« Dude. À la prochaine sortie c’est moi qui prend le volant. » et je ne fais même pas l’effort d’être douce, alors que mon regard entendu est accompagné du klaxon de l’autre bagnole tout derrière. C’est que monsieur a le texto volage, et qu’il risque la survie de mon précieux fessier royal depuis des kilomètres déjà à lorgner comme un con sur l’écran de son portable entre les lignes jaunes et les lignes blanches, dans l’espoir de recevoir une réponse à son message envoyé y’a même pas 5 minutes. Chill out boy, que j’ai envie de lui dire - mais ça serait me répéter, et je déteste faire dans le vinyle qui saute sur les mêmes notes. Je préfère le piquer là où ça fait mal, et surtout de façon à l’émasculer au possible. Comme il est docile mon joli blond, lorsqu’il sent son pouvoir de mâle alpha passer entre mes blanches mains à peine dans un quart d’heure, comme l’annonce la prochaine signalisation qu’on croise en bordure du bitume. « C’est pas normal que je sue autant. Regarde la veine qui pompe dans mon cou - je vais en crever la prochaine fois que tu mets les freins aussi sèchement. »  preuves exhibées pour les besoins de la cause, parce que tu freines pas sur l’autoroute, parce que c’est genre le truc numero uno qu’on t’apprend à l’école de conduite. Il est pas vilain Kane, il est pas chauffard en soit, il a des manoeuvres relativement sécuritaires, mais ça, c’était avant que Cupidon ne vienne lui chauffer le boxer, et lui fasse rencontrer l’amour avec un grand A, ou un grand W en l’occurence. J’aime bien le voir, l’air béat, un peu stupide, les index qui pianotent distraitement sur son clavier alors qu’il essaie d’être autant attentif à moi qu’il pouvait l’être dès les premiers jours de notre roadtrip qui s’étire sur la côte australienne depuis des mois déjà. Je me plains pas, il avait été un partenaire de babyfoot plus que respectable, et il se prêtait comme un chef à mes 1001 conseils amoureux boboches improvisés sur le coin des tables gommées des bars qu'on écumait avec la troupe de théâtre parfois, en duo sinon. Pas compliqué, pas chiant, et il usait de la même marque de shampooing que moi, ce qui lui donnait plusieurs points supplémentaires. « Promis, tu peux choisir la playlist.  » c’est sûrement ce qui justifie ce que je lui concède le volet musical de l'habitacle, me faisant violence pour ne pas parier ma culotte que la première chanson qu’il mettra sera un truc bien cliché bien ringard bien larmoyant de l’autre band sur lequel Wendy et moi on s’est embrassé j’te jure c’était tellement romantique c’est notre chanson regarde Ariane je lui ai même fait le cover en vidéo. Il ralentit sous mes battements de cils entendus, insistants, se gare sur le bas-côté, et je prend place sur le siège conducteur, les lunettes de soleil bien vissées sur mon nez. « Alors t’as eu des nudes aujourd'hui, ou elle se fait encore désirer? » maintenant derrière le volant, j’ai un regain de sympathie pour son pauvre petit coeur qui recommence à aimer si naïvement. C’est fou ce que le potentiel sécuritaire de la van peut avoir sur mon côté sociable, j'en suis presque trop loquace.

Wendy. Je n’ai qu’elle en tête depuis que je l’ai rencontré au festival. On a passé toute la journée et toute la nuit ensemble, au festival. N’y voyez rien de sexuelle là dedans. A partir du moment où j’ai pris mon courage à deux mains et où je l’ai embrassé, on s’est rarement quitté l’un de l’autre. C’était le plus beau festival de ma vie. De la bonne musique, une jolie fille qui est tout aussi fan de musique que moi. C’était parfait. Je ne pensais pas qu’on pouvait tomber sur quelqu’un de si parfait pour soit et la preuve que si, ça existe. Rien à voir avec Diana, mon ex avec qui je suis resté 5 ans. Elle aimait la musique mais pas comme moi, pas les shows, elle connaissait pas toutes les paroles de Paramore comme Wendy. Je les ai beaucoup comparé mais une chose est sûr, Wendy m’a complètement fait oublié Diana. Notre rupture remonte à 8 mois par là et je l’ai plutôt mal vécu. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai décidé de faire ce road trip, pour me changer les idées, voir de nouveaux paysages. Et j’ai vraiment bien fait parce que cette rencontre avec Wendy, je ne m’en remets toujours pas. Elle est parfaite. Seul bémol, elle quitte l’Australie dans quelques mois et de mon côté j’ai un road trip à terminer. Unique moyen de garder contact pour l’instant, le téléphone. Et j’en abuse certainement un tout petit peu. Mais elle aussi ! Elle me répond dans la minute qui suit d’habitude. Pas là et c’est pas normal.

Je suis en train de conduire et j’essaie de ne pas trop regarder mon portable, mais j’ai du mal. D’ailleurs Ariane, mon acolyte de voyage m’en fait la remarque. Je pose mon téléphone entre mes jambes pour le sentir vibrer rapidement si j’ai une réponse. Ariane continue de me donner des arguments pour que je lui cède le volant mais c’est vrai que j’ai pas conduis de manière très sûre depuis qu’on a pris la route. C’est parce qu’on est dans une conversation plutôt très important avec Wendy et j’ai pas envie de m’arrêter là. Je veux savoir ce qu’elle va me dire. On parle de l’avenir et même si ça sent mauvais pour la suite parce qu’elle va partir en Inde, on va peut être pouvoir se voir en juillet, mais c’est pas sûr. Ariane parle de la playlist et ça me fait sourire. C’est vrai que c’est normalement celui qui conduit qui choisi, mais elle me fait une fleure. J’apprécie.

« Okay. »

Parce que la playlist c’est sacré. Je me retrouve du côté passager et je remets mon nez dans le téléphone. Ariane demande si j’ai eu des nudes et je roule les yeux.

« N’importe quoi ! C’est pas comme ça avec Wendy. »

On a pas été plus loin que la première base, je m’imagine pas qu’elle veuille déjà m’envoyer des nudes, même si je dirai pas non. Je fouille la boîte à gant où j’ai mis un tas de CD et je prends l’album « The best damn thing » de Avril Lavigne et je mets la chanson numéro 7. Je commence à chanter.

« You’re so good for meeee babyyyyy ! »

Je regarde Ariane continuant de chanter, je la connais approximativement.

« You make me so hot ! Make me wanna drop. (…) You make me wanna scream, you’re so fabulous, you’re so good for meee babyyyyyy. »

Et là je reçois un SMS de Wendy, j’arrête de chanter et je me plonge dans ma lecture. Je lui réponds rapidement et je me tourne vers Ariane.

« Tu crois qu’elle m’enverrait un nude si je lui en envoie un ? Enfin… Pas une dick pic. Mais torse nu quoi. »

Je me passe une main sur le torse instinctivement. Je considère vraiment le faire. Ariane est de bons conseils quand il s’agit d’histoire de filles.

Derrière le volant, je me sens beaucoup plus confortable, à ma place. Un tour de rétroviseur, de siège, de ceinture, et la fenêtre se baisse de quelques roulements d’épaules. La route est belle, le soleil pointe, les kilomètres se dessinent et ma vie n’est plus en danger ; tout roule, no puns intended. « Ouais, ouais, c’est bon. T’aurais encore plus rougi si j’avais misé juste et que t’en avais reçus déjà. » Kane s’emballe quand je lui demande si sa jolie Wendy lui a montré un peu de peau, et je dois avouer qu’un seul coup d’oeil dans la direction du blond me confirme que c’est encore bien loin avant d’arriver. Ça me fait presque mal limite, parce qu’il consacre de nombreuses heures par jour à semer des graines, à répondre présent à l’appel, à tenter de la faire rire. Il a arrêté de résister en idiot à mes conseils, il les suit de plus en plus, et comme ça lui arrache à chaque fois une combinaison de smileys particulièrement encourageante, je sens bien que ce n’est qu’une question de temps avant qu’il me donne les rennes de son portable pour que je la drague moi-même pour lui, la nana - et que je lui coltine un ou deux nudes pour la peine, justement. Comme il sait que je ne me tairais pas tant qu’il n’aura pas fait distraction, c’est Avril qu’il balance sur la chaîne radio et mon visage s’illumine. « Là tu parles. » C’est pas Let go, l’amour de ma vie, mais ça passe amplement. Note mentale à moi-même de le supplier pour un cours de guitare privé question que je maîtrise une bonne fois pour toute le solo de My Happy Ending, et c’est parti pour une séance de cris chants, où je fausse avec entrain et où il essaie vainement de rattraper mes notes avec ses octaves plus justes. Petit con.      

J’hausse le sourcil quand, après avoir dépassé un camion qui roulait devant nous comme un grand-père endormi, Kane remet les nudes sur le tapis. Ah bah voilà qui risque d’être intéressant. Un oeil sur la route, les doigts qui tapent le rythme sur le volant, je passe en mode sérieux, du moins, j’essaie. « Ça dépend de l’angle que tu choisis, ça change tout un bonne lumière et une posture droite. » totalement con, mais beaucoup trop commun de recevoir ce genre de photos que t’as simplement envie de poster sur internet accompagnées d’un facepalm. « Et pense à ton fond ; un truc neutre, pas de déco horrible, de siège de toilette remonté. » on se souvient tous de cette pauvre meuf qui avait oublié de tirer la chasse avant de poster son selfie sexy sur Facebook. Je me pardonnerais pas si un truc du genre arrivait à mon boy. « Si t’es sage, j’te coach quand on arrive à Tuross. » je serais étonnée qu’on fasse autre chose que descendre en longboards les rues, les vallons et les côtes le long de l’océan ; mais je lui tends tout de même la perche, montrant mes bonnes intentions. Je ne l’ai jamais vu scotché à son portable à ce point, qui plus est pour une fille qui semble bien le lui rendre. Et malgré tout ce que je peux dire pour me payer sa tête, c’est un mec bien Kane. Il mérite quelqu’un qui le traitera mieux que l’autre connasse d’avant. « Mais… ça serait pas ton premier nude envoyé à vie, si?  » et la question me brûle les lèvres, parce que sage comme il est, ça serait très plausible, ce qui rend le jeu encore plus amusant.  

Je plisse les yeux quand elle parle de mes joues qui auraient été bien plus rouge si ça avait été la vérité. Je sais que je rougis. Tout le monde le sait. C’est un secret pour personne. J’espère qu’avec le temps ça va changer. Je chante « Hot » d’Avril parce que je pense à Wendy bien évidemment. Le choix a l’air de plaire à Ariane. Je suis content de moi. Y’a qu’un SMS pour me couper dans mon élan. Ariane me parle d’angle de vue et de lumière. J’ouvre de grands yeux. C’est un peu trop complexe à mon humble avis. Moi je voulais juste prendre une photo comme ça dans la voiture. Oui là maintenant. Mais visiblement ça demande un peu plus de préparation que ça. Alors je ne me déshabille pas tout de suite. Même si ça choquerait personne. Il fait chaud aujourd’hui. J’étais torse nu la plupart du temps quand on a commencé la route en janvier. Ok j’ai voulu voir si ça faisait de l’effet à Ariane. Apparemment non. Pas de ma faute si je pense régulièrement à la nuit qu’on a passé ensemble tous les deux. Je sais que c’était juste une fois comme ça. Je me demande si elle a pas fait ça par pitié après ma rupture avec Diana. J’étais pas bien pendant un moment. Mais un homme ça a des besoins. Alors je me suis laissé aller avec elle lors d’une soirée chez un ami. Je crois que l’alcool y était pour beaucoup. Mais c’était bien clair que ça n’irait pas plus loin. Ca n’a pas gâché notre amitié et c’est tout ce qui compte. Elle a été mon premier « coup d’un soir ». Peut être mon unique ? Je sais pas.

Ariane me promet de m’aider avec la photo quand on arrive à la ville prochaine. Ouais. Je crois que j’ai besoin d’aide. Je ne le dis pas mais ça doit se voir sur mon visage parce qu’elle me demande si c’est mon premier nude envoyé.

« Quoi ? Non ! Mais non ! Pourquoi tu dis ça ? »

Je sens mes joues me chauffer et je sais que je suis pas crédible. Je capitule.

« J’avais pas d’appareil photo sur mon téléphone avant ! »

Et c’est la vérité. Je n’aurai pas été aussi doué pour trouver une excuse si belle que celle là. Mon téléphone je l’ai acheté y’a quelques mois. J’avais un vieux samsung à clapet avant. Je l’ai gardé des années. Tant qu’il marchait je voyais pas l’intérêt de changer. Et puis des photos sur le téléphone ? Ouais je sais pas si ça sert tant que ça au final. J’ai un appareil numérique qui est de bien meilleure qualité.

« T’en as déjà envoyé toi ? Genre… Souvent ? A qui ? »

J’ouvre de grands yeux m’imaginant qu’elle en a envoyé à des mecs que je connais.

« Pourquoi moi j’en ai jamais eu ? »

Parce qu’on est pas un couple, voilà pourquoi. Mais on a déjà couché ensemble, donc peut être que j’aurai pu être un bon candidat. Non. Parce que clairement ça doit être un truc de couple ça non ? Ou bien je suis encore une fois un peu trop naïf ?

« T’as envoyé quoi ? Tes seins ? Plus ? »

Mes yeux sont grands ouverts attendant le verdict.

C’était ça le truc, avec Kane. Peu importe ce qu’on lui disait, peu importe ce qu’on impliquait, il finissait par s’embourber dans ses mots, par les chercher, par se confondre. « Tes joues, Kanichou. » preuve rosée qu’il est vierge de caméra, que la simple mention de nude est déjà trop salace pour qu’il s’en remette, et que si en plus on ajoute à ça le fait qu’il devra en envoyer une à Wendy sous ma surveillance avant que je me la ferme et le compte est bon. Je lui envoie un regard en coin le temps de le rassurer, avant d’ajouter, la voix trop chantante, trop posée pour que ce soit bon signe pour son petit cul. « Et respire, c’est cool. On va y aller en douceur. » je sais qu’il va paniquer, il m’en fait une jolie démo déjà. Si seulement je pouvais le convaincre de passer en mode vidéo à la place, on en aurait pour des heures à se marrer. Ou à ce que moi, je me marre, toute seule. Au choix. Il se justifie, je roule des yeux, joue avec le rétroviseur, cherche des distractions pour ne pas trop le piquer, pour lui en laisser quelques unes, le temps qu’il retrouve un rythme de respiration normal. Et le pauvre blondinet qui me lance la perche de l’année, qui se la joue curieux maintenant, qui mentionne mon historique de photos boudoir et surtout, de destinataires. « Ta mère. » à qui j’aurais envoyé hypothétiquement ma collection de side boobs et de cheekies, pour la peine. Je retiens un rire, imaginant déjà le battement de coeur qu’il manquera. « Roh, me fais pas pleurer. » parce que Kane passe maintenant en mode victime? N’ayant jamais rien reçu de grivois de ma part, aucun visuel à traîner dans la poche de son jeans pour les moments où on n’est pas collés l’un à l’autre, où je file avec la troupe de théâtre, et où il se gare dans un endroit tranquille pour redécouvrir son corps. « Toi t’as vu en vrai. Pas besoin de photos quand t’as eu accès au grandeur nature. » qu’il ferme les yeux et passe en mode rembobinage de la fameuse soirée où il m'a pécho, au pire. Sinon, y’a qu’à demander et je lui installerai une chaise avec vue sur l'océan lors de mes prochaines douches. Ce genre de choses, faut juste demander au final. « Tout ce qui se trouve en haut de la ceinture, ouais. » je résume mes envois, la route qui continue de s’étendre sous mes yeux, la chanson qui change. Fallait dire que ce roadtrip était une occasion en or de remplir nos répertoires de numéros qui ne serviraient plus à rien, quelques jours passés vers la prochaine ville. Pour entretenir le feu, il était possible que mes fesses se retrouvent dans certaines galeries photos mobiles. « Avec un peu de chance un jour ce sera usé contre moi façon chantage. » que je laisse aller, moqueuse, comme si c’était la consécration. Ça l’est pas vraiment, mais reste que c’est flatteur tout de même. Il faut bien que notre jeûne de pâtes blanches et de maïs cuits sur les BBQ public servent à quelque chose.

« Elle te plait, pas vrai?  » la question rhétorique du jour, maintenant que je prends la prochaine sortie, l’envie de me dégourdir les jambes se faisant sentir. Entre nous, c’étaient les confidences une minute, les conneries la seconde. Et l’occasion sans aucun besoin de se justifier d’aller profiter des plages du pays le plus souvent possible. « Tu devrais lui donner rendez-vous. » je sais qu’ils font leur truc genre la vie nous garde l’un de l’autre, la distance nous sépare, tu quittes le pays je veux vivre de mon rêve de roadtrip, mais les faits sont là. Sans rien de concret, elle ne reste qu’une nana parmi tant d’autres, à l’autre bout d’un clavier et encore. Y’a rien qui vraiment la différencie d’un violeur dans son sous-sol qui nargue Kane en espérant se toucher sur ses mots doux et ses chansons composées à la pleine lune. « Même si elle se barre, vous devriez vous bloquer une date. Dans un an, ou deux. Pour le fun. » rien qu’à le dire et je suis persuadée que son coeur de romantique fini trouverait de quoi faire pour rendre le truc mignon à outrance. « Pour justifier pourquoi vous textez autant, aussi. » et la petite pique envoyée avec amour, alors que je ne suis même pas certaine qu’il ait entendu tout ce que je viens de lui dire pour cause de portable qui vibre sans arrêt.  

Elle me fait une remarque sur mes joues et je me maudis de rougir si vite. C’est franchement chiant d’être si transparent. C’est un véritable handicap dans la vie. J’espère qu’avec les années ça va se calmer, mais je sais pas pourquoi je suis sûr que ça ne sera pas le cas. J’ai la poisse comme ça. Ca va pas m’aider dans la vie. C’est certain. Ma mère me dit que c’est rien. Ca se voit que c’est pas elle qui vit avec cette condition. Oui, une condition.

Ariane me dit de respirer, j’avais pas remarqué que je m’étais crispé mais oui. Je suis complètement crispé sur mon siège. Même « The best damn thing » d’Avril ne m’aide pas à me relaxer. Je pense à cette photo qu’on va faire. Un nude. Ca veut dire… montrer son intimité non ? Non. Ca doit pas être ça, à moins que Ariane ne soit pas dérangé pour prendre une photo de mon entrejambe. Après tout, elle l’a déjà vu. Il faut être en érection je suppose pour ce genre de photo et… Non non non non, faut que j’arrête de penser à ça. Je n’enverrai pas une photo de mon penis à Wendy. Hors de question. Elle a dit « en douceur », faut que je me focalise là dessus. Ca devrait pas être si pire.

Je plisse les yeux quand elle balance avoir envoyer des nudes à ma mère. Elle a raison quand elle parle du vrai. C’est mieux que les photos. En ce qui concerne Wendy, y’a eu du vrai pendant quelques heures seulement. Pas assez pour tenter quoi que ce soit de sexuel. Cette photo que je vais lui envoyer, ce sera le premier pas dans cette direction. J’espère qu’elle mordra à l’hameçon et qu’elle se laissera tenter elle aussi. Cette fille me fait tellement rêver. J’apprends donc que Ariane a déjà envoyé des nudes, au dessus de la ceinture. Très bien, c’est aussi jusqu’où on ira tous les deux. Ca me rassure en un sens. J’ouvre de grands yeux quand elle parle des photos qui peuvent être usé contre elle. Mon dieu.

« J’enverrai jamais de dick pic de ma vie. Je veux pas que ça se retrouve sur internet ou dans de mauvaises mains. »

Me voilà effrayé à jamais.

Je tourne la tête vers Ariane quand elle demande si Wendy me plaît et je la regarde l’air de dire OF COURSE.

« Elle est parfaite ! Bien sûr qu’elle me plaît ! »

Clairement parfaite. J’ai jamais rencontré une fille aussi parfaite. Mon coeur s’emballe dès que je pense à elle ou que j’ai un nouveau SMS de sa part. C’était le feu d’artifice dans mon corps au festival quand on j’ai réussi à poser mes lèvres sur les siennes. J’avais jamais ressenti ça pour une fille avant. Et dieu sait que je suis resté 5 ans avec Diana, mais ça n’a rien de comparable. Absolument rien. Je ne pensais pas que c’était possible de trembler de tout son corps à cause de quelqu’un. J’hausse les sourcils à la proposition de mon amie. Un rendez vous ? Elle précise, dans plusieurs années. Oh.

« Ouais. C’est une bonne idée. »

Et je prends mon téléphone pour lui faire cette proposition tout de suite. Oui, je suis du genre à pas vraiment réfléchir quand il s’agit de Wendy. Toutes les raisons de la texter sont la bienvenue.

La voiture s’arrête enfin et je regarde où on se trouve. Un endroit un peu paumé mais y’a un genre de dinner à côté d’une station essence. Ca fera l’affaire pour ce stop. Je sors de la voiture. Je m’étire, jetant des coups d’oeil à mon téléphone au cas où Wendy m’aurait déjà répondu, mais non.

« Alors ce nude ? On va le faire là ? Sur le parking ? »

Je crois que je ne serai pas vraiment à l’aise de faire ça comme ça.

« Si tu veux mon avis je préfère dans la voiture. Plus discret. Mais on peut le faire après avoir manger un bout. »

Je lui indique le dinner et c’est ce qu’on fait. On va commencer par se restaurer. La conversation tourne autour de Wendy, parce que cette dernière répond enfin au SMS en rigolant et proposant de se marier ensemble en 2025 s’ils sont toujours célibataire.

« Elle veut que je sois son mari ! »

C’est tout ce que j’ai retenu, même si clairement c’est pas très glorieux comme façon de se marier, elle a quand même pensé à moi et ça me touche.

Après avoir craqué pour un méga milk shake en guise de dessert, nous voilà hors du dinner pour la séance photo. Une fois installé, je m’enlève mon tshirt.

« Comment tu me trouves ? »

Je suis pas super musclé, mais je suis mince et bien en forme. Quelque chose d’assez agréable à regarder en soit. Et puis il y a mon tatouage qui prend tout mon bras et une partie de mon torse. Wendy n’a pas eu l’occasion de voir l’intégralité de cette oeuvre d’art parce qu’elle ne m’a jamais vu torse nu. Ce sera donc une découverte. J’espère que ça va lui plaire.

« Faut que je pose ? »

L’engouement avec lequel Kane répond à ma question m’arrache un rire - il ne met même pas l’effort de paraître un brin détaché, de se la faire relativement cool, d’être le parfait petit mec indépendant qui joue la game. Et c’est probablement ce qui fait son charme : sa sincérité déconcertante. Et sa crinière de prince. « Ah, tout de suite la perfection, quoi. Elle est où sa bague, alors? » et je lorgne vers mon ami, à le voir aller, à l’entendre parler, Wendy et lui convoleront en justes noces dans l’année si ça continue. En espérant que je sois témoin, je l’ai mérité à le supporter en mode lovebird depuis des semaines. La voiture poursuit son chemin, se laisse conduire jusqu’à la prochaine sortie, là où je suis le garçon hors de l’habitacle. C’est un long étirement que l’on partage sous le soleil de la côte, le bruit des vagues pas encore assez près de mes oreilles pour mon goût. Mais il propose de s’occuper autrement qu’en surfant, et c’est amusée - et un poil allumée, que je le détaille du regard maintenant qu’il tergiverse. « Tu grandis si vite. » et je fais état de la situation. Kane qui veut profiter de mon savoir, de la lumière naturelle, et de son regain de séduction pour envoyer la première offensive à Wendy et décrocher le ticket d’un intérêt renouvelé. J’en suis presque émue qu’il veuille déjà s’y mettre, qu’il garde le focus en tête. « Dehors, dedans, c’est toi qui se met à poil, alors vaut mieux choisir un endroit où tu te sens assez à l’aise pour flexer du bicep. » entre le parking et le van, je n’ai pas particulièrement de préférence. Je serais à l’aise moi-même de me donner en spectacle devant public ou non, mais le blond lui me semble être un tout autre spécimen, et je doute qu’il soit prêt pour un shooting photo exhibitionniste devant témoins. Comme s’il avait entendu mon estomac chanter, comme s’il savait que je commençais à être pas mal affamée, le jeune homme propose une bouchée au dinner, ce à quoi j’accuse simplement. On prend place, on commande, et j’en suis à quelques bouchées de frites et un demi coca de terminé lorsqu’il ramène le sujet du mariage sur la table, et que Wendy se pâme rien à nouveau par texto que pour lui. Il parle de bague, et je m’appuie un peu plus confortablement dans mon siège, détaillant la scène en essayant de ne pas laisser mon cynisme habituel tout ruiner pour Kane. « Qu’est-ce que je disais... » que je finis par lâcher, douce, un peu trop, mais pour lui, je peux bien faire des efforts et ne pas brouiller ses papillons si tôt dans la partie.    

« Trop stressé. » qu’il m’entendra répliquer, une fois de retour dehors, maintenant qu’il papillonne de gauche à droite, qu’il s’exclame et se questionne, et que j’ai à peine eu le temps de poser mes lunettes de soleil sur mon nez qu’il a déjà changé quatorze fois de scénario, de pose et d’emplacement. Voilà que Kane s’en prend à son physique et qu’il me demande la vérité, un compliment à la clé, et comment je le trouve. Prenant appui sur le flanc de notre caravan, je laisse tout le temps qu’il faut pour le détailler de haut en bas, pour faire planer une touche de mystère, avant d'entendre les mots claquer sur ma langue. « Beau, mais pas assez détendu. »  ça lui ferait un bien fou de relaxer sa mâchoire, d’arrêter de froncer les sourcils, de ne pas avoir le regard du petit chien perdu qui risque de faire une attaque à chaque clic. « Allez, look like you’re having fun!  » que je finis par annoncer, une fois la caméra de son portable alignée vers lui, l’angle correct et le t-shirt retiré. Un signe pour l’encourager à sourire, à se lâcher un peu, à se calmer, et je profite de quelques clichés pour le replacer, pour lui passer une main dans les cheveux, pour jouer avec son menton, lui faire quelques grimaces de loin quand il a trop l’air de se faire chier. « Hey oh, on regarde, on paie. » un couple d’inconnus qui aboutit sur le parking et a les yeux trop baladeurs à mon goût, et je leur tends ma paume avant qu’ils ne nous quittent non sans dégainer un dernier coup d’oeil impétueux en direction de Kane. Voyeurs. De retour à mes côtés, il passe distraitement la galerie photos sous nos yeux critiques ; et je prends beaucoup trop au sérieux le choix de l’arme de prédilection qu’il enverra à Wendy dans les prochaines minutes, question de lui donner faim à la petite. « J’préfère celle-là. Ça laisse juste assez place à l’imagination - ça serait le genre de photo à laquelle je répondrais en tout cas. » pour l’encourager, mais aussi parce qu’il est plutôt sexy quand il contracte ses muscles comme ce que je vois sur son petit écran. Faut lui rendre ce qui lui appartient. Le temps qu’il choisisse à son tour, j’en profite pour prendre encore un peu de soleil avant de relancer la route. « Elle sait? Pour la fois où t’as failli tomber amoureux de moi? » et la question me paraît légitime, surtout parce que je blague, parce que je pique ce pourquoi nous deux, ça n’avait été qu’une seule nuit, et rien d’autre.

Elle est où sa bague ? Faudrait déjà qu’on soit dans la même ville pour pouvoir réfléchir à ce genre de plans. Ou pas. C’est vrai que par amour je serai capable de déménager. Enfin, je crois. Je crois aussi que c’est de l’amour. Je ne sais pas. Je suppose. Je pensais que l’amour c’était ce que j’avais eu avec Diana mais avec Wendy c’est un autre monde. Tout nouveau. J’ai l’impression que c’est de l’amour. C’est bien trop fort. Le coup de foudre, c’est ça qui m’a frappé au festival. Un véritable coup de foudre. Réciproque qui plus est. Si c’est pas beau la vie.

Prêt pour prendre cette photo de moi dénudé, on s’installe finalement dans le parking. A côté de la voiture. Y’a pas grand monde aux alentours, on devrait pouvoir régler cette histoire au plus vite. Une photo c’est pas bien compliqué quand même. Surtout quand on a une experte comme Ariane aux commandes. Ca sera une photo parfaite, ou pas. Mon téléphone ne fait pas des photos super top non plus, mais ça laissera un peu plus de mystère à ce que j’ai vraiment à offrir à Wendy en plus de mon coeur qui ne bat déjà rien que pour elle. C’est fou ce que j’ai oublié les tracas de ma rupture avec Diana. J’ai été down pas mal de mois après que ça se soit terminé entre nous. Je n’ai pas eu l’habitude d’être célibataire depuis longtemps, ça fait bizarre. J’avoue préféré être en couple. Sûrement pour ça que je suis resté aussi longtemps avec elle, sans qu’il n’y ait de véritable étincelles. La fin de notre histoire aura été une bénédiction parce que je ne serai pas parti en road trip sinon. Je n’aurai jamais rencontré Wendy non plus.

Ariane dit que je suis trop stressé. Je fais une petite moue. Je pensais pas que ça se verrait réellement. Elle me trouve quand même beau. Ca me fait plaisir. Mais je suis pas encore au top niveau relaxation pour prendre cette fichu photo. Elle veut que j’aie l’air de m’amuser mais je sais pas quoi faire moi !! Je fais une moue. Ariane vient s’occuper de moi et elle fait des grimaces, ça me fait rire, c’est vrai. Ca marche peut être cette technique. Je tente de rester naturel et de faire des pose qui font pas pose. Non en fait je pose pas du tout, je sais pas quoi faire de mes bras alors je dois avoir l’air carrément awkward. Je contracte un peu les muscles pour que ça air de la gueule, je ne sais pas si c’est une si bonne idée. On a de la compagnie à un moment et ils ont l’air de me juger.

« Bon ça suffit pour les photos. »

Parce que c’est pas très drôle au bout d’un moment. Surtout quand on se fait mater par des inconnus. On regarde la collect’ et y’en a un tas ! Je ne sais pas laquelle choisir, mais heureusement Ariane donne son avis et j’hoche la tête.

« Parfait j’envoie celle là alors. »

Je ne vais pas réfléchir plus longtemps. J’envoie la photo aussitôt. Sans un mot, rien. Juste la photo et un smiley qui fait un clin d’oeil.

Tshirt remis sur moi, on prend le soleil encore un peu avant de reprendre la route. Moi j’ai le nez dans mon téléphone, en attendant une réponse de Wendy. J’hausse très haut les sourcils quand Ariane prétend que j’ai faillit tomber amoureux d’elle.

« Quoi ? N’importe quoi ! »

Je lui mets une tape sur l’épaule.

« J’ai jamais faillit tomber amoureux de toi. C’était juste… Des pulsions physiques… A répétition. »

Parce que c’est vrai que j’aurai pas dit non coucher avec elle plus d’une fois. Et elle m’a bien fait comprendre que ça ne se reproduirait pas. J’en ai déduis que j’avais pas été très doué, parce que sinon je n’aurai pas compris pourquoi elle se refuserait ce genre de bon moment avec un ami ? Bon ok je suis du genre à m’attacher aux filles avec qui je couche, donc ça aurait été un peu plus que juste du physique comme je l’annonce.

« D’ailleurs si jamais tu veux qu’on remette ça, ça va pas être possible. Je me préserve pour Wendy. »

Et là j’entends le son qui indique que j’ai reçu un nouveau message et il s’agit de Wendy. J’ouvre grand la bouche quand je vois la photo qu’elle m’a envoyé. On y voit le bas de son visage affublé d’un grand sourire mais surtout, il y a ce beau décolleté. On pourrait y voir des coeurs dans mes yeux.

« Elle est tellement parfaite. »

Je montre la photo à Ariane.

« T’avais raison, elle a répondu de manière favorable. »

De le voir s’agiter de la sorte devant la caméra me fait osciller entre l’amusement et l’attendrissement. Mais je reste tout de même de glace à suivre chacun de ses gestes, à l’encourager à souffler, à sourire, à rire, à tirer la langue même, lorsqu’il me fait l’impression d’être trop stressé. « Comment tu te sens? » il grandit vite le garçon, une fois que son choix se porte sur la photo que je lui conseille, et qu’il l'envoie à Wendy en retenant son souffle. Tapotant son épaule en signe de réconfort, je glisse distraitement sur mon nez mes lunettes de soleil. Il est presque relax mon pote, il respire presque normalement, et j’en rajoute une couche juste pour ne pas lui rendre le tout trop facile, pas du tout gênée de mentionner notre nuit plus charnelle. « Kaaaaane.  » que je m’exclame, hilare, maintenant qu’il s’emporte, qu’il bafouille, et surtout, qu’il se justifie le rouge aux joues. « Si j’avais pas mis un frein à tes avances, tu m’aurais écrit une chanson à l’heure où on se parle. » le clin d’oeil n’est pas piquant, ni la remarque. C’est plutôt un soulagement d’avoir évité le pire, qu’il s’attache à ma petite personne beaucoup trop acide, beaucoup trop cynique pour son coeur d’artichaut. Je l’aimais bien Kane, mais il ne survivrait pas à une histoire d’amour avec moi. Je le consumerais sur place, et il méritait plus doux, mieux que ça. De toute façon, ni l’un ni l’autre n’a en tête de recommencer - non pas que notre escapade sous les draps soit nulle, mais surtout parce que ce qu’on a là, la complicité de copains de voyage, c’est pas rien. Et ça serait vachement dommage de le sacrifier pour une idylle de fesses. « J’ai sauvé notre relation, et ton p’tit coeur. Et c’est comme ça que tu me remercies? » pourtant je tâte au sarcasme, maintenant qu’il assure que je n’ai plus aucune chance de le charmer lui qui se préserve uniquement pour Wendy. « Égoïste. » et je roule des yeux, presque offusquée. C’est un sourire qui couronne mes lèvres maintenant qu'il retient à peine la danse de la joie accompagnant la réponse que la blonde lui a renvoyée ; ça, c’est du bon boulot dans les coins. Un sifflement frise mes lèvres, fierté de mama bird que de voir son gamin voler enfin de ses propres ailes. « Prochaine étape : la dick pic. »  il en frissonne, j’en rêve déjà.

Arrêt aux toilettes pour ma part avant de reprendre la route oblige, et je l’abandonne à ses textos dégoulinants d’emojis de licorne et de crème glacée pour trottiner jusqu’aux installations publiques. Les mains propres, le visage rincé à la va vite à l’eau fraîche, je m’accroche à une groupe de surfeurs qui traînaient à côté le temps de fumer une clope. On me parle des plans qu'ils s'organisent pour la soirée, on mentionne un rassemblement pas trop loin, l’adresse, le nom à demander en arrivant sur place. Et j’hoche de la tête, bonne joueuse, les détails retenus dont je fais part à Kane à peine revenue à sa hauteur. « Y’a des surfeurs qui font un BBQ et une fiesta sur la plage, à genre 20 kilomètres au sud. » et je les pointe, eux qui passent à côté de nous quelques minutes plus tard. « On a un ticket si t'as envie qu’on campe là ce soir. »  une nuit à la belle étoile ne nous fera pas de mal, et la météo annonce un ciel étoilé et une brise fraîche semblerait-il. « J’espère que t’apprends vite, j’aurais peut-être besoin que tu me rendes la pareille pour lui envoyer des nudes dans quelques mois. » le conducteur de l’autre westfalia, un grand blond à barbe qui polit son surf savamment, me renvoie même un regard pour appuyer mes paroles. Jouant des sourcils, je file à l’intérieur du van, intimant Kane à suivre s’il ne veut pas rester perdu seul sur le parking à écrire à l’amour de sa vie.

Je fais une petite moue quand elle dit que je lui aurai écrit une chanson si elle m’avait pas mis un stop. C’est peut être mon genre, c’est vrai. J’ai jamais écrit de chanson, mais j’en ai souvent repris en faisant la sérénade à Diana. Des chansons qui ont un sens pour moi, à quelques petites exceptions près. Y’a toujours des détails qui collent pas parfois et ça m’a toujours fait chier, c’est vrai. J’ai eu dans l’idée d’écrire un truc moi même, j’ai déjà commencé même, mais j’ai pas été jusqu’au bout. Pas assez d’inspiration.

Elle me fait rire quand elle dit qu’elle a sauvé notre relation.

« Tu te lances trop de fleurs ! Mais bon, si tu veux. »

C’est vrai que j’aime beaucoup notre relation telle qu’elle est. A savoir si c’est grâce à elle, on saura jamais. Mais je dirai que c’est un effort collectif. Je fais une mine outré quand elle me traite d’égoïste. Elle rigole et du coup je me permets une petite remarque.

« En fait t’es jalouse. »

Je fais mon fière. J’aimerai bien qu’elle soit jalouse. C’est toujours plaisant de voir qu’on est apprécié. Elle parle de dick pic et j’ouvre de grand yeux.

« Non ! Jamais ! »

Et je ne fais pas plus de commentaire à ce propos. Il en est hors de question. Je ne reviendrais pas sur ma décision. Enfin, faudra voir si Wendy me fait part de nude aussi poussé. Dans ces cas là je reverrai mon jugement afin de lui rendre la pareille. Mais ce jour n’est pas encore arrivé.

Je lève la tête de mon téléphone quand Ariane revient me parlant de plans pour la soirée. Je tourne la tête pour voir le groupe dont elle parle. J’hoche la tête, l’idée est plutôt très bonne. Tentant.

« Ouais deal. »

Je suis du genre à être partant pour tout dans ce road trip. Je me dis que c'est des occasions uniques et je ne veux rien louper. Profiter à fond. Je me demande si y’a pas un mec qui l’intéresse dans le lot. Les surfeurs ça fait rêver les filles avec leurs chevelures. Non pas du tout ce n’est pas pour ça que je me laisse pousser les cheveux non. Bon peut être un peu. Ca me va bien non ? Si. Il me manque juste les capacités à faire du surf. Un jour je m’y mettrai correctement. Je souris de manière amusé quand elle me parle de nude en indiquant un mec du groupe des surfeurs. J’étais sûr que y’avait anguille sous roche avec un mec. Je ne lui en veux pas, elle a raison de s’amuser.

« Tant que ça reste entre nous. Je suis à ton service. »

Parce que prendre des nudes de ses amies c’est peut être pas très bien vu par une éventuelle copine. Oui j’espère que Wendy sera ma copine irl à ce moment là. Pas seulement virtuelle. Mais c’est compliqué. J’entre dans le van, côté passager, je suis encore en pleine conversation avec Wendy.

« Faudra juste pas que ça dérape. »

Parce que j’imagine bien que ça risque de m’exciter ce genre de situation. Et nous voilà en route vers notre prochaine destination. On devrait pas en avoir pour bien long alors je l’épargne de jouer à un jeu pour faire passer le temps.

« Tu crois que c’est tromper si je trouve une fille pour m’amuser ce soir moi aussi ? »

Parce que je suis peut être à fond sur Wendy, mais on a juste passé une journée ensemble, on se s’est jamais proclamé boyfriend et girlfriend clairement. Alors je me demande si mon intégrité risque d’en prendre un coup si je vais voir ailleurs en attendant de la revoir.

« Enfin… Tu vois… »

Ariane sait que je ne suis pas doué pour draguer, mais l’alcool aidant, je peux dégainer ma guitare et en faire tomber une avec un peu de chance. D'ailleurs j'ai rangé mon téléphone, voulant faire une pause dans tous ces SMS. Oui, je me sens déjà coupable d'avoir ce genre de pensées impurs envers une autre fille éventuelle, c'est vrai. Mais en même temps ça fait quelques longs mois que j'ai pas touché une fille. C'était Ariane la dernière.

Et j’éclate de rire, et je me pavane, sachant que Kane est opé pour se la jouer photographe à son tour, si je lui demande. Petit coeur qui risque de sauter le moindrement j’improviserai un shooting bien boudoir, et j’ai presque envie de le tester, de tester ses limites, mais je me retiens. Je suis pas vache non plus, et le blond est trop sympa pour que je m’affaire à lui briser le coeur volontairement, ou à l’aguicher sans potentiel de développer quoique ce soit. C’était bientot  moi qui l’avait arrêté quand les choses auraient pu avoir le potentiel de devenir un peu plus sérieuses. « Tu me gâtes, je risque d’en profiter. » et je bats de cils, de retour derrière le volant. Le moteur tourne, on emboîte le chemin de l’autre van devant nous et la conversation va bon train. Il me fait sourire le mec, à craindre qu’une simple photo sexy fasse tout déraper. L’innocence dans ses yeux. « On aura qu’à se trouver un safe word. Si on l’utilise, n’importe quand, on arrête ce qu’on fait. » que je propose, mi-sérieuse mi-amusée, en haussant l’épaule. Il poursuit pourtant, ramenant comme toujours Wendy sur le sujet, et ses pensées qui se braquent elles-même au cas où il crush sur une fille ce soir, et que son potentiel de relation le bloque. Et je demande, de but en blanc. « Vous êtes exclusifs? »  parce que ce serait possible, quoi qu’étonnant. À le voir relativiser et réfléchir et anticiper, je me dis que même s’ils ne le sont pas, la question est rhétorique, et il en connaît déjà la réponse. « En vrai, je pense que tu es tellement pâmé sur elle que même si t’avais un harem tu y verrais juste que Wendy aurait fait ceci, que Wendy aurait dit cela. » un tout petit rire, juste assez moqueur, qui borde mes paroles, et je lui lance un coup d’oeil complice. C’était mignon, de le voir dans cet état. Ça faisait du bien, avec tout ce qui avait bien pu se tramer avec Diana, avec son petit coeur qui avait dû être recollé morceau par morceau. Je prends la prochaine sortie, inspirant doucement, la nostalgie qui remonte. « J’te comprends un peu tu sais. C’est jamais facile de faire la transition. » bien sûr que je repense à mon retour à Brisbane, à cette relation à laquelle j’avais dû dire adieu en terminant mon presque tour du monde avec la troupe, ravaler, en revenant en sol australien avant de me barrer avec le Williamson pour le roadtrip de la salvation. De tourner la page, de passer au prochain chapitre, de voir l’avenir quand on a les deux pieds collés dans le passé. « On a pas tous un Kane sur son chemin. »  parce qu’il était de loin le meilleur rebound que j’avais pu trouver. Parce qu’il était un ami, parce qu’il était doux, sympa, parce qu’il ne jugeait pas, qu’il prenait ce qu’on lui donnait sans demander plus. Parce qu’il était toujours là à supporter mes conneries, après tout ce temps. La chanson passe à un rythme plus entraînant et ça fait du bien ; pas trop d’émotions pour nous rendre larmoyants avant la soirée improvisée avec notre nouvelle bande pour la nuit.

« Te bloque pas d’opportunités. Si tu le sens sur le moment, fonce. Sinon, on prend une bière et on se barre. » que je lui souffle à l’oreille, une fois arrivés, garés, et trottinant à pied vers le rassemblement qui prend forme autour d’un feu de joie qu’on vient tout juste d’allumer. La plage s’étend à des kilomètres, le soleil commence doucement à descendre à l’horizon, on nous tend chacun un verre, c’est simple, c’est cool, c’est fun. La soirée va bon train et je finis par perdre la trace de Kane au profit de celle de Josh, le fameux surfeur que j’ai maté sans vergogne un peu plus tôt tout à l’heure. « Ton pote a l’air entre bonnes mains. » mon pote, que je repère en levant la tête distraitement, lui qui jacasse avec une brunette au bikini trop échancré pour qu’elle surfe elle aussi. Il rigole, elle tout autant, et je suis fière de voir que Kane n’a pas laissé ses doutes et son malaise le guider, qu’il s’est prit un peu en main, qu’il se plaît à profiter du moment. « C’est plutôt elle la chanceuse. »  et je souris, attrapant le regard de Kane au loin, levant mon verre à sa santé avant de compléter d’un clin d’oeil qui veut tout dire. Ce soir, ça ne me dérange pas du tout de dormir à la belle étoile avec Josh et de laisser le backseat de la caravan à mon co-pilote et à sa proie.  

Si on est exclusif ? Je ne sais pas. Je pourrais lui envoyer un SMS là maintenant tout de suite pour avoir ma réponse, mais je ne sais pas si je serai serein avec ce qu’elle dirait. Faudrait déjà qu’on prévoie de se revoir avec Wendy, ce serait un grand pas. Pour l’instant on a parlé de mariage en 2020 mais c’est tout. Donc s’il faut que j’attende jusque là pour la revoir, ça va pas m’aller. Je réfléchis trop et Ariane reprend la parole, faisant la réponse à sa question toute seule. Elle n’a pas tort. Je pense vraiment beaucoup à Wendy. Pas de ma faute, elle est la fille de mes rêves. Celle qui est juste dans mes pensées. Sûrement pour ça que je m’imagine « fauter » avec une autre ce soir. Parce qu’avec Wendy c’est presqu’une illusion. Un grand fantasme. Un jour parfait à ce festival et puis plus rien. Que des mots sur un écran de téléphone.

« Peut être ouais… »

Mais l’appel du sexe est quand même plus grand je pense. Je ne suis pas complètement un saint hé! Ariane parle de transition, je comprends bien évidemment qu’elle parle de Diana. Je retourne les yeux sur la route, partant dans mes pensées. Depuis l’entrée de Wendy dans ma vie, j’ai l’impression que toute ma relation avec Diana a été un mensonge. Je l’ai aimé, oui. Mais c’était pas aussi fort que ce que j’éprouve pour la blonde. Je pense que Wendy est clairement une de mes âmes soeurs. On est fait pour être ensemble, d’une manière ou d’une autre. Quand elle dit qu’on a pas tous quelqu’un comme moi sur son chemin, je comprends qu’elle parlait aussi pour elle en matière de transition.

« Ou une Ariane. »

Parce que sans elle, ça aurait pas eu cette même saveur. D’ailleurs sans elle j’aurai peut être jamais rencontré Wendy, puis que c’est elle et son bagou légendaire qui a entamer la conversation avec ce type. Puis on s’est greffé à leur groupe et Wendy était là.

Une fois arrivé, Ariane reprend la conversation où on l’a laissé. Elle tente de me soulager l’esprit avec ses mots. C’est vrai que ça sert à rien de réfléchir trop si y’a même pas d’opportunités. J’hoche la tête.

« Ouais… »

Même si je lui laisserai le temps de s’amuser de son côté quand même. Je suis pas égoïste comme ça. Sauf que mine de rien, je passe une bonne soirée, même sans sexe. Les gens sont franchement sympa. Y’a de la bière, de quoi manger. Je parle beaucoup musique avec certains. Ils étaient au Soundwave l’année dernière. Quand on me branche musique, on m’arrête plus. La soirée avance, je me retrouve tout seul avec une jeune fille qui essaie de me faire prendre un bain de minuit. A poil. Oui. Heureusement elle plaisante. Elle me fait éclater de rire.

« Je suis très sérieuse. »

Mais avec son visage tout souriant, j’y crois pas trop. Elle a l’air de vouloir réellement qu’on aille se baigner tous les deux. Mes yeux se perdent un instant sur sa poitrine et…

« D’accord. Je te suis. »

On se lève. Je crois le regard d’Ariane qui me fait un signe et je le lui rends, avec une mine qui veut dire « Oops je crois que je vais faire une bétise, je sais pas si je vais assumer mais je le fais quand même » oui tout ça. Je file près de l’eau avec la fille et je commence à me déshabiller. Quand je vois qu’elle reste en maillot je suis légèrement déçu, elle ne sait pas ce que veut réellement dire « bain de minuit » mais du coup moi aussi je garde mon short sur moi. On file dans l’eau et elle se colle aussitôt à moi pour m’embrasser. Je décide de profiter du moment, de pas trop réfléchir alors je réponds à son baiser, la collant à moi. Tout seul dans l’eau, on fini pas à poil mais nos mains se baladent beaucoup. On passe un très bon moment.