Y a cette ambiance, entre les pyjamas, l’alcool, netflix, qui fait que je suis super détendu et super sentimental. C’est pas le genre de truc que j’aurais le courage d’admettre à voix haute mais je me rends compte que j’ai beaucoup de chance d’avoir Leo dans ma vie. C’était pas un truc calculé, je m’y attendais pas à ce que ça donne ça, lui et moi. Je regrette pas de m’être un peu accroché à ce type que j’ai rencontré en soirée parce qu’aujourd’hui, c’est vrai que je n’imagine plus trop ma vie sans lui dedans. J’y pense alors qu’on se met à parler d’amour. Il s’ouvre, me raconte pour ses parents et ça me touche qu’il me fasse confiance comme ça. Je me dis que c’est une sorte d’amour qui nous lie, même si c’est pas le vrai et l’unique qu’il attend. J’y pense mais je lui dis pas parce que j’ai un peu peur. Qu’il trouve ça bizarre, trop fort, ou qu’il s’en serve un jour contre moi. C’est vrai ce qu’il dit, ça nous vient peut-être des parents, tout ça. Parce que c’est bien quelque chose que les miens me reprochaient constamment : trop sensible, trop dramaqueen, trop gay quoi. Alors, bon, j’sais pas, c’est mieux de me taire que de passer pour trop encore une fois. Ça ne m’empêche pas de lui dire qu’on ne sera pas comme nos parents. Pas question de devenir des vieux cons, pas question de rationner l’amour. Il se rapproche un peu plus de moi, compatissant, et je le serre plus fort dans mes bras pendant quelques secondes. Heureusement que personne n’est là pour nous traiter de fragiles. « J’espère. Et je sais que… j’sais pas. C’est pas parce que je suis célibataire que je suis seul. La preuve, toi. Ou Seung. Ou ‘Lena. » J’acquiesce. Il est pas seul. On est pas seuls. Pas besoin d’être en couple pour avoir une vie chargée. Je compte pas le lâcher moi en tout cas, je serais même prêt à passer dire bonjour tous les jours après le boulot. Mais c’est pas nécessaire, il a plein d’autres gens dans son cœur, comme il le dit en citant Seung et sa sœur.

Je me projette un peu dans l’avenir et j’imagine un prochain mec qui débarquerait dans la vie de Leo. C’est sûr qu’il aurait droit à un putain d’interrogatoire dans les règles. Précédents copains, métier, rêves, peurs, nombre d’enfants souhaités, tout y passerait. Juste histoire de vérifier que c’est pas un connard déguisé. « J’y compte bien. T’façon, s’il ne vous aime pas c’est qu’il doit bien y avoir anguille sous roche, après tout. », il dit après avoir ri un peu. J’ai un grand sourire sur les lèvres, touché par l’idée qu’ils nous imagine bien nous entendre avec son futur copain. J’ai hâte du coup, en vrai. « Et moi de même. Ton petit mec par exemple, il a intérêt à se tenir à carreaux, sinon… » Je le regarde, sourcil arqué pour lui montrer que je suis sceptique. « … je jetterai ma colère sur lui. Et tu sais que je peux être très dangereux. » Je ris. Je pense pas que je connaisse de mec moins dangereux que Leonardo. Si un jour il fait du mal à quelqu’un, c’est sûr qu’il aura pas fait exprès. Le seul mec au monde qui ne mentirait pas en disant ‘j’ai glissé’ si on l’accusait d’avoir poignardé quelqu’un. « Bah, dis donc, heureusement qu’il est aussi peu dangereux que toi. », j’réponds en riant. J’ai jamais ressenti la moindre étincelle de violence chez Andy mais c’est sûr qu’il saurait se défendre, il a de la force, mine de rien. Je suis touché quand même, que Leo dise tout ça. On est sur la même longueur d’onde, on se laissera pas tomber aux mains d’un amour qui fait mal. « Plus sérieusement, j’ai pas envie de te voir blessé, encore moins qui ne mérite absolument pas tes larmes, ou ton cœur, ou… quoi que ce soit d’autre. » Je souris en me disant que c’est typiquement british, d’avoir la pudeur de ne pas dire ton cul. Ou c’est juste moi qui, au contraire, ne le suis pas du tout, c’est possible aussi. « Et même si je suis aussi intimidant qu’une poule effrayée, t’sais que mes bras et mon appart sont toujours ouverts si besoin est. Ou même si besoin n’est pas, par ailleurs. Et tu sais que mes cookies sont vraiment excellents. »  J’acquiesce, ouais ça je sais. Ce que je savais un peu moins – même si je m’en doutais – c’est que j’avais le droit de venir me réfugier ici. Je peux compter sur lui et c’est rassurant. « Merci Leo. », je réponds, sincère. « Et de mon côté, je peux pas te promettre de t’accueillir chez moi, vu que j’habite chez ma meilleure amie, mais mon tel est toujours allumé, un petit SMS et je débarque. » Je peux tenir facilement cette promesse. J’ai pas de comptes à rendre, je pourrai toujours rappliquer rapidement. Un des avantages de la vie sans parents.

Je sens que je m’endors un peu. Je me sens bien, je suis vraiment content de cette soirée, des liens qui se seront resserrés avec Leo. On risque d’avoir un petit peu mal à la tête demain – surtout lui, avec son crâne blessé – mais ça valait la peine. Les dialogues du film me bercent. Le mec est canon. Je sens que je vais bien dormir. D’une voix lointaine je demande : « Ce serait vraiment grave que je m’endorme là... ? » C’est que je me vois pas vraiment me relever pour rejoindre le canapé, à la fin du film, mais je le ferais sans soucis s’il me le demande. Je voudrais pas qu’il soit mal à l’aise.