec presque de la sympathie pour le jeune homme. En revanche, à la froideur d’Andy, il sort sa tête de blasé. « Bonsoir à toi aussi Andy », appuie-t-il sèchement. « T’es vachement plus sympa quand tu veux m’baiser dis donc. » C’était parti tout seul, il n’avait pu s’en empêcher. Y’avait un certain respect à avoir, il détestait être snobé ainsi, comme s’il n’existait pas. Et Bonnie peut être susceptible. Une mauvaise humeur n’excuse pas tout. Cependant il vide son verre cul sec, sans un autre regard pour les deux hommes. « Allez bonne soirée à vous deux », conclu-t-il avec de forts sous-entendus dans la voix et un léger sourire qu’il adresse à Danny une dernière fois avant de pivoter sur sa chaise et d’en descendre avec une grâce certaine. C’est pas tout, mais il a maintenant envie de se trouver un mâle, et il a déjà sa proie en tête, alors sans attendre il délaisse Danny et Andy, qui partent dans la seconde qui suit.